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Le développement au Mali:des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV
Hamidou MagassaStefan Meyer
5050 Working Paper / Document de travail
Février 2008 Working Paper / Document de Travail
5About FRIDE
FRIDE is an independent think-tank based in Madrid, focused on issues related to democracy and human rights; peaceand security; and humanitarian action and development. FRIDE attempts to influence policy-making and inform pub-lic opinion, through its research in these areas.
Working Papers
FRIDE’s working papers seek to stimulate wider debate on these issues and present policy-relevant considerations.
5050 Working Paper / Document de travail
Février 2008 Working Paper / Document de Travail
Le développement au Mali: desmondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV
Hamidou Magassa et Stefan Meyer
Février 2008
Hamidou Magassa est consultant socio-économiste senior en développement rural au bureau d’études “Le
SERNES” après avoir exercé comme enseignant chercheur dans la fonction publique au Mali et en France.
Auteur de diverses publications en développement, il est essayiste et poète. Titulaire d’un doctorat en
anthropologie linguistique (littérature comparée africaine) de l’Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III),
il a effectué un long séjour académique de chercheur postdoctoral en analyse institutionnelle du développement
à l’Université d’Indiana (Bloomington / USA).
Stefan Meyer est chercheur senior dans le département de développement de FRIDE. Spécialiste des Sciences
Politiques formé à l’Université Libre de Berlin, il possède un Master en Gouvernance et Développement de l’IDS
de Sussex. Avant de travailler pour FRIDE, il a été coordinateur de programme pour la GTZ allemande en Sierra
Leone, comme consultant pour KfW mais aussi pour plusieurs ONG.
© Fundación para las Relaciones Internacionales y el Diálogo Exterior (FRIDE) 2007.
Goya, 5-7, Pasaje 2º. 28001 Madrid – SPAIN
Tel.: +34 912 44 47 40 – Fax: +34 912 44 47 41
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Table des matières
Préface 1
Introduction 3
Contexte 3
Harmonisation entre donateurs d’aide au Mali 4
Mécanismes d’harmonisation des donateurs 5
Formulation et suivi du CSLP 6
Aide budgétaire et réforme institutionnelle 7
Evaluation 9
Système Politique et Démocratisation 11
Acteurs et institutions 14
Assemblée Nationale 15
Organisations de la Société Civile (OSC) 15
Réforme des services publics et contrôles horizontaux 16
Décentralisation 17
Principaux défis à relever 18
Conséquences pour les bailleurs de fonds 21
Dialogue politique 22
Capacités d’analyse 23
Choix des instruments 24
Mise en place institutionnelle 25
Ressources humaines 26
Bibliographie 27
AcronymesABG Aide Budgétaire Globale
ABS Aide Budgétaire Sectorielle
ANICT Agence Nationale d’Investissement des Collectivités Territoriales
APD Aide Publique au Développement
BAD Banque Africaine de Développement
BID Banque Islamique de Développement
BM Banque Mondiale
CAD Comité d’Aide au Développement
CAFO Coordination des Associations et ONG Féminines
CBMT Cadre Budgétaire à Moyen Terme
CDI Commissariat au Développement Institutionnel
CDMT Cadre des Dépenses à Moyen Terme
CNOP Coordination Nationale des Organisations Paysannes
CNSC Conseil National de la Société Civile
CONFED Cellule d’Appui à l’Ordonnateur National du FED
CSLP Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (2002-2006)
CSRCP Cadre Stratégique de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (2007-11)
DP Déclaration de Paris
FECONG Fédération des Collectifs d’ONG
FED Fonds Européen de Développement
FES Friedrich-Ebert-Stiftung (Allemagne)
FRIDE Fondation pour les Relations Internationales et le Dialogue Extérieur
IADM Initiative d’Amortissement de la Dette Multilatérale
MDC Mission de Développement et de Coopération - Présidence de la République
NDI National Democratic Institute (USA)
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Economique
OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
ONG Organisation Non Gouvernementale
OSC Organisation de la Société Civile
PAGAMGFP Plan d’Action Gouvernemental pour l’Amélioration et la Modernisation de la Gestion des Finances
Publiques
PARAD Programme d’Appui à la Réforme Administrative et à la Décentralisation
PAS Programmes d’Ajustement Structurel
PDES Programme de Développement Economique et Social
PDI Programme de Développement Institutionnel
PIB Produit Intérieur Brut
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
PPTE Pays Pauvre Très Endetté
PRECAGED Projet de Renforcement des Capacités dans la Gestion Stratégique du Développement
PTF Partenaire Technique et Financier
SCAP Stratégie Commune d’Assistance Pays
SFD Système Financier Décentralisé
UE Union Européenne
UEMOA Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
1
Préface
L’aide consolide-t-elle la liberté ? La démocratie aide-
t-elle à réduire la pauvreté et les inégalités ? La bonne
gouvernance est-elle une condition nécessaire pour que
l’aide soit effective ? Voici quelques unes des questions
pertinentes qui ont servi de base de discussion lors des
plus récents débats portant sur ce que devraient faire
les pays développés dans leur coopération avec les pays
en développement. Même s’il est de plus en plus évident
que les sujets “dépassant” la question de l’aide ont
davantage de répercussions sur la vie de ceux qui vivent
dans la pauvreté, de grands espoirs sont aujourd’hui
portés vers ceux qui sont en charge de programmer
cette aide. C’est à eux que s’adresse cette étude.
Ce projet de recherche intitulé : “L’harmonisation des
donateurs : entre efficacité et démocratisation” a
uniquement pour but d’explorer une seule dimension du
vaste débat théorique en cours. Elle pose les questions
suivantes : quel est le dommage collatéral potentiel que
pourrait infliger la croissante coordination et
harmonisation des donateurs sur le contrat social des
pays en développement ? Quelles en sont les
implications pour les agences d’aide dans leurs
pratiques de dialogue politique, de mises en œuvre
politiques, d’organisation institutionnelle et de
stratégie de ressources humaines ?
Notre hypothèse de base est qu’une nouvelle structure
de relations d’aide a effectivement été mise en place
durant la dernière décennie. L’État, en tant qu’acteur
de développement, a été réhabilité après une décennie
de mise en cause des services publics sous l’égide du
Consensus de Washington. Aujourd’hui, un nouvel
accord se forme. Ses points de repère sont inclus dans
la Déclaration sur les Objectifs de Développement du
Millénaire (OMD) en 2000, la Conférence de
Monterrey en 2002 sur les ressources et les obligations
réciproques entre le Nord et le Sud et finalement la
Déclaration de Paris en 2005, sur les modalités et ins-
titutions d’acheminement de l’aide. Au même moment,
de nouvelles initiatives sont en train de réajuster et de
peaufiner ce consensus international. Parmi ces
initiatives, se retrouvent les efforts visant à une plus
grande complémentarité avec le Code de conduite de la
UE sur la complémentarité et la division du travail
dans la politique de développement, l’intégration
régionale avec le renforcement des institutions, les
résultats du développement au niveau national et enfin,
le débat actuel sur les nouveaux rôles des organismes
multilatéraux.
Le résultat de toute cette dynamique internationale est
un changement de relation entre les pays
récipiendaires, récemment rebaptisés “pays
partenaires”, et les pays donateurs. Depuis les années
1980, la conditionnalité a régné, soit sous sa forme
économique, la plus évidente, afin d’appliquer des
principes de marché libre, ou soit sous sa forme
politique, dite de “deuxième génération”, réclamant
une ouverture démocratique et une obligation de ren-
dre compte pour les services publics. Le nouvel
engagement de responsabilité mutuelle entre les
donateurs et les gouvernements bénéficiaires devrait
donc remplacer cette approche de coopération peu
fructueuse entre les parties. Nous constatons un
“régime post-conditionnalité”, qui délaisse en théorie
les approches de confrontation et les appuis qui
passent outre les structures étatiques, et qui tient à
obtenir de nouvelles modalités de partenariat entre le
gouvernement et les donateurs, ceci étant néanmoins
tout aussi intrusif.
Le postulat de cette recherche est que, en plus des
moyens de l’État, il faut un contrat social entre les
citoyens et l’État pour réussir un développement
équitable. Une multitude de configurations ins-
titutionnelles peuvent potentiellement cadrer avec ce
contrat et sont légitimes dans leur propre contexte
local en tant que sédiments de négociations sociales.
Pour notre étude de l’interface entre l’harmonisation
de l’aide et la démocratisation, nous utilisons une
approche d’économie politique qui explore les
opportunités pour les citoyens à être informés, à
participer et à amener le pouvoir en place à rendre des
comptes. Nous avons pris en compte les définitions
locales de ces configurations dans les pays de l’hémis-
Working Paper 50
2
phère Sud, en particulier au Vietnam, au Nicaragua, au
Mali et au Pérou. En conséquence, nous nous
demandons quel rôle les donateurs occidentaux
exercent sur les politiques de ces pays ? Existe-t-il une
certaine tendance à harmoniser l’interaction avec leurs
partenaires gouvernementaux et dans une moindre
mesure, avec les autres acteurs locaux importants, tels
que le Parlement, la société civile et les autres ins-
titutions publiques de contrôle ?
Ce projet de recherche tentera d’informer les donateurs
en adoptant une perspective participative incluant les
opinions d’un large spectre d’acteurs. Plus
particulièrement, il pourrait être utile au futur du
système d’aide espagnol. Ce fut le cas d’un projet
antérieur, foroaod, qui a donné une visibilité au
processus rapide de réforme des politiques et ins-
titutions du système espagnol d’aide au
développement. L’étude actuelle implique aussi un
dialogue plus aisé entre les bailleurs de fonds
européens à travers les pratiques et leçons apprises.
Nous cherchons donc à appuyer une politique
européenne commune de développement.
Le projet s’est étalé sur trois phases. Dans la première
phase, nous avons présenté un cadre analytique et la
méthodologie pour les études de pays, établissant ainsi
la base pour les approches et les hypothèses de cette
recherche. Les études de cas ont été conduites dans la
seconde phase et sont en majorité le fruit d’un
partenariat avec des chercheurs de pays en
développement. La troisième phase tient lieu de
conclusion, avec la présentation d’un instrument
appliqué d’analyse. L’objectif final étant de promouvoir
l’utilisation des résultats dans la pratique quotidienne
des gestionnaires et planificateurs de l’aide. Tout en
publiant les documents de travail, nous tentons d’in-
clure le plus possible les praticiens, élaborateurs de
politiques, ainsi que les universitaires, en leur offrant
de présenter leurs ouvrages en cours.
Cette étude de cas sur le Mali décrit les leçons
apprises dans un pays hautement dépendant de l’aide
externe et qui figure parmi la liste de pays de la
région sub-saharienne avec les meilleurs indicateurs
de gouvernance et de démocratie. L’extroversion de la
responsabilité des pouvoirs publics fut caractéristique
durant une longue période, presque pas touchée par
trois changements de régime depuis l’indépendance
en 1960. C’est récemment, avec la déconcentration
de services gouvernementaux et les prises de
décisions décentralisées, que les actions du
gouvernement sont examinées plus minutieusement
tandis que les donateurs ont fait un effort pour éviter
de dicter les politiques. Ce rapport soutient que tous
les éléments d’une relation productive entre
gouvernement et bailleurs de fonds sont à présent sur
la table pour renforcer le contrat entre citoyen et
État. Les efforts du gouvernement, des donateurs et
de la société civile sont nécessaires pour réunir ces
éléments. Renforcer différents corps et institutions de
contrôle et les relier aux acteurs politiques en fait
partie.
Ce rapport est en soi un moyen de combiner une vision
du Sud - de Bamako - et une vision du Nord - de
Madrid -. La méthodologie de recherche et sa
rédaction furent un dialogue fascinant et un défi pour
trouver une compréhension mutuelle de la pro-
blématique du développement politique malien.
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
3
Introduction
Le Mali est constamment cité en Afrique comme un
“bon élève” dans la consolidation du processus démo-
cratique en cours depuis 1991. Par ailleurs, les multi-
ples besoins d’une population très appauvrie, vivant
dans un environnement difficile marqué par la
désertification et l’enclavement, favorisent l’ac-
croissement de l’aide et le nombre de donateurs. A cet
égard, le Mali est un parfait exemple de pays en
développement où s’inscrit l’investissement inter-
national de l’aide publique au développement dans un
contexte politique incitateur.
ContexteCe qui donne à l’étude de cas du Mali une dimension
assez originale tient à (1) la mise en œuvre du
processus de décentralisation territoriale dans les 703
communes rurales et urbaines, (2) la particularité du
«leadership consensuel» dans le système démocratique
pluraliste (3) l’ancrage institutionnel de la
participation de la société civile dans le cadre du
second Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté
(2007-2011).
Le Mali a une longue expérience de pays récipiendaire
d’Aide Publique au Développement (APD) venant
d’abord des pays de l’ex-bloc Soviétique et de la Chine
dès le début des années soixante et ensuite des pays
arabes après le boom pétrolier lors des années
soixante dix. Sans conteste, l’APD des pays européens
et américains est aujourd’hui la plus importante après
la fin des Programmes d’Ajustement Structurel
(PAS) dans les années quatre vingt et la démo-
cratisation pluraliste depuis les années quatre vingt
dix.
Lorsque des dysfonctionnements croissants sont
apparus dans la gestion du système de l’aide dans les
années quatre vingt, un certain nombre d’initiatives ont
été entreprises par le Gouvernement avec l’appui de
l’OECD/CAD et le PNUD. Dans certains domaines, le
Mali a été en position pionnière, plus comme pays test
que leader, pour une meilleure harmonisation et
efficacité de l’aide. Et ce, bien avant les engagements
pris lors de la Déclaration de Paris en 2005.
En effet, la Commission Mixte Mali - Partenaires
Techniques et Financiers (PTF) pour la réforme de
l’APD, mise en place par le Gouvernement en 1998,
s’était déjà donnée sept orientations principales, à
savoir : (1) clarification et simplification des mandats
institutionnels des structures chargées de la gestion et
de la coordination de l’aide; (2) harmonisation des
procédures et conditions de mise en œuvre des actions
de coopération; (3) mise en place de mécanismes de
coordination et d’arbitrages intra, intersectoriels et
spatiaux de l’aide; (4) renforcement des capacités
nationales et locales; (5) mise en place d’un système
d’information permanent sur les activités de coo-
pération; (6) implication de la société civile à tous les
niveaux de conception et de gestion de l’aide; (7) inté-
gration du système de coopération dans les circuits
économiques et financiers nationaux.
