liane mozère souci de soi

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  • 8/18/2019 Liane Mozère Souci de Soi

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    Liane Mozère

    Le « souci de soi » chez Foucault et le souci dans une éthique politique du care.

    1 « La place qui est faite à la connaissance de soi-même devient plus importante : la tâche de s’éprouver, des’examiner, de se contrler dans une série d’exercices !ien définis place la question de la vérité " de la vérité de

    ce que l’on est et de ce qu’on est capa!le de faire " au c#ur de la constitution du su$et moral %, écrit &oucaultdans le troisi'me tome de son Histoire de la sexualité intitulée Le Souci de soi (1)*+ .t c’est à interro/er ceterme de souci que nous voulons nous attacher ici à partir d’une lecture croisée de &oucault et du travail de 0oanronto, Moral Boundaries. A Political Argument for an Ethic of Care sur le care 1 comme dimension à la foiséthique et politique pour nous demander si le souci de soi évoqué par l’un peut être mis en résonance etcomment avec la démarche de la seconde (1))2, à para3tre en traduction fran4aise 566+ 7our cela nous

     procéderons en trois étapes sans perdre de vue le risque attaché à une telle entreprise qui se veut à l’heureactuelle davanta/e une esquisse pro!lématique qu’une démonstration pleinement a!outie .n premier lieu nous

     présenterons l’ar/umentation de &oucault sur le souci, essentiellement à partir des deuxi'me et troisi'me tomesde l’Histoire de la sexualité, intitulés L’Usage des laisirs et Le Souci de soi (1)*+ 8ous présenterons ensuitele concept de care que nous traduirons par souci et9ou soin 5 dans le travail de ronto 8ous tenterons dans une

    troisi'me partie de relever les conver/ences qui culminent à notre avis dans la dimension politique qui noussem!le au fondement de l’entreprise conduite par ces deux auteurs, même si leur #uvre ne peut être réduite àcet aspect que nous privilé/ions iciLa connaissance de soi chez Michel Foucault

    5ompant d's 1);< avec ce qu’il appelle « l’h=poth'se répressive % censée fonder le rapport que les sociétésmodernes instaurent avec la sexualité, >ichel &oucault introduit sa démarche autour d’une « volonté desavoir % à laquelle il fait succéder une anal=se de « l’usa/e des plaisirs % L’année de sa mort le troisi'mevolume, « Le souci de soi %, clt cette Histoire de la sexualité ?’interro/eant sur les racines de la défiance àl’é/ard du plaisir depuis l’éclosion au @ABBe si'cle d’une conception nouvelle de la sexualité prenant appui surune technolo/ie de pouvoir « centrée sur la vie %, >ichel &oucault revisite l’évolution des conceptions relativesau plaisir dans l’Cntiquité /recque entre le BAe si'cle avant 0ésus-Dhrist et le Ber  si'cle de notre 're Bnsistant surl’importance des modes de su!$ectivation (pratiques de soi, &oucault souli/ne que l’on s’intéresse, dansl’Cntiquité, moins au respect de la loi stricto sensu qu’à l’attitude qui fait qu’on la respecte L’accent est alorssurtout mis sur le rapport que l’individu entretient à l’é/ard de soi, c’est-à-dire finalement au recours, au traversde modes de su!$ectivation spécifiques 2, à des formes d’asc'se dans l’usa/e des plaisirs (chr!sis ahrodisionqui s’actualiseront tout aussi !ien dans une pratique de santé, dans la /estion domestique ou dans les pratiquesde cour amoureuse à l’é/ard des /ar4ons en particulier, dans un même rapport à la vérité

