modèle économique de la transformation numérique des les
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Rapport à madame la ministre de l’enseignement
supérieur, de la recherche et de l’innovation
Modèle économique de la transformation numérique des formations dans les établissements d’enseignement supérieur
n° 2019‐094 ‐ Octobre 2019
MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE ET DE LA JEUNESSE
MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION
MINISTÈRE DE LA CULTURE
MINISTÈRE DES SPORTS
_____
Inspection générale de l’éducation,
du sport et de la recherche
Modèle économique de la transformation numérique
des formations
dans les établissements d’enseignement supérieur
Octobre 2019
Éric PIMMEL
Maryelle GIRARDEY‐MAILLARD
Émilie‐Pauline GALLIE
Inspecteurs généraux de l’éducation,
du sport et de la recherche
SOMMAIRE
SYNTHÈSE ........................................................................................................................................ 1
Liste des recommandations ............................................................................................................. 4
Introduction .................................................................................................................................... 6
1. Des visées et des stratégies d’établissements variées .............................................................. 7
1.1. Des transformations dictées par des contraintes et des opportunités ..................................... 7
1.2. De nombreux outils pour la mise en place de la stratégie numérique ...................................... 8
1.3. Une mise en œuvre de la stratégie variable selon les établissements .................................... 10
1.4. Des résistances culturelles, psychologiques et juridiques à lever pour construire le modèle économique ........................................................................................................................................... 11
1.4.1. Les nouvelles pratiques pédagogiques modifient directement le rôle et la posture de l’enseignant . 12
1.4.2. Des résistances d’ordre psychologique .............................................................................................. 12
1.4.3. Les contraintes juridiques de propriété intellectuelle......................................................................... 13
2. La transformation pédagogique et numérique : des investissements et des coûts significatifs qui sont encore peu évalués .......................................................................................................... 15
2.1. Des investissements en équipements qui pèsent notamment pour les établissements plus modestes ............................................................................................................................................... 15
2.1.1. Les infrastructures .............................................................................................................................. 15
2.1.2. Des adaptations immobilières ............................................................................................................ 16
2.2. La reconnaissance de la charge de travail des enseignants : le poids du service horaire d’enseignement et les avancées récentes ............................................................................................ 17
2.2.1. Sous un vocable commun de transformation numérique, la variété de modalités de cours et de supports rend difficile l’application d’un référentiel national d’équivalence des heures ................................... 18
2.2.2. Des modalités variables selon les établissements qui interrogent le service statutaire d’enseignement des enseignants ....................................................................................................................... 20
2.3. L’environnement des enseignants : une transformation essentielle au succès de la stratégie numérique des formations .................................................................................................................... 22
2.3.1. Le soutien à l’enseignement : le rôle croissant des services d’appuis à la pédagogie ........................ 22
2.3.2. L’évolution des fonctions support : une transformation des métiers qui nécessitent de nouvelles compétences ...................................................................................................................................................... 24
2.3.3. Les systèmes d’information ................................................................................................................ 26
3. Le modèle économique : développement de nouvelles ressources et/ou redéploiement de moyens ? ....................................................................................................................................... 28
3.1. Un fond d’amorçage jugé nécessaire pour la transformation numérique .............................. 28
3.2. Le développement de nouvelles recettes pour financer la transformation numérique : un espoir revu à la baisse ........................................................................................................................... 29
3.3. La transformation numérique conduit à des redéploiements de moyens .............................. 30
3.4. La mutualisation et la mise en commun des ressources : une solution ? ................................ 32
3.4.1. La mise en commun des ressources numériques produites au sein de l’établissement : une pratique qui peine à se développer ................................................................................................................................... 33
3.4.2. La mutualisation des ressources entre établissements : un objectif contraignant qui n’a pas atteint sa cible ........................................................................................................................................................... 34
3.4.3. Le développement des MOOCs peut‐il s’insérer dans une stratégie de transformation pédagogique de l’établissement ? ........................................................................................................................................... 38
3.4.4. L’appel à projets du fonds de modernisation de l’action publique et la construction de formations à distance interuniversitaires : une proposition de modèle économique novateur, flexible mais ne s’appuyant que sur la réduction des coûts directs ................................................................................................................ 40
Scénarios et conclusion ................................................................................................................. 44
Annexes ........................................................................................................................................ 49
1
SYNTHÈSE
La mission intitulée « modèle économique de la transformation numérique des formations » s’inscrit dans le prolongement de deux rapports de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) portant sur les innovations pédagogiques et numériques1. La transformation de la pédagogie à l’aide du numérique est perçue par les universités françaises comme un moyen permettant de répondre aux différents enjeux auxquels elles sont confrontées. Ces derniers portent, notamment, sur la croissance et la diversité de leurs effectifs étudiants, la concurrence nationale et internationale, l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur dans les territoires et l’augmentation des coûts, dans un contexte budgétaire contraint.
Les nouvelles pratiques pédagogiques prennent des formes très variées dans les établissements d’enseignement supérieur qui portent une stratégie de transformation numérique de leurs formations. Il peut s’agir de ressources pédagogiques largement mises à disposition en ligne, de travaux pratiques numérisés, de tests ou quizz permettant à l’étudiant de se positionner et de vérifier ses connaissances, de « badges » valorisant les compétences, de l’usage des analyses de l’apprentissage, etc.
Ces innovations, le plus souvent issues d’initiatives émanant de petites équipes pionnières, peinent à se diffuser. Dès lors, se pose la question du modèle économique qui permettra leur passage à l’échelle et leur pérennisation.
Passer de l’expérimentation menée par des enseignants ou par des équipes à un développement à l’échelle de l’établissement pose la question de la méthode à adopter pour mettre en œuvre cette stratégie. Certaines universités et écoles se sont inscrites dans un processus assez contraignant adopté par leurs différentes instances. Cependant, de façon générale, les communautés enseignantes doivent être convaincues d’accepter le changement pour développer des pédagogies nouvelles. Cette stratégie de transformation numérique des formations génère en effet des résistances qui se rencontrent aussi bien chez les enseignants que chez les étudiants. Ces derniers craignent que la réduction du temps consacré au face à face pédagogique se traduise par une diminution de la qualité de l’enseignement ou par une surcharge de travail. Pour les enseignants, les résistances peuvent être d’ordre psychologique puisque ces nouvelles pratiques changent en profondeur leur posture et leur rôle traditionnels. Ils craignent également que les contenus de leurs cours en format numérique leur échappent quand ils sont déposés sur une plateforme, même si celle‐ci n’est en principe pas accessible en dehors de leur établissement. Pour réduire ces appréhensions, un nombre important de personnes et de groupes travaillent dans les établissements sur les enjeux liés à la propriété intellectuelle.
La transformation pédagogique et numérique suppose des investissements et des équipements coûteux qui peuvent se trouver très vite dépassés en fonction des évolutions rapides de la technologie. Les besoins en stockage, en connectivité et en débit nécessitent des solutions de partage, les investissements ne pouvant plus être portés par chaque établissement isolément. Les aménagements immobiliers doivent également être conçus en fonction de la transformation numérique des formations, en amont de tout investissement mais, globalement, cette réflexion n’est actuellement pas suffisamment développée.
De même, hors investissements, l’analyse des coûts supportés par l’établissement au titre la transformation numérique n’a pas été faite par les universités visitées. Se pose à ce titre la question de la reconnaissance et de la rémunération de la charge de travail des enseignants lorsqu’ils construisent, actualisent ou animent des formations numériques. Le référentiel national permettant d’harmoniser les équivalences horaires entre les différentes activités de formation réalisées par un enseignant‐chercheur donne des grandes lignes mais reste assez peu opérationnel pour établir l’équivalence entre les heures en présentiel et les heures d’enseignement à distance. Au final, chaque établissement a élaboré et adopté son propre référentiel, plus ou moins généreux et incitatif selon sa stratégie et ses objectifs. Dans ce contexte il est très difficile d’identifier un coût de l’heure à distance, et, plus généralement, de la transformation numérique des formations.
1 Rapport n° 2016‐032, Les universités numériques thématiques, mai 2016 et rapport n° 2018‐049 Les innovations pédagogiques
numériques et la transformation des établissements d’enseignement supérieur, juin 2018.
2
Certains établissements privés ou étrangers engagés dans la transformation numérique de leurs enseignements ont adopté des dispositifs qui facilitent l’investissement pédagogique des enseignants. Le service annuel de l’enseignant peut être défini en tenant compte de la charge étudiante, du poids des ECTS2 pour la discipline et/ou de la nature de l’innovation projetée. Plus globalement, dans cette période de transformation, il est important de réinterroger le modèle actuel de décompte du service des enseignants qui était adapté à un découpage de l’activité en cours magistraux, travaux dirigés et travaux pratiques mais qui n’offre plus la souplesse nécessaire pour inventer / explorer de nouvelles manières d’enseigner avec les outils du numérique.
Par ailleurs, le passage à l’échelle des initiatives de transformation numérique des formations est conditionné par le développement des services d’appui à la pédagogie innovante qui accompagnent des enseignants pour concevoir et scénariser des ressources en ligne de qualité. Les fonctions support des établissements devront également évoluer vers une transformation des métiers qui nécessitent de nouvelles compétences dans les services en charge de l’informatique, de la scolarité et de la logistique.
Quatre sources de financement possibles ont été identifiées, aucune n’étant, à ce stade, exclusive des autres.
Il apparaît tout d’abord qu’un fond d’amorçage est jugé indispensable pour initier un processus d’innovation : Il s’agit le plus souvent des appels à projets externes notamment via le programme d’investissements d’avenir (PIA).
Le développement de nouvelles ressources propres, tirées notamment de l’activité de formation continue ou liées aux certificats délivrés dans le cadre des MOOCs3 pourrait constituer une voie de développement de ressources nouvelles. Cependant, ces activités, du fait du faible développement de la certification, ne génèrent pas, pour l’heure, les ressources escomptées.
Dès lors, c’est plutôt dans le redéploiement des moyens et dans la synergie entre les différentes activités qu’il faut rechercher les conditions de la pérennisation de la transformation des pratiques. Cette réorganisation des moyens consiste notamment à réduire le volume horaire des cours magistraux, à modifier les manières d’enseigner (hybridation, classes inversées…) et à répartir différemment les heures de cours, voire d’autres ressources, comme les locaux par exemple. Les économies potentielles doivent être chiffrées par les établissements qui devront, pour ne pas se voir reprocher de dégrader les conditions d’enseignement, redéployer ces montants dans les équipements ou le développement de contenus pédagogiques.
La mutualisation et la mise en commun des ressources est une autre piste d’autant plus intéressantes que le coût de la production numérique est important. Plusieurs formes de mutualisation peuvent être envisagées. Elles peuvent être opérées en interne à un établissement par la conception et/ou la mise en commun de ressources pédagogiques. Les résistances culturelles autour de ces possibilités en sont les freins principaux.
La mutualisation par l’utilisation de ressources externes via les huit universités numériques thématiques (UNT), créées dans cet objectif, constitue une des voies potentielles. Elle se heurte à plusieurs difficultés. Les ressources mises à disposition sont essentiellement des parcours complets, qui ne correspondent pas aux besoins des enseignants quand ils construisent leur cours. De plus, et c’est l’un des principaux freins, ces ressources sont peu ou mal indexées. De ce fait, les enseignants ne trouvent pas aisément les éléments qu’ils recherchent. Enfin, il apparaît que les processus de contrôle de la qualité des ressources mises à disposition et de leurs mises à jour sont perfectibles.
La création de MOOC Campus offre également de nouvelles perspectives en permettant aux établissements d’intégrer les ressources qu’ils ont produites ou qui ont été produites par d’autres équipes dans les parcours de leurs étudiants ou en complément de leurs parcours.
2 European credit transfer scale (système européen de transfert et d'accumulation de crédits).
3 Massive open online courses (cours en ligne ouvert et massif).
3
Au‐delà de la mutualisation des ressources, c’est sur la mutualisation des formations qu’est fondé le projet « Parcours Flexibles en Licence » présenté par la mission de la pédagogie et du numérique pour l'enseignement supérieur (MIPNES / DGESIP) au deuxième appel à projets du fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) et financé à hauteur de 12,4 M€ sur trois ans. Ce modèle s'appuie sur une formation partiellement hybridée, accompagnée d'un tutorat pédagogique et méthodologique et combinant les bénéfices des outils numériques et de l'enseignement en présentiel. Les établissements candidats à l’appel à projets auront l’obligation de s’associer via un consortium, et donc de s’accorder sur l’intégralité du contenu de la formation. Cet appel à projets nécessitera de s’appuyer sur une plateforme nationale mutualisée pour que chaque établissement du consortium soit en mesure de mettre à disposition de ses étudiants l’ensemble des productions constitutives du parcours de formation construit en commun.
Les visites des établissements d’enseignement supérieur ont mis en évidence qu’il n’y avait pas à proprement parler de modèles économiques globaux de la transformation numérique des formations dans ces établissements. Toutefois, les différentes expériences observées permettent d’envisager des pistes pour construire un modèle spécifique soutenable et s’insérant dans le modèle global de l’établissement. La mission a retenu quatre scénarios qui peuvent se combiner :
– l’hybridation d’une année de licence ou le passage au tout numérique ;
– la transformation numérique partielle de la pédagogie de l’établissement ;
– la co‐modalité pour répondre aux contraintes ponctuelles des étudiants ;
– les MOOCS comme enjeu de visibilité et de transformation.
La mission a également identifié un certain nombre de bonnes pratiques au cours de ses visites dans les établissements, qu’elles soient au bénéfice des étudiants, utiles dans un objectif d’accélération des transformations ou d’incitation des enseignants.
Mais au‐delà des bonnes pratiques, plusieurs mesures sont de nature à favoriser et encourager le développement et l’intégration, dans une stratégie d’établissement, de la transformation pédagogique et numérique. Ces mesures font l’objet des onze recommandations qui suivent.
4
Liste des recommandations
Recommandation 1 : Du fait d’un nombre important de personnes et groupes travaillant dans les établissements sur la propriété intellectuelle et ses implications sur la production de ressources numériques, il est recommandé au MESRI de publier un guide qui d’une part, récapitule la législation, la règlementation, les risques juridiques et les bonnes pratiques et d’autre part, propose des fiches opérationnelles et des contrats types.
Recommandation 2 : Sensibiliser / former les enseignants, producteurs de ressources en ligne, au respect de la propriété intellectuelle relative aux éléments intégrés dans leurs cours afin de réduire les risques potentiels de contentieux.
Recommandation 3 : Initier et encourager via notamment le contrat de plan État‐Région ainsi que les appels à projets, les solutions de partage concernant toutes les infrastructures numériques (Datacenter, plateformes applicatives, plateformes collaboratives, stockage, calcul).
Recommandation 4 : Associer à la stratégie des établissements en matière de transformation numérique des enseignements une réflexion prospective sur ses impacts immobiliers et une estimation des coûts des investissements et des équipements nécessaires ainsi que des économies de fonctionnement potentielles.
Recommandation 5 : Transformer les modalités de décompte des obligations de service d’enseignement des enseignants en nombre de cours et selon la charge étudiante pour proposer davantage de souplesse et favoriser les innovations pédagogiques.
Recommandation 6 : Mettre à profit la modification de l’organisation du service des enseignants que la mission recommande pour instaurer un dispositif de valorisation de l’enseignement et des innovations pédagogiques, dont le corolaire est le développement d’une évaluation des enseignements.
Recommandation 7 : La transformation numérique doit être accompagnée par des mesures de gestion des ressources humaines dédiées aux personnels administratifs et techniques des universités. Il s’agit en particulier :
– d’assouplir les fiches de poste REFERENS en intégrant les nouveaux métiers et en permettant notamment des polyvalences en introduisant les possibilités de majeure / mineure ;
– de modéliser dans la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences des établissements le besoin en nouvelles compétences ;
– de mettre en place un programme de formation permettant aux personnels en place d’acquérir et d’actualiser les compétences requises par la transformation pédagogique numérique.
Recommandation 8 : L’AMUE devra mettre en place un dispositif d’accompagnement des établissements pour assurer le succès du déploiement de PC‐Scol tout en établissant un argumentaire fiable sur les avantages des applications en modes SaaS qui permet de réduire les coûts et de dégager des moyens sur la numérisation des contenus.
Pour cela, l’AMUE peut/doit mener différentes actions :
– réduire les délais de développement et d’implantation dans l’ensemble des établissements ;
– mettre en place un accompagnement à la conduite du changement préalable dans tous les établissements qui se doteront de PC‐Scol pour les aider à repenser l’organisation de la fonction scolarité ;
– veiller à mobiliser les moyens nécessaires pour la mise en place d’un dispositif d’intégration et d’accompagnement à chaque phase de déploiement de PC‐Scol ;
– initier une étude la plus précise possible du coût complet des systèmes d’information, à comparer avec une simulation du coût de la mise en œuvre d’une ou plusieurs applications en mode SaaS ;
– utiliser le levier de la redevance pour inciter les établissements à acquérir PC‐Scol en mode SaaS.
5
Recommandation 9 : Inciter les UNT à s’inscrire dans la réflexion entamée par UNISCIEL et à proposer des productions élaborées de manière plus collaborative et sous forme de contenus granulaires facilement partageables et échangeables entre les auteurs et les équipes pédagogiques.
Recommandation 10 : Soutenir l’indexation des ressources pédagogiques mises à dispositions par les UNT : une disposition identique doit être mise en place au sein des établissements sous peine d’être incapable de répondre aux besoins des utilisateurs.
Recommandation 11 : Inciter l’université numérique qui associe les huit UNT françaises à porter une réflexion sur l’harmonisation des tarifs.
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Introduction
La mission intitulée « modèle économique de la transformation numérique des formations » figure au programme de travail des inspections générales de l’année universitaire 2018‐2019 dans le cadre des missions relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Le sujet de la transformation numérique des formations s’inscrit dans un contexte d’évolution de l’université française confrontée à des demandes et des enjeux majeurs, ouverts sur plusieurs fronts :
– un enjeu de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur avec une croissance du nombre des étudiants de niveau et d’origine sociale très hétérogènes ;
– une concurrence nationale et internationale pour attirer les meilleurs étudiants ;
– une volonté de déployer l’accès à l’enseignement supérieur en dehors des grandes métropoles universitaires ;
– une tension budgétaire réelle malgré la sanctuarisation des financements de l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation (ESRI) et les financements extrabudgétaires issus des programmes d’investissements d’avenir fléchés sur ces thématiques ;
– une croissance des coûts, notamment de rémunération.
La transformation numérique se situe au carrefour de ces différents enjeux : les établissements sont soumis en effet à deux types de pression, transformer leur pédagogie et offrir des formations à des effectifs étudiants plus nombreux et plus hétérogènes dans un contexte économique contraint.
Ces deux injonctions, qui peuvent paraître contradictoires à bien des égards, trouvent en partie leurs réponses dans des stratégies d’établissements qui s’appuient sur le numérique.
La présente mission s’inscrit dans le prolongement de deux rapports de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) portant sur les innovations pédagogiques et numériques.
Un premier rapport datant de 20164 portait sur les universités numériques thématiques (UNT). Après avoir mis en perspective les évolutions technologiques et pédagogiques au niveau international, celui‐ci concluait à la nécessité de mutualiser et de partager les risques en définissant une stratégie nationale pour le numérique, centrée sur la production de ressources et appuyée sur des acteurs dédiés, le modèle des UNT lui paraissant correspondre à cet objectif.
Un second rapport de l’IGAENR5, remis en 2018 à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, a montré l’extrême diversité du champ de la transformation numérique et pédagogique et son caractère systémique. « Les universités sont en effet engagées dans une réforme profonde qui touche à leur cœur de métier et qui, au‐delà de la nécessaire adhésion des communautés impliquées, impacte l’ensemble de l’organisation universitaire, la politique de GRH6 des enseignants, des enseignants‐chercheurs comme des personnels administratifs, la structuration administrative7 ».
Mais cette transformation profonde conduit à s’interroger sur le modèle économique qui permettra, dans les établissements d’enseignement supérieur, le développement de nouvelles pratiques pédagogiques, leur passage à l’échelle et leur pérennisation.
Dans son acception classique, un modèle économique explicite, généralement pour une entreprise, l'origine et le partage de la valeur ajoutée dégagée par celle‐ci. Appliquée aux établissements d’enseignement supérieur, la définition du modèle économique retenue par la mission porte sur l’origine
4 Rapport n° 2016‐032, Les universités numériques thématiques, mai 2016.
5 Rapport n° 2018‐049, Les innovations pédagogiques numériques et la transformation des établissements d’enseignement
supérieur, juin 2018. 6 Gestion des ressources humaines.
7 Ibid.
7
des ressources dont ceux‐ci disposent, et l’utilisation efficiente de ces ressources pour remplir leurs missions et singulièrement leurs missions de formation.
Il s’agira ici d’examiner l’impact de la transformation numérique des formations sur le modèle économique s’appliquant à la mission de formation et les transformations éventuelles qui peuvent y être apportées.
Les initiatives de transformation pédagogique sont très diverses : le présent rapport a choisi de mettre en évidence les plus significatives d’entre elles. Leur développement au sein des établissements, lorsque les initiatives dépassent le cercle de quelques équipes pionnières ou de façon plus large lorsque les innovations pédagogiques sont l’expression d’une stratégie d’établissement, remet en question les modèles économiques traditionnels et oblige à penser de nouvelles formes d’organisation et de fonctionnement selon plusieurs scénarios suivant la nature des transformations et les objectifs poursuivis.
La mission a analysé la documentation disponible sur les transformations numériques des formations dans les établissements d’enseignement supérieur. Elle a appuyé sa réflexion sur de nombreux entretiens réalisés dans des établissements de taille et de statut différents sélectionnés en raison de leur dynamisme sur ces questions : des universités publiques (université Grenoble Alpes (UGA), de La Rochelle, d’Angers, de Caen et de Lorraine), une université privée (université catholique de Lille) et des écoles d’ingénieurs (EPF8, Institut Mines‐Télécom (IMT) et CentraleSupélec). Elle a également rencontré des acteurs de l’écosystème du numérique comme les responsables de la MIPNES9, de FUN‐MOOC10, du CNED11 et d’universités numériques thématiques. Enfin, elle a confronté les éléments observés à des expériences étrangères en menant des entretiens avec des membres de l’université catholique de Louvain, de l’école polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et de l’université Laval au Québec.
Dans une approche qui se veut délibérément opérationnelle, le présent rapport s’interroge sur l’existence d’un modèle économique qui permettrait aux établissements de pérenniser une transformation jusqu’ici largement financée par des financements externes dédiés. Il comprend trois parties :
– la première partie tente de cerner les motivations qui ont poussé les établissements à faire de la transformation numérique un élément prioritaire de leur stratégie et la nature des innovations les plus significatives qu’ils promeuvent ;
– la deuxième partie examine les coûts et les contraintes statutaires et techniques qui pèsent sur la stratégie de transformation numérique ;
– enfin, la dernière partie vise à identifier, à partir des nombreuses initiatives des établissements rencontrées par la mission, les principaux facteurs constitutifs des nouveaux modèles économiques.
1. Des visées et des stratégies d’établissements variées
1.1. Des transformations dictées par des contraintes et des opportunités
Un nombre croissant d’acteurs de l’enseignement supérieur partage aujourd’hui la conviction que le numérique peut être l’un des leviers de l’amélioration de la qualité pédagogique des enseignements. Nonobstant cette appréciation partagée, l’innovation pédagogique reste encore concentrée sur un nombre réduit d’équipes.
Bien souvent, c’est seulement lorsque l’établissement rencontre des contraintes ou des pressions fortes ou lorsque les appels à projets lui offrent des opportunités que celui‐ci parvient à dépasser le stade du foisonnement des initiatives individuelles et à mettre en œuvre une véritable transformation numérique.
Il est intéressant de noter à cet égard que le numérique n’est alors pas promu comme une fin en soi mais est utilisé comme un moyen pour mieux répondre à des contraintes existantes ou comme un moyen de
8 Anciennement École Polytechnique Féminine : devenue école d’ingénieur mixte, l’école n’a gardé que ses initiales.
9 Mission de la pédagogie et du numérique pour l'enseignement supérieur.
10 France université numérique Massive open online course (cours en ligne ouvert et massif).
11 Centre national de l’enseignement à distance.
8
proposer des solutions innovantes à de nouvelles préoccupations. Il est, dans la majorité des cas, associé à des innovations pédagogiques. La visite de plusieurs universités ou écoles en pointe sur ces questions a permis de dégager les principaux objectifs des transformations numériques observées. Les établissements se fixent généralement une combinaison d’objectifs sans tous les retenir :
– gérer la croissance des effectifs, à moyens constants ;
– adapter la formation pour des publics à besoins spécifiques ;
– améliorer les conditions d’études et l’égalité entre les étudiants ;
– garantir la réussite d’étudiants de niveaux et d’origines hétérogènes et mettre en place des parcours adaptés personnalisés ;
– se différencier et accroître sa visibilité dans un monde universitaire concurrent à l’échelle nationale et internationale ;
– favoriser l’acquisition par les étudiants des compétences transversales (soft skills)12 en particulier l’autonomie, le travail en équipe, etc.,
– outiller les étudiants avec les systèmes et procédés numériques qui constituent aujourd’hui et constitueront demain leur environnement professionnel et personnel et augmenter leur adaptabilité.