Dans le cadre de la “Revue de l’Aide au Mali”
effectuée par l’OECD/CAD en 1999, la volonté des
pouvoirs publics a permis d’améliorer les échanges
entre le Gouvernement et les PTF de l’APD (PNUD /
OECD 1999).Toutefois, les efforts d’harmonisation et
d’amorce de réflexion institutionnelle sur la mise en
cohérence des ressources budgétaires mobilisables se
sont réduits à la gestion des per diem des
fonctionnaires maliens fournie par les donateurs.
Dans la pratique du dialogue politique de la coo-
pération et du développement, il reste toujours à
concevoir et à rendre plus opérationnel tout le
dispositif d’harmonisation et de coordination de l’APD
par un copilotage de haut niveau. Il se doit d’être
accessible au suivi évaluation rapproché des
Organisations de la Société Civile (OSC) et des
populations bénéficiaires dont la capacité à saluer, à
s’accommoder ou à s’indigner des résultats de l’APD
est le meilleur indicateur de son efficacité.
Le Mali a été cité en Afrique comme une réussite dans
la consolidation du processus démocratique en cours
depuis 1991. En outre, les multiples besoins d’une
population très appauvrie, vivant dans un
environnement difficile marqué par la désertification et
l’enclavement, ont favorisé l’accroissement de l’aide et
le nombre de donateurs. A cet égard, le Mali est un
parfait exemple de pays en développement où s’inscrit
l’investissement de l’aide dans un contexte politique
incitateur.
Néanmoins, un certain nombre de considérations
stratégiques sont à prendre en compte pour accroître
le volume de l’aide telles que la lutte contre la
corruption, l’application diligente de la réforme des
services publics et l’accélération du transfert des
compétences financières et techniques dans le cadre de
la décentralisation.
Parmi les distorsions politiques que connaît ce pays
carrefour en Afrique de l’ouest, il faut retenir que :
• le Mali est le point de départ et de transit d’une forte
migration vers l’Afrique et l’Europe Occidentale. A
un niveau politique non explicite, les ressources de
l’aide sont en partie destinées à soutenir la volonté
gouvernementale de réguler ces flux migratoires
internes et externes au continent;
• le Nord du Mali est confronté depuis plusieurs
décennies à une rébellion Touareg résiduelle malgré
de nombreux accords avec le gouvernement. Cette
zone saharienne est aussi engagée dans la lutte
contre le terrorisme transfrontalier avec l’appui de
l’armée américaine qui assure la formation et l’en-
cadrement des troupes militaires maliennes et celles
de la sous-région sahélienne;
• le Mali, entouré par sept frontières internationales,
subit les instabilités politiques de ses proches voisins
comme la Côte d’Ivoire, la Guinée, la Sierra Leone, le
Libéria, le Niger et l’Algérie;
• le Mali est le troisième producteur d’or en Afrique,
avec en perspective du pétrole, sans que l’indus-
trialisation du pays s’en trouve stimulée. Ceci accroît
le risque de souffrir de l’érosion institutionnelle et de
manque de transparence dans la gestion des finances
Working Paper 50
4
publiques, comme c’est souvent le cas dans des pays
dont une importante partie du budget national est
couverte par les ressources provenant de l’ex-
ploitation minière.
Harmonisation entredonateurs d’aide auMali
Le Mali est un pays largement dépendant de l’aide. La
part de l’aide représentait 14% dans la croissance du
revenu national et 38% dans le budget national en
2005. Les principaux mécanismes de décaissement des
donateurs passent à 83% par les projets, à 9% par
l’aide budgétaire globale et 2% par l’aide budgétaire
sectorielle. Les trois principaux donateurs sont l’Union
Européenne, la France et la Banque Mondiale. Ils sont
suivis par les Pays-Bas, le Japon, les États-Unis
d’Amérique, la Banque Africaine de Développement et
le Canada. L’Allemagne et les Agences Arabes
contribuent tout aussi bien. L’atlas des donateurs de
l’Union Européenne indique l’une des densités les plus
élevées dans le nombre de partenaires européens. A
contrario de cette externalisation des revenus de
l’État, la faible pression fiscale est restée en 2005 au
niveau de 11% en dessous de l’objectif de 20% fixé
par l’UEMOA.1
Au delà de ces faits descriptifs, il y a dans le paysage
de l’aide quelques nouvelles initiatives qui pourraient
changer les modalités de sa gestion et parmi lesquelles
figurent : la tranche incitative de bonne gouvernance
proposée par l’Union Européenne; le nouveau
mécanisme du Millenium Challenge Account des USA;
la contribution des donateurs non-traditionnels (Chine,
Pays Arabes, Cuba et Venezuela).
1 Données de OECD/CAD, Banque mondiale, UEMOA,Commission Européenne, Colombo 2006.
Mécanismes d’harmonisation des
donateurs
Au niveau le plus élevé, nous vous présentons ci-des-
sous trois mécanismes d’harmonisation des donateurs
et de la Présidence de la République que sont le cadre
de coordination, la commission mixte et la mission de
développement et de coopération.
1. Le Cadre de coordination/concertation et
d’harmonisation de l’aide au Mali est à ce jour
composé de 35 PTF, réparti en huit groupes
sectoriels et trois groupes transversaux. Les Pays-
Bas, la Belgique et la Banque Mondiale (chef de
file) animent la gestion tournante de ce pool
technique jusqu’en décembre 2007 (la présidence
de ces réunions est semestrielle et tournante). Pour
mettre en oeuvre les engagements des PTF selon les
objectifs de la Déclaration de Paris, le Cadre s’est
précisément donné une Feuille de Route (2005-
2010) en rapport avec le Plan National d’Action
sur l’Efficacité de l’Aide (2007-2009) récemment
élaboré par le Gouvernement. Contrairement à leur
approche classique par agence, les PTF sont en
cours d’entente et d’élaboration d’une Stratégie
Commune d’Assistance Pays (SCAP) pour servir
d’interface au CSCRP. Outre les réunions
mensuelles des PTF, les groupes sectoriels tiennent
des rencontres à périodicité variable et avec une
assez large participation des membres. Le groupe
sectoriel Institution et Décentralisation, avec 15
membres, est le plus grand avec l’Environnement,
l’Education, la Santé, l’Eau potable et
Assainissement, la Sécurité Alimentaire, l’Appui
budgétaire et la Gestion des finances publiques. Les
six PTF qui accordent des ABG (Aide Budgétaire
Globale) rencontrent moins de difficultés de coor-
dination que ceux des ABS (Aide Budgétaire
Sectorielle) en raison de la sensibilité de chaque
donateur à se fixer sa propre priorité. Pour sa part,
l’Union Européenne (UE) vient de présenter à
Bamako son propre Code de Conduite sur la com-
plémentarité et la division du travail dans la
politique du développement.
2. La Commission Mixte Mali/PTF regroupe l’ensem-
ble des PTF et les autorités maliennes, elle est co-
présidée par le Ministre de l’Economie et des
Finances et par le Chef de file des PTF. Les supports
techniques de la Commission Mixte sont des outils
généraux comme le Cadre Stratégique de Lutte
contre la Pauvreté (CSLP) ou sectoriels comme les
Programmes en Institutions/Décentralisation,
Education ou Santé. Ils sont accompagnés d’ins-
truments d’opérationnalisation budgétaire
pluriannuelle (Cadre Budgétaire à Moyen Terme -
CBMT, Cadre des Dépenses à Moyen Terme CDMT,
Accord Cadre pour l’Appui Budgétaire) et de
dialogue politique dont la maîtrise et
l’intensification sont en cours de consolidation.
Toutefois, le faible leadership de la partie
gouvernementale, les limites du processus
participatif de la société civile et le manque
d’analyse partagée au sein des PTF sont, entre
autres, des facteurs qui ne contribuent pas à
l’efficacité de la Commission Mixte.
3. La Mission de Développement et de Coopération,
rattachée à la Présidence de la République, assure
directement auprès du Chef de l’Etat le suivi et
l’impulsion à donner aux activités.
Pour la mise en œuvre des objectifs de la Déclaration
de Paris (DP), le Gouvernement du Mali, à travers le
Ministère de l’Economie et des Finances, vient de
valider un Plan National d’Actions sur l’Efficacité de
l’Aide au Développement (2007-2009) selon 12
indicateurs autour des cinq axes que sont l’appro-
priation, l’alignement, l’harmonisation, la gestion axée
sur les résultats et la responsabilité mutuelle. Inscrit
dans un tableau de bord de cible, d’actions, de
suivi/vérification, de responsable et de calendrier, le
rappel détaillé de ces 12 indicateurs donne une idée des
défis à relever au Mali (Gouvernement du mali 2007).
Cette initiative a obtenu une réponse par le PTF
formulant une feuille de route d’harmonisation (Pool
2007b).
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
5
Formulation et suivi du CSLP
Le passage progressif de l’aide projet à l’aide pro-
gramme puis à l’aide budgétaire se traduit à présent
par une nouvelle vision du développement et une
relecture des relations entre donateurs et
récipiendaires inspirée de la Déclaration de Paris.Mais
auparavant, la prise en compte des recommandations
de l’atelier sur les réformes institutionnelles pour une
meilleure coordination de l’aide tenue en novembre
1999 avait contribué à faire admettre, aux décideurs
nationaux et aux PTF du Mali, la nécessité d’élaborer
un cadre de référence unique. Ce dernier allait
bénéficier de la mise en place par le FMI de l’initiative
de réduction de la pauvreté liée à la réduction de la
dette en faveur des Pays Pauvres Très Endettés
(PPTE).
Ce cadre unique de référence, à l’origine Document de
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), est
devenu le Cadre Stratégique de Lutte contre la
Pauvreté (CSLP), adopté par le Gouvernement pour la
période 2002 à 2006, avec l’appui des Institutions de
Bretton Wood. D’instrument de négociation financière
tenant lieu par la suite de plan de développement, le
CSLP relève du Ministère de l’Economie et des
Finances (MEF), chargé de la coordination de l’en-
semble des programmes de réforme économique. Il
constitue aussi la base des apports d’aide des PTF
ainsi que des allégements de dette consentis en faveur
de l’Initiative PPTE et de l’Initiative d’Amortissement
de la Dette Multilatérale (IADM).
La mise en œuvre du CSLP fait l’objet d’un important
appui institutionnel gouvernemental, avec tenue
régulière de rencontres de coordination :
• le Comité de Pilotage, présidé par le Premier
Ministre et composé des principaux ministères
intéressés, des PTF et des représentants de la
Société Civile;
• le Comité de Suivi, présidé par le Ministre de
l’Economie et des Finances;
• le Comité Technique National, présidé par le
Secrétaire Général du Ministre de l’Economie et des
Finances, est composé de 13 groupes thématiques et
de neuf comités régionaux;
• la Cellule technique du CSLP, rattachée au Ministère
de l’Economie et des Finances (MEF), est chargée
des activités de coordination et de diffusion des
informations;
• le Secrétariat à l’harmonisation de l’aide, au sein du
MEF, est une nouvelle unité de coordination inter-
ministérielle mise en place en 2007 suite à la DP;
• la Direction Nationale du Plan et du Développement,
au sein du Ministère du Plan et de l’Aménagement
du Territoire (MPAT), est responsable de la
publication annuelle du rapport de suivi du CSLP.
Par ailleurs, un certain nombre de services techniques
publics sont chargés de produire des données
statistiques.Parmi ceux-ci, il y a la Direction Nationale
de la Statistique et de l’Informatique (DNSI), au sein
du MPAT, et l’Observatoire du Développement Humain
Durable (ODHD) - un projet financé par les Nations
Unies - au sein du Ministère du Développement Social
et des Personnes Agées (MDSA). De plus, chaque
département ministériel dispose de sa propre Cellule de
Planification et de Statistique (CPS). En termes de
suivi du CSLP et de gestion des résultats, les diverses
contraintes sont :
1. le manque de fiabilité des données statistiques ne
favorise pas l’évaluation de l’impact de réduction de
la pauvreté. Selon les représentants des PTF, les
fréquents rapports de planification ne reflètent pas
la réalité et les donateurs, sous la pression des
décaissements, n’arrivent pas à vérifier les données
produites dans les dépenses effectuées par les
ministères. Une illustration de cette situation est le
calcul de l’Indice de Développement Durable (IDH)
: selon le PNUD, l’espérance de vie au Mali est de
47,9 ans et le Mali est classé au 175ème rang sur
177, avec un IDH de 0,338. Selon le Ministère du
Plan, l’espérance de vie est de 65,5 ans, et l’IDH de
0,450. Un long chemin reste à parcourir pour
l’utilisation publique des données statistiques au
Mali, aussi bien de la part des auteurs que des
utilisateurs d’une information chiffrée fiable.
2. les rapports de suivi budgétaire sont élaborés
Working Paper 50
6
séparément du CSLP. Ils portent plus sur la
régularité des opérations que sur les impacts des
priorités et résultats du CSLP. Parce que le budget
d’état est conçu pour l’encaissement de recettes,
aucune relation ne peut être établie d’une part, avec
le MTEF, et d’autre part, avec les résultats ou
impacts des indicateurs de pauvreté et de
développement social. En conséquence, aucune
évaluation basée sur la gestion des résultats ne peut
être conduite. (Fritz/Lange 2006)
3. l’utilisation des données de la pauvreté et de la
gouvernance pour des raisons descriptives mais
aussi comme déclencheur des tranches incitatives.
La Commission de l’Union Européenne et le MCC
des USA, avec différentes approches d’indicateurs,
lient le décaissement à des critères de performance.
Ce qui peut potentiellement dévier la valeur réelle
des données.