    2La morale qui sous-tend un tel usa/e des plaisirs s’inscrit dans ce que &oucault appelle les « arts del’existence % définis comme « des pratiques réfléchies et volontaires par lesquelles les hommes se fixent desr'/les de conduite, mais cherchent à se transformer eux-mêmes, à se modifier dans leur être sin/ulier et à faire

    de leur vie une #uvre qui porte certaines valeurs esthétiques et répondent à certains crit'res de st=le % + .n cesens l’usa/e des plaisirs doit être contenu et suppose d’éviter l’exc's et l’intempérance 7rendre son plaisir« comme il faut %, au moment opportun ("airos permet d’éviter de tom!er dans l’immoralité qui découle cheEles Frecs soit d’un exc's, soit d’une position su!$ective de passivité G 7rendre son plaisir n’est $amais se laisser aller à ses appétits comme le fait Hio/'ne, mais se ma3triser, appréhender le !esoin, lui laisser l’espacenécessaire qui lui permette de se déplo=er avant d’être satisfait D’est le !esoin qui doit ré/uler le plaisir et il nedoit être assouvi qu’apr's une suspension, seule à même de con$urer l’intempérance qui si/nerait un manque dema3trise de soi Dette « culture de soi % or/anise une pratique de l’art de l’existence qui suppose une vérita!leconversion à soi 

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    « défini par le fait de n’être provoqué par rien qui soit indépendant de nous et qui n’échappe par conséquent ànotre pouvoir : il na3t de nous-même et en nous-même % 15 D’est le prix à pa=er pour atteindre à l’allé/resse :« .lle foisonnera à condition d’être au-dedans de toi-mêmeJ sois heureux de ton propre fonds >ais ce fondquel est-il K oi-même et la meilleure partie de toi % 12 Le care selon Joan Tronto

    +.xaminons à présent la mani're dont 0oan ronto envisa/e le care Cdoptant une position féministe, 0oanronto met au $our la mani're dont op'rent ce qu’elle nomme les « trois fronti'res de la morale % " entre

     politique et morale entre point de vue universel et particulier entre pu!lic et privé " qui maintiennent lesfemmes en situation d’outsiders évincées de la vie pu!lique De faisant, elle cherche à élucider les conditions de possi!ilité d’un renversement des termes qui fondent ces parta/es ?e demandant comment traiter de mani'remorale des « autres distants que nous estimons sem!la!les à nous-mêmes % 1+ en pratiquant une politique ducare, ronto ne se rapproche-t-elle pas de l’éthique du souci (de soi K

    GMuelle est, en effet, l’ar/umentation de ronto K Domme l’ont amplement montré les théoriciennes duféminisme, les questions a=ant trait à la vie des femmes, des esclaves, des domestiques et des travailleurs n’ontété envisa/ées ni par la tradition philosophique ni par les théories politiques .n proposant de prendre encompte cette dimension de l’activité humaine à partir du concept de care$ ronto insiste sur la nécessité derepenser le cadre conceptuel qui a amené à son éviction du champ moral et politique Dadre conceptuel que

    ronto revisite en le situant dans l’évolution politique qui préside à cette disparition qui date de l’émer/ence dela société capitaliste 7renant appui sur les anal=ses développées par les philosophes « écossais % " Nutcheson,Nume et Cdam ?mith ", ronto met l’accent sur les richesses contenues, à ses =eux, dans une morale formuléeen termes de sensi!ilité aux conditions particuli'res 1G, de s=mpathie et de !ienveillance à l’é/ard d’autruidéfendue par ces auteurs .lle o!serve que cette éthique s’appliquait dans la vie sociale avant que n’interviennel’irruption sans parta/e de la lo/ique marchande fondée sur l’intérêt personnel qui va s’imposer à l’av'nementde la société capitaliste et conduire à une reformulation de la question morale Dette proto-morale que rontodéfinit comme une « morale contextuelle %, demande que chacun-e s’astrei/ne à « une éducation à la vertu, OauPsens des fins de la vie humaine OetP un sens moral % 1

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    vie de tous les $ours Filli/an a anal=sé cette posture morale en termes de /enre Un n’est pas tr's éloi/né de la« s=mpathie %, de la « !ienveillance % souhaitées par les philosophes « écossais %

