la présente édition a été publiée en accord avec l’éditeur...
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Laprésenteéditionaétépubliéeenaccordavecl’éditeuraméricain:©2016,GalleryBooks,SimonandSchuster,Inc.,NewYork.Titredel’éditionoriginale:Sidebarred–TheLegalBriefsSeries
©2016,EmmaChase
Pourlatraductionfrançaise:SexyLawyerssaison3.5,EntreparenthèsesPhotodecouverture:©iStockGraphisme:MarionRosière
CollectiondirigéeparHuguesdeSaintVincentOuvragedirigéparSophieLeFlour
©2017ÉditionsHugoRomanDépartementdeHugoetCie
34-36,rueLaPérouse,75116Pariswww.hugoetcie.fr
CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.
Cettehistoireestpourvous,mescherslecteurs.
SOMMAIRE
Titre
Copyright
Dédicace
Chapitre1
Chapitre2
Chapitre3
Chapitre4
Chapitre5
Chapitre6
Chapitre7
Chapitre8
Chapitre9
ÉPILOGUE
1
Juillet
Jen’aitoujourspasderadioréveil,carcommetoujours,monhorlogeinterneest infaillible.Cependant,jenemeréveilleplusàcinqheuresdumatincommeavant‒jemelèveencoreplustôt.Désormais,cenesontplusmonfootingoumoncaféquimemotiventàouvrir lesyeux.
C’estelle.Je sensChelseaavantd’ouvrir lesyeux.Je sens sahanchecontrema jambe, sonbras
finsurmontorse,sonsoufflechaudchatouillantmonépauleetleparfumdelilasdanssescheveux. Ce qui me motive, c’est la promesse de ses baisers langoureux, de sesgémissements,desachaleurfermeethumide.
Celafaitdeuxansquenoussommesmariés,et iln’yapasunseulmatinoù jenemeréveillesansunsourireauxlèvres.Pasunseul.Carelleestàcôtédemoi,ouàmoitiésurmoi,etque les sixmonstresque j’aimeplusque tout sontensécuritédans leurs lits.Tousaimentdormirasseztard,cequiestcrucial.
Faire l’amouravecsixgaminsdans lamaisonestunvéritabledéfi. Il fautprévoircelaenavanceetêtrediscret.Laspontanéitén’estjamaissansrisques.Ilfautêtresursesgardesetcapablededétecterlesmoindresmouvementsoubruitsdel’autrecôtédelaporte‒afindesavoircequefontlesenfants,oùilssont,ets’ilsvontnousinterrompreavecunedeleursquestionsstupides.C’estparfoispénible,maispourrienaumondejen’échangeraiscettevie.
Orici,maintenant,danscelit,dansl’obscuritétranquilledupetitmatin,leschosessontdifférentes. Nous pouvons bouger comme nous le souhaitons, nous pouvons dire ce quenous voulons, nous pouvons baiser dans n’importe quelle position et sur n’importe quellesurface.Carcemomentestànous.
Nousnesommespasunavocatdeladéfenseetuneconservatricedemusée.Nousnesommespasnonplusdesparents.NoussommesJakeetChelsea‒unhommeetunefemme
quisontfousl’undel’autre.Sansouvrirlesyeux,jemelibèredel’étreintedesonbrasetjeglisseaupiedduliten
emportant les couvertures avec moi. De temps en temps, Chelsea me surprend en seréveillant avant moi, ce sont mes matins préférés. Il n’y a pas de plus belle façon dereprendre conscience après une bonne nuit de sommeil qu’avec la tête deChelsea Beckerentrelesjambesetseslèvrespulpeusessursonsexe.
Aujourd’hui, cependant, c’est moi qui prends les choses en main, et c’est tout aussiamusant.JepassesurleventreetjeremontelanuisettedeChelsea,révélantsonsexenu.Elleneportejamaisdeculotteaulitcarellefiniraitparterretouslesmatins.Sachatteestrose et parfaite ‒ lisse et épilée, avec un petit ticket de métro qui ne manque jamais dem’exciter. Je frottemonnez contre sapetite touffeet je respire.Sonodeurme rend fou‒sonparfumfraisetsucrémerappelleceluiduchèvrefeuille.
Ellerapprochesajambedemonoreille,soupire,etjechoisislemomentpourlalécher.Lentement, fermement, profondément entre les lèvres, avant de tourner délicatementmalangueautourdesonclitoris.
Son pied remonte sur lematelas pour plier sa jambe, et son soupir se transforme engémissement.J’ouvreplusgrandmabouchesanscesserlesallers-retoursdemalangue,medélectantdelasentirruisselersurmeslèvres.
J’adoreça,lefaitqu’ellemouilleaussifacilement.Parfois,ellel’estdéjàavantquejenela touche.Une fois, je luiaidemandésielle rêvaitque je lui faisaisdescunniset si c’étaitpourçaqu’elleétaittoujoursprête,maisellearougietellearefuséderépondre.
Jeplongemalangueenelleetjecommencelesallers-retours,suçantdélicatementsonboutonderose.
‒J’aienviedetoi,gémit-elledesavoixrauqueetlourdedesommeil.Jene sais si c’estunedéclarationouunedemande,maispeu importe, finalement. Je
remontelentementetjelatournesurlecôtépourmeblottirderrièreelle.Mamaincaressesonventreetsesaisitdesonseinpourtitillersontéton.
Chelsea empoigne ma nuque pour s’emparer de ma bouche. Je lâche son sein, jesoulèvesajambe,etj’avancelebassin.MaqueueglisseentresesjambesetChelsearomptlebaiser.Elletournelatêteversl’oreilleretreculeleshanches‒medisantsansunmotqu’ellemeveuttoutdesuite.
Jeprends labasedemonsexeet jepromènemonglandentreses lèvres, frottantsonclitoris,titillantsafente.Mapetitefemmegémit,puiselleplongesesonglesdansmacuisse.
‒Jake…Jerisdansmabarbe,amusédeconstaterqu’ellen’estpasd’humeuràêtrechatouillée.
Çameva.J’alignemonsexeaveclesienetjeplongeenelle,profondément.Bonsang,c’esttellementbon.
Elle se cambre et un gémissement lui échappe. J’écarte ses jambes délicatement et jecommence mes allers-retours lents et peu profonds pour faire monter la pression. Sesmusclesmeserrentavecuneforcedélicieusealorsquelerestedesoncorpssedétend.
J’embrassesonépauleetjelèchesoncouavantd’enfouirmonvisagedanssescheveuxsoyeux.Seulleclaquementdenoschairsromptlesilence.Noscorpsdeviennentcollantsetellereculelesfessestoutcontremoi.
Letempssembles’êtrearrêté.Mieuxquecela,ilaperdusasignification,cartoutcequicompte,c’estleplaisirélectriquequidéferledansnosveines.
J’aimeaussi faire l’amour lentement, avecdespréliminairesquidurentdesheures. Jepeux même m’habituer aux pétales de roses et aux bains chauds bordés de bougies.Cependant,ilnefautpassous-estimerlesexebrutaletrapide,parcequec’estgénial.Mêmepourlescouplesmariés,mêmeceuxquiontdesenfants.
Voiresurtoutlescouplesquiontdesenfants.Il yaquelquechosedeprimitifdans le faitdecéderàcebesoinphysique,maisaussi
quelque chose demerveilleusement intime, confortable et honnête dans le fait de vouloirjouiraveclapersonnequel’onaime.C’estunsentimentquejen’aiconnuqu’aveclafemmequi estdansmesbras‒ et jene connaîtrai celaqu’avec elle. Jusqu’à ceque lamortnoussépare.
‒S’ilteplaît,Jake.S’ilteplaît,jet’ensupplie…Lorsqu’ellecommenceàgémirainsi,jesaisqu’elleestsurlefil.Jelâcheseshancheset
jepassemamainentresescuissespourcaressersonclitorisd’undoigt léger,avec justecequ’ilfautdepressionpourlafairechavirer.
Elle lève la têtepourgémiralorsque toussesmuscles secontractent.Monsouffleestrauqueetmescoupsdebassinerratiques.JetourneChelseasurleventreetjem’étendssurellepourm’enfoncerenelleunefois,deuxfois.Mavuedevientflouealorsquejejouisavecune telle intensité que je n’entends plus que le bourdonnement de mon sang dans mesoreilles.
Putain.Quelques secondesouminutesplus tard,nous reprenonsnos souffleset jeme tourne
sur le dos. J’essuie la sueur de mon front avec mon bras et Chelsea se redresse sur lescoudes,posantsurmoiunregardpétillantdejoie.
‒Bonjour,roucoule-t-elle.J’embrassetendrementmasublimefemmequimerendsiheureuxquec’enestridicule.‒Cettejournéecommencemagnifiquementbien.J’ouvre les bras et elle vient se blottir contremoi en gloussant.Nousne restons ainsi
qu’un instant, car il est désormais cinq heures passées de quelques minutes et qu’il estofficiellement l’heuredeme lever.Commed’habitude,Chelsea se rendort, et je l’embrassesurlefrontavantd’allerm’habillerpourmonfootingmatinal.
‒Jenevaispasyarriver.‒Maissi.‒Jevaismourir.‒Maisnon.‒Sijemeurs…‒Saperlipopette,arrêtedepleurnicher,Rosaleen,tunevaspasmourir.Saperlipopette ne fait pas partie de mon vocabulaire normal. Cependant, après une
discussionavecChelsea‒voireplusieurs‒,etaprèsqueRonanaeurépétéquelques-unesdemes injurespréféréesàsamaîtressedematernelle, je faisuneffortpoursurveillermonlangage.
Mapartenaire de footing halète alors que ses boucles blondes rebondissent à chaquepas.Elleaonzeans,àprésent.Jen’enrevienspasqu’elleaitautantchangédepuisquejel’airencontrée.Àl’époque,elleétaitleportraitcrachédeShirleyTempleetellepensaitquetrente ans était super vieux. Enfin… je suppose qu’elle pense encore que trente ans c’estvieux‒etqu’àtrente-quatreans,jesuisunvraipapi.Bref.Rosaleenesttoujourspetite,avecdes anglaises blondes et de grands yeux bleus innocents. Cependant, elle a grandi et…mûri.
Ilyaquelquesmois,elleacommencéàs’inquiéterd’avoirprisunoudeuxkilos.Elleaégalementmissonpremiersoutien-gorge,ceàquoijepréfèrenepaspenser.
Chelsea lui a expliqué que c’était normal et que, d’ici quelquesmois, elle aurait unepousséedecroissancequidisperserait sonsurplusdepoids, commetoutes les fillesdesonâge. Toutefois, Rosaleen n’a pas voulu attendre.Donc, après avoir couru onze kilomètrestoutseul,jerepasseparlamaisonetjecoursunkilomètreetdemiavecelle.
Àl’entendre,onnediraitpas,maiselleaprogressé,depuisdeuxsemaines.‒Aprèsmamort…donnemoniPad…àRegan.J’éclatederireetnoustournonsàdroitepourrevenirsurnotrerue.‒Regarde,noussommesbientôtarrivés.Puiseaufonddetonénergie.Jen’aipourréponsequ’unsoufflelaborieux.Jenesuispaslegenredemecàchanter.Çan’arrivejamais.Oupresque.J’aifaituneexception,ilyaquelquesannées,quandl’enfantàcôtédemoim’asupplié
deluichanteruneberceusealorsqu’elle luttaitcontrelagastro.Cejour-là j’aicédé,et j’aiperduunepartdemavirilitéenluichantantunmorceaudesOneDirection.
Est-cequecelaaétéhumiliant?Absolument.Cependant…vuquelesdégâtssontdéjàfaits…
‒Da‒nanana–nanana–nananaaaaa.Da‒nanana‒nanana‒nananaaaaa.Da‒nanana–nanana–nananaaaaa…
Au cas où vous ne l’auriez pas deviné, c’est la chanson de Rocky . Si jamais vousmanquezdemotivationlorsquevousfaitesdusport,c’estlabande-originaledeRocky,qu’ilvousfaut.
‒Da‒nanana–nanana–nananaaaaa…Elleéclatederireetelleaccélère.‒Da‒nanana–nanana–nananaaaaa…Rosaleenpasseleseuildelaporteaveclesbraslevés,commeuneminiaturedeRocky
BalboaenhautdesmarchesdumuséedePhiladelphie.Quandjevoislafiertésursonvisage,monhumiliationn’aplusd’importance.Unefoisàl’abridanslamaison,Rosaleenselaissetombersurlesoldusalon,etelley
reste.J’attrapedeuxpetitesbouteillesd’eaudanslefrigo,j’envideune,etjedonnel’autreautascomateuxsurleparquet.
‒Tuveuxvenirsouleverdeshaltèresavecmoi?‒Nooon…Jetapotelederrièredesatête.‒Lasemaineprochaine,alors.
Aprèsavoirfaitunpeudemusculationdanslacave,jeprendsunedoucherapideetje
file à la cuisine, où je suis accueilli par un brouhaha de chamailleries et d’éclats de rire,parcequetoutlegangestdésormaislevéetqu’ilestinstalléàtablepourprendresonpetitdéjeuner.
‒ Jepeuxavoirplusdebacon?demandeRory, labouchepleined’œufsbrouillés, samèchetombantsursonfront.
La première fois que j’ai rencontré Rory McQuaid, c’était un petit con têtu qui envoulait au monde entier, qui faisait les poches des gens dans la rue et qui volait desbagnoles plutôt que de faire face à la mort soudaine de ses parents. Il va mieux,maintenant. Il est plusheureux.C’est toujoursunpetit conqui aime torturer ses frères etsœurs,maispourl’instant,ilnecourtpluslerisquedefinirenprison.
‒C’estladeuxièmefoisquetuteressers,grondeRiley,quiadéjàdix-huitans.Tun’asqu’àmangertoutleplat,tantquetuyes!
Roryetsonfrère jumeau,Raymond,onttreizeans,et ilssontenpleinecroissance.Ilsgrandissent de cinq centimètres toutes les nuits et, comme les chauves-souris, ilsmangentleurproprepoidsennourriture.
Roryouvrelabouche,montrantàsasœursabouchéeàmoitiémâchée.‒T’esdégueulasse!‒Ettoit’eschiante!Riley lui jetteunmorceaudepaingrilléauvisage, commeuneétoiledeninja.Avant
qu’il n’ait pu se venger, Chelsea leur fait le regard qui tue, puis elle donne à Rory troisautrestranchesdebacon.Jemesersunetassedecafénoiraubaret,lorsquejemetourne,
jemanquedetrébuchersurlapetiteReganquimeregardeavecunebrosseetunélastiqueàlamain.
‒Tupeuxfairematresse,Papa?Regan etRonan sont les seuls à nous appeler « papa » et «maman », car ils étaient
trop petits pour se souvenir de leurs parents, Robert et Rachel. Certains penseront sansdoute que c’est étrange que tous les enfants ne nous désignent pas de lamêmemanière,maispeuimporte.
Jebrosseseslongscheveuxchâtainspuisjetressesesmèchesenuntempsrecord.Ellemeregardeensouriantalorsqu’illuimanquelesdeuxdentsdedevant,puiselleserassoitpourfinirsesœufs.
À ma droite, Chelsea me reluque avec un regard de braise qui me dit qu’elle veuts’agenouilleràmespiedspourmesucer.
‒Quoi?jedemande.Elle secoue la têteetvientàmoi, faisant rebondir ses seinsparfaits sous son tee-shirt
« San Diego » noir. Je me lèche les lèvres, regrettant de ne pas avoir accordé plusd’attentionàsapoitrine,cematin,etjemeprometsdemerattraperdemain.
‒Jen’aijamaisrienvudeplussexyquetoi,avectesgrosmusclesettestatouages,entraindefaireunetresseàunefillettedesixans,chuchoteChelsea.
‒Mestressessontparfaites,jerépondsenhaussantlesépaules.‒C’estvrai,dit-elleenriant.Etjet’aime.‒Jet’aimeaussi,jedisenmebaissantpourl’embrasser.‒Ça suffit, les roulagesdepelle, grondeRoryaprès trois secondes.Vousêtesmariés,
bonsang.Chelseaglousseavantdechuchoterdansmonoreille.‒Ilfautqu’onparle,plustard.Elleveutqu’onparle?Super!Jeplaisante,biensûr.Personnen’aimeentendrecettephrase.‒Toutvabien?‒Ouais,jecrois.Juste…onenparleraplustard.Elle serremonbrasà l’endroitoùsonnometceuxdesenfants sont tatoués,puiselle
retourneauprèsdesenfantsavecunenouvellepoêled’œufsbrouillés.Jem’assois enboutde table, je prendsun toast depain complet, et je demande aux
membresdemonéquipequelssontleursplanspourlajournée.‒Moi,jevaischezPeter,répondRiley.RileysortavecPeterWentworthdepuissixmois.Ilal’aird’êtreunbongars,etilnese
pisse pas dessus quand il me voit, contrairement aux anciens prétendants de Riley. Ilmarquedoncquelquespoints.Toutefois…c’estungeek : obsédéparWorldofWarcraft et
TheBigBangTheory.Mêmes’ilsn’ontquedix-huitans,qu’ilsnevontpasnécessairementsemarier…iln’estpasassezbienpourelle.
