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Le Chaoui Tome 2 Meki Amoura

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Le C

haou

i Le Chaoui

Tome 2

Meki Amoura

20.48 625781

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 266 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 20.62 ----------------------------------------------------------------------------

Le Chaoui Tome 2

Meki Amoura

Mek

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Sommaire

Chapitre 1 – Carburer aux perspectives ........................ 7

1993… chez les talibans en zone tribale ...................... 7

Incursion en Birmanie ................................................... 14

Naziha .............................................................................. 20

16 janvier 1996 : un roi nommé Didi ........................... 25

Prémonitions .................................................................. 29

2000… Vingt ans après… Fleury ................................. 34

Chapitre 2 – « Bienvenido al Venezuela » ..................... 43

Février 2002 : un voyage agité....................................... 43

Le judas ............................................................................ 47

Carnages organisés ......................................................... 53

Août 2002 : visite de l’OCRTIS à San Antonio ........... 63

Santa Ana… mi amor .................................................... 67

La colonie française ........................................................ 74

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Une prise de pouvoir musclée ...................................... 78

Chapitre 3 – Le paradis des damnés .............................. 85

Un verdict express ......................................................... 85

Mourir à Santa Ana ....................................................... 89

L’exécution des trois pointeurs .................................... 93

Le train de l’amour ........................................................ 96

Le tunnel ......................................................................... 100

Deal avec le général ....................................................... 103

Le processus humanitaire ............................................. 108

2003 : l’hospitalisation ................................................... 110

La colère d’Yvonne ........................................................ 114

Avril 2004… libre ! ........................................................ 122

Chapitre 4 – « La justice vue par les corrompus » ....... 131

Juillet 2004 : le chaudron de Zorka .............................. 131

Pascal réincarcéré ! ........................................................ 140

Le labo de cocaïne .......................................................... 143

Au paradis des paracos .................................................. 150

Décembre 2005 : el falso positivo ................................ 156

La Modelo de Cúcuta .................................................... 160

Février 2007 : la parodie de justice .............................. 164

L’acharnement................................................................ 172

Quand l’ingérence est affaire de faciès ........................ 176

La danse du scorpion ..................................................... 181

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Chapitre 5 – Vivre avec les barons de la drogue .......... 185

Mars 2010 : en sécurité maximum dans la cordillère 185

« Gafas » versus Ingrid Betancourt .............................. 190

Un patio « très spécial » à Combita .............................. 199

Mars 2011 : le transfert de tous les dangers ................ 204

Un magot stressant de 100 millions de dollars ........... 207

Révolte à la Maxima de la Picota .................................. 212

Mai 2011 : refus de m’extrader ..................................... 215

Chapitre 6 – Captif par entêtement ............................... 221

Juin 2012 : retour volontaire à la case départ ............. 221

La notification ................................................................. 225

Face à face avec la juge ................................................... 231

Juillet 2012 : au mépris du châtiment .......................... 236

Vertueux, voyous : blancs bonnets, bonnets blancs .. 241

Villenauxe : l’usine à récidives ...................................... 248

Épilogue ............................................................................... 251

Glossaire (2) ........................................................................ 257

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Chapitre 1 Carburer aux perspectives

L’aboutissement résulte des certitudes amputées des doutes…

A.M.

1993… chez les talibans en zone tribale

Nicole m’a permis de vivre chez elle, en attendant que je m’organise. C’est une jeune et jolie femme d’une trentaine d’années, aux longs cheveux auburn, qui vit avec sa fille Karen âgée d’une quinzaine d’années, depuis que son mari a été abattu sous leurs yeux lors d’un règlement de comptes, dans l’ascenseur qui les menait à leur appartement.

