le rôle de la participation public dans le processus de fabrication des espaces publics. le cas de...
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Mémoire de master sur les nouvelles formes d'espaces urbains et la gouvernance des espaces publics. Le cas de Montréal. Septembre 2011TRANSCRIPT
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LE RLE DE LA CONCERTATION DANS LE PROCESSUS DE FABRICATION DES ESPACES
PUBLICS. LE CAS DE MONTRAL
INSTITUT DURBANISME DE GRENOBLE
Mmoire professionnel durbanisme
Prsent pour lobtention du diplme de Master Urbanisme, Habitat et Coopration Internationale
Prsent par : Maxime DORVILLE
Le 15 Septembre 2011
Dirig par : Prof. Dr. Marcus Zepf, et Dr. Charles Ambrosino
UNIVERSIT PIERRE MENDES FRANCE
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NOTICE ANALYTIQUE
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Lespace public est un lieu o trouver ce
que lon ne cherche pas
Joan Clos, ancien maire de Barcelone
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LE RLE DE LA CONCERTATION DANS LE PROCESSUS DE FABRICATION DES ESPACES
PUBLICS. LE CAS DE MONTRAL
INSTITUT DURBANISME DE GRENOBLE
Mmoire professionnel durbanisme
Prsent pour lobtention du diplme de Master Urbanisme, Habitat et Coopration Internationale
UNIVERSIT PIERRE MENDES FRANCE
Square des Frres-Charon, Montral
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REMERCIEMENTS
Parce que le chemin parcouru a t long et parsem de moments de joie, de bonheur,
dapprentissages varis et de remises en question, je tiens remercier :
Prof. Dr. Marcus Zepf, mon directeur de mmoireDr. Charles Ambrosino, mon co-directeur de mmoire,Dr. Emmanuel Matteudi, responsable du Master 2 UHCI,
pour leurs conseils et leur aide dans le choix de mon stage de fin dtude, ainsi que lors de
mon travail de recherche.
Je remercie galement lensemble des professeurs de lInstitut dUrbanisme de Grenoble pour
leur contribution ces deux annes dapprentissage trs enrichissantes.
Jai une pense toute particulire pour Magalie Laurencin, professeure lInstitut dUrbanisme
de Grenoble et amie de la famille, disparue en aot 2010. Elle fut pour moi dun grand soutien
lors de ma premire anne de Master.
Je souhaite remercier galement Sylvie Tremblay, chef dquipe la division scurit et
amnagement du rseau artriel, de la Ville de Montral ainsi que Yves Levesque, directeur
gnral de Vivre Saint-Michel en Sant , pour leur accueil durant mon stage de fin dtude,
leur confiance, et leur aide dans mes travaux de recherche.
Je remercie aussi mes parents et ma sur Claire, qui mont apport un rel soutien durant ces
deux annes de Master et les mois de rdaction de mon mmoire. Je voudrais enfin remercier
Mlle Prscilia Langevin, tudiante en Master UHCI et amie proche, pour son soutien et sa
bonne humeur depuis notre rencontre, et plus particulirement pendant ces derniers mois.
Encore une fois, merci vous tous...
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LISTE DES SIGLES
CEUM : Centre dcologie urbaine de Montral
OBNL : Organisme but non lucratif
OCPM : Office de consultation publique de Montral
PLU : Plan local durbanisme
PPU : Plan particulier durbanisme
QV : Quartier vert
RUI : Revitalisation urbaine intgre
SCOT : Schma de cohrence territorial
VSMS : Vivre Saint-Michel en Sant
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SOMMAIRE
INTRODUCTION 9 CHAPITRE 1 - lments thoriques des regards sur lespace public 13
1.1. La dimension matrielle 131.2. La dimension relationnelle 271.3. La dynamique 41
CHAPITRE 2 - La diversit des expriences de concertation dans le processus fabrication des espaces publics Montral 47
2.1. Lvolution de la notion despace public Montral, le partage de lespace urbain 472.2. Diffrentes expriences de concertation Montral 562.3. Le processus de RUI Saint-Michel 602.4. Les effets de la concertation et ses limites 70
CHAPITRE 3 - Projet damnagement despace public et de Quartier vert Montral. Ou comment la concertation joue un rle dterminant dans le processus de fabrication de ces deux projets 75
3.1. Un projet de quartier vert inscrit dans une dmarche concerte 753.2. La concertation publique du Vieux-Port de Montral : lment cl dans la requalification dun espace en friche en espace public 92
CONCLUSION 107
BIBLIOGRAPHIE 111TABLE DES MATIRES 118TABLE DES FIGURES 120ANNEXES 122
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[ 9 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
INTRODUCTION
Ce mmoire a pour objet dtudier le rle de la concertation dans la russite du processus
de conception et fabrication des espaces publics. Il sappuie sur des recherches menes
notamment au cours dun stage de fin dtude Montral.
La question des espaces publics (rues, places, parcs, halles publiques, etc.) et notamment
de leur gouvernance est un sujet rcurent lorsque lon parle durbanisme contemporain.
En effet, ces espaces tiennent une place de plus en plus importante dans les collectivits
urbaines en tant que rseau structurant. Autrefois ddis aux calches, chevaux et pitons,
ils sont aujourdhui le terrain de jeu des automobiles, cyclistes et pitons. Le partage de la
rue favorisant hier lautomobile, on tente aujourdhui de ramener celui-ci vers une chelle plus
humaine (plus de place aux transports actifs, convivialit des espaces pitons, etc.). Ainsi,
lespace public volue et se transforme avec nos pratiques et nos nouvelles faons de faire
la ville . Cependant, celui-ci a longtemps t une exclusivit des ingnieurs et architectes
qui voyaient avant tout dans ces espaces les aspects matriels, techniques et formels. Or, la
tendance depuis maintenant une dizaine dannes tend suggrer que les sciences sociales
(gographie, science politique, sociologie, etc.) contribuent, elles aussi la comprhension et
lexplication de cet aspect de la ralit urbaine. Les sciences sociales interprtent ainsi la
ralit urbaine partir des pratiques et des reprsentations des citadins.
La transformation de notre espace urbain nest donc pas seulement morphologique, elle
implique de nouvelles pratiques sociales et reprsentations que lon se fait de ce type despace.
Avec la dcentralisation des comptences en urbanisme dans de nombreux pays, lchelle de
production de lespace public a chang. Ce changement a donn suite une modification
des politiques urbaines au niveau local et par la mme, de nouvelles faons de concevoir
et de fabriquer ces espaces. Aujourdhui, le processus intgre, de manire croissante, la
concertation dun plus grand nombre dacteurs. Cette dmarche permet notamment aux
citoyens de participer llaboration du projet grce des rencontres plus accessibles entre
les diffrents acteurs. En effet, les populations souhaitent de plus en plus simpliquer dans
llaboration de leur milieu de vie. Et mme si la parole du citoyen nest pas experte au
sens professionnel du terme, elle est enrichissante car elle permet dapporter des informations
personnelles que les urbanistes nont pas. Dautre part, elle permet de lgitimer laction des
politiques. Mais la concertation est une notion floue, considre et employe trs diffremment
selon les acteurs qui lutilisent. Sa dfinition et ses degrs varient selon les pratiques.
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[ 10 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
Bien que les formes de la concertation aient volues avec le temps, celle-ci demeure
aujourdhui un enjeu fort de nos socits et mme un lment majeur dans le processus de
fabrication des espaces publics et dans la prise de dcision. La socit civile est de plus en
plus demandeuse de participation et rclame un partage du pouvoir surtout au niveau local.
Questionnements et problmatiques :
Il apparat ainsi lgitime de se poser les questions suivantes :
Quels sont les nouveaux enjeux de fabrications de lespace public ? Comment lamnagement
des espaces publics conduit un partage de lespace urbain plus quitable ? Pourquoi et
comment de nouveaux acteurs se veulent de plus en plus impliqus dans ce processus ?
Jusqu quel point lavis du citoyen peut il tre pris en compte ? De quels citoyens parle-t-
on et quelle est leur lgitimit ? Les habitants peuvent ils tre les nouveaux acteurs de la
fabrication de leur espace de vie ? Comment la technique du professionnel rencontre-t-elle
lexpertise vcue du citoyen ? Un projet concert est il obligatoirement une russite ? Comment
la concertation oriente-t-elle lacte damnager ?
Ces questionnements nous permettent dnoncer la problmatique suivante qui servira de cl
de lecture :
En quoi la concertation est elle un enjeu majeur dans la russite du processus de
fabrication des espaces publics ?
Hypothses :
Partant de ces questionnements et rflexions, plusieurs hypothses apparaissent :
Lespace public sintgre dans un phnomne urbain qui renvoie une dimension matrielle,
relationnelle et des liens sociaux, diffrents niveaux.
Le partage de la rue dans lespace public est le rsultat dune exprience concerte dont
lexpertise citoyenne en est lune des cls.
La concertation est un levier dans le processus de fabrication de lespace public, permettant
une meilleure acceptabilit et durabilit du projet.
La concertation prend aujourdhui diffrentes formes (information, consultation, participation) ;
elle est pour certains le moyen de rduire les contentieux et pour dautres la manire denrichir
le projet et daccder une meilleure adhsion.
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[ 11 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
Plan :
Pour rpondre ces questions et notre problmatique, notre tude dveloppera trois parties
complmentaires. Nous ferons le point dans un premier temps sur les lments thoriques
de lespace public, ses formes, ses enjeux et pratiques dans notre socit contemporaine.
