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Dossier Les eurodéputés du groupe des Verts/ALE (Alliance libre européenne) s’opposent systématiquement à l’exploitation du gaz de schiste et souhaitent que les techniques de fractu- ration hydraulique soient interdites. Quels sont concrète- ment les dangers que fait courir l’utilisation de ces procédés d’extraction sur l’environnement ? Ces dangers sont connus de tous. Regardez aux États-Unis ou en Pologne. Alors que l’extraction à tout va du gaz de schiste se révèle de plus en plus être une bulle spéculative du lobby pé- trolier alimentée par la désinformation, alors que le mirage po- lonais commence à s’estomper, c’est un paysage de désolation qui remplace le balai incessant de milliers de camions-citernes. Les sols et les écosystèmes sont durablement contaminés. D’après les études réalisées par les scienti ques de The Na- ture Conservancy, de quatre à cinq hectares de biodiversité seraient détruits autour de chaque site d’exploitation. L’air est, quant à lui, pollué par les rejets de quelques-uns des 500 pro- duits chimiques qui permettent la fracturation. L’eau, et plus particulièrement les nappes phréatiques, sont menacées par la remontée incontrôlée de ce cocktail toxique. Tout cela, dans la plus grande opacité. Difcile de dire combien de décennies il faudra, avant que la vie ne revienne dans les principales zones d’exploitation. Difcile enn d’anticiper l’impact que cette ex- traction aura sur la santé humaine. Néanmoins, de telles ressources ne permettraient-elles pas, à court terme, d’envisager plus sereinement (et peut-être avec davantage d’investissements nanciers) la transition énergétique et le développement d’énergies durables et compétitives ? Non. Les enjeux, immenses, doivent être énoncés clairement. Le premier d’entre eux, celui qui nous oblige tous, est cette lutte sans relâche que nous devons mener contre le dérègle- ment climatique. D’après le GIEC (Groupe d’experts intergou- vernementaux sur l’évolution du climat), les températures du globe pourraient augmenter de 1,4°C à 5,8°C, selon que l’on prendra le problème à bras le corps ou non. Les conséquences d’un tel réchauffement – de la raréfaction de l’eau potable à la hausse du niveau des mers, en passant par la disparition en- tière d’écosystèmes, entraînant le déplacement de millions de réfugiés climatiques – auront un impact terrible sur le fragile équilibre politique de notre planète. Et, disons-le tout de suite, l’exploitation des gaz de schiste, au-delà du désastre environnemental, est un prolongement Photo ci-dessus : Eva Joly, députée européenne et candidate à l’élection présidentielle française de 2012, participe à une manifestation contre l’extraction du gaz de schiste en France, en avril 2011. (© Eva Joly 2012) Avec Eva Joly, députée européenne (groupe des Verts/Alliance libre européenne). Les dangers  de l’ exploitation  du gaz de schiste entretien Diplomatie 62 Mai - Juin 2013 3 6

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Article paru dans Diplomatie, Mai-Juin 2013

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Dossier

Les eurodéputés du groupe des Verts/ALE (Alliance libreeuropéenne) s’opposent systématiquement à l’exploitationdu gaz de schiste et souhaitent que les techniques de fractu-ration hydraulique soient interdites. Quels sont concrète-ment les dangers que fait courir l’utilisation de ces procédésd’extraction sur l’environnement ?Ces dangers sont connus de tous. Regardez aux États-Unis ouen Pologne. Alors que l’extraction à tout va du gaz de schiste serévèle de plus en plus être une bulle spéculative du lobby pé-trolier alimentée par la désinformation, alors que le mirage po-

lonais commence à s’estomper, c’est un paysage de désolationqui remplace le balai incessant de milliers de camions-citernes.Les sols et les écosystèmes sont durablement contaminés.D’après les études réalisées par les scientiques de The Na-ture Conservancy, de quatre à cinq hectares de biodiversitéseraient détruits autour de chaque site d’exploitation. L’air est,quant à lui, pollué par les rejets de quelques-uns des 500 pro-duits chimiques qui permettent la fracturation. L’eau, et plusparticulièrement les nappes phréatiques, sont menacées par laremontée incontrôlée de ce cocktail toxique. Tout cela, dans laplus grande opacité. Difcile de dire combien de décennies ilfaudra, avant que la vie ne revienne dans les principales zones

d’exploitation. Difcile enn d’anticiper l’impact que cette ex-traction aura sur la santé humaine.