L’élaboration du CSLP I (2002-2006), plus orientée
vers les secteurs sociaux et institutionnels, a certes
favorisé un large débat sur l’ensemble de la stratégie
des pouvoirs publics, notamment au sein de l’adminis-
tration malienne. Le CSLP II, défini comme le Cadre
Stratégique de Croissance et de Réduction de la
Pauvreté (CSCRP) pour la période 2007 à 2011,
décrit les politiques et programmes
macroéconomiques, structurel et social, à exécuter en
cohérence avec le Budget d’Etat. Dans ses principes, il
s’agit d’accélérer la croissance dans les secteurs
porteurs des productions rurales, des mines et des
infrastructures dans l’ordre de 7% et d’intégrer les
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)
tout en consolidant les acquis du CSLP I.
Toutefois, le processus participatif de préparation avec
le CSLP II, le CSCRP, avec une priorité affichée en
direction du secteur productif, n’a pas connu
d’évolutions significatives pour nos interlocuteurs
maliens de la société civile ou du secteur privé.
Directement validé par le Conseil des Ministres, il n’a
pas fait l’objet d’une session parlementaire en tant que
cadre unique de référence pour le développement
socio-économique du pays.
Conçues dans un sens social ou économique selon les
conjonctures d’une période à passer, les orientations du
CSLP reflètent plutôt les vues des institutions
financières internationales, multilatérales ou
bilatérales, que celles du Gouvernement et des
populations du Mali, à très forte préoccupation
budgétaire structurelle. L’inversion des priorités affi-
chées entre le CSLP I et II en faveur de la croissance
(commune à tous les CSLP dits “de seconde
génération” en Afrique) ne s’accompagne pas vérita-
blement ici d’une volonté politique élargie à tout le
potentiel d’acteurs, de zones géographiques et de
secteurs susceptibles de tirer la croissance et de
partager le développement. Et lorsque les conditions
plurielles de participation formelle et de définition des
priorités nationales sont retenues dans un cadre de
référence unique, les questions récurrentes de pro-
grammation, de mise en œuvre et de suivi des résultats
restent le plus souvent sans réponse institutionnelle
appropriée.
Ces propositions de réformes, essentiellement
sectorielles, connaissent néanmoins de nombreuses
lacunes et dysfonctionnements dans la gestion générale
du développement et particulière de l’aide extérieure
au Mali. La réponse au cadre unique de référence des
politiques et stratégies de développement à moyen
terme trouvée avec le CSLP (2002/2006), devenu
CSCRP (2007/2011), mérite cependant d’être
consolidée par une meilleure appropriation
gouvernementale, civile et privée.
Aide Budgétaire et réforme
institutionnelle
Il est désormais établi que le CSLP représente le cadre
unique de référence à moyen terme de la politique de
développement du Mali et le principal référentiel pour
l’ensemble des PTF dans leurs appuis techniques et
financiers à la mise en œuvre de plusieurs programmes
prioritaires retenus, à savoir : le développement ins-
titutionnel et l’amélioration de la gouvernance et de la
participation, le développement humain et le
renforcement de l’accès aux services sociaux, le
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
7
développement des infrastructures et l’appui aux
principaux secteurs productifs. Pour la réalisation de
ses objectifs et la réforme de la gestion des finances
publiques, l’Accord-cadre relatif aux Appuis
Budgétaires, signé en mars 2005, a formulé des
propositions de participation des PTF au processus
budgétaire et à sa revue afin d’identifier, d’analyser et
de rechercher les risques d’une part et de réaliser des
audits externes de comptes du Gouvernement d’autre
part.
Le Mali s’est engagé dans l’aide budgétaire par la
signature de :
1. Un accord-cadre appui budgétaire en 2006 avec au
départ pour six bailleurs. Maintenant huit PTF y
participent (Banque Mondiale, BAD, Belgique,
Canada, France, Union Européenne, Pays-Bas,
Suède). L’accord-cadre comporte des arrangements
spécifiques d’appui budgétaire général et d’appui
budgétaire sectoriel.
2. Un arrangement spécifique d’appui budgétaire
sectoriel (Education et Santé) en juillet 2006. Y
Participent la Suède, la Norvège et la Suisse.
3. Un arrangement spécifique d’appui budgétaire
général en juin 2007.
Un certain nombre de programmes de réforme ont été
conçus pour appuyer directement la gestion des
services publics. D’une part, ils doivent répondre aux
conditions procédurales des accords sur l’ABG et
l’ABS. D’autre part, ils sont formulés comme projets
qui doivent renforcer les performances de l’Etat.
Toutefois, les engagements d’aide budgétaire pris par
les donateurs et les critères de résultats de
développement - plutôt que le financement interne des
activités de fonctionnement des ministères – ont poussé
les relations entre le Gouvernement et les PTF à aller
plus loin.
Contrairement à une précédente évaluation de la
Banque Mondiale de 1990 à 2003 qui considérait
comme négligeable et modeste l’impact du
développement institutionnel (BM 2007c), un autre
rapport de 2005 recommandait une stratégie de
renforcement des capacités institutionnelles. Ce qui
semble être le point de vue partagé par la plupart des
PTFs. A cet égard, la question fondamentale demeure
pour le Gouvernement soit la mise en cohérence de
l’exercice budgétaire avec les résultats de réduction de
la pauvreté, en termes de programmation, de mise en
œuvre et d’évaluation. Parmi les objectifs de ces pro-
grammes de développement institutionnel, il faut citer
pour :
• la réforme du service public : le Programme de
Développement Institutionnel (PDI) et le
Programme d’Appui à la Réforme Administrative et
à la Décentralisation (PARAD) du Commissariat au
Développement Institutionnel (CDI);
• la réforme de la gestion des finances publiques : le
Plan d’Action Gouvernemental pour l’Amélioration
et la Modernisation de la Gestion des Finances
Publiques (PAGAMGFP) ; inclut le nouveau code
de procédures de passation des marchés publics et
l’élaboration de Cadre des Dépenses à Moyen Terme
(CDMT);
• la consolidation de programmes sectoriels comme le
Programme Décennal de Développement du Secteur
de la Santé (PRODESS) et le Programme
d’Investissement dans le Secteur de l’Éducation
(PISE);
• la décentralisation : de nombreux donateurs,
notamment bilatéraux, se sont engagés dans des pro-
grammes d’appui au renforcement des capacités
locales de planification et de mise en oeuvre avec
l’Agence Nationale d’Investissement des
Collectivités Locales (ANICT).
L’Organisation de Coopération et de Développement
Economique (OCDE) a réalisé en 2006, avec le
Gouvernement et 13 PTF, une enquête portant sur les
cinq axes et les 12 indicateurs de la DP (OECD 2007,
Banque Mondiale 2006a). Les constats de cette
enquête OCDE font ressortir, en ce qui concerne l’ap-
propriation, la faiblesse des liens entre le budget et le
document stratégique pays. En ce qui concerne l’ali-
gnement, il y a prise insuffisante de l’aide par les
systèmes de gestion du pays. Pour ce qui est de
l’harmonisation, elle se limite aux deux secteurs de
Working Paper 50
8
l’éducation et de la santé. Les recommandations
demandent d’élaborer une stratégie commune
d’assistance pays basée sur les priorités pays, et des
principes en matière de division du travail des
donateurs. En ce qui concerne la responsabilité
mutuelle, aucun mécanisme formel n’existe. L’enquête
OCDE recommande de mettre en place un dispositif
d’évaluation conjointe du plan d’action et d’évaluer
annuellement les efforts entrepris par le Gouvernement
et les PTF.
Evaluation
Dotée d’une législation appropriée, d’un cadre
macroéconomique, d’un CSLP et de programmes
sectoriels agréés par les principaux partenaires au
développement, d’une gestion des finances publiques
transparente, fiable et efficace et qui va être renforcée
(plan d’action gouvernemental), d’une budgétisation
pluriannuelle (CBMT et CDMTs) orientée vers les
résultats (budget de programmes) qu’elle se propose
d’institutionnaliser, et d’un mécanisme de
concertation/coordination de l’aide (Commission
Mixte Mali / PTF), la République du Mali réunit à
présent les conditions formelles d’une généralisation de
l’appui budgétaire comme instrument de coopération
financière. Et les appuis budgétaires constituent à
présent l’instrument de coopération financière entre le
Gouvernement du Mali et les PTF qui permet : (i) de
mieux coordonner leurs activités, (ii) de substituer pro-
gressivement les procédures nationales à la multiplicité
des procédures des bailleurs de fonds et (iii)
d’examiner les moyens concrets d’harmoniser les pro-
grammes et les procédures, afin de préparer une
réorientation progressive d’une partie de l’aide inter-
nationale sous la forme d’une aide- programme
transitant par le budget.
Au regard de la souveraineté nationale et de la
consolidation du leadership malien commentés par nos
interlocuteurs de la société civile, cette ouverture totale
aux PTF du processus d’élaboration du budget de
l’Etat et de l’exécution de la dépense pose de lourds
problèmes de définition des priorités, de conception du
développement, de visions du monde et de contraintes
de calendrier qui varient fortement entre donateur et
récipiendaire de l’APD. C’est le cas par exemple avec
les sous-secteurs de l’éducation, des dépenses de
sécurité ou des charges de fonctionnement (salaire,
indemnités et per diem). La qualité de l’enseignement
supérieur, la prévention/règlement des conflits et l’en-
tretien du personnel public préoccupent plus l’Etat
quand les PTF préfèrent mettre l’accent sur l’ensei-
gnement de base et les investissements collectifs. Selon
leur conception de l’efficacité de la dépense dans la
lutte contre la pauvreté au Mali, les PTF
souhaiteraient être associés au stade initial du
processus budgétaire tandis que le Gouvernement, pour
des raisons de souveraineté, n’envisage leur implication
qu’une fois les priorités définies de façon autonome.
En outre, une commission interministérielle, sous
l’autorité de la Mission de Développement et de
Coopération (MDC) / Présidence de la République, éta-
blissait en juillet 2005 que malgré son importance
dans l’économie, les institutions et la société malienne,
l’APD manque de coordination, est faiblement intégrée
dans les circuits nationaux et son efficacité peu perçue
par les populations. Un tel constat officiel situe la res-
ponsabilité de la coordination au niveau du
Gouvernement du Mali. Il rappelle la nécessité de se
référer à un unique cadre stratégique de
développement dont les procédures d’élaboration,
d’organisation et de mise en oeuvre favoriseraient la
concertation pour susciter la prise de décisions et
assurer les arbitrages intra et intersectoriels.
Par ailleurs, la Commission Mixte Mali/PTF pour la
réforme de l’APD utilise le processus CSLP comme
instance de dialogue entre les autorités maliennes et
les donateurs. Il se réduit le plus souvent à une simple
rencontre entre le MEF et les PTF. Du point de vue de
l’approche globale du développement, une telle gestion
exclusive de l’APD peut être source de dys-
fonctionnement, de confusion et de conflit avec d’au-
tres départements ministériels.1
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
9
2 comme ceux du Plan et de l’Aménagement du Territoire(MPAT), des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale(MAECI), de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales(MATCL), de l’Industrie et du Commerce (MCI), du DéveloppementSocial et des Personnes Agées (MDSPA) ou de la Promotion desInvestissements et des Petites et Moyennes Entreprises (MPIPME).
L’un dans l’autre, sous la pression des nécessités
nationales et de l’agenda international, la coordination
des procédures a largement évolué ces dernières
années. Une structure complexe multidimensionnelle
des donateurs, un affinement du système
gouvernemental et un engagement des acteurs de la
société civile ont émergé au Mali. Quand formellement,
tous les éléments du puzzle semblent posés sur la table,
il y a toujours nécessité de les assembler en une grande
figure des effets de l’aide et ceci, dans la consolidation
du processus démocratique où l’investissement public
pourrait être suivi par les citoyens et avoir une plus
grande productivité. Il est à noter ces quelques
observations qui empêchent les pièces du puzzle de se
joindre3.
• Les donateurs ont mis la charrue avant les bœufs :
comme indiqué plus haut, l’élaboration du CSLP n’a
pas respecté une séquence logique, ni techniquement
ni politiquement. Le CSLP II a été formulé avant
l’évaluation du CLSP I. De plus, elle a été réalisée
avant les élections présidentielles 2007, ce qui
n’autorise pas la synchronisation de la substance
technique avec le leadership politique.
• En termes d’horizon à long terme, les donateurs se
tiennent dans la vallée : compte tenu du caractère
attractif du Mali dans la mobilisation de l’aide pour
la réduction de la pauvreté et les indicateurs
raisonnables de gouvernance, les donateurs subissent
une croissante pression de décaissement. Ce qui peut
rapidement conduire à des goulots d’étranglement
dans les capacités d’absorption. Ceci détourne
l’attention des planificateurs d’un horizon de
développement politique de 15-20 ans qui ne corres-
pond pas aux cycles actuels de trois à quatre ans.
• Les structures de coordination ressemblent à un
cube à cinq dimensions, avec entrée d’un côté et
sortie en désordre de l’autre : l’extrême complexité
de la structure de coordination multidimensionnelle,
qu’elle soit par secteur, zonage ou instruments,
conduit à une situation de perte de temps en réunions
de la part des services techniques du gouvernement
et des donateurs. En outre, la société civile fait des
pressions pour être prise en compte dans ces espaces
publics. Bien que cela soit légitime, ce fait accroît les
coûts de transaction interne.
• Les rencontres Bamakoises entre donateurs et
gouvernement sont aussi virtuelles qu’une bourse de
valeurs : Il y a une grande déconnection entre les
rapports produits à Bamako et la réalité en milieu
rural. Les chiffres ne sont pas exempts d’erreur, les
données ne sont pas accessibles, les systèmes de suivi
au niveau national ne sont pas fiables et ils ne
peuvent servir de référence dans un débat public. Il
ne s’agit pas simplement d’une question de
disponibilité des données mais de leur fiabilité et de
l’usage à en faire. Quelques-uns de nos interlocuteurs
disent que les rapports sont établis en fonction des
situations à satisfaire, ce qui génère des chiffres
contradictoires. Certains donateurs outrepassent ce
défi en établissant leurs propres indicateurs sur la
base de l’évaluation de leurs projets tandis que d’au-
tres s’en tiennent aux données établies dans les
douces conditions des bureaux de Bamako plutôt
qu’à l’aune des dures réalités du terrain rural.