Raymondlèvelamain.‒Jedoisalleràlabibliothèquepourfinirmonexposédegroupeenastronomie.‒Moi,j’aipiano,ajouteRosaleen.‒Etmoi,j’aibaseball,répondRory.‒Moi,j’aidanseclassiqueetclaquettes,annonceRegan.Enfin,Ronan,dont lescheveuxsedressent sur sa têteparcequepersonnen’aencore
prisletempsdelesluibrosser,lèvelamain.‒Moij’airien.‒Alorstuesavecmoi,aujourd’hui,jedisenlepointantdudoigt.Chelseas’assoitàl’autreboutdelatable.‒TuvasvoirleJuge?Jehochelatête.‒JevaisemmenerRonanavecmoietdéposerRoryenroute.Onpasseralerécupérer
auretour.‒RosaleenpeutveniravecmoiaucoursdedansedeRegan,ditChelsea.Onserade
retour à temps pour sa leçon de piano. Et toi, ajoute-t-elle en se tournant vers Riley, tudéposerasRaymondàlabibliothèqueenallantchezPeter.
C’estunplansolide‒saufqueRileyestuneadoetqu’ellenepeutpass’empêcherderâler.
‒Pff…Labibliestàl’autreboutdelaville!‒C’estcequiestgénialaveclesvoitures,jeréponds.Ellespeuventtraverserdelongues
distances,c’estfou,non?Ellelèvelesyeuxauciel.‒Pourquoic’estmoiquidoislefaire?‒Parcequetuasacceptédenousaideràconduirelesenfantsàleursactivitéslorsque
nous avons consenti à t’acheter une voiture neuve plutôt que d’occasion. C’était le deal,rétorquefermementChelsea.
RobertetRachelMcQuaidavaientuneassurance-vietrèsgénéreuse.Donc,mêmeavecsixenfants,l’argentn’estpasunproblème.Lecréditdelamaisonaétéremboursé,chaqueenfantadequoipayertoutesascolaritéàlafacet,étantundespartenairesfondateursdemoncabinetd’avocats,jegagnebienmavie.Toutefois,surlesconseilsdemonmeilleuramietassocié,BrentMason,quiahéritédeplusd’argentqu’ilnepourraendépenseraucoursde sa vie, les enfants ne le savent pas. Il est primordial qu’ils aient de l’ambition et desobjectifs,et jeneveuxpasqu’ilspensentqu’ilspeuventvivre tranquillementendépensantl’argentquequelqu’und’autreagagnépoureux.
‒D’accord,soupireRiley.Tuvasrestercombiendetemps,àlabibli?
‒Troisouquatreheures,répondRaymondennettoyantseslunettesàlaHarryPotter.‒OK.Écris-moiquandt’esprêtàpartir.Ilhochelatête,etsoudain,notrechaosestparfaitementorganisé.C’estàçaqueressemblemavie,maintenant.Etc’estgénial.
2
Jem’accroupispourarracherl’herbequiapousséautourdelastèleenmarbreblanc,puisjepasseuncoupdechiffonsurl’inscriptionquiestgravéedessus.
‒Bonjour,Juge!chantelapetitevoixdeRonantandisqu’ildéposeunpotdemyosotissur la tombe. On t’a apporté ça, elles ont la même couleur que le ciel, explique-t-ilfièrement.
Ilsetourneversmoietlèvelatête.‒Jepeuxallerregarderlesstatues?Jehochelatêteensouriant.‒Oui,maisrestelàoùjepeuxtevoir.Etnecourspassurlestombes,c’estunmanque
derespect.‒Compris!répond-ilalorsqu’ilsautilledéjàendirectiondelagrandecrypteaumilieu
ducimetière.LeJugeestdécédéilyasixmois,maisj’ail’impressionquecelafaitpluslongtemps.Sa
dernièreannéeaétérude.Ilétaitatteintd’Alzheimeretsamaladieétaittellementavancéequ’ilacessédeparler,demarcheretdemanger.C’étaitpresque…unsoulagement,quandil estparti. Parceque le véritableAtticusFaulkner, celui quim’a sauvéde laprisonetdemoi-même,n’auraitpasvouluvivreainsi.
Jeluirendaisvisiteàlamaisonderetraitetouteslessemaineset,depuisqu’ilestparti,jevienslevoirunefoisparmois,pourqu’ilsachequejepenseencoreàlui,queje luisuiséternellement reconnaissant pour tout ce qu’il m’a appris, et… surtout parce qu’il memanque.
‒Salutmonvieux,quoideneuf?Je n’attends pas de réponse, bien sûr. Chelsea est catholique, et les enfants le sont
aussi,maismoi… jene suis rien.Nousnous sommesmariés au coucherdu soleil, dans lejardinoù s’est tenue la réception. J’aurais embrassé sa religionpar amourpour elle,mais
Chelseaétaittroppresséepourattendrequenouspuissionsnousmarieràl’église.JenesaispassijecroisenDieu,mais…leJuge?
Jecroyaisenlui.‒ Laboursed’études est lancéedepuisunmois etnousavonsdéjàdes candidats. La
plupartd’entreeuxsontdesgaminsintelligentsquiontfaitdesconneries.LeJugen’avaitpasde famille,donc ilm’a laissé toute sa fortuneavecunmot : «Tu
saurasquoienfaire».Cen’étaitpaslecas,audébut,etjel’aihaïdenepasavoirétéplusprécis. J’imagine que ça l’a beaucoup fait marrer d’écrire ce mot. Enmême temps, il n’ajamais aimé me rendre la vie facile. Puis, un jour, j’ai compris, et j’ai créé la Bourseuniversitaire Atticus Faulkner. Elle est ouverte aux lycéens qui ont des parcours difficilesmaisquisontintelligentsetquisontcapablesdetravaillerdur.
‒Beaucoupd’entreeuxmefontpenseràmoi,tulesadorerais.Jetraîneencoreunpeuaucimetière,àparlerauJugeetàregarderRonancouriren
rond,àlafaçondeCousinMachin,notrechien,quandilcourtaprèssaqueue.‒Àbientôt,Juge,jedisentapotantledessusdesastèle.
Plus tard dans la journée, je suis dans le salon, devant un match de baseball. Endehors de Riley et de Raymond qui ne sont pas encore rentrés, tous les enfants sontéparpillés dans lamaison et tout est calme ‒ fait rarissime. Chelsea vientme voir enmetendantunthéglacé.
‒Merci.‒Derien,répond-elle.Elle s’assoit face à moi sur le canapé, les jambes repliées sous ses fesses, laissant
dépasser ses jolis pieds. Oui, Chelsea a de jolis pieds. Je n’ai jamais pensé que des piedspouvaientêtrebeaux,avantdevoirlessiens.
‒Tusais…laconversationdontj’aiparlé,toutàl’heure?Ondevraitprofiterquetoutsoittranquillepourdiscuter.
Jeboisunegorgéedethéetjehochelatête.‒Ouais,jen’espéraispasdutoutquetuallaisoublier…‒Trèsdrôle,rétorque-t-elleensouriant.‒Jesuistrèsmarrant,tulesaisbien.Ellerestesilencieuseunmoment,alorsjedécidedel’encourager.‒Qu’est-cequ’ilsepasse?Je commence à m’inquiéter, maintenant. Mon ventre se contracte alors que je me
prépareàentendrecequinevapas‒etmêmesi jenesaispasencoredequoi ils’agit, jesuisdéjàentraindeprévoir lesdifférentesmanièresderéglerça,parcequec’estcequejefaisetquejesuisdouépourça.
‒J’aiduretard.Cenesontquequelquesmots,maisdesmilliersdepenséessurgissentdansmonesprit.
Je suis un type costaud : cent kilos de muscles pour un mètre quatre-vingt-dix-huit. Lesmecscommemoineperdentjamaisleurvoix.Orlà,encetinstant,jen’ensuispasloin.
‒Pour…unrendez-vous?jedemanded’unevoixaiguëpleined’espoir.Le superbe visage de Chelsea est crispé et ses yeux bleus sont pleins d’angoisse. Elle
gonflesespoumons,puisellerépond.‒Non.‒Waouh.‒Ouais.‒Putain…waouh.‒Jesais.Je suppose que, normalement, les couples parlent d’avoir des enfants avant de se
marier.Or çan’a pas été notre cas, parce que cene sont pas les enfants quimanquaientdansnosvies.
‒Comment…enfin…tumetstoujourstonpatch?‒ Oui, mais ce n’est pas efficace à cent pour cent. Et tu te souviens, il y a quelques
semaines,quandilsedécollaittoutletemps?Je ne m’en souviens absolument pas. En fait, je ne sais même plus comment je
m’appelle. Mes pensées sont complètement chamboulées. J’imagine un nouveau-né aumilieudessixenfantsquenousavonsdéjà.Ronann’avaitquequelquesmoisquandChelseaet moi nous sommes rencontrés, donc je sais exactement ce qui nous attend. Les réveilsplusieursfoisparnuit,lesdents,lespleurssansraison.Etlescouches‒putain‒touteslescouches.Pendantdesannées!
Enmême temps, je sais que les seins deviennent énormes pendant la grossesse.Mesyeux se posent sur la poitrine déjà impressionnante de Chelsea et je me dis que cetavantage-làsuffitpeut-êtreàeffacertouslesinconvénients.
‒Tuasfaitletest?‒Non,pasencore.Je me suis tapé des dizaines de femmes ‒ peut-être même des centaines ‒ avant de
rencontrerChelsea.Cependant,jen’aijamaisétédanscettesituation,parcequejemesuistoujoursprotégé. J’ai cruavoir chopéuneMST,une fois,parceque çapeutarrivermêmeavecunpréservatif,maisriendeplus.
‒OK,jedisenmelevant.Jevaisacheteruntest.‒J’enaidéjàachetéun,dit-elleensourianttimidement.Trois,même.‒Ah.Ehben,allons-y,alors.Je lui tends lamain pour l’aider à se lever et jeme tourne vers le couloir lorsqu’elle
saisitmonbraspourm’arrêter.
‒Jake…qu’est-cequetupensesàl’idéed’avoirunenfant?demande-t-elleenétudiantmonvisage.Jeveuxdire…sijesuisenceinte…çavaaller?
Jesuisdégoûtéqu’elleressentelebesoindemeposerlaquestion.‒Biensûrqueçavaaller, jedisenposantmamainsur sa joue.C’estunsacréchoc,
c’estclair,maiscen’estpascommesionnesavaitpascequ’onfaisait.Undeplusnepeutêtrequemieux…enfinjecrois.
Ellem’offreungrandsouriresoulagéetjel’embrassetendrementsurlefront.‒Allezviens,allonsfairepipi.
‒J’aieudumalàlecroire,quandjen’aipaseumesrègles.J’attendaisquelescrampesarrivent, j’ai vérifié mon calendrier deux fois, et soudain j’ai compris. Et je me suis dit«waouh»,tusais?
Chelseaaparlénon-stopen faisantpipi sur les trois tests, et ellene s’estpasarrêtéedepuis.Ellefaitlescentpasdanslachambrealorsquenousattendonslerésultat,rangeantdulinge,déplaçantsesaffairesdanslacommode,incapablederesterimmobile.
‒Jemedisaisquej’aimeraisquelebébésoiticiavecnous,aumoinslapremièreannée.Ilssonttellementpetitsquandilsviennentdenaître,jeneveuxpasêtretroploin.Jenesaispas s’il va falloir fairedes travauxpour agrandir la chambre, ce qui serait nul,mais onaencoreneufmois,donconaletemps.
Jesourisalorsqu’ellefaitdenouveaudemi-tour.‒Largement,j’acquiesceavantderegardermamontre.D’ailleurs,àproposdetemps…Jedésignelasalledebains.‒Jenepeuxpasregarder!Fais-le,toi.Vavoir.‒D’accord,j’yvais,jedisenriant.LavoixdeChelseamesuit.‒Lesenfantsvonthalluciner.ReganetRonanserontexcités,Rileyseraprobablement
soulagée…Jerevienslentementdanslachambre,leventrenoué.‒Chelsea…‒…departiràlafacdansunan.Ilfaudraquejeparleàmonbossaumusée.Jeme
demande…‒Chelsea,jerépèted’unevoixplusferme,attirantenfinsonattention.Ilssontnégatifs.‒Quoi?demande-t-ellealorsquesonsourires’évanouit.‒Ilssontnégatifs.Touslestrois.Elleréalisecequejeluidisetellerougit.‒Ah.
Elleregardelestestsdansmamainalorsque,soudain,jemesensvide.Elleseraclelagorgeethausseuneépaule.
‒Ehbenjesupposequec’estunebonnenouvelle.‒Jesuppose,ouais,jeréponds.Siçal’est,pourquoin’enai-jepasl’impression?Elleexpiretoutl’airdesespoumonsetprendlestestspourlesjeteràlapoubelle,puis
elle fait le tour de la chambre et déplace les vêtements qu’elle vient de ranger dans lacommode.
‒Biensûr.Ladernièrechosedontonaitbesoin…Elle s’interrompt et secoue la tête. Elle est dos à moi donc je ne peux pas voir
l’expressionsursonvisage.‒J’aidûmalcalculermesdates.Jesuisbête.Jeferaiplusattention,àl’avenir.‒Chelsea…Elletournelestalonsetsedirigeverslaporte,têtebaissée.‒J’aidelalessiveàfaire.Roryabesoindesonuniforme,demain,et…Je saisis son bras et je l’attire contremoi. Elle cache son visage contremon torse et,
soudain,unsanglotétrangléluiéchappe.Chelsean’estpasdugenreàpleurer,niàbouder.Elleestforteetelletiretoujoursle
meilleur d’une situation. Quant à moi, je fais de mon mieux pour m’assurer qu’elle n’aitaucune raison de pleurer. Parce que je suis fort, moi aussi. Certains diraient mêmeinsensible.Saufquandils’agitdeseslarmes.
Ellesm’anéantissent‒chaquefois.‒Jenesaismêmepaspourquoijepleure,dit-elleauboutd’uneminute.Jecaressesescheveuxenarrière.‒ Tu pleures parce que tu es déçue. Parce que, ne serait-ce qu’un instant, tu as cru
qu’onallaitavoirunbébé,etquetut’enfaisaisunejoie.Parcequetuveuxunbébé.Surcesmots,jeréalisecequejeressensaufonddemoi.‒Etmoiaussi,enfait.Ellelèvebrusquementlatêteetétudiemonvisage.‒Ahbon?J’essuieseslarmesavecmonpouce.‒Ehben,jusqu’àilyaquelquesminutes,non.Maismaintenant…j’enveuxun.L’idée
d’avoirungaminquiatesyeuxetmapersonnalitépétillante…J’obtiensunéclatderire,carj’aiétédécritdemaintesfaçons,maisjamaiscommeétant
pétillant.‒…ceseraitgénial,Chelsea.Ellefroncelessourcils.‒Qu’est-cequetudis?Qu’onvaessayerd’avoirunbébé?Activement?
Certains diraient que je suis fou d’ajouter plus de responsabilités et de stress à notresituationfamiliale.Surtoutmaintenant,alorsquenousavonsenfinl’impressiondegérerlasituation.
Mais…pourquoipas?‒Ouais,c’estcequejedis.Faisonsunbébé.Enfin,situessûredelevouloir,toiaussi.
Çavat’affecterbeaucoupplusquemoi,nel’oubliepas.Chelsea a terminé son master en histoire de l’art juste avant notre mariage. Elle
travaille désormais àmi-tempsdans unmusée rattaché à la Smithsonian Institution,maismêmeaveclababy-sitterquivientquelquesheuresparsemaine,ellenepeutpastravaillerplus,parcequemeshorairessonttropétendus.Avecunnouveau-né,ellenepourramêmeplusfaireça‒entoutcas,paspendantuncertaintemps.
Chelseapassesesbrasdansmoncou,sedressesur lapointedespiedsetm’embrassedemanièretendreetcoquine.Lorsqu’ellereculepourmeregarder,leslarmesdanssesyeuxsontdeslarmesdejoie.
‒Faisonsunbébé,Jake.
3
Celuiquiaditqu’essayerd’avoirunbébéétaitdifficilesefourraitledoigtdansl’œil.Sinotreviesexuelleétaitépanouieauparavant,elleesthorsdecontrôledepuisquetouteformedecontraception a disparu. Ma femme a l’esprit créatif ‒ c’est une artiste et elle estconservatricedemusée‒etlesdifférentesmanièresqu’elleatrouvéespourqu’onbaisesontextraordinaires.
Enplusdenosbaisespré-réveil, ilya toutes les fois sous ladouche, surmonbureaupendantmapausedéjeuner, sur lamachineà laverdans labuanderie,ouencoredans legarde-mangerquandonrangelescourses.Nousavonsmêmeprofanéleplacarddel’entrée‒trèsétroit,maisquiétaitnéanmoinsuneexpériencefantastique.
La cerise sur le gâteau a été le soir où nous avons dîné chez Stanton et Sofia, mesmeilleursamisetcollègues,quisontégalementlesparentsdeSamuelquivientdefêtersesdeux ans. À nous quatre, nous avons vidé trois bouteilles de vin, et quand nous sommesrentrés,éméchés,lesenfantsétaientdéjàprofondémentendormis.Jen’avaisencorejamaisprisChelseasurlecanapédusalon.
Inutiledepréciserquejesuisl’hommeleplusheureuxsurterre.
Pendant que Chelsea et moi essayons d’avoir un bébé, le reste de notre tribu essaied’oublier que ce sera le Meilleur Mois de l’Année. Depuis que je suis adulte et que jetravaille, mon calendrier a toujours tourné autour de ma carrière d’avocat, avec lesaudiencesdemiseen libertéprovisoire, les lecturesd’actesd’accusation, lesmotionset lesprocès. J’étais indifférent aux différents mois de l’année, car chaque mois ressemblait auprécédent.
Toutcelaachangéquandj’airencontréChelseaetlesMcQuaid.