Nous prsenterons le jeu dacteurs et la dynamique quimplique le processus de fabrication de
lespace public. Dans un second temps, nous montrerons les rouages de la concertation et son
intgration dans lvolution de la notion despace public Montral. Diffrentes expriences
de concertation globale et locale seront alors abordes. Nous prsenterons des lments
de contexte pour une meilleure comprhension de la concertation diffrents niveaux de
rfrence. Puis, nous voquerons de manire plus prcise le processus de Revitalisation
Urbaine Intgre (RUI) Saint-Michel. Nous analyserons brivement les caractristiques de
son territoire et de sa population pour mieux comprendre les modalits de mise en action
du processus et du rle de la RUI. Nous aborderons ensuite les effets et les limites de la
concertation. Enfin, dans un troisime temps, nous prsenterons deux tudes de cas de projets
despaces publics et de partage de la rue Montral pour illustrer le rle de la concertation
dans le processus de conception et de fabrication de ces projets.
Mthode :
Pour cette rflexion autour du thme de lespace public et de la concertation, nous avons
choisi de prsenter des tudes de cas effectues dans le cadre dun stage de 4 mois au sein
de lorganisme Vivre Saint Michel en Sant, porteur du programme RUI du quartier Saint
Michel et de la Ville de Montral au sein de la division scurit et amnagement du rseau
artriel. Lintrt de cette rflexion mane du fait que mme si la dmarche de concertation
et la volont dassocier de nouveaux acteurs au processus sont communes, les mthodes
employes nen restent pas moins diffrentes. A travers ces tudes de cas, nous souhaitons
montrer la plus-value de la concertation mais aussi ses limites. Cette rflexion est aussi base
sur la notion despace public et plus particulirement sur le partage de la rue dans un contexte
nord amricain. Les travaux et mthodes pratiques par la Ville de Montral nous ont t
prcieux dans nos recherches.
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[ 13 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
CHAPITRE 1
Le dernier colloque de la Fabrique de la cit qui sest tenu Barcelone en mai 2011 avait pour
thmatique Quelle place pour les espaces publics dans la ville de demain ? . Cet vnement
montre bien que les espaces publics sont au centre de nombreuses proccupations urbaines.
Doit-on considrer ceci comme un phnomne de mode ou comme la rsultante dun trop
grand mpris pour les espaces publics jusqualors, ncessitant aujourdhui une volution de
son processus de fabrication ? Nous noterons que les regards urbains ports sur la notion
d espace public au XXIme sicle ont bel et bien chang et ncessitent un travail diffrent
dans lapproche de son processus de fabrication. Nous aborderons ainsi la question de la
dimension matrielle, puis relationnelle pour dcouvrir la systmique et linterrelation entre
ces deux dimensions. Lobjectif nest pas ici de dresser un tableau exhaustif de la notion
despace public, mais de donner des lments thoriques pour bien comprendre la dynamique
contemporaine et par la suite, le rle de la concertation comme une composante majeure du
processus de fabrication de ces espaces.
1.1. La dimension matrielle
1.1.1. Les formes urbanistiques
Le terme d espace public renvoie diffrentes significations. Il est dailleurs utilis dans
diverses disciplines telles que : philosophie, sciences sociales et politiques, urbanisme et
architecture. En philosophie, Il peut sagir dun espace permettant aux citoyens de construire
une sorte dopinion publique citoyenne qui se distingue de lopinion publique de ltat
(Habermas, 1993). Kant voquera un espace dmergence de raison et de bon sens favoris
par la communication des personnes entres elles dans les rues, les places, les parcs, ou encore
dans les salons (Sennett cit par Zepf, 2004). En sciences sociales et politiques, lespace
public peut tre considr comme un dbat lintrieur dune collectivit, dune socit
ou entre lune et lautre (Habermas, 1978). Ainsi, les acteurs se rencontrent et changent
dans un milieu public. Pour Sennett et Joseph (1979, 1992), lespace public est matriel,
impliquant un espace concret, comme une place, une rue, etc. Il permet la rencontre de tout
les acteurs urbains et leur accs tous les lieux de la mtropole (Ibid.). Enfin, en urbanisme,
la notion despace public peut tre interprte de plusieurs manires : elle peut tre matrielle,
mesurable, caractrise par des formes urbaines reconnues telles que les rues, boulevards,
lments thoriques des regards sur lespace public
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[ 14 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
place, etc. et reprsentant de nombreux enjeux damnagements, de mobilit et de design.
Mais elle peut tre aussi relationnelle, cest dire en rapport avec les enjeux de sociabilit.
Lespace public dpend aussi des liens sociaux entre les usagers. En tant que prolongement
du logement (chez soi) qui permet de se rendre au travail, lcole, au square, au coin de
la rue, etc. (Trenda-Pittion, 2010), lespace public est un gnrateur de lien social (ou sens
ltre).
Sil existe donc plusieurs approches de lespace public, il en va de mme pour la forme urbaine.
En effet, on trouve aujourdhui une multitude de dfinitions suivant lchelle et la priode
laquelle on se place.
Pierre Merlin dfinit la forme urbaine dans le Dictionnaire de lurbanisme et de lamnagement
(2005) comme lensemble des lments du cadre urbain qui constituent un tout homogne .
Pour Kevin Lynch, auteur de Limage de la cit , la forme urbaine est une partie du
territoire urbain identifi globalement correspondant une zone homogne du point de vue
morphologique. Il peut prsenter une ou plusieurs limites nettes ou se terminer par des franges
diffuses [...]. Il peut, au plan de la pratique urbaine, recouvrir la notion de quartier ou proposer
un dcoupage totalement diffrent .
La forme urbaine est donc un tout, reprsente dans un espace, ayant des caractristiques
morphologiques urbaines particulires. Cest ce concept qui permet dharmoniser le tissu
urbain. Cette forme urbaine se doit dtre la plus cohrente possible avec son environnement
urbain pour une meilleure intgration dans le paysage, en terme desthtisme, dune part, mais
aussi de fonction de lespace. Ainsi, ltude du dveloppement urbain, travers les formes
urbaines, construisent ensemble un savoir pouvant guider les dcisions en amnagement.
Cette connaissance soutient la pratique quotidienne du dveloppement urbain mais plus
encore, contribue dfinir les paramtres de lexercice de planification. Hier, comme aujourdhui
et demain, celle ci nous dmontre que ce sont les diffrentes oprations damnagements qui
faonnent nos villes. Elles se ralisent donc autant dans lespace que dans le temps.
Dun point de vue plus technique, la forme urbaine de lespace public peut tre dfinie par
le rseau de rues, de ruelles, boulevards, places, autoroutes, parking, etc. qui constitue un
rseau neuronale de lurbain. Ce rseau se rpand dans la ville et alimente les quartiers, et
quipements dont larchitecture simpose avec force lespace public (Bassand, 2001). Ce
rseau despaces publics comprend aussi les espaces verts, clairsems entre les rues et les
btiments. Ces rues, parcs, places, constituent alors lessentiel des espaces publics dune
agglomration urbaine. Le rseau des espaces publics ainsi conu est lpine dorsale de
lurbain et de la mtropolisation. Cest grce ce rseau que lurbain et la mtropolisation
peuvent tre conceptualiss en terme de flux et despace (Castells, 1998). Cependant,
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[ 15 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
la forme de ce rseau requiert une certaine cohrence et une comprhension de lespace
dans lequel il sinscrit. Mme si elles sont parfois implicites, un certain nombre de rgles
urbanistiques viennent rgir la nature fonctionnelle et esthtique de lespace en question.
Elles sont le plus souvent issues du contexte urbain et social du lieu. On parle alors de forme
urbaine cohrente. Une forme urbaine cohrente au sein dune mtropole permet une meilleure
lisibilit et lecture des espaces, et donc permet de se reprer et de se dplacer plus aisment.
On se souvient de la thorie de K. Lynch (1969) sur les cartes mentales. Cette thorie rend
compte de la lisibilit de lespace urbain en fonction de cinq lments : les nuds, les voies,
les limites, les quartiers et les points de repres. Notre exprience dans diverses villes nord
amricaines a prouv la pertinence de ces lments dans le paysage urbain, comme par
exemple lEmpire State Building New York, point de repre particulier dans la ville, ou encore
les diverses identits culturelles de quartiers telle que China Town ou Little Italie. En effet, une
reprsentation mentale de points de repres, de rues, dune ambiance urbaine particulire, etc.
rend beaucoup plus simple le dplacement dans la ville. Ainsi, ces lments nous permettent
de rendre compte de lespace urbain qui nous entoure. Les voies et les nuds correspondent
aux rues, routes, et aux places publiques. Les limites sont reprsentes par les faades des
btiments bordant lespace public, elles participent aussi trs largement lambiance de
lenvironnement. Les quartiers constituent les contextes des espaces publics qui les traversent
et les points de repres sont des lments facilement identifiables dans le paysage urbain
(btiments larchitecture particulires, statues, vgtation, etc.) (Bassand, 2001).
Dun point de vue esthtique, larchitecture, (faades, formes, etc.) joue un rle important car
elle peut susciter chez les usagers une certaine motion. En cela, les btiments environnant,
de par leurs activits ou bien leur forme architecturale vont leur tour influencer la forme de
lespace public. Les btiments privs vocation publique, laissant libre accs des jardins,
cafs, restaurants, commerces et divers services en sont un bon exemple. La limite entre
espace public et espace priv est alors trs mince et plus difficile concevoir. Cependant, de
part leur rle et leur influence, on peut considrer ces btiments en bordure direct du rseau
de rues et de places, comme faisant partie de lespace public urbain (Bassand, 2001). La rue
reprsentera dans notre analyse le symbole de lespace public. Les rues ont une identit trs
forte, et marquent profondment lespace publique de part leur partage et leur organisation.
Souvent, la rue porte lidentit de sa ville, et contribue aussi crer et renforcer cette identit
(Broadway, Champ Elise, La Rambla, etc.). Lidentit de lespace public fait dailleurs partie
des enjeux majeurs que celui-ci soulve et que nous allons aborder ici.
