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Sessions 2018 et 2019 du baccalauréat, Musique - option facultative - Max Richter, Album Recomposed : Vivaldi, The Four Seasons - Page 1 Terminale option facultative – Sessions 2018 et 2019 Max Richter (1966-) Recomposed by Max Richter : Vivaldi, the Four Seasons (2012) Au programme du bac, 5 extraits d’un album de Max Richter : Recomposed by Max Richter : Vivaldi, the Four Seasons Spring 1 (2'32) ; Summer 3 (5'01) ; Autumn 2 (3'08) ; Winter 1 (3'01) ; Shadow 3 (3'33) 1 – Le contexte de l’œuvre 1.1 Autour de Max Richter Max Richter est né le 22 mars 1966 à Hamelin en Allemagne. C’est un pianiste compositeur germano- britannique que l’on peut classer à la fois dans la musique « classique » mais aussi dans le répertoire de la musique « électronique contemporaine ». Il est parfois considéré comme un compositeur appartenant au mouvement post-minimaliste basé à Berlin. Max Richter a étudié la composition et le piano à l'université d'Édimbourg, à la Royal Academy of Music et avec Luciano Berio (1925-2003) à Florence. Sa musique est à cette époque principalement influencée par celle du compositeur Iannis Xenakis (1922-2001). Après ses études, il a cofondé l'ensemble Piano Circus en 1989 où il est resté pendant dix ans, interprétant entre autres des œuvres de compositeurs contemporains tels qu'Arvo Pärt, Philip Glass et Steve Reich (durant cette période, cinq disques ont été enregistrés). À partir de 1996, il travaille avec l’ensemble Future Sound of London sur un album intitulé « Dead Cities ». Initialement prévu en tant que pianiste, il co-écrit certaines pistes, rôle qu’il poursuivra par la suite et en prenant également une place en tant que mixeur, coproducteur. Au cours de sa carrière, Max Richter alterne entre des projets en solo (à commencer par son album Memoryhouse de 2002) et en collaboration avec d’autres artistes aussi variés que talentueux. Écoute : Max Richter, extrait de « November », issu de l’album Memoryhouse Depuis 2004, Max Richter se produit régulièrement en concert et travaille sur des musiques de films comme celle de « Valse avec Bachir », film d’animation d’Ari Folman (metteur en scène israélien), ouvrant sa musique sur d’autres arts. En 2008, l’ouverture se poursuit avec la composition de la musique du ballet « Infra » de Wayne McGregor (danseur et chorégraphe britanique). Écoute : extrait video du ballet Infra de Wayne McGregor, musique de Max Richter Son titre On the Nature of Daylight (sur l'album The Blue Notebooks) est utilisé pour le film « Shutter Island » de Martin Scorsese (avec Leonardo DiCaprio) datant de 2012. Écoute : On the Nature of Daylight de Max Richter À cette date, le label Deutsche Grammophon lui propose de participer à la réalisation d’un album qui paraitra dans une collection spéciale intitulée « Recomposed Series » et visant à ré-composer les chefs-d’œuvre de la musique « savante » parmi lesquels les Quatre Saisons de Vivaldi, mais aussi Boléro et la Rhapsodie espagnole de Ravel, la Xe symphonie de Mahler, ou plus dernièrement les Suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach (octobre 2018). Son travail cherche à rapprocher la rigueur de la tradition classique et l’expérimentalisme de l’électronique contemporain, mêlant une écriture orchestrale et des techniques de compositions plus contemporaines, en témoigne son album (puis spectacle) « Sleep » avec 8 CD et d’une durée de plus de 8 heures et qui expérimente de nouvelles formes de concert avec un public endormi (venir avec oreiller et couverture… et petit déjeuner offert à l’issue du concert) et associant des instruments traditionnels et des boucles électroniques. Longtemps associé à la musique d’avant-garde, en raison de ses premiers albums, Max Richter s’est plus récemment fait connaitre du public mélomane grâce à ses nombreuses collaborations avec des musiciens comme Woodkid (français classé approximativement dans le rock alternatif) dans son album « The Golden Age ». Écoute : Embers de Woodkid, avec la participation de Max Richter Son univers s’élargit également grâce au travail mené avec des réalisateurs de films ou de séries tels que The Leftovers, Miss Sloane, Hostiles, Black Mirror, ou encore Taboo qui lui a valu sa première nomination aux Emmy Award (dans la catégorie composition musicale pour une série). En dehors des commandes originales, sa musique a été régulièrement utilisée dans le cinéma. Ainsi, le succès est grandissant, que ce soit en termes de vente de disques, de nombre de vues sur les plateformes de streaming ou encore de ventes de places pour les concerts programmés dans les salles les plus prestigieuses parmi lesquelles le Royal Albert Hall de Londres, l'Opéra de Sydney, la Philharmonie de Paris, le Concertgebouw d'Amsterdam et le Berghain de Berlin. L’album intitulé Recomposed : The Four Seasons (sorti en 2012) a dominé les classements de ventes de la musique classique dans 22 pays. Enfin, dans une démarche inverse, dès l’année 2016, la danseuse et chorégraphe Crystal Pite réutilise certains extraits de l’album de Max Richter pour créer son spectacle « The Season’s Canon », à l’opéra de Paris. Écoute : Vidéo du début du spectcle de Crystal Pite sur la musique de Max Richter, extrait de Spring 0 (en dehors du programme) et Spring 1 (au programme). Pour suivre Max Richter : https://www.maxrichtermusic.com Facebook : https://www.facebook.com/MaxRichterMusic/ Twitter : https://twitter.com/maxrichtermusic Instagram : https://www.instagram.com/maxrichtermusic/ Youtube : https://www.youtube.com/user/maxrichtermusic Apple Music : https://itunes.apple.com/gb/artist/max-richter/id54782697 Spotify : https://open.spotify.com/user/spotify/playlist/37i9dQZF1DXe2SymtxlfwF Playliste des œuvres du cours

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Sessions 2018 et 2019 du baccalauréat, Musique - option facultative - Max Richter, Album Recomposed : Vivaldi, The Four Seasons - Page 1

Terminale option facultative – Sessions 2018 et 2019

Max Richter (1966-) Recomposed by Max Richter :

Vivaldi, the Four Seasons (2012)

Au programme du bac, 5 extraits d’un album de Max Richter : Recomposed by Max Richter : Vivaldi, the Four Seasons Spring 1 (2'32) ; Summer 3 (5'01) ; Autumn 2 (3'08) ; Winter 1 (3'01) ; Shadow 3 (3'33) 1 – Le contexte de l’œuvre

1.1 Autour de Max Richter

Max Richter est né le 22 mars 1966 à Hamelin en Allemagne. C’est un pianiste compositeur germano-britannique que l’on peut classer à la fois dans la musique « classique » mais aussi dans le répertoire de la musique « électronique contemporaine ». Il est parfois considéré comme un compositeur appartenant au mouvement post-minimaliste basé à Berlin.

Max Richter a étudié la composition et le piano à l'université d'Édimbourg, à la Royal Academy of Music et avec Luciano Berio (1925-2003) à Florence. Sa musique est à cette époque principalement influencée par celle du compositeur Iannis Xenakis (1922-2001). Après ses études, il a cofondé l'ensemble Piano Circus en 1989 où il est resté pendant dix ans, interprétant entre autres des œuvres de compositeurs contemporains tels qu'Arvo Pärt, Philip Glass et Steve Reich (durant cette période, cinq disques ont été enregistrés). À partir de 1996, il travaille avec l’ensemble Future Sound of London sur un album intitulé « Dead Cities ». Initialement prévu en tant que pianiste, il co-écrit certaines pistes, rôle qu’il poursuivra par la suite et en prenant également une place en tant que mixeur, coproducteur. Au cours de sa carrière, Max Richter alterne entre des projets en solo (à commencer par son album Memoryhouse de 2002) et en collaboration avec d’autres artistes aussi variés que talentueux. Écoute : Max Richter, extrait de « November », issu de l’album Memoryhouse

Depuis 2004, Max Richter se produit régulièrement en concert et travaille sur des musiques de films comme celle de « Valse avec Bachir », film d’animation d’Ari Folman (metteur en scène israélien), ouvrant sa musique sur d’autres arts. En 2008, l’ouverture se poursuit avec la composition de la musique du ballet « Infra » de Wayne McGregor (danseur et chorégraphe britanique). Écoute : extrait video du ballet Infra de Wayne McGregor, musique de Max Richter

Son titre On the Nature of Daylight (sur l'album The Blue Notebooks) est utilisé pour le film « Shutter Island » de Martin Scorsese (avec Leonardo DiCaprio) datant de 2012. Écoute : On the Nature of Daylight de Max Richter

À cette date, le label Deutsche Grammophon lui propose de participer à la réalisation d’un album qui paraitra dans une collection spéciale intitulée « Recomposed Series » et visant à ré-composer les chefs-d’œuvre de la musique « savante » parmi lesquels les Quatre Saisons de Vivaldi, mais aussi Boléro et la Rhapsodie espagnole de Ravel, la Xe symphonie de Mahler, ou plus dernièrement les Suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach (octobre 2018).