Néanmoins, de telles ressources ne permettraient-elles pas,à court terme, d’envisager plus sereinement (et peut-êtreavec davantage d’investissements nanciers) la transitionénergétique et le développement d’énergies durables etcompétitives ?Non. Les enjeux, immenses, doivent être énoncés clairement.Le premier d’entre eux, celui qui nous oblige tous, est cette

lutte sans relâche que nous devons mener contre le dérègle-ment climatique. D’après le GIEC (Groupe d’experts intergou-vernementaux sur l’évolution du climat), les températures duglobe pourraient augmenter de 1,4°C à 5,8°C, selon que l’onprendra le problème à bras le corps ou non. Les conséquencesd’un tel réchauffement – de la raréfaction de l’eau potable à lahausse du niveau des mers, en passant par la disparition en-tière d’écosystèmes, entraînant le déplacement de millions deréfugiés climatiques – auront un impact terrible sur le fragileéquilibre politique de notre planète.Et, disons-le tout de suite, l’exploitation des gaz de schiste,au-delà du désastre environnemental, est un prolongement

Photo ci-dessus :

Eva Joly, députéeeuropéenne et candidateà l’élection présidentiellefrançaise de 2012, participeà une manifestation contrel’extraction du gaz de schisteen France, en avril 2011.(© Eva Joly 2012)

Avec Eva Joly, députéeeuropéenne (groupedes Verts/Alliance libreeuropéenne). Les dangersde l’exploitation 

du gaz de schiste

ntretien

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inconséquent du « tout fossile ». Alorsqu’il est urgent d’engager la révolutionénergétique – une sorte de troisièmerévolution industrielle basée sur les

énergies renouvelables et l’efcacitéénergétique –, le lobby pétrolier nousencourage à maintenir sous perfusionun modèle qui nous a conduits au pieddu mur.La n programmée des ressources fos-siles à court ou moyen terme était unecontrainte salutaire, qui rendait inélucta-ble le basculement vers les énergies re-nouvelables et les économies d’énergie.Avec les gaz de schiste, nous sommessur un terrain de lutte où s’affrontent en-core un vieux monde prédateur en quêted’un dernier sursaut et une aspiration ci-toyenne à oser une nouvelle voie vers un

futur viable. À mon sens, le combat quis’engage pour les écologistes et citoyensanti-gaz de schiste est comparable, etsera tout aussi fondateur, que celui initiécontre le nucléaire depuis quarante ans.Et ce n’est pas tout. Depuis des années,l’Europe consacre moins d’argent à larecherche que ses partenaires étrangers.Pourtant, je suis convaincue que l’Eu-rope peut prendre le leadership dans lesecteur des énergies renouvelables etde l’efcacité énergétique. Encore faut-ilque l’argent public et privé destiné à larecherche aille vers cet objectif et nonvers l’extraction de gaz de schiste. La si-tuation budgétaire nous impose de fairele bon choix.

Les importantes réserves naturellesde gaz de schiste en Europe (notam-ment en France, Pologne, Hongrie,Roumanie et Grande-Bretagne) per-mettraient selon certaines études dedoubler les quantités de gaz extrac-tibles sur le vieux continent. Cettemanne énergétique pourrait permet-tre à l’Union européenne de s’affran-chir du gaz russe, dont elle dépendlargement, tout en créant des emplois.

Croyez-vous à la viabilité économiquede l’exploitation de ce gaz en termesde relance industrielle ?Les États-Unis ne sont pas l’Europe et lesmarchés de gaz de schiste sont très diffé-rents d’un côté à l’autre de l’Atlantique.Une étude réalisée en décembre 2010par l’Oxford Institute for Energy Studiesdémontre que le coût d’exploitation etde développement des gaz non conven-tionnels serait deux à trois fois plus élevéen Europe qu’aux États-Unis. Dans le

meilleur des scénarios, pour des raisonsgéologiques et juridiques, le prix seraitproche du gaz russe importé et supérieurau prix des gaz provenant d’Afrique et du