Le lendemain de mon retour à la vie, je prends contact avec les amis de Frédéric. J’ai carte blanche pour organiser notre affaire. Dans un premier temps j’appelle Jean-Yves mon ami pilote de ligne, qui nous emmène Virgil et moi, à cinquante kilomètres de Paris à l’aérodrome de Nangis, une petite ville de Seine-et-Marne. Nous avons rendez-vous avec un

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pilote professionnel d’ULM qui va m’apprendre à manœuvrer cet engin pour me permettre de passer le brevet, sous l’identité de Jean-Yves, car j’ignore encore si je suis recherché par la justice française. La prescription de mon évasion de Poissy n’est peut-être pas encore effective.

Au bout de quelque temps, lorsque je commence à maîtriser le pilotage, j’achète mon propre ULM que nous emmenons sur l’aérodrome d’Évreux, non loin du domicile de Jean-Yves. Tous les jours, je me consacre à mon entraînement qui consiste essentiellement en des séries répétitives d’atterrissage et de décollage, nécessaires pour bien connaître les réactions de l’engin.

Deux mois ont passé. Je suis prêt à regagner Pontarlier, pour repérer un endroit propice entre Jougne et le col de l’Aiguillon. À vol d’oiseau, Bochuz se trouve à environ une quinzaine de kilomètres. Il ne reste plus qu’à connaître le jour et l’heure où Frédéric se trouvera sur le terrain. J’ai demandé que l’on me fournisse des jumelles puissantes et un shotgun pour tenir en respect d’éventuels trouble-fête. Une semaine avant de partir, coup de théâtre. Frédéric nous demande de stopper l’opération. Motif : il va être placé en régime de semi-liberté. Tout ceci n’aura servi à rien. Je n’ai plus qu’à vendre le tout et à chercher une solution à mes problèmes qui sont doubles.

1. Vérifier si la France me recherche toujours. 2. Repartir vers l’Inde pour me refaire.

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Avec la circulaire rouge d’Interpol que les Suisses n’ont pas manqué de me coller aux baskets, je me dis que : « Je suis une fois de plus dans la m… ! »

Une copine avocate m’a promis d’aller voir le juge à Bobigny pour vérifier si je suis toujours « wanted ». La réponse qu’il lui a fournie est un peu décourageante : « S’il se présente devant moi, a-t-il déclaré à ma copine, je le fais incarcérer immédiatement. »

On ne peut pas être plus clair. Mais je suis sceptique. Je demande à l’un des amis de Frédéric de m’avancer un peu de came pour me permettre de survivre. J’en vends une partie, l’autre je la file à une amie surnommée Mimi qui veut venir avec moi en Inde. Je prends congé de Virgil, qui n’est pas très chaud pour se lancer dans des affaires de came, et je descends alors dans ma Charente natale pour rendre visite à ma vieille maman qui habite toujours à Rochefort. J’apprends que son compagnon, le capitaine retraité, est décédé. J’accepte de rester un moment car elle m’a demandé de l’aider à déménager puis de l’emmener à Nice.

Elle attend pour cela de toucher l’argent de la maison qui se trouve à Royan. J’accepte bien sûr, car ma chère maman, subitement généreuse mais qui ignore tout de mes problèmes, m’a promis de me prêter un peu de blé. C’était inespéré. Je ne peux que l’encourager dans ce sens.

Je me mets à potasser le code de procédure pénale pour vérifier les dires de mon juge. Rien n’indique

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que je suis hors la loi. La prescription, bien que ce soit très flou, est bien de cinq ans. Si j’interprète bien ce que je lis, je ne devrais plus figurer sur les fichiers de recherche d’Interpol, puisque nous sommes en 1992. Ce qui veut dire que je peux faire une demande de passeport. Pour cela, malheureusement, le passage chez les pandores est obligatoire. Ce n’est pas une décision facile à prendre. Après quelques jours de réflexion et une grande quantité de bibines pour me motiver, je prends le mors aux dents et me rends à la gendarmerie de Rochefort.

Le gendarme qui m’accueille a l’air sympathique. Pour combien de temps, je me dis ? Je n’hésite pas. Je déballe ma salade presque sans respirer.