Son travail cherche à rapprocher la rigueur de la tradition classique et l’expérimentalisme de l’électronique contemporain, mêlant une écriture orchestrale et des techniques de compositions plus contemporaines, en témoigne son album (puis spectacle) « Sleep » avec 8 CD et d’une durée de plus de 8 heures et qui expérimente de nouvelles formes de concert avec un public endormi (venir avec oreiller et couverture… et petit déjeuner offert à l’issue du concert) et associant des instruments traditionnels et des boucles électroniques. Longtemps associé à la musique d’avant-garde, en raison de ses premiers albums, Max Richter s’est plus récemment fait connaitre du public mélomane grâce à ses nombreuses collaborations avec des musiciens comme Woodkid (français classé approximativement dans le rock alternatif) dans son album « The Golden Age ». Écoute : Embers de Woodkid, avec la participation de Max Richter

Son univers s’élargit également grâce au travail mené avec des réalisateurs de films ou de séries tels que The Leftovers, Miss Sloane, Hostiles, Black Mirror, ou encore Taboo qui lui a valu sa première nomination aux Emmy Award (dans la catégorie composition musicale pour une série). En dehors des commandes originales, sa musique a été régulièrement utilisée dans le cinéma. Ainsi, le succès est grandissant, que ce soit en termes de vente de disques, de nombre de vues sur les plateformes de streaming ou encore de ventes de places pour les concerts programmés dans les salles les plus prestigieuses parmi lesquelles le Royal Albert Hall de Londres, l'Opéra de Sydney, la Philharmonie de Paris, le Concertgebouw d'Amsterdam et le Berghain de Berlin.

L’album intitulé Recomposed : The Four Seasons (sorti en 2012) a dominé les classements de ventes de la musique classique dans 22 pays. Enfin, dans une démarche inverse, dès l’année 2016, la danseuse et chorégraphe Crystal Pite réutilise certains extraits de l’album de Max Richter pour créer son spectacle « The Season’s Canon », à l’opéra de Paris. Écoute : Vidéo du début du spectcle de Crystal Pite sur la musique de Max Richter, extrait de Spring 0 (en dehors du programme) et Spring 1 (au programme).

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Playliste des œuvres du cours

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Sessions 2018 et 2019 du baccalauréat, Musique - option facultative - Max Richter, Album Recomposed : Vivaldi, The Four Seasons - Page 2

1.2 À propos de l’œuvre « Recomposed by Max Richter : Vivaldi - The Four Seasons » est un album sorti le 31 août 2012 sur Universal Classics and Jazz (division Allemagne d'Universal Music Group et Deutsche Grammophon). Ce nouvel opus est une recomposition (ou ré-écriture) des quatre saisons d’Antonio Vivaldi (1678-1741), compositeur baroque italien, une œuvre intitulée Le quattro stagioni (Opus 8, no 1-4) composée sans doute en 1723 et qui regroupe 4 concertos pour violons : - Concerto n° 1 en mi majeur, op. 8, RV 269, « La primavera » (Le Printemps) - Concerto n° 2 en sol mineur, op. 8, RV 315, « L'estate » (L'Été) - Concerto n° 3 en fa majeur, op. 8, RV 293, « L'autunno » (L'Automne) - Concerto n° 4 en fa mineur, op. 8, RV 297, « L'inverno » (L'Hiver) Étant donné qu’il s’agit de concertos pour violon issu de l’époque baroque, l’œuvre est généralement interprétée par un violon solo qui dialogue avec un orchestre à cordes et d’une basse continue le plus souvent jouée au clavecin, au luth et à la contrebasse). Composés de 3 mouvements (rapide, lent, rapide), chaque concerto est

accompagné d’un sonnet, attribué à Vivaldi et décrivant chaque saison. Sur la partition, le compositeur indique les correspondances avec les poèmes, allant jusqu’à expliciter certains détails (aboiements de chien, noms d'oiseaux : coucou, tourterelle, pinson…). Cette œuvre est parfois considérée comme une des premières œuvres de musique à programme, c’est-à-dire une musique composée à partir d’un argument littéraire, mais dans laquelle le texte est absent (pas de chanteur). Ces textes reflètent l’époque Baroque qui trouve son inspiration dans la nature et l’imitation de celle-ci, elle donne aux compositeurs l’occasion d’expérimenter de nouveaux modes de jeu ; cette musique instrumentale pure est parfois très figurative, et cherche à reproduire ouvertement des sons tels que les oiseaux, l’orage, la pluie et le vent. Écoute : extrait du 1er mouvement du concerto n°1 « le printemps » d’Antonio Vivaldi (chants d’oiseaux)

Dans cet extrait, les nombreux ornements écrits (habituellement laissés à l’improvisation des interprètes) témoignent des recherches de Vivaldi au niveau du timbre et sa volonté d’imiter les oiseaux (« uccelli » en italien) par une écriture précise. Pour renforcer l’effet de ce passage, les notes répétées sont renforcées par l’utilisation d’un registre aigu (aux violons uniquement) et le retrait temporaire de la basse continue (généralement interprétée par le clavecin, les contrebasses et le luth).

À travers les différents sonnets, Vivaldi suggère ouvertement ses références à l’auditeurs. En lisant les textes ci-dessous, c’est à vous d’imaginer les multiples éléments figurés par le compositeur (les texte en gras, sont ceux qui font références aux mouvements au programme) :

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Sessions 2018 et 2019 du baccalauréat, Musique - option facultative - Max Richter, Album Recomposed : Vivaldi, The Four Seasons - Page 3

Concerto n°1 : le printemps Mouvement 1 : Allegro Voici le Printemps, Que les oiseaux saluent d'un chant joyeux. Et les fontaines, au souffle des zéphyrs, Jaillissent en un doux murmure. Ils viennent, couvrant l'air d'un manteau noir, Le tonnerre et l'éclair messagers de l'orage. Enfin, le calme revenu, les oisillons Reprennent leur chant mélodieux. Mouvement 2 : Largo Et sur le pré fleuri et tendre, Au doux murmure du feuillage et des herbes, Dort le chevrier, son chien fidèle à ses pieds. Mouvement 3 : Allegro Au son festif de la musette Dansent les nymphes et les bergers, Sous le brillant firmament du printemps. Concerto n°2 : l’été Mouvement 1 : Allegro non molto - Allegro Sous la dure saison écrasée de soleil, Homme et troupeaux se languissent, et s'embrase le pin. Le coucou se fait entendre, et bientôt d'une seule voix Chantent la tourterelle et le chardonneret. Zéphyr souffle doucement, mais, tout à coup, Borée s'agite et cherche querelle à son voisin. Le pâtre s'afflige, car il craint L'orage furieux, et son destin. Mouvement 2 : Adagio - Presto - Adagio À ses membres las, le repos est refusé : La crainte des éclairs et le fier tonnerre Et l'essaim furieux des mouches et des taons. Mouvement 3 : Presto Ah, ses craintes n'étaient que trop vraies, Le ciel tonne et fulmine et la grêle Coupe les têtes des épis et des tiges.

Concerto n°3 : l’automne Mouvement 1 : Allegro Par des chants et par des danses, Le paysan célèbre l'heureuse récolte Et la liqueur de Bacchus Conclut la joie par le sommeil. Mouvement 2 : Adagio molto Chacun délaisse chants et danses : L'air est léger à plaisir, Et la saison invite Au plaisir d'un doux sommeil. Mouvement 3 : Allegro Le chasseur part pour la chasse à l'aube, Avec les cors, les fusils et les chiens. La bête fuit, et ils la suivent à la trace. Déjà emplie de frayeur, fatiguée par le fracas des armes Et des chiens, elle tente de fuir, Exténuée, mais meurt sous les coups. Concerto n°4 : l’hiver Mouvement 1 : Allegro non molto Trembler violemment dans la neige étincelante, Au souffle rude d'un vent terrible, Courir, taper des pieds à tout moment Et, dans l'excessive froidure, claquer des dents ; Mouvement 2 : Largo Passer auprès du feu des jours calmes et contents, Alors que la pluie, dehors, verse à torrents; Mouvement 3 : Allegro Marcher sur la glace, à pas lents, De peur de tomber, contourner, Marcher bravement, tomber à terre, Se relever sur la glace et courir vite Avant que la glace se rompe et se disloque. Sentir passer, à travers la porte ferrée, Sirocco et Borée, et tous les Vents en guerre. Ainsi est l'hiver, mais, tel qu'il est, il apporte ses joies.