La plupart des interlocuteurs rencontrés en est convaincue : les pratiques professionnelles sont bouleversées par les technologies numériques qui évoluent à grande vitesse. Il appartient donc aux établissements d’enseignement supérieur de développer les compétences recherchées par les futurs employeurs et d’adapter les compétences des étudiants à un monde dont les évolutions seront très rapides et difficiles à anticiper. L’idée est que le transfert traditionnel de connaissances assuré par l’enseignant ne suffit plus. La valeur ajoutée de la présence physique en cours magistral va se réduire et l’interactivité se substituer au savoir descendant.
Cette liste d’objectifs affichés par les établissements d’enseignement supérieur montre la diversité des stratégies qu’ils poursuivent, le numérique apparaissant comme un outil, un levier ou une réponse pertinente aux objectifs qu’ils se fixent.
1.2. De nombreux outils pour la mise en place de la stratégie numérique
Alors que les nouvelles technologies d’information et de communication ont longtemps été vues comme des outils d’enrichissement des cours en présentiel, la transformation numérique actuelle donne la possibilité de changer radicalement le modèle traditionnel de transmission de connaissances dont le cours magistral constituait le pilier majeur. L’introduction du numérique, présent partout, permettant l’accès de tous à toutes les connaissances, vient interroger les modèles pédagogiques et les croyances les mieux ancrées et, de ce fait, interroge le modèle organisationnel des universités.
Si les innovations pédagogiques ne sont pas toutes numériques, l’accès facilité des étudiants aux ressources et la capacité de traitement individualisé en sont cependant des apports importants, observés dans de nombreuses situations dont la mission a répertorié les dispositifs les plus caractéristiques.
– Des ressources pédagogiques largement mises à disposition de l’étudiant
L’enseignement présentiel et l’enseignement à distance ont longtemps été considérés comme des modalités alternatives. L’un des apports de l’outil numérique est de rapprocher les deux mondes en proposant aux formations en présentiel des formes d’enseignement hybrides, c’est‐à‐dire mixant les cours en présentiel et à distance, et aux formations à distances de s’éloigner des solutions anciennes d’envoi de documents papier en déposant sur des plateformes virtuelles des supports numériques sous différents formats (texte, vidéo, son, questionnaire évolutif).
Ces ressources, aussi complètes qu’elles soient, ne se suffisent pas à elles‐mêmes. En effet, les acteurs rencontrés par la mission soulignent que les ressources en ligne ne sont efficaces que si celles‐ci sont
12 Compétences non techniques, qualités humaines et relationnelles.
9
accompagnées. L’enseignement digital ne prend toute sa valeur qu’à la condition d’être complété par un accompagnement en « présentiel ». C’est pourquoi, la plupart des formations à distance sont assorties de forum ou d’aide en ligne sur lesquels l’étudiant peut poser des questions – certains établissements s’engageant sur un délai de réponse – ou comportent des séquences de regroupement en présentiel.
– Des travaux pratiques numérisés
La numérisation ne s’applique pas uniquement aux cours magistraux. Les travaux pratiques (TP) peuvent également être organisés sous des formes nouvelles.
À titre d’exemple, CentraleSupélec développe des TP virtuels dans quasiment toutes les disciplines ; ces dispositifs ne concernent d’ailleurs pas que les disciplines de l’ingénierie. Ainsi, l’université d’Angers a mis au point une plateforme d’expérimentation animale virtuelle qui offre aux étudiants concernés la possibilité d’avoir accès virtuellement à une animalerie et un laboratoire et d’y effectuer toutes les activités d’analyse : préparer un animal, lui injecter des médicaments ou des molécules et étudier ses réactions. Cette plateforme, qui se substitue en partie aux expériences sur les animaux, permet également d’optimiser le temps de formation en évitant les manipulations et les préparations tout en répondant aux aspirations de la société de limitation de l’expérimentation animale. En outre, chaque étudiant développe davantage ses compétences individuelles car il doit réaliser l’intégralité de l’expérience alors que lors d’un TP utilisant des animaux vivants, les participants se répartissent généralement les tâches.
– Le positionnement de l’étudiant à travers des tests et des enseignements différenciés
Ce type de dispositif pédagogique est fréquemment utilisé pour s’assurer de la compréhension des ressources numériques, différencier la pédagogie et augmenter la réussite.
Toujours à l’université d’Angers, les 1 500 étudiants de première année inscrits à la faculté des sciences et à la faculté des lettres, langues et sciences humaines13 bénéficient de la différenciation pédagogique en expression écrite et orale (DIPEEO). Les étudiants repérés comme étant les plus avancés travailleront en autonomie, à distance, à partir de capsules14 numériques pendant que les plus fragiles continueront à venir en cours dans des groupes à effectifs moins importants avec un soutien enseignant plus individualisé.
L’université de Lorraine a adopté ce même dispositif pour plusieurs de ces modules, notamment pour des remises à niveau en mathématiques.
Enfin, plusieurs responsables d’établissement prévoient d’anticiper la réforme du baccalauréat qui pourrait se traduire par une hétérogénéité accrue du niveau des étudiants dans certaines disciplines. Ils misent sur le numérique pour accompagner la diversité des étudiants et homogénéiser les connaissances des nouveaux arrivants qui n’auront pas nécessairement suivi les mêmes cours ni assimilé toutes les connaissances requises.
Dans les nombreuses formations hybrides proposées par les établissements, les étudiants eux‐mêmes utilisent les quizz et les outils d’autoévaluation à leur disposition pour vérifier qu’ils ont bien assimilé les connaissances. Dans le cas contraire, ils peuvent revoir la capsule vidéo ou relire la fiche correspondant à la partie du cours concernée. Dans certains cas, la réussite au quizz conditionne l’ouverture d’une nouvelle séquence.
– L’utilisation des « badges » pour valoriser les compétences
L’acquisition de compétences, notamment transversales (dite également douces) et leur reconnaissance sont un enjeu pour de nombreux établissements visités par la mission. Ainsi, l’université de Caen travaille avec la plateforme « Open badge factory »15. Le site internet de l’établissement explique son investissement dans ce type de dispositif dans une rubrique consacrée à l’innovation pédagogique : « Les open badges : un outil au service de la reconnaissance des apprentissages ». « Un badge ouvert (open
13 À l’exception des inscrits en LEA.
14 Une « capsule vidéo pédagogique » est un « clip » vidéo qui permet d’accéder à une connaissance de façon multimédia : on peut
y trouver des images, des diapos, une personne qui parle, des personnes qui agissent, du texte… 15 Outil mis en place par la fondation Mozilla.
10
badge) est un fichier qui se présente sous la forme d’une image et qui embarque un certain nombre de données : identité de la structure émettrice, nom et prénom de la personne qui le reçoit, compétences qu’il atteste16, conditions de son attribution, date d’émission et parfois même date d’expiration. Les données sont certifiées par l’émetteur et sont vérifiables, ce qui permet d’en garantir la fiabilité »17.
– L’utilisation des analyses de l’apprentissage (« learning analytics ») permet à l’équipe pédagogique de suivre le cheminement de l’étudiant dans son processus d’acquisition des connaissances et des compétences
Le rapport précité de l’IGAENR18 montrait que l’usage des analyses de l’apprentissage était encore peu développé en France alors que de nombreuses universités nord‐américaines ont adopté des solutions de ce type depuis plus d’une dizaine années et font état, depuis, de taux de réussite globaux supérieurs d’environ quatre à cinq points.
Quelques universités françaises, retenues dans le cadre de l’appel à projets « nouveaux cursus universitaires » (NCU) ont indiqué leur volonté de s’appuyer sur des outils d’analyse de l’apprentissage19.
Dans le cas de DIPEEO (cf. supra), les étudiants en autonomie sont suivis par les traces qu’ils laissent en ligne. Si au bout de deux séances, l’étudiant ne s’est pas connecté, il lui est demandé de réintégrer le cours en présentiel.
Cependant, ces dispositifs requièrent de la part des établissements qui les mettent en œuvre des précautions lors de la collecte des traces numériques des apprenants et nécessitent de se conformer aux règles du règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD)20.
Ces innovations numériques et technologiques génèrent deux nouveaux types de questions : l’une concerne leur appropriation au niveau de l’établissement et l’autre les conséquences organisationnelles qu’elles entraînent.
1.3. Une mise en œuvre de la stratégie variable selon les établissements
Passer du stade de l’expérimentation par quelques personnes à un développement étendu à tout ou partie des formations de l’établissement pose la question des modalités de prise de décision. Une stratégie de développement de pédagogies numériques ne peut être élaborée qu’à la condition de convaincre les communautés enseignantes d’accepter le changement.
Certaines universités et écoles se sont néanmoins inscrites dans un processus plus contraignant adopté par les différentes instances de l’établissement. Ainsi à l’EPF, structure de droit privée, la direction a pris la décision de mettre en ligne un certain nombre d’enseignements. Convaincue du caractère inéluctable de ces mutations, elle a créé une structure d’appui, a réussi à motiver une partie de ses enseignants pour une réduction des heures en présentiel au profit de ressources de formation en ligne et a développé une plateforme pédagogique utilisée par les étudiants en auto‐formation. Elle compte sur l’effet d’entraînement d’un groupe pionnier (au départ, dix‐sept enseignants volontaires) pour encourager davantage d’enseignants à transformer leurs cours.
16 Exemples : capacités relationnelles, communication, équipier, citoyen, meneur…
17 Isabelle Duchatelle, vice‐présidente déléguée aux transformations pédagogiques et numériques.
18 Rapport n° 2018‐049, Les innovations pédagogiques numériques et la transformation des établissements d’enseignement
supérieur, juin 2018. 19 Le rapport n° 2018‐049 cite notamment : université d’Auvergne (Mon pass pro), université de Lorraine, université de Paris Saclay
(Rythm), université de Montpellier (Licences à rythme), université Paris sciences lettres (école professionnelle), université Sorbonne Paris Cité (Do it yourself), Staps Toulouse, Paris 12 (Ma licence : du projet au mode maker), université de Lyon Nouveaux cursus@UdL, université de Bretagne Loire et université de Bretagne occidentale (Modulab). 20 La réforme RGPG poursuit notamment deux objectifs :
– renforcer les droits des personnes, notamment par la création d’un droit à la portabilité des données personnelles et de dispositions propres aux personnes mineures ;
– responsabiliser les acteurs traitant des données (responsables de traitement et sous‐traitants). Ces objectifs se traduisent par des règles étroites de consentement éclairé, de portabilité des données, de droit à réparation des
dommages matériels et moral, d’obligation de mener des études d’impact pour tous les traitements de données sensibles. La désignation d’un délégué à la protection des données est une obligation.
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À l’université de La Rochelle, c’est une décision du conseil d’administration qui impose d’inscrire une partie du volume horaire des diplômes dans des dispositifs pédagogiques innovants. Ces dispositifs appelés « temps étudiant accompagné » (TEA) peuvent prendre la forme de cours inversés21, de démarches projet22, d’enseignements numériques, etc.
Toutefois, dans la majorité des établissements visités par la mission, les responsables ont insisté sur l’importance d’expliquer les raisons du changement de pédagogies, de donner du sens, d’accompagner l’innovation. Imposer ces transformations de façon autoritaire ne fonctionne pas.
Les transformations des cursus de deux facultés grenobloises, STAPS23 et médecine, à l’inverse, ont été réalisées sous l’impulsion des enseignants eux‐mêmes avec un appui important des doyens parce qu’ils étaient confrontés à des contraintes fortes d’accueil des étudiants, et non via la présidence de l’université. Cette dynamique, pourtant couronnée de succès dans les deux composantes concernées, n’a cependant pas encore essaimé dans les autres composantes, ce qui suscite tout de même des interrogations.
Encadré 1 : Une transformation numérique qui s’inscrit dans une stratégie beaucoup plus large d’amélioration de la pédagogie
L’université d’Angers a mis en place depuis septembre 2016 un dispositif de compagnonnage. Tous les nouveaux enseignants qui arrivent sont accompagnés pendant un an par un collègue volontaire qui va les aider en matière de pratique pédagogique, et, le cas échéant, sur l’utilisation des outils numériques. À terme, les accompagnés ont vocation à devenir compagnons. La valorisation de l’engagement des enseignants et enseignants-chercheurs en matière de transformation des enseignements passe également par la publication. Les universitaires sont encouragés à publier sur leurs innovations pédagogiques qui doivent être considérées comme des objets de recherche. L’établissement vise également à créer une communauté de pratiques par l’opération « fenêtre sur cours » mise en place en janvier 2017. Les professeurs ouvrent certains de leurs cours à la visite. Les visiteurs peuvent être d’autres enseignants, des doctorants, des BIATSS24… Cette expérience permet des échanges sur la gestion des cours et sur les pratiques pédagogiques.
La mise en place de dispositifs de diffusion des innovations développées est un facteur important d’essaimage. C’est la conviction de l’université catholique de Louvain qui organise, tous les deux ans, une journée de valorisation des projets d’innovation pédagogique. Un comité de suivi des projets, composé d’enseignants‐chercheurs d’autres facultés, a également été créé dans la perspective d’une diffusion des bonnes pratiques. L’université cherche aujourd’hui à donner davantage d’importance aux nouvelles formes pédagogiques en passant d’un financement de projets qui visent à améliorer un cours, à des projets visant une modification d’un programme de cours dans son ensemble.
1.4. Des résistances culturelles, psychologiques et juridiques à lever pour construire le modèle économique
La mise en œuvre d’une stratégie de transformation numérique des formations génère, dans tous les cas étudiés, des résistances qui se rencontrent aussi bien chez les enseignants que chez les étudiants et dont les réponses ont des implications économiques. Pour les enseignants, les résistances peuvent être d’ordre psychologique mais les enjeux liés à la propriété intellectuelle constituent également un des éléments essentiels à ces transformations.
21 La classe inversée est une approche pédagogique qui inverse la nature des activités d'apprentissage en cours et en autonomie.
Autrement dit, les étudiants doivent impérativement étudier leurs cours chez eux. Ce n'est plus l'enseignant qui apporte des connaissances, mais il aidera l’étudiant pour la compréhension des notions importantes et aura plus de temps pour suivre ses étudiants au cas par cas.
22 La pédagogie de projet est une pratique de pédagogie active qui permet de générer des apprentissages à travers la réalisation
d'une production concrète. Le projet peut être individuel ou collectif. 23 Sciences et techniques des activités physiques et sportives.
24 Personnels de bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, de service et de santé.
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1.4.1. Les nouvelles pratiques pédagogiques modifient directement le rôle et la posture de l’enseignant
La transformation numérique de l’enseignement a un impact direct sur la question du face‐à‐face pédagogique. La présence de l’enseignant prend des formes diverses :
– à distance mais en temps réel grâce aux outils de visioconférence ou de forum ;
– en temps différé grâce aux ressources d’enseignement vidéo ou « podcast » déposées sur des plateformes ainsi que les réponses aux questions ;
– en permettant à un enseignant de suivre en temps réel des travaux exécutés par des groupes différents sur des objets également différents ;
– sous forme hybride, en mixant les temps de face à face physique et les temps de formation à distance.
La classe inversée est l’un des aspects que revêt fréquemment la transformation numérique. L’étudiant travaille sur les ressources mises en ligne à sa disposition en amont. Le temps de présence en face‐à‐face avec l’enseignant est ensuite consacré à approfondir les notions, notamment les plus complexes et à lever les incompréhensions. Cette forme de pédagogie amène à un changement de posture à deux niveaux. « Dans la relation à l’étudiant tout d’abord, elle conduit les apprenants à être plus proactifs. Les espaces d’échanges (chats, forums) permettent, quant à eux, de s’extraire de la salle de cours et contribueraient à "modifier le jugement des étudiants sur le prof"25 ».
« En termes de rôle, l’enseignant devient un tuteur, un coach. On attend de lui d’écouter, d’engager vers la voie de la réflexion et de la réflexivité, de guider vers les bonnes ressources, de fédérer les opinions exprimées, de donner du sens aux propos des étudiants, de favoriser le partage de connaissances entre étudiants. Il devient donc un "animateur du savoir" et un "manager d’apprenants" »26.
La construction du cours peut également être confiée aux étudiants : il s’agit du concept de classe renversée. Les étudiants sont alors accompagnés par le professeur qui les guide et les réoriente, le cas échéant. À l’EPF, les étudiants aident à élaborer des ressources pédagogiques, en construisant notamment les vidéos sur la base d’un cahier des charges défini par les enseignants.
De la même façon, l’évaluation des compétences peut être réalisée par les pairs, plutôt que par les enseignants. À l’IAE27 de Caen, sont constitués des groupes de dix étudiants qui se notent entre eux sur la base d’une grille élaborée par l’enseignant.
Toutes ces initiatives demandent un investissement important de la part de l’enseignant, qui doit accepter de changer de posture, et de la part des étudiants dont la charge de travail initiale est accrue. Elles ont également des conséquences sur l’organisation globale des formations.
1.4.2. Des résistances d’ordre psychologique
Chez les enseignants, la réticence est souvent une des expressions de la résistance au changement.
Les professeurs sont attachés au face‐à‐face pédagogique et conçoivent leurs cours pour leurs propres étudiants et non pour d’autres enseignants. Or, l’usage du numérique dans les nouvelles formes de pédagogie les conduit à utiliser et à mutualiser des ressources préexistantes et à inciter les étudiants à travailler sur ce que d’autres enseignants ont produits.
Certains enseignants craignent également que le développement des ressources numériques ne serve de prétexte à une diminution des moyens.
L’acceptabilité des ressources pédagogiques est favorisée lorsqu’elles sont co‐créées après une conférence de consensus, comme c’est le cas en médecine à Grenoble.
Pour lever ces freins, les établissements mettent en place des dispositifs d’accompagnement :
25 Sarah Alves the conversation 11 mars 2019.
26 Ibid.
27 Institut d’administration des entreprises.
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– des services d’appui à la pédagogie rapprochés des services informatiques et numériques, chargés de sensibiliser les enseignants au renforcement de la pédagogie numérique et innovante et de donner du sens au numérique ;
– des formations des nouveaux arrivants ;
– des journées pédagogiques organisées pour présenter des initiatives, réussies ou en échec.
Les étudiants doivent aussi être convaincus. Lorsque la pédagogie active se traduit par une diminution des heures en face‐à‐face, ils ont tendance à la percevoir comme une formation au rabais. Afin de lutter contre ces réticences, le service des pédagogies innovantes (SPI) de l’université de La Rochelle associe les étudiants aux réflexions dans le cadre de journées pédagogiques.
De même, pour répondre aux étudiants qui craignent que trop de cours dispensés dans une pédagogie différente accroisse leur charge de travail, l’université catholique de Louvain a confié à la commission de programme, la coordination des enseignements pour éviter les surcharges. Dans le même souci, les équipes pédagogiques de l’UFR STAPS de l’université de Grenoble s’assurent de ne pas mettre trop de ressources à disposition des étudiants.
1.4.3. Les contraintes juridiques de propriété intellectuelle
La question de la propriété intellectuelle et de l’usage qui sera fait des ressources numériques a été souvent évoquée au cours des entretiens menés par la mission et constitue un frein à leur développement. Les auteurs craignent que leurs cours leur échappent quand ils sont déposés sur une plateforme, même si celle‐ci est fermée. Certaines ressources ont été retrouvées sur internet alors qu’elles n’avaient pas vocation à être diffusées à l’extérieur de l’établissement.
La question de la propriété intellectuelle se pose sous deux formes, celle de la propriété des ressources produites et celle des emprunts.
1.4.3.1 La propriété des ressources produites et la possibilité pour l’établissement d’en disposer librement et de les exploiter
Tous les établissements visités par la mission, sans exception, sont préoccupés par les questions et les risques liés à la propriété intellectuelle, dans un contexte où la circulation des ressources produites peut être instantanée et très large.
Chacun, en ce qui le concerne, tente de se protéger des risques juridiques liés à la propriété intellectuelle. Ainsi, le référent FUN28 de la COMUE29 UGA a rédigé une note intitulée MOOC et propriété intellectuelle qui apporte des éléments concernant les titulaires des droits moraux et patrimoniaux des MOOCs produits sous l’égide de la COMUE et sur la sécurisation de la pérennisation de l’exploitation de ces MOOCs. L’IAE de Caen fait signer des contrats de commande et de cession pluriannuelle des droits d’auteurs de ressources en ligne (cf. annexe 2).
Le CNED signe avec ses auteurs un contrat comportant des clauses de cession de droits développées sur le périmètre d’utilisation et la réutilisation des contenus. En effet, un auteur doit être rémunéré en fonction de l’utilisation de son œuvre. Le choix du CNED est de rémunérer les auteurs forfaitairement car il lui est difficile d’identifier le volume d’utilisation des cours. Avant le développement du numérique, chaque auteur concevait un fascicule papier et disposait de la propriété intellectuelle afférente. Maintenant le principe retenu est de confier aux auteurs la conception de briques qui s’intègrent dans une œuvre multimédia conçue comme une œuvre collective30. Dans ce cas, c’est le CNED, producteur, qui est titulaire
28 France université numérique.
29 Communauté d’universités et établissements.
30 Est dite collective (Article L. 113‐2 CPI) l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la
divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé. L'œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée (Article L. 113‐5 CPI). Cette personne est investie des droits de l'auteur. (cf. note COMUE UGA – Romain Laurent, référent FUN de la COMUE).
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de la totalité des droits. La rémunération est opérée en fonction du degré d’exclusivité consenti par l’auteur au CNED. Si l’auteur souhaite réutiliser sa production pour d’autres organismes, sa rémunération sera inférieure.
Recommandation 1 : Du fait d’un nombre important de personnes et groupes travaillant dans les établissements sur la propriété intellectuelle et ses implications sur la production de ressources numériques, il est recommandé au MESRI de publier un guide qui d’une part, récapitule la législation, la règlementation, les risques juridiques et les bonnes pratiques et d’autre part, propose des fiches opérationnelles et des contrats types.
1.4.3.2 La question des emprunts
Cette dernière problématique est peu posée au sein des établissements d’enseignement supérieur visités par la mission alors qu’elle est une préoccupation importante des universités nord‐américaines31. Pour élaborer leurs cours ou leurs ressources numériques, les enseignants ont souvent recours à des notions, tableaux ou schémas développés par d’autres auteurs et qu’ils intègrent à leur propre production, de façon plus ou moins visible.
Ils doivent cependant respecter la propriété intellectuelle relative aux éléments intégrés dans leur cours, ce qui suppose d’obtenir au préalable l'autorisation de l'auteur. L’université de Nantes est un des rares établissements à y avoir sensibilisé ses équipes. Ainsi, le site intitulé « développer votre pédagogie avec l’université de Nantes »32 contient une fiche « je cite mes sources » qui récapitule les précautions à prendre par les enseignants en la matière.
Le CNED s’est organisé autour de la question des emprunts. Dans les contrats signés avec les enseignants, figure une déclaration obligatoire d’emprunts dans laquelle l’auteur déclare tous les éléments qu’il a intégrés. Au vu de cette déclaration, des gestionnaires d’emprunts font une demande de droits. Si l’auteur ou les ayants droits refusent ou ne répondent pas, cet emprunt doit être exclu. Les délais de plus en plus courts pour la production des ressources constituent une difficulté croissante. Les auteurs sont placés devant l’incertitude d’obtenir ou non des droits et auront des difficultés à y substituer autre chose en cas de refus ou d’absence de réponse.
La déclaration d’emprunt exonère en principe l’établissement de sa responsabilité sur ce point.
Un service « propriété intellectuelle » intervient dans chacun des sites du CNED. Les gestionnaires d’emprunt ne font pas une analyse juridique des risques, cette dernière étant de la responsabilité d’un service implanté au siège. Ils collectent les déclarations d’emprunt et envoient des courriers pour demander les droits. Ils sont indépendants des services de formation.
Par ailleurs, une annexe au contrat signé entre le CNED et l’auteur indique les sources à privilégier pour les emprunts (galeries d’images, réunion des musées nationaux etc.). Le CNED dispose d’une base de données des droits qu’il a déjà acquis. Les auteurs peuvent librement y recourir. L’établissement envisage par ailleurs de lancer un marché pour acheter des banques d’images.
Recommandation 2 : Sensibiliser / former les enseignants, producteurs de ressources en ligne, au respect de la propriété intellectuelle relative aux éléments intégrés dans leurs cours afin de réduire les risques potentiels de contentieux.