    ;7our autant l’apport de Filli/an contri!ue-t-il vérita!lement à renouveler l’anal=se du souci ou, mieux, deredéfinir sa place " et partant, celle des femmes " dans l’ar'ne politique K L’idée selon laquelle hommes etfemmes ont « des capacités morales différentes % n’est-elle pas récurrente au contraire en Uccident, se demanderonto K Mue cette idée penche, selon les époques ou selon les cas, en faveur ou au détriment des femmes nesaurait cacher le fait que les sentiments moraux sont affectés d’une valence en termes de /enre .n ce sens le

    travail de Filli/an ne s’inscrit-il pas parfaitement dans le droit fil de la pensée sur l’action en $ustifiantl’existence d’une « élite moralement compétente % 51 en termes essentialistes .lle se demande si lesdifférences que Filli/an éta!lit entre hommes (éthique de la $ustice et femmes (éthique du souci, du care ne

     pourraient s’appliquer, par exemple, pour différencier les attitudes de femmes !lanches des classes mo=ennesde celles de femmes afro-américaines par exemple 55 K Hans ce cas, l’anal=se de Filli/an revient à occulter eto!scurcir ce qui rel've !ien davanta/e de différences de classe ou de race H's lors est-il encore possi!le deconsidérer que leur « voix différente % permettrait aux femmes de se faire entendre dans l’ar'ne politique KCutrement dit, cette dimension définie par le /enre serait-elle suscepti!le de transformer le rapport des femmesà la sph're politique et de « moraliser % cette derni're K Uu, pour le dire autrement, de faire entrer la questionéthique dans l’ar'ne politique dont elle est /énéralement dissociée K D’est à ce point nodal que l’ar/umentationde ronto /a/ne en puissance lorsqu’elle pointe l’apolitisme de l’anal=se de Filli/an, restreinte aux relations

    interpersonnelles, tout en maintenant intactes les fronti'res qui séparent les activités du souci, du care del’ar'ne politique ronto va alors opérer une conversion de la pensée en désenchâssant le souci, le care de ladimension de /enre et en pro!lématisant d’em!lée ce concept à un niveau politique

    *?a démarche propose, en effet, de rompre avec toute conception d’un autre socialement hiérarchisée au profitd’une acception oI tout autre sin/ulier pourra faire l’o!$et d’un souci et d’une sollicitude équivalents quellesque soient sa position et son attente .n d’autres termes, mettre le souci, le care au centre de la vie humainerevient à leur assi/ner une autre place dans la théorie morale et politique La fra/mentation actuelle desactivités de souci et de care les enferme dans un univers invisi!le et dévalorisé dans nos sociétés et perpétueainsi le maintien des structures de pouvoir et des privil'/es qui = sont attachés La conception essentialiste deFilli/an affine peut-être l’anal=se de formes méconnues de sensi!ilité des femmes, mais en les maintenant à

    l’écart de l’ar'ne politique, perpétue leur assi/nation à des tâches de souci et de care, socialement dévaloriséeset, a$oute ronto, invisi!ilisées, parce que socialement cruciales pour le fonctionnement des rapports sociauxLe souci, le care doivent donc être dissociés d’une dimension en termes de /enre Bls doivent, au contraire,concerner l’ensem!le des autres humains, mais aussi tout notre monde matériel, animal, vé/étal D’est donc àune forme d’écolo/ie éthique et politique tout autant qu’à une éthique à l’é/ard d’autrui que le care est appelé às’attacher, en tant qu’« acti&ité généri'ue 'ui comrend tout ce 'ue nous faisons our maintenir$ erétuer etréarer ( notre ) monde de sorte 'ue nous uissions * &i&re aussi +ien 'ue ossi+le De monde comprend noscorps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe,en soutien à la vie % 52 ?’attachant à identifier les !esoins ou, mieux, les aspirations, le care$ selon ronto, serapproche du souci évoqué par &oucault : il en appelle de la même fa4on à une conversion de soi, à un st=le devie, à la vie comme #uvre Bl s’a/it de se soucier d’aspirations non satisfaites de se char/er de répondre demani're responsa!le aux attentes ainsi détectées d’accorder des soins, du care à travers une activité pratiquespécifique enfin, se soucier, de mani're adéquate de l’autre suppose que ce souci con&ienne à cet autre (ou àcet o!$et Vtre l’o!$et du care ne saurait, en effet, être une position passive : l’appréciation de l’o!$et du soucidoit faire advenir celui-ci comme su$et d’une nouvelle demande, conduisant à d’autres formes de souci,en/endrées dans le cours même de l’interaction 7lacée sous le si/ne de l’immanence, cette demande doitconduire à une action de la personne ou de l’o!$et dont on s’est soucié ?e référer à une telle dimension,immanente à chaque situation particuli're, permet que le souci de l’autre échappe à toute tentative de réificationou d’instrumentalisation charita!le ou paternaliste Dar, ronto insiste sur ce point, se soucier de l’autre ou d’unl’o!$et quelconque implique nécessairement une position de diss=métrie, une position de pouvoir que l’éthiquedu souci ou du care qu’elle défend cherche à contrecarrer, à limiter, même de mani're partielle et relative, par