• Les donateurs passent par l’entrée de service quand
l’entrée principale ne répond pas : Il y a une large
rhétorique de complaintes à propos des principes de
la Déclaration de Paris. Quand les donateurs ne
trouvent pas de répondant immédiat avec les services
centraux des ministères, ils ont recours aux
structures gouvernementales à un autre niveau,
contournant les procédures budgétaires et de
planification. Il est tout aussi courant de négocier
indépendamment les projets avec les ministères sans
se référer aux structures centrales de planification.
La division, et souvent la compétition, entre les
ministères sectoriels du plan, des finances, de
l’administration du territoire et des collectivités
locales, et d’un nombre plus élevé d’autres
ministères, est un des effets de cette pratique et elle
contribue à sa pérennisation.
• La rencontre du théâtre et de la bureaucratie :
L’objectif, assez réussi, du Président de la
République est d’accroître le montant de l’aide.
Etant plus concerné par le volume à mobiliser, la
dimension de l’efficacité de l’aide en souffre dès l’ins-
Working Paper 50
10
3 La plupart de ces constats découle des interviews avec les inter-locuteurs de la présente mission, voir notamment la synthèse deBergamaschi, 2007.
tant qu’elle est mise à disposition dans divers
départements. Ce qui semble techniquement être un
manque de coordination pourrait avoir un sens
politique avec les ministères bénéficiant d’une
certaine latitude dans leurs mandats qu’ils trans-
forment en fiefs réservés. De plus, le Président de la
République s’est lancé dans un discours politique
parallèle en proposant son propre “Projet de
Développement Economique et Social” PDES
(Amadou T. Touré, 2007). Le PDES entre
directement en compétition avec le CSLP II, supposé
être la contrepartie nationale appropriée quand il est
reconnu très inspiré des directives des donateurs. Ce
qui est perçu par la bureaucratie des donateurs
comme “un manque de leadership gouvernemental
dans la formation des politiques publiques” dans la
gestion efficace de l’aide au Mali semble
actuellement avoir un sens politique fonctionnel.
• Bien que les donateurs dirigent la conception, un
second niveau d’appropriation “subversive” a lieu
dans la mise en œuvre : Il est indéniable à un
premier niveau que les donateurs dirigent la
conception des politiques publiques en laissant peu
d’initiatives au gouvernement. Cependant, à un
second niveau, le pays “récupère” dans la mise en
œuvre des programmes et projets. La rupture
générale entre les conceptions formelles et les
pratiques informelles contribue à cela.
Système Politique etDémocratisation
Adoptée et promulguée en 1992, la Constitution de la
3ème République du Mali, dans sa volonté de renforcer
les acquis démocratiques du 26 Mars 1991, s’engage
à défendre la forme républicaine et la laïcité de l’Etat,
les droits de la femme et de l’enfant, la diversité
culturelle et linguistique de la communauté nationale,
l’unité nationale, l’amélioration de la qualité de la vie,
la protection de l’environnement et du patrimoine
culturel, la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme du 10 Décembre 1948, la Charte Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 Juin
1981, l’Unité Africaine, la promotion de la paix, de la
coopération régionale et internationale, le règlement
pacifique des différends entre Etats dans le respect de
la justice, de l’égalité, de la liberté et de la souveraineté
des peuples.
Autoritaires ou démocratiques, les régimes politiques
qui se sont succédé au Mali de 1960 à nos jours se sont
tous construits à partir des ressources institutionnelles
du mouvement associatif, à la fois traditionnel et
moderne. Il y a une multiséculaire continuité historique
dans la relation entre les dynamiques populaires
associatives nées de communautés polygamiques
patriarcales pluriethniques et l’intervention de l’Etat
depuis l’époque des Empires Médiévaux du Soudan
Occidental. Qu’il soit, de nos jours, centralisé socialiste
(1960-1968),militaire à parti unique (1968-1991) ou
pluraliste démocratique depuis 1991, la conquête
politique des Organisations de la Société Civile (OSC)
est toujours demeurée un objectif d’Etat pour se
donner une légitimité juridique. Sans prendre part au
pouvoir, ces OSC, déclarées ou non, contribuent elles
aussi au maintien ou au changement du leadership
d’Etat.
La victoire républicaine du Mouvement Démocratique,
lors des événements insurrectionnels du 26 mars 1991,
confirme cette hypothèse historique avec l’arrivée aux
commandes de l’Etat des syndicats, des organisations
de droit de l’homme ou des associations politiques
mises en place par divers segments de la société civile
malienne, momentanément unis pour lutter contre le
régime militaire à parti unique. Pour se repositionner
dans la conquête du pouvoir d’Etat, ces mêmes
associations ont ensuite procédé à leur mutation ins-
titutionnelle en une cinquantaine de partis politiques à
la veille des élections générales de 1992. Ils sont, en
2005, plus d’une centaine de partis à solliciter les voix
électorales d’une population de 11 millions de Maliens.
En réaction au monopartisme dominant pendant trois
décennies, cette éclosion spectaculaire d’OSC et cette
prolifération foisonnante de partis politiques
traduisent plutôt un malaise institutionnel qui traverse
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
11
tout le corps social, tant urbain que rural. En effet, il y
a une forte propension à l’amalgame et à la confusion
dans les missions de ces organismes de gouvernance
démocratique. Ceci se manifeste par leur faible
autonomie dans les argumentaires et les prises de
décision, leur capacité aléatoire d’honorer les
engagements et leur manque de ressources techniques,
financières et humaines.
Dans un jeu de balancier à l’extrême, le système
partisan malien bascule tantôt entre rejet (boycott des
élections de 1997) et suivi consensuel du candidat
indépendant à la présidence de la république, de 2002
à ce jour. Un tel comportement dit “nomade” de toute
la classe politique personnalise de manière
opportuniste le très riche lien public au Mali au lieu de
le projeter et de partager dans la durée un idéal social
et économique à bâtir, à partir de la qualité autonome
des ressources humaines. Cette faible capacité de réflé-
chir, de proposer et d’agir ensemble dans la durée
légale vide de son contenu institutionnel l’opposition
démocratique aux yeux des populations maliennes,
lesquelles s’abstiennent majoritairement de voter et
finissent par décrédibiliser le leadership politique,
considéré comme strictement alimentaire.
Toutefois, après trois décennies de parti unique d’état,
le Mali connaît effectivement depuis mars 1991 un
renouveau constitutionnel de l’action publique avec
l’instauration du multipartisme intégral, l’organisation
régulière d’élections libres, la liberté de presse,
l’émergence d’organisations de la société civile,
l’ouverture annuelle de l’Espace d’Interpellation
Démocratique (EID) du gouvernement par les
citoyens, la mise en œuvre accomplie de la décen-
tralisation administrative dans 703 communes rurales
et urbaines, la conduite progressive de réformes de
l’Etat à travers le Programme de Développement
Institutionnel (PDI) et la reconnaissance officielle du
rôle du Secteur Privé. Cependant, la très faible
participation des citoyens et citoyennes au processus de
consultation électorale reste le défi majeur à relever
pour son élargissement à l’ensemble des acteurs
notamment, les femmes et les jeunes qui représentent
la très grande majorité de la population. De fait, la
pratique du consensus politique promu par le Président
de la République du Mali ne favorise pas la
consolidation de la culture démocratique par le débat.
Bien que le Mali soit perçu comme une société démo-
cratique ouverte, deux faits d’atteinte à la liberté de
presse ont porté ombrage à la consolidation de ce
processus. Cinq journalistes ont fait l’objet d’une
arrestation pour avoir publié un article estimé indécent
sur des affaires amoureuses dont le héros anonyme
serait le Président Amadou Toumani Touré. Il en fut de
même avec la publication, par un auteur anonyme, de
l’ouvrage “ATT-cratie” qui décrit les pratiques
douteuses des proches du Président.
Espace démocratique de consultation sous forme de
conférence-débats, le Centre Djoliba a ouvert en 1997
un guichet d’information écrite et orale, centrale et
régionale, sur la perception malienne de l’APD et les
améliorations à apporter à sa gestion. Sur la base des
réponses recueillies, les impressions négatives4
l’emportent de loin sur les positives. Avec un bilan
mitigé, l’APD a plus contribué à améliorer le cadre de
vie physique (écoles, centres de santé, routes) qu’à
transformer la manière de penser et d’envisager
l’avenir dans la perspective d’une prise en charge
autonome (Centre Djoliba 1997).
Pour plus d’efficacité dans la gestion courante, les
acteurs de la société civile sollicitent l’instauration
d’un dialogue concerté et d’un partage collégial de res-
ponsabilités pour combler le déficit de communication
à toutes les étapes de conception, de planification, de
mise en œuvre et de suivi-évaluation des projets et pro-
grammes d’investissement que l’APD finance (CNCS
2007, 2006, voyez Betke 2006). Pour ce faire, ils
recommandent le recours à la dynamique locale
d’autopromotion attendue de la décentralisation
territoriale à travers les 703 communes rurales et
urbaines et l’implication concomitante des autorités
coutumières (chefs de village et de fraction) afin que
l’APD atteigne ses véritables destinataires. L’idée
Working Paper 50
12
4 L’aide est détournée en amont par ses gestionnaires, plusurbains que ruraux, et elle n’arrive pas aux vrais nécessiteux
d’une législation unifiée de la gestion de l’aide a été
émise sous forme d’un code déontologique valable pour
tous les partenaires (donateurs, Etat et bénéficiaires
directs.)
Pour sa part, l’Union Européenne (UE) vient de créer
dans le cadre du 10ème Fonds Européen de
Développement (FED) un mécanisme incitatif qui
permet aux pays d’Afrique Caraïbes Pacifique
d’accéder à des fonds supplémentaires de 10 à 30% de
leur Programme Indicatif National (PNI) soumis à
cinq conditionnalités, notamment de gouvernance. A
cet égard confidentiel, le profil gouvernance du Mali en
2006 élaboré par la Commission Européenne, le
Canada, la Suisse et la Banque Mondiale fait le
constat assez critique des principales faiblesses en
matière de droits humains, de processus électoral, de
système judiciaire, de corruption, de capacité ins-
titutionnelle, de gestion des finances publiques, de
secteur privé, de sécurité intérieure, de gouvernance
sociale, d’intégration régionale et de qualité du
partenariat.
Le manque de vision stratégique globale du
développement qui caractérise toute la classe politique
malienne limite en conséquence le processus de démo-
cratisation à une simple fonction de représentation
politique à valeur lucrative. Et paradoxalement, le
citoyen malien ne croit pas à la sanction des urnes
(70% environ de taux d’abstention lors des
consultations électorales) tout en approuvant la
gestion consensuelle des ressources et des conflits qui
justifie a posteriori toutes les pratiques de corruption
et les dérives résiduelles. Aussi, le système traditionnel
de consensus politique actuellement revalorisé au plus
haut niveau du leadership d’Etat favorise plutôt une
conception attentiste et unanimiste de la vie publique
qui lamine toute volonté combative de projeter un
projet politique alternatif, par le débat et la critique
démocratique, dans un contexte de paupérisation
généralisée.
A l’exception de quelques récentes tendances pré-
électorales, ces facteurs socioculturels expliquent le
manque d’initiative des acteurs publics maliens dans la
formulation de stratégies de développement et la
lassitude dans la sphère publique. Les raisons d’une
telle attitude sont à chercher dans la forte culture
locale de l’évitement ou dans les effets secondaires des
Programmes d’Ajustement Structurel (PAS), initiés
par les Institutions de Bretton Wood, lors des années
1980. Ces dernières font toujours ressentir leurs
conséquences perverses sur l’administration, dont un
cinquième du personnel a perdu son emploi et sur les
Maliens.
La tendance générale à la dépendance à l’aide a, en
conséquence, soutenu des comportements et une
mentalité d’assisté au fil des décennies de perte de
repères politiques, d’appauvrissement physique et de
vide intellectuel naturellement remplis par les
projets/programmes des PTF et le contrôle FMI sur
les finances publiques. Le constat d’un tel échec de la
politique de libéralisation économique et de démo-
cratisation pluraliste amène à investir dans le post-
renforcement des capacités, en captant les meilleures
ressources humaines pour les doter de moyens
conséquents en vue d’objectifs de réforme d’un Etat
encore plus soumis à une quête maximum
d’opportunités d’APD.
Paradoxalement chez les PTF, il ne s’agit plus
d’appuyer le rôle universellement stratégique qui
devrait revenir à la formation des ressources humaines
et à la productivité intellectuelle de l’enseignement
supérieur malien, de plus en plus délabré dans un
contexte mondialisé de la société du savoir. L’étroite
vision des PTF ne jure que par l’Education Pour Tous
(EPT) comme si l’un des pôles de l’éducation était
exclusif de l’autre. Seule la qualité des trois pôles du
système éducatif (enseignement de base, enseignement
professionnel & technique et enseignement supérieur)
permet à un pays de gagner la bataille des ressources
humaines, donc du développement.
Face à l’ampleur réelle des réformes nécessaires à la
constitution d’une administration efficace au Mali, à
leurs propres difficultés de s’aligner sur les procédures
et structures nationales, au souci de décaisser
rapidement les fonds et d’obtenir des résultats visibles
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
13
dans des délais brefs, les PTF influent fortement sur la
balance de l’APD et déséquilibrent parfois toute pers-
pective de développement autonome, laquelle exige
d’investir économiquement dans le plus long terme et
sur la base d’une volonté politique durablement
partagée par l’ensemble du pays.
La démocratie malienne est perçue comme infestée
par des pratiques patrimoniales clientélistes (trafic
d’influence et relations de dépendance) qui
caractérisent fortement la construction des liens
sociaux selon une économie politique de la corruption.
Dans le cadre de la lutte contre la corruption qui sévit
au Mali, la Banque Mondiale a été sollicitée par le
Président de la République pour lancer un programme
anti-corruption dès 1999 (Banque Mondiale 2003).