« Bonjour ! Je suis en cavale depuis 1984. Je viens voir si vous pourriez me confirmer que vous ne me recherchez plus ! »

Le sourire du brave gendarme a disparu. Il hésite apparemment entre appeler l’asile psychiatrique ou me jeter dehors.

Mais devant mon air sérieux, il veut en savoir plus.

« Vous étiez incarcéré ou ? » me demande-t-il poliment.

« À la centrale de Poissy. Je devais venir chez vous pour faire signer ma perm ! »

« Attendez-moi ici, je vais aller vérifier », m’ordonne-t-il avant de disparaître rapidement.

Dix longues minutes passent.

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J’étais en train de me préparer psychologiquement au pire. Le gendarme revient lentement, absorbé dans la lecture d’un papier qu’il tient dans la main. Il me jette un coup d’œil.

« Vous êtes M. Amoura Meki ? » me dit-il. Effectivement vous êtes fiché ici chez nous, mais il n’y a aucun avis de recherche ou de mandat d’arrêt vous concernant. Je bois ses paroles. Je lui demande alors, plein d’espoir :

« Rien ne s’oppose donc, à ce que je fasse une demande de passeport ? » Il hoche la tête et me confirme que non. Je lui dédie mon plus beau sourire et le salue poliment. Je détale comme un lapin, sous le regard perplexe du représentant de l’ordre.

Quelque temps plus tard, le passeport en poche, comme promis j’aide ma mère à déménager. Je vais louer un camion de dix tonnes et nous prenons la direction de Nice. Le moral est au beau fixe. Je remonte ensuite sur Paris pour acheter un billet d’avion pour Karachi. J’ai décidé d’aller prospecter chez les talibans du côté de Peshawar, dans le no man’s land qu’ils occupent entre l’Afghanistan et le Pakistan. Sait-on jamais ? La région est devenue le plus gros fournisseur de came du monde. Je devrais bien y trouver mon bonheur !

Me voici au Pakistan. Un pays coincé entre l’Iran, l’Afghanistan, la Chine et l’Inde. Au sud, la côte de mille kilomètres environ est bordée par la mer d’Oman. Le relief est formé de hautes montagnes

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dont le célèbre K2 (le deuxième sommet du monde qui culmine à huit mille six cents mètres), de plateaux et de déserts arides ainsi que de plaines alluviales.

Dans un premier temps, je traîne un peu dans la capitale du Pakistan située sur la côte au nord-ouest du delta de l’Indus. C’est une ville très cosmopolite. La partie sud s’étend le long de l’océan Indien qui abrite de nombreuses plages. Les étés sont chauds et les hivers très doux.

Je remonte ensuite sur Peshawar, « la ville des hommes ». Nous l’avions traversée rapidement, Doudou et moi, en 1976 pour rejoindre Lahore et la frontière indienne. La cité actuelle, Centre administratif des zones tribales, a été fondée pendant la période mongole au XVIe siècle par Akbar. Elle fut un des principaux centres de l’antique route de la soie ainsi qu’un carrefour important entre les différentes cultures du sud, du centre de l’Asie et du Moyen-Orient. Située aux portes de la fameuse Khyber Pass, proche de la frontière afghane, elle est la capitale économique, politique et culturelle des Pashtouns.

Après avoir trouvé un petit hôtel bon marché, je vais zoner un peu dans la ville. En me baladant dans le bazar de Qissa Kahwani, je fais la connaissance de deux talibans qui, intrigués par ma présence dans ces lieux, m’abordent. Nous bavardons un moment, puis pour apaiser leur curiosité je leur révèle que je suis français, né en France de mère française, et de père algérien. Je leur confirme que je suis fils de

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musulman, baptisé et que je me prénomme Meki, prénom dont la racine a pour origine le nom de la ville sainte, La Mecque. Peu à peu, j’aborde le terrain de la came. Ils me proposent de me conduire dans un petit village situé dans une zone tribale du no man’s land contrôlée par eux. Je n’attendais que cela. On se donne rendez-vous pour le lendemain tôt.