    une forme de co-production ou mieux de co-création ad hoc et sin/uli're L’o!$et dont on se soucie doit pouvoir advenir en tant que sin/ularité non réducti!le au seul « !esoin %, à un pur réceptacle de soins Le souci, le care s’édifient donc au c#ur d’une trame sans cesse à refa4onner, à (rééla!orer et à (rené/ocier entra3nant par làmême une prolifération d’autres formes et activités de care qui en découlent « en cascade % un processus qui

    2

    https://leportique.revues.org/623#ftn21https://leportique.revues.org/623#ftn22https://leportique.revues.org/623#ftn23https://leportique.revues.org/623#ftn21https://leportique.revues.org/623#ftn22https://leportique.revues.org/623#ftn23

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    traduit l’infinité des !esoins ou des aspirations, ceux-ci, ronto veille à le souli/ner, ne pouvant tous êtresatisfaits

    )Le souci, le care deviennent alors, non plus des dispositions (féminines par exemple mais une pratique Blsfont de chacun de nous un être, on pourrait dire un monde, a=ant, à tout moment et de mani're permanente,

     !esoin qu’un-e autre se soucie de nous D’est là la dimension éthique radicale développée par ronto : noussommes tou-te-s dépendant-e-s de la préoccupation d’autres qui se soucient de nous .t ces autres qui sesoucient de nous " dont nous ne reconnaissons pas tou$ours l’importance ou la nécessité " fa4onnent des

     pratiques qui nous conviennent et qui nous maintiennent en vie .n ce sens, comme les nourrissons, noussommes, en tant qu’êtres sociaux, tou-te-s fai!les et dépendant-e-s du care qui nous est dispensé Cinsi sedessinent les contours d’une éthique du souci, du care qui trans/resse les fronti'res invalidantes entre le pu!licet le privé et qui rend enfin compati!les $ustice et sollicitude pour tou-te-s 8e peut-elle ainsi contri!uer àdévelopper une posture « d’en/a/ement moral % 5+ suscepti!le de favoriser l’émer/ence d’une voie nouvelle

     pour la démocratie KDe quelques convergences

    16W un premier niveau, on pourrait s’interro/er sur la pertinence de mettre ainsi en re/ard la conception dusouci de soi développée cheE &oucault avec celle, en apparence fort éloi/née, du care comme souci de l’autre,tel qu’il a été pro!lématisé par 0oan ronto Le souci de soi concerne, &oucault le rappelle, le rapport que

    l’homme li!re entretient avec lui-même, avec ses pairs, mais aussi avec des autres a!solument incompara!lesen termes de statut et de place : les femmes, les enfants et les esclaves La ré/ulation que l’homme antique doitimposer à l’é/ard de ses plaisirs (ahrodisia doit s’appliquer à tous les domaines de sa vie, tant dans la vie

     pu!lique que dans la sph're de l’oi"os ,- La tempérance en tant que qualité morale requise doit être exercéetant sur le corps que sur les !iens 5

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    dans une éthique du care suppose un choix, une volonté déli!érée de ne pas faire pour ou à la place de, maisd’éla!orer une posture qui donne « voix % à l’autre .n tant que pra/matique contextuelle, processuelle etimmanente, cette éthique du care suppose un rapport pro!lématique et polémique à soi, elle suppose une« compétence de la sensi!ilité % 26 ce que les féministes an/lo-saxonnes appellent une connaissance « située %qui, par définition, trou!le les identités (professionnelles, culturelles et affectives et em!rasse l’autre dans unensem!le la!ile et proliférant d’affects, de contacts et de relations