Aujourd’hui, aprèsun longétéavecunemaisonpleinedegamins surexcités, j’aihâteque le mois de septembre débute ‒ avec autant d’enthousiasme que tous les enfants du
mondeentieronthâtequecesoitNoël.Despublicitésdefournituresscolairess’étendentàpertedevueetledésespoirdesenfantsestpalpable.J’adorelemoisdeseptembre.
Sauf…pourl’achatdesfournitures.Parcequeça,çacraint.‒Cen’estpas lebon,ditRosaleenenregardantd’unairdédaigneux leclasseurdans
mamain.JeregardeLaListe‒lesmajusculessontcalculées.‒Ilestvert.Pourquoicen’estpaslebon?‒Lalisteditqu’ilfautunclasseurvertpomme.Celui-là,ilestvertsapin.Ilssefoutentdemoi,danscetteécole?Agacé,jeposeleclasseursurlapileinstabledel’étagèreetj’avanceavecmonchariot.‒ Cette boîte a dix crayons,Maman. LaListedit qu’il en faut huit, explique Regan à
Chelsea,quial’airaussihorrifiéequemoi.‒Iln’yapasdeboîtesavechuitcrayons,Regan.‒Alorsilfautalleràunautremagasin,répondlamômeenhaussantlesépaules.LapersonnequiarédigéLaListen’apasd’enfants,c’estimpossible.Etelleméritedese
prendreuneballedans la tête.D’ailleurs, jeseraisprêtàdéfendrebénévolementceluiquis’enchargerait.Àbonentendeur…
Rorymetendundictionnaire.‒Celui-làn’aquedix-neufmillemots.Ilmefautl’éditionavecvingtetunmillemots.Je
neveuxpasmalcommencerl’année:j’aibesoindemettretoutesleschancesdemoncôté.Iln’apastort.‒ Jake ! crie Raymond en courant vers moi. Je peux acheter cette calculatrice
scientifique?Elleestgéniale!Je regarde la calculatrice dans samain qui a plus de boutons que je n’en ai vus de
toutemavie.Iln’yaqueRaymondpours’emballerdevantunecalculette.‒Fais-toiplaisir.‒Tropcool!Jepousselechariotjusqu’àmafemme.‒Commentons’ensort?‒ On a vingt articles, il ne nous en manque plus qu’une centaine, répond-elle en
soupirant.Etc’estsanscompterlechoixducartable.Jenemesouvienspasd’avoireubesoind’autantdechosesquandj’étaisàl’école.Mes
profsseconsidéraientcommechanceuxquej’aieunstylodansmapoche.Chelseasoulèvesonsacpourmemontrerletestdegrossessequiestcachédessous.‒J’aiprisça,aussi.Çaditqu’onpeutvoirlerésultatcinqjoursavantladateprésumée
des règles,doncmêmesi jen’aipasde retard, jepeux le fairedemainmatin.Croisons lesdoigts!
Ses yeux pétillent de joie et d’espoir et je repense aux nausées qu’a subies Sofialorsqu’elleétaitenceintedeSamuel.
‒Net’enfaispas, jesuiscertainquetuvomirasbientôttestripes, je luidisenserrantsonépaule.
Ellemesouritetsonexpressionredevientsérieusealorsqu’ellesesouvientdequelquechose.
‒ D’ailleurs, à ce propos, tu devrais parler à Riley, aujourd’hui. Tu n’as pas oublié,n’est-cepas?
‒Non,jen’aipasoublié.Hélas.Commelesexeetlesgrossessessontau-devantdenospensées,encemoment,Chelsea
adécidéqu’ilétaittempspournousdeparleràRileydel’importancedesrapportsprotégés.Etpar«nous»,elleveutdire«moi».
Ellealuunarticlequiparlaitdesbienfaitsquepeutavoirunerelationsaineentreunhommeetune jeune fille, et ellepensequevenantd’unmec, l’informationaurauneplusgrandeinfluence.
Je comprends ‒ ce sera simplement la conversation la plus gênante et la plusinconfortabledetoutemavie.Etj’enaieudesbonnes,croyez-moi.
Chelseapromènesamainsurmontorse.‒Qu’est-cequ’ilya?Ungrosdurcommetoiapeurdeparleràuneado?‒ Peur ? Non. Mais je ne me serais jamais douté que je regretterais l’époque où je
l’emmenaisàdesconcertsdeOneDirection.Chelsea éclate de rire et elle rejoint Regan qui l’appelle pour lui montrer un carnet
recouvertdechiots.‒Jem’ennuie,râleRonandepuissaplacedanslechariot.‒Onabientôtterminé.‒Çacraint,dit-ilenfronçantlessourcils.‒Onneditpasqueçacraint,jegrondedemaplusbellevoixpaternelle.Cen’estpas
unebellefaçondeparler.Ilplongesesyeuxbleusdanslesmiens.‒Saufquec’estvrai‒çacraint.Jemeretiensdesourire,parcequej’aiunfaiblepourl’honnêtetéquisortdelabouche
des gamins, à cet âge, avant qu’ils n’apprennent àmesurer ce qu’ils disent et àmasquerleursopinions.
Jefrottesatêteetj’ébouriffesescheveuxblonds.‒Oui,jesais.
Quelques heures plus tard, je me jette à l’eau. Je passe la tête par la porte de lachambredeRiley,quejetrouveallongéesursonlit,téléphoneàlamain.
‒Salut.Elleôteunécouteuretseredresse.‒Salut,qu’est-cequ’ilsepasse?‒T’asuneminute?‒C’estpasmoi,répond-elleimmédiatementenfronçantlessourcils.‒Qu’est-cequin’estpastoi?‒Labêtisedonttuveuxmeparler.Cen’étaitpasmoi.‒C’estnoté.Viensavecmoi,jedisendésignantlachambred’amis.Elleselèveetmesuitenattachantseslongscheveuxbrunsetbouclésdansunchignon
fouillis. Nous entrons dans la chambre jaune, au bout du couloir, et je ferme la portederrièrenous.Riley s’assoit sur le lit en soupirant, commesi je lui faisaisperdreun tempsprécieux.Commes’iln’yavaitpasdescentainesdechosesquejepréféreraisfaire‒commemefairearracherunedentsansanesthésie.
Jecroiselesbras,jelaregarde,etj’imaginequejesuisautribunal,entraindeparleràuntémoin.Jesuiscalme,détenduetréfléchi.C’estmonjob,etjesuisdouépourça.
‒Alors…toietPeter…commentçasepasse?Ellefroncelessourcils.‒Trèsbien,pourquoi?‒Sixmois,c’estlong,quandonestaulycée.‒Jesuppose,oui.‒Onappelleçacomment?Lesnocesdetulle?Ellemeregardeencoreplusbizarrement,maintenant.‒Dequoituparles,Jake?‒D’accord,jevaisyallerfranco.Tatanteetmoiavonsremarquéqu’entrePeterettoi
çasemblait…sérieux.Et…onveuts’assurerquevousvousprotégez.Lederniermotrestesuspendudansl’aircommeundespetspourrisdeCousinMachin,
etRileydevientécarlate.‒MonDieu,t’esvraimententraindefairecequejepense?‒Jesais, jesais,c’estaffreux,jedisenmepinçantlenezetenfermantlesyeux.Mais
c’estimportant,Riley.Jeplongemonregardsurelleetellebaisselatête.‒OK.Maisj’aidéjàeucetteconversation,répond-elle.Ilyadesannées,avecMaman.
Jesaisqu’ilfautseprotéger,jenesuispasdébile,ajoute-t-elleenlevantlesyeuxauciel.‒C’estbien,maisilnesuffitpasdelesavoir.Ilfautlefaire,jedisenouvrantletiroirde
la tablede chevet pour en sortir uneboîte de capotes.Donc, cette boîte sera toujours là.
Pourtoi.Onneteposerajamaisdequestions.Tatanteoumoiremplaceronslaboîtequandceseranécessaire‒etencoreunefois,onneteposeraaucunequestion.
Croyez-moi,cesontdesréponsesquejeneveuxpasentendre.‒Maisqu’onsoitbiend’accord,onneditpasqu’onestd’accordpourque tuaiesdes
rapportssexuels.C’estjustequ’onestréalistes,etqu’onveutquetuteprotèges…quandlemomentseravenu.
Jerangelescapotesdansletiroiretjem’appuiecontrelemurencroisantlesbras.‒Ilyadesmecsquirâlerontquandtuleurdemanderasdemettreunpréservatif.Mais
entantquemec,jetedisderesterferme,etdeleurdired’allersefairefoutre.Jeréalisecequejeviensdedire.‒Ouplutôt,qu’ilsn’aillentpassefairefoutre!Jamaissanscapote!Merde,jesuisnulpourça.UnpetitéclatderireéchappeàRileyetjefrottemabarbe.‒Ceseraithypocritedetedired’attendred’êtremariée…mêmesic’esttrèstentant.Je
veux simplement que tu te souviennes que… on peut souffrir d’avoir des rapports avantd’êtreprêt,alorsquepersonnen’ajamaissouffertd’attendre.
Riley ne répond rien, et je comprends. Cependant, son air pensif me dit qu’ellem’entend.
‒Etsijamais,unjour,quelqu’untemetlapressionoutefaitdumal…Jel’attacheraiàunarbreetjelebrûleraivif.‒…sijamaistuasdesquestions…tupeuxtoujoursnousparler.Àmoiouàtatante.
Iln’yarienquetunepuissesnousdire.Compris?‒Compris,dit-elleenhochantlatête.‒Bien.Rileyselèveetsedirigeverslaporte.Àmi-chemin,elles’arrêteetsetourneversmoi.‒ J’apprécie que tu aies l’esprit ouvert, Jake, et que Chelsea et toi ayez décidé
d’échangervosrôles.C’estcequ’onafait?‒Mais…nereparlonsplusjamaisdecetteconversation.D’accord?‒Dieumerci‒oui,biensûr.Ellemesouritetlèvelespoucesd’unairgêné.‒Génial,dit-elleavantdedisparaîtredanslecouloir.
Le lendemainmatin,Chelseaetmoinousretrouvonsdans lamêmesituationqu’ilyaquelques semaines, enfermés dans notre chambre, à compter les trois minutes qu’il nousfaut attendre avant d’avoir le résultat du test de grossesse. Chelsea est plus calme, cettefois-ci,j’ail’impressionqu’ellecontientsonémotion.
Je suis assis sur le lit, tapant le rythmede la chansond’IronMan surmes cuisses. Jesuisrarementangoissé.Orjelesuis,maintenant,parcequejeveuxcebébé.Parcequeçalarendraheureuse.Etmoiaussi.
Chelsearemetunemècheauburnderrièresonoreilleetmeregarded’unairnerveux.‒Çafaittroisminutes.Tuveuxquejeregarde?Je saisis ses hanches et je l’attire entre mes jambes, l’embrassant au-dessus de sa
sublimepoitrine.‒Jevaislefaire.Cettefois-ci,quandjesorsdelasalledebains,c’estensouriantjusqu’auxoreilles:fier,
etexcitécommeunepuce.Il suffitàChelseademeregarderpourconnaître le résultat,etelle se jettedansmes
bras.Onattendunbébé.
4
Novembre
Heureusement,notreviesexuelleaétéprolifiqueavantqueChelseanetombeenceinte,carcelam’apermisdemieuxsupporterlessemainessuivantes,lorsquelespartiesdejambesenl’airontcomplètementdisparuduprogramme.D’abordlafatigues’estemparéed’elle,àtelpointquemêmemaboucheentresescuissesneparvenaitpasàlaréveiller.
Jen’aipasprisceladefaçonpersonnelle.Ensuite, les nausées ont commencé. Cela la frappait l’après-midi, ce qui était plutôt
bien, car elle était généralement aumusée et cela nous a aidé à cacher la nouvelle auxenfants.Nousavonsdécidédenepaslaleurannoncertantquenousn’étionspas certainsquetoutallaitbien.Unegrossessesurcinqfinitenfaussecouchedurantlepremiertrimestre‒sicelanousarrivaitetquelesenfantsétaientaucourant,ceseraitundésastre.
Nousn’avonsdonc rienditdurant lespremiersmois. Je l’ai accompagnéeaupremierrendez-vousmédical, où elle a pleuré en entendant les battementsde cœur, et pleurédeplusbelledurantlapremièreéchographie.
Celan’apasétémoncas.Celanem’arienfaitdevoirunetachegrisesurunécranoud’entendre lebruitde lamer.Pourmoi,çanerendpas lasituationréelle.Jen’airiendit,biensûr,jenesuispasdébile.
‒Aufait…j’aiunenouvelleàvousannoncer.C’est jeudi, et Brent, Stanton, Sofia et moi déjeunons dans une brasserie à quelques
ruesdubureau.Brentsepencheenavant,coudessurlatable,dévisageantchacund’entrenouspours’assurerquenousl’écoutons.
Si Peter Pan décidait de grandir un jour, j’imagine qu’il ressemblerait à Brent. Il atoujours eu un côté insouciant et spontané ‒ des traits de sa personnalité qui n’ont été
qu’accentuésparsonmariage.Maintenant,ilaunecomplice.Brent et Kennedy voyagent beaucoup, le week-end, pour aller faire du kayak, du
rafting,sauterenparachute…‒Kennedyestenceinte,annonce-t-ilensouriantjusqu’auxoreilles.Sofiapousseun cri strident et elle se lèvepourprendreBrentdans sesbras. Stanton
lèvesonverreetjemepenchepar-dessuslatablepourluimettreunetapedansledos.‒Félicitations!‒C’estgénial,mec.‒Commenttamèreaprislanouvelle?Elleafaituninfarctus?jericane.MadameMasonattendd’êtregrand-mèredepuisqueMasonaatteintlapuberté.‒Onn’aencorerienditauxparents.Onrepousselanouvelleautantquepossible,mais
on va bientôt devoir leur dire, parce que Kennedy est tellement petite que ça commencedéjààsevoir.Sisamèreluifaituneremarquesursonpoids,ilyadeschancespourquejeluidiseenfind’allersefairefoutre.Çapourraitrendreledînerdefamillegênant.
Jen’aipastendanceàtraiterlesfemmesdegarces,surtoutquandellesontl’âgedemamère,maiss’ilyabienunefemmequiméritecetteétiquette,c’estMitzyRandolph,lamèredeKennedy.
‒Elleestenceintedecombien?demandeSofia.‒Detroismoisetdemi.LeregarddeBrentestsipleindejoiequejemesenstoutchose,delevoirainsi.Àtel
pointquemêmesiChelseaestencoreàquelquesjoursdelafindesonpremiertrimestre,jenepeuxmetaire.
‒Ehbien,puisquec’estlemomentdesdéclarations,jesupposequejedevraisvousdireque…Chelseaestenceinte,aussi.
SofiapousseunnouveaucridejoieetStantonéclatederireennousfélicitant.‒Mec,t’esfoutu,déclareBrent.Jeluifaisundoigtd’honneuravecchaquemainetiléclatederire.‒Pourquoilagrossessedetafemmeestlahuitièmemerveilledumondealorsquecelle
deChelseaestlafindumien?jedemande,curieuxdesaréponse,carleraisonnementdeBrentesttoujoursamusant.
‒ Parce que je n’ai pas déjà six gosses. Riley prend son envol dans un an et tu laremplacesdéjà!Celadit,siquelqu’undoitavoirdesdizainesd’enfants…
‒Onvas’arrêteràsept,jedéclare.‒…c’estChelseaettoi.Félicitations,mec.‒Merci.‒Etvous,c’estpourquand?demandeSofia.‒Çaferadouzesemaines,dimanche.C’estprévupourjuin.
‒Siçasetrouve,ilsnaîtrontlemêmejour,ditBrent.Peut-êtrequ’onpourraitarrangerleurmariage,commeça,onseraitdelamêmefamille.
‒Ilsserontpeut-êtredumêmesexe,abruti,jeréponds.‒C’estlégal,maintenant,rétorque-t-ilenhaussantlesépaules.‒Cen’estpasfaux,maisjesuiscontrelesmariagesarrangés,detoutefaçon.‒Tout ceque jedis, c’estque si onavait écouténosparents,Kennedyetmoi serions
ensembledepuisbienlongtemps.‒Entoutcas,sil’und’entrevousabesoind’unebaby-sitter,Presleycherchetoujoursà
sefaireunpeud’argentdepochequandellevientici,ditStanton.Presleyest lafilledeStanton.Elleadix-septansetellevitdansleMississippiavecsa
mère‒lepremieramourdeStanton‒,sonbeau-père,etsesdeuxdemi-frères.AvecSamuel,çaluifaittroisdemi-frères–Presleypourraitpresqueouvrirunecrèche.
‒Jesuistellementexcitée!s’exclameSofiaenfrappantdanssesmains.Toutsepassecommeprévu,dit-elleàsonmari.
‒Commeprévu?jedemande.‒Ouais, répondStanton.Samueln’est plus vraimentunbébé,maisonn’en veutpas
d’autre…‒… alors on attendait que vous vous lanciez pour emprunter les vôtres…, poursuit
Sofia.‒…etvouslesrendrequandonauraeunotredose!conclutStanton.Ilshochenttouslesdeuxlatête.‒Àlaprochainegénération!déclareSofiaenlevantsonverre.Qu’ellesoitencoreplus
intelligente,talentueuseetbellequelaprécédente.Noustrinquonstousensemble,etjemedisquemaintenantquej’ailâchélemorceauà
mesamis,ilesttempsqueChelseaetmoiparlionsauxenfants.Cedevraitêtreintéressant.