1.1.2. Les enjeux
L espace publique est une notion large, regroupant plusieurs disciplines et trs souvent
difficile qualifier. Espace de socialisation pour certains, espaces matriels destin simplement
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[ 16 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
combler les vides de la ville par des amnagements urbains pour dautres, nous voyons
quil est difficile de donner une dfinition exhaustive de la notion despace public. Cependant,
il existe un certain nombre denjeux cls que soulve la conception des espaces publics
daujourdhui, et de demain. Voici cinq enjeux qui nous paraissent pertinents dans le contexte
de cette tude :
- la mobilit qui apparat comme un enjeu majeur dans notre socit contemporaine et
particulirement pour les annes venir ;
- les usages, multiples, qui contribuent fortement la vie de lespace public ;
- la sociabilit, qui renforce le caractre public du lieu ;
- lidentit et lambiance, qui renvoient limage de lespace (esthtisme, forme), et qui influencent
aussi le comportement des usagers et leur perception de lespace.
1.1.2.1. La mobilit
Les espaces publics ont tout dabord t crs pour le dplacement des personnes et des
animaux. Jadis, le partage de la rue ntait pas encore cloisonn. Puis, avec larrive des
charrettes et chevaux, la rue a chang pour une mobilit plus rapide. Des trottoirs en bois ont
t installs pour protger les pitons de la boue et les salissures laisses par les voitures
cheval. Plus tard, la voiture a pris sa place dans la rue. Ds lors, lespace public a t faonn
en fonction de la mobilit et surtout de la vlocit croissante des modes de dplacements.
A lheure du tout voiture et du toujours plus vite , la mobilit des personnes au sein
de la mtropole apparat comme lun des enjeux majeur de lespace public du XXIme sicle.
Selon A. Compagnon (2001), cest mme lune des caractristiques les plus importantes du
citadin contemporain. Sa participation sociale et spatiale dpend de la structure mtropolitaine.
Comment se dplace t-on ? , Quelle mobilit et pour qui ? sont des questions rcurrentes
aujourdhui. En Amrique du Nord et plus particulirement Montral, les nouvelles politiques
urbaines depuis les annes 2000 se dirigent trs nettement vers une rduction de lutilisation de
la voiture au profit des dplacements actifs (marche et vlo) et collectifs. Cela est ralis par la
mise en place de politiques publiques, damnagements urbains dissuasifs pour lautomobile,
conviviaux pour les pitons, et efficace dans la gestion des transports en commun. Ainsi nous
remarquons que pratiquement tous ces modes de transports dpendent de lespace public.
Cest lui qui a pour enjeu fondamental dassurer notre mobilit. Il apparat aussi que toute
solution unidirectionnelle ne peut pas tre viable. La mobilit doit rpondre des critres
de multimodalit permettant lurbain de fonctionner correctement travers le mlange de
diffrents modes de transports propres chaque agglomration ou mtropole. Les vitesses
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[ 17 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
de dplacements variables entre les usagers permettent une grande mixit des usages et
des flux, condition ncessaire pour une mobilit optimale dans le rseau. Y. Chalas (2000)
parle mme de ville-mobile , pour dmontrer quel point la mobilit est, de nos jours,
la base mme du rapport social et spatial : Parlez de ville-mobile, cest dabord parler de
la mobilit qui est devenue dans nos socit la modalit premire de la vie collective et du
rapport au monde . Enfin, il est important de noter que les transports collectifs peuvent aussi
tre associs aux espaces publics, lieux de sociabilit incontestables.
1.1.2.2. Les usages
Lespace public est galement un lieu o sexercent les fonctionnalits de la ville, circulation,
dplacements, vocation du secteur (ex : Central Business District) et o se dveloppent
dinnombrables pratiques de la vie urbaine : commerce, services, dtente, loisir, rencontres,
etc... Les usages que lon fait de lespace public sont inscrits certes dans lespace mais aussi
dans le temps. Ainsi on retrouve certains usages rguliers, lis la vocation des btiments
(commerces, gares, banques, etc.), qui impliquent des cycles et entranent des dynamiques
trs spcifiques aux espaces publics connexes (Bassand, 2001). Dautres usages sont plus
phmres et produisent des dynamiques trs diffrentes. Ces usages apparaissent au gr
des saisons ou au cours dvnements culturels ponctuels. M. Zepf (1999), nous parle alors
dvnements commerciaux, festifs, civils, qui ont une dure limite dans le temps.
On pourra donner lexemple des cafs et restaurants qui, durant la priode estivale, installent
leurs terrasses et dbordent sur lespace public. Pour autre exemple, la rue Sainte-Catherine
Montral, qui devient entirement pitonne durant lt et laisse place de multiples activits
de loisirs, manifestations culturelles, et terrasses sur la chausse. Cela est parfaitement
reprsentatif de ce type dusage phmre. Cette animation commerciale se double le plus
souvent de manifestations culturelles qui stendent dans le rseau despaces publics. On
peut donner lexemple du festival de Jazz Montral, o plusieurs places publiques et rues
sont ddies cet vnement et totalement ouvertes au public, lvnement se propage alors
dans le rseau despace public. Les usages temporaires de lespace public ne sarrtent pas
l, il en existe une multitude.
Retenons simplement que les deux types dusages, rgulier et temporaire, produisent une
dynamique urbaine diffrente sur lespace public concern. La dynamique urbaine dpend de
lusage qui est fait de lespace, et est aussi influence par la forme, la sociabilit, lidentit,
lambiance, la mobilit, cest dire les composantes qui forment lespace public. Lespace
public nest donc pas seulement un lieu technique proprement dit, cest dabord et avant
tout un lieu social et culturel. Cest un espace de vcu, de sens, de matire, de temps, dusages
et de formes, synonyme despace vcu et partag des citoyens.
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[ 18 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
1.1.2.3. La sociabilit
La mobilit et les usages dont nous avons parl impliquent une sociabilit intense (Bassand,
2001), cest dire que la notion de mouvement dans lespace couple celle de lactivit
produit des relations sociales et des dynamiques de groupe fluides et spontanes. La sociabilit
telle que nous lentendons ici, est reprsente par les notions de groupe, de communauts,
de socits, de leurs potentiels de cohsion et de lien, et aussi de leur aptitude vivre
ensemble . Cette faon de vivre ensemble sera probablement influence par les catgories
socio-conomiques des groupes, et aussi par les lieux o ils socialiseront (places publiques,
parcs, rues,). Cette sociabilit peut prendre plusieurs formes. Dans une place publique par
exemple, considre comme un espace de dtente, de rencontre, il se dgage une vision de
ctoiement sans heurt des gens, pour le seul plaisir du rassemblement, et o le regard joue
un rle majeur. Larchitecte J. Gehl, a montr quel point les usagers des lieux publics sont
attirs par la prsence des autres, ainsi que limportance du spectacle de la place. Le regard,
le frlement, une demande de renseignements, une excuse, un clin dil, autant de petits
comportements qui peuvent dboucher sur une discussion, une rencontre, qui durera peut
tre. Ce jeu est temporaire et important au sein de lespace public car, pour reprendre les
termes que G. Simmel (1950) emploie pour dcrire la sociabilit, il permet, dune part, de
vivre les situations de la vie sans les drames de la vie et, dautre part, de vivre lassociation
avec les autres pour le seul plaisir de cette association . Bien sr, il ne faut pas voir ces
diffrentes formes de socialisation individuellement, mais les imaginer dans un plus grand
ensemble synonyme de lien social intense travers lespace public. Lenvie de voir du
monde, de participer aux activits sociales de sa ville, de son quartier, en frquentant les lieux
communs, ne serait-ce que pour se promener, aller au supermarch, draguer filles et garons,
etc., pourvu quil y ait une interaction, contribuent aussi la vie de lespace public. Le monde
attire le monde, les gens se rendent l o il y a dautres gens, et ce phnomne urbain et social
toujours exist.
Cette sociabilit peut paratre lgre et futile mais, elle constitue en fait un tissu pais partir
duquel se construisent la solidarit, la participation sociopolitique des citoyens et la cohsion
dune socit et cest en cela que les espaces publics ont une importance considrable
(Bassand, Compagnon, Joye, Stein, 2001). Nous pouvons contraster ce constat par dautres
composantes qui servent le lien social tel que lge, la catgorie sociale des individus, lethnie,
etc., qui sont autant de facteurs qui peuvent influencer la cration de sociabilit. Dautre part,
le sentiment de scurit ou dinscurit est un facteur important et influent dans le phnomne
de sociabilit. Ainsi, la teneur du lieu public et sa situation gographique dans la mtropole
peuvent modifier laccs au lien social. Linscurit peut donc reprsenter un obstacle la
sociabilit car les gens ne se risqueront pas dans un espace o ils se sentent en danger, qui
plus est, ils nauront pas cette envie daller vers autrui.
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[ 19 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
Comme la mobilit et les usages, la sociabilit des espaces urbains apparat comme un enjeu
trs important dans sa conception.
1.1.2.4. Lidentit
Lorsque lon parle didentit dun lieu, le terme identit est assimilable celui quon attribue
une personne. On parle didentit dune personne en rfrence limage que lon se construit
par rapport autrui. Dans la mesure du possible, on souhaite dailleurs que cette image que
lon renvoie soit la plus positive possible. Il en va de mme pour les espaces publics. Cette
image rsulte en grande partie de la forme urbaine et architecturale qui leurs sont attribues.
Les enjeux voqus ci dessus, mobilit, usages, sociabilit sont aussi des composantes
majeures qui forgent lidentit dun lieu. De plus en plus, les maires et les techniciens des
services durbanisme expriment quils souhaitent une image de marque pour leurs espaces
publics. Pourquoi un tel engouement pour cette image ? Car celle-ci est devenue un atout
marketing. Limage dune ville reflte par ses espaces publics est un atout pour le tourisme,
par exemple. Avec la comptitivit croissante des villes entre elles, une image de marque, une
identit forte ne peut que constituer un plus. Illustrons nos propos par lexemple des villes nord
amricaines qui ont une identit urbaine trs forte.