31 Colin de la Higuera Journées IGAENR à l’UNESCO.
32 https://cdp.univ‐nantes.fr/
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2. La transformation pédagogique et numérique : des investissements et des coûts significatifs qui sont encore peu évalués
2.1. Des investissements en équipements qui pèsent notamment pour les établissements plus modestes
Le numérique c’est d’abord une technologie qui met en jeu :
– des fermes de serveurs ;
– des plateformes techniques et des ingénieurs pour en assurer le fonctionnement ;
– un réseau accessible par tous, en tous lieux et à toute heure.
Le niveau d’équipement requis est donc important. Cependant, les coûts d’infrastructure ne constituent pas toujours un obstacle car le périmètre du numérique couvre, dans l’université, un champ plus large qui englobe la pédagogie, les systèmes d’information et les réseaux mais aussi la recherche et la gestion.
Aujourd’hui, ces différents champs sont traités par les universités dans le cadre d’un schéma directeur pluriannuel qui structure la mise en œuvre de la stratégie numérique locale, l’inscrit dans une cohérence globale et dans une programmation financière.
Il faut cependant noter que la technologie évolue très vite : doivent être prises en compte les évolutions de la recherche, de la technologie et des usages. La remise en question est perpétuelle. Les interfaces tendent à être de plus en plus simples (utilisation des téléphones mobiles, des tablettes). Or dans les faits, plus l’interface est d’usage aisé pour l’utilisateur, plus la technologie sur laquelle elle s’appuie est complexe et coûteuse.
Concernant l’innovation pédagogique, l’accent est mis sur plusieurs dimensions avec un impact financier variable.
2.1.1. Les infrastructures
Les infrastructures (Datacenter, plateformes applicatives, plateformes collaboratives, stockage, calcul) sont principalement dimensionnées pour répondre aux besoins de la recherche ;les besoins pour la formation, moindres, trouvent en principe une réponse sans investissements complémentaires majeurs.
Néanmoins, le développement des usages du numérique entraîne une croissance exponentielle des besoins en stockage, en connectivité et en débit qui se traduisent déjà et se traduiront de plus en plus par des investissements lourds qui ne peuvent plus être portés par chaque établissement individuellement. Les solutions de partage, concernant notamment les infrastructures de stockage, existent et constituent indiscutablement la solution mais restent cependant encore timides, les acteurs des établissements étant peu enclins à ne pas disposer de leurs équipements propres.
L’État a lancé en 2017 un appel à projets pour favoriser l’émergence d’un data center unique dans chaque région. Deux structures ont ainsi été labellisées, l’une en Bourgogne‐Franche‐Comté, l’autre en région Provence‐Alpes‐Côte d'Azur (PACA). La région Auvergne‐Rhône‐Alpes est également très avancée.
Une deuxième vague d’appel à projets devrait intervenir rapidement et des financements pourraient être obtenus via le prochain contrat de plan État‐Région (CPER) après 2020 ou un prochain appel à projet du PIA concernant les équipements structurants.
D’ores et déjà, des réflexions sont en cours sur plusieurs sites ; c’est le cas par exemple sur le plateau de Saclay ou en région Nouvelle Aquitaine.
La question de la connectivité est également majeure : certains établissements de taille plus modeste ou lorsqu’ils sont situés en dehors des grandes métropoles qui ne sont pas sièges d’un nœud Renater, sont déjà en difficulté pour l’accès au réseau. C’est le cas de l’université de La Rochelle qui doit faire appel à un opérateur privé pour assurer la liaison entre le nœud Renater situé à Poitiers et le site de La Rochelle. Le débit actuel qui lui est fourni est insuffisant et un passage à un niveau supérieur se traduirait par des coûts que l’université estime ne pas pouvoir supporter.
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Enfin, les accès au numérique et notamment le wifi33 à haute densité, constituent encore un enjeu important dans tous les établissements. Compte tenu de la nature des ressources, comportant de plus en plus souvent des documents vidéo, le débit du réseau wifi doit être suffisamment dimensionné pour permettre un accès rapide à ces ressources.
L’investissement actuel, pour assurer et maintenir un réseau wifi à très haut débit aujourd’hui indispensable pour la formation comme pour la recherche, déployé sur l’ensemble du campus, correspond à un investissement total de l’ordre de 5 M€ dans le cas de l’université de Caen ou d’un investissement annuel d’environ 200 K€ selon les estimations de l’université d’Angers.
Recommandation 3 : Initier et encourager via notamment le contrat de plan État‐Région ainsi que les appels à projets, les solutions de partage concernant toutes les infrastructures numériques (Datacenter, plateformes applicatives, plateformes collaboratives, stockage, calcul).
2.1.2. Des adaptations immobilières
L’adaptation des locaux doit répondre à l’évolution des pratiques pédagogiques qui privilégient notamment les travaux de groupes et l’apprentissage par projets. Il est nécessaire de prévoir l’aménagement des biens immobiliers en fonction de la transformation numérique des formations, en amont de tout investissement, qu’il s’agisse d’une construction, d’une rénovation ou d’aménagements de bâtiments existants.
Cette stratégie immobilière en lien avec la stratégie pédagogique et globale de l’établissement a été observée par la mission dans le cas de CentraleSupélec34. La fusion des deux écoles a donné lieu à une réflexion pédagogique sur l’élaboration d’un nouveau cursus et à la construction d’un campus35 sur le plateau de Saclay. Les évolutions des enseignements et des apprentissages et la place de plus en plus importante du numérique ont été au cœur de la conception de ces locaux.
En dehors de ce cas très spécifique, la mission a plutôt constaté au cours de ses visites d’établissements que les stratégies immobilières étaient indépendantes, ou en retrait et souvent envisagées bien après que des innovations pédagogiques aient été engagées. Les établissements rencontrent notamment des difficultés à répondre à plusieurs questions.
Doit‐on réduire les surfaces destinées à la formation ?
L’idée que la valeur ajoutée de la présence physique des étudiants dans les bâtiments se réduit progressivement est assez partagée. Le plus souvent les étudiants concernés par la transformation numérique des enseignements sont présents moins longtemps dans les locaux. Cependant, lorsqu’ils sont là, ils ont besoin de se réunir, y compris de façon informelle, pour mener à bien les projets collaboratifs, notamment.
À l’inverse, loin d’être pensés comme des lieux de passage, les nouveaux bâtiments de CentraleSupélec ont été conçus pour que les élèves y restent pour travailler.
Quels types de locaux, quels aménagements sont nécessaires aux nouveaux usages et pour quelle durée ?
La pertinence de conserver, voire de construire des amphithéâtres de grande capacité, se pose. Plutôt que des cours magistraux, les nouvelles pratiques pédagogiques privilégient le développement d’enseignements en groupes nécessitant des salles de petite taille. L’université de Caen qui réhabilite actuellement plusieurs bâtiments a fait le choix de réduire la capacité de ses amphithéâtres au profit de salles petites et moyennes équipées de wifi haute densité et de grandes salles d’examen munies de cloisons amovibles.
33 Wireless Fidelity (connexion sans fil à internet).
34 Établissement issu de la fusion en 2015 entre Supélec et l'École centrale Paris.
35 73 000 m² construits (bâtiments Eiffel et Bouygues).
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Cependant, dans certaines filières, la pédagogie choisie ou la mutualisation d’enseignements de plusieurs parcours amènent des effectifs plus importants qui peuvent justifier l’utilisation d’un amphithéâtre. Le nouveau bâtiment de CentraleSupélec (4 300 étudiants) comprend ainsi un auditorium sécable de 970 places et plusieurs petits amphithéâtres d’une capacité allant de 50 à 120 places. Par ailleurs, toutes les salles sont multi‐usages et il existe de nombreux petits espaces où des groupes peuvent se réunir, y compris la nuit.
Concernant l’équipement des bâtiments, les établissements doivent arbitrer entre des demandes variées et quelquefois coûteuses des équipes pédagogiques tout en ayant conscience des évolutions très rapides de la technologie qui vont de pair avec une obsolescence tout aussi rapide. La pertinence des demandes d’équipements (murs interactifs, audiovisuel, mobilier mobile…) est quelquefois difficile à évaluer. Les étudiants doivent également pouvoir brancher leur ordinateur, ce qui nécessite de nombreuses prises électriques dans les salles. Afin d’éviter des travaux électriques coûteux dans ses locaux, l’UGA expérimente actuellement des casiers sécurisés permettant aux étudiants de recharger leurs batteries en dehors des salles de cours.
Les enjeux immobiliers sont d’autant plus importants que de nombreux enseignants, voire des composantes, restent attachés à une pédagogie traditionnelle, souhaitant donc, lors des consultations sur la rénovation des bâtiments, une reconstruction à l’identique des amphithéâtres. Or il semble qu’il y ait une volonté stratégique de plus en plus importante des présidents d’établissement de se saisir des atouts du numérique et une adhésion croissante des enseignants, notamment des nouveaux recrutés, à ces questions. Les délais longs des projets immobiliers risquent alors de conduire à la livraison de bâtiments inadaptés alors que les pratiques auront encore évolué.
Globalement la réflexion des établissements sur l’impact immobilier de la transformation numérique des enseignements, en termes d’évolutivité des locaux et de coûts n’est pas actuellement suffisamment développée.
Recommandation 4 : Associer à la stratégie des établissements en matière de transformation numérique des enseignements une réflexion prospective sur ses impacts immobiliers et une estimation des coûts des investissements et des équipements nécessaires ainsi que des économies de fonctionnement potentielles.
2.2. La reconnaissance de la charge de travail des enseignants : le poids du service horaire d’enseignement et les avancées récentes
Les pratiques numériques couvrent un vaste champ allant de l’élaboration de nouveaux modèles pédagogiques utilisant le numérique à la production de ressources numériques ou la mise en œuvre d’outils connectés36. De ce fait, les coûts liés à ces différentes pratiques ne sont pas tous de même nature.
Une publication de l’institut Montaigne37 notait à juste titre que « la préparation d’un cours en ligne constitue un investissement en temps non moins important que celui consacré à un cours traditionnel en présentiel. […] Il existe jusqu’à aujourd’hui un certain nombre de questions pendantes. Comment décompter dans son service le temps passé par l’enseignant à la réalisation d’un contenu en ligne ? La question se pose d’autant plus que des contenus généraux multi‐usages peuvent être fabriqués, qui connaissent ensuite une diversité d’application : SPOC38 complémentaire d’un MOOC, travaux dirigés, séminaires de recherche, sessions de formation continue, etc. »
Pour autant, l’analyse des coûts supportés par l’établissement au titre de l’innovation pédagogique et plus spécifiquement de la transformation numérique n’a pas été faite par les universités visitées. Même lorsque celle‐ci est clairement identifiée dans les référentiels métiers des enseignants‐chercheurs, son impact
36 Les ressources pédagogiques sont mises à disposition des étudiants à travers une plateforme pédagogique (ou LMS : Learning
management system). Celle‐ci est utilisée par les enseignants pour partager avec les étudiants des contenus de cours. Selon les cas, il peut s’agir des supports de cours, de vidéos, d’exercices, de documentation complémentaire, etc.
37 Enseignement supérieur et numérique : connectez‐vous ! Juin 2017.
38 Small private online course (formation en ligne ouverte à un nombre limité de participants).
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financier est peu évalué. Une des raisons qui pourraient expliquer cette carence est que la formation étant une des missions des universités, les modalités de sa réalisation ne sont pas évaluées spécifiquement. De ce fait, leurs coûts n’apparaissent pas séparément des autres activités de formation.
Pourtant, il est important de traiter la question cruciale des équivalences horaires, dont découleront les coûts de ces formations. En effet, une part importante des coûts de production des ressources concerne la prise en compte de la charge d’enseignement : rémunérations additionnelles ou rémunérations sous forme de décharges de service, pour les producteurs de ressources, pour les séances de tutorat, et pour l’accompagnement des initiatives par des ingénieurs de formation dans le cadre de services d’appui (centre de nouvelles pédagogies, cellule d’appui aux enseignements, services universitaires de pédagogie, etc.) (cf. infra).
Un des enjeux majeurs pour mesurer le coût de la transformation numérique est de répondre à la question suivante : à quelle hauteur rémunérer les enseignements numériques ? La discussion s’inscrit dans le cadre des dispositions régissant les obligations de service des enseignants‐chercheurs et enseignants. En effet, leur statut, hors médecine, prévoit que « le temps de travail pris en compte pour déterminer des équivalences horaires est le temps de travail applicable dans la fonction publique d'État, soit 1 607 heures de travail effectif. Il est composé pour moitié d'une activité d'enseignement correspondant à 128 heures de cours magistral ou 192 heures de travaux dirigés ou pratiques et pour moitié d'une activité de recherche »39. Il est donc nécessaire de s’assurer que l’enseignant‐chercheur assure son quota d’heures d’enseignement40.
L’option la plus simple serait de considérer qu’une heure de cours à distance équivaut à une heure de cours magistral. Toutefois, comme cela a déjà été précisé, la variété de modalités de transformation des différentes activités réalisées dans le cadre de la numérisation des formations observée rend cette règle difficilement applicable.
2.2.1. Sous un vocable commun de transformation numérique, la variété de modalités de cours et de supports rend difficile l’application d’un référentiel national d’équivalence des heures
Le référentiel national des heures des enseignants‐chercheurs41 établi pour harmoniser les équivalences horaires entre les différentes activités de formation réalisées par un enseignant‐chercheur laisse une grande marge de manœuvre aux établissements et ne permet pas d’apporter une réponse précise sur les équivalences d’heures dans le cas des transformations pédagogiques ou de l’usage du numérique en cours. À titre d’exemple, il prévoit pour l’élaboration et la mise en ligne d’un module d’enseignement ou de formation, sans tâches directes liées à l’assistance et l’évaluation des étudiants, un forfait d’heures identique à l’équivalent en nombre d’heures d’enseignement présentiel. Une telle équivalence ne reconnait pas le fait que la conception d’un cours en ligne peut être plus chronophage que la production d’un cours en face à face. Par ailleurs, la dimension pédagogique diffère entre un cours en présentiel et un cours à distance. Par exemple, un cours en support numérique ne bénéficie pas des interactions entre les étudiants et les professeurs qui sont riches d’enseignement mais qui ralentissent de fait l’avancement du cours en tant que tel. Ces interactions ne sont pas comptabilisables et prévisibles. Enfin, le décalage entre l’investissement initial nécessaire à l’élaboration et la production d’un cours et la transmission de celui‐ci les années suivantes est encore plus important pour un cours à distance que pour un cours en présentiel. En effet, le cours en présentiel est dispensé par l’enseignant à chaque séquence. Ce n’est pas le cas pour le cours en distanciel qui peut être diffusé en dehors de la présence de l’enseignant. Les enseignements s’appuyant fortement sur le numérique doivent être envisagés dans une perspective pluriannuelle pour prendre en compte les différents temps d’investissement.
39 Proposition de référentiel établie en application du II de l’article 7 du décret n° 84‐431 du 6 juin 1984 modifié.
40 Le nombre annuel d’heures d’enseignement pour les enseignants certifiés et agrégés (PCERT / PRAG) est de 384 heures. La
problématique reste la même. 41 Idem note 33.
19
Tableau 1 : Proposition de référentiel national établie en application du II de l’article 7 du décret n° 84‐431
du 6 juin 1984 modifié (extrait)
Source : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020974583
De plus, une heure de cours numérisée n’est pas nécessairement comparable à une heure en présentiel selon son degré de sophistication :
– certains établissements ont fait le choix de mettre en ligne des documents PDF faiblement enrichis ou des podcasts enregistrés pendant une séance de cours ;
– dans d’autres établissements, le cours est scénarisé et accompagné de tests. Il peut également permettre des échanges entre pairs voire avec l’enseignant lui‐même ou avec des tuteurs.
C’est probablement pourquoi le référentiel prévoit aussi pour la conception et le développement d’enseignements nouveaux ou de pratiques pédagogiques innovantes, un forfait modulable selon la nature de l’activité innovante concernée.
Au‐delà de la production de ressources, le suivi des étudiants s’avère primordial pour leur réussite. Or, le suivi individualisé que permet le numérique conduit à un encadrement très différent d’un étudiant à l’autre, certains faisant davantage que d’autres appel à un soutien pédagogique. Le référentiel prévoit un forfait horaire par étudiant. Pour autant, est interrogé le niveau d’expertise que doit posséder la personne qui assure le suivi des étudiants. Doit‐il être réalisé par un enseignant ou par un tuteur qui pourrait être un étudiant avancé dans le cursus ?
Enfin, le système actuel du service des enseignants est basé sur la distinction cours magistraux (CM), travaux dirigés (TD), travaux pratiques (TP). Or l’usage du numérique tend à rendre cette distinction plus floue. En effet, certains enseignants intègrent des exercices de TD dans leurs cours magistraux, le numérique permettant de s’assurer que tous les étudiants participent à l’activité demandée.
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Ainsi, le référentiel national donne des grandes lignes mais reste assez peu opérationnel pour établir l’équivalence entre les heures en présentiel et les heures d’enseignement à distance. Il laisse une grande marge de manœuvre aux établissements, ce qui est avantageux en termes de souplesse mais peut s’avérer coûteux.
2.2.2. Des modalités variables selon les établissements qui interrogent le service statutaire d’enseignement des enseignants
2.2.2.1 Un référentiel pour chaque établissement, un coût global rarement évalué
L’obligation de services exprimée en heures d’enseignement, spécifique à l’enseignement supérieur public français (à l’exception des enseignants‐chercheurs hospitalo‐universitaires), a conduit chaque université à définir ses propres règles de comptabilisation de la production numérique.
Pour autant, la plupart des référentiels des heures des enseignants‐chercheurs des établissements s’inscrivent dans la logique du référentiel national et traduisent la production de ressources en ligne sous la forme d’équivalents cours en présentiel. Ainsi, selon les établissements, l’évaluation de la production de ressources en ligne varie d’une heure équivalent TD (HETD) pour une heure de ressources produites, investissement initial et actualisation – c’est le cas pour certaines productions numériques à l’EPF, à 5 HETD pour une heure produite et 1,5 HETD pour la maintenance à l’UFR STAPS de l’université de Grenoble lors du lancement de la licence hybride en 2014. L’université d’Angers a opté pour une décharge forfaitaire : pour tout cours supérieur à 30 heures, dont la pédagogie est significativement transformée, l’enseignant peut obtenir une décharge de 96 heures. Les référentiels ne sont pas encore stabilisés et les établissements les font encore évoluer. Ainsi, l’EPF a connu différentes expériences d’équivalences. L’UFR STAPS de l’UGA s’est engagée dans une réflexion qui pourrait la conduire à évaluer la charge d’enseignement en lien avec le poids d’ECTS42 apportés par le cours, un crédit ECTS correspondant à une charge de travail de 20 HETD, 30 % (soit environ six heures) étant retenus pour la mise à jour de l’ECTS.
Il convient d’observer que, dans la plupart des cas, ces différents dispositifs d’équivalence visent aussi, au‐delà de la reconnaissance du travail réalisé, à rendre plus incitatifs les changements de pédagogie.
En revanche, le plus souvent, la charge de travail liée au suivi des étudiants et à l’animation d’un forum de discussion n’est pas évaluée : les enseignants rencontrés souhaiteraient disposer d’une plus grande reconnaissance de ce temps.
Dans les faits, la comptabilisation en un nombre annuel d’heures de travail du service des enseignants‐chercheurs constitue un carcan dès lors que le travail de l’enseignant s’éloigne du face à face pédagogique. Quelques établissements ont mis en place des formules plus originales.
Pour ne pas s’écarter d’un schéma où chaque heure est décomptée, l’université de La Rochelle a mis en place une nouvelle catégorie d’heure pour valoriser le « Temps étudiant accompagné (TEA) » (cf. infra). Le TEA est inclus dans les emplois du temps des étudiants comme dans les services des enseignants. Correspondant à 20 % du temps de formation des étudiants, il est rémunéré selon une formule adoptée par le conseil d’administration et la CFVU43 mixant le nombre d’heures, le nombre d’étudiants et un coefficient de pondération selon la valeur du cours en ECTS. Cette formule de calcul permet de s’écarter de l’unité de compte du présentiel.
L’université de Caen, pour la formation continue en ligne, et le CNED, quant à eux, dissocient les activités de production du cours et les activités d’animation du cours. La production est rémunérée sous forme de droits d’auteur (cf. infra) et l’animation en heures. Toutefois, dans les deux cas, il s’agit essentiellement de cours à distance.
Au final, chaque établissement a élaboré et adopté son propre référentiel, plus ou moins généreux et incitatif selon la stratégie de l’établissement. Il en ressort qu’il est très difficile d’identifier un coût de l’heure à distance. D’ailleurs, peu d’établissements ont été en mesure de chiffrer le coût de la
42 European credits transfer system (système européen de transfert et d'accumulation de crédits).
43 Commission de la formation et de la vie universitaire.
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transformation numérique. L’université de La Rochelle estime à un tiers le surcoût généré par la transformation numérique (notamment du fait du financement du TEA). L’université d’Angers estime le coût des décharges à 500 K€ / an. Dans les deux cas, il s’agit d’estimations, sans que la mission ait pu disposer d’informations plus précises.
2.2.2.2 Des exemples de pratiques dans les établissements privés ou étrangers qui facilitent l’investissement pédagogique
Au contraire de la pratique française publique, dans certains établissements d’enseignement supérieur privés (université catholique de Lille) ou dans les établissements étrangers notamment l’université Laval, l’EPFL ou l’université de Louvain, voire les facultés de médecine, la prise en compte de l’investissement pédagogique fait l’objet d’une négociation annuelle entre le doyen et l’enseignant. Le service annuel de l’enseignant est défini en tenant compte de la charge étudiante, du poids des ECTS pour la discipline et/ou de la nature de l’innovation projetée. Ainsi, à l’université catholique de Louvain, un enseignant‐chercheur doit statutairement assurer cinq cours pendant l’année mais une réduction d’un cours est possible si celui‐ci souhaite transformer son enseignement.
Plus globalement, dans cette période de transformation, il est important de réinterroger le modèle actuel de décompte du service des enseignants qui était adapté à un découpage de l’activité en cours magistraux, travaux dirigés et travaux pratiques mais qui n’offre plus la souplesse nécessaire pour inventer / explorer de nouvelles manières d’enseigner avec les outils du numérique. Ce point avait déjà été mis en avant par le rapport déjà cité portant sur les innovations pédagogiques numériques44.
Recommandation 5 : Transformer les modalités de décompte des obligations de service d’enseignement des enseignants en nombre de cours et selon la charge étudiante pour proposer davantage de souplesse et favoriser les innovations pédagogiques.
La mission a conscience qu’il n’est pas aisé de remettre à plat le sujet des modalités de décompte des obligations de service d’enseignement et que la mise en œuvre d’une telle réflexion peut susciter de nombreuses réticences. En particulier, l’une d’elles peut être liée à la possible diminution des heures complémentaires qui constituent pour nombre d’enseignants‐chercheurs un complément de rémunération non négligeable. L’une des voies à explorer pourrait être d’utiliser la prime d’investissement pédagogique prévue pour compenser ce manque à gagner.
Un tel changement ne peut intervenir sans qu’il soit accompagné de la mise en place d’une évaluation des cours. Le premier niveau de cette évaluation peut être celle réalisée par les étudiants. Il doit être considéré comme un signal d’alerte qui pourra conduire à engager une discussion avec l’enseignant, dans une logique d’amélioration et non de sanction. C’est aujourd’hui ce qui est mis en place à l’EPFL. Il est à noter que la faculté de médecine de l’UGA pratique déjà depuis quelques années l’évaluation des cours via un questionnaire rempli par les étudiants ainsi qu’une mise à disposition de l’intégralité des cours numériques pour l’ensemble des enseignants‐chercheurs de la faculté enseignant en première année. Cet accès ouvert à tous les enseignants a permis d’améliorer la qualité des cours, via une sorte de contrôle par les pairs.
Par ailleurs, la mise en place, à l’instar de l’université catholique de Louvain, d’un dossier pédagogique de l’enseignant‐chercheur au même titre que le dossier de recherche qui servira pour les promotions et dans lequel l’enseignant‐chercheur détaille ses actions concernant ses enseignements, doit également contribuer à mettre en place certaines garanties sur une nouvelle gestion du service des enseignants et enseignants‐chercheur.
Recommandation 6 : Mettre à profit la modification de l’organisation du service des enseignants que la mission recommande pour instaurer un dispositif de valorisation de l’enseignement et des innovations pédagogiques, dont le corolaire est le développement d’une évaluation des enseignements.
44 Rapport n° 2018‐049, Les innovations pédagogiques numériques et la transformation des établissements d’enseignement
supérieur, juin 2018.