Touslessixsontassisàtable…avecunaircoupable.Pourquoi?Ilsmefontpenseràdesprisonniersespérantquelegardenevapastrouverlacontrebandescotchéeàlalunettedeleurstoilettes.Jelesétudieunparunenmedemandantcequ’ilsnouscachent.
‒ Alors… on voulait vous parler, ce soir, parce qu’on a une grande nouvelle à vousannoncer,ditChelseaenprenantmamainpar-dessuslatable.
L’interrogatoireattendra.‒ On part en vacances aux Antilles ? demande Riley en écarquillant les yeux et en
haussantlessourcils.‒Non,jeréponds.‒EnFloride?essaieRory.
‒Onnepartpasenvacances,lesenfants,expliqueChelsea.‒Onvaavoirunautrechien?tenteRegan.‒Non,Chelseaetmoirépondonsàl’unisson.‒Lesmecs,taisez-vousetécoutez,ditRaymond.Chelsearegardelesenfants,unparun,puiselleselance.‒Jakeetmoiallonsavoirunbébé!Personneneparle.Personnenebouge.‒Vous…vousadoptez?demandeRaymond.‒Non,monchéri.Jesuisenceinte.Rileyestlapremièreàseleverpourvenirnousprendredanssesbras.‒Félicitations,c’estgénial.‒Jevoulaisvraimentunautrechien,ditRegan,vraimentdéçue.‒ T’as été chez un docteur pour être enceinte ? Comme les mamans de Jackie
Barbacoa?‒Non…‒Alorscommentc’estarrivé?demandeRory.Chelseatournelatêteversmoi,puiselleregardelesenfantsenhaussantlesépaules.‒Àl’ancienne.‒Jevaisgerber,déclareRoryensecouvrantlabouche.Soudain, ils parlent tous à la fois ‒ tous sauf Raymond, qui reste assis calmement,
abasourdi.‒C’estquoi,àl’ancienne?demandeRegan.‒Waouh,commenteRosaleen.‒Sansrire,jevaisvomir.‒Çaveutdirequoi,l’ancienne?‒Jeneseraipluslepluspetit?Jeserailebossdequelqu’un?demandeRonanense
mettantdeboutsursachaise.‒Exactement,jeréponds.‒Génial!Ildescenddesachaiseetilfaitletourdelatableenchantant«Jevaisêtreleboss…
Jevaisêtreleboss…»,pendantqueRorycourtauporte-parapluies,prêtàvomir.‒Commentonestenceinteàl’ancienne?crieRegan.‒C’estquand l’hommeet la femmetombentamoureuxetque l’hommemetsonpénis
dans le vagin de la femme et que neuf mois plus tard, un bébé sort, explique Rosaleen,clairementexaspérée.
Reganmeregardecommesij’étaisunmonstre.‒T’asmistonpénisdanslevagindeMaman?Bonsang,lasituationacomplètementdérapé.
‒Pourquoit’asfaitça?‒Jevaisêtreleboss…‒Onparleradeçaquandtuserasplusgrande,machérie.‒Jevaisvraimentgerber…‒Etmaintenantunbébévasortirenrampant?‒Pastoutàfait,non.‒T’estellementimmature,Regan.‒Tais-toi,Rosaleen.‒J’m’sensvraimentpasbien.Ronanajoutelacerisesurlegâteau.‒Ilestgrandcomment,tonvagin,Maman?‒Passigrand,jeréponds,enessayantd’êtreserviable.Chelseatournebrusquementlatêteversmoietnouséclatonsderire.‒Vousêtesfous.Vousêtescomplètementdingues,dit-elleauxenfants,maispasunne
l’écoute.Nous les laissons se chamailler et je passemon bras autour de Chelsea pour l’attirer
contremoi.‒Ças’estplutôtbienpassé,non?
5
Dcembre
Arrivéeà lapremièresemainededécembre,Chelseaaunpetitventrebien rondet ferme.Ses nausées se sont calmées et elle a plus d’énergie que jamais. En tout cas, elle estsuffisammentenformepouraccepterletravailsupplémentairequesonpatronluidonneaumusée.Elles’yrendplustôtetellerentreàlamaisonplustardquandc’estpossible.
Elleestégalementdeplusenplusobsédéeparcequ’ellemange,déterminéeànepasingérer quoi que ce soit d’industriel ou qui ne soit pas certifié bio. Toutefois, avec unpeud’encouragement,elleacceptedecéderpoursonpéchémignon‒desDoubleOreotrempésdansunverredelait.
Demoncôté,jedécrocheuneaffairequiestsuivieparlesmédiasdetoutlepays.C’estunesériedebraquagesdebanqueset,malgrél’alibidemonclient, leprocureurarecueillisonADN sur lemasquede ski qui a été porté à chaquebraquage.C’est le genred’affairedont je rêvais en sortant de la fac, un défi technique quim’offrira la gloire juridique si jegagne.J’adorem’enfouirdanslapaperasseetlesmotions,cherchantpartouslesmoyensàavoirledessussurmonopposant.Lajournée,aubureau,c’estfacile.Cependant,quandjevois lanuit tomber,de l’autre côtédema fenêtre, l’affairem’apparaît commeune corvée,parcequej’aijusteenviederentrer,decaressermonchien,devoirmesenfants,etdefairel’amouràmafemme.
Unsoir,unesemaineavantNoël,jedécidedepartirduboulotasseztôt,versdix-neufheures trente. Je passe la porte de chezmoi, CousinMachin reniflemes chaussures, et jerespire le parfum de la cheminée. Je pose mon attaché-case et j’entre dans la salle àmanger, où je trouve les enfants autourde la table, avecStanton,Sofia,Presley,Samuel,BrentetKennedy.
La tableestcouvertedebolsdeglaçageblanc,debonbonsde toutes lescouleurs,desucettesvertesetrouges,etd’unetrentainedebiscuitsrectangulaires.
‒ Chéri, tu es rentré ! s’écrie Brent avant de sucer le doigt de Kennedy couvert deglaçage.
Regan,Ronan etRosaleen se jettent surmoi pourmemontrer ce qu’ils font,mais ilsparlentenmêmetempsetjenecomprendsqu’unmotsurdeux.Chelseaentrealors,vêtued’untablierrougeetvert,tenantunplateauavecd’autresbiscuits.
‒Salut!dit-elled’unevoixexcitéeenposantleplateaupourm’embrasser.‒Qu’est-cequ’ilsepasse?‒ Je me suis un peu lâchée sur le pain d’épice, dit-elle. Alors au lieu de faire une
maisonenpaind’épice,onconstruitcarrémentuneville.‒Faiscommecheztoi,ditStantonenmepassantunebièrefraîche.Sofia chatouille Samuel, qui hurle de joie, et elle lui murmure quelque chose en
brésilienalorsqu’ilmetunboutdecookiedanslabouchedesamère.‒Regardeça,Jake,ditRoryendésignantlamoitiéd’immeubledevantlui.AvecBrent,
onconstruit lecabinetd’avocats.Beker,Mason,Santos,Shaw,etMcQuaid.Çasonnebien,tunepensespas?
‒ Tu devrais envisager d’être procureur, Rory, dit Kennedy. Notre immeuble estmagnifique.
‒Nel’écoutepas,ellement.Sonbureauestminuscule,ricaneBrent.Kennedyposeunegouttedeglaçagesursonnez,maisçane ledérangepas lemoins
dumonde.‒Tuvasdevoirlécherça,femme.ElleyajouteunM&M’srouge,cequidéclenchel’hystériedeRegan.‒Batailledebouffe!hurle-t-elle.‒Noooon!s’exclameChelsea.Onnejouepasaveclanourriture!Brentsecouelatêteenregardantsafemme.‒Onpeuttoujourscomptersurtoipourmontrerlemauvaisexemple…Kennedysecontentedeluitirerlalangue.‒ Presley et moi construisons le Capitole, dit Raymond de l’autre côté de la table.
Ensemble,ajoute-t-il.Puis, derrière le dos de sa partenaire, il lève le pouce en jouant des sourcils. Il a
toujourslebéguinpourelle,apparemment.‒ Viens, assieds-toi, me dit Chelsea en prenant ma main. Que veux-tu que nous
construisions?Parfois, je regardeautourdemoiet jemedemandecomment j’ensuisarrivé là.Tout
s’est passé si vite… Puis jeme dis que, peu importe, tout ce qui compte, c’est que je suisl’hommeleplusheureuxsurterre.
‒Construisonsnotremaison,jeréponds.‒Bonneidée!
Lematin de Noël, les enfants débarquent dans notre chambre pour nous réveiller àquatre heures dumatin‒ c’est le seul jour de l’année où ils peuvent entrer sans frapper.Lorsquedupapiercadeaudetouteslescouleursjonchelesoldusalonetquelechienetlesenfants sont en train de découvrir le fonctionnement de leurs nouveaux jouets, j’installeChelseasurlecanapéavecunetassedethé,etRosaleenetmoinousoccuponsdefairedespancakesàlamyrtillepourtoutenotretribu.
Rosaleenfouetteungrandsaladierdepâtependantquejepréparelesmyrtilles.‒Tucroisquevousallezaimerlebébéplusquenous?‒Quoi?jedemandeenmefigeant,soufflecoupé.‒Oncomprendrait,sic’étaitlecas,dit-elleenhaussantlesépaules.Ilmefautunesecondepourtrouverlaréponseadéquate.‒Tusais,àl’école,quandlesprofsdisentqu’iln’yapasdequestionidiote?‒Ouais?‒Ilsmentent.Ellericane,maisellenelèvepaslesyeuxpourautant.‒D’oùvientcettequestion?‒Ehbien…lebébéseralevôtre.ÀtoiettanteChelsea.Je pose le couteau surmaplanche, j’essuiemesmains, et jem’accroupis devant elle,
attendantqu’ellemeregardedanslesyeuxpourluidirelavérité.‒Tuesàmoi,toiaussi.ÀChelseaetmoi.N’endoutejamais,Rosaleen.Elle encaisse ce que je dis, lentement, puis ellem’offre un sourire plus lumineux que
touteslesguirlandesquidécorentnotresapin.‒D’accord.Jehochelatêteetjemerelève.‒Maintenant,finissonsvitecespancakesavantquetesfrèresnedévorentlesapin.
6
Janvier
Aprèsunnouvelanrelativementcalme, lesenfantsreprennent l’école.Cesvacancesm’ontpermisderemarquerunechose : lecalmedeRaymond. Ilestbeaucouptropcalme.Ainsi,unjouroùlepatrondeChelsealuidemanded’arriverplustôtaumuséeetquejem’occupedepréparerlesenfantspourl’école,jeretiensRoryavantqu’ilneparteprendrelebus.
‒Qu’est-cequ’illuiarrive?Rorysuitmonregardjusqu’àsonfrèrejumeau,etilhausselesépaules.‒Raymondatoujoursétéungarçoninquiet.Ilnem’apprendrien.Commebeaucoupd’enfantssurdoués,Raymondadenombreuses
angoisses : le réchauffement climatique, les sécheresses, lesguerresnucléaires…S’il y a lemoindrerisquequ’unecatastropheplanétaireaitlieu,Raymonds’eninquiétera.
‒Qu’est-cequil’angoisse,cesjours-ci?Soisplusprécis.Rorydevient soudainmalà l’aiseet ilme faitpenseràun témoinquiestappeléà la
barre.‒Jenepeuxpasteledire,parcequec’estmonfrère.Mais…Raymondn’apasdemot
depassesursonordinateur.Sij’étaismalin,c’estlàquej’iraischercher.Ildescendlesescalierspourattendrelebusauportail.‒Àplus,Jake.‒Ouais,bonnejournée,Rory.
J’attendsde tous lesvoirmonterdans lebus,puis je filedans la chambredeRoryet
Raymond. À voir leur chambre, personne ne se douterait qu’ils sont jumeaux. Le lit dudessus,celuideRaymond,estfaitaucarré,alorsqueceluidubasn’estqu’unepileinformede draps et de couvertures. L’un des bureaux est un désastre de papiers empilés, de
manettesdeconsolesetdecanettesvides,tandisquel’autreestimmaculé,sanslamoindrepoussière,avecunMacBookProargentéquitrôneensoncentre.
Jesuispersuadéquecertainsparentssesentiraientcoupablesd’envahir l’espaceprivéde leur enfant, mais je n’en fais pas partie. Les enfants auront une intimité quand ilsdéménageront.
J’allumel’ordinateurdeRaymondetj’ouvrel’historiquedenavigation.‒Merde,jechuchotealorsquemonestomacfaitunsautpérilleux.
Jedécidederentrerplustôt,cetaprès-midi,afind’êtrelàquandRaymondrentreraetlui parler avant qu’il ne sombre davantage dans son puits d’angoisse. Chelsea estagréablementsurprisedemevoiretellem’embrasse langoureusement lorsque j’entredanslacuisine.
‒Waouh,j’aifaillinepastereconnaîtreàlalumièredujour,dit-elleenpromenantsesmainssurmesépaules.
Jeposemesmainssursonventrerebondietjelefrottepourluidirebonjour.‒Jesuislemecquit’amiseencloque,aucasoùt’auraisundoute.Ellesouritetjelaprendsdansmesbras.Ronan laisse tombersoncoloriageà la tablede lacuisineet il courtdans le salonen
hurlant.‒Regan!C’estmontoursurlaWii!Donne-moilamanetteoujetemetsencloque!Pourquoi les enfants n’entendent-ils que ce qu’ils ne doivent pas entendre ? C’est
systématique!‒Samaîtressevaencorenousconvoquer,ditChelseaenappuyantsonfrontsurmon
torse.‒Jeluientoucheraiunmot.Maisd’abord,jedoisparleràRaymond‒oùest-il?‒Ilestdehors,iljoueaubasket.Jedevraism’inquiéter?L’angoisse est contagieuse, elle se propage d’une personne à une autre comme un
virus,etc’estladernièrechosedontChelseaabesoin.‒Non,c’estuntrucdemecs,net’enfaispas.Elles’arrête,étudiemonvisage,ethausselesépaules.‒OK.Éclate-toi,alors.
Jesorspar laportevitréede lacuisineet jevaisà l’arrièrede lamaison, sur lecarré
goudronnéoùsetrouvelepanierdebasket.‒Salut.‒Salut,jerépondsenlevantlesmainspourqu’ilmepasselaballe.Jelafaisrebondirdeuxfois,jetire,etjemarque.‒Quoideneuf?jedemandealorsqu’ilrécupèreleballon.
Ilvise,etilrate.‒Rien.Raymondvisedenouveau,etj’intercepteleballonlorsqu’ilressortdupanier.‒Tusaisquetupeuxmeparler,quetupeuxtoutmedire,n’est-cepas?‒Ouais,jesais.‒Detout.Iln’yarienquetunepuissesdirequimeferachangerd’opinionsurtoi.Tu
comprends?Quand j’étais jeune, et que j’étais encore un petit con énervé, le Jugem’a répété ces
parolesdesdizainesdefois.Mamère,unecentaine.Maisjen’aijamaiscompris.Maintenant, oui. Car il n’y a rien que ces enfants pourraient dire ou faire qui ôterait
l’amourquej’aipoureux‒aucuneerreurneseraittropbêteoutropgrave.Raymond répond précautionneusement et ses yeux bleus m’étudient derrière ses
lunettesrondesàbordsnoirs.‒T’esbizarre,Jake.‒J’airegardél’historiquedetonnavigateurderecherche,Raymond.Jeluipasserapidementlaballeetill’attrapeavantdemedévisager.‒Sérieusement?‒Ouais.Assieds-toi,jedisendésignantlebanc.Ils’assoitavecleballonposésurlesgenouxetilm’observetandisquejem’assoisàses
côtés.‒T’asregardémonordinateur?Jehochelatêteensigned’acquiescement.‒ Tu pourras t’indigner plus tard.D’abord, je veux parler des recherches que tu fais,
pourquoituessianxieuxetpourquoitunedorspas.Qu’est-cequ’ilsepasse?Il déglutit et fuitmon regard.Quand il parle, sa voix est étranglée, comme s’il avait
peurdecequ’ilallaitdire.‒ Tu savais que la première cause de mortalité chez les femmes enceintes, c’est le
meurtre?Il s’avère que je le sais, car cela fait partie des statistiques que connaissent tous les
avocats de la défense. Une femme n’est jamais plus vulnérable que lorsqu’elle porte unenfant.
‒ Tu sais aussi que mille quatre-vingt-quinze femmes sont mortes en couche, l’andernier ? Des femmes en bonne santé, et je ne parle pas de celles qui sont décédées descomplicationsliéesàleurgrossesse.
‒Raymond…‒ Lediabète, l’hypertension, les caillotsde sang… il y ades tasde trucsquipeuvent
maltourner.‒Raymond…
‒Ouencoreundécollementplacentaire,une infection,unehémorragie…Unhumainpeutseviderdetoutsonsangencentvingtsecondes!Parfois…
‒Raymond,arrête,jegronde.Ilmeregardeenclignantdesyeuxet ilsetaitbrusquement.Jeposemamainsurson
épauleetjeserre.‒Riendetoutçanevaarriveràtatante.‒Tun’ensaisrien.‒Jenelaisserairienluiarriver.‒Tunepeuxpaslaprotégerdecegenredechose.‒Biensûrquesi.‒Maisnon!s’exclameRaymondenselevantd’unbond.Situveuxmentirauxautres
enfantspourqu’ilsn’aientpaspeur,alorsvas-y,maispasàmoi.Jenesuispasdupe.Ettoinonplus.