    15>ais c’est é/alement à un autre niveau que le rapprochement entre les anal=ses de &oucault et de ronto peut

    être éclairant : celui du rapport au politique Dar le souci de soi, &oucault insiste sur ce point, consiste aussi etsurtout à faire « de sa vie une #uvre éclatante % 21 Cinsi, la tempérance dans les conduites sexuelles, en tantque pratiques sociales oI se lit en creux la mani're d’user des autres et de les traiter, ne concerne pas tout lemonde dans la cité /recque .lle n’est que pour ceux qui ont « ran/, statut et responsa!ilité dans la cité % D’estlà que s’éta!lit un lien entre ce que &oucault définit comme une « pensée pratique % et la dimension éthique et

     politique Bl revient en effet à l’homme tempérant, ma3trisant ses plaisirs, de « définir ce qu’il faut faire, àtravers l’usa/e d’une techne$ d’un savoir-faire mo!ilisé et mis en #uvre dans le cadre les lois communes (de lacité, de la reli/ion et de la nature au moment opportun, en tenant compte du contexte considéré Xne telledémarche suppose la sa/esse, autrement dit la capacité de « se commander à soi-même % ésister et lutter,c’est-à-dire finalement assurer sa domination sur les désirs et les plaisirs, construit l’attitude polémique avecsoi-même comme un travail, un processus pour lequel il convient de s’exercer par des entra3nements, des

    méditations, des épreuves de pensée, des examens de pensée ?e mesurer ainsi avec soi-même autorise, d’unecertaine mani're, à s’occuper de la cité He la même fa4on pour ronto, une éthique du care suppose un travaildont l’a!outissement n’est $amais atteint, puisque toute action visant à se soucier d’un autre ou d’un o!$etquelconque requiert une éla!oration, la mo!ilisation de compétences que seule une activité réflexive et

     processuelle est à même d’offrir « ?e soucier de % suppose une forme de disponi!ilité que les an/lo-saxonsdéfinissent comme la serendiit*, capacité de savoir se saisir de toutes les opportunités, forme de vi/ilance telleque celle dont doit faire preuve un /uetteur qui veille à ne pas i/norer un dan/er Bci, en l’occurrence, il s’a/itde veiller à ne pas méconna3tre, i/norer, passer par inadvertance à cté d’un autrui dont il conviendrait de sesoucier Dette attention flottante, capa!le d’accueillir l’indiscerna!le et l’indécida!le, nécessite de dominer sesdésirs propres et de se reconna3tre, encore une fois, comme pouvant é/alement avoir !esoin que l’on se souciede nous. D’est en ce sens que, &oucault et ronto, en partant de prémisses fort éloi/nées en apparence, ouvrent

    des pistes pour de nouvelles formes d’éthique

    12H’autres concordances peuvent être si/nalées entre leurs deux pensées Domme l’anal=se &oucault, le « su$ettempérant % n’a pas fait dispara3tre la vivacité des plaisirs et des désirs, il les a ma3trisés ?i ?ocrate ne se laisse

     pas séduire par Clci!iade, ce n’est pas parce qu’il est « purifié % de tout désir pour les /ar4ons, mais parce quel’épreuve rend visi!le sa capacité à = résister Le désir n’est pas nié, il est, /râce à l’en"rateia, dominé .t c’estcette capacité à dominer ses plaisirs qui ouvre aux rapports avec la cité « Muand nous aurons ensem!le pratiquésuffisamment cet exercice Oas"esantesP, nous pourrons, si !on nous sem!le, a!order la politique % 25 ?eul untel entra3nement peut constituer l’individu en su$et moral et faire de la cité le lieu oI peut s’épanouir la li!erté« La li!erté 22 qu’il convient d’instaurer et de préserver, c’est !ien sYr celle des cito=ens dans leur ensem!le,mais c’est aussi, pour chacun, une certaine forme de rapport de l’individu à lui-même % .n d’autres termes, laforme de « souveraineté % que l’individu exerce sur lui-même est un « élément constitutif du !onheur et du !onordre de la cité %