Des sanctions et des mesures d’emprisonnement ont
été prises contre de hauts cadres de la fonction
publique et des sociétés/entreprises d’état sous le
mandat de Alpha Omar Konaré. Plus récemment, le
dernier rapport du Vérificateur Général de la
République évalue à 103 milliards F CFA, le volume
du manque à gagner de l’Etat sur la période 2002 –
2006.
Dans son discours du 22 septembre 2007 à l’occasion
de la fête nationale, le Chef de l’Etat déclarait, dans
l’esprit du renforcement de la transparence dans la
gestion des ressources publiques, avoir reçu, de 2002 à
2007, des différents services de contrôle, 722 rapports
dont 138 pouvant connaître des suites judiciaires. Il
faut dire que jusqu’en 1996, les dons d’aide budgétaire
n’étaient pas comptabilisés et certifiés par la Section
des Comptes de la Cour Suprême qui assure par
ailleurs l’audit de différents projets du Système des
Nations Unies au Mali. Depuis 1960, aucun jugement
des comptes n’a été rendu au Mali.
À présent, tous les PTF sont en voie d’harmoniser leurs
complémentarités pour une approche commune contre
la corruption. Mais au-delà des instruments classiques
de réforme et de gestion des finances publiques, le
changement des mentalités au niveau du contrôle
citoyen est à engager par la société civile et les
opérateurs privés.
Bien que la corruption soit ici un véritable phénomène
de société, la justice républicaine est particulièrement
perçue par les Maliens comme étant le service public le
plus corrompu parce qu’il représente le dernier recours
du citoyen. Malgré des textes de loi unanimement
considérés comme modernes, les pratiques judiciaires
sont toutes autres et paradoxalement admises comme
légitimes par la culture populaire.
Acteurs et institutionsDès la 1ère Revue de l’Aide au Mali en 1997, les acteurs
de la société civile interrogés ont exprimé une opinion
plutôt négative sur l’impact réel des projets et pro-
grammes financés par l’APD sur les conditions de vie
des populations. Outre le caractère superficiel de ses
effets positifs, il est reproché à l’APD de ne pas
accorder suffisamment d’importance à la structuration
interne des groupes bénéficiaires pour améliorer leurs
propres capacités de gestion communautaire si bien
que de nombreux équipements collectifs sont laissés à
l’abandon dès la fin du projet ou du programme.
Il est à noter qu’une partie non négligeable des
ressources de l’APD revient aux charges de
fonctionnement des agences internationales, nationales
et locales qui les mobilisent. Ce qui en fait parfois une
affaire de marché et de mode au service de ceux qui
investissent dans l’industrie de l’aide. Malgré une
perception de bilan assez mitigé, l’APD est cependant
bien appréciée quand les conditions politiques de son
accès démocratique, élargi et de proximité sont
assurées aux bénéficiaires réels, comme c’est le cas
dans les secteurs sociaux ou de l’amélioration des
infrastructures routières.
Deux mondes parallèles émergent, entre la classe
politique des partis avec un faible taux de
représentation électorale de l’ordre de 20% d’une
part, et la “société civile” en voie de structuration d’au-
tre part. Les PTF collaborent essentiellement avec le
Gouvernement, tout en essayant d’appuyer le
renforcement du Parlement et de la société civile.
Working Paper 50
14
Assemblée Nationale
L’Assemblée Nationale est perçue comme faible dans
le contrôle de l’exécutif gouvernemental malgré ses
interpellations parfois vives. Les mécanismes de la
Commission des Finances et de la défense des intérêts
locaux sont à améliorer. De plus, la configuration
politique des partis et le style de leadership consensuel
pratiqué par le Président de la République ne sont pas
toujours favorables à l’essor du débat démocratique.
C’est la Commission des Finances de l’Assemblée
Nationale qui a en charge d’enregistrer, d’examiner et
de ratifier l’affectation des ressources budgétaires,
nationales et internationales, destinées à la mise en
œuvre des politiques publiques, sectorielles. Elle n’est
pas dotée de capacité propre pour analyser, critiquer et
s’opposer à la conception et aux modalités d’exécution
budgétaire issue de ressources de l’Etat, de dons ou de
prêts. L’appui de la Cour Suprême, notamment la
Section des Comptes de la Cour Suprême, n’y a pas
toujours été accueilli favorablement quand il avait eu
lieu. Cependant, elle vient d’élaborer en 2007 le
Rapport sur l’Exécution des Lois de Finances de 2005
pour l’Assemblée Nationale.
Par ailleurs, le Parlement malien a la triste réputation
d’être plus intéressé par l’augmentation de ses propres
indemnités, au point de provoquer récemment la réac-
tion de la Cour Constitutionnelle qui lui a opposé une
fin de non recevoir dans un arrêt.
Organisations de la Société Civile
(OSC)
Le classement des OSC maliennes peut se faire à qua-
tre niveaux : (1) les OSC dans les villages travaillant
avec les partenaires extérieurs et maintenant les
contacts avec les populations, (2) les ONG nationales
et internationales accompagnant les populations et les
OSC dans les actions de développement, (3) les
fédérations d’OSC/ONG – telles que la CAFO, le SECO,
la FENASCOM, etc. – exécutant des programmes de
développement et tentant d’influencer les politiques et
les programmes en faveur des populations, (4) les
plateformes sous le couvert de confédérations de
fédérations d’OSC telles que le CNSC, la FECONG,
etc. qui interviennent seulement à un niveau politique.
En outre, il faut noter l’existence d’ONG inter-
nationales, parfois regroupées en Collectifs pour coor-
donner leurs interventions comme le Forum des ONG
Européennes au Mali (FONGEM) qui compte
actuellement 36 ONG membres.
Ces diverses organisations de la société civile tentent de
remplir à la fois différentes fonctions, parfois
contradictoires, de prestataire de services, de diffuseur
d’information, de pression politique et de producteur
d’études critiques. Actuellement, une procédure est en
cours pour mieux définir les avantages comparatifs des
ONG afin de mieux répondre aux critiques formulées à
l’égard du manque d’ancrage en milieu rural de celles
qui sont basées à Bamako. Cette disposition prend en
compte le besoin d’assurer une gouvernance démo-
cratique tant au sein des ONG que dans leurs
structures faîtières. Pour ce faire, un code de conduite
est proposé. La propre capacité des ONG à s’autogérer
en termes de représentativité et de légitimité reste
cependant un long processus ouvert à contestations.
(FONGEM 2007, FECONG2007a, 2007b)
La société civile est en quête de positionnement dans la
nouvelle architecture de l’aide, particulièrement dans
l’agenda international de la DP, qu’elle réduit le plus
souvent à la question de l’Aide Budgétaire Globale
(ABG) ou de l’Aide Budgétaire Sectorielle (ABS)
(FONGEM 2007). Elle a peine à se situer dans d’au-
tres éléments de la DP comme le dispositif de mesure
de la responsabilité mutuelle.
Bien que le processus participatif d’élaboration du
CSLP II n’ait pas connu d’évolutions notables pour
éviter les écueils constatés lors du CSLP I5, les acteurs
maliens rencontrés reconnaissent l’utilité du dialogue
politique instauré par le Gouvernement avec les
Organisations de la Société Civile et du Secteur Privé
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
15
5 Les limites observées concernent la représentativité, lacrédibilité et la légitimité des interlocuteurs choisis comme porte-parole de la “société civile”, mais aussi les modalités et la portée dela participation. Voir Cissoko Kama et Touré Ramatou 2005.
pour contribuer d’une part, à une certaine remontée
d’informations de la base vers les dirigeants et d’autre
part, donner une légitimité à l’obligation de rendre
compte de toute administration publique respectueuse
de l’Etat de Droit. (CNSC 2007). Les OSC sont à pied
d’oeuvre pour discuter et approfondir le dialogue
politique sur l’APD avec le Gouvernement et les PTF
afin de participer aux prochaines rencontres inter-
nationales.
Pour combler la faible prise en compte des OSC dans
la Déclaration de Paris, le Comité d’Aide au
Développement (CAD) de l’OCDE a créé un Groupe
Consultatif sur la Société Civile et l’Efficacité de l’Aide
en lui donnant le mandat de faciliter la tenue de
consultations nationales de la société civile dans les
Pays en Développement (PD) sur ce thème. À présent,
les points focaux des PTF pour la facilitation de ce
processus de consultation des OSC du Mali sont
l’Ambassade du Canada et l’Ambassade de France.
Pour préparer une participation efficiente de la société
civile malienne au processus international de réflexion
sur l’efficacité de l’aide au développement à travers les
rencontres de Cotonou, Ottawa et Accra, une
commission de pilotage a été mise en place, composée
d’une dizaine de membres coordonnés par FECONG.
Neuf consultations à la base ont eu lieu avec les
acteurs et représentants de la société civile au niveau
des régions et des cercles. Donc, en septembre 2007, un
atelier national de synthèse a été organisé à Bamako.
Les travaux de ce grand atelier ont été présentés aux
PTF et au Gouvernement du Mali pour consolider le
dialogue tripartite recherché (FECONG 2007a,
2007b). Selon les OSC, les défis de la DP sur
l’efficacité de l’APD portent au Mali sur l’engagement
pour le Gouvernement et les PTF de discuter avec les
composantes de la société civile pour approfondir le
dialogue politique; et la capacité de la société civile
comme interlocuteur crédible et représentatif pour
faire le contrepoids face à l’Etat et aux PTF. Elles
recommandent en particulier le recadrage de l’APD en
impliquant les OSC; la nécessité de rendre l’Etat plus
proactif, au lieu d’être réactif aux incitations
extérieures, en donnant plus d’autonomie conceptuelle
au CSLP, et l’amélioration de la participation
dynamique et compétente de tous les acteurs de la
société civile, notamment les opérateurs économiques
du secteur privé.
Au stade actuel de leurs disponibilités en ressources
humaines, matérielles et financières, les OSC du Mali
manquent de capacités de plaidoyer politique, de
négociation technique et de forte représentativité face
à l’Etat et aux PTF. Elles sollicitent un programme
concerté et soutenu de renforcement des capacités en
vue de les rendre plus dynamiques.
Réforme des services publics et
contrôles horizontaux
Chaque ministère est en principe doté d’un service de
contrôle interne, les inspections générales qui ont toute
latitude d’intervenir dans le contrôle horizontal, central,
régional ou local, relevant de leur département.Dans les
faits, ces structures sont mal vécues comme des “voies
de garage” pour des fonctionnaires mal positionnés. A
cet égard, elles manquent d’autorité institutionnelle et
son personnel n’est pas motivé pour mener des
investigations approfondies contre d’autres collègues.
Auprès du Premier Ministre, il existe une autre
structure de contrôle horizontal, le Contrôle Général
des Services Publics, qui est le correspondant cen-
tralisateur du dispositif des inspections ministérielles.
Il en est de même au niveau de la Présidence de la
République qui dispose de services spéciaux de
contrôle. Dans son discours du 22 septembre 2007 à
l’occasion de la fête nationale, le Chef de l’Etat
déclarait, dans l’esprit du renforcement de la trans-
parence dans la gestion des ressources publiques, avoir
reçu, de 2002 à 2007, des différents services de
contrôle, 722 rapports dont 138 pouvant connaître des
suites judiciaires.
Dans le souci d’établir l’indépendance de la justice, la
Section de la Cour des Comptes de la Cour Suprême
est l’autorité suprême des comptes en République du
Mali en matière de contrôle et de sanction (paiement,
amende ou peine pénale). Pour donner plus de capacité
Working Paper 50
16
à cet organe judiciaire, le Traité de l’Union
Économique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest
(UEMOA) de 1998 indique aux huit pays membres de
mettre en place une Cour des Comptes. C’est déjà le
cas au Sénégal, au Burkina Faso et en Guinée Bissau.
La Côte d’Ivoire, le Niger et le Togo sont en voie de le
faire. Le Mali et le Bénin sont en retard pour des
raisons ou des prétextes de constitution à réviser. Il
faut dire que jusqu’en 1996, les dons d’aide budgétaire
n’étaient pas comptabilisés et certifiés par la section
des Comptes de la Cour Suprême qui assure par
ailleurs l’audit de différents projets du Système des
Nations Unies au Mali. Et depuis 1960, aucun
jugement des comptes n’a été rendu au Mali.
De l’autre côté, le Vérificateur Général est nommé au
Mali par le Président de la République pour un mandat
de 7 ans non renouvelable. Par sa forte capacité de
communication et de contrôle, ce dernier service de
contrôle gagne de plus en plus de crédibilité auprès des
donateurs et du grand public.Toutefois, contrairement
au système administratif français qui prévaut au Mali,
le Bureau du Vérificateur Général relève d’un modèle
canadien.
La réforme des services publics revient de manière
générale au Commissariat au Développement
Institutionnel (CDI), afin que l’administration réponde
effectivement aux attentes des usagers dans le contexte
actuel de valorisation de la démocratie citoyenne, de la
pluralité des opinions et de la bonne gouvernance.Le CDI
dispose d’un plan opérationnel décennal (2006/2009) à
travers le Programme de Développement Institutionnel
(PDI), essentiellement financé par l’Union Européenne,
les Pays-Bas et le PNUD.
Malgré l’empiètement de missions entre tous ces
différents services de contrôle, des efforts sont en cours
pour harmoniser leurs données chiffrées, notamment
celles du Budget, du Trésor et du Contrôle Financier.
Décentralisation
Progressivement lancée par la Troisième République du
Mali, sur la base d’une Mission longue durée, la mise
en oeuvre effective de la réforme de la décen-
tralisation, à travers l’érection de 703 communes
rurales et urbaines, est sans nul doute la meilleure
référence du Mali en matière de politique publique
conduite avec l’appui des PTF. En témoigne la mise en
place de l’Agence Nationale d’Investissement des
Collectivités Territoriales (ANICT) dont la mission est
de recevoir et d’allouer aux collectivités territoriales
les subventions destinées à la réalisation
d’investissements, à fournir des services de proximité à
leurs administrés, à mobiliser des ressources propres, à
garantir les prêts et à assurer la péréquation entre les
différents budgets des communes (Magassa 1997).
