maroc medical È £dg ¬Ùg · 282 maroc médical, tome 34 n°4, décembre 2012 fonctionnel, il...
TRANSCRIPT
MAROC MEDICAL
Cas clinique
280 Maroc Médical, tome 34 n°4, décembre 2012
Reconstruction de la lèvre inferieure par lambeau de Karapandzic
Reconstruction of the lower lip by the Karapandzic flap
«Karapandzic»
J. Hafidi, S. El Mazouz1, N. Gharib1, A. Abbassi1, S. El Khloufi2, A. El Ayoubi2, M. Boutarbouch2, Y. Bjijou2, M. Bouchikhi2, M. Jiddane2
Tiré à part : J. Hafidi : Service de chirurgie plastique, hôpital Al-Ghassani, CHU de Fès, Maroc 1 Service de chirurgie plastique et reconstructrice, hôpital Ibn-Sina, CHU de Rabat-Salé, Maroc 2 Département d’anatomie, Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, Maroc
Résumé : Introduction : L’étiologie principale des pertes de substance de la face est l’exérèse de tumeurs cutanées. La reconstruction labiale ou chéiloplastie peut faire appel à plusieurs techniques. Le lambeau de Karapandzic offre une bonne couverture de ces pertes de substances tout en obéissant à des impératifs esthétiques et fonctionnels. Observation : Il s’agit d’un patient de 67 ans, présentant un carcinome spinocellulaire de la lèvre inférieure mesurant 4,5cm × 4cm. L’exérèse respecte une marge de 1cm. Un lambeau bilatéral de rotation dont les incisions cutanées sont parallèles aux bords libres des lèvres et de largeur égale à la hauteur de la perte de substance a été réalisé. Une contre-incision courte sur le versant muqueux permet une meilleure avancée des lambeaux. Ces derniers sont suturés l’un à l’autre et aux berges de la perte de substance. Les suites opératoires sont simples. Les résultats esthétiques et fonctionnels sont très satisfaisants avec un recul de 6 mois.Discussion : C’est une technique de choix pour cette reconstruction parce qu’elle se plie à des principes qui sont à la fois d’ordre fonctionnel, morphologique et esthétique. Elle respecte les vaisseaux : artère faciale coronaire et les branches sensitives et motrices du lambeau musculo-cutané prélevé afin d’obtenir un sphincter buccal efficace immédiatement. L’ouverture buccale reste satisfaisante grâce à l’élasticité des tissus du lambeau. La commissuroplastie secondaire n’est pas systématique. Le plus souvent, l’incision siège dans le sillon naso-génien à la partie basse et remonte plus ou moins haut selon la taille de la perte de substance. La limite supérieure de l’incision siège à quelques millimètres sous le seuil narinaire.Conclusion : Le lambeau de Karapandzic permet de reconstruire la lèvre inférieure après exérèse tumorale avec de très bons résultats tant sur le plan fonctionnel, morphologique qu’esthétique.Mots clés : Lambeau de Karapandzic, lèvre inférieure, reconstruction
Abstract : Introduction : The main etiology of the defects of the face is the excision of skin tumors. Lip reconstruction or cheiloplasty can use several techniques. Karapandzic flap provides good coverage of these losses of substances with good aesthetic and functional results.Observation : A 67 years old patient presents a spinocellular carcinoma of the lower lip measuring 4.5 cm × 4 cm. Resection repects a margin of 1cm. A bilateral rotation flap wich incisions are parallel to the free edges of the lips and equal to the height of the defect was performed. A back cut on the mucosal side allows better advancement of the flaps. They are sutured to each other. The postoperative course is simple. The aesthetic and functional results are very satisfactory with a decline of 6 months.Discussion : This is an excellent technique because it bends to the principles that are functional, morphological and aesthetic. It respects vessels: coronary facial artery, sensory and motor branches of the myocutaneous flap to obtain a buccal sphincter effective immediately. The mouth opening is satisfactory due to the elasticity of the tissue flap. Secondary commissuroplasty is not systematic. Most often, the incision seat in the nasolabial fold and goes higher or lower depending on the size of the defect. The upper limit of the incision is a few millimeters below the nostril.Conclusion : The Karapandzic flap used to the lower lip reconstruction after tumor resection gave good functional, morphological and aesthetic results.Keywords : Karapandzic flap, lower lip, reconstruction
Karapandzic
1 4 × 4,5 67
Karapandzic
Karapandzic
J. Hafidi et coll. Reconstruction de la lèvre inférieure par lambeau de Karapandzic
Maroc Médical, tome 34 n°4, décembre 2012 281
Introduction
La reconstruction de la lèvre inférieure en pathologie
tumorale peut faire appel à des lambeaux locaux de couver-
ture lorsque la perte de substance est de petite taille ou de
taille moyenne. Le lambeau de Karapandzic est un lambeau
local de rotation qui nous semble très intéressant dans la
couverture des pertes de substance de la lèvre inférieure.