Au petit matin, ils passent me prendre. Nous rejoignons la Jamrud Road pour nous diriger vers la Khyber Pass. Arrivés à Ali Masdjid, nous bifurquons sur une petite route en mauvais état qui serpente au milieu des montagnes arides. Nous progressons péniblement sous un soleil de plomb en direction de la région de China que nous laissons derrière nous pour atteindre Bokar. Le paysage est une désolation. La chaleur devient insupportable. Enfin, nous atteignons ce petit bourg. Nous allons directement à une fabrique d’armes que mes deux nouveaux amis connaissent. Ce qui ne m’intéressait pas vraiment. Mais bon !

Je suis surpris de constater que ce n’est qu’une maison aux installations apparemment rudimentaires, mais lorsque je vois les armes qui sortent de cet endroit, j’ai l’impression d’halluciner. Partout des kalachnikovs rutilantes, des colts de tous calibres en passant par des Uzi ou des bazookas. Il y en a pour tous les goûts. Je remarque aussi les gadgets, du genre stylos, qui peuvent utiliser des balles de calibre 22.

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On me propose d’en essayer. Je n’hésite pas une seconde. Je commence par une kalachnikov. Je dois payer les balles évidemment. Je m’amuse à faire un carton sur toutes les cibles qui sont disposées derrière la baraque. Cela va du bidon qui ressemble à une passoire à la carcasse d’une voiture qui a connu des temps meilleurs. On se fait plaisir. Je retrouve aussi le lance-roquettes que j’ai utilisé à l’armée. Mais la charge explosive a été retirée. Après avoir brûlé quelques centaines de cartouches, avec les différentes armes que l’on nous propose, nous allons nous restaurer et parler affaires.

On me déconseille de sortir de la zone avec de la came. Les contrôles sur Peshawar, et au Pakistan en général, sont fréquents et je serai vite repéré. Je leur parle de leur compatriote qui me vendait le Brown Sugar sur Goa. Ils me proposent d’utiliser d’autres connexions qu’ils ont en Inde du côté de Bénarès. L’avantage, c’est que les sorties en direction de l’Europe sont bien plus faciles à organiser que d’ici.

Incursion en Birmanie

Je ne perds pas de temps. De retour à Peshawar, je prends congé des deux Afghans puis je m’envole pour Delhi. Je vais aller évaluer les possibilités que m’offrent ces nouveaux contacts.

Bénarès, la ville sacrée la plus antique du monde, que l’on aime ou que l’on déteste. Située à l’est de Delhi à environ huit cents kilomètres. La ville du

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superlatif, des foules bruyantes, des gens qui vivent, mangent et travaillent dans les rues envahies par des vaches qui répandent leurs excréments dans la plus grande indifférence.

L’adresse que j’ai se trouve dans la vieille ville, le Chow. Elle me fait penser à la Casbah d’Alger. Un dédale impressionnant de petites rues étroites, de bifurcations qui vous donnent l’impression de tourner en rond. Il est impossible de s’orienter dans ce labyrinthe. J’arrive non sans peine à localiser la maison de mon contact.

Ce que finalement j’achète est une sorte de morphine améliorée. Ce n’est pas ce que je cherchais, mais comme je n’ai pas suffisamment de blé, je fais avec. La prochaine fois, je pense retourner à Goa avec ma copine Mimi.

De retour en France via le Koweït, j’appelle Jean-Yves pour qu’il m’aide à refourguer la marchandise. À partir de ce moment, j’organise plusieurs voyages qui me permettent de me refaire rapidement. Je suis allé chercher Mimi qui se prélassait aux Baléares pour aller faire un tour à Goa.