L’ANICT dispose d’un important compte de transferts
centraux, régionaux et locaux à travers le Fonds
d’Investissement des Collectivités Territoriales (FICT)
qui lui permet d’assurer une maîtrise d’oeuvre
financière avec des procédures simplifiées. Il est
alimenté par les dotations budgétaires de l’Etat, les
contributions des PTF et les contreparties exigées des
Collectivités Territoriales (CT). Ses contributeurs
extérieurs sont : le Fonds Européen de Développement,
le Fonds d’Equipement des Nations Unies, l’Agence
Française de Développement, la Coopération Suisse, le
SNV Pays-Bas, le KFW Coopération Allemande, la
Banque Mondiale, le Canada et la Banque Africaine de
Développement.
Bien que le processus de décentralisation soit l’une des
meilleures références politiques au Mali, le transfert
des compétences techniques et financières aux
collectivités territoriales n’est pas encore réalisé. En
raison du dynamisme des enjeux de proximité, plus de
la moitié des maires n’ont pas été reconduits lors des
élections communales de 2004 qui ont réussi à obtenir
le taux de participation le plus élevé de toutes les
consultations organisées au Mali, soit plus de 40%.
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
17
Principaux défis àrelever
Il semble exister trois mondes déconnectés les uns des
autres au Mali : on peut les surnommer le théâtre, la
bureaucratie et le village. Le discours présidentiel est
essentiellement intéressé à accroître les flux de l’aide
et à rechercher immédiatement les effets paternalistes,
populistes et charitables dans ses relations avec les
populations. En créant un programme parallèle, le
PDES, la vision présentée poursuit davantage des
objectifs de marketing politique que de renforcement
des institutions. En outre, la manière dont le président,
vu comme un “père de la nation”, cherche le consensus
politique, le dialogue et la représentation a permis, dit-
on, d’éviter une série de confrontations sociales. Un
exemple couronné de succès c’est la gestion politique,
intitulée “Accord d’Alger” lors du dernier soulèvement
des Touaregs. On pourrait décrire ce style de discours
politique comme le “théâtre”.
Pendant ce temps, dans les bureaux occupés de
Bamako, les donateurs s’engagent dans des
mécanismes sophistiqués de coordination, c’est
pourquoi on peut les nommer comme étant la “bureau-
cratie”. Par ailleurs, l’initiative prise par des acteurs
nationaux est parfois étouffée dans la formulation
autonome des politiques par les approches, les modèles
prédéterminés et le leadership intellectuel des nom-
breux consultants étrangers. Cependant, les
fonctionnaires maliens gardent une tendance
historique à leur laisser facilement le dernier mot.
Aussi, les donateurs ne représentent pas un bloc
monolithique et peuvent être l’objet de division. Il y a
ceux qui démontrent une tolérance zéro et une appro-
che de confrontation face à la mauvaise gouvernance,
à la corruption et à la lenteur de la réforme juridique
concernant l’équité homme-femme. Ces donateurs
soutiennent le renforcement des institutions ou des
programmes de réforme sur les droits (civils-humains),
sollicitant des ouvertures vers la société civile afin
d’augmenter la pression.
À l’inverse, d’autres refusent d’escalader le “versant
occidental de la montagne” et recommandent un
engagement critique à huis-clos, en restant
particulièrement sensible à l’aspect diplomatique. Ils
sont doués pour trouver des conseillers expérimentés et
bien positionnés au sein du gouvernement. Un
troisième type de donateurs évite d’être impliqué au
niveau politique, quoiqu’ils préparent des recettes et
formules macro-économiques pour le gouvernement
qui lui, compte-tenu du poids du donateur, décline
rarement l’aide suggérée.
Une quatrième catégorie se situe entre “éviter les
gouvernementaux” et travailler à sa façon sur le
terrain. En conséquence, ceux-ci réussissent peu à s’ali-
gner sur les systèmes nationaux. Ces donateurs
travaillent avec les administrations et représentants
locaux, ou directement, avec les structures des ONG.
Les plus habiles parmi eux créent des liens parallèles
avec les politiques nationales qui aboutissent aux
régions en dehors de Bamako. Ces derniers offrent
dans tous leurs programmes une composante
importante dédiée à la formation des compétences.
D’autres ignorent tout simplement la structure de
l’État et ont affaire à des acteurs non
gouvernementaux, souvent avec leurs propres agents
expatriés, au détriment des Maliens, afin que le “travail
soit effectué”.
L’un des développements les plus intéressants en
termes d’efficacité de l’aide est le dernier effort
effectué par les partenaires techniques et financiers
pour une division du travail de coopération, allant
même au-delà des cibles de la Conférence de Paris. En
ce sens, chaque donateur au Mali, dirigé par la C.E.,
s’efforce de faire “plus dans moins de secteurs”. Une
matrice a été élaborée afin d’évaluer le poids sectoriel
de chaque programme de donateurs au sein de son pro-
pre portfolio (Pool 2007); elle montre la grande
dispersion et prolifération d’intervenants dans les
mêmes secteurs. C’est la première fois que cela est
devenu évident et maintenant que la question puisse
trouver réponse à travers une stratégie commune
d’assistance. C’est une première évaluation et un
processus délicat qui a débuté conjointement entre les
Working Paper 50
18
bailleurs, non seulement pour identifier ce qu’ils réus-
sissent particulièrement bien (avantages comparatifs)
mais ce qu’ils font mieux que les autres (avantages
compétitifs).
Finalement, il y a la réalité des villages et des régions
rurales. Les mondes décrits plus haut, connaissant des
logiques différentes, sont déconnectés de la vie
quotidienne des Maliens des villages et des périphéries
urbaines. De nombreuses campagnes de consultation et
d’information ont été menées pour renverser la
tendance mais elles restent surtout symboliques.
Plusieurs raisons peuvent expliquer ces faits. Tout
d’abord, les députés de l’Assemblée Nationale, élus sur
une base géographique et par scrutin majoritaire à un
tour, n’ont pas pour habitude de communiquer les
préoccupations de leurs concitoyens au gouvernement
et ils n’acheminent pas en retour l’information sur les
opportunités des programmes gouvernementaux.
Ensuite, la capacité de supervision du Parlement, sur-
tout au niveau de procédures de budgétisation, est en
général très faible. Et quoiqu’il y ait eu consultation
des parlementaires et des acteurs de la société civile
sur la stratégie de réduction de la pauvreté, le fait qu’il
existe une faible connexion entre la planification et le
budget donne à ces exercices un impact plutôt insi-
gnifiant, même s’ils peuvent être utiles sur le plan de
l’information.
Troisièmement, il existe de nombreux ateliers
participatifs, de consultations et d’exercices de
délibération. La prolifération des acteurs, des agences
gouvernementales, d’ONG ou de donateurs, ainsi que la
très pauvre qualité des données collectées rendent le
système d’autant plus difficile à comprendre. Il y a lieu
de noter que les données gouvernementales sont de
mauvaise qualité et que presque tous les donateurs font
défaut dans leurs stratégies de communication au
grand public sur ce qu’ils font et combien ils dépensent.
En ce qui les concerne, les ONG revendiquent
représenter les groupes locaux et agir en tant que
courroie de transmission de l’information du centre
vers la périphérie (et vice versa). Cependant, le système
d’autogouvernance de ces dernières, les discutables
questions liées à leur représentation et légitimité, leur
déformation institutionnelle par les fonds externes et
des structures internes quelquefois non-démocratiques
font peser des doutes sur leur rôle d’agent neutre. En
résumé, la difficulté d’obtenir de l’information et le
système confus de communication empêchent les
Maliens de se changer de sujets passifs qui attendent
patiemment l’aide en citoyens actifs qui défendent
leurs droits.
Il existe nombre de situations dans lesquelles la
présence de donateurs et leurs interventions inter-
agissent avec le système politique et la culture du Mali.
Ayant vécu près de quinze ans sous un régime démo-
cratique, la pratique gouvernementale de rendre des
comptes est encore peu développée et cette res-
ponsabilité est plutôt externalisée vers les donateurs et
non dirigée vers les citoyens. Le cadre méthodologique
de cette étude (Meyer/ Schulz 2007) demande d’in-
clure le “triangle de contrôle” – parlements, contrôles
horizontaux de l’administration et de la société civile –
au sein de l’interaction de donateurs. Une quatrième
dimension propre au Mali, la déconcentration du
pouvoir vers les entités fédérales, entre en ligne de
compte.
Les donateurs défendent activement ces mécanismes de
contrôle et de supervision. Un fonctionnaire de longue
date de la Section des Comptes de la Cour Suprême
expliquera qu’il y aurait eu peu de chances que son
service public soit actif sans l’important soutien des
donateurs. Une illustration singulière est la création du
Bureau du Vérificateur Général soutenu par les
donateurs. Ce bureau, chargé de combler le déficit de
contrôle, a récemment publié un rapport qui a reçu une
attention significative. Néanmoins, sa position ins-
titutionnelle, ses bases légales et sa relation avec la
section de comptes de la Cour Suprême sont contestées.
Ceci devient particulièrement le cas lorsque les
donateurs soutiennent plus cette entité que d’autres.
Même s’il y a peu d’appui direct des partenaires pour
le développement de partis politiques, des efforts sont
cependant fournis afin de renforcer le rôle du
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
19
Parlement, efforts soutenus par le PNUD, l’Institut
Néerlandais pour une Démocratie Multipartite
(NIMD), l’Institut National Démocratique Américain
(NDI) ainsi que le Friedrich-Ebert-Stiftung Allemand
(FES 2007). Ce dernier vient juste de publier un guide
pratique pour le Parlement (FES 2007).Toutefois, ces
programmes de promotion de la démocratie sont peu
liés aux interventions dites “standard” ayant pour but
de réduire la pauvreté et de renforcer les institutions.
Un interlocuteur partenaire dans l’appui à ces
organisations a insisté pour ne pas être catalogué en
tant que “donateur” mais bien comme promoteur de la
démocratie.
La sphère politique est sans doute la moins développée
en termes de soutien des donateurs et d’instruments
applicables. À l’inverse, la société civile est bien
financée. Le débat actuel selon lequel les ONG
pourraient gérer leur secteur plus démocratiquement a
déjà été mentionné, de même que leurs avantages
comparatifs. De plus en plus, ces dernières se concen-
trent sur les plaidoyers et leurs fonctions de contrôle,
au lieu de la provision de services, leur principale
activité. Cette tendance est suivie par les donateurs.
L’Union Européenne a notamment un programme flexi-
ble et des mécanismes de collecte de fonds pour les
organisations de la société civile dans un programme
dénommé ARIANE, visant à stimuler les
connaissances et la participation des citoyens dans la
gouvernance locale.
La décentralisation apporte une quatrième dimension à
l’équilibre des pouvoirs dans ce “triangle de contrôle”.
Si les donateurs avaient à choisir entre celui-ci et la
décentralisation pour le mécanisme de res-
ponsabilisation le plus convaincant, de bonnes raisons
les pousseraient à éviter le triangle, en raison des
contrôles administratifs peu convaincants, de la
potentielle politisation du contrôle parlementaire ainsi
que de la discutable légitimité de la société civile.Voici
pourquoi de nombreux donateurs voient en la décen-
tralisation un moyen sérieux et viable de donner le
pouvoir au peuple (Betke 2006). En tous cas, il n’est
pas nécessaire de sélectionner entre d’un côté, la
séparation des pouvoirs et la supervision au niveau
national et de l’autre, le système de vérifications et
d’équilibres de pouvoirs au sein du système fédéral.
Cependant, les donateurs comprennent de plus en plus
que personne ne peut tout gérer et que la division du
travail de coopération est un passage obligé.
Les bailleurs de fonds au Mali, de par de leur propre
fonctionnement, contribuent potentiellement et
significativement au manque de transparence des ins-
titutions publiques. L’exercice de supervision de la
Déclaration de Paris (2006) souligne que l’aide est
imputée de manière insuffisante dans les systèmes
internes gouvernementaux et que les donateurs
profitent de nombreuses structures de contournement
via les structures de mise en œuvre parallèles (OCDE
2007). L’évaluation de la responsabilité financière
publique de 2007 note le comportement des donateurs,
en termes de flux d’aide prévus et attendus
(prédictibilité), en leur donnant le score le plus bas
possible (PEFA 2007). Les bailleurs de fonds
contribuent à la faible prévisibilité des déboursements
de l’aide extérieure et à sa prise en compte dans les
documents et comptes budgétaires de l’Etat. La multi-
plicité des structures de coordination de l’aide au
niveau du gouvernement malien caractérisée par
l’absence d’un guichet unique rend la comptabilisation
de l’aide publique difficile.Tous ces facteurs conjugués
contribuent à une faible transparence dans la
comptabilisation des flux d’aide reçus par le
gouvernement du Mali.
En règle générale, la supervision du citoyen, via le
parlement ou la société civile critique, dépend
grandement de l’action publique clairement définie et
prévisible. Les donateurs empêchent cela en multi-
pliant les programmes de prestations de services,
laissant ainsi les responsables du gouvernement dans le
flou lorsqu’il s’agit de savoir de quels moyens ils
peuvent disposer pour réaliser leurs objectifs. En
conséquence, l’action gouvernementale devient arbi-
traire et les droits ne sont pas clairs car ils n’ont pas
de responsabilité institutionnelle identifiée et ne
bénéficient pas de budget conséquent. Dans un tel
contexte, la responsabilité institutionnelle et politique
est flouée. Un effet non désiré de l’aide c’est que les
Working Paper 50
20
citoyens eux-mêmes ne savent pas ce qu’ils peuvent
espérer de l’État, dont bon nombre de fonctions en
matière de développement et de service public sont en
réalité assurées par les bailleurs de fonds. Les premiers
signes de changement sont perçus dans les réactions
causées par les modalités d’aide au soutien budgétaire.
Bien que seulement 10% environ de l’aide totale soit
versée sous forme de soutien direct au budget, les ONG
commencent à s’interroger sur leurs rôles, alarmées
dans un premier temps par la baisse des fonds alloués
à leurs activités, préoccupées ensuite par l’intégrité et
l’efficacité des services publics (FONGEM 2007).