Sa respiration est lourde et rapide et ilme regarde comme s’il pouvait lire dansmespensées et qu’il y voyaitmes plus grandes peurs. Je frottemamain surmon visage et jeregardelaplacelibresurlebancàcôtédemoi.
‒Assieds-toi.Lorsqu’ilestassis, jemeforceàparaîtreconfiant,car l’optimismen’estpasundemes
pointsforts.‒Ilyadesrisquesàêtreenceinte,c’estvrai,maisilnesertàriendesefocalisersurles
statistiquesettouslesdangerspossibles.Ilfautpenserdemanièrepositive,Raymond.Ilregardelegoudronàsespiedsetlorsqu’ilparle,c’estd’unevoixencoreplusbasse.‒Lanuitoùmesparentsonteul’accident,onétaitavecunebaby-sitter.Elleétaitàla
fac, je crois, c’était unedes stagiairesdemonpère.Ellenenous apasdit qu’ils étaient…partis,seulementqu’ilsavaienteuunaccidentetquetanteChelseaétaitenroute.Ellenousaditqu’ondevaitavoirdespenséespositivesetprierpourqu’ilsaillentmieux,explique-t-ilenlevantsurmoidesyeuxpleinsdelarmes.Alorsc’estcequej’aifait.J’aiprié,Jake.Etçan’apasaidé,dit-ilenhoquetant.
Il tourne la têtepour fondreen larmes,parcequ’ila treizeansetque lesgarçonsnesontpascenséspleurer.Jepassenéanmoinsmonbrasautourdeluietjel’attirecontremoi,parcequ’encequimeconcerne,ilpeutpleurerautantqu’ilveut.
Sesépaulestressaillentetilappuiesonvisagecontremachemise.Jepressemeslèvrescontresescheveuxbrunsquisententl’herbeetlatranspirationenfantine.Moncœursebrisepour lui, parce qu’il n’y a rien que je puisse dire pour arranger cette situation. C’est toutsimplementquelquechosequ’ildoitressentir,qu’ildoittraverser.Toutcequejepeuxfaire,c’estletenircontremoi.
Quandlepiresemblepassé,quandsestremblementsnesontplusquereniflements,jem’accroupisdevantluietjeposemesmainssursesgenouxangulaires.
‒ Raymond, parfois dans la vie, des choses brutales et injustes nous arrivent. Je net’apprends rien.Mais il y a aussi beaucoup de choses positives.Des choses inattendues etmerveilleuses. Si tu passes ton temps à t’inquiéter pour lesmauvaises choses, tu vas ratertouteslesbonnes.Jeneveuxpasqueçat’arrive.Tesparentsnevoudraientpasça.
Ilessuiesonnezsurlereversdesamain.‒Est-cequetuaspeur?PourtanteChelsea?‒Ehbienmaintenant,oui.Merci,mec!Iléclatederireparcequ’ilsaitquejeplaisante.Or,soudain,jeréalisequejesuisonne
peutplussérieux.‒Oui,parfoisj’aipeur.‒Qu’est-cequetufaisquandçaarrive?‒Jemeconcentresurcequejepeuxchanger.Tutedoutesbienquetatanteestjeune
et qu’elle a lesmeilleurs docteurs de la ville, n’est-ce pas ? Les chances pour que tout sepassecommesurdesroulettessonttrèsbonnes.
‒Ouais,jesais.‒ Alors voilà ce qu’on va faire, toi et moi, ensemble. On va s’occuper d’elle. On va
s’assurerqu’ellesereposeetqu’ellemangebien,etonva imagineràquelpointçavaêtredingueetgéniald’avoirunbébédanslamaison.
J’obtiensunsourire.‒Etquandtuaspeuretquetesangoissesrefontsurface,n’allumepastonordinateur
aumilieudelanuit.Viensmeparler,d’accord?Tun’espasseul,Raymond.Ondiscuteraetontrouveradessolutions.Tupeuxfaireçapourmoi?
Ilenlèveseslunettespourlesessuyersursontee-shirt,puisillesremet.‒Ouais,Jake.Jepeuxfaireça.‒Mercimonpote.J’ébouriffesescheveuxenmelevantetjeluimetsunetapesurledos.‒Rentronsàlamaisonpourmanger.‒Jepeuxrester iciencorequelquesminutes?demande-t-ilenregardant lepanierde
basket.‒Oui,biensûr.Jetournelestalons,maisjen’aifaitquequelquespasquandRaymondm’appelle.‒Tusais,Jake,monpèreétaitunpèregénial.‒Jesais.Çasevoitauxenfantsgéniauxquevousêtes,jerépondsensouriant.Raymondréfléchitquelquessecondes,cherchantsesmots.‒Tut’ensorspasmalaveclestrucsdepère,toiaussi.Lesenfantssont incroyables.Leurperspicacitéet leurcapacitéàs’adapter,àaccepter
etàaimersontimpressionnantes.Onseraitdanslepétrins’ilsréalisaientunjourlepouvoir
qu’ils ont sur nous. Ce que je ressens est indescriptible, et c’est Raymond qui en estresponsable.
‒Merci,Raymond,jedisaprèsm’êtreraclélagorge.Ça…çametouchebeaucoup.Ilhochelatête,etilreprendsonballon.Demoncôté,jerentredanslamaison,j’embrassemafemme,etjel’aideàs’occuperdes
autresmembresdenotretribu.
Plustarddanslasoirée,quandlesdevoirssontfaits,quelavaisselleestrangée,etquelesenfants sontau lit, je suisassis tout seulà la tablede la cuisine avecunebouteilledeScotch et un verre àmoitié vide devantmoi. Chelsea entre, tout juste sortie du bain, lescheveuxattachés,vêtued’unpyjamarosepâle.Elle ralentitquandellemevoit, et je senssonregardsurlabouteille,puissurmonvisage.
Ellemeconnaîtparcœur,etelle saitque jeneboispas sans raison.Elleprenddoncunechaisepours’asseoiravecmoietellem’étudie.
‒Quesepasse-t-il,Jake?Jeboisunegorgéeet je regarde le liquideambrévacillerquand je reposemonverre.
Lorsquejeparle,mavoixestrauque,maisferme.‒C’esttoiquejechoisirais.‒Commentça?Jelèvelatêtepourlaregarderetjesaisquemonvisagetrahitmaculpabilité.‒Danscesscénariosqu’onvoit toujoursà latélé,oùlesmédecinsdisentaupèrequ’il
doitchoisirentrelebébéoulamère…c’esttoiquejechoisirais.Ellepenchelatêtesurlecôtéetparled’unevoixdouce.‒Moi,jevoudraisquetuchoisisseslebébé.‒Jesais.Jelesais.Maisjetechoisiraisquandmême,jerépète.Est-cequec’estaussitorduquejelecrois?Jelèvemonverreetjelevide,essayantde
medébarrasserdemaculpabilité.‒Toutçanemarchequesitueslà.Çacommenceavectoi,etçafinit…Je ne suis pas doué pour les grands discours romantiques, et Chelsea me le fait
regretter,carelleestplusquemafemmeet ladéessedesexequimetientpar leboutdunez.Elleestmonamour,monfoyer,leréconfortdemonâme,lagardiennedemoncœur,le centredemonmonde. La seule raisonpour laquelle je crois enmapropre bonté, c’estquejelavoisreflétéedanssesyeux.
‒Sanstoi,jenesaispascomment…jenesaispascequejeferais.Unsouriremélancoliquesedessinesurseslèvresetellevients’asseoirsurmesgenoux.
Automatiquement,mesbrasl’entourentetjelaserrecontremoi.
‒ Je sais ce que tu ferais, moi, dit-elle en passant sa main dans mes cheveux. Tuprendrais tous les enfants dans tes bras, tous ensemble, parce que tes bras sont assezgrands,ettuleslaisseraisdormiravectoipourêtrelàs’ilsavaientbesoindetoi.Puis,aprèsquelquesjours,tulesguiderais.Tulesaideraisàreprendreleurroutine.Toncœurseraitenmillemorceaux,maistuferaisdetonmieuxpourlerapiécer,parcequetusauraisquec’estcedontilsontbesoin.
Ellem’embrassetoutprèsdel’oreilleetsonsoufflechatouillemoncou.‒Laviecontinuerait.Etauboutd’uncertaintemps,turencontreraisquelqu’und’autre.
Une femmegentilleet intelligente.Peut-êtreuneavocatequia toujoursvouludesenfantsmaisquin’ajamaistrouvéletemps.
‒Putain,Chelsea!jem’exclame,dégoûtéparcequ’elledit.‒ Elle tomberait amoureuse de toi si facilement ‒ et d’eux, aussi. Tout irait bien. Ce
seraitunebellevie.Différente,maisbellequandmême.Mes yeux sont brûlants derrière mes paupières parce que je ne veux pas de la vie
qu’elledécrit.Ellearaison,car jecontinueraisàvivre,commejevoudraisqu’ellevivesi jen’étaispluslà.Onn’aguèrelechoixquandonadesenfants,quandonlesaimecommeilsedoit.Ilfautravalersapeineetremuercieletterrepours’assurerqu’ilsvontbien.
Toutefois,chaquesecondesanselleseraituncauchemar.Jelaserredansmesbrasetjem’agrippeàelle.–Nemequitte jamais, je chuchote.Promets-moid’être toujours àmoi. Je sais que ce
n’estpasunepromessequetupeuxfaire,mais…fais-laquandmême.Chelseamarquechaqueparoled’unbaiser‒ surmon front,monnez,mes joues,mes
paupières.‒Jamais.Jenetequitteraijamais,JakeBecker.Jamais.Jamais.Jamais.Jamais.Jamais.
Jamais.Jamais…Jamais.Lorsquesabouchetrouveenfinlamienne,c’estcommesiquelqu’unvenaitdecraquer
uneallumettepourcommencerunfeud’artificeouunfeudeforêt.J’aibesoindelasentir‒vivanteetvibrante‒sousmoi,autourdemoi.
Je devrais l’emmener dans notre chambre,mais je ne le fais pas. Je devrais ralentir,mais je n’y arrive pas. Je la couche sur la table et j’enlève ses vêtements avec desmainstremblantes.Jel’embrassecommesic’étaitnotredernier joursurterre, je lèchesapeauetj’avalesesgémissements.
Je saisis ma chemise et je l’enlève, et mon pantalon la rejoint par terre. Mes doigtsplongententreses jambesoùellemouilledéjà,puis j’enfouismonsexeenelle.Cepremiercoup de bassin ‒ la façon dont ses parois se resserrent surmon sexe dur et chaud ‒ estirréel. Ça a toujours été ainsi, avec elle, et ça le sera toujours. Son corpsm’accueille puism’enfermeen luipourm’empêcherde repartir.Commechaque fois, jemedisque rienne
serameilleurqueça.Etcommechaquefois,j’aitort,parcequechaquepartiedejambesenl’airavecChelseaestmeilleureencorequelaprécédente.
Mes allers-retours sont lents, profonds, et plus brusques qu’ils ne devraient l’être. Jetiens sa tête entremesmains, lâchant ses cheveux pour qu’ils tombent dans son dos. Sesjambesentourentmataillepourm’attireràelleetnospoitrinessecollent.Labosse fermedesonventre,oùdortnotreenfant,appuiecontremonabdomen.Chelseapenchelatêteenarrière, soutenant mon regard tant qu’elle le peut, jusqu’à ce que ce soit trop et que leplaisirprenneledessus.
Jemepenchesurelle,empoignantsescheveux,accélérantmescoupsdebassin.‒Jake…Jake…,gémit-ellealorsqu’unorgasmeraidittoutsoncorps.Ellesedétendenfin,seblottitcontremoietjeglissemesmainssoussesfessespourla
décoller de la table et plonger en elle sauvagement, dans un plaisir abandonné. Elles’accrocheàmesépaules,m’accordantsaconfianceetsonamour,m’offranttoutcedontj’aibesoin.Monbassindessinedescercleset je ralentispuis,avecunderniercoup, je jouisenelleenpoussantungémissementprofond.
Jeresteimmobilequelquessecondes,mabouchesursatête,respirantsescheveuxquisentent si bon alors qu’elle promène ses mains dans mon dos. Ma culpabilité et monangoissesesontcalméesgrâceàelle‒grâceàcettepetitefemmedontlavoixetletoucherm’apaisent.
Ellelèvelatêteetmeregarded’unairendormietsatisfait.‒Çavamieux?‒Ouais,beaucoupmieux.‒Tantmieux.Maintenantilmefautunautrebain.Tum’astoutesalie.‒J’aimequandtuessale,justement,jerépondsensouriant.‒Tuveuxtejoindreàmoi?Jelalâchejusteassezlongtempspourramassernosvêtements,puisjelasoulèvedans
mesbraspourl’emmenerdansnotrechambre.‒Avecplaisir.
7
Fvrier
Chelseaaencoretravaillétard,hiersoir‒ilétaitvingtetuneheurespasséeslorsqu’elleestrentrée. Ce n’est pas que çame dérange dem’occuper des enfants, c’est simplement qu’àcinqmoisdegrossesse,elledevraitleverlepied.C’estpourcelaque,lelendemainmatin,jeprofitequeChelseanetravailleque l’après-midipourfileraumuséeetparleràsonabrutidepatron.
Jen’airencontrécetypequ’unefoiset jepréfèrecroirequec’estparstupiditéqu’ilnecomprend pas qu’il va devoir arrêter d’assigner de nouveaux projets à Chelsea et luidemander de rester tard pour « le dépanner ». Elle adore ce job, donc je vais resterdiplomate.Entoutcas,c’estcequiestprévu.
Toutefois,monplanvoleenéclatslorsquej’arriveaubureaudeGavinDebralty,dontlaporteestouverte. Ilnemevoitpas,mais j’entends toutcequedisent lesdeuxhommesetmonsangseglace.
‒TudoisêtredégoûtéqueChelseasoitencloque,Gavin.Jesaisquetumouraisd’enviedetelafaire.
‒Oht’enfaispaspourmoi,j’aipasbaissélesbras.Ilfautjustequej’accélèreleschosesavantqu’ellene soit tropgrosse.Enmême temps,qu’ellepèse cinquanteouquatre-vingtskilos,seslèvresseronttoujoursaussibonnessurmabite.
Certainsdécrivent leur colère commeuneexplosion,une irruptionde lavebouillante.Cen’estpasmoncas.Macolèreestfroide‒détachée,insensible,ferme.Vousconnaissezladifférence entre une brûlure et une gelure ?Une brûlure enlève votre peau. Alors que lagelurevousôtelemembreentier.
Je m’avance dans l’embrasure de la porte, les poings serrés, le regard assassin. LeconnardavecquiparleGavin,uncollèguedeChelseaquej’airencontréàlasoiréedeNoël,pâlitenmevoyant.
‒Merde.Gavinsetourneetnosregardssecroisent.L’espaced’uninstant,ilal’airsurpris,peut-
êtremêmeeffrayé.Puissonexpressionn’afficheplusqu’uneindifférence‒cequimeditqu’ilcroitpouvoirfaireetdiretoutcequ’ilveut,ettantpissicelaneplaîtpasauxautres.
Ehbienqu’ilprofitedecesentimentd’impunité,çanedurerapaslongtemps.Son compagnon marmonne une excuse et déguerpit. Je m’avance dans la pièce et
Gavinmefaitfacetoutendétendantsoncouetsesépaules,commes’ilsepréparaitpoursebattre.Cedébilenesaitpasqu’iln’aurajamaisl’occasiondeleverlepoing.
‒Écoute,commence-t-il,jesuisdésoléquet’aiesentenduçamais…entremecs…ilfautquejetedisequetafemmemeplaîtdepuislepremierjour.Safaçonde…
Jeluicoupelaparole,etlesouffle,enm’emparantdesoncoupourleplaquercontrelemurleplusproche.
‒Unmotdeplus,etjet’arrachelagorge.J’avaisunsacrétempérament,avantqueleJugenemeprennesoussonaile.Grâceà
lui,j’aiapprisàlemaîtriser.Cependant,maragen’ajamaisdisparucomplètement,ellenefaitquedormir.Orellevientdeseréveilleretellea lesyeuxgrandsouverts, secouant lesbarreauxdesacage,mesuppliantdelalibérer.
Neserait-cequequelquesminutes.C’esttoutcedontelleabesoin.Le visage de Gavin commence à rougir et il essaie d’enlevermesmains de sa gorge.
C’estpathétique.‒Jevaisteposerdesquestions,jechuchoteenmerapprochantdesonvisage.Faisoui
ounondelatêtepourrépondre.Situmens,jelesaurai,etjeteferaimal.Ilcessedesedébattreetjeprendscelacommelesignequ’ilm’acompris.‒Est-cequet’asdéjàtouchéChelsea?Ilsecouevivementlatête.‒Est-cequetuluiasdéjàfaitpeur?Ilfaitdenouveaunondelatête.‒Est-cequetul’asdéjàmisemalàl’aise?Ilyaunepauseminuscule,puis ilsecoue latête.Je libèreunpeumapoignesurson
cou,maisiln’apasletempsd’inspirerquej’enfoncemonpoingdanssondiaphragme,parcequesadernièreréponseétaitunmensonge.Ilsepencheenavantpourvomirdelabilesursonparquet.
‒Voicicequivasepasser,Gavin,jedisenleredressantparlecoldesachemisepourleregarderdanslesyeux.Chelseanevapasrevenirici.Elledémissionne.Dorénavant,tunepenseras plus à elle, et tu ne parleras pas d’elle. Si tu la croises dans la rue, cours dansl’autre sens et fais en sorte qu’elle ne te voie pas. Tu vas lui écrire une lettre derecommandation afin qu’elle trouve un autre boulot où elle n’aura pas à supporter unperverscommetoi.Cettelettreaintérêtàêtrebrillante,Gavin‒onsaittouslesdeuxqu’elle
lamérite.Mets-ladansuneenveloppe,scotche-laàlaportedetonbureau,etfaisensortedenepasêtrelàquandelleviendralachercher.