A New York, lenjeu de lidentit de quartier travers les espaces publics est plus que
remarquable. Chaque quartier possde sa propre identit : China Town, Soho, Little Italie,
Greenwish Village, etc... Autant de formes urbaines diffrentes mais propres chacun et qui
sont le fondement de leur identit. Dautant plus que les habitants sidentifient cette image et
usent de celle-ci pour se construire leur propre identit (Bassand, 2001). Limage que transmet
un espace public aux usagers peut tre trs forte.
Lexemple de Lyon qui a fait, ces dernires annes, de nombreux effort en matire
damnagement des espaces publics (Berges du Rhne, Lyon Confluence, Rives de la Soane)
illustre quel point limage dun lieu, dune ville, peut tre puissante dans les reprsentations
des gens. De plus, si les gens partagent une identit commune, de fait la cohsion de la
communaut sera plus grande et participera ncessairement au bon fonctionnement du
quartier ou de la ville (Bassand, 2001).
1.1.2.5. Lambiance
Lambiance dun lieu, dune place, dune rue, dun quartier ou encore dune ville est la
rsultante des lments que nous venons de dvelopper. Mais en quoi lambiance dun lieu
reprsente t-elle un enjeu ? Aprs tout, lambiance est une cration humaine et ne dpend pas
ncessairement de la forme urbaine, bien que celle-ci y contribue. Lambiance est cependant
directement lie lactivit, lusage et la dimension relationnelle du site. Il apparat ainsi que
lambiance agrable, conviviale, anime dun espace public est une condition indispensable
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[ 20 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
son succs. Les ambiances sont le fruit de deux dimensions : les temporalits dune part
et le sensoriel dautre part (Bassand, Compagnon, 2001). Cest un peu lquivalent du travail
danalyse sensible que lon peut faire dun lieu, o lon observe, lon sent, lon capte suivant les
heures de la journe et du soir un certain nombre dimages, dodeurs, de sensations, etc. (Ex :
Analyse sensible Fontaine 2040, promotion M1 UHCI 2010).
La temporalit est un lment essentiel de lambiance. En effet, une place publique, une rue
nauront pas le mme effet, le jour ou la nuit, en semaine, ou le week-end, ou encore selon les
saisons. Lactivit urbaine, le flux de vhicules, de touristes, seront dtermins dans le temps,
par les temporalits de la ville (matin, soir, nuit, hiver, t, etc.). Il en est de mme pour les
animations sociales gnres par des flux de groupes sociaux disperss dans le temps mais
la base de lanimation des espaces publics. Celles-ci contribuent alors trs largement la
cration dune ambiance particulire en fonction des caractristiques sociales, ethniques, et
religieuses de la population locale (Bassand, Joye, 2001).
Dautre part, nos sens olfactifs, visuels, tactiles et sonores sont de puissants indicateurs qui
nous permettent daccder aux ambiances. Ainsi, les temporalits combines au sensoriel
font les ambiances que nos sens nous permettent de capter. Le visuel nous permettra de voir
les formes architecturales, la perspective, les ouvertures, les matriaux, le mobilier urbain,
la luminosit, les espaces verts, la pollution visuelle, etc. Le sonore permettra dassocier ces
images aux bruits ambiants (trafic, animations). Le bruit peut tre trs vite considr comme
agressif dans certains espaces bords dun trafic intense. Ainsi, un espace avec beaucoup
de bruits ambiants serra facilement dlaiss au profit dun espace plus calme. Les odeurs
sont elles aussi trs reprsentatives de lambiance dun espace et dpendent de lactivit du
quartier, de la prsence ou non de vgtaux, du systme dvacuation des eaux, du trafic,
etc. Ltre humain tant trs sensible aux odeurs, celles-ci peuvent tre un avantage ou un
dsavantage pour les espaces publics. Enfin le tactile agit lui aussi sur lambiance. Ainsi, du
vent, de la pluie, du chaud, du froid pourront tre dterminants dans le ressenti des usagers
et provoquer, ou non, un sentiment de bien tre. Ces quatre lments sont donc primordiaux
pour notre valuation dun espace public, mais ils ne font pas tout puisque les temporalits ont
une influence particulire sur nos sens et notre perception de lespace.
Nous venons de prsenter un certain nombre denjeux qui nous ont parus intressants de
dvelopper dans le cas de notre tude car ils permettent de mieux comprendre les composantes
essentielles qui constituent lespace public. Nous allons maintenant explorer de nouveaux
regards urbains sur lespace public et la manire de laborder, notamment au travers des
travaux de larchitecte danois J. Gehl, qui souhaite avant tout mettre le piton au centre du
processus de fabrication des espaces publics.
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[ 21 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
1.1.3. Vers de nouveaux regards sur les espaces urbains
Les faons daborder les espaces publics dans leur mode de conception et processus de
fabrication sont multiples. Elles ont beaucoup volu en fonction de lpoque, dune part, et
des personnes qui en ont la charge dautre part. Les ingnieurs, les urbanistes, les architectes,
les architectes de paysages, nont pas tous reu le mme enseignement et nont pas tous la
mme vision de lespace. Dornavant, au XXIme sicle, la vie publique dans les villes ne
peut plus tre tenue pour acquise. En effet, la plupart des villes daujourdhui montre un dclin
de densit, un phnomne dtalement urbain et des dplacements journaliers de plus en plus
levs bien quil existe encore des gens qui utilisent les espaces publics urbains dans leur vie
quotidienne (Gehl, 2009). Avec le nombre croissant de voitures, il nest pas rare de voir de
nombreux espaces publics perdre leur fonction dorigine (place de march, place de rencontre).
Les villes ont ainsi perdu de nombreux espaces de valeurs avant de se rendre compte que
la vie publique les avait dserts. Si les villes daujourdhui et de demain souhaitent avoir
des rues animes et un domaine public vivant, elles doivent fondamentalement fournir des
espaces publics. En effet, la plupart des citadins daujourdhui ont un large choix dans la faon
doccuper leur temps, et ils iront passer ce temps dans les espaces publics si ceux-ci sont
de qualit, conviviaux et daccessibilit facile et pratique (Gehl, 2009). Pour bien comprendre
le changement de paradigme concernant les espaces publics, lillustration suivante (Fig. 1)
nous montre lvolution de la vie publique dans lurbain mais surtout la relation entre
les activits publiques ncessaires des annes 1900 et les activits publiques de rcration
apparues dans les anne 1970, qui ont pris de plus en plus dimportance. Notons lapparition
de la voiture au milieu des annes 1950 et la tendance internationale actuelle fournir de
lespace pour les activits de rcration de la vie publique . Nous demandons de plus en
plus despaces publics pour nos activits urbaines mais la place de la voiture reste toujours
la mme. Il est donc indispensable de changer notre faon de penser les espaces publics et
dinsrer le piton de manire plus centrale au sein de cette rflexion.
Figure 1. Lvolution et le changement de caractre de lespace publicSource : Gehl architects, 2009, Public Space and Public Life, Perth 2009
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[ 22 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
Se pourrait-il alors que la problmatique des espaces publics vienne de son chelle de
conception ? Aujourdhui, les proccupations se tournent de plus en plus vers la ville dite
durable , lcologie en milieu urbain. Avons nous pens en premier lieu aux personnes qui
vivent la ville, cest dire une planification lchelle humaine ? Si lon regarde aujourdhui
lducation reu par les professionnels de lurbain, quen ressort-il ? Ils sont plus focaliss sur
lamlioration du trafic automobile, le projet urbain, lconomie et rcemment lcologie. Mais
o sont passes les connaissances concernant ce qui est bon pour nous homo sapiens... ?
Lchelle de travail est encore aujourdhui trop grande et les professionnels mandats se
concentrent sur dautres choses que les problmatiques lies lchelle humaine, nous dit
Gehl, architecte urbaniste danois de renomme internationale. Il est aujourdhui considr
comme tant linitiateur dune idologie plaant le piton au centre des amnagements
despaces publics urbains. Dans llaboration des sites publics, Gehl rappelle la corrlation
accentue entre la vocation dun site et son utilisation. Pour lui, lamnagement et les relations
(ou labsence dinterrelation) entre les constructions dterminent lutilisation dun site. Lampleur
et le type dactivits extrieures sont alors grandement influencs par leur environnement
physique. Donc, plus lenvironnement permet des interactions entre individus, plus les individus
y sont attirs et utilisent le lieu. Gehl pose en effet les questions de lamnagement urbain sous
un angle diffrent. Quel type damnagement avons-nous besoin dans cette zone pour et
quel type de vie ? O devraient tre implants les btiments ? Comment devraient-ils tre
organiss pour renforcer la vie du quartier ? . La vision de Gehl en matire despace public
est trs novatrice. En effet, les solutions quil propose priorisent dabord et avant tout le piton,
lusager. Ainsi, la qualit de vie, la sant, la scurit et lintgration dans lenvironnement pour
tous sont, selon lui, les cls dun espace public viable et durable (cf. Fig. 2). Gehl et son quipe
ont prioris les questions suivantes. Tout dabord, quelle vie, puis quel espace, et ensuite
seulement, quels btiments ? Gehl est lorigine de nouvelles thories qui ncessitent de
changer notre regard sur lespace public.
Figure 2. Vision urbaine de Gehl et de son quipeSource : Gehl architects
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[ 23 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
Nous sommes obligs dadmettre que de nouveaux besoins mergent. En effet, conformment
aux changements de style de vie et de lvolution de la demande des usagers, le nouveau
challenge des espaces publics du XXIme sicle est dtre plus attractif. Gehl a dvelopp
douze critres de qualit de lespace piton, que nous avons dailleurs utiliss plusieurs
reprises dans nos travaux, la Ville de Montral (cf. Fig. 3).
Ces douze critres se subdivisent en trois parties : la protection, le confort et le plaisir.