Dans l’ensemble, les donateurs sont impliqués dans le
renforcement des systèmes de contrôle et d’équilibre
des pouvoirs du système démocratique au Mali. Ils ont
pourtant ces deux défauts :
1.Tout d’abord, les programmes de renforcement ins-
titutionnel de fonctions de contrôle ne sont pas
interreliés. Il n’existe pas de connexion entre les pro-
grammes de la société civile et les systèmes de
supervision administrative. Les ONG sont mal
formées pour comprendre les détails
constitutionnels de contrôles horizontaux et la
plupart des rapports de la Cour des Comptes sont
inaccessibles, littéralement, et de par leur
présentation. Exception faite du nouveau bureau du
Vérificateur Général qui possède une stratégie de
communication. Néanmoins, de nombreuses
personnes interviewées notent que sa fonction est
plutôt exotique dans le système malien. De plus, il
n’y a pas de liens entre le Parlement et les autres
parties du triangle. Le parlement et la société civile
semblent être comme deux mondes à part et la
capacité des députés à analyser les résultats des
corps administratifs de supervision est très limitée.
Cela signifie que le donateur qui se concentre sur
une partie du triangle omet les deux autres parties
et ce qu’elles pourraient s’apporter.
2. Le deuxième point faible est le manque de
connexion entre la programmation standard de
l’aide et l’appui aux fonctions de supervision et de
bonne gouvernance. La plupart des programmes
sectoriels ne prennent pas en compte les liens entre
les services publics et la participation politique des
citoyens au-delà de celle des bénéficiaires. Alors
qu’une évaluation technique des plus complexes est
menée sur la Responsabilité Financière et les
Dépenses Publiques (PEFA), celle-ci se concentre
particulièrement sur la rigueur de la branche
exécutive qui ne tient pas compte des portes d’entrée
possibles pour le Parlement et la société civile. Des
experts techniques élaborent de grands projets
tandis qu’une évaluation des effets secondaires
politiques n’est que rarement entreprise. En outre,
un certain nombre d’experts en promotion de la
démocratie entretiennent de faibles relations avec
leurs collègues chargés de la branche de la réduction
de la pauvreté.
Conséquences pourles bailleurs de fonds
Le Mali est en train de concevoir une nouvelle politique
de coopération dans le cadre de l’aide publique au
développement qui pourrait donner plus d’éclat sur le
contrat entre le gouvernement malien et le peuple.
Alors que le premier CSLP fut davantage imposé, le
second a généré plus de débats. La Déclaration de
Paris et le débat sur la division du travail qui en a
découlé mène à un ensemble de standards locaux pour
une aide de qualité. Ceci va de pair avec les efforts du
gouvernement pour améliorer encore plus la
gouvernance et structurer les fonctions clés des
compétences de l’État telles que le service civil, la
gestion financière et les prestations de services dans le
contexte de la décentralisation de pouvoirs aux entités
locales.
Un dispositif permettant de surveiller mutuellement les
engagements des bailleurs de fonds et de l’adminis-
tration malienne (responsabilité mutuelle) a été
proposé. La séparation de la rhétorique de
planification avec l’exercice de budget et des réalités de
mise en œuvre semble diminuer graduellement. Même
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
21
si la fiabilité des données demeure assez faible et n’est
pas encore l’objet de débat public, les institutions de
statistiques sont renforcées et elles œuvrent pour que
les résultats de développement puissent être mesura-
bles au niveau de la population. De plus, les ONG ont
commencé à débattre de leurs avantages comparatifs
et de leur gouvernance interne. Elles demandent de
plus en plus accès à l’information et l’admission aux
entités délibérantes. Après les élections de 2007, le
Parlement a tendance à devenir une représentation
avec une opposition véritable au lieu d’être une simple
caisse de résonance du Président de la République. Les
mécanismes de supervision tels que la Section des
Comptes, le Vérificateur Général et des contrôles inter-
nes deviennent plus efficaces et professionnels.
A cet égard, certaines habitudes dans les pratiques des
bailleurs de fonds au Mali doivent être modifiées :
l’accent sur les analyses et les capacités, qui mettent
l’État et ses compétences au centre de leurs préoc-
cupations, vont à l’encontre des anciennes pratiques
qui instauraient la responsabilité envers les bailleurs de
fonds à travers les conditionnalités et contournaient les
structures nationales à travers les projets. Quelques-
unes des considérations ci-dessous pourraient les ren-
dre plus sensibles à la dimension politique de
l’harmonisation de l’agenda.
Dialogue politique
Tel que mentionné plus haut, le Mali fait preuve d’un
faible leadership dans la formulation de politiques
publiques mais il adopte ce que l’on a nommé une
“appropriation subversive”, avec ses gains respectifs.
Par ailleurs, la partie des bailleurs de fonds est loin
d’être monolithique dans leur approche de la dimension
du partenariat et des politiques proposées. Dans cette
relation de pouvoir entre le gouvernement et les
donateurs de l’aide, les réactions à la Déclaration de
Paris, l’inventaire, la mise en place de standards et leur
suivi ont nourri un dialogue basé sur des standards
négociés, ce qui va à l’encontre des accords bilatéraux.
Cette nouvelle attitude sera renforcée par l’élaboration
d’une Stratégie d’Assistance Conjointe (SCAP) et la
promotion de la division du travail de coopération qui
peut avoir un certain impact sur le dialogue politique.
Lorsque le gouvernement devra se charger de définir
les avantages comparatifs et le leadership de bailleurs
de fonds dans un secteur déterminé, sa position devrait
évoluer lentement du récipiendaire de l’aide à un
gouvernement qui choisit le type d’assistance que lui
paraît nécessaire. Pour leur part, les bailleurs de fonds
ont décidé d’établir des conditionnalités de manière
plus transparente, que ce soit dans le déclenchement de
dépenses de réduction de la pauvreté de la Banque
mondiale, la Tranche Incitative de Gouvernance du
10ème FED de la Commission Européenne ou le
Compte Américain du Défi du Millénaire (MCA).
En réponse, un effort significatif est fait au Mali afin
d’inclure les Organisations Non Gouvernementales
(ONG) dans le débat concernant l’application des
principes de la Déclaration de Paris. Les ONG sont
confrontées à deux situations : d’une part, une
position protectrice dans les domaines établis de leurs
opérations et d’autre part, une volonté récente de
satisfaire les nouveaux rôles de conseillers et
contrôleurs de politiques publiques. En se dotant de
standards de bonne gouvernance interne et de propres
régulations du secteur, ce groupe est conscient du
besoin de nouvelles compétences d’analystes et de
capacités à communiquer et à influencer.
À la lumière de cette nouvelle relation d’aide, les
bailleurs de fonds sont appelés à se pencher sur la
nature de leur engagement politique avec les pays
partenaires. Les nouvelles modalités d’aide dont la
Déclaration de Paris fait la promotion, que certains
bailleurs de fonds ne prennent pas en compte, ont
modifié la relation d’aide et préconisent vraiment le
dialogue. Alors que de plus en plus d’information sur
les programmes d’aide est rendue disponible, il manque
encore la mise en place d’un procédé de mesure de res-
ponsabilité mutuelle.
Dans d’autres pays africains, il existe des exemples
d’inventaire indépendant des pratiques de l’aide qui ont
déclenché le débat sur la signification de relations
d’aide, y compris la conditionnalité. Au Mali, un
mécanisme similaire pourrait stimuler des accords
Working Paper 50
22
définis localement sur les standards de bonne donation
et bonne appropriation. Ceci devrait être suivi par les
cycles budgétaires annuels et se concentrer chaque
année sur un ou deux thèmes spécifiques. Ainsi, les
bailleurs de fonds se verraient obligés à se positionner
clairement sur un continuum entre ne pas se révéler et
être transparent. Ils peuvent soit réduire leur rapport à
des données strictement techniques du Ministère de
Finances, soit initier un dialogue plus large avec tout le
gouvernement ou même afficher leurs contributions et
approches de la société civile. Ce qui permettra
d’appuyer le gouvernement dans le développement
d’une “appropriation démocratique” des politiques
d’aide.
Recommandations clés :
• Soutenir la mise en place du mécanisme d’évaluation
de la responsabilité mutuelle, tel que proposé dans la
Déclaration de Paris
• Mettre en évidence les conditionnalités, les
décaissements et le déclenchement du déboursement
à la société civile et au Parlement.
• Appuyer la société civile dans l’analyse et l’ap-
préciation du procédé et du contenu technique de la
relation d’aide.
Capacités d’analyse
La nécessité d’étendre l’horizon de temps au-delà des
cycles de dépenses de trois ans vers une analyse
d’économie politique a été mentionnée. La pression
grandissante de décaissement et la dispersion de
certains bailleurs de fonds dans de nombreux projets et
secteurs ne favorisent pas la vision du développement
à long terme.
Les analyses fournies par des consultants extérieurs,
employés pendant de courtes périodes, ne garantissent
pas l’appropriation des connaissances par les agences
de l’aide. Le renouvellement fréquent du personnel est
aussi aggravant. De plus, même si les occasions
informelles de partage de l’information existent, il y a
peu de partage formel d’analyses du pays au sein de la
communauté de bailleurs de fonds qui ait le niveau des
standards internationaux. Au-delà de ces obstacles
bien connus, deux défis primordiaux se présentent au
Mali.
En premier lieu, la présence de bailleurs de fonds
étouffe potentiellement le développement d’un secteur
académique indépendant. L’impact négatif sur la
culture démocratique est la distorsion du paysage
académique lorsque les bailleurs de fonds
monopolisent la plupart des experts dans des activités
comme la gestion et l’évaluation de programmes. Ce
qui se traduit par le fait que les institutions de recher-
che maliennes ne réussissent pas à canaliser et à
garder des personnes compétentes. Le paysage
académique malien comporte de nombreux
consultants individuels plutôt que des institutions
compétentes. Alors que les bailleurs de fonds sont
passés des projets aux politiques, ceci n’a encore
aucune répercussion sur l’organisation du savoir.
Même s’il existe plusieurs approches sectorielles et
quelques fonds regroupés, les bailleurs de fonds n’ont
pas mis en place des ressources communes dédiées à la
création et à la promotion institutionnelle d’ins-
titutions indépendantes tournées vers l’analyse de
politiques publiques, des problèmes fiscaux et du
développement économique. Il semble difficile pour les
bailleurs de fonds d’abandonner leur leadership dans la
“production de la vérité”. La défense du point de vue
des universitaires des pays donateurs l’emporte et peu
d’analyse conjointe et concertée avec les pays
récipiendaires est effectuée.
En second lieu, de plus en plus de problèmes doivent
être étudiés en tenant compte de la mondialisation
alors que le besoin d’analyse décentralisée vers les
bureaux de pays de l’agence ou de l’ambassade est
urgent. Les interdépendances de gouvernance globales
dispensent de plus en plus les politiques nationales du
contrôle de l’exécutif gouvernemental. Au Mali, le
gouvernement et la société civile commencent à
mesurer et à critiquer l’impact des régimes inter-
nationaux de commerce, d’immigration, de changement
climatique, de sécurité et autres questions trans-
versales. Au sein des pays de l’OCDE, la cohérence des
politiques – l’harmonisation des objectifs des politiques
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
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autres que l’aide avec l’objectif de la réduction de la
pauvreté – est admise au sein des quartiers généraux
des bailleurs de fonds. Le dialogue interministériel peut
ici atténuer les divers impacts des politiques de
sécurité, de commerce, d’immigration et autres sur la
population malienne.En même temps, il devient de plus
en plus important d’évaluer les répercussions de ces
politiques sur le terrain, et de réintégrer la réflexion sur
l’aide à une réflexion plus globale sur les relations et
les échanges nord-sud.
Au Mali, trois domaines sont d’une importance
particulière : 1/ la sécurité, surtout pour sa place de
premier rang dans la guerre contre le terrorisme; 2/
l’immigration, en tant que pays de départ ou de transit;
et 3/ le commerce international, avec les produits issus
de l’agriculture cotonnière et les ressources minières.
Par exemple, les liens entre la migration et le
développement deviennent évidents, même si cela est
souvent perçu et réduit à des problèmes économiques.
L’impact des communautés immigrantes maliennes sur
le développement politique est aussi significatif que
faiblement étudié.
Ces types de problèmes ne peuvent être perçus que
partiellement au niveau des bureaux nationaux car de
plus amples informations sur la situation politique,
sociale et économique de ces personnes vivant dans les
pays “donateurs” sont absolument nécessaires. Les
agences d’aide et les représentations diplomatiques
devraient non seulement mettre en œuvre ces pro-
grammes mais aussi jouer un rôle conséquent dans le
dialogue national du pays d’origine. De plus, ils doivent
commencer à mieux travailler en direction de leurs
propres pays en informant leurs ministères sur les
effets des politiques autres que l’aide avec des
arguments convaincants. Ce nouveau mandat élargirait
de façon significative le spectre d’analyse.
Recommandations :
• Doter les bureaux pays de compétences pour qu’ils
puissent réaliser des analyses d’économie politique
sur les effets collatéraux de l’aide et des trajectoires
politiques à long terme;
• Élaborer des instruments financiers et une assistance
technique pour le développement institutionnel des
instituts de recherches maliens afin qu’ils adhèrent
aux standards de rigueur académique et
d’indépendance politique;
• Renforcer les bureaux pays afin qu’ils contrôlent
l’impact des politiques autres que l’aide de leurs pays
d’origine sur les opportunités de développement;
• Fournir des arguments pour favoriser le dialogue
interministériel au sein de leur propre pays donateur;
• Coopérer avec la société civile malienne, les
universitaires et la classe politique afin d’évaluer et
d’exposer les politiques publiques;
• Analyser l’influence des communautés immigrantes
sur le développement politique.
Choix des instruments
Au sein de la société civile, l’instrument d’aide budgétaire
a généré un débat sur le rôle de l’État et a attiré
l’attention vers les mécanismes de participation et la
supervision démocratique. La “danse autour du budget”
défendue par cette modalité remet l’accent sur la
question de l’accès à l’information et des données pour
les citoyens, le contrôle du parlement, les vérifications
horizontales internes et externes par les institutions telles
que la Section des Comptes et le Vérificateur Général,
avec l’éventualité de poursuites judiciaires.