Dans le cadre de cette œuvre de Max Richter, on parle ici de « recomposition ». Sa démarche consiste essentiellement à reprendre des éléments de l’œuvre de Vivaldi et de les mettre « en boucle » (c’est-à-dire les répéter) en les variant progressivement, ce qui le place dans un style de musique minimaliste et postmoderne. Selon Max Richter, seulement 25% du matériau d'origine de Vivaldi aurait été conservé. Dans son album, en plus des reprises des 4 concertos de Vivaldi, Max Richter propose également une série de 5 autres titres intitulés « Shadow ». Composés dans le même esprit, ils s’éloignent de l’œuvre de Vivaldi et évoquent des paysages sonores de façon plus électroniques. Au niveau de l’interprétation de l’album, la partie de violon solo est assurée Daniel Hope et l'orchestre symphonique du Konzerthaus Kammerorchester de Berlin, sous la direction d'André de Ridder. Ce grand violoniste né en 1973, habitué aux concertos joue notamment sur un violon prestigieux surnommé « Ex-Lipinski » et fabriqué par célèbre luthier du XVIIIe siècle

Giuseppe Guarneri del Gesù (1698-1744) en 1742, donc de l’époque de Vivaldi.

1.3 Réception de l’œuvre L’œuvre a été créée le 31 octobre 2012 au Barbican Centre (Royaume-Uni) par le Britten Sinfonia dirigé par André de Ridder, avec le violoniste Daniel Hope (comme sur l’enregistrement). Très vite, l'album a été propulsé en tête du classement classique d’iTunes au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis. Le concert de lancement américain s’est déroulé le 20 décembre de la même année au Poisson Rouge (club de jazz et scène multicuturelle à New York) et a fait l’objet d’une captation par NPR (radio publique américaine) et d’une diffusion vidéo en direct. De nombreux critiques saluent cette ré-écriture d’un chef-d’œuvre du répertoire, en témoignent les propos d’Ivan Hewett du Telegraph :

Comme on peut s'y attendre d'un compositeur qui a étudié avec le grand moderniste Luciano Berio, Richter est très conscient de lui-même. Il remarque que ses propres goûts en matière de répétition de motifs ne correspondent pas aux motifs apparemment similaires de Vivaldi. Ils obéissent à une logique différente et les frictions qui les unissent génèrent une couleur fascinante et ambiguë. Richter taquine et accentue cette couleur, tantôt avec Vivaldi, tantôt lui-même. C'est un travail subtil et souvent émouvant, qui suggère qu'après des années de versions disco et transes fastidieuses de Mozart, le domaine du remix classique est enfin devenu intéressant.

No. Title Length

1. "Spring 0" 0:42

2. "Spring 1" 2:31

3. "Spring 2" 3:19

4. "Spring 3" 3:09

5. "Summer 1" 4:11

6. "Summer 2" 3:59

7. "Summer 3" 5:01

8. "Autumn 1" 5:42

9. "Autumn 2" 3:08

10. "Autumn 3" 1:45

11. "Winter 1" 3:01

12. "Winter 2" 2:51

13. "Winter 3" 4:39 Durée totale : 43:58

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Sessions 2018 et 2019 du baccalauréat, Musique - option facultative - Max Richter, Album Recomposed : Vivaldi, The Four Seasons - Page 4

Références des mouvements au programme chez Vivaldi :

Concerto n° 1 en mi majeur, op. 8, RV 269, « La primavera » (Le Printemps) - Allegro, en mi majeur, à quatre temps (4/4)

Concerto n° 2 en sol mineur, op. 8, RV 315, « L'estate » (L'Été) - Presto, en sol mineur à trois temps (3/4) -

Concerto n° 3 en fa majeur, op. 8, RV 293, « L'autunno » (L'Automne - Adagio molto, en ré mineur à trois temps (3/4) -

Concerto n° 4 en fa mineur, op. 8, RV 297, « L'inverno » (L'Hiver) - Allegro non molto en fa mineur à quatre temps (4/4)

2 – Repères musicaux

2.1 L’époque Baroque

2.1.1 Généralités En musique, la période Baroque s’étend de 1600 (naissance de l’opéra avec Orfeo de Monteverdi, 1607) à 1750 (mort de Jean-Sébastien Bach : 1685-1750). Le terme « baroque » vient du portugais « barroco » qui signifie de forme irrégulière à propos d'une perle, d'une pierre. Aujourd’hui dans le langage courant, l’adjectif « baroque » s’applique à tout ce qui est bizarre, extravagant ou démesuré. Le baroque, qui touche tous les domaines, se caractérise par l’exagération du mouvement, la surcharge décorative, les effets dramatiques, la tension, l’exubérance, la grandeur parfois pompeuse et le contraste (en opposition avec la période précédente, la Renaissance, marquée par une recherche d’équilibre, de mesure, où la raison et l’humilité étaient les qualités les plus recherchées). Le Baroque va toucher tous les domaines artistiques, sculpture, peinture, littérature, architecture, théâtre et musique et se répand rapidement dans la plupart des pays d’Europe. Le Baroque naît de deux changements importants dans la société. Le premier est la tentative de reconquête spirituelle de l’église romaine (Contre-Réforme) après la Réforme protestante des XVe et XVIe siècles. Le second changement concerne les

découvertes astronomiques de Galilée (1564- 1642) : la terre tourne autour du soleil, la vision immuable d’un monde stable dont la Terre est le centre s’en trouve bouleversée (cf. tableau L'astronome (1668) Johannes Vermeer). Ces deux changements sont en partie contradictoires, ils donneront naissance, comme on le verra, à la richesse et aux multiples visages de l'art baroque.

À la période Baroque, bien que la perspective géométrique soit conservée, l’idée de « perfection » de la ligne droite va progressivement être abandonnée, au profit du cercle et plus particulièrement de l’ellipse (perfection du mouvement des planètes). L’ellipse, la courbure représentera aussi, symboliquement, les courbures et les méandres de l’âme humaine. À l’époque des Quatre saisons de Vivaldi, la peinture change de style pour se tourner vers l’époque Classique. Les thèmes d’inspiration seront toujours les dieux de l’Antiquité, mais avec une réflexion profonde sur le pouvoir religieux et la condition humaine. Ce tableau de Nicolas Poussin (1594-1665) intitulé Danse de la vie humaine (1640) représente le cycle de la vie à travers le passage des saisons, dont les 4 personnages centraux forment les allégories (la femme à gauche est les printemps, avec les fleurs, celle qui est de face au centre est l’été, avec une couronne de blé…). Mais d’autres représentations illustrent le temps qui passe : Apollon (en haut), dieu du Soleil, en pleine gloire, insensible au temps qui passe ; Janus (janvier, dieu des commencements et des fins, des choix…) qui regarde vers le passé et l’avenir ; présence de la musique à droite (art du temps par excellence) ; le temps qui passe dans le sablier à droite. Par ailleurs, l’art baroque veut éblouir, en mettre « plein les yeux » par tous les moyens. Tout est prétexte à théâtralité, exubérance, mise en scène, même et surtout dans le domaine religieux. La théâtralité promeut la grandeur et le pouvoir de l’église (cf. Église Mala Strana à Prague ci-dessous)

Écoute : « Osanna », Messe en Si, J.S Bach (1685-1750)

Electronic Soundscapes par Max Richter

No. Title Length

14. "Shadow 1" 3:53

15. "Shadow 2" 2:30

16. "Shadow 3" 3:33

17. "Shadow 4" 2:33

18. "Shadow 5" 3:01 Durée totale : 59:28

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Sessions 2018 et 2019 du baccalauréat, Musique - option facultative - Max Richter, Album Recomposed : Vivaldi, The Four Seasons - Page 5

L’art baroque cultive aussi l’illusion, le faux-semblant et le trompe-l’œil. L’artiste ne se contente plus d’imiter la nature (Renaissance), il créé des mondes imaginaires. 2.1.2 Le mouvement L’art baroque est un art du mouvement. Contrairement à l’époque précédente, la Renaissance, qui privilégiait l’éternité, la fixité, la ligne droite, le baroque va mettre en avant le changement, la finitude, la ligne courbe. Le mouvement est également omniprésent et la musique ne fera pas exception à la règle dans des passages où la virtuosité instrumentale et l’agilité vocale seront mis en avant, comme c’est le cas dans les concertos pour violon de Vivaldi mais aussi dans ses opéras. Écoute : Agitata da due venti (par Blandine Staskiewicz), extrait de « La Griselda » (1735) de Vivaldi Le Baroque, c’est aussi la lumière, qui permet de

créer des contrastes ou de théâtraliser une scène, afin d’exprimer sans retenue les sentiments les plus profonds. Chaque représentation tente de communiquer une émotion à un instant donné, même dans les scènes les plus banales. 2.2 Le genre du concerto Cette forme apparaît durant la période baroque, au moment où la musique instrumentale pure faire son apparition. On distingue alors 2 types de concertos : le concerto grosso et le concerto de soliste. Le premier n’a pas survécu à l’époque baroque, le second par contre s’est perpétué jusqu’à nos jours. 2.2.1 Le concerto grosso : Dans le concerto grosso, l’orchestre comprend 2 groupes de musiciens :

- un petit groupe de solistes (le plus souvent 3) appelé concertino - et un grand groupe appelé grosso ou ripieno.