Ilhochelatêtealorsqu’ilsiffleàchaquerespiration.‒Quandtucherchesmafemme,c’estmoiquetutrouves.Etsitunel’avaispasencore
remarqué,ilvautmieuxnepasmefairechier.La rage enmoi, celle qui a la voix demonpère,me supplie de lui casser un os‒ le
bras,lamâchoire,peuimporte.Toutefois,jevoissixvisagessouriantsdevantmesyeuxetjeme retiens. Ce sont eux qui me donnent la force de tourner les talons, laissant GavinDebraltyreprendresonsouffle.
Jeprofitedelamarcheentrelemuséeetmonbureaupourmeressaisir.Lorsquej’entredans lasalledeconférencespournotre réunionhebdomadaire, je supposeque j’ai l’airdenouveaunormal.
Àl’évidence,j’aitort.Stanton, Sofia et Brent me regardent avec de grands yeux alors que je m’assois. Un
silencedeplombrègnequelquessecondes,puisStantontenteunequestion.‒Toutvabien,mec?‒Biensûr,pourquoiceneseraitpaslecas?jerépondssansleverlesyeuxdudossier
devantmoi.‒Neleprendspasmal,maist’asunair…assassin,Jake,ditSofia.‒Tum’étonnes.J’aifaillibuterunmecilyaquelquesminutes.Jenel’aipasfait,mais
j’auraispu.Brenthausselessourcils.‒ Eh bien voilà quelque chose qu’on n’entend pas tous les jours, même dans notre
métier.‒Peut-êtrequetudevraisélaborerunplan,mec,aucasoù…,ditStanton.Iln’asansdoutepastort.Lorsque je leur ai raconté toute l’histoire, Brent et Stanton sont demon côté. Ilsme
comprennent.Sofia…moins.‒Attendsuneseconde.Tuasdémissionnéensonnom?EttucroisqueChelseavate
remercier?Maintenantquej’ypense,jeprésumequecelaneserapaslecas.Toutefois,jenepeux
pas dire que je regrette ce que j’ai fait, car je suis furieux qu’elle nem’ait pas dit que leconnard pour qui elle travaille la mettait mal à l’aise. Je suis fou à l’idée qu’elle a dûsupporter ses regardset ses suggestions touteseule‒etbonsang, j’espèrequecesont lesseuleschosesqu’elleadûtolérer.
‒Tuauraisvouluqu’il fassequoi,Sof?demandeStanton.Moi jenesupporteraispasquetubossespourunmeccommeça,c’estclair.
Sofiafusillesonmariduregard.‒ Et pourquoi Chelsea devrait démissionner d’un boulot qu’elle adore alors que le
connard,lui,reste?‒ Elle n’a pas tort, mec, répond Brent. J’ai appris à mes dépens qu’il ne faut pas
interférer avec la carrière de sa femme, tu te souviens. En même temps… Chelsea serabientôtencongématernité.
‒ Mais elle avait la possibilité de retourner au musée après la naissance du bébé,rétorqueSofia.Maintenant,ellen’apluscechoix.
Surce,l’alarmedemontéléphonesonne,parcequejedoisêtreautribunaldansvingtminutes.
Alorsquejesuisenroutepourm’yrendre,lescommentairesdeSofiafontleureffetetjedécided’informerChelseadeceque j’ai fait. J’essaiede l’appeler,maisellenedécrochepas.SiGavinn’estpascomplètementidiot,ilaurafaitcequejeluiaidit…etChelseaetmoidiscuteronsdecettehistoirefaceàface.
Le procès est ajourné et je rentre à la maison pour seize heures, c’est-à-diresuffisamment tôt pour renvoyer la baby-sitter qui vient accueillir les enfants lorsqu’ilsrentrentdel’école.D’habitude,Chelseafinitàdix-huitheures,lemercredi,maisaujourd’huijesuissurprisqu’ellenesoitpasdéjààlamaison.
Lesenfantsparlent tousà la foisenvidant leurscartables,discutantde leursdevoirs,demandant s’ils peuvent aller chez des amis, ce qu’on mange ce soir et s’ils peuventgrignoter quelque chose. Je suis assis dans ma chaise en bout de table, jambes tenduesdevantmoi,brascroisés,lesyeuxrivéssurlaporte.
Soudain, j’entends la porte d’entrée claquer, et ma superbe femme apparaît en mefusillantdesonregardbleuglacial.
‒Ilfautqu’onparle.Dehors.Maintenant,siffle-t-elle.Lesenfantssefigentsiviteque,dansuneautresituation,ceseraithilarant.‒Eneffet,oui,jerépondssimplement.Raymondsemetàsifflerl’airdeDarkVadordansStarWars.JemelèveetjesuisChelseaàtraverslacuisine.‒J’enconnaisunquiadesennuis,annonceRosaleen.‒Etpourunefois,cen’estpasmoi,répondRory.Prenez-ennote,mesamis.
Noussortonssurlaterrasseetj’aiàpeinerefermélaportequeChelseasetourneversmoienagitantuneenveloppedansmonvisage.
‒C’estquoi,ça?EtpourquoiGavinm’a-t-ilinformée,àtraverslaporteferméedesonbureau,quetuluiavaisdonnémadémission?
Jecroiselesbrasetjeladéfieduregard.‒Moi,cequim’intéresse,c’estd’ensavoirplussurleharcèlementsexuelquetusubisen
silencedepuisjenesaiscombiendetemps,etpourquoituaschoisidenepasm’enparler.Ellecroiselesbrasàsontouretsoutientmonregard.‒J’aimemonboulot,Jake.Cen’étaitriendegrave,et jesavaisquet’enferaistoutun
plat.Jefaisdemonmieuxpourmaîtrisermavoixetmacolère,maislalutten’estpasfacile.‒J’aientenducetenfoirédireàtoncollèguequ’ilavaithâtequetu lesuces,Chelsea.
Cen’estpas«riendegrave»,àmesyeux.Maispeut-êtresuis-jevieuxjeu?‒Iladitça?demande-t-elled’unairsurpris.Jehochelatête.‒Et sesmotsétaientbienmoinsmignonsque lesmiens, jedisenpointantmondoigt
surelle.Tuauraisdûmedirequ’ilteharcelait!‒Jegéraislasituation!‒ À l’évidence, non, puisque ce connard disait des atrocités sur toi, je rétorque d’une
voixglaciale.Maisceneseraplusunproblème,àprésent.Elleserre lamâchoireet lève lementond’unairdéterminé‒si jen’étaispasfurax, je
seraissuperexcité.‒Jenevaispasdémissionner,Jake.‒C’estdéjàfait.‒Jenedémissionneraipas.‒Quecesoitbienclair,jechuchoted’untonassassin.Siceconnardt’approcheàmoins
dedixmètres,jelebuterai.Tun’yretournespas.Pointàlaligne.‒Maisquies-tu?s’écrieChelseaenjetantsesbrassurlecôté.‒Jesuistonmari!‒Ahbon?Jenemesouvienspasd’avoirépouséunhommedeCro-Magnon!Jemerapprochesuffisammentd’ellepourquenoussoyonsnezànez.‒Alorstunefaisaispasattention.Elle me fusille du regard, puis elle ferme les yeux, inspire et fait un pas en arrière.
Lorsqu’ellemeregardedenouveau, sacolèreadisparu, remplacéeparunsentimentbienplusdangereux:larancune.
‒Jenepeuxpasteparlerquandtuescommeça.‒Jesuisparfaitementcalme.C’esttoiquifaistoutunplatdelasituation.Maisdetoute
façon,ilsembleraitquetunepuissespasmeparlerdutout!
Apparemment je suis rancunier,moiaussi,mais lavoixdeBrentdansmonoreillemeditquecequenousfaisonsestsainetqu’ilfauttoujoursjouercartessurtable.
Chelseaposesesmainssursonventre,qu’ellecaresseendessinantdescercles,etelleinspiredenouveau,gonflantsespoumonspoursecalmer.
‒ Les enfantsontdesdevoirs, il faut faireàmanger, et le prof depianodeRosaleenseralàd’uneminuteàl’autre.Onfiniraçaplustard.
Ellemecontournepourregagnerlaporte,maiselles’arrêteenentendantmavoix.‒C’estdéjàfini,Chelsea.‒Bonsangmaistutecomportesvraimentcommeunconnard,parfois!siffle-t-elle.‒Situledis.Nouspassonslerestedelasoiréeànousignorerautantquepossible.
Lerepas?Fait.Lavaisselle?Propre.Les enfants ? Endormis. Ou du moins, ils font semblant de l’être, ce qui me va
parfaitement.
Chelseaetmoisommesdansnotresalledebainsetnousnousbrossonslesdentsavecunevigueur inhabituelle.Nous évitonsde regarderdans lemiroir, gardantnos yeux rivéssurlelavabocommes’ildétenaitlaclédel’univers.
Jeterminelepremieretjeretournedanslachambre,oùjemedéshabilleavantdemeglisserdans le lit enboxer.Uneminuteplus tard,Chelseaéteint la lumièrede la salledebainset je la regarde faire le tourdu lità la lumièreduclairde lune.Elle semet sous lacouetteenprenantsoind’êtreaussiloindemoiquepossiblesanstomberdumatelas.
Monregard fixe leplafondet j’aiunbrasau-dessusde la tête. J’écoutesa respirationtendue et superficielle et je n’ai pashontededire que jemeursd’enviede la tenir contremoi.J’aibeauêtrefrustréetfurieuxqu’ellesoitaussitêtue…jel’aime,etmesbrastremblentd’enviedel’attirercontremoietdesentirsoncorpschaud.
‒Chelsea…,jedisd’unevoixdouceetrauque.Elle se tourne lentement sur le côté, face à moi. Nous nous regardons en silence
quelquessecondes,puiselleinsiste:‒Notreconversationn’estpasterminée.‒D’accord.‒Etjecontinueraid’êtresuperencolèredemainmatin.Jecaressesajoueavantdeplongermamaindanssescheveux.‒Çameconvient.Ellehochelatête,puiselleserapprochedemoietposesatêtesurmontorse.Jepasse
monbras autourd’elle et je la serre contremoi, rassuréqu’elle ait besoindeme toucher,
elleaussi.‒Jet’aime,Chelsea.Ellesoupirelonguement.‒Jesais.Jet’aimeaussi.Ellemarqueunepause,puisellepoursuit.‒Mêmequandtutecomportescommeunconnard.Soit.
Le lendemain matin, notre trêve est clairement terminée. Nos réveils sont toujourssurchargés et c’est encore plus vrai lorsque les enfants ont école. Ce matin, je lève lesenfantsetilssonthabillésetpresquenourrislorsqueChelseaentredanslasalleàmanger,vêtued’unejolierobevertfoncéetd’unevestedetailleurassortie.Celaressemblefortementàunetenuedetravail.
‒Jolierobe,jedisdepuismachaiseenboutdetable.Ellesouritd’unairdéterminé.‒Merci.Elleesttouteneuve.Lesvêtementsdematernitéontbeaucoupévoluédepuis
l’époqueoùRachelétaitenceinte.‒Tuasdéjàunentretiend’embauche?jedemandeenhaussantunsourcil.‒Non,puisquej’aidéjàuntravail.Jesuishabilléepourm’yrendre,rétorque-t-elle.Àunmomentdonné,danslanuit,j’aidécidéquejen’allaisplusmedisputeravecelle.
Elleestenceinte,bonsang,ilfautêtresanscœurpourénerversafemmequandelleattendunbébé, et j’ai faitbeaucoupd’efforts, cesderniers temps,pour corriger cetaspectdemapersonnalité.
Jemecontentedoncdehocherlatête,puisjesorsmontéléphonepourappelerBrent,etjenequittepasChelseadesyeuxenattendantqu’ildécroche.
‒ Salut. Je suis censé être au tribunal à dix heuresmais je nepourrai pas y être. Tupeuxmeremplacerpourdemanderunreportd’audience?
Chelseagrimaceenentendantmaquestion.‒Ouais,exactement.Merci,jeterevaudraiça,jerépondsàBrent.Jeraccrocheetjerangemontéléphonedansmapoche.Touslesregardsdelapièce‒
lemienetceuxdesenfants‒sontsurChelsea.‒Pourquoit’asfaitça?J’ouvrelesbras,paumeslevées,pourindiquerquelaréponseestévidente.‒Onvaaumusée.Jepossèdedenombreuxtalents,maismêmemoijenepeuxpasêtre
dansdeuxendroitsenmêmetemps.‒Tuviensautravailavecmoi?‒Iln’yanullepartoùjepréféreraisêtre,jericane.
‒C’estquoi,tonplan?Tuvasmesuivrepartout?Toutemavie?Jemepencheenavant,coudessurlatable.‒Jeferaitoutcequ’ilfaut,mabelle,aussilongtempsqu’illefaudra.Ellefroncelégèrementlessourcilsetfuitmonregard,puisellesortsontéléphonedesa
poche.Auboutdequelquessecondes,ellelaisseunmessagevocal.‒Gavin,c’estChelsea.Apparemmentcequetum’asdithierétaitjuste.Jedémissionne.
Je…aurevoir.Elleraccrocheetmefusilleduregard.‒Là.T’asgagné,Jake.T’escontent?‒Ilnes’agitpasdegagner,Chelsea.‒Ahnon?C’estpourtantl’impressionquej’ai.Elle tourne les talons pour aller dans la cuisine, mais pas avant que je ne voie les
larmesremplirsesbeauxyeuxbleus.Bonsang,jemesensminable.Toutefois,alorsquejenepensepaspouvoirmesentirpire,Reganenfoncelecouteau.‒Vousallezdivorcer,Mamanettoi?‒JeparsavecJake!déclareimmédiatementRory.Rileyfrappesonbrasetluiditdesetaire.‒Non,onnevapasdivorcer,Regan,jeréponds.‒C’estcequ’ontditlesparentsd’AbigailStillwaterjusteavantdedivorcer,répond-elle.
Maislejourdesportesouvertes,monsieurStillwateratraitélecopaindemadameStillwaterdesex-toysurpattes,etmadameStillwateraditàmonsieurStillwaterqu’ilétaitunbouletàquiellenedevaitrien.Leproviseuradûleurdemanderdesortir.
DouxJésus.Ronans’avanceauxcôtésdesasœur.‒ T’es sûr que vous n’allez pas divorcer ? Nemens pas ! dit-il en agitant son index
devantmonvisage.‒ Oui, certain, je réponds en passantmamain surmon visage. Écoutez, les enfants.
Parfois, lesadultesnesontpasd’accord.Commevous‒vousdisputez tout le temps,maisvousvousaimezquandmême.
Ilsseregardent,confus,légèrementdégoûtés.‒Ahbon?Putain.‒OK,c’estunmauvaisexemple.Mais jevousprometsqueMamanetmoin’allonspas
divorcer.Maintenantpréparez-vous, lebusserabientôt là.Rosaleen,aideRonanàmettreseschaussures,tuveuxbien?
‒OK,répondsimplementRosaleen,pluscalmequejamais.Jegonflemespoumonsetjevaisdanslacuisinepouressayerderendrecettesituation
moinsmerdique.Chelseaesten trainde faire lavaisselle…enretenantses larmes.J’aivu
pasmaldetristesse,aucoursdemavie,maisriennemefendlecœurautantquedevoirChelseaBeckerfairedesonmieuxpournepaspleurer.Etéchouer.
J’avancederrièreelleetjepassemesbrasautourdesataille,cachantmonvisagedanssoncou.
‒Jedétesteça.Ellesecrispe,renifleetneditrien.‒ Je déteste vraiment ça, bon sang. Je veux que tu sois heureuse,mais j’ai besoin de
savoirquetuesensécurité,j’expliqueenlaserrantcontremoi.Je…Jenepeuxpasvivresijen’ensuispascertain.Essaiedecomprendre…s’ilteplaît.
Ellem’offreunpeudesonpoids,s’appuyantlégèrementcontremoi.‒ Je comprends. Je ressentirais sans doute la même chose à ta place.Mais… je suis
blesséequetuaiesprisladécisionsansmoi.Quetun’aiespaspenséàmoi.Un sanglot lui échappe et j’ai l’impression de recevoir un coup de poignard dans le
ventre.Jelatourneversmoietj’essuieseslarmesavecmespouces.‒Jepensetoujoursàtoi,Chelsea.Ellemeregardeavecdesyeuxbrillants,leslèvresgonflées.‒Tuauraisdûm’enparlerd’abord,Jake.Pourqu’onprenneladécisionensemble.On
formeuneéquipe…tutesouviens?Sesparolesmeramènentenarrière,ilyaquelquesannées,àuneautredisputeetaux
chosesstupidesquejeluiaidites.Àl’époqueoùj’étaismortdetrouilleàl’idéedemerder‒c’était l’époqueoù jene savaispas ceque je faisais.Orparfois… j’ai l’impressionque c’estencorelecas.
‒Tuasraison.Jesuisdésolé.Jenerecommenceraiplus,Chelsea,jedisenembrassantsabouchechaudeetsalée.Mais tunepeuxpasmecacherdeschosessousprétextedenepasaimermafaçonderéagir.J’aibesoindesavoirquetuserastoujourshonnêteavecmoi.