Bien que l’appui budgétaire demeure une voie
importante, une combinaison d’instruments semble la
plus indiquée. Il ne s’agit pas de disperser le plus
largement possible les efforts des partenaires
techniques et financiers, mais au contraire de
préconiser la division de travail au sein de leur “cadre
de coordination” et de son secrétariat, le Pool
Technique, qui fait la promotion d’une plus grande
concentration sur moins de secteurs. Il y a cependant
un certain danger car lorsque l’on se concentre sur un
seul instrument, les bailleurs risquent de ne pas
accéder aux expériences qui sont importantes pour
leurs propres politiques de développement. Une inté-
gration de plusieurs instruments au sein du même
secteur pourrait assurer l’édification de ponts entre
“les mondes déconnectés”.
Working Paper 50
24
Là où le soutien financier pourrait “acheter un siège à
la table” et assurer la participation à un niveau élevé du
forum, l’assistance technique et le renforcement des
capacités procureraient un savoir approfondi et des
approches méthodologiques assurant la connexion avec
la base et les citoyens. Ce qui encouragerait ces derniers
à exiger de meilleures prestations des services publics
locaux, au lieu d’acquérir cela via d’autres structures,
ceci assurant la connexion à la base et aux perspectives
des citoyens. Les aptitudes, les personnalités et les
attitudes des employés travaillant pour les bailleurs de
fonds y contribueraient. C’est un atout majeur que
d’intégrer la diversité des expériences, des profils
professionnels et des personnalités dans une telle
composition diversifiée d’instruments intégrés. En d’au-
tres termes, il est important que le chef de bureau de
pays entretienne un dialogue productif avec le conseiller
politique qui interagit avec le ministre et le gestionnaire
d’un programme de la société civile, afin de relier leurs
données et réalités respectives.
En règle générale, on conseille aux bailleurs de fonds
de penser au seuil minimum d’engagement. La taille
importe. La matrice de la “nouvelle division du travail”
n’affiche pas seulement le poids d’un projet spécifique
dans le portfolio mais aussi son poids dans le secteur
en comparaison avec d’autres partenaires. À cet égard,
les bailleurs de fonds qui contribuent pour moins de
20% au sein du secteur devraient songer à se retirer
ou se repositionner. L’appareil de coordination entier
requiert un investissement conséquent. De plus, un
employé, senior au minimum, est nécessaire dans le
bureau pays afin de poursuivre les tâches de coor-
dination et d’harmonisation.
Une coopération déléguée peut résoudre quelques-uns
de ces problèmes. Un exemple de réussite est le cas de
la délégation entre la Norvège et la Suède : le premier
“s’occupant” du Mali et le second du Malawi. La
dynamique de dialogue entre le gouvernement et les
bailleurs de fonds et le mécanisme de responsabilité
mutuelle qui doit être développé devraient bientôt
convaincre les donateurs à se concentrer davantage,
soit par le raisonnement ou à travers le blâme et les
accusations directes.
Recommandations :
• S’engager complètement dans le débat actuel sur la
division du travail et identifier les avantages
comparatifs.
• Concentrer l’assistance sur des secteurs clés.
• Évaluer la viabilité d’un mélange d’instruments au
sein d’un secteur et s’efforcer à adopter une appro-
che transdisciplinaire au sein du bureau pays.
Mise en place institutionnelle
Avec la Déclaration de Paris, l’appropriation se
déplace supposément du Nord vers les pays
récipiendaires de l’aide. Le Mali fut longtemps perçu
comme un cas d’expérimentation plutôt qu’un leader
dans les nouvelles structures de coordination.Les plans
de développement ont été inspirées de Moscou, de
Paris, de Washington, de Bruxelles ou d’ailleurs. Une
nouvelle dynamique a récemment émergé au Mali qui
donne à la présence des preneurs de décision mandatés
à Bamako encore plus de poids. La décentralisation
vers les bureaux pays est un préalable plus que
nécessaire afin de lier les structures émergentes de
coordination du pays, les analyses conjointes, la coo-
pération déléguée, la politique de dialogue au sujet du
soutien budgétaire, la négociation portant sur une
stratégie conjointe et sur la division du travail.
La décentralisation peut aussi apporter une possibilité
de réconcilier les vides mentionnés, situés entre les cer-
cles de haut niveau qui programment l’aide et les réalités
de terrain, entre la classe politique et la société civile et
entre les communautés professionnelles qui préconisent
la démocratie et celles qui promeuvent le
développement. En conséquence, les dirigeants des
bureaux du pays doivent avoir un mandat pour négocier
de manière flexible avec leurs homologues et autres
bailleurs de fonds, tout en intégrant les parties et ins-
truments nécessaires à leurs propres programmes. Ce
n’est pas le cas pour tous, mais des exemples
intéressants vont d’une dévolution conséquente de
l’autorité, comme par exemple la délégation significative
de la prise de décision de la coopération canadienne et
l’utilisation d’instruments très flexibles de la pro-
grammation de l’aide de la coopération allemande.
Le développement au Mali: des mondes séparés? L’harmonisation des bailleurs de fonds: entre efficacité et démocratisation - étude de cas IV Hamidou Magassa et Stefan Meyer
25
La régionalisation est une autre caractéristique.
L’intégration monétaire au sein de l’UEMOA et l’inté-
gration économique au sein de l’ECOWAS et de
l’Union Africaine commencent à jouer un certain rôle
dans le développement de politiques et dans le contrôle
de standards de gouvernance. Ces points de repères
régionaux permettent de plus en plus l’apprentissage
de bonnes pratiques. Les développements démo-
cratiques, semblables aux conflits et déséquilibres
économiques, ont tendance à se répandre, grâce aux
programmes de radiodiffusion et aux migrations. Cette
tendance doit être suivie par une orientation régionale
de la programmation de l’aide. La vision se restrei-
gnant au “pays - partenaire” doit s’élargir à une
stratégie régionale. Cela implique le fait d’être présent
et de soutenir les mécanismes régionaux, tout en étant
représentés au niveau des organisations régionales en
ce qui concerne les exercices régionaux d’ap-
prentissage, souvent facilités de façon multilatérale par
l’OCDE ou le PNUD ainsi que par les réseaux de la
société civile.
Recommandations :
• Déléguer la prise de décision aux bureaux pays.
• Adapter la planification aux cycles administratifs
(budget) et politiques (électoraux).
• Etablir des liens entre les initiatives régionales et les
organisations régionales.
Ressources humaines
La Déclaration de Paris et les tendances générales
dans les politiques de développement ont modifié les
profils des équipes et des travailleurs en
développement. Le changement vers le niveau de
politique a demandé davantage d’expertise macro-
économique et de connaissances générales en
gouvernance. En étant de plus en plus happés au niveau
des politiques, plusieurs personnes interviewées se sont
plaintes du peu de contact qu’elles ont avec les réels
bénéficiaires de l’aide au Mali.
Un nouveau contexte de compétences, de dialogue et de
facilité à s’engager dans des procédures parfois encom-
brantes de la coordination est dès lors nécessaire. Des
mesures incitatives pour le personnel doivent
récompenser l’engagement dans la construction de la
nouvelle architecture de l’aide. Tel que mentionné, les
pièces du puzzle sont disponibles mais elles doivent
être assemblées durant un laborieux processus
quotidien. C’est seulement là que “l’esprit de Paris”
sera libéré et inscrit au-delà des réussites des balises
techniques. Il inclurait nécessairement une redéfinition
des responsabilités de la relation bailleurs de fonds et
pays - partenaire vers un contrat entre le citoyen et
l’État. À cette fin, un personnel engagé est la condition
clé. Stimuler la recherche d’une vision d’ensemble de la
situation, s’unir de manière ouverte avec d’autres
donateurs et contribuer à créer des institutions justes
et viables ne sera pas réalisé par une approche bureau-
cratique de management. Ce sera plutôt le cas en
adoptant une culture organisationnelle encourageante
qui tient compte des effets collatéraux de l’aide sur le
système démocratique du pays bénéficiaire.
Recommandations :
• Évaluer le travail de coordination du personnel local
et intégrer le renforcement des relations au sein de
structures et de mesures incitatives.
• Stimuler une vision stratégique et rendre disponible
des espaces d’apprentissage via des évaluations
participatives afin de passer outre l’approche techno-
cratique.
• Maintenir l’équilibre entre la gestion par la culture
organisationnelle et les objectifs de performance du
personnel technique.
• Équilibrer le renouvellement du personnel avec des
affectations à long terme.
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200733 Europe and Russia, Beyond Energy, Kristina Kausch, March 200732 New Governments, New Directions in European Foreign Policies?, Richard Youngs (editor), January 200731 La Refundación del Estado en Bolivia, Isabel Moreno y Mariano Aguirre, Enero de 200730 Crisis of State and Civil Domains in Africa, Mariano Aguirre and David Sogge, December 200629 Democracy Promotion and the European Left: Ambivalence Confused?, David Mathieson and Richard
Youngs, December 200628 Promoting Democracy Backwards, Peter Burnell, November 200627 Respuestas globales a amenazas globales. Seguridad sostenible para el siglo XXI, Chris Abbott, Paul
Rogers y John Sloboda, Septiembre de 2006
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26 When More is Less: Aiding Statebuilding in Afghanistan, Astri Suhrke, September 200625 The Crisis in Timor-Leste: Restoring National Unity through State Institutions, Culture, and Civil Society,
Rebecca Engel, August 200624 Misión de la ONU en la República Democrática del Congo: Imponer y consolidad la paz más allá de la
elecciones, Luis Peral, Julio de 200623 Angola: Global “Good Governance” Also Needed, David Sogge, June 200622 Recovering from Armed Conflict: Lessons Learned and Next Steps for Improved International Assistance,
Megan Burke, April 200621 Democracy and Security in the Middle East, Richard Youngs, March 200620 Defining ‘Terrorism’ to Protect Human Rights, Ben Saul, February 200619 Failing States or Failed States? The Role of Development Models: Collected Works; Martin Doornbos,
Susan Woodward, Silvia Roque, February 200618 Facing the Victims in the Global Fight against Terrorism, Jessica Almqvist, January 200617 Transition and Legitimacy in African States: The cases of Somalia and Uganda, Martin Doornbos,
December 200516 The United Nations’ Responsibility towards Victims of Terrorist Acts, Irune Aguirrezabal Quijera,
November 200515 Threats to Human Security: The Need for Action?, Luis Peral, October 200514 Helping Castro? EU and US policies towards Cuba, Susanne Gratius, October 200513 Alliance of Civilisations: International Security and Cosmopolitan Democracy, Kristina Kausch and Isaías
Barreñada, October 200512 Building a New Role for the United Nations: the Responsibility to Protect, Carlos Espósito and Jessica
Almqvist, September 200511 Political Reform and the Prospects for Democratic Transition in the Gulf, Jill Crystal, July 200510 Aggression, Crime of Aggression, Crime without Punishment, Antonio Remiro Brotóns, June 2005
9 España y el Magreb durante el segundo mandato del Partido Popular. Un período excepcional, LauraFeliú, Mayo de 2005
8 EU instruments for conflict prevention, Javier Niño Pérez, April 20057 Contribución española a la construcción de la paz. Razones y propuestas para la elaboración de un Plan
de Acción, Luis Peral, Abril de 20056 Spain and Morocco: Towards a Reform Agenda?, Richard Gillespie, April 20055 Which Justice for Perpetrators of Acts of Terrorism? The Need for Guidelines, Jessica Almqvist, March
20054 Reflexiones sobre la reforma del Servicio Exterior de España, Carlos Espósito, Febrero de 20053 Political Islam: Ready for Engagement?, Emad El-Din Shahin, February 20052 Ten years of the Barcelona Process: A Model for Supporting Arab Reform?, Richard Youngs, January 20051 A proposal for governance of the Gaza strip in the context of the announced Israeli withdrawal, CITPax,
an initiative of Shlomo Ben-Ami, November 2004
WORKING PAPERS
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Le Mali et l’appropriation subversive ?
Depuis 1999, le Mali a fait office de laboratoire pour l’harmonisation de l’aide.Ce fut davantage en tant que pays-test qu’acteur de premier rang. De nombreusesinitiatives de coordination ont échoué et les grands espoirs se portent désormaissur les structures émergeant de l’adaptation locale à la Déclaration de Paris. LeMali réunit les éléments clés pour attirer les flux d’aide : gouvernance démo-cratique et taux de pauvreté élevés.
Ce rapport présente trois mondes déconnectés les uns des autres, dénommés ici le“théâtre”, la “bureaucratie” et le “village”. Le discours présidentiel - le “théâ-tre”- est non seulement utile pour attirer les fonds de développement mais aussipour servir à des fins électoralistes. Cependant, ce dernier ne dispose pas d’outilsdurables pour la mesurabilité des actions et il n’endosse pas encore le rôle decoordinateur entre les ministères concernés.
Les donateurs, soit la “bureaucratie”, sont occupés à inventer des structures decoordination et des programmes pour l’offre de services et le renforcement desinstitutions. Supportant la pression de déboursement et les coûts de coordination,les donateurs travaillent généralement avec la branche exécutive et sontprofondément immergés dans les fonctions centrales de l’appareil étatique tellesque la gestion financière, les services publics et la décentralisation. Ils fontnéanmoins preuve d’une certaine timidité lorsqu’il s’agit de politiques intérieuresallant au-delà des modèles occidentaux de la “société civile”.
La troisième arène politique, “le village”, est complètement déconnecté des deuxmondes décrits plus haut. La décentralisation n’est pas encore effective dans leslocalités autres que Bamako et les grandes villes du pays.
Toutes les politiques publiques de développement semblent être dictées par lesdonateurs. Néanmoins, à un niveau secondaire, lorsqu’il s’agit de les mettre enœuvre, les acteurs maliens réinterprètent leurs lignes directrices par une sorte“d’appropriation subversive”.