Le concerto grosso comprend généralement de nombreux mouvements avec des tempos très variés. Les concerti grossi les plus connus sont sans doute les 6 concertos brandebourgeois de J.S. Bach. Les principaux autres compositeurs de concerti grossi de l’époque baroque sont Corelli (1653-1713), Torelli (1658-1709), Haendel (1685-1759) et JS Bach (1685-1750).

Écoute du concerto brandebourgeois n° 4 de J. S. Bach (1685-1750), (1721) Concerto IV (sol majeur) BWV 1049 Allegro, Andante, Presto Solistes (=concertino) : violon, flûtes à bec altos I et II Accompagnement (=grosso ou ripeno) : violons I et II, altos, violoncelle et basse continue (clavecin et violoncelle). Ce concerto grosso offre au violon solo une place prépondérante. On retrouve cette ambiguïté entre concerto grosso et concerto solo dans le concerto brandebourgeois suivant (n°5). Ce concerto est de style néanmoins très inspiré du concert royal français surtout dans le deuxième mouvement, contrastant avec le troisième mouvement du "stylus Antiquus" par sa forme fuguée. Au point de vue technique, on peut noter le fait que la partie de violon soliste est l'une des plus difficiles écrites par Bach et que ce dernier demande des fa # suraigus aux flûtes à bec, alors que cette note est très difficile sur cet instrument car devant être jouée en bouchant le bout de la flûte avec le genou. Avec le concerto, la virtuosité est toujours présente.

2.2.2 Le concerto de soliste Vers la fin du XVIIIe siècle, alors que la symphonie prend naissance en Allemagne, le concerto grosso tombe en désuétude remplacé par un genre nouveau : le concerto de soliste. À cette période, l’opéra est un genre très prisé, notamment grâce aux castrats qui deviennent de véritables « stars » et que tous les théâtres s’arrachent. Imitation consciente ou non de cette nouvelle place sociale du chanteur, les compositeurs et musiciens composent alors des œuvres instrumentales dans lesquelles la virtuosité et la brillance du jeu charmera tout autant les spectateurs. Antonio Vivaldi par exemple (1678-1741), brillant violoniste est alors admiré de tous en tant que compositeur (d’opéra notamment), mais avec la composition de ses concerti, il occupe le devant de la scène et devient aussi une « star » en tant qu’instrumentiste. Le « grand » concerto (de soliste) est né, et promis à un bel avenir, intégrant de nouvelles formes musicales plus adaptées, telle la « forme sonate » qui se combine parfois avec une introduction orchestrale (au caractère toujours théâtrale) héritée de l’opéra. Ici, un instrument soliste tient tête à l’orchestre dans un jeu de questions - réponses dans lequel le soliste sort toujours glorieux. Les trois principaux compositeurs italiens à l'origine du concerto sont Arcangelo Corelli (1653-1713), Giuseppe Torelli (1656-1709) et Antonio Vivaldi.

Écoute du Concerto pour violon op.8 n°8 en Ré Majeur de G. Torelli (1709) À la fin de l’époque baroque, Vivaldi et Bach poursuivent le développement ce genre mais c’est réellement à partir de l’époque classique (dès 1750) que le concerto pour soliste connaît son apogée, avec l’arrivée de la « forme sonate » bithématique, une des formes les plus utilisées, capable à la fois d’accentuer les contrastes (entre les deux thèmes) mais aussi d’offrir les parties de développement plus libres et dans lesquels les thèmes sont transformés. Tous les « grands » compositeurs (de Mozart à aujourd’hui) ont écrit des concertos pour presque tous les instruments solistes, mais avec une nette prédominance du clavier (piano à partir du XIXe siècle), le violon et le violoncelle.

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La structure du concerto est organisée en trois mouvements : vif / lent / vif (épousant fréquemment la forme sonate pour le premier mouvement, de forme lied (A, B, A’), ou de forme sonate pour le second mouvement, et de forme rondo (ou forme sonate) pour le dernier. - 1 : le premier mouvement est généralement rapide, il s’ouvre parfois par une introduction orchestrale (souvent lente) et se termine par une cadence de soliste : partie dans laquelle le soliste joue seul, sans orchestre, et montre toute sa virtuosité. La cadence était le plus souvent improvisée au XVIIIe siècle mais par la suite, les compositeurs ont préféré l’écrire, pour être sûrs de ne pas être « trahi » par l’interprète. Malgré cela, certains interprètes-compositeurs se sont permis d’écrire des cadences sur des œuvres d’autres compositeurs. - 2 : le 2ème mouvement (tempo lent), est de forme A-B-A ou de forme sonate. Si les 1er et 3e mouvements mettent en valeur la virtuosité de l’interprète, le 2ème doit mettre en valeur son expression et son lyrisme dans un véritable moment poétique. Assez rarement, ce mouvement au caractère rêveur fait l’objet d’une cadence de soliste. - 3 : le 3ème mouvement, de tempo rapide et généralement dans la même tonalité que le premier mouvement, est souvent de forme rondo (mais il peut être aussi de forme sonate ou thème et variations). C’est à l’image du premier mouvement un passage brillant où la virtuosité s’exprime pleinement, et parfois même dans une autre cadence de soliste.

Écoute du 5e Concerto pour violon de Mozart (extrait 3e mouvement à 23’41, + cadence à 25’59) Certains compositeurs ont écrit des doubles ou triples concertos, confrontant plusieurs solistes (Mozart, Beethoven et Brahms). 2.2.3 Le concerto classique Les nombreuses évolutions musicales de l’époque classique touchent également le genre du concerto au milieu du XVIIIe siècle. Ainsi, le concerto grosso disparait au profit de la symphonie, qui en avait adopté de nombreuses caractéristiques de celui-ci. Cependant, le concerto de soliste reste un des moyens d'expression les plus privilégiés pour montrer sa virtuosité et s’impose comme un genre incontournable, notamment pour le compositeur qui est souvent interprète et pour qui c’est l’occasion de se mettre en avant. En France, une variante du genre, à mi-chemin entre la symphonie et le concerto (logiquement appelée symphonie concertante), connait un engouement certain. Au niveau des instruments, le violon tient une place de premier ordre, suivi par les instruments à clavier qui connaissance de profondes mutations avec la disparition progressive du clavecin au profit du clavicorde, du pianoforte puis du piano. Cet instrument se perfectionne rapidement et supplante peu à peu le violon au premier rang des instruments solistes, notamment avec Wolfgang Amadeus Mozart 5e concerto pour violon, qui écrit à la fin du XVIIIe siècle plus de 20 concertos pour piano, mais aussi Ludwig van Beethoven dont les cinq concertos pour piano montrent sa préférence à côté de l'unique concerto pour violon (début XIXe siècle). Durant la période classique, la durée du concerto s'allonge, à l’image de celle de la symphonie, incluant progressivement de nouvelles formes (forme sonate avec deux thèmes par exemple) dans lesquelles la partie de développement est de plus en plus longue. À l'instar des symphonies, les concertos deviennent des œuvres de grande envergure (tant sur les durées que le nombre de musiciens nécessaire) et sont généralement destinées à être exécutées dans une salle de concert devant un vaste public. Parmi les plus fameux concertos de l’époque classique, on peut citer : - De Haydn, le concerto pour trompette, les 2 concertos pour violoncelle - De Mozart, les concertos pour piano n° 9 et 20 à 27, le concerto pour clarinette, le concerto pour flute et harpe. - De Beethoven, les 5 concertos pour piano et le concerto pour violon. Quelques extraits musicaux Haydn : Concerto pour trompette (3ème mouvement) https://youtu.be/jz5pGSz3T-4 Mozart : Concerto pour clarinette https://youtu.be/YT_63UntRJE?t=1208

Écoute du Concerto pour piano n°5 « L’empereur » de L.V Beethoven (1770-1827) avec une entrée magistrale au piano solo qui ouvre en quelque sorte le concerto. (https://youtu.be/Qr6jFqMx0fA?t=32)

2.2.4 Le concerto à l’époque romantique Dès le début du XIXe siècle, de nombreux compositeurs écrivent des concertos « sur mesure », c’est-à-dire destinés à un interprète particulier. La virtuosité prodigieuse du violoniste italien Nicolò Paganini, puis celle du pianiste compositeur hongrois Franz Liszt, contribuèrent à l'établissement du mythe du virtuose. Le piano et le violon (puis loin derrière le violoncelle) deviennent les instruments « roi » du genre du concerto, ne laissant que rarement la place aux autres instruments (clarinette, hautbois, flute…). La taille de l’orchestre romantique s’accroit progressivement ; en conséquence, le temps de composition s’allonge également, d’où un nombre de concertos plus réduit pour chaque compositeur. Tandis que Vivaldi (époque baroque) a composé plus de 400 concertos (dont 250 pour violon), les compositeurs romantiques se cantonnent à quelques unités seulement : Frantz Liszt et Frédéric Chopin (2 concertos pour piano), les allemands Felix Mendelssohn, Robert Schumann et Johannes Brahms et le Russe Piotr Ilitch Tchaïkovski (1 concerto pour violon). Le plan général de ces œuvres reste articulé autour de trois mouvements et conservent des cadences de solistes, qui restent à chaque fois les moments les plus attendus de l’œuvre et dans lesquels la virtuosité prend toute sa place. Le discours musical fait entendre une alternance, voire une opposition, entre le soliste et l'orchestre appuyant ainsi les contrastes déjà générés par les deux thèmes de la forme sonate.

