le cimetière nord de manille

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Le Cimetière nord de Manille Juin 2016 Dans le cadre de nos temps de découverte des ONG aux Philippines, nous sommes allés à la rencontre de la communauté du cimetière nord de Manille. La visite a commencé, sur le quai d’une gare, par la rencontre de notre guide, Jeremy, un volontaire VSI et l’un des représentants d’ATD Quart Monde aux Philippines. Cet ONG, fondée en 1957, est présente dans 30 pays et agit sur des projets à long terme auprès des communautés. Jeremy nous a semblé être une personne calme et détendue. Il est volontaire aux Philippines, depuis début 2015, mais il était déjà engagé auprès d’ATD auparavant. Afin de rejoindre le cimetière, nous nous sommes déplacés en train, une première pour nous aux Philippines. Une fois à l’intérieur, nous avons remarqué que le wagon collé à nous, bougeait énormément tel un bateau sur l’eau. Tout au long du trajet il y a eu un changement radical de paysage, d’un environnement aisé, nous nous sommes retrouvés entouré d’habitations précaires, qui nous ont impressionnées. Un voyage à travers les inégalités. Alors que quelques minutes plus tôt nous étions au cœur des gratte-ciels, nous pouvions désormais voir des familles vivants dans des cabanons en matériaux récupérés, tout le long de la voie ferrée. A l’entrée du cimetière, Jeremy, qui d’habitude rentre sans difficulté, a dû se justifier auprès des gardiens pour y avoir accès malgré une autorisation officielle. Nous n’avons pas pu savoir quel était le problème, mais après une dizaine de minutes, nous avons finalement eu la chance d’y pénétrer. Sur la grande allée qui donne sur les mausolées, nous avons été spectateurs d’une procession d’enterrement, grande voiture, des tricycles, du blanc, de la musique et les proches qui suivaient la marche. Les visages étaient souriants, sans aucune tristesse ni douleur, contrairement aux enterrements dont nous avons l’habitude. Compte-tenu de l’endroit atypique, la structure des mausolées a tout de suite attiré notre attention. Leur architecture très singulière nous a laissé sans voix. Les mausolées sont de véritables maisons, aménagées pour accueillir les familles des défunts qui se déplacent une fois par an. Certaines en forme de bateau ou de maison chinoise. C’est dans ces mausolées que résident les « squatteurs » du cimetière. Durant la visite Jeremy s’est plusieurs fois rendu dans les modestes habitations aménagées au milieu des tombes. En effet, chaque semaine, les habitants du cimetière peuvent confier de l’argent à Jeremy pour apprendre à épargner. Il n’y a pas de taux d’intérêt, mais le simple fait d’épargner permet de moins dépenser et d’économiser. Un concept qui semble impossible pour beaucoup d’habitant, mais important pour essayer de sortir de la misère. La somme donnée n’est pas imposée et n’est pas obligatoire. Jeremy insiste toutefois pour que les participants au programme donne un minimum, ne

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Le Cimetière nord de Manille Juin 2016

Dans le cadre de nos temps de découverte des ONG aux Philippines, nous sommes allés à la rencontre

de la communauté du cimetière nord de Manille.

La visite a commencé, sur le quai d’une gare, par la rencontre de notre guide, Jeremy, un volontaire VSI

et l’un des représentants d’ATD Quart Monde aux Philippines. Cet ONG, fondée en 1957, est présente

dans 30 pays et agit sur des projets à long terme auprès des communautés.

Jeremy nous a semblé être une personne calme et détendue. Il est volontaire aux Philippines, depuis

début 2015, mais il était déjà engagé auprès d’ATD auparavant.

Afin de rejoindre le cimetière, nous nous sommes déplacés en train, une première pour nous aux

Philippines. Une fois à l’intérieur, nous avons remarqué que le wagon collé à nous, bougeait

énormément tel un bateau sur l’eau. Tout au long du trajet il y a eu un changement radical de paysage,

d’un environnement aisé, nous nous sommes retrouvés entouré d’habitations précaires, qui nous ont

impressionnées. Un voyage à travers les inégalités. Alors que quelques minutes plus tôt nous étions au

cœur des gratte-ciels, nous pouvions désormais voir des familles vivants dans des cabanons en

matériaux récupérés, tout le long de la voie ferrée.