Puis j’ai commencé à organiser un peu ma vie. J’ai loué une chambre dans le sud de Paris à Noisy-le-Grand. Dans la foulée, je me suis acheté une 1300 Kawasaki que j’ai remise en état. C’est à ce moment-là que je rencontre Diane. Elle vit du côté de Boulogne avec son compagnon Jean-François. Nous nous lions très rapidement d’amitié. Ils étaient intéressés par la

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blanche, ce qui m’a décidé à reprendre mes voyages à partir de Bangkok. Diane a voulu m’accompagner. Je suis donc reparti de nouveau pour la Thaïlande après quatorze ans d’absence.

Nous avons d’abord rejoint Chieng Mai. J’apprends en arrivant que Dam n’existe plus dans le circuit. Il s’est fait serrer par la DEA quelques années après moi. Il a tout perdu. Ses voitures, sa maison, sa famille. Un vrai désastre.

La raison… Son aveuglement. La facilité avec laquelle il avait pris le contrôle du

trafic à Chieng Mai l’avait conforté dans l’illusion que rien ne pouvait lui arriver. Il commettait maladresse sur maladresse. Le pire avait été d’organiser les rencontres avec ses clients dans sa propre maison. Il avait oublié qu’il avait une famille avec cinq enfants. Un jour, un Suédois est arrivé. Au moment où Dam lui remettait sa marchandise, la police thaïlandaise et la DEA leur sont tombées dessus.

L’histoire ne dit pas si cet Européen était un infiltré. Ce que je crois personnellement ! Mais Dam est tombé à cause de son imprudence.

Cette nouvelle donne m’oblige à chercher une connexion ailleurs. D’abord parce qu’à Chieng Mai, cela devient trop chaud, ensuite parce que les prix ont explosé. La qualité de l’héro est devenue trop médiocre.

Je laisse Diane jouer la touriste pour filer vers Paï avec une Yamaha V-max de location. Je connais

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quelqu’un là-bas qui peut me trouver des contacts intéressants.

Dans un premier temps, je fais un tour du côté des Water Falls. Je dois rencontrer un Thaï qui pourrait m’emmener vers la frontière birmane, dans la région qui est le fief du général Khun Sa, avant qu’il ne se fasse virer par les militaires thaïlandais. Le marché reste important et les prix plus abordables.

La rencontre se fait aux chutes. Ils sont plusieurs, dont une femme. Une heure plus tard, je reviens à Paï, satisfait. Nous partons le lendemain matin de bonne heure pour Mae Hong Son, en motos de cross suffisamment puissantes car nous avons avec nous deux passagers. Le chemin est long mais la highway est en bon état. Nous passons Pang Mapha… pour continuer sur Hai Pha.

À mi-distance environ, nous bifurquons à droite pour remonter vers le nord. On passe devant un temple, le Wat Pa Tham Wua et continuons sur Mae Aw qui fait frontière avec la Birmanie. Ce sera notre halte. Du moins pour les bécanes. Pour des raisons de sécurité, le sentier que nous devons prendre n’est pas praticable avec les motos. Elles sont trop bruyantes.

Nous nous tapons quelques bières dans un boui-boui perdu et nous nous mettons en route. Nous marchons plus de deux heures. Je suis exténué. Les moustiques ne nous lâchent pas. Nous n’arrêtons pas de monter et de descendre des collines. Puis nous arrivons près d’une rivière. Nous sommes en

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territoire birman. Je sais que si je me fais choper ici, j’aurai de gros problèmes. Mais bon ! Je fais confiance aux petits Thaïs.