Moyen-Orient.Ce n’est pas tout. Le soi-disant miracleéconomique américain commence àrévéler ses secrets. Surestimation desréserves, endettement massif, bullespéculative, telles sont les nouvelles ex-pressions à la mode dans le monde del’extraction. C’est bien la viabilité de lalière qui est remise en question. L’unedes toutes premières entreprises avoirfait le pari des gaz de schiste, Chesa-peake Energy, écrasée par le poids de sonendettement, a dû revendre pour près desept milliards d’actifs. En juin 2012, le pa-tron d’Exxon Mobil allait jusqu’à dire en

public que sa compagnie ne gagnait plusd’argent, que tout était dans le rouge.Comment expliquer de telles situations ?

La surestimation des réserves de gaz deschiste a permis aux entreprises extrac-trices de lever des fonds de plusieurs di-zaines de milliards d’euros. Mais les puits

ont une très faible durée de vie et sontnalement peu rentables, obligeant ainsià aller creuser de nouveaux puits pourmaintenir l’illusion de la protabilité.Finalement, ce système a une limite : laréalité. Aux États-Unis, les études de ren-tabilité réalisées par les industriels ontété faites sur la base d’un prix du gaz quiétait à plus de six dollars par million deBTU (British Thermal Unit). Aujourd’hui,au regard du volume de gaz injecté sur lemarché aux États-Unis, le prix a mécani-quement baissé autour de trois dollars, etla rentabilité n’est plus au rendez-vous.Et lorsque la production s’écroule, les

exploitants se retrouvent écrasés sous lepoids de la dette. Les voix s’élèvent, bienau-delà de celles des écologistes, pour

Le soi-disant miracle économiqueaméricain commence à révéler ses secrets. Surestimation des réserves, endettement 

massif, bulle spéculative, telles sont lesnouvelles expressions à la mode dans le

monde de l’extraction.

Photo ci-dessous :

Plate-forme de foragehorizontale de Chief Oil& Gaz, dans la région desAppalaches, aux États-Unis.Grâce au gaz de schiste, lesÉtats-Unis devraient devend’ici à 2015 le premierproducteur mondial de gazCependant, la viabilité dela lière serait remise enquestion, suite notammentà la surestimation desréserves. (© Meredithw)

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dire à quel point la désillusion risque de faire mal, et pas uni-quement à l’économie américaine. Nous faisons face à un vraiproblème de modèle économique.

Malgré un impact environnemental très incertain, la produc-tion du gaz et de pétrole de schiste a pris une telle ampleur,notamment aux États-Unis, qu’elle pourrait remodeler enprofondeur la nature de certaines relations géoéconomiqueset géostratégiques. Et cela, notamment envers des pays peuou pas démocratiques (Russie, pays du golfe Arabo-Persi-que, etc.) auxquels la plupart des pays occidentaux sont liéspar obligation, plus que par envie. Ne pensez-vous pas quedans ce contexte, une plus grande indépendance énergéti-que à l’encontre de ces pays pourrait favoriser une politiqueétrangère occidentale plus ferme en matière de respect desdroits de l’Homme vis-à-vis de certains de ces États ?Tout d’abord l’impact environnemental n’est pas « incertain »comme vous dites. Il est désastreux. Ensuite, vous me posezdeux questions. La seconde concerne l’indépendance énergéti-

que et son impact sur les politiques européennes en matière de

droits de l’Homme. Celui-ci peut être réel, même s’il n’est passupportable de soumettre notre défense des droits de l’Hommeà notre dépendance énergétique ou à la vente de nos Rafales.Votre première question, qui est plutôt une afrmation,

consiste à dire que l’exploitation des gaz de schiste est la clé del’indépendance énergétique. Je veux le dire à nouveau, ceci estun mirage alimenté par la désinformation. Autour des gaz deschiste se mène une bataille sans limites entre information etcommunication. Tous les arguments sont bons pour vendre auxEuropéens cette source d’énergie. Je n’ai pas oublié le voyagede presse organisé par Total l’été dernier et qui leur a valu un ar-ticle dithyrambique dans un grand quotidien du soir. Je regretteces méthodes partiales. Je le regrette d’autant plus que les ar-mes sont inégales. Les écologistes n’ont que la force des convic-tions, quand les lobbies ont la force de l’argent et l’inuencedes cabinets de communication. Pourtant, l’exceptionnelle

mobilisation citoyenne en 2010-2011 me laisse espérer quenous ne ferons pas collectivement le mauvais choix.Sur le fond, le gaz est une énergie fossile et donc non renou-velable, l’idée d’indépendance énergétique est donc erronée.