Ellehochelatête.‒ Je suis désolée. J’avais tort. J’aurais dû te dire ce qu’il se passait. Je ne te cacherai
pluscegenredechose.Jetelepromets.CequeSofiaadithiern’estpastombédansl’oreilled’unsourd.Mêmesijeneveuxpas
queChelseaapprochecetenfoiré,pourquoiceseraitàelledepartir?‒AllonsvoirlaDRHdumusée,aujourd’hui.Ensemble.Tun’aspasàdémissionner.Tu
peux porter plainte contre Gavin et demander à être mutée dans un autre départementjusqu’àtoncongématernité.Ensuite,onsedébrouillerapourquececonnardsoitviréavantquetunereviennestravailler.
Elleregardemontorsed’unairpensif.‒OK.J’aienviedeporterplaintecontrelui.Maisjenevaispasdemanderdetransfert.
Peut-être que ce serait mieux si je partais maintenant. Je suis crevée et il y a encoretellement de choses à faire. Puis… je pense que j’aimerais rester à lamaisonunmoment,
aveclebébé,plutôtquederetournertoutdesuiteautravail.Pourlapremièreannéeou…peut-êtreplus?
‒Çamesemblepasmal.Ellemeregardeet jesaisquejesuispardonné,et latensionquim’étouffedepuishier
s’envole.Chelseameprenddanssesbrasetmeserrefortcontreelle.LavoixdeRaymondnous parvient depuis la porte de la cuisine et nous tournons la tête vers lui alors qu’ils’adresseàsesfrèresetsœurs.
–Ouais,ilss’embrassent.Divorceévité.Etnouséclatonsderire.
8
Mai
Les mois de mars et avril passent en accéléré : procès, rendez-vous médicaux, concerts,ballets,devoirsetmatchdebaseballs’enchaînentàunevitesseincroyable,etpendanttoutcetemps,leventredeChelseanecessedes’étirer.
C’estdingue.Elle dormait, la première fois que j’ai senti le bébé donner un coup de pied. Il était
presquecinqheuresdumatinetjevenaisd’ouvrirlesyeux.J’étaisentraindemedirequeleplafond avait besoin d’une couche de peinture fraîche quand je l’ai senti ‒ un petit coupcontremescôtes.C’estlapremièrefoisquej’airéaliséqu’ilyavaitunbébédansceventre.UnpetitêtreuniqueetbienréelqueChelseaetmoiavonsfaitensemble.
Complètementdingue.J’ai enfin compris ce que Chelsea a ressenti lors du premier rendez-vous médical :
l’excitation,l’émerveillement,l’impatience.Nous avons décidé très tôt que nous ne voulions pas connaître le sexe du bébé ‒ au
grand désarroi des enfants. Rory a plaidé la cause de ses frères et sœurs, débattant avecnous pendant des semaines, parlant de l’équilibre garçon-fille au sein de la maison endisantquelesmâlesdevaientsepréparersi,jecite:«iln’yapasunpénislà-dedans».
Jeluiaiditqu’ilyavaitfinalementpeudevéritablessurprisesdanslavieetqu’ilallaitdevoirprendresonmalenpatience.
Chelseaaessayédeleconsolerenluidisantqu’elleferaitdesonmieuxpourquecesoitun pénis. De mon côté, peu importe que ce soit une petite fille ou un petit garçon auxcheveuxauburn…j’aisimplementhâtederencontrermonenfant.
Unsamedisoir,Chelseaetmoiregardonsunfilmavectroisdesenfantsquandlaported’entréeclaqueetquedesbruitsdepasetdesanglotsrésonnentdansl’escalier.
‒Riley?appelleChelsea.Pasderéponse.Nous montons tous les deux dans sa chambre. Il y a longtemps que j’ai levé son
« interdiction de porte », je l’ai remise en place et sa tante frappe dessus. Lorsque nousn’avonspourréponsequedespleurs,nousentrons.
Riley est par terre, adossée à son lit, le front appuyé sur ses genoux. Ses joues sonttrempées,rouges,etd’énormessanglotssecouentsesépaules.
‒Mapuce?ditChelsead’unevoixtendreens’asseyantparterre.Rileylèvelatête.‒Peterarompuavecmoi,dit-elle.Iladitqu’ilnevoulaitpasdepetiteamiependant
sondernierétéavantlafac.‒Oh,machérie,jesuisdésolée,répondChelseaenlaprenantdanssesbras.Moi, je ne le suis pas. Je suis ravi. C’est la meilleure nouvelle de la journée ! Bien
évidemment,jenepeuxpasl’avoueràRiley,carellenecomprendraitpas.J’offredonctoutlesoutienqu’unmecpeutapporterdanscettesituation.
‒ Tu veux que j’aille lui casser une ou deux côtes ? Ce sera fait en deux temps troismouvements.
Rileyfermelesyeuxetsecouelatête.‒Jel’aimaistellement.Pourquoiilnem’aimepas,lui?Chelseadégagelescheveuxdufrontdesanièceetprenduneminedéterminée.‒Écoute-moi,Riley.Desmillionsdefemmesontétéàtaplace.Jesaisquec’estduret
que ça faitmal…mais je teprometsque tun’en serasqueplus forte.Unehistoire encoreplusbellet’attendaucoindelarue,tuverras.Tunesouffriraspaspourtoujours.Unjour,tuteréveillerasetturéaliserasquetuastournélapageetquetul’asoublié.
Environ quinze minutes plus tard, Riley demande à être seule pour écouter deschansonsdéprimantesenboucle.
‒Tuasl’airsacrémentcaléeenruptures,jedisàChelseaalorsqu’ondescendl’escalier.‒Fautdirequej’enaiconnuuncertainnombre.‒C’estcequetupensaisdemoi,àl’époque?Tuattendaislemomentoùtuterendrais
comptequetuavaistournélapage?Bon sang, quelle époque affreuse. Je me souviens des semaines que Chelsea et moi
avonspasséesentantqu’amispolisetplatoniques,etj’aihonte.Ellepassesonbrasautourdematailleetappuiesajouesurmonépaule.‒ Non. Je m’étais faite à l’idée que j’allais passer ma vie à faire semblant d’être
heureuse.J’étaiscertainequejenepourraisjamaist’oublier.‒Ouais.C’estplusoumoinscequejeressentais,moiaussi.
Lemardi suivant, je suis au bureau, en train de consulter mes messages à l’accueil,quandBrentetsa femmetrèsenceinteentrent.Kennedyestvêtued’un joggingenveloursrose,dutee-shirtBatmandeBrent,etdebottesbeigesfourréesquidoiventcoûterunepetitefortune.OndiraituneSDFquiafaitlespoubellesdanslesquartiersbranchésdelaville.
‒Salut,Kennedy.‒Salut,Jake.‒Commenttutesens?‒ Comme une tique prête à exploser, répond-elle en frottant son ventre. C’est mon
premierjourdecongématernité.Sonaccouchementestprévupourlasemaineprochaine.‒Félicitations.Maisquefais-tuici?Ellesoupireetdégageunemècheblondedesonvisage.‒J’avaisprévudemeblottirsurmoncanapéavecmeschatsetderelireunromande
StephenieMeyer,mais…Sonregardseposesursonmari,quilèvelamainpourplaidercoupable.‒Hiersoirj’airêvéqueKennedyperdaitleseauxetquejerataistoutl’accouchement.‒Alorsilm’atraînéeauboulotaveclui.‒ Tu peux te blottir sur le canapé demon bureau !On va traîner ensemble, ce sera
génial!s’exclameBrent.Il claque des doigts et en tapote frénétiquement sa jambe ‒ avec plus d’énergie que
d’habitude,cequeKennedyremarqueaussi.‒Pourquoitun’iraispasfaireunfooting?Brentsemblechoquéparsasuggestion.‒Jenepeuxpasfaireça.Imaginequetuperdesleseauxpendantquejesuisparti?Je
neveuxrienrater!Kennedylèvelesyeuxauciel.‒Tuneraterasrien,Brent !Tues tellementcolléàmoiquesi jem’arrête, tuvasme
rentrerdanslesfesses!‒Ceneseraitpassimal.C’estmondeuxièmeendroitpréférésurterre,ricaneBrent.‒Aide-moi,grogneKennedyenmesuppliantduregard.‒C’esttoiquiaschoisidel’épouser,jerépondsenhaussantlesépaules.‒Çam’asembléunebonneidée,àl’époque.‒ Ça suffit, vousdeux.Vous allezme vexer. Je suis sensible, vous savez, dit Brent en
passantdevantmoipouralleraubureaudeStanton.Il ouvre la porte, reste immobile deux secondes, marmonne « OK », et revient à
l’accueil. Quand je passe devant lui avec le dossier que Stanton cherchait hier, il lève lamainpourm’arrêter.
‒N’entrepas,fais-moiconfiance.J’étais le colocatairedeStantonpendantquatre ans, je le connaisbien, et j’ai vupas
maldechoses.‒Quoi?Ilsbaisent?‒Ouais.Dans le fauteuildubureau, répond-ilen souriant.TusavaisqueSofia s’était
faittatouer?
Une heure plus tard, Stanton et Sofia émergent du bureau. Ils ne sont que trèslégèrementrouges,cequeBrentnemanquepasdeleurfaireremarquer.
‒Bandedesaligauds.EtsilapauvremadameHiggensvousavaitvus?Sofiaprendunebouteilled’eaudanslefrigo.‒Désolée.‒Pauvrechaton,tuesdéshydratée,peut-être?jedemande.Stantonremetsacravateetexpliquelasituation.‒Samueladécidédevenirdansnotrelit,lanuit.Touteslesnuits.Çarendleschoses…
compliquées.Sofiamefaitunclind’œiletStantonnousdésigne,Brent,Kennedyetmoi.‒Vousvoyezcequivousattend?‒ Attendez une minute, interrompt Brent. C’est une règle, ça ? On n’est pas censés
baiserdansnotrebureauàmoinsd’avoirunebonneraison?IlcroiseleregarddeKennedyetellehausselesépaules.‒Oups.
Je rentre tard à la maison, ce soir-là, après minuit. La maison est parfaitementsilencieuse.SeulCousinMachinest làpourm’accueilliret il traîneavecmoi sur lecanapépendantquejemangel’assiettequeChelseam’alaisséedanslefour.
Lorsque j’entre dans notre chambre, je la trouve allongée sur le lit, réveillée maisfatiguée.Elleaunemainsursonventreetl’autresurungroslivre.
‒Coucou,dit-elleensouriant.‒Salut,jerépondsendesserrantmacravate.Commentças’estpassé,cesoir?‒Toutlemondevabien.Jerampesurlelitetj’embrassesonventreavantdeposermajouesursapeauchaude.‒Qu’est-cequetulis?Elleposelelivreetpassesamaindansmescheveux.‒Unlivresurlesprénoms.
‒Ah!Qu’est-cequeçadonne?jedemandeenfermantlesyeuxpourmieuxprofiterdesonmassagedecrâne.
‒Ehbienjemedisaisque…sic’estungarçon…ondevraitl’appelerAtticus,commeleJuge.
Jerouvrelesyeuxpourlaregardertendrement.‒Bonneidée,jedisensouriant.Jelèvelatêtepourembrasserdenouveausonventre.‒Mais…sic’estungarçon,qu’est-cequetupensesde…Robert?jedemande.Commesonfrère.JesaisquecelaferaitplaisiràChelseaetpuis,sanslui,nousnenous
serionsjamaisrencontrés.‒C’estunjoliprénom,çaaussi,répond-elleavecdesyeuxbrillants.Jehochelatête.‒Ilnevapasavoirlemêmenomdefamillequelesautres.Jeneveuxpasqu’ilsesente
excluparmitouslesautresprénomsquicommencentparR.‒C’estpasfaux,ça.‒Alorsc’estdécidé?Sic’estungarçon,onl’appelleRobertAtticusBecker?Jenem’habitueraijamaisausourireradieuxdeChelsea.‒J’adore,répond-elle.‒Moiaussi.Je l’embrasseunedernière fois sur le ventre, puis jeme traînedans la salle de bains
pourmedoucher.
Lorsquejereviensdanslachambre,mafemmenuesetientdevantlemiroirpleinpied,tournantàgauchepuisàdroitepoursereluquer.Maqueuetrouvelavuesplendide.
‒Tucommencessansmoi?jedemanded’unevoixmoqueuse.Ellesemordlalèvreetsouritenregardantmonreflet.‒Non,jemeregarde,c’esttout.Elle penche la tête sur le côté, promenant samain sur son ventre puis sur ses seins
gonflésetlourds.‒ C’est une forme tellement étrange.Çanemegênepas, parce que c’est temporaire,
mais… c’est bizarre. Tu me trouves toujours belle ? demande-t-elle d’une voix pleine devulnérabilité.
Jenepeuxmeretenirde ricaner. Jemarcheverselled’unpas fermeet jemecolleàsondos,glissantmaqueueentreses fessesrebondies.Unsoupirm’échappeet je faisminederéfléchiràsaquestion,puisjedégagesescheveuxdesonépauleetjepromènemesdentssursoncou.
‒ Tu n’as jamais été belle, Chelsea. Tu es sensuelle à en couper le souffle. Tu esincroyablementcanon.«Belle»nesuffitpasàtedécrire.
Jepromènemamainsursonventreet je soupèseses seinsavantdecaresser sesbrasfins.Sarespirations’accélèreetjesenssoncœurbattreplusvitedanssapoitrine.
J’adorelavoirappuyéecontremoi.Lecontrastedemestatouagescoloréssursapeaupâleestsuperbe.Mamainrevientsursonventre,elles’yarrêteuninstant,puiselledescendentresesjambes.
Jepousseungrognementlorsqueje lasensdéjàtrempée.Putain, jedevraisêtremortdetrouilledevoiràquelpointcettefemmemepossède,maisj’yprendstellementplaisir…
Jedéposedespetitsbaiserslelongdesoncou,remontantsursonoreillepourensucerlelobe.
‒Jake…,soupire-t-elle.Jereculeenl’emportantavecmoijusqu’aulitsurlequel jem’assois.Jeprendsunsein
dans ma main et j’approche ma bouche de son téton, soufflant délicatement dessus. Jeferme les yeux alors que je lèche la pointe rose, puis je le prends entièrement dans mabouchepourlesucer.Jepourraisfaireçapendantdesheures.
Jemedemandesoudaincommentce seraquand lebébé serané,quelgoûtelleauraquandelleserapleinedelait.
Jelibèresontétonetjelèvelatêtepourlaregarderdanslesyeux.‒Jeveuxtelécheràt’enfaireperdrelatête,puisjeveuxquetumechevauches.Jepasselerestedelanuitàluimontrercombienjelatrouvebelle.
9
Juin
Kennedyperdleseauxlapremièresemainedejuinetelleaccoucheenvironunjouretdemiplustard.Brentn’enratepasuneseconde.Chelseaetmoileurrendonsvisiteàl’hôpital,lelendemain, eux et… leur adorablepetite fille.Nousprenonsnos amisdans les bras et lesembrassonsdanslachambrepleinedefleursetdeballonsroses.Kennedyestallongéedansle lit, fatiguée, affichant le sourire le plus heureux que j’aie jamais vu, tandis que Brentdéposedansmesbrasunbébéenveloppédansunecouverturerose.
‒VoiciVivian,dit-ild’unevoixfièreetpleined’admiration.‒Elleestmagnifique,ditChelsea.Jechercheleregarddemonmeilleurami,parcequeceprénomnem’estpasétranger.‒Tuluiasdonnélenomd’unpersonnagedebandedessinée,n’est-cepas?KennedyéclatederireetBrenthausselesépaules.‒ Bien sûr. Elle est extraordinaire, il lui fallait donc un prénom extraordinaire. La
versionlongue,c’estVivianRoseVictoriaRandolphMason.‒C’estincroyablementlong!‒Elles’yfera.‒Comments’estpassél’accouchement?demandeChelsea.Elles’adresseàKennedy,maisc’estBrentquirépond.‒Génial.Quepersonnenetefoutelatrouille,Chelsea.Cettehistoired’accouchement,
c’estdugâteau.Kennedyluidonnelavraieréponse.‒Prendslesmédicaments,Chelsea.Prends-lestous.
Deux semaines plus tard, je suis au tribunal, en plein contre-interrogatoire, et montéléphoneestdansmapoche,éteint,parcequemonchargeurachoiside rendre l’âmecematin. Chelsea est à la maison, mais il reste encore une semaine avant la date del’accouchement,donciln’yapasdequois’inquiéter.Entoutcasc’estcequejemedisalorsqu’unbrouhahaéclateàl’arrièredelasalled’audience.JemetourneetjedécouvreRiley,Rosaleen,Rory,ReganetRonanentraindemefairedegrandssignes.
‒ Pourquoi ces enfants sont-ils dansma salled’audience ? gronde le juge. Est-ce quec’estunesortiescolaire?
‒Cesontlesmiens,VotreHonneur.‒Tous?‒Oui.‒Lajournéedesenfantsautravailétaitilyaquelquessemaines,maîtreBecker.Je regarde Rory mimer un gros ventre puis il grimace comme s’il était sévèrement
constipé,etmoncœurcessedebattre.‒ Cela fait longtemps que je n’ai pas joué aux devinettes,mais je crois qu’ils sont là
pourmedirequemafemmeestentraind’accoucher.‒Oui!C’estça!crieRegan.‒Chuuut!siffleRosaleendanssonoreille.‒Toi,chut!Rosaleen ouvre la bouche pour répondre,mais le juge frappe sonmarteau et elle se
tait.Jedevraissongeràm’enprocurerunpourlamaison.‒Puis-jedemanderunreportd’audience,VotreHonneur?Ilhochelatête.‒Accordé.Bonnechance,monsieurBecker,jecroisquevousallezenavoirbesoin.IlfrappesonmarteauetjemeprécipitesurRileyquiestpâlecommeundrap.‒TanteChelseaestentraind’accoucher.OK,pasdeproblème,onatoutprévu.Cen’estpascommesionnes’yattendaitpas.