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2.3. L’environnement des enseignants : une transformation essentielle au succès de la stratégie numérique des formations
Dans son rapport publié en juin 2017 intitulé Enseignement supérieur et numérique : connectez‐vous !, l’institut Montaigne soulignait « qu’un cours réussi est un travail d’équipe : les séances en présentiel, le tutorat, l’accompagnement ne seront pas forcément réalisés par l’auteur du cours. Le professeur est amené à travailler avec des collègues, des ingénieurs pédagogiques, des concepteurs de contenus on line, etc. L’adhésion des étudiants à l’enseignement dispensé dépendra nécessairement de la qualité du cours mis en ligne, qui nécessite d’être conçu, scénarisé, développé de façon régulière ».
De l’importance et de la qualité des soutiens apportés par l’établissement dépend l’investissement consenti par les enseignants pour la transformation pédagogique.
La transformation digitale ne se conçoit pas sans un environnement performant pour accompagner les enseignants dans toutes les étapes de la conception et de la réalisation du cours, ainsi que, le cas échéant, au moment de l’intervention. Il est facile d’imaginer les conséquences d’un disfonctionnement des outils numériques pour un cours multi sites.
2.3.1. Le soutien à l’enseignement : le rôle croissant des services d’appuis à la pédagogie
La priorité pour un passage à l’échelle concerne particulièrement l’incitation et l’accompagnement des enseignants à travers principalement des services d’appui à la pédagogie innovante. Les coûts induits sont importants. Les investissements initiaux peuvent être conséquents, notamment pour le développement et la mise en service de studios de production.
Cependant, la dépense majeure concerne la rémunération d’emplois spécifiquement dédiés, et particulièrement celle d’ingénieurs pédagogiques. En effet, les ressources pédagogiques ne sont plus de simples documents PDF mis en ligne. Il s’agit d’un ensemble de ressources mixant du texte, des images et de la vidéo. Ces ressources font l’objet d’une scénarisation rigoureuse et s’imprègnent des expérimentations et des recherches pédagogiques récentes. Aux côtés de l’auteur qui produit des briques en étant guidé par un cahier des charges précis (avec des parties formatées sur les questions juridiques, les outils… et des parties individualisées par disciplines), des ingénieurs pédagogiques, réunis dans des services d’appui à la pédagogie, participent à la scénarisation et la mise en œuvre de la ressource.
Ces services se développent dans tous les établissements qui promeuvent l’innovation pédagogique et notamment dans ceux visités par la mission. Leur importance dépend des missions qui leur sont dévolues et des moyens financiers que les établissements sont en capacité d’y consacrer. Souvent développés à partir des anciennes structures dédiées aux TICE45 et aux multimédias, ces services rassemblent des ressources et des activités dédiées aux activités de formation des enseignants, à l’innovation pédagogique (dont la conception et l’utilisation de ressources numériques) mais aussi à l’aide à la mise en place de nouvelles modalités pratiques de contrôle des connaissances ou encore à l’évaluation des dispositifs. Ils sont animés souvent par un ou plusieurs enseignants et comprennent principalement des ingénieurs pédagogiques.
Ces services constituent, de fait, l’un des maillons indispensables pour tout établissement qui s’inscrit dans une stratégie d’innovation pédagogique même si cette fonction d’assistance et de conseil, voire de scénarisation de cours dont ils n’ont pas eux‐mêmes défini les contenus, n’est pas toujours bien acceptée par certains personnels enseignants qui considèrent encore l’acte pédagogique comme une activité personnelle.
Il est délicat de cerner le nombre d’ETP affectés à ces fonctions, qui peuvent couvrir des champs différents ou qui sont quelquefois intégrés à des services plus larges, direction des formations ou direction du numérique. Il convient de noter que, dans de nombreux cas, les appels à projets du PIA ont permis le recrutement d’emplois supplémentaires.
45 Technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement.
23
Encadré 2 : des services d’appui de composition variée
Le service d’appui à la pédagogie de l’université de La Rochelle (8 300 étudiants46) est constitué de dix agents dont trois dédiés à l’audiovisuel, deux au numérique et trois à la pédagogie : retenue dans le cadre de l’appel à projet Nouveaux Cursus Universitaires (NCU) avec « Open Curriculum », l’université a pu recruter deux ingénieurs supplémentaires affectés au numérique. L’université de Lorraine (58 900 étudiants) dispose de deux services, un service usage du numérique et un service universitaire des pédagogies. Ces services accompagnent les composantes dans la transformation des pratiques pédagogiques : sept ingénieurs sont affectés à la pédagogie numérique et quatre à cinq à la formation. À l’université d’Angers (22 800 étudiants), l’accompagnement à la pédagogie est intégré à la direction du développement du numérique laquelle regroupe l’ensemble des activités liées au numérique (y compris le réseau, le développement des applications et l’assistance et moyens informatiques). Sont affectés au champ de l’accompagnement pédagogique, près d’une quinzaine d’ETP dont trois financés dans le cadre du PIA. À l’université catholique de Louvain (30 000 étudiants), le service d’appui à la pédagogie (Louvain learning lab) comprend dix ingénieurs de formation exclusivement affectés à l’accompagnement pédagogique (pratique, innovation) et à l’évaluation des enseignements : un service distinct est dédié aux MOOCs. La direction du campus numérique de l’université catholique de Lille (32 000 étudiants47) comprend douze
emplois dont sept appariteurs multimédia, 1 emploi de data protection officer48 et quatre ETP affectés au service à l’usager. À l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL, 12 000 étudiants), le service principalement dédié au développement des MOOCs comprend deux ingénieurs pédagogiques, cinq ingénieurs vidéo, trois techniciens et deux ingénieurs dédiés à l’analyse des apprentissages. Un dernier exemple concerne l’université Grenoble-Alpes (45 000 étudiants) qui s’appuie sur plusieurs services, la DAPI (direction d’appui à la pédagogie et à l’innovation) qui comprend neuf BIATSS et quinze enseignants, PERFORM Grenoble INP (dix personnes – un AI49, quatre IE50, quatre PRAG51, un PR) ; à ces
services s’ajoutent des moyens additionnels provenant de l’IDEX52 (sept ingénieurs pédagogiques) affectés aux projets, qui remplissent quatre grandes missions : accompagner la communauté universitaire dans son développement pédagogique, accompagner les projets d’amélioration de la qualité pédagogique ou de transformation pédagogique, assurer un support au développement des pédagogies numériques et préparer les établissements aux grandes mutations de la pédagogie universitaire.
La composition et le dimensionnement des services d’appui diffèrent donc fortement d’un établissement à
l’autre, même pour des établissements de taille similaire. Pour le vice‐président numérique de l’université
d’Angers, la cible idéale serait d’un ingénieur pédagogique pour 800 à 1 000 étudiants.
Historiquement, les ingénieurs pédagogiques étaient généralement issus du monde enseignant mais ce nouveau métier qui comporte plusieurs facettes de compétences est en pleine évolution et couvre de nombreuses spécialités : la production audiovisuelle, les pédagogies numériques, le web et le multimédia, l’accompagnement pédagogique. Plusieurs diplômes de master peuvent être préparés dans les universités sur ces différents champs professionnels.
L’expérience du CNED est intéressante à cet égard. Cet organisme est attentif à recruter de nouveaux ingénieurs pédagogiques disposant d’une expérience suffisante pour comprendre ce que sont les élèves, les programmes, etc. Les résultats sont positifs lorsque sont croisés des ingénieurs pédagogiques ayant cette formation et d’anciens experts disciplinaires.
46 Sources : data esr 2017‐2018 pour toutes les données sur le nombre d’étudiants des universités publiques françaises.
47 Source : https://www.univ‐catholille.fr/informations‐et‐chiffres‐cles
48 Délégué à la protection des données.
49 Assistant‐ingénieur.
50 Ingénieur d’étude.
51 Professeur agrégé de l'enseignement du second degré.
52 Initiatives d'excellence.
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Toutefois, le CNED emploie également des ingénieurs techno‐pédagogiques (multimédias) dont le travail est de dynamiser la scénarisation et le rendu auteur. Ce sont des compétences validées par des diplômes récents.
Aujourd’hui, les équipes d’ingénieurs pédagogiques comprennent outre d’anciens enseignants, de nombreux jeunes issus des formations citées.
2.3.2. L’évolution des fonctions support : une transformation des métiers qui nécessitent de nouvelles compétences
Les fonctions support sont distinguées des fonctions de soutien. Appliquée à l’université, la seconde catégorie inclut des fonctions venant en appui de la formation et de la recherche, telles que la documentation ou l’assistance technique en laboratoire. Les fonctions support se définissent par opposition aux fonctions soutien, elles n’appartiennent pas au cœur de métier et interviennent en « back office ».
Les fonctions support devront elles‐aussi rapidement évoluer pour répondre aux impératifs de la transformation numérique. La transition doit s’accompagner de la transformation de l’administration.
Le rapport de l’IGAENR de 2018, déjà cité53, a consacré un chapitre à cette question. Il identifie en particulier trois activités directement impactées : les services informatiques, scolarité et logistique.
Les fonctions informatiques et numériques devront évidemment rapidement évoluer en lien avec les nouvelles fonctionnalités développées grâce au numérique.
De nouvelles compétences se dessinent telles que l’indiquait le rapport : « responsable de la transformation numérique (chief digital officer), gestionnaire de données, directeur des données, Fablab / Robot manager et Brand Manager54, UX Designer55, Traffic Manager56, référenceur57, responsable de la protection de la donnée58 ».
Les métiers du développement informatique devront eux aussi évoluer. Aujourd’hui très spécialisés autour des technologies, ils devront se tourner davantage vers les usages du numérique et vers l’accompagnement des métiers : il faudra recruter des développeurs disposant d’une majeure technique mais également d’une mineure fonctionnelle. Ce type de profil est rare alors qu’il devient indispensable. Il suppose un assouplissement des BAP59 et une capacité des établissements à proposer des rémunérations attractives.
Mais les fonctions informatiques ne sont pas les seules à être touchées par la transformation numérique. Deux autres fonctions support sont particulièrement concernées par la transformation pédagogique et numérique : la gestion de la scolarité et la logistique.
« Les personnels affectés à des fonctions de gestion de la formation sont en nombre important : dans de nombreux établissements, ils représentent plus de 20 % du total des BIATSS, essentiellement en catégories C. Or la transformation pédagogique et numérique complexifie la gestion administrative ; elle
53 Rapport n° 2018‐049, Les innovations pédagogiques numériques et la transformation des établissements d’enseignement
supérieur, juin 2018, pages 47 à 52. 54 Robot manager : responsable de robot. Brand manager ou responsable de marque : gère et développe la notoriété d'une ou
plusieurs marques sur l'ensemble des medias (source : APEC). 55 L’UX designer identifie les objectifs du projet de son client et les reformule si besoin pour faire naître un concept global
améliorant l’usage fait d’un site web, d’une application mobile ou tablette, d’une borne interactive ou tout autre dispositif numérique (source : Studyrama).
56 Le Traffic Manager est le gestionnaire du trafic des sites web (source : fiche métier ELAEE).
57 Le référenceur ou search engine optimisation professional est chargé de mobiliser un ensemble de techniques pour optimiser la
visibilité d'une page web. 58 La fonction de responsable la protection des données (DPD) est instaurée par la RGPD : elle nécessite une connaissance
approfondie de l’ensemble des sujets pédagogiques et informatiques y compris pour ce qui relève de la sécurité des systèmes d’information.
59 Branches d'activité professionnelle.
25
demande des compétences accrues en termes de conception, d'analyse et de pilotage, voire de créativité »60.
En effet, à la suite de la loi ORE61 mais aussi pour répondre aux exigences de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel »62 et de l’arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence63 ainsi que sous l’impulsion des premiers établissements lauréats de l’appel à projet NCU, la transformation numérique et éducative se traduit par des propositions de transformations des cursus et une personnalisation des cursus, permettant d’acquérir un diplôme sous d’autres formes que la validation de cursus annuels sanctionnés par une note : l'inscription pourrait s’effectuer par modules, le diplôme étant obtenu lorsque l'ensemble des modules le constituant seraient acquis. De même, l’approche programme conduirait l’étudiant à valider chaque module ou chaque UE64 à partir d'une liste de compétences à acquérir et non de notes.
Les procédures de gestion administrative doivent être adaptées afin d’être notamment en capacité :
– de gérer des droits d’inscription déconnectés de l’année universitaire : par UE, par blocs de compétences ;
– de modifier le processus d’attribution des bourses pour permettre la mise en œuvre de parcours de plus en plus personnalisés ;
– d’adapter les structures d’enseignement dans le système d’information (SI) « gestion de l’étudiant » pour répondre aux contraintes pédagogiques de progression ;
– d’organiser des examens « à la carte » avec des modalités d’évaluation plus diversifiées :
o en présentiel ou à distance, avec contrôle continu intégral et deuxième chance,
o en fonction de l’avancement des étudiants.
– de gérer les emplois du temps en ayant une connaissance encore plus fine des locaux pour tenir compte des équipements nécessaires à la pédagogie mise en œuvre.
De nombreuses fonctionnalités sont aujourd’hui mises en œuvre à travers les plateformes de ressources pédagogiques LMS qui peuvent d’ailleurs être multiples dans certains établissements. En l’absence d’interfaces entre les différents systèmes, ce sont les gestionnaires de scolarité qui doivent faire le lien entre les éléments d’acquisition de compétence validés sur les plateformes et les systèmes d’information de l’établissement. Ces évolutions professionnelles devront nécessairement être accompagnées.
Il en va de même pour les fonctions logistiques. Alors que progressivement les appariteurs ont disparu des établissements, les enseignants « expriment majoritairement leur inquiétude d’avoir à gérer les aspects logistiques de l’enrichissement par le numérique ou l’hybridation tels que la mise en route des systèmes, la programmation de visioconférences, la mise à disposition des ressources. Le développement de fonctions d’appariteurs 2.0 est indispensable, sous peine de décourager ceux qui prennent le risque de la transformation »65.
Il convient de noter ainsi que l’université catholique de Lille (8 000 étudiants) consacre plus de 300 K€ à la rémunération de 6,6 appariteurs chargés du multimédia.
60 Rapport n° 2018‐049, Les innovations pédagogiques numériques et la transformation des établissements d’enseignement
supérieur, juin 2018, page 49. 61 Loi n° 2018‐166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et réussite des étudiants.
62 Loi n° 2018‐771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
63 Article 2 de l’arrêté du 30 juillet 2018 : « Dans l'objectif de réussite de tous les étudiants, et dans les conditions énoncées à
l'article L. 612‐3 du code de l'éducation, la licence favorise la personnalisation des parcours de formation et offre des dispositifs d'accompagnement pédagogique, en tenant compte de la diversité et des spécificités des publics étudiants accueillis en formation initiale et en formation continue. Ces dispositifs sont organisés pour permettre la cohérence entre, d'une part, le projet de formation de l'étudiant, ses acquis et ses compétences et, d'autre part, le parcours de formation qui lui est proposé ».
64 Unité d’enseignement.
65 Ibid.
26
Recommandation 766 : La transformation numérique doit être accompagnée par des mesures de gestion des ressources humaines dédiées aux personnels administratifs et techniques des universités. Il s’agit en particulier :
– d’assouplir les fiches de poste REFERENS en intégrant les nouveaux métiers et en permettant notamment des polyvalences en introduisant les possibilités de majeure / mineure ;
– de modéliser dans la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences des établissements le besoin en nouvelles compétences ;
– de mettre en place un programme de formation permettant aux personnels en place d’acquérir et d’actualiser les compétences requises par la transformation pédagogique numérique.
2.3.3. Les systèmes d’information
Les établissements d’enseignement supérieur utilisent majoritairement le progiciel de gestion intégré APOGEE67 pour la gestion des inscriptions administratives (frais d'inscription, sécurité sociale), des inscriptions pédagogiques (rattachement à un diplôme, à un ensemble de modules), des examens (planning, relevé de notes), pour l’aide aux jurys de semestre et d'année (aide à la délibération) et à la production des diplômes (procès‐verbaux, annexe au diplôme, etc.).
Ce progiciel, mis en service en 1995, bien qu’ayant connu des évolutions importantes depuis sa mise en exploitation – comme la réforme du LMD68, est en grande partie considéré par la communauté comme obsolète. Des groupes de travail animés par l’AMUE69, s’efforcent de trouver les solutions permettant, malgré les limites de l’outil, de répondre aux impératifs de la gestion individualisée, des parcours adaptés et/ou modulaires ou de l’approche par compétence, qui nécessitent de la part des équipes administrative des trésors d’inventivité et d’adaptation pour assurer ce suivi.
L’AMUE en partenariat avec l’association Cocktail a lancé depuis 2017, un projet de construction d’une nouvelle solution logicielle. La nouvelle application, appelée PC‐Scol, est développée dans le cadre d’une méthode de construction « agile » qui doit permettre dès 2020 la mise en service d’une première version auprès de cinq établissements.
Cette première version couvrira un champ fonctionnel permettant la modélisation de l’offre de formation en lien avec la loi ORE et le nouvel arrêté du 30 juillet 2018 déjà cité, l’inscription, les droits différenciés, la modélisation sous forme de blocs de connaissances et de compétences et le suivi des différentes modalités de contrôle de connaissances (compensation, notes seuil, nombre de session).
Le mode de construction « agile » retenu devra permettre à cette nouvelle application d’intégrer progressivement de nouvelles fonctionnalités qui viendront élargir un périmètre fonctionnel initial à raison d’une nouvelle fonctionnalité tous les trois mois.
En dépit du maintien d’une phase transitoire au cours de laquelle l’application APOGEE sera maintenue en parallèle, le déploiement de la nouvelle solution dans plus de 130 établissements qui souhaitent acquérir cette solution, constitue une vraie difficulté et un sujet d’inquiétude. En effet, l’intégration de cette nouvelle application ne peut être réduite à une question d’ordre technique. Les équipes devront être accompagnées tout au long du processus de mise en place, y compris au fur et à mesure de l’exploitation de nouvelles fonctionnalités, une réflexion sur une organisation nouvelle et préalable devra être initiée, car il s’agit avant tout pour les acteurs d’une transformation culturelle, d’un bouleversement des pratiques.
66 Reprise des recommandations déjà émise en 2018.
67 Pour « Application pour l'organisation et la gestion des enseignements et des étudiants ».
68 Licence master doctorat.
69 Agence de mutualisation des universités et établissements.
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Compte tenu des moyens mobilisés par l’AMUE, celle‐ci ne sera en capacité d’assurer l’intégration du nouveau système d’information dans des conditions satisfaisantes que par vagues de vingt‐cinq établissements par an, ce qui signifie que durant cinq ans de nombreux établissements ne disposeront pas de cette nouvelle application.
Les écoles les plus avancées, dont les effectifs sont moindres, ont déjà mis en place de nouvelles solutions. Celle qui a été retenue par CentraleSupélec70 est un logiciel existant qui a nécessité peu d’adaptations. Il permet aujourd’hui la gestion individualisée de tous ses élèves dont les choix de parcours sont régis par un algorithme conçu pour maximiser l’organisation (99 % des étudiants ont d’ailleurs obtenu leur premier choix de cours).
Cette solution a été mise en place en deux ans, en mode SaaS71, avec peu de développements spécifiques. Si l’école a investi pour cela un montant modeste, de l’ordre de 150 K€, elle a toutefois mobilisé à l’interne deux ETP ayant des compétences fonctionnelles.
La solution SaaS ou mode « service » n’a jamais été retenue à ce jour par les établissements d’enseignement supérieur publics pour leurs systèmes d’information. Elle sera proposée par l’AMUE à ses adhérents et sera expérimentée par les cinq premiers établissements qui seront équipés de PC‐Scol en 2020.
Le choix d’une solution SaaS a pu susciter des réticences notamment auprès des informaticiens. Elle pourrait pourtant être une solution d’avenir : elle permet aux établissements qui retiennent ce mode d’acquisition de réduire de façon significative le coût des systèmes d’information et de leur maintenance et d’utiliser les gains réalisés, notamment en ressources humaines, pour redéployer les personnels vers les nouveaux métiers du soutien à la pédagogie.
L’un des leviers pourrait être le montant de la redevance. Le dispositif tarifaire qui sera mis en place devra être suffisamment incitatif pour que les établissements privilégient ce mode d’acquisition.
Recommandation 8 : L’AMUE devra mettre en place un dispositif d’accompagnement des établissements pour assurer le succès du déploiement de PC‐Scol tout en établissant un argumentaire fiable sur les avantages des applications en modes SaaS qui permet de réduire les coûts et de dégager des moyens sur la numérisation des contenus.
Pour cela, l’AMUE peut/doit mener différentes actions :
– réduire les délais de développement et d’implantation dans l’ensemble des établissements ;
– mettre en place un accompagnement à la conduite du changement préalable dans tous les établissements qui se doteront de PC‐Scol pour les aider à repenser l’organisation de la fonction scolarité ;
– veiller à mobiliser les moyens nécessaires pour la mise en place d’un dispositif d’intégration et d’accompagnement à chaque phase de déploiement de PC‐Scol ;
– initier une étude la plus précise possible du coût complet des systèmes d’information, à comparer avec une simulation du coût de la mise en œuvre d’une ou plusieurs applications en mode SaaS ;
– utiliser le levier de la redevance pour inciter les établissements à acquérir PC‐Scol en mode SaaS.
70 Solution LQ1, qui équipe une cinquantaine d’écoles.
71 Le choix d’un service SaaS (Software as a Service) met à disposition des établissements les applications : ceux‐ci n’ont pas à se
soucier de les installer, d’effectuer les mises à jour, d’ajouter des patches de sécurité et d’assurer la disponibilité du service. L’établissement qui fait appel à ce service n’achète plus de licence logicielle mais s’abonne à ce logiciel. L’application est directement utilisable via le navigateur web.
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3. Le modèle économique : développement de nouvelles ressources et/ou redéploiement de moyens ?
Après avoir constaté que l’innovation pédagogique couvre des pratiques et des objectifs divers et nombreux et que le bouleversement induit nécessite une mobilisation de moyens et de ressources importante de la part des établissements, la question se pose des ressources financières dont ils disposent pour opérer ces mutations, de leur capacité à développer de nouvelles ressources et à accéder à des niches financières spécifiques ou plus simplement de leur capacité à soutenir une stratégie d’innovation pédagogique dans leur environnement financier actuel.
L’analyse des différentes expériences observées met en évidence quatre sources de financement possibles, sachant qu’à ce stade, aucune n’est exclusive des autres et que les établissements les plus avancés sont encore en phase d’expérimentation de leur modèle économique.
3.1. Un fond d’amorçage jugé nécessaire pour la transformation numérique
En France, la majorité des établissements rencontrés, et en particulier les universités publiques, considère que la transformation numérique des formations ne peut se faire sans un investissement initial important qui nécessite un financement externe. Pour ce faire, ils répondent essentiellement à des appels à projets externes notamment via le programme d’investissement d’avenir (PIA). En particulier, les projets DUNE72, IDEFI, IDEFI‐N73 ou NCU74 ont constitué une source de financement importante pouvant aller jusqu’à plusieurs millions d’euros. Les appels à projets sont alors considérés comme des fonds d’amorçage qui permettent aux établissements d’entrer dans un processus d’innovation.
Ce recours aux appels à projets tend à se généraliser. La communauté universitaire est rompue à ce type d’exercice pour la recherche. Par analogie, elle tend à considérer que l’appel à projets est un moyen de financer l’innovation pédagogique, les dotations récurrentes permettant d’assurer le fonctionnement courant.
Toutefois, le succès aux appels à projets nationaux reste très variable selon les établissements, ce qui pourrait laisser place à quelques inquiétudes concernant les capacités des établissements non lauréats à se transformer. À l’inverse, certains établissements sont aujourd’hui largement dépendants de ces appels à projets nationaux et n’envisagent pas de solution permettant de maintenir les dispositifs mis en place lorsqu’ils ne disposeront plus de ces ressources dédiées, en contradiction avec les engagements pris dans les réponses aux appels à projets (AAP). Certains expriment alors des craintes de devoir adopter une logique systématique de réponse aux appels à projets pour financer leur transformation numérique de manière pérenne.
Se pose ainsi la question de la pérennisation de la stratégie mise en place et de la nécessité de trouver d’autres sources de financement relais. Les expériences étrangères d’universités (université catholique de Louvain, université Laval à Québec) qui ont amorcé leur transformation numérique depuis plus de dix ans montrent l’importance de la pérennisation des financements pour maintenir les dispositifs mis en place et éviter de décourager les enseignants.
Au‐delà des appels à projets, il faut noter que certains établissements ont recours à d’autres formes de financement externe pour impulser leur transformation numérique. Ainsi, l’université catholique de Lille a décidé de consacrer au numérique (au sens large) 20 M€ sur cinq ans, via notamment un emprunt de 7 M€ levé en 2013, pour accompagner les évolutions dans la gestion des ressources humaines. L’université Laval, quant à elle, a institutionnalisé la transformation pédagogique dans laquelle elle investit 1 M$CA par an en s’appuyant sur les frais d’inscription, la subvention publique et les ressources de sa fondation.