A l’entrée du cimetière, Jeremy, qui d’habitude rentre sans difficulté, a dû se justifier auprès des

gardiens pour y avoir accès malgré une autorisation officielle. Nous n’avons pas pu savoir quel était le

problème, mais après une dizaine de minutes, nous avons finalement eu la chance d’y pénétrer.

Sur la grande allée qui donne sur les mausolées, nous avons été spectateurs d’une procession

d’enterrement, grande voiture, des tricycles, du blanc, de la musique et les proches qui suivaient la

marche. Les visages étaient souriants, sans aucune tristesse ni douleur, contrairement aux enterrements

dont nous avons l’habitude.

Compte-tenu de l’endroit atypique, la structure des mausolées a tout de suite attiré notre attention.

Leur architecture très singulière nous a laissé sans voix. Les mausolées sont de véritables maisons,

aménagées pour accueillir les familles des défunts qui se déplacent une fois par an. Certaines en forme

de bateau ou de maison chinoise. C’est dans ces mausolées que résident les « squatteurs » du cimetière.

Durant la visite Jeremy s’est plusieurs fois rendu dans les modestes habitations aménagées au milieu des

tombes.

En effet, chaque semaine, les habitants du cimetière peuvent confier de l’argent à Jeremy pour

apprendre à épargner. Il n’y a pas de taux d’intérêt, mais le simple fait d’épargner permet de moins

dépenser et d’économiser. Un concept qui semble impossible pour beaucoup d’habitant, mais

important pour essayer de sortir de la misère. La somme donnée n’est pas imposée et n’est pas

obligatoire. Jeremy insiste toutefois pour que les participants au programme donne un minimum, ne

serait-ce qu’un ou deux pesos. Ils pourront récupérer leur argent dès qu’ils le souhaitent. Pour pouvoir

être efficace, il a dû apprendre le tagalog et créer des liens avec les habitants.

Sur la continuité de notre parcours, nous avons dû nous faufiler entre les murs pour accéder à d’autres

tombes. C’est caché derrière les grandes allées, que vivent la plupart des habitants, certains dormant à

même les pierres tombales. Quelques-uns utilisent les mausolées des membres de leurs familles, tandis

que d'autres ont passé un accord avec les propriétaires en échange de l’entretien.

Pour vivre, les habitants ont aménagé des petits sari-sari (magasin) ou des ateliers funéraires. La plupart

ont également un revenu en entretenant les tombes pour quelques centaines de pesos par an.

Nous avons toujours gardé une réserve en ce qui concerne l’intimité des habitants, nous ne sommes

jamais rentrés sans l’invitation des occupants. Mais nous avons sympathisé avec la population. On nous

a offert à boire, pris des photos ensemble. A ce moment-là, nous n’étions plus dans un cimetière, mais

dans un endroit quelconque. La chaleur des sourires nous ont fait oublier la présence des morts.

Cependant, ce ne sont pas des conditions pour vivre, grandir et s’épanouir.

ATD Quart Monde a pour but de sortir les gens de la misère. L’ONG agit pour faire respecter les droits de

l’homme. Elle est présente dans plusieurs zones dont le cimetière Nord pour aider les communautés les

plus pauvres. D’après Jeremy, le gouvernement a essayé à plusieurs reprises de déplacer les habitants,

mais sans proposer de solutions de relogement adaptés. La communauté a appris à vivre dans cet

environnement. Certains habitants n’auraient plus de ressources en allant ailleurs.

Alors que beaucoup d’ONG agissent dans les grands bidonvilles de Metro Manila, seulement deux ONG

sont présentes. Parce qu’ils vivent dans un cimetière, les habitants n’ont pour la plupart pas accès aux

aides publics. Peu de médias témoignent de la vie de cette communauté. Ce site qui figure dans les

guides touristiques est désormais très difficile d’accès pour les étrangers. Il est facile d’oublier la

présence des habitants.

Pourtant, si en apparence le cimetière semble plus propre que les autres bidonvilles, la vie y est tout

aussi difficile.

Fleur et Darine, Services Civiques, France Volontaires