Figure 3. Les douze critres de GehlSource : Gehl architects, 2011
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[ 24 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
Ces douze critres, non seulement nous aident concevoir les espaces publics diffremment
mais surtout ils permettent lurbain dtre vivant et attractif pour les citadins. Citons par
exemple le projet despace public incluant pistes cyclables et aires pitonnes sur Broadway,
de la 53me rue jusqu Washington Square, et le projet Green light for Midtown sur Times
Square New York. Ces espaces publics nont pas t crs, ils ont t modifis par la
rduction de lespace allou la voiture. Cest ainsi que deux des plus emblmatiques rues de
New York ont vu leur morphologie changer au profit de lactivit urbaine de rcration (espace
de dtente, espace allou au piton plus large, pistes cyclables protges..) (cf. Photos 1,
2, 3, 4). Dambuler sur Times Square, haut lieu dun trafic automobile intense il y a encore
quelques annes, devient alors une exprience beaucoup agrable et sensible pour le piton.
Mon exprience personnelle sur ce lieu confirme ce point de vue.
Photo 1. Broadway avant amnagementsSource : New York City Department of Transportation, 2011
Photo 2. Broadway aprs amnagementsSource : New York City Department of Transportation, 2011
Photo 3. Times square avant amnagementsSource : New York City Department of Transportation, 2011
Photo 4. Projet Green light for Midtown , Times Square Source : New York City Department of Transportation, 2011
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[ 25 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
Cynthia Nikitin, vice-prsidente de lorganisation but non lucratif (OBNL) appele Projects
for Public Spaces base New York, nous dit dailleurs que les mtropoles daujourdhui et
de demain se dfinissent par la qualit de leur espaces publics. En effet, lidentit dune ville
se construit autour des espaces publics. Cest pourquoi, certaines grandes villes amricaines
se rinventent constamment autour de la qualit de leur espaces publics (Nikitin, 2011).
Comme le thoricien Gehl le suggre, certaines villes du monde renouvellent leur centre ville
par des espaces publics de qualit. Elles identifient dabord les besoins, imaginent les espaces
publics et ensuite construisent les btiments autour. La brique de base de la ville devient donc
lespace public (Nikitin, 2011).
Mais ce thoricien de lurbanisme nest pas le seul chercher de nouvelles faons de penser
lespace. En rponse linefficacit et lingalit, labsence de vitalit du domaine public
et la domination de la voiture, un nombre grandissant de professionnels et de chercheurs
misent aujourdhui sur des principes damnagements qui sinspirent dune part de modles
plus anciens de dveloppement urbain, et dautre part de nouvelles connaissances en matire
denvironnement et de sant. De nouvelles coles de penses ont ainsi vu le jour dans les dix
dernires annes telles que le new urbanism et le smart growth en Amrique du Nord,
le dveloppement durable des espaces publics au niveau mondial, et les villes et villages
en sant comme au Qubec par exemple.
Le new urbanism se veut avant tout une rponse aux problmes de la banlieue nord-
amricaine typique. En terme de design urbain et damnagement, le new urbanism
sinscrit dans un mouvement plus gnral de rejet de lurbanisme moderniste et dun retour
aux formes traditionnelles (Fischler, 2003). Les nouveaux urbanistes , voient alors
plutt lamnagement comme un art, cest dire la cration de milieux urbains forte
identit, la conception despaces publics conviviaux et attrayants , et lintgration de tout
nouveau dveloppement dans son contexte historique et naturel. Le type denvironnement
bti, les identits distinctes deviennent plus importants quun encadrement urbanistique
par la catgorisation des usages. Le new urbanism traites avant tout de la volumtrie des
btiments et de lorganisation des espaces publics au sein du quartier (Fischler, 2003).
Laspect fonctionnel est alors mis en avant au dtriment de la dimension psychologique et
sociale de la ville.
Le dveloppement durable des villes, des btiments, des espaces est aujourdhui sur toutes les
lvres des professionnels de lurbain. Mais attention, le dveloppement durable ne doit pas se
cantonner au label LEED, ou autres de nos btiments. Cest la ville qui doit tre oriente vers
laspect durable du dveloppement. Inviter les gens marcher ou prendre le vlo permettra
dobtenir une ville bien plus vivante, conviviale, scuritaire et durable. Il est cependant vrai que
cette notion est un peu fourre-tout , et quelle ne signifie pas la mme chose pour tout le
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[ 26 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
monde. En politique notamment, droite de lchiquier politique, le terme developpement
est celui qui reoit dailleurs le plus dattention ; gauche, cest sur ladjectif durable quon met
laccent (Fischler, 2003). Cette dualit se retrouve de fait dans le fameux rapport Brundtland de
1987 avec la dfinition classique du dveloppement durable. Une forme de dveloppement
est durable, dune part, si elle permet de subvenir aux besoins de la gnration prsente sans
remettre en question la capacit des gnrations futures satisfaire leurs propres besoins
et, dautre part, si elle favorise une distribution des richesses qui assure la stabilit sociale et
politique de la socit (Brundtland, 1987). Mais en urbanisme, on se focalise la plupart du
temps sur la premire partie de la dfinition. Celle qui correspond lapproche verte, cest
dire principalement conomiser nos ressources, et rduire les effets nfastes des gaz effet
de serres et des lots de chaleurs urbaines. Cependant lapproche de dveloppement durable
repose galement sur des initiatives communautaires et publiques en matire de dmocratie
participative et de mise en place de systmes dindicateurs de qualit de vie (Fischler, 2003).
Enfin, les villes et village en sant sont un autre exemple dun nouveau mode de pense
et de concevoir nos espaces publics. Cette approche est beaucoup plus communautaire et
concerne la qualit de vie dune communaut. Cette approche peut aboutir des interventions
sur lespace urbain (pistes cyclables, amlioration de la scurit des espaces publics,
embellissements, etc.). La mise en place de ces interventions se fait toujours sur une base
participative et de concertation runissant un maximum dacteurs locaux issus du public, du
priv et du monde communautaire. Ainsi via une structure communautaire porteuse dun
programme de la ville, la communaut peut dfinir en ses propres termes ce quelle souhaite
pour son milieu vie, tablir les priorits dactions et les mettre en uvre (ex : Vivre Saint
Michel en Sant Montral dont nous reparlerons plus tard).
Nous venons daborder ici un panel de nouveaux regards ports sur lespace public mais aussi
de nouvelles faons de le concevoir. Ceci nous permet de se rendre compte de lvolution des
pratiques lies au domaine public et de la ncessit de repositionner lhomme dans lespace
public. Comme nous lavons soulign avec les travaux de Gehl, les caractres relationnels et
interrelationnels entre les amnagements, les activits et les gens sont fondamentaux dans
la comprhension et la conception des espaces publics daujourdhui et de demain. Voyons
maintenant quelle est limportance de la dimension relationnelle.
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[ 27 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
1.2. La dimension relationnelle
1.2.1. Gouvernance et dmocratie participative
Selon Patrick Le Gals, chercheur en sciences politiques, la gouvernance est un phnomne
de bricolage de laction publique dimportance, de mcanismes de coordination et de contrle
et un brouillage entre le domaine public et le domaine priv (Le Gals cit par Zepf, 2011).
Elle voque donc des mcanismes dchange et de pouvoir entre diffrents groupes dacteurs
sur la manire de diriger laction publique. Cette notion de gouvernance est devenue, depuis
quelques annes, une notion la mode dans llaboration de projets urbains. En effet,
depuis le dbut des annes 1990, les experts constatent un changement de paradigme
important par rapport aux modes de gouverner lurbain : Du gouvernement des villes la
gouvernance urbaine (Le Gals, 1995 cit par Zepf, 2004). Cette volution vient dune part,
dun intrt croissant des diffrents groupes sociaux trouver leur place au sein de lurbain et
dautre part, dun certain nombre de changements lgislatifs. En France par exemple, avant la
loi de dcentralisation de 1982, laction publique tait mene partir de certitudes centrales,
sans tenir compte des ralits locales. Dautres volutions lgislatives comme par exemple
la loi Bouchardeau (1983), la loi relative la dfinition et la mise en uvre des principes
damnagement (1985), la loi Solidarit et Renouvellement Urbain (2000) ainsi que la loi
Habitat et Urbanisme (2002) ont permis dintensifier linformation publique et de renforcer les
principes de concertation.
Or, cette notion de gouvernance urbaine nest pas singulire la France, elle apparat
aujourdhui trs largement en Europe et en Amrique du nord. Le principe reste cependant
le mme : instaurer une logique bottom-up , o un plus grand nombre dacteurs ont accs
au projet et ont la possibilit de participer ensemble son laboration et ne plus se cantonner
une logique top-down , o laspect dcisionnel vient de ltat et o le nombre dacteurs
est donc limit. Il ne sagit pas de substituer le bottom-up au top-down dhier. Laction
publique ne souhaite pas opter pour lun ou lautre mais tenir les deux bouts la fois, cultiver
la double dynamique. Il sagit de sensibiliser les usagers aux proccupations politiques et
techniques dune part, et de rendre compte des attentes et interrogations des citoyens aux
structures politiques et techniques, dautre part (Chalas, 2004). Lune des avances les
plus fortes contenue dans la notion de gouvernance, a trait lhypothse que les villes sont
gouvernables dans le cadre de coalitions dacteurs, dinstitutions aux statuts divers mais qui
changent leurs ressources et leur lgitimit pour produire des politiques publiques (Jouve,
2004). La gouvernance urbaine est alors explicite lorsque quun systme de gouvernement
articule et associe des institutions publiques, des acteurs sociaux et des organisations
prives, dans llaboration et la mise en uvre de choix collectifs, capables de provoquer une
adhsion et une participation de la part des citadins (Ascher, 1995). Nous admettons donc un
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[ 28 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
changement de paradigme dans la manire de concevoir et de gouverner les espaces publics
urbains daujourdhui. La gouvernance urbaine telle que nous la comprenons nimplique
plus seulement le fonctionnement des institutions et des organisations en charge de la ville
(collectivits locales, administrations dtat, etc.) mais aussi la participation dun plus grand
nombre dacteurs et la mise en place de partenariats permettant au projet urbain dtre plus
en phase avec les ralits locales. On passe alors dune gouvernance reprsentative une
gouvernance participative. La notion de participation collective au projet et aux politiques
publiques merge donc de cette nouvelle forme de gouvernance. La participation politique
est dailleurs centrale dans un contexte de gouvernance. Lapproche des espaces publics en
tant que lieux de dbats politiques se trouve actuellement confronte la question redondante
de la participation citoyenne dans la gestion de la vie locale. Elle pose alors les questions
de lintgration des usagers dans la planification, de la faon dont on souhaite mobiliser les
acteurs, et quelle lgitimit induit ce processus.