    1+?’affranchissant ainsi de la contrainte qu’imposeraient les plaisirs s’ils n’étaient ma3trisés, l’homme li!re peut /ouverner les autres de mani're appropriée, ce que ne permettrait pas une conduite soumise sans retenue àleurs dér'/lements ?elon Zpict'te, l’être humain est défini comme l’être qui a « été confié au souci de soi %Les hommes doivent veiller sur eux-mêmes individuellement et collectivement, non par « quelque défaut quileOsP mettrait en état de manque et leOsP rendrait de ce fait inférieur aux animaux, mais parce que le dieu a tenu àce qu’ilOsP puisseOntP faire li!rement usa/e d’eux-mêmes, c’est à cette fin qu’il les a dotés de raison % 2+L’eimelea heautou, la cura sui comme « exercice permanent du soin de soi-même % 2G est donc avant tout

     pratique sociale, activité politique et non repli narcissique ou solitaire Dar cette « anachor'se en soi % sedécline en une multitude d’activités sociales Le terme d’eelemeia s’applique indifféremment pour évoquer« les activités du ma3tre de maison, les tâches du prince qui s’occupe de ses su$ets, les soins qu’on doit apporterà un malade ou à un !lessé, ou encore les devoirs qu’on rend aux dieux ou aux morts % 2

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    demande un effort et du temps L’eemeleia est « une activité essentiellement sociale %, c’est un « serviced’âme % qui si/ne une interdépendance manifestant, en fin de compte, la fra/ilité de chacun-e Dar cetteinterdépendance invite à se reconna3tre comme malade ou menacé par la maladie .lle renvoie à l’a/encemententre la personne « se souciant de % et la personne (ou l’o!$et quelconque dont on se soucie Le care concernant chacun-e de nous, mieux, nous étant nécessaire à tout moment, ne cesse d’ouvrir, transversalementaux institutions et aux pouvoirs instituants, des pratiques, des expérimentations, d’oI peuvent émer/er denouvelles attentes, de nouvelles aspirations dont il conviendra de se soucier Des nouvelles attentes ne sont pasexclusivement personnelles, elles sont au contraire éminemment sociales, et même politiques, au sens oI « se

    reconna3tre comme malade ou menacé % (comme l’écrit &oucault ou s’admettre comme dépendant d’autrui àtout moment (comme l’écrit ronto, permet de fonder un être ensem!le 7ar définition $e suis l’« autrui %dépendant (pour d’autres « autrui %, et c’est cette reconnaissance, l’acc's à cette dimension politique qui faitsociété " une société fondée sur le souci de soi et de l’autre .n ce sens, l’éthique du care propose une nouvelleforme de « pro!lématisation % du souci La pratique de soi selon les Frecs, rappelle &oucault, doit permettre àchacun de découvrir « qu’il est en état de !esoin, qu’il lui est nécessaire médication et secours % 2; .n ce pointse re$oi/nent de mani're lumineuse une conception antique du souci de soi et une éthique du care en devenir, àtravers cette commune assomption de la fra/ilité humaine 2* qui fait de chacun-e de nous un être dont ilconvient de se soucier

    1GCu terme de ce parcours h=pothétique, il convient de faire retour sur quelques li!ertés que cette

    ar/umentation a prises avec le c#ur de la pro!lématique foucaldienne Le parti de « faire usa/e % des textes de&oucault, de les faire « travailler % à partir d’une lecture du « souci de soi % qui rel've d’un !ricola/e conduit àles couper en partie de leur lo/ique interne W travers son Histoire de la sexualité$ &oucault voulait, on le sait,indiquer les ruptures entre une morale antique des plaisirs " a=ant elle même su!i de profondes transformations

     " et une do/matique chrétienne flétrissant les plaisirs de la chair 2) Hans cette entreprise, le travail de &oucaultdemeure ma/istral et le détournement que nous nous sommes autorisé ici n’est pas en mesure heureusement d’=

     porter om!ra/e ?i nous nous sommes permis de tracer ici quelques chemins de traverse, c’est parce qu’il nousa sem!lé que la lecture que nous proposons permet, en éta!lissant un lien avec le travail de 0oan ronto, d’offrir un prolon/ement éthique et politique pour la société qui est la ntre et de prolon/er le dialo/ue en/a/é avec0oan ronto

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