Écoute du Concerto pour violon op.64 (1844) de Félix Mendelssohn (1809-1847)

Écoute du Concerto pour violoncelle en si mineur op.104 (1895) de Antonin Dvorák (1841-1904) (3e mouvement à 28’30)

2.2.5 Le concerto au XXe siècle Le XXe siècle est la période où la diversité des styles et des genres s’accentue progressivement au profit de la recherche de nouvelles formes et de nouveaux langages. Pour certains compositeurs, le concerto virtuose semble dépassé, même si quelques brillants instrumentistes virtuoses (le plus souvent des pianistes ou des violonistes) continuent à inspirer des auteurs comme Maurice Ravel (3e mouvement piano), Arnold Schoenberg, Bélà Bartók, sans oublier Igor Stravinski.

Écoute du Concerto pour piano en sol (1932) de Maurice Ravel (1875-1937) (3e mouvement à 16’37)

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Toutefois, ces derniers cherchent à s’éloigner du cadre traditionnel imposé par le concerto, avec la volonté d’en renouveler l’écriture ou la forme : Bartók écrit par exemple un concerto pour orchestre dans lequel tous les instruments de l’orchestre seront solistes tour à tour. Chez d’autres compositeurs comme Alban Berg (mais aussi Igor Stravinsky), le style « ancien » du concerto grosso réapparait, mais dans des univers musicaux très éloignés et parfois même influencés par les musiques populaires telles que le jazz (cf. le concerto Ebony d’Igor Stravinski (1882-1971), concerto grosso écrit en 1945 pour l'orchestre de jazz de Woody Herman, https://youtu.be/ToYUCuUE9pk?t=28). Parallèlement à cette démarche « innovante », d’autres compositeurs conservent un langage néo-classique (cf. Francis Poulenc) ou néo-romantique (cf. Serge Rachmaninov, Serge Prokofiev ou Dimitri Chostakovitch) et poursuivent l’exploitation de cette forme du concerto en l’adaptant à une écriture influencée par les avancées modernes de leurs contemporains. Aujourd’hui encore, les compositeurs éprouvent un certain attrait pour ce genre musical, et même si le genre a perdu de sa notoriété, il reste un passage obligé pour nombre d’entre eux comme Henri Dutilleux avec L’Arbre des Songes (il s’agit en fait d’un concerto pour violon, 1985), Esa-Pekka Salonen (né en 1958) avec son concerto pour violon, ou encore Baptiste Trotignon (né en 1974) avec Different Spaces de 2012 et qui cache derrière son titre un concerto pour piano en 4 mouvements. Baptiste Trotignon (né en 1974) avec Different Spaces de 2012 3 - Analyse

3.1 Recomposed by… Depuis 2005, le célèbre label de musique classique Deutsche Grammophon a commandé à plusieurs compositeurs de musique électronique des remix d'œuvres classiques. Matthias Arfmann, Carl Craig & Moritz von Oswald, Max Richter, Matthew Herbert, Jimi Tenor ou tout récemment Peter Gregson, autant d’artistes qui ont cherché une manière de se réapproprier les œuvres des compositeurs du passé afin de leur redonner la force qu’elles avaient pu connaitre à une époque où elles étaient contemporaines. Les résultats de ces expérimentations musicales sont le reflet d’approches très variées, tant sur les styles que les effectifs instrumentaux utilisés. Les remix de Matthias Arfmann ouvrent le répertoire classique à des oreilles plus jeunes et néophytes tandis que le travail de Carl Craig et Moritz von Oswald (sur Ravel et Moussorgsky) plus expérimental s’éloigne des sentiers battus et poussent vers une avant-garde à la croisée des styles savants et populaires. Max Richter, quant à lui, prend le mot « recomposition » à la lettre et n’hésite pas à mettre en arrière-plan ses samplers électroniques pour reprendre sa plume et ses portées afin de ré-écrire à la note près de nombreux éléments de la partition originale. L’approche de Max Richter se propose de renouveler l’écoute de ce chef-d’œuvre de Vivaldi tant de fois ré-utilisé voire déformé, des répondeurs téléphoniques jusqu’aux publicités les plus insolites. Tantôt les éléments sont épurés, tantôt enrichis et développé, une manière pour lui de « rentrer réellement dans le matériel » original et lui permettent de mieux comprendre le processus de composition que Vivaldi lui-même a effectué. Il ne s’agit donc pas d’un simple exercice de style, Max Richter a tenté d’identifier des zones de liberté dans lesquelles il a pu insérer sa musique. Il faut toutefois garder à l’esprit que, dans son approche, Max Richter cherche avant tout à rester fidèle à son modèle, et à conserver l’esprit et le caractère de chaque mouvement. Dans cette recomposition, il y a également de nombreux passages assez éloignés de l’original ; il ne faut donc pas parler d’adaptation de l’œuvre, mais plutôt de re-création. En étudiant la partition, Max Richter s’est rendu compte que les quatre saisons de Vivaldi possédaient de nombreux points communs avec la musique électronique et le courant « minimaliste » ; en effet, dans certains mouvements, la musique est composée en courts motifs répétés tels des boucles sonores, et parfaitement assemblés. L’idée de départ de Max Richter a donc été de reprendre cette technique de composition et de la pousser un peu plus loin, afin de composer une sorte de « remix », mais en utilisant uniquement des instruments acoustiques. L’idée d’ajouter des éléments électroniques est venue dans un second temps, avec parfois le besoin de créer des nappes sonores, d’enrichir l’espace musical par des sons plus graves notamment (d’où l’utilisation du synthétiseur), ou encore de créer des transitions avec des éléments pré-enregistrés. Toutefois, la place de l’électronique (nettement mise en avant dans Spring 0 notamment) est assez restreinte. Pour l’essentiel, cette re-création conserve une partie des dynamiques, des rythmes, des mélodies et des motifs, des textures et des nuances qui font la force de ce chef d’œuvre de Vivaldi. Cependant, Max Richter renouvelle l’approche de l’œuvre de Vivaldi grâce à l’intégration de techniques d’écriture plus actuelles qui n’existaient pas à l’époque Baroque :

- utilisation de modes de jeu plus variés pour les instruments acoustiques (les cordes frottées notamment), - ajout d’instruments électroniques comme le synthétiseur Moog (parfois remplacé par un autre modèle pour certains

concert) ou de techniques de diffusions sonores avec par exemple les échantillonneurs, - ou encore la mise en place de boucles sonores, générant une répétition continue d’un motif.

La re-création apparait donc comme un prolongement des quatre saisons ; les liens avec l’œuvre original sont assurés par l’utilisation d’une formation assez proche : un ensemble de cordes avec basse continue. Plus précisément, Vivaldi compose des parties de violon 1, violon 2 et d’alto, auxquelles s’ajoute le violon solo et la basse continue, assurée de façon incontournable par le clavecin et le(s) violoncelle(s). Selon les interprétations et le nombre de cordes frottées, d’autres instruments s’ajoutent au niveau de la basse continue : le luth ou le théorbe, et éventuellement la contrebasse (l’objectif étant d’équilibrer les registres sonores). Chez Max Richter, la formation est assez proche avec évidemment le violon solo accommpagné par les cordes frottées et le clavecin, auxquels s’ajoutent des contrebasses, de la harpe et le synthétiseur. Contrairement aux quatre saisons, l’effectif est décrit plus précisément car l’écriture est plus précise : les violons 1 & 2, les altis et les violoncelles jouent divisés, c’est-à-dire que chaque musicien à une partie qui diffère de celle de son voisin. L’esprit de l’accompagnement avec une basse continue est conservé, et la dimension d’improvisation assurée par le claveciniste demeure dans la re-création : la réalisation de la partie main droite n’est pas entièrement composée, mais doit être réalisée à partir des accords sous-entendus par la basse chiffrés (à l’exception de certains passages, cf. « automne 2 »). En somme, Max Richter conserve l’esprit d’une formation baroque en la renforçant par des éléments plus actuels (harpe et synthé). Dans chacun des quatre mouvements au programme, Max Richter fait appel à des techniques d’arrangement différentes, en choisissant de travailler sur un ou plusieurs paramètres musicaux en particulier (rythme, mélodie, accords, accompagnement, structure, accentuation, mode de jeux…). Dans certain cas, les accords sont conservés et c’est au niveau rythmique que les modifications sont les plus importantes ; tandis que dans d’autres mouvements, la mélodie est recomposée et la structure transformée.