Nous décrivons le cas d’un patient qui a bénéficié de cette
technique après exérèse d’un carcinome spinocellulaire de
la lèvre inférieure.
Observation
Il s’agit d’un homme de 67 ans, ayant des antécédents
alcoolotabagiques depuis plus de 30 ans, présente un
carcinome spinocellulaire de la lèvre inférieure. La tumeur
est évoluée, mesurant 4,5 cm × 4 cm. Elle a une position
centrale sur la lèvre inférieure (figure 1). Il à été pratiqué
une exérèse de la tumeur en respectant une marge de sécurité
carcinologique de 1cm (figure 2). Le dessin des incisions du
lambeau de Karapandzic comprend 2 arcs de cercles tracés
depuis le seuil narinaire, suivant le sillon nasogénien, qui
s’étendent de part et d’autre jusqu’au sillon labiomentonnier,
puis remonte à angle droit jusqu’à la commissure labiale
(back-cut). Nous infiltrons la zone ainsi délimitée par du
sérum salé mélangé à 1cc d’adrénaline. Nous procédons
ensuite à l’incision du dessin, puis à la levée de 2 lambeaux
de rotation musculo-cutanés. La dissection doit respecter les
artères faciales et coronaires. Les 2 lambeaux sont affrontés
et suturés en 3 plans : le plan musculaire est fermé avec
des points en X, le plan muqueux est fermé avec des points
séparés au fil résorbable 4/0 et finalement le plan cutané est
fermé par des points séparés (figure 3). Le résultat définitif
est très satisfaisant avec un recul de 6 mois (figures 4, 5, 6).
Discussion
Les principes de la reconstruction labiale sont d’ordre
fonctionnel, morphologique et esthétique. Sur le plan
Figure 1
Aspect préopératoire
Figure 2
Exérèse de la tumeur et tracé des incisions des 2 lambeaux
Figure 3
Mise en place des lambeaux
Reconstruction de la lèvre inférieure par lambeau de Karapandzic J. Hafidi et coll.
282 Maroc Médical, tome 34 n°4, décembre 2012
fonctionnel, il faut restaurer un sphincter musculo-muqueux
fonctionnel. La restauration du plan musculaire est une
priorité. La restauration de l’amplitude labiale s’impose
dans tous les plans [1] :
Vertical : pour assurer la continence salivaire surtout par
la restauration d’une hauteur de lèvre blanche satisfaisante et
une bonne occlusion labiale afin de permettre l’alimentation
et la phonation.
Et horizontal : par la position des commissures
symétriques par rapport à un plan sagittal médian. Sur le
plan morphologique, la lèvre étant unique avec ses trois
plans et son bord libre muqueux; les tissus labiaux seront
utilisés en première intention. Il faut réparer la lèvre par
de la lèvre. Sur le plan esthétique, pour conserver un bon
équilibre des rapports inter-labiaux, la largeur du lambeau
sera égale à la moitié de la taille de la perte de substance.
La hauteur du lambeau sera égale à celle de la perte de
substance [1-4]. Un autre concept a été décrit par Burget en
1986. il s’agit de restaurer toute la sous-unité esthétique de
la lèvre supérieure, qu’il divise en quatre, par un lambeau
de taille équivalente à la sous-unité contro-latérale : c’est le
principe d’Abbe-Burget [5].
Les précurseurs du lambeau de Karapandzic sont les
lambeaux de Dieffenbach (1835), de Von Barun (1857) et
de Gillies avec son fan flap ; ils décrivaient des lambeaux
transfixiants de rotation autour de la commissure qui ne
respectaient pas le pédicule neurovasculaire. Karapandzic
a reprit le principe de ces lambeaux en 1974, en y respec-
tant le pédicule neurovasculaire afin d’obtenir un sphincter
efficace immédiatement.
Le fan flap de Gillies a été publié par ce dernier en
1957 [6]. Gillies assimile aussi la rotation de ce lambeau
au déploiement d’un éventail. Le point de rotation des
lambeaux est paracommissural, leur vascularisation dépend
des deux coronaires. La largeur du lambeau prélevé sur la
lèvre opposée est égale à la moitié de la perte de substance.