Nous avons vu que la gouvernance est fortement associe la notion de partenariat et de
participation. Comme voqu prcdemment, lapparition de plusieurs lois, et particulirement
celle du 2 mars 1982 (dcentralisation), ont permis de dvelopper et dofficialiser la participation
de nouveaux acteurs la vie urbaine. Cependant, la notion de dmocratie participative
est aujourdhui encore assez floue et peut prendre diffrents sens selon les personnes qui
lemploient. Elle couvre de nombreux domaines dapplications (scientifique, environnemental,
conomique, etc.), des chelles variables (projet urbain, PLU, SCOT, etc.) et possde une
dfinition volutive.
La dmocratie participative est un modle politique alternatif. Elle induit des concepts qui
permettent daccrotre limplication et la participation des acteurs dans le dbat public et la
prise de dcision qui sen suit. Le champ de la dmocratie tant relativement vaste, nous
nous attacherons parler ici, de la dmocratie participative lchelle du projet urbain et plus
particulirement dans le cadre du processus de fabrication de lespace public. Les fondements
de la dmocratie participative sont issus de la concertation dynamique, et se traduisent
par des changes, des ateliers, des dbats publics. Ceux-ci concernent des dcisions
diffrents niveaux et, dans notre cas, lchelle du projet urbain. La dmocratie participative
se caractrise par un fonctionnement du bas vers le haut et invite lexpression dun large
groupe dacteurs pour apporter des points de vus diffrents, des expriences vcues et des
expertises citoyennes , en amont de la prise de dcision des lus. Ce processus est ainsi
rvlateur dune vision long terme et dune meilleure adhsion du projet par la communaut.
La participation est un engagement volontaire vers une co-dcision et donc vers un partage
du pouvoir accept par lautorit qui en a pris linitiative (Gontcharoff, 2003). En dautres
termes, cela renvoie la notion de vivre ensemble, du partage de lespace commun et de
lenvie de le concevoir ensemble. Cependant, cette dynamique ascendante nest souvent
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[ 29 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
possible que si elle est accompagne dun mouvement descendant, constitu gnralement
dlus qui soumettent dbat un projet, une ide. Comme nous lvoquions prcdemment au
sujet de la gouvernance, il ne sagit pas substituer le mouvement vers le haut au mouvement
vers le bas (top-down et bottom-up), mais bien de combiner les deux. Ce systme implique
ncessairement que les deux parties soient prtes jouer le jeu pour dboucher sur un
consensus permettant lintrt collectif dtre le grand gagnant.
La notion de participation nest pas toujours facile identifier car elle ne signifie pas la mme
chose pour tout le monde. Il existe en effet plusieurs degrs de participation. Cela peut aller
de la simple information au rel partage de pouvoir. Selon, G. Watel, intervenant professionnel
lInstitut dUrbanisme de Grenoble, il en existerait quatre : linformation, la consultation, la
concertation et la coproduction. Nous allons ici donner un bref aperu des diffrents degrs
de participation, puis nous reviendrons plus en dtails sur le processus de concertation (Cf.
Chapitre 2).
Linformation
Elle reprsente le plus bas niveau de participation, cest la base du processus. En effet, un
minimum dinformations doit tre transmis aux acteurs du milieu (population, commerants,
rsidants, etc.), sans quoi aucune communication ne peut tre envisage. Sans information,
les acteurs ne peuvent pas prendre connaissance des donnes du projet et les lus ne peuvent
donc pas connatre leurs attentes. Ne confondons pas cependant information et publicit.
On distingue ici deux types dinformation :
1) linformation descendante, qui va des pouvoirs publics aux acteurs du milieu ; elle consiste
communiquer un certain nombre dinformations pour rendre plus comprhensible le projet.
Ces informations peuvent tre brutes ou adaptes aux non professionnels de lurbain. Elles
sont reprsentes le plus souvent de manire graphique, accompagnes des finalits du
projet, des contraintes, des dlais et limites de celui-ci.
2) linformation ascendante, qui va des acteurs locaux vers les pouvoirs publics (souvent
reprsents par des instances de mdiation comme, par exemple, les tables de concertation
de quartier au Qubec). Celle-ci permet de regrouper les attentes explicites ou latentes de
la population. Elle constitue aussi un outil daide la dcision permettant de prendre en
considration les souhaits des acteurs locaux.
Afin de runir toutes les bonnes conditions dune bonne information et dans un souci de
transparence, celle-ci se doit dtre publique, comprhensible, rciproque, pralable et
significative (G. Watel). Linformation doit aussi tre concrte et tablie pour tous les projets
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[ 30 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
concernant lintrt gnral, lorsquune action est sur le point dtre engage et avant la prise
de dcision.
La consultation
Deuxime degr de participation. Cest le premier vrai niveau de participation. Aujourdhui,
lgalement obligatoire dans certain cas de projets damnagements (infrastructures
autoroutires, aroports, etc.), le processus de consultation est organis par les pouvoirs
publics. Il peut tre organis sous diffrentes formes : enqutes publiques, tudes dimpacts,
runions de quartier, etc. Lobjectif ici est de rcuprer les avis, les suggestions, les requtes
et les critiques des acteurs locaux sur un sujet prcis aprs que ceux-ci en aient t informs.
La consultation est une premire tape de communication entre le public et les pouvoirs
publics qui claire le processus dcisionnel. Elle seffectue hlas souvent un stade avanc
du projet, ce qui rduit la marge de manuvre. Cest dans tout les cas, les pouvoirs publics qui
tranchent au final et qui dcident de prendre ou non en considration les rsultats des sances
de consultation. On peut donc sinterroger ici sur les limites de cette consultation.
Organise par les pouvoirs publics, la consultation peut varier en qualit car les dcideurs
sont libres de diffuser linformation qui leur semble utile, et de conserver certains lments du
projet qui pourraient crer des polmiques. Lobjet de la dmarche de consultation rside donc
plus dans la volont des pouvoirs publics dobtenir laval de la population que dans sa relle
implication.
La concertation
Troisime degr de participation. Elle est une phase de dbat ouverte sur les formes et
caractristiques du projet. Elle se situe une tape intermdiaire du projet laissant aux acteurs
locaux une plus grande marge de manuvre. LArt 300-2 de 1985 du code de lurbanisme a
permis de rendre obligatoire lorganisation de phases de concertation avant les oprations
denvergures concernant des modifications substantielles du cadre de vie ou de lactivit
conomique de la zone . Comme nous le verrons plus loin (Cf. Chapitre 2 et 3), lobjectif
de la concertation est de faire merger les besoins rels de la communaut et de dfinir un
concept damnagement commun. Elle consiste en un partage des pouvoirs publics entre lus
et acteurs locaux. Ainsi, on reconnat ces acteurs une certaine qualit dexpertise.
Par ailleurs, la qualit des phases de concertation, et de consultation, est directement
dpendante dune part de linformation fournie par les pouvoirs publics, et des questions portes
concertation, et dautre part, du degr de prises en compte des remarques et suggestions
formules dans la dcision finale.
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[ 31 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
La coproduction
Quatrime degr de participation. Elle est synonyme de partenariat entre les pouvoirs publics et
les acteurs locaux. Ainsi, les deux groupes jouent un rle important et dcisif dans llaboration
du projet. Les priorits dactions, le programme, le concept damnagement retenu, le design,
etc. sont abords ensemble. La coproduction est donc le degr maximum de participation,
car il implique tous les acteurs sur un plan gal. Lexpertise des citoyens et la connaissance
de leur milieu de vie sont alors reconnues leur juste valeur pour aider les professionnels de
lurbain concevoir le projet. Lenjeu dune telle dmarche de participation requiert alors un
cadrage trs prcis ds le dbut afin de dgager les dcisions cls, dterminer les modalits
de concertation (marches exploratoires, workshop, tables de concertations) et organiser les
quipes de travail.
Paralllement cette rflexion sur la gouvernance, nous nous sommes poss la question
des chelles de fabrication des espaces publics (quartier, arrondissement, mtropole). Le
processus de gouvernance nimplique de ce fait pas les mmes acteurs, et la souplesse du
processus nest pas comparable, selon lchelle choisie. Serait-il possible dadapter le modle
de gouvernance locale (plus souple) une chelle plus grande ? Faudrait-il impliquer plus
dacteurs, tiers, publics et privs ? Quels seraient alors les enjeux de contractualisation du
projet entre les diffrents acteurs et partenaires ? Quels sont les risques dun projet trop ouvert
ou linverse trop ferm ? Ces questions pourraient faire lobjet dune recherche approfondie
sur les questions de gouvernance mais ce nest pas lobjet de notre propos ici. Cependant, il
est important de mentionner la problmatique de lchelle du projet et des questions quelle
soulve travers la notion de gouvernance.
Ces diffrents niveaux de participation issus dun mode de gouvernance urbaine plus ouvert
permettent la mise en rseau dun plus grand nombre dacteurs. La notion de gouvernance
urbaine ne recouvre cependant pas uniquement la mise en rseau de diffrents acteurs,
mais pose aussi la question fondamentale du rle des acteurs dans le processus dcisionnel
(Gaudin, 1995).