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3.2 Spring 1 : première surprise dans ce mouvement, le compositeur choisit d’écarter du célébrissime thème initial. Subtilement esquissé dans l’introduction ajoutée « spring 0 », il n’est pas joué en direct, mais il est diffusé via un enregistrement largement modelé par différents effets électroniques et survolant un véritable nuage sonore, clair et nébuleux à la fois, faisant écho au murmure du sonnet (ci-contre) et plus largement au réveil des oiseaux. Écoute d’un extrait de Spring 0 (Montage)

L’absence de la mélodie principale n’empêche pas pour autant l’auditeur de reconnaitre l’œuvre. En effet, de nombreux motifs mélodiques ou ornementaux sont progressivement superposés par l’utilisation d’entrées décalées. Ce procédé d’accumulation fait écho au chant printanier des oiseaux et déjà présent chez Vivaldi, mais ici largement développé et renforcé.

Écoute d’un extrait de Spring 0 (Montage)

L’allusion directe aux oiseaux est une référence que Vivaldi avait précisément noté dans sa partition (et au début du sonnet). Les trois-quarts de la partition originale sont absents de ce mouvement, mais l’art de Max Richter, souvent rapproché des compositeurs minimalistes, consiste justement à extraire l’essentiel du matériau sonore afin d’en exprimer la quintessence.

Le foisonnement du mouvement est astucieusement obtenu par la division des pupitres : en effet, contrairement à une écriture orchestrale plus traditionnelle (comme celle de Vivaldi) où les violons 1 par exemple sont regroupés et jouent la même mélodie, chez Max Richter, chaque instrumentiste possède sa propre partition et s’insère dans la texture sonore qu’il contribue à densifier. À partir de la partition de Vivaldi, le compositeur retient 4 principaux motifs (de 1 à 4, cf. partition ci-dessus) qu’il va progressivement superposer par des entrées successives, tantôt en imitation (cf. violon solo et violon 1), tantôt par simple superposition. Ainsi, le mouvement est structuré sur une matière sonore en constante répétition, mais qui s’étoffe progressivement par le nombre d’instrument, mais aussi par leurs interventions qui seront de plus en plus rapprochées. Au niveau rythmique, la pulsation est appuyée par le premier motif en noires régulières (motif 1), le second motif de huit croches (motif 2), et par un autre motif composé par Max Richter et qui accentue les contretemps par des croches staccato (motifs 6 sur lesquelles s’ajoutent de courtes appogiatures, notes plus petites, motif 6bis). Les motifs 3 et 4, composés de double croches, apportent quant à eux une énergie et une vivacité rythmique renforcée par les trilles « tr ».

L’effet obtenu est renforcé par un crescendo continu sur l’ensemble du mouvement (allant de pp à ff) qui conduit au climax final. L’organisation du mouvement est donc totalement renouvelée par ce procédé d’écriture puisque la version originale de Vivaldi était structurée autour d’une alternance entre refrain (avec thème initial) et quatre couplets qui venaient illustrer les différents éléments du poème (les chants d’oiseaux, le vent, l’orage, puis le retour des oiseaux).

La matière sonore étant déjà très riche, certains motifs (comme le motif 5, cf. partition) ne sont pas réutilisés. Cependant, afin d’équilibrer les différents registres, les instruments appartenant au registre médium / grave (alto, violoncelle, contrebasse,

Sonnet de Vivaldi : Voici le Printemps, Que les oiseaux saluent d'un chant joyeux. Et les fontaines, au souffle des zéphyrs, Jaillissent en un doux murmure.

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harpe et synthétiseur) soutiennent ce contrepoint par des notes tenues de 8 temps (doubles rondes) et de 4 temps, installant ainsi une succession d’accords qui revient en boucle (avec de légères transformations au début) tel un ground (cf. musique baroque) ou plus simplement une boucle d’accords que l’on pourrait rapprocher des musiques actuelles. À noter également l’absence du clavecin dans ce mouvement dont le timbre métallique se détacherait sans doute trop de l’homogénéité créée par les cordes frottées, la harpe et le synthétiseur

Cette superposition rythmique entre une basse lente (qui suit la mesure à 4 temps et marque par sa répétition les carrures de 8 mesures) et le foisonnement des motifs dans l’aigu fait donc entendre deux plans sonores complémentaires mais qui forment un nuage de notes et une texture sonore riche qui se rapproche des musiques électroniques et répétitives des années 90. Le contraste entre la profondeur des basses et la légèreté des violons laisse apparaître deux sensibilités distinctes issues de deux époques différentes qui s’entremêlaient. Dans ce sens, Spring 1 apparait davantage comme une recréation plutôt qu’une simple adaptation ; le travail de Max Richter fait davantage l’objet d’un réel travail de composition, plutôt qu’une réadaptation. 3.3 Summer 3 : « Ah, ses craintes n'étaient que trop vraies, le ciel tonne et fulmine et la grêle, coupe les têtes des épis et des tiges » Dans ce mouvement comme dans l’original, Max Richter cherche à exprimer la violence d’un orage estival, dans lequel se mêlent des rafales de vents, des pluies diluviennes et des éclairs fracassants. Ici, les principaux éléments de la partition de Vivaldi sont reconnaissables mais les remaniements qui traversent le mouvement sont nombreux : refonte du rythme et de la structure, accentuation des contrastes au niveau des intensités et ajouts de nouvelles harmonies. Ainsi, tous les paramètres musicaux sont mis à contribution pour obtenir cet effet musical extraordinaire, et plus précisément :

- une nuance forte et un jeu intense, - un tempo presto et des rythmes rapides allant jusqu’au tremolo, - une tonalité mineure, du chromatisme et de grandes gammes descendantes, - mais surtout une écriture faisant appel à une masse orchestrale imposante et dense, mettant à contribution un tutti

orchestral en alternance avec le jeu fougueux du violon solo. Ici, les pupitres ne sont pas divisés comme dans le mouvement précédent, mais unifiés : les violons 1, par exemple, jouent tous la même chose.

-

Au niveau mélodique, le mouvement s’appuie dès les premières mesures sur un motif de quatre notes descendantes (sol, fa, mib, ré), servant de ritournelle, entrecoupé de trémolos, et qui se conclut sur un silence théâtral. Ce passage revient régulièrement mais en alternance avec de rapides gammes ascendantes et descendantes, de vifs arpèges et de courts motifs mélodiques. La virtuosité de l’orchestre et du violon solo a fait la renommée de ce mouvement tant de fois revisité, mais une fois de plus, le travail de recomposition de Max Richter réussit à renouveler la pièce tout en restant fidèle à sa pensée première.

Au niveau formel, la réécriture de Max Richter s’articule en 5 parties : - A, de 0’00 à 0’29 : recomposition de l’introduction mais de façon écourtée avec le motif « a1 » reconnaissable

par ses 4 notes descendantes (mais varié rythmiquement par rapport à l’original, voir partition plus bas) puis le motif « a2 » composé d’arpèges descendants empruntés à Vivaldi mais harmonisés par Richter avec quatre accords (à partir de 0’20, exemple ci-dessous),

- B, de 0’30 à 1’57 : reprise (presque) à la note près des trois premières interventions du violon solo, de son accompagnement et des réponses orchestrales,

- A’, de 1’58 à 2’50 : retour de l’introduction avec les deux motifs (« a1 » à 1’58 puis « a2 » à 2’18) variés par l’utilisation d’une ouverture de l’espace sonore vers l’aigu (au violon solo notamment),

- A’’, de 2’51 à 3’30 : poursuite du motif « a2 » et de son accompagnement (avec 4 accords) sur une boucle de 8 mesures (reprise 3 fois), puis toujours sur cet accompagnement (répété 4 fois), ajout d’une mélodie de 3 notes descendantes (avec un rythme lent) au violon solo dans le suraigu dans une nuance mp qui va progressivement monter en crescendo jusqu’au ff.