Un back-cut permet l’insertion de la pointe du lambeau
en para-commissural. C’est la plastie en Z permettant
Figure 4a
Résultat à 6 mois, vue de face
Figure 4b
Résultat à 6 mois, vue de face, bouche ouverte
Figure 4c
Résultat à 6 mois, vue de face, bouche ouverte
J. Hafidi et coll. Reconstruction de la lèvre inférieure par lambeau de Karapandzic
Maroc Médical, tome 34 n°4, décembre 2012 283
d’augmenter le glissement et la rotation du lambeau.
Le lambeau de Gillies peut être prélevé en respectant le
pédicule neurovasculaire.
Ce lambeau a été décrit par Karapandzic en 1974 [7].
Il rapportait alors une série de 58 patients qui présentaient
des lésions tumorales au niveau de la lèvre inférieure
essentiellement ayant entraîné une perte de substance
supérieure à la moitié de la lèvre inférieure. Il proposait un
lambeau bilatéral de rotation pure buccale dont les incisions
cutanées étaient parallèles aux bords libres des lèvres
et de largeur égale à la hauteur de la perte de substance.
Une contre-incision courte sur le versant muqueux était
nécessaire pour permettre une meilleure avancée des
lambeaux. Les meilleurs résultats ont été obtenus pour les
pertes de substances médianes, les résultats les moins bons
pour des perte de substance latérales car il obtenait une
moins bonne symétrie des lèvres [8]. La particularité de la
technique est de respecter les vaisseaux (artère faciale et
artère coronaire) et les branches sensitives et motrices du
lambeau musculo-cutané prélevé. L’ouverture buccale reste
satisfaisante grâce à l’élasticité des tissus du lambeau. La
commissuroplastie secondaire n’est pas systématique. Le
plus souvent, l’incision siège dans le sillon naso-génien à
la partie basse et remonte plus ou moins haut selon la taille
de la perte de substance. La limite supérieure de l’incision
siège à quelques millimètres sous le seuil narinaire [9-10].
Les indications pour les pertes de substance de la lèvre
inférieure, latérales, comprises entre la moitié et les trois
quarts sont le lambeau de Gillies et de Karapandzic ; et
pour les pertes de substance médianes, supérieures aux
trois quarts sont 2 lambeaux de Karapandzic [11].
Conclusion
Le lambeau de Karapandzic est un lambeau local de
rotation qui nous a permis de couvrir la perte de substance
laissée par l’exérèse d’un carcinome spinocellulaire de la
lèvre inférieure. Les résultats obtenus sont très satisfaisants
à la fois sur le plan fonctionnel et esthétique, faisant de ce
lambeau une technique de choix dans la reconstruction des
pertes de substances de la lèvre inférieure.
Schéma du dessin
Reconstruction de la lèvre inférieure par lambeau de Karapandzic J. Hafidi et coll.
284 Maroc Médical, tome 34 n°4, décembre 2012
Références
1. Merville LC, Bui P. Mutilations de la lèvre supérieure.
In : Levignac J ed. Chirurgie des lèvres. Paris : Masson
1990 : pp 125-154.
2. Merville LC, Réal JP. Chirurgie réparatrice des
lèvres. Encycl Med Chir, Paris, Techniques chirurgicales,
Chirurgie réparatrice, 45-400, 45-401 et 45-402.
3. Payement G, Cariou JL, Cantaloube D, Bellavoir
A. Chirurgie réparatrice des lèvres. Encycl. Med Chir
(Elsevier, Paris). Techniques chirurgicales. Chirurgie
plastique, 45-555, 1997, 25p.
4. Revol M, Servant JM. Manuel de chirurgie plastique,
reconstructrice et esthétique. Paris : Pradel 1993 pp 503-523.
5. Burget G, Menick F (1986). Esthetic restauration of
one-half the upper lip. Plast Reconstr Surg 78 : 583-593.
6. Gillies H, Millard DR. The principles and art of
plastic surgery. Boston : Little Brown. 1957 pp 507-514.
7. Karapandzic M (1974). Reconstruction of lip defects
by local arterial flaps. Br J Plast Surg 27 : 93-97.
8. Martin D. Mondie JM., les tumeurs cutanées et
leur stratégie thérapeutique. Annales chirurgie plastique
esthétique, 1998, 365-372.
9. Le Quang C., La réparation esthétique en cancérologie
faciale. Rapport de la Société Française de Chirurgie
Plastique, Reconstructrice et Esthétique, 1990;35:7-30.
10. Martin D., Les épithéliomas faciaux ; considérations
générales, moyens et indications chirurgicales. Ann Chir
Plast Esth 1998;43:311-362.
11. Gillies HD., Plastic surgery of the face, London,
Frowde, Hodder and Stoughton, Oxford University Press,
1980, 215-222