72 Développement d'universités numériques expérimentales.
73 Initiatives d'excellence en formations innovantes numériques.
74 Nouveaux cursus à l'université.
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Si ce modèle de fonds d’amorçage semble très répandu, la mission a aussi constaté qu’il ne s’agit pas là d’une condition indispensable, certains établissements ayant réussi à enclencher leur transformation numérique (ou du moins une partie) sans ressources supplémentaires (cf. infra).
Ce constat conduit la mission à penser qu’au‐delà des ressources que les établissements parviennent à mobiliser pour lancer leur projet (appel à projets ou investissement), ces derniers doivent trouver de nouveaux modèles d’orientation de leurs ressources, pour pérenniser leur transformation.
3.2. Le développement de nouvelles recettes pour financer la transformation numérique : un espoir revu à la baisse
Les établissements visités ont mis en avant deux sources de financement complémentaires.
Quelques rares établissements bénéficient d’un mécénat important qui leur permet de consacrer des moyens conséquents à leur stratégie de transformation numérique. Ainsi, l’université Laval a eu recours à sa fondation (cf. supra). L’institut Mines Télécom dispose d’une enveloppe issue du mécénat qu’il affecte intégralement au développement de MOOCs à hauteur d’1 M€ par an pendant dix ans. Toutefois, en France, le mécénat est encore trop limité pour que la majorité des établissements puisse s’y appuyer pour développer leur stratégie numérique.
En revanche, le développement du numérique a fait naître des espoirs concernant le développement de la formation continue. Alors que les ressources propres tirées de la formation continue par les universités ne représentent en 2011 que 400 M€75, elle pourrait générer dans un avenir proche près d’1Md€ selon un rapport rédigé en 2015 par François Germinet76 à la demande de la ministre de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. En effet, à partir du numérique, la formation accessible à distance doit permettre de toucher un public plus large, plus éloigné géographiquement et plus diversifié. L’augmentation de la formation continue est susceptible de générer des revenus supplémentaires qui pourraient être utilisés à créer des ressources numériques de qualité, éventuellement réutilisables par la formation initiale (cf. infra).
Cette ambition s’oppose toutefois à un paradoxe, certains établissements rencontrés considérant que la formation continue étant payante, une différence de qualité avec la formation initiale devait être maintenue.
En tout état de cause, la réalité est encore loin des espérances. La formation continue reste peu développée, à l’exception de quelques rares établissements. Ainsi, CentraleSupélec présente un chiffre d’affaires annuel de 12 M€, mais ce succès n’est pas exclusivement imputable à la transformation numérique, sans qu’il ait été possible à la mission d’identifier la part qui lui revenait. De plus, il y a encore peu de connexions entre la formation continue et la formation initiale même si certaines ressources peuvent être partagées.
L’université de Caen, en grande partie grâce à l’IAE, génère un chiffre d’affaire de 6,6 M€ par an. Elle a déjà pris conscience qu’il était nécessaire d’évoluer et tente même de rapprocher davantage la formation continue et la formation initiale. En particulier, l’IAE a réussi à développer un MOOC sur les métiers de la formation, grâce à un financement issu d’un appel à projets d’un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA). Ce MOOC construit par et pour la formation professionnelle permet aujourd’hui également d’enrichir la formation initiale (cf. infra).
L’IAE de La Rochelle a développé une formation en ligne d’administration des entreprises qui se déploie en France comme à l’international. Outre les apports constatés auprès des équipes enseignantes en termes de qualité des ressources, l’IAE tente de mixer le e‐learning et la formation initiale en permettant un croisement des promotions.
75 Chiffres DARES 2011 repris par le rapport ci‐dessous.
76 Rapport de la mission confiée à François Germinet remis le 6 novembre 2015 à la ministre de l’éducation nationale, de
l’enseignement supérieur et de la recherche et au secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, Le développement de la formation continue dans les universités.
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Ces cas restent néanmoins rares en France aujourd’hui. Il faut également noter que les objectifs de financement par la formation continue ne sont pas forcément recherchés par tous les établissements. Ainsi, le modèle de l’université Laval au Québec repose sur un postulat différent de celui de la vision française puisque les frais d’inscription sont les mêmes, quel que soit le type de formation. Il n’y a donc pas, dans ce cas, de financements croisés possibles entre les deux types de formation.
Les revenus liés aux certificats délivrés dans le cadre des MOOCs pourraient aussi, à terme, constituer des ressources supplémentaires. Cependant, il faut reconnaitre que les revenus générés par les MOOCs ne sont pas non plus, à ce jour, à la hauteur des espérances. À titre d’exemple, l’IMT, dans sa réponse à l’appel à projet Idefi‐N, estimait les recettes potentielles à plus de 2,5 M€ la cinquième année du projet, année qui devait lui permettre de devenir rentable. Aujourd’hui, il réussit difficilement à récupérer de quoi financer les coûts liés à l’animation du MOOC77.
Par ailleurs, les règles de fixation des droits d’inscription en formation initiale ne permettent pas de facturer le surcoût généré par l’usage du numérique, notamment pour les examens en ligne.
Ainsi, à ce jour, aucun établissement visité n’a véritablement démontré la capacité du numérique à développer de façon significative de nouvelles ressources propres. C’est donc plutôt dans le redéploiement des moyens et dans la synergie entre les différentes activités qu’il faut rechercher les conditions de la pérennisation de la transformation des pratiques.
3.3. La transformation numérique conduit à des redéploiements de moyens
La logique des appels à projets ainsi qu’un environnement budgétaire contraint conduisent les établissements à n’envisager la transformation numérique qu’à partir de moyens additionnels. Pour autant, il apparaît aussi au travers de différentes expériences de transformation pédagogique que celles‐ci bousculent les manières d’enseigner et conduisent à une réflexion sur des redéploiements de moyens.
Le redéploiement des moyens revient, sans ressource additionnelle, à réorganiser la formation et les moyens associés pour assurer la transformation numérique. Il nécessite donc de faire des choix pour réduire éventuellement certaines activités ou du moins d’anticiper les évolutions dans les manières d’enseigner et de répartir différemment les heures de cours voire d’autres ressources, les locaux par exemple.
La mise en place de classes inversées se traduit par une réduction du nombre d’heures en face‐à‐face entre les enseignants et les étudiants. Toutefois, le modèle traditionnel de cours magistral continuant à servir de matrice pour l’évaluation de la charge enseignante, les redéploiements envisagés sont le plus souvent comptabilisés en heures de cours.
Plusieurs établissements ont fait le choix d’expérimenter une hybridation d’une partie de leurs parcours. Ainsi, en 2014, faute de capacité d’accueil suffisante compte tenu d’un taux d’occupation des salles supérieur à 95 %, l’UFR de STAPS de l’UGA a construit sa formation en première année de licence (L1) en diminuant de façon très importante les cours magistraux et les TD pour les remplacer par des cours en ligne et un tutorat proposé aux étudiants, sur la base du volontariat. Ces modalités concernent aujourd’hui l’ensemble des UE scientifiques (27 ECTS / 60) pour lesquelles la totalité des cours magistraux ont été remplacés par des ressources numériques déposées sur une plateforme accessible à tous les étudiants. Le bilan de cette transformation est très positif puisqu’elle a permis d’accueillir tous les étudiants demandeurs, sans augmentation du coût pour l’université, d’améliorer le taux de réussite et de redéployer une partie des heures gagnées vers des enseignements de L2 et de L3 (cf. encadré 4 pour un bilan complet).
77 Cette situation est confirmée et observée également par FUN‐MOOC (la plateforme française des MOOCs voir infra) à un niveau
plus général.
31
De même, la PACES de l’UGA est dispensée sous forme de classe inversée depuis 2006. Les contraintes liées au concours conduisent toutefois à des coûts additionnels générés par le financement d’un prestataire externe qui assure la maintenance de la plateforme de cours et l’organisation numérique des épreuves de concours qui sont en contrôle continu depuis la rentrée 2018. La mission n’a pu identifier si l’intégration de la plateforme dédiée de la PACES dans celle de l’UGA pourrait réduire ces coûts.
Dans le cas de l’université de La Rochelle, le dispositif de TEA a été mis en place en septembre 2018 pour des raisons pédagogiques avec le souci de ne pas accroître les coûts. Il s’agit donc bien d’une logique de redéploiement78.Il est encore trop tôt pour en faire un bilan.
L’école CentraleSupélec, quant à elle, n’a choisi ni l’hybridation ni la classe inversée comme modèle pédagogique prioritaire. En revanche, elle favorise la pédagogie par projet et développe les TP numériques qui permettent à un enseignant de suivre et piloter les travaux d’un nombre d‘étudiants beaucoup plus élevé ou d’interrompre un cours magistral pour mettre en pratique immédiatement les connaissances acquises dans le cours, dans des TP numériques. Ces derniers sont réalisés essentiellement en virtuel sur l’ordinateur personnel de l’étudiant. La distinction entre cours théorique et TP s’estompe ainsi, le TP
78 Toutefois, dans la phase d’amorçage, il semble que le TEA compte plus cher que prévu (cf. supra).
Encadré 4 : exemple de la première année de licence de STAPS à Grenoble
Chaque cours, voire chaque capsule de cours, fait l’objet de tests permettant à l’enseignant d’identifier le niveau de compréhension de chaque étudiant. Pour certaine questions, notamment lorsque le résultat des tests fait apparaître des difficultés de compréhension, les enseignants reprennent certaines parties du cours en présentiel avec les groupes répartis par niveau. Parallèlement, les travaux dirigés de sciences ont été transformés en « régulation petit groupe » (RPG), « régulation grand groupe » (RGG) et tutorats. En 2014-15, chaque étudiant bénéficiait de 60 h (36h RGG+ 24 h RPG) + 40 h potentielles de tutorat à la demande.
Après un premier bilan qui mettait en évidence une demande des étudiants de disposer de davantage d’heures en groupes restreins (RPG) et une faible utilisation des heures de tutorat, l’UFR a d’une part, rajouté 9 h de régulation (avec une modification des rapports RPG/RGG en faveur des RPG, ce qui augmente le ratio H/E) et d’autre part a organisé un dispositif incitatif de suivi du tutorat (mis en place d’un contrat pédagogique et d’un responsable enseignant).
Tableau 2 : Conséquences sur le nombre d’heures par étudiant (H /E) en L1
Année 2013 2014 2015 %
NB Étudiants 964 1 122 1 202 20
Heures <=>TD 11 743 11 224 10 779 – 8
H/E 12,18 10 8,97 – 26
Source : STAPS Grenoble
La baisse du nombre d’heures par étudiant (H/E) est essentiellement due à une augmentation des effectifs, le dispositif numérique ayant permis d’augmenter la capacité d’accueil.
L’objectif de cette transformation pédagogique était d’améliorer la réussite tout en augmentant la capacité d’accueil à moyen constant. Dans ce contexte, le numérique n’a donc pas été utilisé pour réaliser des économies mais pour accueillir un nombre plus important d’étudiants.
Le bilan après quatre années fait apparaître un taux de réussite aux examens qui a progressé de 39,7 % à 48,9 % pour un taux de décrochage qui est en diminution passant de 45,2 % à 28,3 %. Les gains horaires réalisés sur les heures de cours magistraux en présentiels ont été basculés soit sur des groupes restreints de TD ou de tutorat, soit sur des heures affectées aux niveaux supérieurs L2 et L3. Le bilan est donc positif malgré une baisse globale du ratio des heures de face à face par étudiant (H/E) de 20 %.
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pouvant se réaliser en amphithéâtre. Enfin, il faut noter que l’école reste très attachée au présentiel et cherche à le valoriser en offrant davantage de travail en groupe, en autonomie (grâce à la multiplication de nombreux espaces de travail de petite taille) tout en étant supervisé grâce aux outils numériques par un enseignant. La gestion des projets par les professeurs a également évolué : l’école est passée de projets très encadrés (un professeur pour deux élèves) à un encadrement plus collectif où un groupe d’enseignants encadre un ensemble de projets (environ quarante étudiants).
Dans les différents exemples évoqués, les moyens dégagés peuvent ainsi être redéployés sur d’autres parcours ou économisés (lorsqu’il s’agit de vacataires) : toutefois, l’économie n’est pas l’objectif principal recherché.
Enfin, les deux universités d’Angers et de Caen envisagent la transformation pédagogique comme un levier pour réduire le nombre d’heures en présentiel. Là encore, l’objectif n’est pas de faire des économies mais de rationaliser l’offre de formation et de redéployer les heures gagnées pour un meilleur accompagnement des étudiants. À titre d’exemple, l’université d’Angers a pour objectif de transformer 36 000 heures en présentiel en heures en distanciel (parcours flexible, hybride). Le modèle aujourd’hui est de financer cette transformation grâce au financement obtenu dans le cadre de l’appel à projets NCU du PIA mais, à terme, l’université espère être en mesure de redéployer certaines de ces heures pour se concentrer encore davantage sur la réussite des étudiants. Le distanciel, dans aucun des cas évoqués, ne doit se faire au détriment de la qualité des enseignements, au contraire.
Ces exemples montrent que le numérique permet de dépasser certaines difficultés (effectifs en hausse) et de promouvoir des démarches porteuses de progrès (égalité des chances ou transformation de l’offre de formation), sans pour autant mobiliser de moyens supplémentaires.
Si le numérique permet de repenser les modalités d’intervention pédagogique des enseignants et de réaffecter des heures de cours vers d’autres dispositifs de suivi et d’accompagnement des étudiants estimés plus efficaces en termes d’apprentissage, il est aussi possible de repenser l’usage du patrimoine immobilier, les étudiants étant moins présents sur site. Ainsi, l’université de Caen envisage une réduction de ses surfaces liée à l’usage du numérique dans la formation des étudiants.
Plus généralement, des bâtiments pourront ainsi être réaffectés, voire vendus permettant le cas échéant aux établissements de dégager des ressources nouvelles, variables selon qu’ils seront ou non pleinement propriétaires des biens concernés d’une part et en fonction de l’état du marché immobilier local d’autre part. La réduction des surfaces entraîne corrélativement des baisses des dépenses de fonctionnement liées aux fluides, à l’entretien et à la maintenance des bâtiments.
Ces économies potentielles doivent être prises en considération dans la réflexion sur les apports du numérique dans la pédagogie. Elles doivent être chiffrées par les établissements qui devront, pour ne pas être accusés de dégrader les conditions d’enseignement, redéployer ces montants dans les équipements ou le développement de contenus pédagogiques.
3.4. La mutualisation et la mise en commun des ressources : une solution ?
Le coût de la production numérique est important. L’université d’Angers évalue le coût complet environné d’un master en numérique à plus de 500 K€.
Dans son dossier d’accompagnement, élaboré à l’occasion de l’appel à projets DUNE79, l’université numérique thématique dressait le constat suivant : « Dans le cadre des contraintes budgétaires fortes auxquelles est confrontée la formation initiale, seule une approche fondée sur une économie de la contribution et de la mutualisation peut s’avérer viable à termes. Les modèles économiques classiques fondés sur le modèle de la subvention et des marges bénéficiaires de la formation continue ne permettent
79 Développement d'universités numériques expérimentales : l’appel à projet du PIA répondait au double objectif d’inciter les
établissements à se saisir du numérique comme levier stratégique de changement et à accélérer la fédération d’un réseau d’initiatives et d’innovateurs.
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pas de dégager les moyens nécessaires et suffisants pour garantir la maintenance dans le temps des contenus produits80. »
Le numérique représente une opportunité pour développer d’autres modalités d’enseignement et rendre plus collective la production des ressources pédagogiques. Cette évolution peut être d’autant plus importante et intéressante pour les établissements de taille modeste. En effet, si pour ces établissements, dont les contraintes d’effectifs pèsent fortement sur les enseignants, le numérique apparaît comme une solution, il peut apparaître aussi comme un frein à l’innovation en raison de la petite taille des équipes et donc de la difficulté pour les enseignants à être déchargés.
La mutualisation et la mise en commun des ressources peuvent être envisagées de plusieurs manières. D’une part, elles peuvent être opérées en interne d’un établissement. D’autre part, elles peuvent être « externalisées », via les universités numériques thématiques (UNT). Enfin, elles peuvent être réalisées, d’une manière intermédiaire, par la coopération entre plusieurs établissements.
3.4.1. La mise en commun des ressources numériques produites au sein de l’établissement : une pratique qui peine à se développer
Aujourd’hui, la mise à disposition de ressources pédagogiques déposées sur des plateformes numériques est une pratique considérée comme indispensable dans la plupart des établissements d’enseignement supérieur. Ces ressources sont de nature et d’origine très diverses : déposées par l’enseignant, sous forme de simples documents PDF destinés à illustrer le cours, d’exercices ou de tests, d’archives téléchargées d’origine diverses ou de capsules vidéo techniquement très élaborées, celles‐ci ne sont souvent accessibles qu’à un public retreint (les étudiants qui suivent le cours). La mise en commun des ressources numériques, lorsqu’elle est envisagée, est moins fréquente ; elle peut prendre différentes formes et différents périmètres selon les équipes enseignantes.
La mutualisation peut concerner les cours « de base », obligatoires pour de nombreux étudiants et qui mobilisent plusieurs enseignants. C’est le cas par exemple des cours de mise à niveau sur les outils numériques, des formations sur la prise en main de logiciel ou encore des formations communes de première année sur la pratique du français. Ce dernier exemple a été mis en place par l’université d’Angers pour tous les étudiants de première année en lettres et sciences, un cours transversal portant sur l’expression écrite et orale. Ce cours est proposé en présentiel pour la majorité des étudiants et avec un parcours « numérique » en classe inversée pour les étudiants les plus avancés afin de leur proposer des exercices plus complexes et pouvoir mieux accompagner en présentiel les étudiants qui ont davantage de difficultés (dispositif DIPPEO cf. supra). L’enseignante responsable de l’UE est globalement satisfaite du dispositif mais reconnaît que la surcharge de travail générée par un double système d’enseignement (distanciel et présentiel) est difficile à prendre en charge pour les vacataires, qui sont rémunérés en heures TD.
L’EPF a passé l’intégralité de sa formation au logiciel Catia81 en distanciel grâce à un logiciel et un guide d’auto‐apprentissage (développé par l’ENS) qui permettent aux étudiants de s’approprier, par la pratique et à leur rythme, le logiciel. Ce changement de pédagogie a permis de réduire fortement le nombre d’heures d’enseignement en présentiel (réduction de 30 à 8 heures de TP par groupe de formation) mais surtout a rendu l’apprentissage beaucoup plus pratique pour les étudiants qui peuvent, s’ils en ressentent le besoin, contacter l’enseignant en charge de l’UE ou en première instance des moniteurs qui sont des élèves de quatrième ou cinquième année. Avec un coût modeste des licences pour le logiciel de formation (30 € par étudiant), le nouveau dispositif pédagogique a généré des gains financiers tout en permettant d’aller plus vite dans les apprentissages des outils de modélisation. La réduction du nombre d’heures en présentiel offre une plus grande souplesse dans l’organisation, notamment pour l’utilisation des salles.
Un niveau plus élevé de mutualisation a été observé à l’EPF concernant la construction d’un cours commun de mécanique entre les enseignants des trois campus de l’école, qui enseignaient au départ chacun la même matière. Le cours est passé de 44 heures à 30 heures en présentiel. La transformation du cours a été
80 Projet DUNE Unisciel.
81 Catia est un logiciel de conception assistée par ordinateur réalisé en collaboration avec la société Dassault.
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financée à hauteur de 50 HETD, dont le retour financier a été très rapide. Les enseignants des trois campus ont construit ensemble le cours, ce qui a permis une appropriation plus aisée. Dans un autre cas, ce sont les enseignants d’un campus qui ont créé la ressource pour l’ensemble des sites. Les enseignants ont eu plus de difficultés à assurer le tutorat pour les ressources qu’ils n’avaient pas créées. En revanche, l’EPF n’avait pas anticipé et pris en compte dans son modèle économique le besoin de mise à jour des ressources qui génère annuellement des coûts de maintenance (rémunérés à hauteur d’une heure pour une heure). Néanmoins, outre des économies d’échelle, cette mutualisation a également permis l’harmonisation des cours entre les trois campus. Une telle mutualisation facilite également la transmission des cours aux nouveaux enseignants, à la fois dans un objectif d’entraide mais aussi d’homogénéisation des connaissances transmises.
La mutualisation des cours prend d’autant plus de sens lorsque les enseignements sont démultipliés auprès d’un nombre élevé d’étudiants : c’est le cas par exemple lorsqu’un cours de statistiques de première année est dispensé dans plusieurs parcours.
Mais elle répond également à d’autres objectifs : l’université de Lorraine est parvenue, grâce à des ressources numériques, à proposer à tous ses élèves d’écoles d’ingénieurs un enseignement d’ouverture à l’économie et à la gestion, impossible à dispenser en présentiel en raison de l’incompatibilité des emplois du temps. Des crédits I‐site ont permis de financer le salaire d’une personne pour transformer les cours et en faire des modules. Ce projet a permis de démontrer l’efficacité du numérique et de convaincre d’autres responsables de formations de s’inscrire sur le même modèle au sein de l’université.
Toutefois, comme cela a déjà été indiqué, les freins restent importants, la mutualisation étant encore trop souvent perçue comme une source d’économie et/ou de diminution les postes.
Dans l’ensemble, les expériences évoquées sont considérées comme permettant une plus grande efficacité et une meilleure individualisation des formations pour les étudiants. Elles permettent généralement, un gain en termes d’heures d’enseignement, sans pour autant que leur qualité en soit diminuée. Pour autant, malgré la diversité des pratiques et la bonne volonté des équipes, il s’avère qu’une majorité d’enseignants est encore réticente à ce type de solution, contraire à une culture qui demeure très solitaire et à la vision très ancrée du rôle de l’enseignant, qui, pour être compétent, doit construire son cours. Il faut admettre que, malgré quelques expérimentations, le passage à l’échelle reste encore difficile et nécessitera du temps.
3.4.2. La mutualisation des ressources entre établissements : un objectif contraignant qui n’a pas atteint sa cible
L’industrialisation des ressources, au sens de produire individuellement ou collectivement des ressources pédagogiques qui sont ensuite mises à disposition de la communauté enseignante est en soi une piste intéressante pour construire un modèle économique, dans une perspective de ressources financières rares.
Cette mutualisation est au cœur de la création des huit universités numériques thématiques (UNT) mises en place pour toutes les disciplines à partir de 2003 par le ministère chargé de l’enseignement supérieur. Les UNT ont été créées dans un objectif de mutualisation, en vue d’encourager les usages du numérique lors des séances pédagogiques dans l’enseignement supérieur. Cette mutualisation passe par la production de ressources pédagogiques numériques, pour la plupart accessibles librement à travers les sites internet des UNT.
Les UNT se sont coordonnées sous la forme d’une association, l’université numérique, qui regroupe ainsi plus d’une centaine d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche français.
Cependant, les expériences observées ne sont pas à la hauteur des espérances. Les raisons sont multiples et ont déjà été évoquées. Elles concernent l’usage de ressources pédagogiques externes. Si les enseignants, intéressés par la démarche, consentent assez facilement à donner accès à leurs ressources, sous réserve que la question des droits d’auteur soit résolue, la majorité d’entre eux éprouve en revanche de grandes difficultés à s’inscrire dans un raisonnement ou une approche conçues par un autre enseignant.
Mais ce ne sont pas les seuls obstacles : le recours aux UNT se heurte également à des obstacles de qualité, techniques et tarifaires.
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3.4.2.1 La mise en commun de ressources doit s’accompagner d’un contrôle qualité exigeant
La qualité des ressources pédagogiques déposées sur les plateformes est variable, selon les déclarations des responsables des établissements eux‐mêmes.
Les documents écrits déposés sur les plateformes sont jugés de forme et de qualité variables même si globalement, selon les interlocuteurs de la mission, les cours mis en ligne sont de meilleure qualité car l’enseignant s’expose au monde extérieur.
Un rapport de l’IGAENR82 consacré à l’UNESS83 notait que certaines ressources d’UNT, toujours accessibles, « sont anciennes et paraissent obsolètes ». Il indiquait notamment à propos de certaines ressources mises en ligne dans le cadre de l’UNESS que « l’écart entre les exigences des ressources mises à disposition via la plateforme SIDES84 et celles accessibles via la rubrique "ressources" est énorme ».
Certains établissements ont formalisé des procédures pour s’assurer de la qualité des supports et de l’accompagnement. En médecine, à l’UGA, en amont des séances de tutorat, les questions sont revues, voire reformulées par les enseignants ou les tuteurs puis leur correction est discutée lors d'une séance préparatoire.
Le CNED organise un contrôle du contenu disciplinaire – avec des relectures croisées – et de la conformité de la séquence de cours à la politique définie par l’établissement.