- C, de 3’31 à la fin : arrêt brutal des doubles-croches pour laisser place à des notes tenues dans une nuance pp subito, qui créé un réel contraste ; cette écriture permet de créer un nuage sonore mouvant et en suspension, renforcé par l’introduction d’éléments sonores diffusés par le biais de l’électronique.

Au niveau rythmique, les parties reprises de la partition de Vivaldi sont reconnaissables, mais largement modifiées au niveau de l’accentuation. La version originale est à trois temps (3/4) et appuie le premier temps avec les notes du motif initial tandis que la version recomposée, toujours à 3/4, joue de l’ambiguïté rythmique en accentuant d’une part chaque noire par une ligne de contrebasse (absente chez Vivaldi, donc ajoutée par Max Richter) et d’autre part la 7e double-croche de la mesure, c’est-à-dire son milieu ; donnant ainsi l’illusion d’une mesure à 2 temps.

Ce principe de superposition (parfaitement visible à la harpe et au clavecin) permet de renforcer l’impact rythmique sur le ressenti musical et renouvelle l’approche de l’œuvre de Vivaldi par l’utilisation de cette technique empruntée des musiques

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modernes ou contemporaines. La vivacité rythmique se renforce dans les mesures suivantes (mes. 20 ou à 0’21) par le dédoublement des noires en croches, élément présent dans l’œuvre originale mais dont l’écoute est renouvelée par l’accentuation rythmique.

Au niveau du timbre, l’ajout d’une basse réalisée au synthétiseur apporte une profondeur sonore et un épaississement de la texture musicale avec des graves plus profonds. Les arrière-plans plus fournis, par la présence de la harpe et des cordes divisées, renforcent l’intensité de l’accompagnement du violon solo et provoque davantage de contrastes dans les passages où le soliste intervient en jeu de questions / réponses. Cet élargissement de l’espace sonore est particulièrement perceptible dans la partie A’’ dans laquelle la basse souligne les changements d’accords ajoutés par Max Richter et accentue la perception de la boucle de 8 accords qui se dévoile progressivement tandis que le violon solo s’échappe dans les suraigus et illumine la noirceur et l’épaisseur de l’orage.

3.4 Autumn 2 : « Chacun délaisse chants et danses : l'air est léger à plaisir, et la saison invite, au plaisir d'un doux sommeil. » Le second mouvement de l'automne est un des mouvements où l’intervention de Max Richter est la plus réduite : très peu de changements par rapport à l’original de Vivaldi. Le caractère est inchangé, le temps semble suspendu et l’allusion au « doux sommeil » reste évidente. De toute évidence, ce mouvement cherche à exprimer le repos des paysans après les vendanges (cf. sonnet du 1er mouvement : Par des chants et par des danses, le paysan célèbre l'heureuse récolte et la liqueur de Bacchus conclut la joie par le sommeil), repos parfois ponctué par quelques ombres fugitives. Plusieurs éléments musicaux contribuent à cette atmosphère : une tonalité mineure, la nuance piano et constante, la pulsation assez libre (légers ralentissements et accélérations que l’on appelle rubato) et un tempo lent dans lequel des notes tenues (en entrées progressives du grave à l’aigu) aux cordes accompagnent le clavecin mis au premier plan par un jeu en arpèges indiqué par Vivaldi par l’annotation Il cembalo arpeggio.

La première portée (clé de fa seulement) reproduit la partition de Vivaldi tandis que la seconde portée (clé de sol et clé de fa) est la partition qu’un interprète a réalisée pour ceux qui ne connaissent pas l’écriture des accords avec les chiffrages. Pour rappel, à l’époque Baroque, la basse continue est assurée par un petit groupe de musiciens (instrument à clavier et/ou à cordes pincées et/ou violoncelle). Tandis que les trois instruments assurent la ligne de basse, ceux qui sont polyphoniques improvisent le jeu en accord en fonction du caractère de la pièce et en ajoutant éventuellement des ornements pour enrichir leur jeu. Le système d’écriture en chiffrages avec une note à la basse permet au compositeur de définir précisément l’accord qu’il souhaite entendre et d’être très rapide pour l’écriture de cette partie d’accompagnement qui se réduit sur une seule portée (comparez les deux exemples ci-dessus pour mieux comprendre). À noter également que dans la plupart des cas, le compositeur était lui-même l’interprète de sa musique et se plaçait généralement au clavecin ou à l’orgue ; il savait donc exactement ce qu’il fallait jouer et la ligne de basse continue n’était finalement qu’un aide-mémoire.

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Dans la version de Max Richter, la réalisation de la partition de clavecin est tout à fait conforme à ce que Vivaldi a demandé, mais contrairement à la partition ci-dessus, Max Richter développe davantage les arpèges qu’il égrène dans des mouvements ascendants puis descendants plus amples qui s’étendent sur une mesure entière.

Dans certaines versions de la partition de Vivaldi, certaines interprétations sont parfois très éloignées et prennent beaucoup de liberté dans l’interprétation de cette ligne de clavecin qui est bel et bien le centre de ce mouvement puisque le violon solo n’intervient jamais seul et est toujours doublé par les violons 1. Écoute comparative des deux versions de Fabio Biondi et de son ensemble « Europa Galante » Les accords composés par Vivaldi sont d’une grande richesse car ils dépassent souvent 3 sons (en intégrant souvent une septième) et jouent sur les dissonances afin de gagner en expression. De plus, leur organisation est très habile puisque Vivaldi réussit à en adoucir les dissonances grâce à un jeu de glissement par notes communes. Ils laissent apparaitre une ligne de basse très chromatique qui assombrit le mouvement à certains passages.

Le caractère obscur et mystérieux est régulièrement renforcé par des modulations éloignées (ré mineur avec 1 bémol, mi mineur avec 1 dièse, et fa mineur avec 4 bémols). Le mouvement s’achève sur une pédale de la sur laquelle se succèdent de nombreuses harmonies conduisant à un ultime accord de la majeur dont la fonction reste ambiguë (demi-cadence ou cadence parfaite ? car le début du mouvement suivant démarre en fa majeur).

Dans la recomposition de Max Richter, les accords restent inchangés, tout comme l’accompagnement aux cordes qui respecte l’original à la note près. Cependant dans la nouvelle version, le clavecin est davantage mis en avant et souligné par un jeu d’écho et de miroitement sonore très légèrement perceptible. Les cordes frottées ont un rôle d’accompagnement et assurent un tapis sonore régulier et uniforme par un jeu très legato. Cet élément musical est renforcé par le synthétiseur qui double discrètement la partie de basse une octave plus grave afin d’apporter plus de profondeur à l’ensemble. La harpe, présente dans les autres mouvements, est absente de la première à la dernière mesure. 3.5 Winter 1 : « Trembler violemment dans la neige étincelante, au souffle rude d'un vent terrible, courir, taper des pieds à tout moment, et, dans l'excessive froidure, claquer des dents » Ce mouvement est un des passages dans lequel le texte est au plus près de la musique : chaque phrase musicale suggère une partie précise du poème et la relation entre les deux domaines est tout à fait complémentaire Richard Wagner, compositeur de l’époque romantique, disait « la musique commence là où s’arrête le pouvoir des mots. » Ici, chez Vivaldi, le texte suggère l’image d’un hiver rigoureux et d’un froid glaçant que les hommes subissent et contre lequel ils essaient de lutter. La musique sonorise non seulement les éléments décrits par le texte (tremblements, vent qui souffle, taper des pieds, claquer des dents…), mais les dépasse en cherchant à exprimer plus précisément les émotions des personnages. Ainsi, chez Vivaldi, différents éléments musicaux réussissent à créer ce décors enneigé et hostile :

- tonalité mineure (fa mineur) - tempo modéré (allegro non molto) mais dans lequel la rythme atteindra la triple croche (ce qui est très rapide) - motif 1 : croches régulières et notes répétées (jeu staccato), procédé d’accumulation avec entrées progressives qui

s’étendent vers l’aigu, et ajout de trilles au violon solo (référence aux tremblements, mesure 4)

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- motif 2 : violon solo entre triple-croches (arpèges et gammes, imitation du vent terrible)

- motif 3 : jeu de 2 triple et double croches répétées (course) en alternance avec 8 doubles croches qui oscillent sur 2

notes (taper des pieds)

- motif 4 (course solo) : triple-croches répétées aux violons avec un motif de 4 notes qui se répète (accélération -> courir)

Pour ce mouvement, les choix de Max Richter se sont portés sur ces différents éléments ; d’autres motifs qui apparaissent dans la partition de Vivaldi restent absent. Ainsi, le début de la recomposition (partie A) est une reprise « à la lettre » de l’original sur les 22 premières mesures (jusqu’à 1’14, qui expose les motifs 1 et 2) mais avec de subtiles modifications :

- le jeu sur le chevalet (sul ponticello en italien) pour les cordes, produisant un son plus métallique, plus froid et crispant - l’ajout du clavecin pour son timbre métallique également et qui développe chaque accord de façon arpégée - la fin de chaque phrase du solo avec un trille sur la blanche - l’ajout d’un crescendo sur les croches (au tutti) qui interviennent entre les phrases du violon solo et contribuent à

dramatiser le passage - ajout de nuances allant de pp à ff et permettant de créer des contrastes importants au niveau des dynamiques

Pour la partie B, Max Richter conserve le motif 3 mais le varie au niveau rythmique : en effet, les deux éléments du motif 3 (« taper des pieds » et « course ») sont raccourcis d’une double-croche, passant de 8 à 7, ce qui déséquilibre la mesure et créé un effet de surprise et de précipitation. Une mesure à 7 temps (notée 7/16 ici) n’aurait pas été concevable pour Vivaldi et l’époque Baroque ; ainsi cet effet métrique (c’est-à-dire concernant la mesure, le mètre) représente un élément de modernité qui permet de renouveler l’œuvre sans la transformer complètement.