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[ 32 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
1.2.2. Les acteurs
Nous lavons vu, les nouvelles formes de gouvernance qui ont merg depuis les annes 1990,
laissent une place et une marge de manuvre plus large un plus grand nombre dacteurs.
Quels sont les types dacteurs qui mobilisent laction publique et lespace public ? Quels sont
ces nouveaux acteurs qui composent la scne urbaine contemporaine et que sont devenus les
acteurs traditionnels du projet urbain ? Ces interrogations sont au cur de la rflexion sur de
nouvelles typologies dacteurs. Nous aborderons ici la question de la multiplication des acteurs
dans laction publique locale et identifierons les principaux acteurs susceptibles de participer
au processus de fabrication des espaces publics.
1.2.2.1. Quels types dacteurs ?
Lespace public na de sens que si on le considre avec les acteurs qui lentourent. Par acteur
nous entendons lindividu, le groupe ou lorganisation qui initie une action et qui a des effets
directs ou indirects sur son environnement (Bassand, Joye, 2001), cest dire usagers,
acteurs conomiques, acteurs politiques, professionnels de lurbain (urbanistes, techniciens,
architectes, ingnieurs, etc.), mdiateurs. Mais quels impacts ont-ils dans la conception et la
gestion des espaces publics? Il y a t-il aujourdhui de nouvelles tendances dans limplication
de certains acteurs ? Lorsque lon sintresse de plus prs au processus de fabrication
des espaces publics et des modes de gouvernance quil implique, on ne peut sempcher
de constater la monte en puissance de certains acteurs, jusqualors peu reprsents dans
les politiques urbaines. Ce phnomne pourrait venir dune part, dun changement de vision
de lespace public dans sa dfinition collective du projet, et dautre part de la modification
des politiques urbaines orientes de plus en plus vers une participation citoyenne. Le projet
despace public consiste ainsi en une double mobilisation, celle des acteurs que le projet
suscite et, parmi ceux-ci, ceux qui auront lgitimit configurer lespace public (...). Il faut
diffrencier ds lors, les acteurs mobiliss par le projet et ceux mobiliss dans le projet
(Toussaint, Zimmermann, 1998, 2001). J.-Y. Toussaint et M. Zimmermann ajoutent dailleurs
les notions de destinateurs et destinataires pour caractriser ces acteurs. Les
destinataires sont ceux qui vont user de lespace produit, ils sont producteurs de pratiques et
disposent des comptences utiliser des produits. Ce sont les citoyens, usagers, habitants,
les consommateurs de lespace. Les destinateurs sont plutt du cot de lnonciation
et de la fabrication de lespace , ils ont le savoir et les connaissances des rgles et des lois
formelles qui peuvent chapper la pratique sociale des destinataires.
On dnote alors trois catgories dacteurs occupants une place prpondrante dans le projet :
les lus locaux, les experts et les habitants. Pour autant, il existe diverses dclinaisons de
cette dernire catgorie : citoyens, habitants, commerants, travailleurs, etc. suivant le type
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[ 33 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
despace public considr. Les experts recouvrent aussi une large catgorie dacteurs pouvant
intervenir diffrents niveaux du projet. Ils sont les garants des contraintes techniques, et nous
ne nous attarderons pas sur cette catgorie pour le moment. Les lus sont l pour prendre les
dcisions certes, mais ils sont aussi invits considrer les contraintes de chacun, habiliter
le citoyen, lusager comme acteur en mesure de connatre et exprimer ses propres besoins et
aspirations (Chalas, 2004) : ils peuvent exercer un pouvoir danimation et de coordination.
Quant aux citoyens, ils devraient se situer au centre de la dmarche damnagement. Le projet
despace public tant ncessairement destin la population qui va en faire usage, les citoyens
doivent tre en mesure de pouvoir se lapproprier, voire mme de participer son laboration
par le biais de sances de concertation par exemple (Amphoux, 2001). Mais cette question de
la participation citoyenne dont nous reparlerons, suscite un certain nombre dinterrogations,
notamment concernant sa mobilisation et sa lgitimit. Toujours est-il que si la question de la
participation citoyenne parat tre au centre des questions dintervention publiques, on oublie
trop souvent le rle des acteurs relevant de la sphre conomique. En effet, lespace public
peut reprsenter dans certain cas, un enjeu conomique certain. Dailleurs, M. Zepf nous
parle par exemple, de processus de commercialisation. Les acteurs conomiques ont donc un
intrt certain sassocier de manire durable au projet, son financement et son animation
(Amphoux, 2001).
Il semblerait que les nouvelles formes de gouvernance de lespace public ne se caractrisent
pas ncessairement par lapparition de nouveaux acteurs mais par un lien, une relation
diffrente entre les catgories dacteurs. Or, ce nest pas tout fait notre vision, car nous
pensons quune nouvelle catgorie dacteurs merge : les acteurs de la concertation.
1.2.2.2. Les acteurs traditionnels
Les acteurs construisent, amnagent, transforment, utilisent les espaces publics. Nous allons
nous consacrer ici aux acteurs dits traditionnels du projet. En ce qui concerne les espaces
publics, on distingue trois groupes dacteurs : les acteurs politiques, les acteurs conomiques
et les professionnels de lurbain. Nous choisissons de ne pas inclure la population au sens
large du terme dans les acteurs traditionnels car elle apparat, pour nous, comme tant un
groupe dacteurs mergent et donc faisant partie des nouveaux acteurs que nous verrons par
la suite.
Les acteurs conomiques, comme les dveloppeurs par exemple, sont le ciment des
projets urbains ; ce sont eux qui apportent une partie du financement et qui vont contribuer
lorganisation conomique du lieu. Ce sont les instigateurs premiers de la dynamique du
projet. En tant quentreprises, commerces ou riverains des espaces publics, ils jouent en effet
un rle important dans lorientation et la vocation future du site.
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[ 34 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
Les acteurs politiques, reprsents la plupart du temps par des lus locaux sont ceux
qui accompagnent ou contestent la volont des acteurs conomiques. Par exemple, un
dveloppeur souhaite crer un complexe commercial accompagn despaces publics dans
un espace en reconversion, il doit alors soumettre une demande et un projet aux lus. Les
acteurs politiques sont sollicits pour donner leur autorisation. Le projet devient alors public et
une priode de dbat et ngociation est engage pour aboutir une dcision dordre politique.
Suivant la nature du projet, une phase de consultation, ou concertation peut alors tre mise
en place et impliquer dautres acteurs mais nous reviendrons sur ce cas de figure. Les acteurs
politiques ont cependant dans tout les cas le pouvoir de dcision in fine. Ils jouent donc un rle
considrable dans le processus de fabrication des espaces, de faon positive ou ngative.
Les professionnels de lurbain (conseillers, urbanistes, consultants, architectes, paysagistes,
fonctionnaires, etc.) ont pour rle dassister les acteurs conomiques et politiques. Ils ont
les connaissances techniques mais aucun pouvoir de dcision. Ils ne constituent, en
aucun cas, les porte-parole des lus ou acteurs conomiques en jeu ; ils sont autonomes
et possdent leur propre conception de lenvironnement et du site sur lequel ils travaillent.
La multidisciplinarit de chacun des acteurs de cette catgorie nous parat intressante. En
effet, il ne faut pas seulement des urbanistes, des ingnieurs, ou des architectes pour raliser
un concept despace public. Un grand nombre de disciplines doivent tre mises en uvre
(sociale, conomique, design, gographique, environnement, etc.) pour mettre en relation des
savoirs et des reprsentations qui aboutiront un projet rflchi et complet. Cest l notre
vision du projet despace public.
Voici donc les trois groupes dacteurs que nous estimons faire partie du projet despace
public de manire traditionnelle. Au del des acteurs traditionnels que nous venons daborder,
lanalyse de nos tudes de cas et des travaux raliss au sein de la Ville de Montral durant
notre stage, nous a montr que la concertation ouvre le processus de fabrication despaces
publics de nouveaux acteurs.
1.2.2.3. Les nouveaux acteurs
Ces nouveaux acteurs sont les habitants, les citoyens, les travailleurs, les chargs de
communications, les mdiateurs, les sociologues, les conomistes, etc. Ces acteurs
deviennent passeurs, tiers lgitimant, analystes, entremetteurs, si on en croit M. Blanc, qui
caractrise, au milieu des annes 1990, ces nouveaux mtiers de lurbain (Toussaint, Vareilles,
Zimmermann, 2004). Nous avons choisi de reprendre le terme de destinataires de J-Y
Toussaint et M. Zimmermann pour dgager trois groupes, les mdiateurs, les reprsentants
des destinataires et les destinataires.
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[ 35 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
- les mdiateurs recouvrent toutes les professions apparues en parallle de la concertation,
chargs de communications, mdiateurs, entremetteurs, agents de communication. Ils
constituent linterface entre deux groupes dacteurs, dune part, la maitrise douvrage
(lus, conseillers, urbanistes, etc.) et la maitrise duvre (concepteurs) et, dautre part, les
destinataires. Entremetteurs, mdiateurs, ces professionnels traduisent pour les acteurs
ordinaires 1 que sont les destinataires , le langage technique, ou comme lappel F. Choay,
la logotechnique de lurbain. Ces professionnels sont capables de rsumer, traduire,
exposer les enjeux et les aspects thoriques du projet, et lors des sances de concertation ou
de rencontres publics, recentrer le dbat sur les bonnes questions du projet. Ils rendent
audibles et recevables pour les acteurs experts, cest dire les professionnels de lurbain,
les discours des habitants (Blanc, 1995, Choay, 1979). Nous ajouterions, que ce procd
est aussi valable linverse : ils permettent aux acteurs non experts de comprendre
les orientations et enjeux du projet exprim par des techniciens de lurbain. Ils sont donc
capables de parler plusieurs langages, en cela ils peuvent tre considrs comme des acteurs
experts .