À l’université de Caen, un référentiel de qualité des contenus techno‐pédagogiques a été mis en place. Ce cadrage porte sur les syllabus de cours en ligne, les capsules vidéo de présentation de l’enseignant, les objectifs de la formation et les méthodes d’évaluation. L’accompagnement et la personnalisation de contenu en ligne sont également concernés. Les ressources doivent correspondre à des grains pédagogiques85.
En parallèle, certains établissements ont mis en place un système d’évaluation des enseignements par les étudiants. Cette pratique, généralisée dans les établissements étrangers (UCL86, EPFL87), est encore rare en France. Cependant, les étudiants en PACES à Grenoble évaluent chaque enseignement. À l’IAE de Caen, chaque étudiant répond à une enquête annuelle sur sa formation mais les taux de réponses sont faibles.
3.4.2.2 Les UNT proposent des parcours sur étagère, peu adaptés aux différents usages possibles et dont l’utilisation n’est pas évaluée
Les universités numériques thématiques (UNT) ont été « créées dans un objectif de mutualisation, en vue d’encourager les usages du numérique lors des séances pédagogiques [(classe inversée, présentiel enrichi, ressources complémentaires, formation à distance, …)] dans l’enseignement supérieur. Cette mutualisation passe par la production de ressources pédagogiques numériques, pour la plupart accessibles librement à travers les sites internet des UNT. Ces ressources sont conçues dans le but d’aider les enseignants dans leur pédagogie, contribuant ainsi à la rénovation des pédagogies et à l’innovation par le numérique dans l’enseignement supérieur »88. « La qualité technique, scientifique et pédagogique de ces ressources est validée par des universitaires compétents dans chaque domaine disciplinaire. Ces ressources sont libres d’accès et gratuites dans la grande majorité des cas »89.
82 Rapport n° 2019‐032, Audit d’accompagnement du GIP UNESS.
83 Université numérique en santé et sport.
84 La plateforme SIDES (Système interuniversitaire dématérialisé d’évaluation) est un environnement numérique d’examen et
d’entraînement destiné aux étudiants de deuxième cycle des études médicales. 85 « Le granule ou le grain est un objet pédagogique. Ce nom générique désigne la plus petite unité pédagogique d'un parcours
pédagogique. Ces objets pédagogiques microscopiques, ces unités élémentaires d'apprentissage seront associés pour constituer les parcours individuels de formation. », définition du Cirad cité in :
https://eduscol.education.fr/numerique/dossier/archives/eformation/notion‐modularite/granularite‐individualisation‐1 86 Université catholique de Louvain.
87 École polytechnique fédérale de Lausanne.
88 http://univ‐numerique.fr/presentation/
89 ibid.
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La création des UNT répond donc ainsi au besoin de mutualisation des ressources numériques, au service de la transformation pédagogique.
Toutefois, la mission a constaté que le dispositif ne rencontre pas un grand succès auprès des équipes enseignantes même si les tests notamment de positionnement sont appréciés et utilisés dans plusieurs établissements. Les UNT souffrent globalement d’un manque de visibilité auprès des enseignants, ce qu’avait déjà identifié le rapport de l’IGAENR sur les UNT en 201690.
Il faut indiquer cependant qu’il est, à ce jour, difficile d’évaluer l’importance des bénéficiaires des UNT. Ces dernières l’expliquent par le dispositif actuel de mise à disposition des ressources qui peuvent être téléchargées sur les plateformes des établissements, rendant impossible le suivi de l’utilisation de leurs ressources par les UNT elles‐mêmes. À l’inverse, les universités considèrent qu’elles ne peuvent évaluer le nombre de connections aux UNT, à l’exception de celles consacrées aux disciplines juridiques, seule plateforme sur laquelle les étudiants se connectent directement avec un code d’accès personnel.
Plus généralement, à l’exception des ressources dédiées à la médecine, construites dans le cadre de l’UNT santé et sport (UNESS), très utilisées, du fait notamment de l’existence de collèges de spécialité reconnus comme faisant référence et des contraintes liées aux épreuves de classement qui rythment la formation des futurs médecins, les établissements visités font état d’un usage des ressources numériques des UNT assez limité pour des raisons diverses, psychologiques, cela a déjà été dit, mais aussi d’ordre technique et de choix éditoriaux. En effet, aujourd’hui, les cours mis à disposition sont essentiellement des parcours complets, qui ne correspondent pas aux besoins des enseignants quand ils construisent leur cours, ces derniers recherchant davantage des capsules sur quelques notions thématiques ou des concepts, qu’un cours complet qui ne répond pas à la progression qu’ils souhaitent mettre en place. Par ailleurs, les ressources mises en ligne sont encore le fruit d’un travail individuel. Il y aurait un enjeu à mieux partager les publications avec des pairs et à favoriser les approches contributives ce qui renforcerait la qualité des ressources91.
Enfin, et c’est l’un des principaux freins, les ressources sont peu ou mal indexées. De ce fait, les enseignants ne trouvent pas aisément les ressources disponibles.
Ainsi, les UNT qui, à leur création, devaient remplir un rôle important dans la mutualisation des ressources, sont aujourd’hui sous‐utilisées – à l’exception de l’UNESS –, notamment en raison d’un accès aux ressources limité et complexe. La mutualisation, la structuration des ressources et leur réutilisation doivent être pensées au niveau national. Aujourd’hui, il y a un risque que des ressources similaires ou comparables soient produites à la fois par les UNT et par les établissements. Il convient d’ailleurs de noter que les appels à projets du PIA ne demandent pas que les ressources soient réutilisables.
3.4.2.3 Des évolutions possibles pour réduire les difficultés techniques
Au‐delà des difficultés des enseignants à s’approprier les ressources d’autrui, les difficultés sont aussi d’ordre technique. En effet, pour être accessible et utilisable par tous les usagers, enseignants et étudiants, la ressource doit être compatible avec tous les systèmes de stockage et de lecture.
Elle nécessite aussi que chaque grain soit d’un format accessible, que sa recherche soit aisée et contextualisée et que sa qualité soit certifiée. Elle suppose par conséquent que les producteurs de ressources se plient à un ensemble de règles et de contraintes.
Différentes évolutions peuvent être envisagées afin de produire des effets positifs à moyen terme.
Les UNT sont confrontés à un double enjeu : d’une part, mettre à disposition des parcours complets ainsi que les capsules qui les composent et d’autre part, créer les modalités permettant de partager ces publications avec des pairs tout en favorisant les approches contributives.
90 rapport IGAENR n° 2016‐032, Les universités numériques thématiques, mai 2016.
91 Rapport n° 2019‐032, Audit d’accompagnement du GIP UNESS, mai 2019.
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L’UNT UNISCIEL dans le cadre de son projet DUNE « SOCLES3 » propose une réponse en s’orientant sur les nouvelles possibilités offertes par l’écosystème « Scenarii » qui permettra de proposer des grains pédagogiques plus facilement utilisables. Le parcours pédagogique est construit à l'aide de scénarios préétablis par des enseignants. Parallèlement, sera développé un mode de production plus collaboratif et itératif de ressources numériques sur une logique similaire à celle du logiciel libre qui repose sur une fragmentation des contenus granulaires facilement partageables, modifiables et échangeables entre les auteurs. Une telle approche permettra de diminuer les coûts de production car la création de modules s'appuie sur la réutilisation de fragments de contenus préexistants et ne nécessite donc pas une réécriture complète.
Une telle démarche favorise également le partage de fragments pour le bénéfice de tous, chacun contribuant à sa mesure à l'enrichissement de la base commune de ressources granulaires. Cette fragmentation des contenus est particulièrement adaptée au contexte de l’enseignement supérieur français, dans lequel les enseignants privilégient la réutilisation partielle et ponctuelle de grains de contenus à une réutilisation intégrale de modules clés en main.
Les UNT ont été créées pour favoriser la mutualisation des ressources numériques. Force est de constater qu’aujourd’hui elles sont sous‐exploitées. Pour autant, mieux mobilisées, elles pourraient être un lieu important d’échange de ressources numériques.
Recommandation 8 : Inciter les UNT à s’inscrire dans la réflexion entamée par UNISCIEL et à proposer des productions élaborées de manière plus collaborative et sous forme de contenus granulaires facilement partageables et échangeables entre les auteurs et les équipes pédagogiques.
Recommandation 9 : Soutenir l’indexation des ressources pédagogiques mises à dispositions par les UNT ; une disposition identique doit être mise en place au sein des établissements sous peine d’être incapable de répondre aux besoins des utilisateurs.
3.4.2.4 La politique hétérogène de tarifs des UNT peut s’avérer coûteuse pour les établissements
Les ressources proposées par les UNT ont été produites dans le cadre d’appels à projets financés par les UNT elles‐mêmes. Ces dernières sont cependant très faiblement soutenues par des financements publics. Elles tirent principalement leurs ressources des cotisations de leurs adhérents. Aucune concertation n’est organisée entre les UNT pour les tarifs d’adhésion qui peuvent varier pour chaque UNT de 3 000 € à plus de 10 000 € selon les thématiques, selon des modalités diverses (forfaitaires, reposant sur un nombre d’étudiants de l’établissement ou le nombre d’utilisateurs effectifs).
Le rapport précité d’audit d’accompagnement du GIP UNESS notait par ailleurs qu’en raison de l’application d’un système de tarif plancher et de plafonnement, les cotisations par étudiant de la filière STAPS pouvait varier de 1,45 € (université de Nanterre) à 9 € (université de Caen).
Même si les cotisations sollicitées paraissent modérées, leur cumul conduit à des dépenses élevées pour les universités pluridisciplinaires qui sont contraintes d’adhérer à plusieurs UNT ; Aix‐Marseille Université indique ainsi être adhérente à cinq UNT différentes. À titre d’exemple, le coût cumulé des cotisations de l’université de Lorraine atteint pour l’ensemble de ses cotisations un total de dépenses de près de 100 000 €.
Compte tenu d’un usage encore limité et de la réticence d’une partie des équipes, ces frais peuvent être dissuasifs pour des universités de dimension plus modeste.
Recommandation 10 : Inciter l’université numérique qui associe les huit UNT françaises à porter une réflexion sur l’harmonisation des tarifs.
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3.4.3. Le développement des MOOCs peut‐il s’insérer dans une stratégie de transformation pédagogique de l’établissement ?
Phénomène assez récent, né de l’initiative d’universités américaines, le MOOC s’est développé de façon considérable à partir des années 2011. « MOOC » est l’acronyme anglais de massive open online course ou cours en ligne ouvert à tous. Diffusé sur internet, le MOOC s’adresse à tout un chacun, sans limite d’âge, de nationalité, ou de niveau d’étude. Il est donc accessible à tous et peut potentiellement être suivi par plusieurs milliers de personnes. Il offre une nouvelle perception de l’enseignement puisque par définition, il n’est pas nécessaire d’être étudiant à l’institution qui propose le cours. Un MOOC est généralement gratuit. Il s’agit d’un cours, avec un objectif pédagogique. Il contient différentes modalités d’apprentissage et d’évaluation telles que des vidéos, des tests, des quizz, des évaluations par des pairs, des jeux sérieux…
La diffusion des MOOCs est souvent perçue comme un dispositif de formation qui se développe en parallèle de la formation initiale dispensée dans les établissements d’enseignement supérieur. La question se pose par conséquent de savoir si la construction et la diffusion de MOOCs constitue ou non un élément de l’offre de formation de l’établissement et si cette modalité nouvelle peut croiser les autres formes pédagogiques, participant ainsi à un modèle économique global.
Les expériences observées dans certains établissements visités par la mission apportent des éléments de réponse. En s’inscrivant dans une stratégie délibérée de développement des MOOCs, l’IMT entend poursuivre trois objectifs :
– développer une offre de MOOCs et la proposer au plus grand nombre, accroissant ainsi sa visibilité ;
– déployer le numérique dans les enseignements et transformer ses modèles de formation en incitant à l’utilisation des MOOCs dans ses programmes de formation, en utilisant des MOOCs créés par d’autres institutions, en articulant son offre de MOOCs avec ses formations diplômantes sur le modèle de MOOCs certifiants et assemblables en parcours thématiques : après quatre années d’expérience, ont été inscrits à des MOOCs plus de 5 000 étudiants de l’IMT dans le cadre de leur cursus notamment pour des enseignements de tronc commun ;
– déployer son savoir‐faire en matière de pédagogie innovante en développant l’intérêt des enseignants‐chercheurs pour ces modalités.
Pour l’université catholique de Louvain, la stratégie MOOC a d’abord constitué un nouveau moyen pour faire de la formation à distance : l’enjeu étant d’améliorer l’offre éducative pour répondre à des besoins de formation tout au long de la vie, de réorientation et d’acquisition de nouvelles compétences. Il s’agit également de ne pas laisser toute la place aux opérateurs privés et de susciter en toile de fond une collaboration plus importante entre universités. Toutefois, aujourd’hui, sans avoir abandonné ces objectifs, l’établissement encourage les enseignants‐chercheurs à développer avant tout les MOOCs pour un usage par leurs étudiants.
Ces deux exemples sont une illustration du pouvoir des MOOCs à s’inscrire dans une stratégie de transformation du modèle économique d’un établissement.
Outre la question de la stratégie du développement des MOOCs, se pose une question spécifique à ce support pédagogique et qui porte sur leur diffusion. En effet, cette dernière nécessite une plateforme, capable de porter tout type de ressources et notamment des ressources vidéo, très consommatrices en bandes passantes et accessibles en permanence par plusieurs milliers d’utilisateurs. Or les établissements d’enseignement supérieur ne disposent pas de telles structures. Ils peuvent faire appel à des plateformes existantes notamment américaines telles que Coursera ou edX.
En France, les établissements peuvent bénéficier de la plateforme FUN‐MOOC, créée en 2013 sous l’impulsion du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et qui s’appuie sur un pilotage par des établissements d’enseignement supérieur membres dans le cadre d’un groupement d’intérêt public (GIP). Cette plateforme a disposé pour sa création d’un financement public important et dispose encore d’une subvention annuelle de l’État d’1M€.
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Or, si ces plateformes, et en particulier FUN‐MOOC pour les établissements français, offrent, outre les performances techniques nécessaires, une plus grande visibilité aux MOOCs proposés, elles soulèvent une autre question essentielle qui est celle du coût de leur utilisation pour les établissements producteurs. En effet, le modèle économique des plateformes n’est pas encore véritablement trouvé. Le principe des MOOCs étant la gratuité, quel que soit le nombre d’étudiants qui les suivent, « cette gratuité rend impossible la production de valeur ajoutée à partir du contenu lui‐même alors que les institutions ont besoin de revenus pour financer la création de ces cours en ligne »92.
La mission limite son analyse à la plateforme française. Bien que bénéficiant d’apports publics et des cotisations de ses membres, la plateforme FUN‐MOOC est elle‐même soumise à des contraintes économiques fortes. Comme ses concurrents étrangers, FUN‐MOOC, dont le succès est indiscutable, avec une offre de 480 MOOCs ayant généré 5,6 millions d’inscriptions, est à la recherche d’un modèle économique viable, en combinant des services gratuits et payants. Elle propose ainsi des cours en accès libre (gratuits) mais dont la certification est payante ou met en place des tutorats payants.
Pour diversifier son modèle économique dont l’objectif exclusif est de couvrir ses frais d’infrastructure et de fonctionnement, la plateforme enrichit son offre dans deux directions en cohérence avec la stratégie développée au sein des établissements :
– FUN‐Campus qui propose aux établissements la possibilité de diffuser des SPOC (Small private online course, ou cours en ligne en petit groupe privé), déclinaisons privées, réservées aux étudiants, lycéens, collégiens. Le grand public n’y a donc pas accès. Seuls les professeurs responsables des cours autorisent les élèves à s’inscrire. Dans des démarches telles que la classe inversée par exemple, ils peuvent remplacer le cours magistral. Les étudiants s’en servent alors pour acquérir les connaissances théoriques de façon autonome. Ce système va dans le sens de l’usage des MOOCs en interne à un établissement producteur. Il permet de s’affranchir des contraintes de tutorat à assurer sur un nombre de semaines donné, à une période fixe de l’année ;
– FUN‐Corporate : cette plateforme permet aux établissements membres et partenaires de FUN‐MOOC de proposer leurs cours, via un accès payant, à des entreprises, des OPCA (organisme paritaire collecteur agréé) ou d’autres acteurs du monde socio‐économique. Les organisations peuvent alors former des salariés, des clients, des partenaires en utilisant ces cours en MOOC ou en SPOC.93.
FUN‐Corporate offre ainsi aux établissements d’enseignement supérieur la possibilité de renforcer leur position sur le marché de la formation professionnelle continue en misant sur différentes offres de services pour les particuliers et pour les entreprises et en s’inscrivant notamment dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, particulièrement la mise en place du compte personnel de formation (CPF). Dans ce cas, l’établissement producteur commercialise son SPOC dans le secteur marchand concurrentiel au tarif qu’il a déterminé (quelques centaines d’euros par personne). Sur ce montant, FUN refacture les coûts d’hébergement du SPOC (soit entre 10 € et 30 € par personne selon le nombre d’inscrits), permettant ainsi aux établissements de développer leurs ressources propres.
La convention qui lie le GIP FUN‐MOOC à ses membres prévoit trois niveaux d’adhésion ; les cotisations variant de 5 000 € à 60 000 € selon l’importance des prestations94. Bien que n’ayant pas à assumer eux‐mêmes la plateforme technique nécessaire, plusieurs établissements visités jugent cependant le montant de la cotisation trop élevé au regard des frais de développement et de conception de la ressource qu’ils portent déjà.
92 France stratégie : février 2016 note d’analyse n° 40, MOOC Français : l’heure des choix.
93 Voir site internet : https://www.fun‐corporate.fr
94 Niveau 1 : quelques MOOCs/SPOC par année. Cotisation annuelle 5 000 € ; niveau 2 : publications sans quota ainsi que deux
sessions de SPOC par année et par MOOC. Cotisation annuelle 20 000 € ; niveau 3 : publications sans quota jusqu’à cinq sessions de SPOC par an et par SPOC. Cotisation annuelle 60 000 €.
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Encadré 3 : les coûts variables de la production des MOOCs Les estimations données par les différents établissements concernant le coût d’un Mooc varient de 30 K€ à 100 K€. Si cette variation peut surprendre et s’expliquer par le degré de finition souhaité, ou l’importance du parcours mis en ligne, il n’a pas été possible pour la mission de réellement comparer les différences de coûts, les estimations n’étant pas toutes basées sur les mêmes charges. À cela, il faut également ajouter le coût d’animation du MOOC, qui varie fortement selon le nombre d’étudiants et l’expérience et le statut de la personne qui assure le suivi en ligne.
Pour la mission, cette perception ne vaut cependant que si le MOOC est perçu uniquement comme une dépense et donc un surcoût et non comme l’une des ressources d’enseignement disponible s’intégrant totalement à une stratégie numérique globale.
Le rapport de l’IGAENR de 2018 plusieurs fois évoqué, décrit par exemple comment l’IAE de Caen a pu trouver un équilibre financier en développant la mixité entre formation continue et formation initiale.
Si quelques établissements restent un peu dubitatifs sur les perspectives des MOOCs, ils considèrent toutefois de leur responsabilité de continuer à investir dans ceux‐ci pour améliorer l’offre éducative de la formation tout au long de la vie et surtout pour ne pas laisser toute la place aux opérateurs privés.
3.4.4. L’appel à projets du fonds de modernisation de l’action publique et la construction de formations à distance interuniversitaires : une proposition de modèle économique novateur, flexible mais ne s’appuyant que sur la réduction des coûts directs
Un des interlocuteurs de la mission affirmait : « tout ce qui est transmissif peut être produit à plusieurs universités » : c’est la raison pour laquelle les UFR STAPS de Grenoble et de Saint‐Étienne se sont regroupées pour la construction d’une licence interuniversitaire destinée aux publics empêchés.
De telles initiatives sont rares : si les universités numériques s’adressent à un enseignant pour élaborer un parcours donné, peu nombreuses sont les équipes qui acceptent la mise en commun de leurs productions pour construire ensemble un parcours complet. Afin d’assurer la cohérence des différentes productions, l’élaboration des séquences de cours repose sur une conférence de consensus pour la définition des contenus.
À partir de ce premier exemple, dans le but d’étendre une offre de formation hybride sur un champ disciplinaire plus large, la mission de la pédagogie et du numérique pour l'enseignement supérieur (MIPNES / DGESIP) a présenté au deuxième appel à projets du fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) un projet de parcours flexibles des formations. Elle a obtenu dans ce cadre 12,4 M€ sur trois ans, afin de cofinancer avec les établissements un véritable changement de modèle pédagogique, devant répondre à plusieurs enjeux :
– réduire le taux d'échec en licence ;
– accompagner l'augmentation des effectifs étudiants ;
– flexibiliser le modèle de formation en diversifiant les situations d'apprentissage.
Pour ce faire, le projet « Parcours Flexibles en Licence » propose une évolution du modèle pédagogique en permettant la flexibilisation et la personnalisation des parcours. Ce modèle s'appuie sur une formation partiellement hybridée, accompagnée d'un tutorat pédagogique et méthodologique et combinant les bénéfices des outils numériques et de l'enseignement en présentiel. Les établissements candidats ne pourront y répondre isolément : ils auront l’obligation de s’associer (sous forme de consortium), pour y être éligibles.
En d’autres termes, si les UNT correspondent à la mutualisation des ressources, le modèle proposé pour le projet « Parcours Flexibles en Licence », repose sur la mutualisation des formations. Au‐delà du partage des ressources, il est nécessaire de s’accorder sur l’intégralité du contenu de la formation.
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3.4.4.1 Une offre de formation flexible sur les principales filières en licence
En collaboration avec l’Université Numérique et FUN MOOC, il s’agit de mettre en place des parcours couvrant neuf des principales filières universitaires de formation en licence. Les formations devront satisfaire à trois critères :
– une organisation modulaire et hybridée des cours grâce au numérique (cours magistraux et travaux dirigés partiellement en ligne et mutualisés, organisation des examens en fonction du rythme d’avancement des étudiants) ;
– un parcours de formation personnalisable et flexible dans la durée (modules capitalisables dans la durée, examens programmés et à la carte, en mode présentiel ou en télésurveillance) ;
– une priorité donnée au tutorat pédagogique et méthodologique, individualisé et collectif, en mode présentiel et distanciel.
Elles devront également démontrer la stabilité de leur modèle économique.
3.4.4.2 Un modèle économique bâti sur plusieurs scénarios possibles
Pour la mise en œuvre du projet, la MIPNES lance auprès des établissements d’enseignement supérieur un appel à projets « Parcours Flexibles en Licence » pour la mise en place de parcours de formation adossés à un modèle économique assurant la pérennité du dispositif à moyens constants.
Différents scénarios économiques sont proposés. Ceux‐ci tiennent compte de la diversité des maquettes d'enseignement (beaucoup de cours et peu de travaux dirigés, ou équilibre entre les deux, les travaux pratiques n'étant pas concernés par le projet) et de la variabilité des effectifs d'une même mention de licence (par exemple en psychologie, les effectifs de licence peuvent osciller, sur les trois années, entre 450 et 3 500 étudiants selon les universités). Il appartiendra au consortium de choisir entre plusieurs gabarits.
L'équilibre du modèle repose sur une combinaison de plusieurs hypothèses dont les valeurs les plus basses permettent d'obtenir un solde structurel positif dans le redéploiement des activités.
Au total, le projet prévoit au minimum de dispenser à distance 50 % des cours magistraux et 10 % de travaux dirigés. Sur cette base, en fonction des différents scénarios, les simulations montrent qu’un tel changement, non seulement n’accroît pas le coût de la formation mais est susceptible de générer des économies, redéployables sur d’autres activités.
Les simulations proposées par la MIPNES, effectuées à partir des données de l’UFR STAPS de l’UGA mettent en évidence la réduction des coûts induite par le modèle hybride (les chiffres du tableau joint concernent un cursus et non un parcours). Les gains réalisés par les établissements du consortium peuvent être redéployés sur d’autres dispositifs individualisés.