En effet, une politique énergétique se met en place sur plu-sieurs décennies. La seule voie possible pour une réelle indé-pendance énergétique est celle des économies d’énergie, del’efcacité énergétique et du développement massif et rapidedes énergies renouvelables. C’est la seule et unique manière desortir du court-termisme et de penser une autre politique decivilisation.

Le Parlement européen, pourtant très divisé sur la per-tinence de l’exploitation de gaz de schiste, a rejeté soninterdiction le 21 novembre 2012 et demandé un cadre ré-glementaire solide pour s’attaquer aux préoccupationsenvironnementales. De même, la Commission européennedevrait présenter dans le courant de l’année 2013 un cadreréglementaire pour la gestion des risques liés à ce gaz. Ju-

gez-vous ces décisions satisfaisantes et rassurantes ?

La bataille qui se mène au sein des institutions européennesest essentielle. Vous faites référence au vote de deux rapportsd’initiatives par le Parlement européen. Leur adoption ne vautpas adoption d’une loi, mais indique la tendance du débat ausein d’une assemblée dominée par les conservateurs. Avec legroupe Verts/ALE, nous répétons que nous devons sortir desénergies fossiles pour enn aboutir à une transition énergéti-que durable. Je veux en proter pour saluer le travail incroya-ble mené en particulier sur ce sujet par mes collègues et amisMichèle Rivasi et Yannick Jadot qui, avec leurs équipes, ont faitentendre la voix, raisonnable et ambitieuse, des écologistes ausein des commissions parlementaires en charge du débat.Ni victoire, ni défaite des écologistes, ce temps de débat a per-mis de faire émerger nos arguments au plus haut niveau, sur

un continent divisé. La demande d’interdiction pure et simplede la fracturation hydraulique a été rejetée, mais nous avonsnéanmoins fait adopter la demande d’interdiction, à minima,d’exploiter les gaz de schiste dans les espaces sensibles. Etnalement, une majorité parlementaire s’est dégagée pourreconnaître qu’au vu des doutes persistants, la législation euro-péenne était insufsante pour envisager l’exploitation de cesénergies non-conventionnelles.Le Parlement n’est pas le seul à avoir travaillé sur la question.Avant une future proposition réglementaire, la Commissioneuropéenne a publié le 7 septembre dernier trois études in-dépendantes. Une première concerne les avantages pour la

La seule voie possible pour une réelle indépendance

énergétique est celle deséconomies d’énergie, de

l’efcacité énergétique et dudéveloppement massif et rapidedes énergies renouvelables.

Photo ci-dessus :

Le 21 novembre 2012,le parlement européenrejette l’interdiction de

l’exploitation de gaz deschiste, et demande uncadre réglementairesolide avant de s’attaqueraux préoccupationsenvironnementales.Devant le Parlement, leseurodéputés verts exhortentleurs collègues à faire preuvede prudence. (© greensefa)

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sécurité d’approvisionnement énergéti-que, alors que les deux autres s’intéres-sent aux impacts sur l’environnementet au changement climatique.  L’étude

concernant l’incidence environnemen-tale, qui fait le bilan de l’expérience amé-ricaine, est à charge contre la fracturationhydraulique et renforce nos arguments.Finalement, si nous pouvons être en par-tie satisfaits, nous restons très vigilantsen vue des prochaines batailles.