Comme chez Vivaldi, les deux éléments s’enchainent 4 fois sur une progression d’accords qui se déploie sur 8 mesures et qu’on appelle une marche harmonique (ici, une descente de quintes fa mineur, sib mineur, mib majeur, lab majeur, réb majeur, sol diminué, do majeur puis fa mineur). Le motif ainsi transformé devient alors un véritable refrain qui se répète en s’amplifiant au niveau des dynamiques (passant de forte à fortissimo pour certains instruments), de l’espace sonore (avec l’ajout de la harpe, des contrebasses et du synthétiseur dans le registre grave) et de la texture (plus épaisse grâce à l’ajout de croches sur le motif de la course). En alternance avec le refrain (motif 3), le violon solo fait entendre à deux reprises le motif 4 développé sur un peu plus de notes (mais toujours reconnaissable) simplement accompagné par la basse continue. Un peu plus loin, les motifs 3 et 4 se superposent et le violon solo intervient au-dessus du tutti, avant de conclure sur la courte coda (conclusion) finale (cf. tableau ci-dessous).

La progression de la partie B est appuyée par un crescendo continu qui débouche sur le climax final de la coda dans une nuance fortissimo s’éteignant en quelques mesures sur une nuance piano. Ainsi, Max Richter se réapproprie différents éléments de la partition originale et re-structure l’ensemble par le développement de la partie B.

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3.6 Shadow 3 : En complément des 4 concertos recomposés, Max Richter propose sur son album 5 pistes supplémentaires qui proposent une autre approche de l’œuvre de Vivaldi. L’idée n’est plus de faire appel à un orchestre acoustique, mais de travailler uniquement sur ordinateur avec des sons pré-enregistrés issus à la fois d’un enregistrement des 4 saisons (donc extraits musicaux) et de « bruitages » venant de la nature et traditionnellement appelés sons « concrets », en rapport avec un courant de la musique électroacoustique initié par Pierre Schaeffer (1910-1995) après la 2e guerre mondiale (voir ci-contre). Dans cette 3e ombre, Max Richter fait allusion au 2e mouvement du troisième concerto : L’Automne. Du début à 0’26, des sons provenant de chants d’oiseaux, d’un ruisseau et d’une abeille se superposent afin de créer une carte postale sonore d’un paysage d’automne. Puis progressivement, la musique de Vivaldi et plus particulièrement la partie de clavecin fait son entrée dans un crescendo qui part de l’imperceptible pour atteindre une nuance modérée. L’entrée de la piste musicale se fait avec un effet d’éloignement qui s’estompe progressivement au moment où elle passe réellement au premier plan. À cet élément musical s’ajoute le synthétiseur qui créé une nappe sonore en complément des cordes frottées ; son timbre apporte un miroitement (ou tournoiement) mystérieux à l’ensemble et ouvre l’espace sonore vers l’aigu (à son entrée) puis vers le grave avant de s’estomper progressivement à 2’00. Pour renforcer le caractère mystérieux et énigmatique de la piste, des effets de réverbération et/ou de délai sont utilisés sur la musique et le synthétiseur, alors que les sons de la nature (chants d’oiseaux essentiellement) restent inchangés (sans effet). Entre 1’32 et 2’00, le synthétiseur se retire lentement et l’espace sonore se réduit par la disparition des graves et la dissolution des effets. Le clavecin passe alors au premier plan, soutenu par les cordes et quelques sons d’oiseaux et d’abeilles. À partir de 2’00 et jusqu’à la fin, les éléments musicaux vont être filtrés grâce à une technique d’égalisation qui atténue de plus en plus les fréquences graves (effet « vieux poste radio »). À partir de 2’50, l’effet de délai et de réverbération revient, uniquement appliqué au clavecin ; il apporte à nouveau cette impression de miroitement qui reste jusqu’à l’accord final. La piste se termine sur la disparition des instruments qui laissent réapparaitre les bruits de la nature : abeilles et ruisseau, s’effaçant à leur tour pour retourner au silence. Ainsi, la nature ouvre et referme ce mouvement. Pour le temps Conclusion Le travail de Max Richter par rapport à Vivaldi est-il réellement pertinent ? A-t-il réussi à renouveler l’approche des célèbre Quatre Saisons de Vivaldi ? Sa musique est-elle une adaptation, un arrangement ou une véritable recréation ? L’approche de Max Richter est de rester dans l’esprit de l’œuvre de Vivaldi, et d’en réutiliser le matériau afin de créer un lien évident (thèmes, accords, instruments), mais son travail prend de nombreuses libertés par rapport à l’original et propose des prolongements auxquels Vivaldi n’avait pas pensé ou qu’il n’avait pas à sa disposition. C’est donc l’occasion de redécouvrir ce chef-d’œuvre de Vivaldi, tant de fois malmené par des interprétations hasardeuses, et parfois hors contexte musical (jingles publicitaires, attentes téléphoniques…). Le travail de Max Richter se fait en ajoutant ou en mettant de côté des éléments, et les techniques qu’il emploie offre une grande variété d’approches mais conserve des éléments (les instruments par exemple) qui réussissent à créer de l’unité à l’ensemble de l’œuvre. Cette œuvre contient autant d’éléments issus d’Antonio Vivaldi que de Max Richter, et tisse des liens entre le style baroque italien et la musique d’aujourd’hui (style minimaliste, musique électronique, musique répétitive…), permettant au genre du concerto de traverser les époques. Pour aller plus loin, quelques pistes de réflexion :

- comparaison des différentes interprétations live de l’œuvre : quels sont les différences ? quelle place pour l’interprétation quand on utilise des sons électroniques ?

- en prolongement du travail de Max Richter, la chorégraphe Crystal Pite a réutilisé sa musique afin de faire danser sa troupe de danseurs ; la danse est un élément important de la musique Baroque, cette nouvelle approche chorégraphique des quatre saisons réussit-elle à égaler le défi musical de Max Richter ?

La musique concrète en quelques mots : L’idée étant de créer de la musique en utilisant comme matériau sonore des sons pré-enregistrés plutôt que de faire appel à des musiciens et des instruments traditionnels. Les avantages sont multiples : - le compositeur entend directement sa musique au fur

et à mesure qu’il la compose ; - il n’y a pas d’intermédiaire entre le compositeur et

l’auditeur (pas d’interprète) ; - les sons peuvent être transformés (transposés, mis en

boucle, lus à l’envers, accélérés) puis superposés. Grâce aux nombreuses transformations possibles, l’origine du son n’est parfois plus reconnaissable et fait donc appel à l’imaginaire.

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Version de Pinnock :

• Cello – Anthony Pleeth, Richard Webb • Composed By – Antonio Vivaldi • Edited By – Reinhild Schmidt • Engineer [Recording] – Hans-Peter Schweigmann • Harpsichord, Directed By – Trevor Pinnock • Liner Notes – Michael Talbot • Liner Notes [Translation] – Felice Merlo, Isabella Borinski, Jacques Fournier • Orchestra – The English Concert* • Organ – Robert Woolley • Producer – Dr. Andreas Holschneider • Recording Supervisor – Dr. Gerd Ploebsch • Strings [Violone] – Keith Marjoram • Theorbo [Tiorba] – Nigel North • Viola – Annette Isserlis, Jan Schlapp, Trevor Jones (4) • Violin [1] – Graham Cracknell, Micaela Comberti, Miles Golding, Simon Standage • Violin [2] – Elizabeth Wilcock, Nicola Cleminson, Roy Goodman, Theresa Caudle

Oeuvres périphériques pour les oraux du bac : - Philip Glass (musique répétitive, cf. film Mrs. Dalloway) - Manoury : 60e parallèle (électronique et instruments traditionnels) - Spring 1 : cf. didon et Énée de Purcell, cf. ground - Les saisons de Glazounov - Air du froid de Purcell