Tableau 3 : Écart de coûts globaux entre pédagogie inversée et pédagogie classique
Source : simulation UGA : licence flexible
Ecart pédagogie inversée / classique L1 L2 L3 Total
H/E module pédagogie classique 1,60 1,61 1,75
Budget enseignement année 770 000 € 434 000 € 418 000 € 1 622 000 €
H/E module pédagogie inversée 1,3 1,2 1,6
Budget enseignement année avec 70% de pédagogie inversée 641 375 € 362 813 € 414 191 € 1 418 379 €
Economie 128 625 € 71 188 € 3 809 € 203 621 €
Investissement conception at actualisation module annualisé 55 500 € 55 500 € 55 500 € 166 500 €
Economie nette budget d'heures pour un cursus 73 125 € 15 688 € ‐51 691 € 37 121 €
Impact direct lié à la
modification du H/E
Pédagogie classique
Pédagogie inversée
Ecart
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Encadré n° 3 : Quinze UFR STAPS sont prêtes à intégrer ce dispositif porté par l'UNESS Quinze UFR STAPS envisagent un dispositif co-construit entre les établissements et destiné à offrir des parcours de licence flexibles s’appuyant sur trois leviers : – une réorganisation modulaire des cours grâce au numérique : cours magistraux en ligne et mutualisés, organisation des examens en fonction du rythme d’avancement des étudiants ; – un parcours de formation personnalisable et flexible dans la durée pour l’adapter aux nouveaux usages (nomades, numériques) et aux parcours personnels et professionnels des étudiants : inscription à des modules capitalisables dans la durée, examens programmés et à la carte en mode présentiel ou en télésurveillance ; – une priorité donnée au tutorat individualisé, sur la base du volontariat, en mode présentiel et distant (classes virtuelles) et à l’apprentissage par la pratique (learning by doing). Le projet repose sur la co-production et mutualisation des ressources pédagogique à l’échelle nationale. La co-construction des ressources par les enseignants des différents établissements est un gage de leur réutilisation par tous les enseignants et de leur pérennité. Pour cela, seront mises en place des conférences de consensus nationales en partenariat avec les UFR partenaires, les sociétés savantes (société française de physiologie, société française de psychologie du sport), les UNT (UOH, UNISCIEL…) et d’autres conférences (le collège de physiologie de médecine). Tous ces partenaires ont donné leur accord pour co-construire et mettre à disposition les ressources ainsi créées. Associé à ces ressources, des quizz d’autoévaluation seront proposés dans le parcours pédagogique. Tous les blocs de compétences construits à partir de ces cours seront gérés par la plateforme SIDES NG** à partir de laquelle seront générées des plateformes Moodle spécifiques à chaque établissement en mode SaaS (chaque établissement aura alors la possibilité de choisir son scenario pédagogique à partir d’une bibliothèque commune). Sera également prévu un dispositif d’analyse des traces d’apprentissage afin notamment de détecter les étudiants en difficulté. ** SIDES : système interuniversitaire dématérialisé d’évaluation. NG : nouvelle génération. Développée par le GIP UNESS, cette nouvelle plateforme a permis de répondre aux besoins en ressources numériques liés à la réforme du troisième cycle des études médicales. Cette même plateforme a également permis à des étudiants inscrits dans un deuxième cycle médical au sein d’universités européennes de passer en 2019 – pour la première fois depuis la création des examens classant nationaux informatisés – les épreuves tests de l’examen classant.
3.4.4.3 L’appel à projet de la MIPNES montre la nécessité de créer une plateforme nationale mutualisée
La soutenabilité du modèle économique dépend pour partie des modalités de production et d’accès des productions pédagogiques en ligne.
S’il est acquis que les établissements devront se présenter sous la forme de consortium, les hypothèses de travail avancées auprès du Fonds de modernisation de l’action publique misent sur un pourcentage de ressources pédagogiques déjà existantes dans les établissements et réutilisables de 20 % dont une partie importante est proposée par les UNT.
Ces ressources, ainsi que celles qui seront créées en commun, devront s’adapter techniquement aux plateformes mises en œuvre par chaque consortium.
Le développement et la gestion de ces plateformes constituent donc un enjeu important. Comment procéderont les établissements du consortium pour que chacun des membres soit en mesure de mettre à disposition de ses étudiants l’ensemble des productions constitutives du parcours de formation construit en commun ?
Cette question pourrait trouver une solution en mettant en place une plateforme pédagogique mutualisée, opérée par un opérateur national (FUN MOOC par exemple), et associant les développeurs des établissements (autour de Moodle), répondant aux attendus de la feuille de route InfraNum95. Cette option
95 « La Fédération InfraNum (anciennement FIRIP) regroupe plus de 200 entreprises (bureaux d’études, opérateurs, intégrateurs,
équipementiers, fournisseurs de services, etc.). Partenaire industriel de tous les territoires connectés ou à connecter, elle soutient non seulement l’aménagement numérique mais également le développement des usages sur les territoires, en l’accompagnant dans la mise en place d’une infrastructure neutre, ouverte et mutualisée ».
http://infranum.fr/infranum/missions/
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permettrait aussi de développer, diffuser et maintenir des évolutions de la plateforme au bénéfice des établissements.
Une autre solution, à l’étude, pour sécuriser la réussite attendue, pourrait prendre la forme d’un partenariat avec l’université Laval, qui développe la plateforme intitulée « Brio », qui aurait l’avantage d’être en grande partie déjà opérationnelle.
Il apparaît toutefois à la mission que le choix d’une plateforme française serait à encourager.
3.4.4.4 Le modèle économique pris en compte par le FTAP n’intègre pas les économies externes liées à l’amélioration de la réussite
L'appel à projets « Parcours Flexibles en Licence », dont la vocation est de financer des expérimentations ou des réformes portant un fort potentiel d'amélioration des services publics, a pour premier objectif de réduire le taux d'échec en licence dont le coût pour les établissements et plus largement la société reste majeur. La réduction des redoublements et des abandons est en elle‐même source d’économie importante comme le met en évidence le tableau 4 réalisé par l’UGA par extrapolation des taux de réussite constatés à l’UFR STAPS.
Tableau 4 : Valorisation de la baisse du nombre d’étudiant en échec dans un dispositif pédagogique hybride
Source : UGA
On ne peut que regretter que la réduction de l’échec en licence ne soit donc pas elle‐même valorisée, le comité de pilotage du fonds ne raisonnant pas sur l’opportunité d’un modèle économique et ses conséquences sociétales mais s’appuyant uniquement sur des critères quantitatifs financiers objectivables rapidement. Les projets soutenus doivent correspondre à des conditions d’éligibilité dont le critère des gains économiques réalisées est important : un euro investi doit se traduire en un euro d’économie directe au bout de trois ans.
Il appartiendra par conséquent aux établissements lauréats de mettre en évidence ces économies.
Si ce modèle, qui représente un mixte entre les trois stratégies de financement identifiées à savoir le financement externe, le redéploiement et la mutualisation des ressources, est intéressant dans sa conception globale, il existe, de par les critères du fonds pour la transformation de l'action publique, un risque non négligeable de non‐appropriation du projet par les équipes enseignantes et les étudiants, qui, le rapport l’a souligné, craignent que la réduction des heures se fasse au détriment de la qualité puisque seul l’argument financier est avancé. Un accompagnement des équipes et des étudiants, via notamment un plan de communication et de concertation est à prévoir. Une analyse du bilan financier à l'issue du projet (trois ans) devrait permettre d'affiner le modèle économique. Il est souhaitable que les indicateurs de suivi permettent aussi de montrer l'efficience de ce dispositif, aussi bien en termes de réussite dans les cursus, que de changement dans les pratiques et de maîtrise de la trajectoire financière des offres de formation.
Ecart pédagogie inversée / classique L1 L2 L3 Total
Nombre redoublants/UE 20 7 7 34
Nombre échouants 60 13 12 86
Coût redoublants 64 167 23 250 24 859 112 276
Coût de l'échec 192 500 42 625 43 273 278 398
Nombre redoublants 15 5 5 25
Nombre échouants 55 12 11 78
Coût redoublants 39 130 12 000 16 514 67 644
Coût de l'échec 143 478 27 000 34 862 205 341
Nombre redoublants 5 2 2 9
Nombre échouants 5 2 1 8
Coût redoublants 25 036 11 250 8 345 44 632
Coût de l'échec 49 022 15 625 8 411 73 057
Ecart
Impact indirect lié à
la baisse du nombre
de redoublants et
d'étudiants en
situation d'échec
Pédagogie classique
Pédagogie inversée
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Scénarios et conclusion
Les visites des établissements d’enseignement supérieur ont mis en évidence qu’il n’y avait pas à proprement parler de modèles économiques globaux de la transformation numérique des formations dans ces établissements. Toutefois, les différentes expériences observées permettent d’envisager des pistes pour construire un modèle spécifique soutenable et s’insérant dans le modèle global de l’établissement.
La mission retient quatre principaux déterminants de la transformation qui figurent ci‐dessous. Les scénarios proposés ne prétendent pas constituer des modèles économiques au sens strict mais ils permettent d’identifier les enjeux, les conséquences et les limites de ces choix de transformation.
Il est vraisemblable que les établissements opteront pour une combinaison de ces différentes solutions. D’ores et déjà, certains d’entre eux ont pu développer en parallèle ou à des périodes différentes plusieurs de ces modèles.
Certaines constantes se retrouvent dans les quatre modèles.
Ainsi, en premier lieu, comme pour toute formation, les ressources clés sont les enseignants qui doivent mobiliser une charge de travail initial conséquente pour numériser les cours. Sont également essentiels les ingénieurs pédagogiques et les outils numériques qui doivent être accessibles facilement et fonctionnels. La différence observée entre les établissements visités par la mission porte sur l’intensité des ressources mobilisées qui dépend essentiellement de l’objectif de qualité du support numérique visé.
La deuxième constante porte sur les questions en suspens. La mission en a retenu trois principales.
– Faut‐il toujours décompter le service des enseignants sous la forme d’heures de cours ?
– si oui, quelle décharge pour la transformation numérique des cours ? sur combien d’années ?
– Comment favoriser la mutualisation des ressources produites au sein de l’établissement et entre établissements ?
Le rapport apporte des éléments à ces trois questions.
La troisième constante porte sur la valorisation du métier d’enseignant. En effet, tant que l’enseignement ne sera pas pris en compte dans l’évaluation du métier des enseignants‐chercheurs, les incitations à innover en la matière resteront faibles pour une grande majorité d’entre eux. L’exemple des universités étrangères est intéressant pour identifier des pistes dans ce domaine.
– l’université catholique de Louvain a mis en place un dossier de valorisation pédagogique depuis 20 ans afin de prendre en compte, au même titre que la recherche, l’activité d’enseignement pour les promotions des enseignants‐chercheurs ;
– plus généralement, l’évaluation des enseignements par les étudiants mais aussi par les pairs, non pas dans une logique de sanction mais dans une logique d’amélioration et d’accompagnement des enseignants sont des pistes qui peuvent contribuer à la valorisation de l’enseignement.
Quel que soit le scénario envisagé, il s’agit là d’invariants sans lesquels aucune transformation n’est envisageable.
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Quatre scénarios de transformation
Scénario 1 Scénario 2
Hybridation d’une année de licence ou passage au tout numérique
Transformation numérique partielle de la pédagogie de l’établissement : le libre choix laissé aux enseignants
Exemple : UFR‐STAPS de UGA, PACES de l’UGA Exemple : université de La Rochelle, UCL, EPFL, université catholique de Lille, EPF, université d’Angers
Portage : doyen de l’UFR Portage : Présidence, Instances
Objectif : Equité ou accès à l’université pour tous les étudiants. Ce sont des objectifs avant tout sociaux ou politiques.
Objectif : Préparer les étudiants à leur futur environnement professionnel. Différenciation.
Modalités :
Transformation numérique des cours magistraux réalisée en un temps réduit avec une consigne simple : rendre tous les cours accessibles en numérique (sur une plateforme ou un dvd).
Mise en place d’un tutorat avec des modalités variables : obligatoire / facultatif ; tuteur est un enseignant et/ou un
étudiant.
Planning hebdomadaire proposé aux étudiants pour les aider à s’organiser pour leur temps de travail personnel.
des salles, de petite taille, sont ouvertes pour permettre le travail collectif.
Modalités :
Cible 20 à 30 % des enseignements.
Incitations sont plus ou moins fortes mais décision d’opter pour une nouvelle pédagogie ainsi que modalités
d’organisation et de choix laissées à la discrétion des enseignants.
Financement :
Pas de coût supplémentaire grâce au redéploiement d’heures.
Pas de financement externe
Financement :
Dans la majorité des cas, appel à projet interne pour financer les nouveaux projets ; ces financements peuvent reposer sur des financements externes liés à des AAP nationaux, à des emprunts lorsque c’est possible, à des ressources issues de la fondation de l’établissement.
Risques :
Pédagogie qui pourrait ne pas être adaptée à tous les étudiants.
Ce risque est minoré grâce à la mise en place de tutorat, de salles d’accueil et d’un suivi plus personnalisé et réalisé plus tôt
dans l’année universitaire.
Risques :
La transformation peut ne pas concerner tous les enseignants, tous les étudiants – risque de segmentation.
Il peut y avoir une multiplication des projets pédagogiques sans pour autant un passage à l’échelle.
Enjeux futurs :
Communication adaptée pour éviter un sentiment de diminution de la qualité de l’enseignement ou des moyens.
Mettre en évidence les redéploiements rendus possibles et les améliorations en termes de réussite.
Enjeux futurs :
Besoin de coordination entre les enseignants car ces nouvelles pédagogies sont souvent associées à une charge
de travail supplémentaire pour l’étudiant.
Pour favoriser le passage à l’échelle « relatif », les appels à projets devraient viser a minima une équipe pédagogique ou un cursus pour s’assurer d’une diffusion plus large.
La présentation des projets financés contribue à la bonne diffusion des pratiques.
Avis de la mission : modèle séduisant, mis en place pour répondre à une contrainte forte et grâce à un portage politique
du doyen fort. Toutefois, à ce jour, la mission n’a identifié aucun autre exemple de ce modèle qui a du mal à essaimer.
Avis de la mission : modèle plus souple et moins « intrusif » pour les enseignants. Cette stratégie, peu directive, s’adapte
à toutes les évolutions futures des pédagogies.
Modèle qui peut contribuer à changer la vision de l’enseignement en incitant à un renouveau régulier des méthodes d’apprentissage et à favoriser leur diversité. Ce modèle dominant n’a toutefois pas encore fait la preuve de
sa capacité réelle à transformer.
46
Scénario 3 Scénario 4
La co‐modalité : une souplesse pour répondre aux contraintes ponctuelles des étudiants
Les MOOCS, un enjeu de visibilité et de transformation
Exemple : université de Caen, université Laval, université d’Angers (projet)
Exemple : IMT, UCL, EPFL, université de Caen
Portage : Présidence, Instances Portage : Variable
Objectif :
Une offre élargie pour répondre aux contraintes organisationnelles, géographiques, familiales, professionnelles (…) des étudiants
Objectif :
social : rendre la connaissance accessible à tous.
de communication : accroître la visibilité de l’établissement
financier : obtenir des ressources supplémentaires
Modalités :
Cours identiques sous différentes modalités (présentiel, distanciel, mixte)
Transformation des cours à l’initiative des professeurs, dans un système incitatif. Stratégie en partie basée sur le mimétisme social.
Modalités :
cours scénarisé et numérisé
suivi pendant la durée d’ouverture du MOOC assuré par l’enseignant ou un doctorant
Financement :
Surcoût financé par les fondations pour les universités étrangères, par les AAP externes pour la France.
Financement :
Appel à projets internes, sur la base d’un financement externe lié à un appel à projets ou non
Risques :
Surcharge de travail pour les enseignants qui doivent gérer deux systèmes en parallèle
Coûts supplémentaires importants du fait du double système
Risques :
cette transformation peut ne pas concerner tous les enseignants, tous les étudiants
il peut y avoir une multiplication des projets. pédagogiques sans pour autant un passage à l’échelle.
Coûts élevés
Problèmes de certification
Enjeux futurs :
Ressources partagées entre établissements
Enjeux futurs :
Développer des MOOCs avant tout à usage interne
Avis de la mission :
Modèle qui répond à la diversité des étudiants et élargit le public potentiel puisque le système s’adapte à leurs contraintes. Il parait
rentable dans les universités anglo‐saxonnes où les frais de scolarité sont élevés. La mission s’interroge sur la capacité des
universités française à maintenir un double système d’enseignement à terme.
Avis de la mission :
Le modèle des MOOCs est paradoxal : c’est aujourd’hui à la fois, le plus ancien, le plus abouti mais aussi le moins cité et celui qui est peu perçu comme un outil stratégique. Porté par des équipes en nombre réduit, il ne génère quasiment
pas de transformation au sein des établissements.
En conclusion du présent rapport, la mission partage avec ses nombreux interlocuteurs la conviction que si la transformation numérique peut constituer à la fois une réponse aux enjeux actuels de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur et un levier de renforcement de la qualité pédagogique des enseignements, elle questionne avant tout, et en profondeur, la pratique et l’organisation même de l’enseignement supérieur. « Car les choses ont changé : d’une part les étudiants ont d’autres attentes en termes de pratiques pédagogiques, ils cherchent à construire du sens et à bénéficier d’un encadrement pédagogique. D’autre part, le déploiement des outils numériques et le développement de leurs usages définissent de nouveaux rapports entre les étudiants et l’institution96 ».
Les changements sont avant tout d’ordre culturel : ils ne se décrèteront pas et n’interviendront pas sans l’adhésion des communautés impliquées.
96 D. Paquelin, université Laval, Québec AEF Dépêche n° 577353 du 20 décembre 2017.
47
À cet égard, la mission a observé de nombreuses bonnes pratiques susceptibles de favoriser l’adhésion des acteurs.
Ainsi, ont été jugées très positives les dispositions suivantes qui paraissent à la mission aller dans le sens de l’intérêt des étudiants :
– l’outillage des étudiants avec les systèmes et procédés numériques qui constituent aujourd’hui et constitueront demain leur environnement professionnel et personnel ;
– l’association des étudiants à l’organisation des formations ;
– l’inscription des travaux à mener par les étudiants en autonomie dans l’emploi du temps et dans un calendrier rigoureux ;
– la reconnaissance des compétences douces et le suivi des compétences acquises au travers d’un e‐portfolio.
L’affirmation par les établissements d’une stratégie claire contribue à accélérer les transformations. Cette stratégie peut prendre des formes différentes. Ce peut être par exemple la décision de proposer d’hybrider une partie des enseignements pour un parcours de formation complet ou encore la mise en place d’un cadre d’évolution dans lequel les enseignants ont la liberté d’innover en pédagogie. Ces actions portées par l’établissement constituent un levier d’innovation très important.
L’incitation des enseignants est évidemment un facteur clé : plusieurs dispositifs ont été observés qui sont autant de moyens pour convaincre la communauté de se lancer dans la transformation numérique :
– la mise en place de contrats d’auteur pour la production de ressources pédagogiques en ligne ;
– l’évaluation de la charge enseignante en fonction des ECTS ;
– les décharges pour innovation ;
– l’incitation des enseignants à publier leurs pratiques innovantes dans des revues scientifiques spécialisées ;
– la création d’une communauté de pratiques en instituant des journées ou des séquences de présentation d’innovations pédagogiques associant tous les acteurs de l’université ;
– les conférences de consensus pour les ressources mutualisées.
Enfin, la mission estime particulièrement nécessaires toutes les mesures de mutualisation qui contribuent à la transformation du modèle économique :
– le partage des infrastructures numériques ;
– le mode SaaS pour l’acquisition des applicatifs ;
– la mobilisation de toutes les ressources numériques disponibles, à l’interne ou dans les UNT ;
– la co‐production entre équipes et entre établissements ;
– la combinaison des usages (formation initiale, formation continue, MOOCs).
D’une manière générale, il serait souhaitable que les établissements s’intéressent davantage au modèle économique de la transformation numérique des formations pour être en mesure de réellement pouvoir évaluer la mise en place de leur stratégie et dépasser les mythes sur les coûts et les bienfaits de cette transformation qui ne sont finalement pas fondés sur des analyses rigoureuses. Les exemples de transformation de l’offre de formation par hybridation des parcours, cités par la mission, montrent déjà que, sous réserves de l’adhésion des enseignants et des étudiants, des redéploiements de ressources sont possibles tout en favorisant la réussite étudiante.
Par ailleurs, la dynamique actuelle concernant la science ouverte, doit encourager les établissements et le ministère à davantage s’approprier les enjeux liés au partage et à la mutualisation des ressources. Le projet de la MIPNES de licence flexible pourrait fortement contribuer à assoir un modèle économique pour les formations mutualisées.
48
En complément du rapport, figurent en annexe onze recommandations qui, pour la mission, sont susceptibles de faciliter le passage d’un plus grand nombre d’établissements vers la transformation pédagogique et numérique.
Éric PIMMEL Maryelle GIRARDEY‐MAILLARD Émilie‐Pauline GALLIE
49
Annexes
Annexe 1 : Recommandations ........................................................................................... 51
Annexe 2 : Exemple de Contrat de commande et de cession pluriannuelle
des droits d’auteurs de ressources en ligne pour l’IAE Caen ..........................
53
Annexe 3 : Liste des personnes rencontrées ..................................................................... 58
Annexe 4 : Liste des sigles .................................................................................................. 62
51
Annexe 1
Recommandations
N° Recommandation Autorité responsable
1
Du fait d’un nombre important de personnes et groupes travaillant dans les établissements sur la propriété intellectuelle et ses implications sur la production de ressources numériques, il est recommandé au MESRI de publier un guide qui d’une part, récapitule la législation, la règlementation, les risques juridiques et les bonnes pratiques et d’autre part, propose des fiches opérationnelles et des contrats types.
MESRI
2
Sensibiliser/former les enseignants, producteurs de ressources en ligne, au respect de la propriété intellectuelle relative aux éléments intégrés dans leurs cours afin de réduire les risques potentiels de contentieux.
Établissements
3
Initier et encourager via notamment le contrat de plan État‐Région ainsi que les appels à projets, les solutions de partage concernant toutes les infrastructures numériques (Datacenter, plateformes applicatives, plateformes collaboratives, stockage, calcul)
MESRI – État ‐
4
Associer à la stratégie des établissements en matière de transformation numérique des enseignements une réflexion prospective sur ses impacts immobiliers et une estimation des coûts des investissements et des équipements nécessaires ainsi que des économies de fonctionnement potentielles.
Établissements
5
Transformer les modalités de décompte des obligations de service d’enseignement des enseignants en nombre de cours et selon la charge étudiante pour proposer davantage de souplesse et favoriser les innovations pédagogiques.
MESRI et établissements
6
Mettre à profit la modification de l’organisation du service des enseignants que la mission recommande pour instaurer un dispositif de valorisation de l’enseignement et des innovations pédagogiques, dont le corolaire est le développement d’une évaluation des enseignements.
MESRI et établissements
52
7
La transformation numérique doit être accompagnée par des mesures de gestion des ressources humaines dédiées aux personnels administratifs et techniques des universités. Il s’agit en particulier :
‐ d’assouplir les fiches de poste REFERENS en intégrant
les nouveaux métiers et en permettant notamment
des polyvalences en introduisant les possibilités de
majeure / mineure ;
‐ de modéliser dans la gestion prévisionnelle de
l’emploi et des compétences des établissements le
besoin en nouvelles compétences ;
‐ de mettre en place un programme de formation
permettant aux personnels en place d’acquérir et
d’actualiser les compétences requises par la
transformation pédagogique numérique.
MESRI et établissements
8 L’AMUE devra mettre en place un dispositif d’accompagnement des établissements pour assurer le succès du déploiement de PC‐Scol tout en établissant un argumentaire fiable sur les avantages des applications en modes SaaS qui permet de réduire les coûts et de dégager des moyens sur la numérisation des contenus.
AMUE
9 Inciter les UNT à s’inscrire dans la réflexion entamée par UNISCIEL et à proposer des productions élaborées de manière plus collaborative et sous forme de contenus granulaires facilement partageables et échangeables entre les auteurs et les équipes pédagogiques.
MESRI et établissements
10 Soutenir l’indexation des ressources pédagogiques mises à dispositions par les UNT : une disposition identique doit être mise en place au sein des établissements sous peine d’être incapable de répondre aux besoins des utilisateurs.
MESRI et établissements
11 Inciter l’Université Numérique qui associe les huit UNT françaises à porter une réflexion sur l’harmonisation des tarifs.
MESRI et établissements
53
Annexe 2
Exemple de Contrat de commande et de cession pluriannuelle
des droits d’auteurs de ressources en ligne pour l’IAE Caen
Entre
L’Université de Caen Normandie
Établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel
Dont le siège est situé Esplanade de la Paix – CS 14032 – 14032 CAEN Cedex 5
Représentée par son Président Pierre DENISE,
Ci-après désignée par « l’Université »
Agissant au nom de l’IAE Caen, dirigé par Monsieur Patrice GEORGET,
D’une part,
Et
L’Auteur,………..
Ci-après désigné par « l’auteur ou l’enseignant »,
D’autre part
IL A ETE CONVENU ET ARRETE CE QUI SUIT :
I – Préambule
Dans le cadre de ses formations e-learning, l’IAE, a souhaité distinguer trois statuts d’acteurs enseignants de la formation en ligne :
L’auteur qui crée le cours en ligne, L’e-animateur qui anime le groupe en ligne, L’animateur de regroupement.
Un document contractuel sera conçu pour chacun des trois profils. Le document ci-dessous concerne exclusivement la création du cours.