Les débats sur le gaz de schiste au seindes instances européennes ont mis enlumière l’absence d’une véritable poli-tique commune de l’énergie à l’échellede l’Union européenne. Cette lacuneest d’autant plus dommageable quele secteur énergétique a joué un rôle

fondateur dans les premiers pas dela construction européenne (CECA etCEEA respectivement en 1951 et 1957).Pensez-vous que cette situationpuisse favorablement évoluer dansles prochaines années ?Vous avez raison. Cette absence de po-litique européenne de l’énergie est cer-tainement l’un des plus grands dés del’Union européenne. Soixante ans aprèsla création de la CECA (Communautéeuropéenne du Charbon et de l’Acier),l’énergie est l’un des principaux secteursde la relance politique et économiquecommune.Aujourd’hui, près de cent millions d’Euro-péens souffrent de précarité énergéti-que, alors que notre facture énergétiquecommune s’élève déjà à plus de 500 mil-liards d’euros chaque année. Entre 2008et 2009, l’Union européenne adoptait lepaquet climat-énergie. À quelques moisde la conférence climatique de Copenha-gue, il s’agissait pour elle de prendre leleadership mondial dans la lutte contrele réchauffement climatique. Mais de-puis, cette ambition a subi le feu nourrides lobbies conservateurs. Une nouvellefois, écologie et industrie compétitive

ont été faussement opposées. Le marchécarbone, tentative bancale de lier écolo-gie et système de marché, s’est écroulésous le coup des abus et du manque devolonté politique, et nalement, rienn’a été fait pour favoriser l’efcacitéénergétique.Alors oui, les dés sont immenses.L’unication des réseaux d’énergie, enEurope et autour de la Méditerranée,répond à un souci d’efcacité mais ausside solidarité. La position polonaise en

matière d’extraction de gaz de schistedoit nous interpeller. L’histoire de cepays le conduit à emprunter n’importequel chemin qui lui permette de se libé-rer de l’inuence russe. Si nous devonsabsolument combattre cette position decourte vue écologique et économique, ilest urgent de proposer une alternativesur la base d’une Europe des énergiesrenouvelables. Notre continent ne man-que pas de ressources. Ses responsablespolitiques manquent seulement d’imagi-nation et de courage politique. Les élec-tions européennes seront l’occasion pourles écologistes européens de le rappeler.

On assiste actuellement à un inéchis-sement de la position du présidentde la République sur des techniquesd’extraction alternatives à la fractura-tion hydraulique en France. Certainsministres du gouvernement, commeArnaud Montebourg, y sont ouver-

tement favorables. Dans le mêmetemps, le gouvernement allemand nes’oppose plus catégoriquement à l’ex-traction du gaz de schiste et devraitfaire adopter une loi au mois de sep-tembre 2013 qui visera à réglementerson extraction sans toutefois l’inter-dire. Dans ce contexte, pensez-vousque la France puisse résister long-temps aux sirènes des hydrocarburesde schiste ?François Hollande s’est engagé, lors

de la conférence environnementale deseptembre 2012, à ne pas permettrel’exploitation des gaz de schiste parfracturation. Je compte sur le fait qu’ilne revienne pas sur sa parole. Il s’agitpour les écologistes d’une ligne rouge.Un revirement remettrait purement etsimplement en cause notre accord demajorité. Je suis néanmoins conante et je suis convaincue qu’il tiendra sa parole,car comme tous les autres responsablespolitiques, il se souvient de l’exception-nelle mobilisation citoyenne qui avaitconduit à l’interdiction de la fracturationhydraulique en 2011. Cette mobilisationn’a pas eu lieu qu’en France. En Pologne,par exemple, les paysans de Zamosc ontmené une bataille exemplaire contre legéant américain Chevron et ses campa-gnes de prospection qui ont causé despremiers dégâts, des murs de maisonsssurés aux puits pollués. Alors queParis accueillera vraisemblablement le

sommet mondial pour le climat en 2015,la France doit poursuivre son investisse-ment dans les négociations climatiquesinternationales et renoncer à toute vel-léité d’ouvrir une nouvelle ère des éner-gies fossiles qui sonnerait certainementle glas de la lutte contre le changementclimatique. L’enjeu est trop importantpour que la France renonce à porter unealternative durable.

Propos recueillis par Téa Katukia

Cette absence de politique européennede l’énergie est certainement l’un des plus grands dés de l’Union européenne.

Photo ci-contre :

Le 14 septembre 2012, lorsdu discours d’ouverturede la Conférenceenvironnementale,le Président français,François Hollande, s’engageà ne pas permettrel’exploitation des gaz deschiste par fracturation.(© Présidence de laRépublique)

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