- les reprsentants des destinataires : ils donnent du poids et de la crdibilit la parole
citoyenne. Ils peuvent tre des associations, des reprsentants de quartier, de syndicats,
dusagers, etc. A Montral par exemple, ce type dacteurs se traduit beaucoup par des tables
de concertations de quartier, trs impliques dans le processus de fabrication des espaces
publics (budget, expertise, ralisations parfois). Certaines dentre elles, comme celle du
quartier Saint-Michel, jouent un rle considrable et peuvent bnficier de budget de plusieurs
centaines de milliers de dollars. Certes, nous nen sommes pas encore l en France, mais
retenons lide que le reprsentant peut intervenir sur le projet et donner de la crdibilit
la parole citoyenne.
- les destinataires : ce sont la fois les habitants, les citoyens, les travailleurs, les usagers,
ceux qui habitent la ville. Ils sont en tat de recevoir et de produire de linformation, ils ont
la capacit de participer llaboration de leur milieu de vie et sont de plus en plus souvent
demandeurs de participation. Aprs tout, nest-ce pas pour cela que nous avons invers la
tendance top-down , pour permettre une meilleure cohsion sociale des groupes dacteurs
qui faonnent les espaces dans lesquelles nous vivons ? Les gens qui vivent dans un quartier
ont rflchi aux problmatiques existantes depuis longtemps. Ils le pratiquent tous les jours
et possdent un nombre important dinformations utiles aux professionnels. Cynthia Nikitin,
vice-prsidente de lOBNL Projects for Public Spaces , en parle dailleurs trs bien dans la
confrence sur les espaces publics organis par La Fabrique de la Cit Barcelone en mai
2011 : Je devrais le dire et le rpter des millions de fois. Les citoyens, les usagers sont les
1 Acteurs ordinaires, acteurs experts tant la distinction que font O. Sderstrm et M. Zepf entre savoir-vivre et savoir-faire, entre savoir ordinaire et savoir expert (Sderstrm, Zepf, 1998)
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[ 36 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
spcialistes. Si nous voulons une interaction entre les individus et les espaces quils occupent,
il faut que les citoyens soient impliqus ds le dbut du processus et pendant lensemble du
processus . Les habitants, citoyens, usagers, etc. reprsentent alors une nouvelle catgorie
dacteurs possdant un expertise citoyenne non ngligeable. La concertation apparat
comme un des moyens pour faciliter ce transfert dexpertise. Mais limportance du processus
de concertation relve aussi de ce qui touche la traduction des langages entre les
destinataires et les autres acteurs, en dautres termes, la traduction du langage technique des
professionnels au langage des citoyens plus port sur lexprience vcu, sur les reprsentations
urbaines, etc.
Ces groupes dacteurs que nous venons daborder, apparaissent comme des acteurs
htrognes, difficilement saisissables car sans vritable tiquette ou statut. Il est parfois difficile
de les dsigner ou de les nommer. Daprs J.-Y. Toussaint et M. Zimmermann, ce caractre
flou peut renvoyer la nature des individus concerns et linstabilit des positions qui leur
sont aujourdhui attribues dans le projet . Nous reconnaissons donc la difficult parfois pour
les acteurs traditionnels de saisir toute la question de limplication de ces nouveaux acteurs.
Ils sont cependant rvlateurs de mouvements de cohsions sociales plus significatifs au sein
du projet et contribuent renforcer la dimension du lien social dans la ville.
1.2.3. Urbanit et liens sociaux
Nous lavons vu, le concept despace public implique ncessairement la prise en compte
de caractristiques matrielles, spatiales, o lenvironnement joue un rle important dans
lurbain. Par ailleurs, la prise en compte de la dimension relationnelle, travers des modes
de gouvernances nouveaux et un systme dacteurs en interactions gnrant des processus
sociaux comme la participation, est indispensable la bonne comprhension de lespace
public. En effet, ces processus sociaux ont pour rsultat de produire de la sociabilit et du
lien social dans la ville. Nous dvelopperons ici cette dimension relationnelle par les concepts
durbanit et de lien social. Le concept durbanit fait dabord rfrence la manire dont
les diffrents groupes vivent ensemble sur le territoire urbain (Lofland, 1993). Le vivre
ensemble renvoie aux notions de communaut , de confiance , en relation parfois
avec lide que les espaces publics sont alors susceptibles de renforcer le lien social (Tivan,
1983). Nous sommes aujourdhui dans une socit qui connat une monte croissante de
lindividualisme, le dveloppement dInternet et des rseaux sociaux sur la toile laisse croire
un affaiblissement du lien social. Lespace public, dans sa forme physique et relationnelle,
serait il alors capable de limiter ces tendances de fragmentations sociales des mtropoles ?
Cette question nous renvoie directement au concept durbanit et au postulat que les espaces
publics sont de puissants analyseurs de vie urbaine et sociale.
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[ 37 ]Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
M. Bassant et D. Joye (2001) nous rappel cependant que le concept durbanit a de multiples
dfinitions. Pour M. Blanc (1992), lurbanit renvoie la constitution du lien social dans la
vie quotidienne tandis que J. Levy (1999) nomme habitus durbanit, lvaluation, que les
individus font de lurbain et de la cohabitation urbaine . J. Levy ajoute que la notion durbanit
peut tre nuance par la densit et la diversit relative dune mtropole. Nous souhaitons
attirer lattention sur les termes cohabitation urbaine qui suggrent laction de partager un
espace urbain commun et qui soulvent la question de lappartenance communautaire. On
peut alors se poser la question de lidentit, de lappartenance une communaut particulire
qui investit lespace public. Pour Lofland (1993), des relations communautaires dans des
groupes restreints, impliquant de la similarit, ne peuvent pas susciter durbanit . En effet,
lurbanit est synonyme de tolrance, de diffrence, cest dire la manire dont on cohabite ,
on ctoie , on partage lespace public et la nature des relations et des interactions entre
des individus diffrents. Ainsi, le concept durbanit dans la ville et plus particulirement dans
lespace public (Lofland), renvoie, dune part la prsence daltrit, cest dire une diffrence
significative entre les groupes sociaux et dautre part une morphologie urbaine permettant la
cohabitation et le ctoiement de ces diffrents groupes sociaux (dplacement et mixit). Cest
de frottements et de frictions entre les individus dont on parle ici, lurbanit apprend une
multitude de groupes sociaux se dplacer et user de lespace public dans des conditions de
tolrance entre les citadins. Cest dailleurs en cela que certains qualifient lurbanit comme
gnrateur du bon fonctionnement de la ville. Cependant, il ne faut pas oublier que les
relations de frottements entre individus ne produisent pas toutes de la reconnaissance. En
permettant aux diffrences dtres visibles de tous, les frottements entre groupes sociaux
peuvent amener diverses situations de tensions voir mme de violence (Bassand, Joye,
2001). La mixit et lappropriation des lieux peuvent tre positives, condition cependant
que les groupes sociaux se mettent daccord sur un certain nombre de rgles et principes
respecter. Cest ce que M. Blanc (1992) appelle les compromis de coexistence , compromis
qui participent troitement lurbanit. Le partage dun espace commun peut alors renvoyer
un sentiment de confiance envers lautre (Goffmann, 1973). Lespace public semble donc
constituer lune des assises majeures de lurbanit (Zepf, 1999), qui exprime le sentiment
dunit dans la diversit travers la configuration de lespace et du lien social, permettant le
bon fonctionnement de la ville.
Dun point de vue plus thorique, le bon fonctionnement de la ville doit aussi tre en relation
avec une valorisation des espaces, puisque ceux-ci permettent linteraction, les changes, le
ctoiement du diffrent et le fonctionnement des rseaux de proximit (Bassand, Joye, 2001).
De par ces caractristiques, les espaces publics posent alors la question du rapport entre eux,
du fonctionnement des rseaux de proximit , cest dire de larticulation entre les espaces
publics de quartiers et les espaces publics centraux dans le rseau (mobilit et accessibilit).
En effet, le concept durbanit ne se cantonne pas aux places publiques, les frottements entre
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[ 38 ] Le rle de la concertation dans le processus de fabrication des espaces publics
les groupes sociaux qui se dplacent de plus en plus apparaissent dans lensemble du rseau
despaces publics (rues, places, squares, jardins, etc.). Le bon fonctionnement de la ville
implique aussi la question des pratiques et des reprsentations. Le rapport au quartier et
lenvironnement bti ne stablit pas seulement sur lordre du vcu, mais aussi sur celui
du connu (Lamarche 1986 ; Joye, 1995). La frquentation des espaces centraux est alors
indissociable des reprsentions de la ville. Des espaces qui attirent par leur reprsentation
augmentent leur frquentation. Comme nous le font remarquer H. Lamarche et D. Joye, les
citoyens ont tendances frquenter non seulement les espaces proches de leur lieu de vie,
mais aussi les espaces connus, cest dire les espaces du centre, o linteraction avec autrui
et les liens sociaux sont plus importants. Penser les espaces publics en fonction des habitants
de la ville ne ncessite donc pas quune approche matrielle de lespace. Cela requiert
aussi une position globale et une rfrence aussi bien aux modes de vies quaux diverses
modalits du rapport entre les groupes sociaux et lurbain, entre les donnes sociopolitiques
et spatiales. En dautres termes, nous posons ici la question du lien social.
Le lien social implique en premier lieu une interaction qui se droule notamment dans les
espaces publics. Il rsulte dune certaine forme de participation du citoyen la vie urbaine.
Ainsi, la participation du citoyen dans une multitude de rseaux est un facteur favorisant
autant son insertion que le bon fonctionnement de la collectivit (Bassand, Joye, 2001). Au
contraire, plus lindividu se renferme dans sa sphre prive, plus le lien social se distend
pour lindividu en question, mais aussi pour la communaut. Les liens sociaux se tissent en
fonction des individus prts engager des relations sociales et ne peuvent se raliser dans le
rejet ou lindiffrence, responsable de lexclusion et de la fragmentation. La question des liens
socia