L’IAE a confié à l’auteur qui l’a accepté, le soin de composer et d’écrire l’œuvre intellectuelle ayant valeur d’un cours en ligne composé des matériaux pédagogiques nécessaires à la mise en œuvre d’activités d’apprentissage permettant l’atteinte des objectifs pédagogiques visés. Cette œuvre est écrite et réalisée pour être diffusée dans des dispositifs d’e-learning.
L’auteur conserve la propriété intellectuelle sur le contenu pédagogique de l’œuvre citée ci-dessus.
Le producteur, l’Université de Caen agissant au nom de l’IAE Caen, conserve la propriété intellectuelle de l’ingénierie pédagogique et de la création graphique et numérique de l’œuvre.
La conception et l’exploitation du cours en ligne et des matériaux pédagogiques feront l’objet d’une rémunération forfaitaire (voir III).
II Dispositions générales
Article 1 : Objet Le présent contrat porte sur les conditions de développement et d’exploitation de l’œuvre universitaire pédagogique présentée ci-dessous, élaborée à la demande de l’Université, via l’IAE, par l’auteur.
Le cours en ligne est intitulé : ………………………………………………………….
Il s’inscrit dans le cadre de Licence de Gestion, 3e année, Parcours Management des entreprises.
54
Ce présent contrat se substitue au précédent contrat concernant la même formation et entrera en vigueur dès sa signature pour une mise à disposition des cours en ligne à la rentrée 2019-2020.
La liste des matériaux pédagogiques afférents au cours en ligne à produire est définie en concertation avec le référent e-formation ayant commandé la prestation (responsable pédagogique d’un diplôme dans la majorité des cas ou chef de projet e-formation ou ingénieur pédagogique).
Le détail des ressources du cours est joint en annexe 1 de ce contrat.
Article 2 : Modalités de remise des matériaux pédagogiques
L’enseignant s’engage à remettre à l’Université, via l’IAE, aux dates convenues entre les parties et indiquées en annexe au présent contrat, une première version des matériaux pédagogiques sur un support informatique (cédérom ou clef USB) ou par courrier électronique. L’enseignant doit conserver un double de ses matériaux afin de dégager l’Université de toute responsabilité en cas de perte, vol ou destruction des éléments remis.
Article 3 : Respect des conditions de remise
Si l’enseignant ne remet pas les matériaux pédagogiques à la date prévue, l’Université, via l’IAE a la possibilité d’annuler la prestation demandée ou d’en modifier le paiement.
A compter de la date effective de réception de la première version, l’Université, via l’IAE dispose d’un délai de trois semaines pour vérifier la conformité des travaux à la commande. L’Université, via l’IAE peut, dans ce délai, soit avertir l’auteur des corrections à apporter sous 15 jours, soit les refuser s’ils sont manifestement non conformes à la demande.
La résiliation sera effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception.
Article 4 : Les droits et obligations de l’enseignant
Utilisation du cours en ligne dans un autre contexte
L’auteur pourra utiliser l’œuvre créée dans le cadre de l’exercice de son métier pour des enseignements universitaires.
Si l’auteur souhaite faire une exploitation de ses matériaux hors enseignement universitaire, il devra obtenir un accord préalable des différentes parties ciblées en préambule, et des conditions de mises à dispositions spécifiques seront étudiées.
Si l’Université de Caen agissant au nom de l’IAE Caen souhaite exploiter les ressources produites dans un autre contexte que celui initialement prévu, un contrat d’exploitation sera conclu avec l’auteur.
Obligations de garantie
L’enseignant garantit à l’IAE Caen la jouissance entière, paisible et libre de toutes servitudes des droits cédés contre tous troubles, revendications et évictions quelconques.
L’enseignant s’interdit notamment d’utiliser ses travaux selon un mode susceptible de porter atteinte directement ou indirectement aux intérêts de l’IAE Caen, étant entendu qu’il peut les utiliser dans le cadre des formations dispensées à l’IAE Caen, selon le mode présentiel.
Hors les exceptions légales de courte citation et de l’analyse telles que prévues par l’article L. 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, l’enseignant s’interdit d’incorporer à son ouvrage, par reproduction totale ou partielle, des œuvres protégées par le droit d’auteur, sur lesquelles il ne serait pas titulaire de droits, sans l’accord exprès préalable de l’IAE Caen.
En cas d’emprunt à une autre œuvre, l’enseignant devra en avertir l’IAE Caen, qui, s’il juge la demande fondée, fera son affaire de l’obtention des autorisations de reproduction nécessaires et des paiements éventuels y afférents.
L’enseignant est tenu de fournir à l’IAE Caen l’ensemble des informations nécessaires à l’identification des auteurs des documents qu’il souhaite voir intégrer à sa propre œuvre, afin de permettre, le cas échéant, à l’IAE Caen de demander, auprès desdits titulaires de droits, les autorisations susvisées, avant la publication de l’œuvre objet de la présente convention.
L’IAE Caen n’est en aucun cas tenu d’accéder aux demandes d’emprunt de l’enseignant. Hors les cas où l’accord de l’IAE Caen aurait été expressément signifié, l’auteur garantit les producteurs contre tout recours ou action que pourrait former un tiers au titre de la protection de la propriété littéraire et artistique.
L’enseignant garantit également à l’IAE Caen que ses matériaux pédagogiques ne contiennent aucun élément diffamatoire ou contraire aux lois relatives à la diffamation et à l’atteinte à la vie privée ou aux bonnes mœurs à quelque égard que ce soit. Il s’engage également à ne pas insérer de message à caractère publicitaire dans son manuscrit.
55
Il s’engage à indemniser l’IAE Caen de tout préjudice, perte ou dommage résultant d’une violation quelconque de la présente clause (y compris les frais de justice et toutes dépenses légitimes entraînées par des consultations juridiques).
En cas de non poursuite des fonctions de l’auteur ou de changement de ses attributions, l’Université de Caen agissant au nom de l’IAE Caen demeure concessionnaire des droits d’auteur portant sur les contenus pédagogiques apportés par l’auteur pour les modes d’exploitation définis à l’article 5.
Actualisation des matériaux
L’auteur s’engage à apporter toutes les actualisations nécessaires à la pérennité et à la qualité des matériaux pédagogiques sollicités par l’Université, via l’IAE, qui a la pleine et entière maîtrise pédagogique de l’insertion de ces derniers dans le dispositif de formation. A ce titre, l’auteur s’engage à actualiser chaque année les ressources produites dans le cadre du présent contrat.
Cette actualisation peut consister en des modifications sur une ressource existante ou la création d’objets d’apprentissage complémentaires jugés nécessaires à la bonne compréhension des thèmes abordés.
Cette actualisation a pour but de garantir la qualité générale du diplôme. Les auteurs auront accès en ligne à la dernière version de chacune de leurs ressources. Les éléments actualisés devront être déposés sur la plateforme d’actualisation de l’Université avant la date fixée par l’IAE Caen. Les auteurs disposeront d’un délai maximum de 2 mois entre la date de notification des actualisations et la date limite de remise des ressources.
L’auteur qui ne souhaite pas procéder aux actualisations et poursuivre ainsi sa collaboration doit en informer l’IAE au plus tard avant le 31 janvier. Dans ce cas, le contrat sera résilié dans les conditions prévues à l’article 7 et l’Université de Caen Normandie agissant pour l’IAE Caen pourra faire appel à un autre enseignant-auteur au sens de l’article L 113-2 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle pour procéder aux actualisations. La mention du nom de l’auteur initial sera alors maintenue pour la durée de cession des droits, assortie de la mention de l’auteur ayant procédé à l’actualisation.
L’auteur, à son initiative, peut proposer une évolution importante de ses ressources (réécriture de l’ensemble ou d’une grande partie des ressources) au responsable pédagogique. En cas d’acceptation, la rémunération sera modifiée pour tenir compte de l’ampleur du travail réalisé (plus de 50% des contenus). Un planning de remise des éléments pourra être établi de façon spécifique entre l’auteur et
l’IAE Caen. Le cas échéant, un avenant au présent contrat devra être signé entre l’auteur et l’Université.
Article 5 : Droits d’exploitation
L’enseignant cède à l’Université, via l’IAE Caen, pour le monde entier, les droits d’exploitation dont il est titulaire sur les matériaux pédagogiques produits dans le cadre du présent contrat.
Ces droits d’exploitation comprennent l’ensemble des droits patrimoniaux de reproduction et de représentation, d’adaptation, d’arrangement et de transformation (notamment actualisation), de traduction, afférents aux ressources pédagogiques, aux fins d’exploitation définis ci-après.
Le droit de reproduction comprend notamment le droit de reproduire ou de faire reproduire, d’enregistrer, de faire enregistrer, d’adapter ou de faire adapter, sans limitation de nombre les ressources pédagogiques :
- par tous moyens et tous procédés techniques connus ou inconnus à ce jour qu’ils soient notamment analogiques, magnétiques, numériques ou optiques tels que notamment par voie d’imprimerie, de photocopie, de numérisation, de scan, de téléchargement et tout autre procédé de reproduction ;
- sur tous supports connus ou inconnus à ce jour qu’ils soient notamment analogiques, magnétiques, numériques, ou
optiques tels que notamment les supports papier, les films tous millimétrages, ainsi que les disquettes, CD, CD-Rom, CDR, CD-RW, CDI, DVD, DVD-Rom, DVD-R, DVD-RW, vidéodisques, disques blu-ray, périphériques de stockage de masse (notamment clés USB, disques durs, amovibles ou non, serveurs internes, serveurs externes fonctionnant notamment en informatique en nuage (ou cloud computing), cartes à mémoire, lecteurs numériques, assistants personnels, téléphones mobiles, livres numériques, tablettes tactiles.
Le droit de reproduction comprend le droit de modifier, mixer, assembler, modéliser, monter, transcrire, arranger et numériser les matériaux pédagogiques, en tout ou partie et la représentation de tout ou partie de ces matériaux pédagogiques sur tous supports connus ou inconnus, actuels et futurs. Les adaptations ou modifications apportées aux contenus pédagogiques ont notamment pour objectif d’améliorer l’accessibilité du contenu pédagogique et de faciliter leur intégration dans un cours en ligne, dans le respect du droit moral de l’Auteur.
Le droit de représentation comprend notamment le droit de communiquer au public, d’exposer, de représenter ou de faire représenter les ressources pédagogiques, ensemble ou séparément :
- par tous moyens et tous procédés techniques connus et inconnus à ce jour qu’ils soient notamment analogiques, optiques, magnétiques, vidéographiques ou numériques ;
- sur tous réseaux informatiques, numériques, télématiques et de télécommunication notamment en vue de l’exploitation sur
réseau hors ligne ou en ligne ou tel qu’Internet, intranet, téléphonie mobile (notamment WAP, IMOD, Internet mobile, etc.), et/ou flux de syndication de contenus tel que le RSS, RSS2, ATOM, etc., via des serveurs internes, serveurs externes
56
(fonctionnant notamment en informatique en nuage), cartes à mémoire, lecteurs numériques, assistants personnels, téléphones mobiles, livres numériques, tablettes tactiles et tout autre procédé analogue existant ou à venir qu’il soit informatique, numérique, télématique ou de télécommunication ;
- par voie de télédiffusion et par tous moyens inhérents à ce mode de communication et notamment par voie hertzienne
terrestre, câble, par satellite, par réseau téléphonique filaire ou sans fil, par télévision numérique, que la diffusion soit en clair ou cryptée, gratuite ou payante ;
- dans toutes salles réunissant du public, payant ou non.
Le droit de représentation comprend également le droit de mettre ou de faire mettre en circulation les originaux, doubles ou copies, en version physique et/ou version numérique pour toute mise à disposition et communication au public.
Les droits susvisés sont concédés pour toute exploitation non commerciale ou commerciale (accès payant au cours en ligne) dans le cadre de la formation mentionnée à l’article 1 ; ainsi que des activités connexes qui y sont liées (activités de communication notamment).
La présente cession est consentie à titre non exclusif pendant une durée de 5 ans à compter de la prise d’effet du présent contrat, nonobstant sa résiliation.
L’Université, via l’IAE, pourra, dans les conditions mentionnées ci-avant, exploiter les ressources pédagogiques produites par l’enseignant à l’expiration de sa collaboration avec ce dernier dans le cadre du présent contrat. À ce titre, il est rappelé que la cession comprend notamment le droit :
- de faire appel à un autre enseignant pour l’actualisation des ressources pédagogiques. La mention du nom de l’auteur sera maintenue pour la durée de la cession de droits, assortie de la mention de l’auteur ayant procédé à l’actualisation des matériaux pédagogiques.
- d’inclure les ressources pédagogiques en tout ou partie dans toute œuvre de l’esprit sur tout support (œuvres multimédia interactives ou vidéo..) produite et diffusée dans le cadre de la formation mentionnée à l’article 1.
Article 6 : Rémunération
La rémunération de l’auteur comprend l’élaboration, l’actualisation et l’exploitation des ressources pédagogiques tels que décrites dans les articles ci-dessus.
Elle est versée chaque année après validation par l’auteur des ressources dont il a la charge (signature du BAP) et du responsable pédagogique.
Elle est calculée de la manière suivante sur la base d’une maquette de formation continue présentielle :
Sur la base d’1 h de cours maquette présentielle FC
année 1 41,41 x 1,5 = 61,36
année 2 41,41 x 1 = 41,41
année 3 41,41 x 1 = 41,41
année 4 41,41 x 1 = 41,41
année 5
TOTAL 186,34 €
En cas d’actualisation conséquente impliquant une refonte du support et après concertation du responsable pédagogique avec l’équipe technique en charge de l’actualisation, une rémunération complémentaire pourra être versée calculée sur la base de l’heure de cours CM FI.
Article 7 : Durée de l’accord
Le présent contrat prend effet à compter de sa signature pour une durée de 5 ans, sans préjudice des dispositions de l’article 5.
Article 8: Résiliation
L’IAE Caen est responsable de la cohérence de l’ensemble du diplôme. Pour garantir la qualité globale de la formation, il peut être amené à modifier le contenu d’une partie du diplôme, son organisation, ou à procéder à un changement d’auteur. Ainsi, l’IAE Caen pourra résilier l’accord signé avec l’auteur pour les motifs suivants :
‐ Modification de la maquette du diplôme (du contenu et de l’organisation des enseignements)
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‐ Non-respect de ses obligations par l’auteur : ressources non actualisées de façon récurrente, non-respect de la commande (ressources non remises), refus de l’auteur d’adapter son module aux demandes du responsable pédagogique, etc.
L’IAE Caen avertira l’auteur de son intention de ne pas poursuivre la collaboration avant le 31 avril de l’année en cours (et avant que toute actualisation ait été faite par l’auteur).
La résiliation peut également intervenir à l’initiative de l’auteur. Dans ce cas, l’auteur devra notifier à l’IAE Caen son intention de ne pas poursuivre sa participation (cas d’un départ en retraite…) avant le 31 janvier de l’année en cours. La résiliation doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception.
III – Dispositions spécifiques à chaque auteur
L’IAE Caen demande à ……………………………….. de concevoir le(s) cours en ligne mentionnés à l’article1 :
Pour les cinq années, la rémunération de l’écriture et de l’actualisation par l’auteur sera de ……………… € brut, correspondant à la conception des ressources et à leur exploitation. Elle sera versée selon le calendrier suivant :
Date de versement
Année 2019-2020 41,41 x 1,5 x Juin / Juillet 2020
Année 2020-2021 41,41 x Juin / Juillet 2021
Année 2021-2022 41,41 x Juin / Juillet 2022
Année 2022-2023 41,41 x Juin / Juillet 2023
Année 2023-2024 Juin / Juillet 2024
La rémunération globale sera versée chaque année en juin/juillet, sous condition de validation de l’ensemble des ressources sur la plateforme du partenaire dédiée à cet effet (bon à publier signé).
Fait à Caen, en double exemplaire, le …………………………………...
L’auteur Le Président de l’Université de Caen Normandie
58
Annexe 3
Liste des personnes rencontrées
Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
Mme Brigitte Plateau, directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle
M. Amaury Flégès, chef du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante
M. Mehdi Gharsallah, conseiller stratégique pour le numérique
Mission pour la pédagogie et du numérique dans l’enseignement supérieur
Mme Marie‐Françoise Crouzier, cheffe de la mission
M. Franck Estay, expert
Secrétariat général pour l’investissement
M. Amaury Fléges, directeur adjoint du programme « Centres d'excellence »
M. Laurent Michel, directeur adjoint du programme Numérique
Direction interministérielle de la transformation publique
M. Jérôme d’Harcourt, chef du département pilotage du programme de transformation de l'action publique
M. Lionel Da Cruz, chargé de mission
M. Floris Raynal, responsable du fonds pour la transformation de l’action publique
Agence de mutualisation des universités et établissements
M. Stéphane Athanase, directeur de l’AMUE
M. Hugues Ponchaut, directeur du département stratégie et programmation SI
M. Michel Allemand, directeur du programme PC‐Scol
M. Alain Fayolle, Expert métier VP formation tout au long de la vie université Saint‐Etienne
Agence nationale de la recherche
M. Arnaud Torres, directeur des grands programmes d’investissement de l’État
M. Jean‐Marie Chesneaux, responsable des actions IdefiN et DUNE
Association des vice‐présidents en charge du numérique dans l'enseignement supérieur
Mme Brigitte Nominé, présidente
FUN MOOC
Mme Catherine Mongenet, directrice
M. Philippe Dedieu, VP du GIP FUN MOOC, président de la SAS FUN partenaires
Universités numériques thématiques
M. Ollivier Haemmerlé, directeur université numérique des humanités (UOH) et président association des
universités numériques
M. Manuel Majada, secrétaire général d’UNISCIEL (université numérique des sciences en ligne)
59
Université catholique de Lille
M. Pierre Giorgini, président‐recteur
Mme Catherine Demarey, vice‐recteur aux affaires académiques et à la vie étudiante
M. Jean‐Marc Assié, directeur général du développement et de la stratégie
M. Bertrand Lédée, directeur général des services
M. Didier Peillon, délégué de la Fondation
M. Thierry Sobanski, directeur du campus numérique
Université Grenoble Alpes
M. Patrick Levy, président UGA
M. Henri Benoit, VP SI UGA
M. Pascal Louvet, VP CA UGA
M. Joris Benelle, DGS UGA
Mme Carole Kada, DGD RH
M. Jean‐François Redon, DGD Formation et vie étudiante.
M. Dominique Thivolle, DGD en charge de l’aménagement, du patrimoine et de la logistique (APAL), UGA
Mme Karine Guillot, directrice de la prospective et projets immobiliers au sein de la DGD APAL
Mme Véronique Gonzalez, chargée des opérations immobilières
Mme Caroline van der Heijde, DAC Pole santé
M. Martin Oudart, étudiant en médecine
M. Philippe Giroux, chargé de mission SHN et publics empêchés
Nathalie Nerrière, DAC STAPS
M. José Labarère, chargé de mission santé UGA
M. Jean‐Philippe Heuzé, directeur UFR STAPS
M. Tom Fresse, étudiant UFR STAPS, président du BDE
M. Lionel Filippi, directeur IUT2
Mme Laurence Billard, directrice adjointe IUT2
Mme Isabelle Breysse, centre des pédagogies mutualisées IUT2
M. Thibault Dominguez, ingénieur pédagogique learning lab
M. Vincent Miet, ingénieur pédagogique learning lab
COMUE Université Grenoble Alpes
Mme Lise Dumasy, présidente COMUE
Mme Isabelle Girerd‐Potin, VP VE COMUE
Mme Isabelle Olivier, VP Numérique COMUE
Mme Marjorie Fraisse, DGS COMUE
M. Remi Klein, directeur SIMSU
M. Philippe Giroud, chargé de mission SHN et publics empêchés
M. Frédéric Cantaroglou, coordonnateur PUN COMUE
Université de Caen
Mme Isabelle Grand, directrice adjointe de l’IAE
M. Pierre Beust, VP délégué en charge des transformations pédagogiques
Mme Isabelle Duchatelle, vice‐Présidente CFVU en charge de la vie étudiante et du numérique
60
Université d’Angers
Mme Nathalie Debski, vice‐présidente déléguée à l’innovation pédagogique
M. Stéphane Amiard, vice‐président numérique et patrimoine
M. Pierre Saulue, directeur du développement numérique
Mme Yamina Chikh, PRCE en Gestion
Mme Isabelle Trivisani Moreau, maître de conférences
M. Samuel Legeay, maître de conférences
M. Didier Le Gall, vice‐président du conseil d’administration
Mme Nathalie Lusson, responsable du Lab’UA
Didier Boisson, chef de projet Thélème
Université de La Rochelle
M. Jean‐Marc Ogier, président de l’université
Mme Jeanne Lallement, VP CA de l’université
M. Jean‐Christophe Burie, VP numérique
M. Jean‐Michel Carozza, VP CFVU
M. Thomas Petit, ingénieur pédagogique
Mme Violaine Charil, conseillère pédagogique
Mme Aline Autissier, responsable du contrôle budgétaire
M. Mathieu Paquerot, responsable Master management et administration des entreprises (MAE) à distance
CentraleSupelec
M. Romain Soubeyran, directeur général
M. Lionel Gabet, directeur des études
M. Renaud Monnet, DSI
EPF
M. Éric Savattero, directeur des formations
M. Diana Lucia Griffoulières, responsable d’ingénierie pédagogique numérique
M. François Stephan, responsable cellule Innovation pédagogique
Institut Mines Telecom
M. Philippe Jamet, directeur général
Mme Frédérique Vincent, directrice de l’enseignement et de l’international
CNED
M. Michel Reverchon‐Billot, directeur général,
M. Jean‐Michel Leclerq, directeur de cabinet
M. Céline Blugeon, secrétaire générale :
M. Jérôme Villot, directeur adjoint, directeur des apprentissages, de la pédagogie et du numérique
M. Benjamin Michelot, directeur de l’audit interne,
M. Fabrice Kwiecien, directeur des affaires juridiques,
M. Antoine Villard, responsable de la propriété intellectuelle et des droits d’auteurs
Université catholique de Louvain
Mme Isabelle Durant, professeur de droit, pro‐rectrice à l’enseignement et la formation
M. Philippe Parmentier, directeur de l’enseignement
M. Yves Deville, conseiller du recteur pour le numérique
61
Mme Pascale Wouters, conseillère pédagogique learning lab
Mme Christine Jacqmot, chargée de cours
EPFL Lausanne
M. Antoine Fromentin, délégué pour les affaires internationales
M. Denis Gillet, co fondateur du Swiss Edtech Collider
M. Loic Gardiol, cofondateur et directeur de PocketCampus
M. Christophe Barraud, président de l’association Mobsya
Mme Sara Montecchiari, coordinatrice des ventes de l’association Mobsya
Université Laval
M. Didier Paquelin (par visioconférence)
62
Annexe 4
Liste des sigles
AMUE : agence de mutualisation des universités et établissements
APOGEE : application pour l'organisation et la gestion des enseignements et des étudiants
BAP : branches d'activité professionnelle
BIATSS : bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, de service et de santé
CFVU : commission de la formation et de la vie universitaire
CM : cours magistraux
CNED : centre national d'enseignement à distance
COMUE : communauté d’universités et établissements
DGESIP : direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle
DIPEEO : différenciation pédagogique en expression écrite et orale (Université d’Angers)
DU : diplôme d’université
DUNE : développement d'universités numériques expérimentales
ECTS : European credits transfer system (système européen de transfert et d'accumulation de crédits)
EPF : anciennement École Polytechnique Féminine : devenue école d’ingénieur mixte, l’école n’a gardé que ses initiales.
ESRI : enseignement supérieur, la recherche et l’innovation
ETP : équivalent temps plein
FTAP : fonds pour la transformation de l’action publique
FUN : France université numérique
HETD : heure équivalent TD
IDEFI‐N : initiatives d'excellence en formations innovantes numériques
IGAENR : inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche
IAE : institut d’administration des entreprises
MIPNES : mission de la pédagogie et du numérique pour l'enseignement supérieur
MOOCs : massive open online course (cours en ligne ouvert et massif)
NCU : nouveaux cursus universitaires
OPCA : organisme paritaire collecteur agréé
ORE : Orientation et Réussite des Étudiants (Loi n° 2018‐166 du 8 mars 2018)
PACES : première année commune aux études de santé
PIA : plan d’investissement d’avenir
REFERENS : référentiel des emplois‐types de la recherche et de l’enseignement supérieur
RGPD : règlement général pour la protection des données personnelles
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SaaS : software as a service
SEPI : séances d'enseignement présentiel interactif (UGA)
SPI : service des pédagogies innovantes (université de La Rochelle)
SPOC : small private online course (formation en ligne ouverte à un nombre limité de participants)
STAPS : sciences et techniques des activités physiques et sportives
TD : travaux dirigés
TEA : temps étudiant accompagné (université de La Rochelle)
TICE : technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement
TP : travaux pratiques
UCL : université catholique de Louvain
UFR : unité de formation et de recherche
UGA : université Grenoble Alpes
UNT : universités numériques thématiques