Le soir tombe. Nous nous enfonçons dans la jungle. Le jeune Thaï m’explique qu’il va me falloir attendre ici avec ses amis. Il part seul et je dois lui remettre l’argent, pour payer les deux kilos au labo. Je m’y attendais. C’est une grosse somme… surtout pour eux. Pas loin de vingt mille dollars. Mais je n’hésite pas. Je lui remets la ceinture qui contient le fric. Il s’évanouit rapidement dans les frondaisons. Je me dis que s’ils avaient dû me voler, ils n’auraient pas attendu de faire tout ce chemin. Du moins, c’est ce que je me dis pour me rassurer. Cela dit, je suis malgré tout sur mes gardes. Je ne suis pas complètement démuni, j’ai pris mes précautions.

La nuit est arrivée en quelques minutes. Nous sommes obligés d’attendre dans le noir. Selon eux, des patrouilles sillonnent la région, ce qui nous empêche de faire un feu. Nous nous installons dans un petit carré qu’un jeune a dégagé avec un coupe-coupe. L’attente commence. Elle sera longue. Plusieurs heures !

Je sens les deux jeunes un peu tendus. Ils sont à l’affût du moindre bruit. Et du bruit, il y en a. Je me refuse à faire marcher mon imagination pour essayer d’interpréter tous ces sons bizarres qui émanent de la jungle, mais une chose est certaine, il y a du monde autour de nous.

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Je commençais à piquer du nez lorsque l’un des jeunes ordonne à son pote qui chuchotait de se taire. Je fais comme eux, en me concentrant pour essayer de discerner quelque chose au milieu de ce tintamarre, mais je ne remarque ni ne distingue rien en particulier, ce qui n’est pas le cas du jeune qui a détecté quelque chose.

Un cri retentit. C’est l’imitation d’un animal quelconque, car le jeune répond aussitôt de la même manière. Quelques minutes passent. J’entrevois brièvement un faisceau lumineux avant de voir apparaître finalement le jeune Thaï. Ils s’engagent tous les trois, à voix basse, dans un conciliabule interminable.

J’attends patiemment. Ils m’expliquent qu’il est préférable de revenir vers la rivière et d’attendre le lever du jour pour repartir. Une patrouille traîne apparemment dans le secteur. Il vaut mieux attendre qu’elle s’éloigne avant de reprendre le chemin du boui-boui. Je récupère ma came et me fais un rail pour la tester, mais aussi pour décompresser un peu. Je suis content ! C’est de la numéro quatre, d’excellente qualité.

Je peux voir imprimé sur le plastique de chaque paquet d’une pound (quatre cent cinquante grammes environ), grâce à la torche du Thaï, le logo des labos de la région qui représente le globe terrestre enserré dans les griffes de deux tigres qui se font face. Autour de ce dessin, on lit l’inscription « Golden Triangle ».

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Le retour vers les motos se fait au lever du soleil. C’est plus agréable. Non seulement il fait moins chaud, mais bizarrement les moustiques se font rares. Avant de regagner Chieng Mai, je me mets d’accord avec mon nouveau pourvoyeur pour les prochaines livraisons. Je lui demande d’organiser cela à partir de Paï. Je prendrai les frais à ma charge. Il me donne son accord. Je récupère ma V-max à Paï, me colle la came autour de la poitrine et repars retrouver Diane.

De retour à Paris, je vais vivre à Noisy-le-Grand. J’ai trouvé à louer une chambre dans un pavillon. Nous sommes en 1994 et je suis sur le point de faire connaissance avec Naziha, celle qui sera la maman de mon fils Guillaume et que je vais rencontrer dans un bar de la porte d’Italie à Paris.

Naziha

Je suis en conversation téléphonique avec Diane lorsque la serveuse m’apporte mon plat et ma boisson favoris : le hot-dog « parisien » et une Leffe blonde ! Je pose le portable, la remercie et m’apprête à boire une gorgée de ma bière, lorsque la jeune fille s’empare de mon phone.

« Ah ! me dit-elle, vous avez un portable ? » Cela faisait peu de temps que les téléphones cellulaires avaient fait leur apparition. Ils étaient encore un objet de curiosité. Elle me fait un sourire tout en l’examinant. Nous bavardons un moment et j’en profite pour la