Mamèrevaresteraveclesenfants,etlesacdeChelseaestprêt.‒Elleestàl’hôpital?‒Non,àlamaison.Raymondestavecelle.Ellenevoulaitpasyallersanstoiettune
répondaispasautéléphone,alorsjesuisvenuetechercher.Toutlemondevoulaitveniretjenevoulaispasqu’onperdedutempsàsedisputer,alorsj’aiprisleminibus.
‒Tuasconduitleminibus?Rileynel’ajamaisconduit,c’estunsacréenginpouruneado.‒ J’ai dégommé deux boîtes aux lettres en venant et je neme suis pas arrêtée pour
laissermescoordonnées.Jevaisavoiruneamende?Jeprendssonbrasetjel’emmènedehorsaveclerestedelatroupe.‒Non,net’enfaispas.
Cinqminutes plus tard, tout lemonde est attaché et je conduis comme un pilote derallyepourretrouvermafemme.Danslesiègepassager,Rileybaissesontéléphone.
‒Ilsnerépondentpas.‒Pourquoiilsnerépondentpas,bonsang?jesiffleenagrippantlevolant.‒Pourquoivousflippeztous?demandeRoryàl’arrière.‒ParcequetanteChelseavaavoirunbébé!rétorqueRosaleen.‒Etalors?Desnanasaccouchenttouslesjours,c’estquoileproblème?‒T’esqu’undébile,Rory,répondRegan.‒Tais-toi!‒Toi,tais-toi!‒Taisez-voustous,jegronded’unevoixglaciale,sanscrier.Nousarrivonsà lamaisonquinzeminutesplus tardet j’aiàpeinemis le freinàmain
quejecoursdéjààl’intérieur.‒Chelsea!Lamaisonestparfaitementsilencieuse,c’estbizarre.‒Onestici!crieRaymonddepuismachambre.Jesenslesenfantsarriverderrièremoialorsquejetraverselecouloirentroisgrandes
enjambées.Raymondm’attenddevantlaporteferméedelasalledebains,pâleetinquiet.‒ Quelque chose ne va pas, Jake. Elle répète que tout va bien, mais elle semble
vraimentstressée.‒C’estbon,jesuislà,jedisenserrantsonépaule.J’entredans la salledebainset jecomprends immédiatementqueRaymonda raison.
Chelseane va pas bien. Elle est assise par terre, adossée aumur, le visage blanc commeneige,trempédesueuretdelarmes.Ilyaduliquideparterreetsarobejauneestmouilléeentresesjambes.
Elle serre son téléphone dans sa main quand elle me voit et elle parle d’une voixfaiblarde.
‒Tueslà.‒Oui,chérie,jesuislà.Tuaseuunesacréematinée,ondirait.Elleparvientàriredoucement,puiselleparledansletéléphone.‒Oui,monmariestlà.Jake.Jevouslepasse.Jem’agenouilleàsescôtésetellemetendsonportable.‒C’estEarl,duSAMU.J’aiappeléuneambulancemaisilyaeuuneinondationenville
doncilsenontpourunmomentavantd’arriver.Jeprendsletéléphonemaisjeneleportepastoutdesuiteàmonoreille.‒Jepeuxt’emmeneràl’hôpital,maintenant.Ellegrimacededouleuretsecouelatête.‒Jesuisdésolée.Jesuistellementdésolée,Jake.Toutestmafaute.
‒Chut,net’inquiètepas.‒Tousleslivresdisentqueçaprenddesheuresetdesheures…Kennedyenaeupour
presquedeuxjours,bonsang!Alorsquandlescontractionsontcommencé,cematin,jemesuis dit que je pouvais attendre que tu rentres. Je savais que t’étais au tribunal… je suisbête.
‒Toutvabien,Chelsea.‒MonDieu, ça faitmal. J’ai besoin de pousser, Jake.On n’arrivera pas à l’hôpital à
temps.‒T’essérieuse?Jenesaispaspourquoijeluiposecettequestion.‒J’ail’airdeplaisanter?s’exclame-t-elleenmefusillantduregard.OK,elleestsérieuse.Merde.‒Riley,Raymond,Rory,venezici,toutdesuite!Jemetourneverslaportequandjelesentendsarriver.‒Riley…Elles’agenouilleimmédiatementauxcôtésdeChelseaetluiprendlamain.‒Oui,jesuislà.Les larmes coulent sur les joues de Chelsea tandis qu’elle caresse les cheveux de sa
nièce.‒Tuestellementsage,tul’astoujoursété.Jemelèvepourparlerauxgarçons,quisontimmobiles.‒Waouh!Est-cequ’ellevabien?demandeRory.‒Oui,toutvabiensepasser.‒Donne-moitaparole,dit-ilenplongeantsonregarddanslemien.‒Jeteladonne.Prendstonfrèreettessœursdanslesalon.Garde-leslà-bas,etsoyez
calmes.Tupeuxfaireçapourmoi?‒Ouais,jem’enoccupe.Jet’aime,tanteChelsea,dit-ilenregardantderrièremoi.Ellesouritendépitdesadouleur.‒Jet’aimeaussi,Rory.Net’inquiètepas.Il hoche la tête et tourne les talons, et je saisis le bras deRaymond pour attirer son
attention.‒Tatantevaaccoucher.‒Ici?‒Ici.Maintenant.J’aivraimentbesoinqueturestescalme,Raymond.Apporte-moides
serviettes,desciseauxetdelaficelle.Ensuite,metsdel’eauàbouillir,aucasoù.D’après ce que j’ai lu, l’eau bouillante sert à stériliser les ustensiles, et je crois qu’on
n’aura pas le temps de le faire,mais ça occupera Raymond et il auramoins le temps des’inquiéter.
‒Tuesavecmoi?jeluidemande.‒Ouais.Jegère,répond-ild’unevoixdéterminée.‒C’estbienfiston.Jegonflemespoumonsenleregardantpartir,calmantmespropresangoisses,puis je
m’agenouilledenouveauauxcôtésdemafemme.Danslesalon,j’entendslespetitspleureretsedisputer,appelantChelsea,quilesentendaussi.
‒Riley,vaaiderRoryaveclespetits.Jegèrelasituation.Ellesemblehésiteruninstant,puiselleembrassesatantesurlajoueetelles’enva.‒Salut,ditChelseaenlevantlatêteversmoi.‒Enfinseuls,jedisdemavoixlaplustranquille.Ouplutôt,seulsavecEarl,j’ajouteen
désignantletéléphonelaisséparterre.Ellesourittimidementetdenouvelleslarmescoulentsursesjoues.‒J’aisuperpeur,Jake.‒Jesais,maistunedevraispas.Jenelaisserairient’arriver,aubébénonplus.‒Cen’estpascequ’onavaitprévu.Jeprendssonsuperbevisageentremesmains.‒ Je n’avais pas prévude te rencontrer, Chelsea. Les enfants non plus.Mais tu es la
plusbellechosequimesoitarrivée.Ellefermelesyeuxetappuiesajouedanslapaumedemamain.‒ On va avoir un bébé, aujourd’hui, et je vais avoir une sacrée histoire à raconter,
d’accord?Elle inspire lentement, et l’inquiétude disparaît de son visage, remplacée par une
déterminationféroce.‒D’accord.‒ Je suis Jake Becker, vous êtes là, Earl ? je dis en mettant le téléphone sur haut-
parleur.‒Jesuislà,Jake.SavoixestrauqueetellemefaittantpenseràcelleduJugequej’enailesoufflecoupé
uninstant.‒Jevaisvousexpliquerquoifaire,étapeparétape,fiston,ditEarl.‒Çameva.‒OK.D’abord,jetezuncoupd’œiletdites-moicequ’ilsepasse.Chelsea a déjà enlevé sa culotte, et je saisis une serviette sur la pile queRaymond a
déposée pour la glisser sous elle. Ensuite, je metsmesmains sur ses genoux, j’écarte sesjambes,etjeregardeentresescuisses.
JésusMarieJoseph.Unetouffedecheveuxbrunsdépassedesafente,étirantsachair.‒Jevoislatête.Elleestencorededans,maiselleestlà.
‒ C’est bien. Maintenant je veux que vous vous laviez les mains, Jake. Prenez desserviettespropresetpréparez-vousàréceptionnervotreenfant.
Je frottevigoureusementmesmainset je finisde les sécherquandChelseapousseunénormegrognement.
‒MonDieu,ilfautquejepousse.Toutdesuite.‒Jesuisprêt,Earl,jedis.‒ Alors allez-y, Chelsea. Quelques bonnes poussées et vous rencontrerez votre bébé.
Respirezprofondémentetconcentrez-vous,d’accord?Votrecorpssaitquoifaire,nerésistezpas.Laissez-lefaire.
Chelsea agrippe ses genoux et se penche en avant, plaquant son menton contre sapoitrine engrognant sous l’effort. J’attends entre ses jambes et, en silence, je fais quelquechosequejen’aijamaisfaitauparavant.
Jeprie.JecommencepardireàDieuquejeneluidonneraipasChelseaetques’ilessaiedela
prendre,jedébarqueraiauParadispourlarameneràlamaison.Maissurtout,jel’implore.S’ilteplaît,Dieu,nemelaissepastoutfoutreenl’air.Faisquetoutsepasserabien.S’ilteplaît.Jet’ensupplie,Dieu.S’ilteplaît,jet’ensupplie.
Puisj’entendsmavoixrésonnersurlesmursdelasalledebains.‒Latêteestsortie!Levisagedemonenfantestimmobile,couvertdefluideetd’unesubstanceblancheet
charnue.‒Cen’estpasfini!grondeChelsea.Soudain,surunevaguedeliquide,monfilsglisseentremesmains.‒Ilestsorti!jem’écrie.Jesaisisuneservietteetj’essuiesonvisage,nettoyantsaboucheetsonnez.‒Est-cequ’ilpleure?demandeEarl.La réponse est une longue plainte stridente, et c’est la plus belle chose que j’aie
entenduedetoutemavie.‒Oui.Ilpleure.Etiln’estpasleseul.Ilouvresapetiteboucheindignéeetsesminusculesmembress’agitenttandisquejeles
essuieaveclaserviette.Ilcessedecrierquandjel’enveloppedansuneservietteproprepourleposersurleventredesamaman,quipleureenleregardant.
‒Coucou,toi,chuchote-t-elle.Ont’attendait,tusais.Jem’accroupisàsescôtésetj’appuiemonfrontsursatempe,laserrantcontremoi.‒Onl’afait,Jake.Merci,merci,merci.‒Onl’afait.
Vousparlezd’unejournée.L’ambulance arrive quelquesminutes après la naissance de Robert. Ils s’occupent du
cordon ombilical et de Chelsea, ainsi que de toutes les choses qu’il faut faire après unaccouchement.Nous présentonsRobert à chacundes enfants avant que lui etChelseanesoient mis dans l’ambulance et que nous ne partions à l’hôpital. Les garçons sont ravisd’avoirunnouveaupetitfrère,etlesfillesontdécidéquelebébéétaittellementmignonquelefaitqu’ilaitunpénisn’étaitfinalementpassigrave.
ChelseaetRobertpassentlanuitàl’hôpitalpourquel’onsoitsûrsquetoutvabien,etquandilsrentrent,nousdécidonsd’autoriserlesenfantsàmanquerlerestedelasemaineàl’école.
Noussommestousenpyjamadanslesalon,àregarderlatélé,mêmes’ilestquatorzeheures. Le babyphonenous fait parvenir un cri qui nous indique que le dernier arrivé estréveillé ‒ sans doute faut-il changer sa couche et le nourrir. J’embrasse Chelsea commechaquefoisqu’ilpleure‒c’estcommesijenepouvaispasmepasserdeseslèvres.
‒J’yvais,jechuchote.Aufondducouloir,dansnotrechambre,jeprendsnotrefilsetjechangesacouche,ce
qu’ildéteste.Jelerhabillepuisjem’assoisdanslefauteuilàbasculepourl’apaiser.Sespleursdisparaissentpeuàpeuetilmeregardecommelefontlesbébés,commes’il
attendait quelque chose. Après quelques secondes, jeme demande s’il veut une berceuse.Danscettemaison,ilyaungroupequipassesurlachaînehi-fibeaucoupplussouventqued’autres,etc’estàcontrecœurquejechoisisunedeleurschansons.
Jechanteàvoixbasse,d’unevoixcalme…quandj’entendsunpremiergloussementaufondducouloir,puisunsecond.Etencoreunautre.J’entendsbientôtunechoralederiresdanslesalon,etlavoixdeRegansedétachedesautrespourm’expliquer.
‒Ont’entendchanterOneDirection!C’estalorsquejemesouviensdubabyphone.Jesecouelatêteetjeris,puisjebaissela
têtepourregarderdanslesyeuxdemonfils.‒Ilsnenouslaisserontjamaisoublierça.Jamais.
ÉPILOGUE
Dix-septansplustard
Je travaille à lamaison, aujourd’hui, parce que si l’éducation des enfantsm’a appris unechose,c’estqu’il suffitdebaissersagardeetdedéciderquesaviene tournerapasautourd’euxpourqu’ilsvousjouentunsaletour.
Jesuisdoncentrainderelireunerequêtepourirrecevabilitéquandlaportes’ouvreetque Chelsea passe sa tête dans mon bureau. Elle est aussi canon à l’approche de lacinquantaine que le jour où elle m’a ouvert la porte pour la première fois et qu’elle m’acoupélesouffle.Jesuisunsacréveinard.
‒C’estl’heure,Jake.Jemelève, jeprendsmavestesurledossierdemonfauteuil,et je luiemboîtelepas.
Nousnousarrêtonsdanslesalon,oùRobertetViviansontallongéssurlecanapé,entrainderegarderlatéléensedonnantlabecquéeavecdupop-corn.Ilssontencoupledepuislecollège,cequin’estpasétonnantétantdonnéqu’ilsontpasséchaquejourdeleurviecollésl’unàl’autre.Jenesaispass’ilsserontensemblepourtoujours,commeilsledisent,carilssontjeunesetquelavieestimprévisible.Toutefois,jesaisqu’ilsseronttoujoursamis.
‒Tamèreetmoiallonsàl’hôpital.Tuviens?Monfilstientsapersonnalitédemoi.Ilesttêtuetrebelle,maisilauncôtéenjouéque
jen’aijamaiseu,parcequesonenfancen’arieneuàvoiraveclamienne,heureusement.Ila les yeux de sa mère ainsi que son optimisme et sa détermination, ce pour quoi je suisinfinimentreconnaissant.
‒Non,maisappelez-moiquandlebébéserané,onviendra.Jefaistroispasverslaporte,puisjem’arrêteetjemetourneverseux.‒Pasdecochonneriespendantqu’onn’estpaslà,jegronde.
Celapeutsemblerétrangededirecelaàmonfils,etc’estsansdoutelecas.Maisjesuisréalisteet,croyez-leounon,lesadoslesontaussi.
‒Allez,oncleJake,tunousconnais,tucroisvraimentqu’onferaitça?répondVivian.Vivian est le portrait craché de sa mère. Elle est minuscule et belle, avec des yeux
ambrésquisemblentluired’unelumièreintérieure.Cependant,ellealapersonnalitédesonpère,etjeconnaisBrentMasondepuistrenteans.
‒Oui,justement.Ellericaneetenfouitsonvisagedanslecoudemonfils,quejefusilleduregard.‒Sérieusement,pasdebêtises.Ronanestenroute,ilvaarriverd’uneminuteàl’autre.‒Détends-toi,Papa.C’estcool.Dis«bonnechance»àRoryetLoridemapart.‒Àplustard,lesenfants.Ilyadujusdefruitsdanslefrigo,ditChelseaenpassantla
ported’entrée.Nous descendons les marches du perron et je regarde ma femme en fronçant les
sourcils.‒Dujus?T’asoubliéàquituparlais?Onauraitsurtoutdûfermerlebaràclé!Ellehausselesépaules.‒T’inquiète, l’alcoolestplanquédansnotrechambre.Ça faitdesmoisque j’aimisde
l’eaudanslesbouteillesdubar.S’ilssontd’humeuràsepréparerunpetitcocktail,ilsvontêtredéçus.
MonDieu,j’adorecettefemme.‒Bienjoué.‒Cenesontpasmespremiersados,monsieurBecker,dit-elleenenfonçantsonindex
entremescôtes.
Àl’hôpital,Chelseaetmoisommesassisdanslasalled’attentedelamaternité,uncaféfadeàlamain.CelafaitcinqminutesquelesparentsdeLorisontdescendusàlacafétérialorsqueRoryMcQuaidarriveencourantdanslapièce,épuiséetfoudejoie.
‒C’estungarçon!Chelseapousseun cri aiguen se levantpourprendre sonneveudans lesbras tandis
que je souris si fortque j’enaimalaux joues.LorsqueChelsea le libèreenfin, c’estàmontourdeleprendredansmesbras.
‒Jesuisfierdetoi,fiston.Rorym’offrelemêmesourirenarquoisquiachangémavie.‒Merci.Jesuisplutôtfierdemoi,moiaussi.‒CommentvaLori?demandeChelsea.‒Superbien.Vouspouvezvenir,noussommesprêtspourrecevoirdelavisite.
Nouslesuivonsdanslachambred’hôpitaloùsafemmeestadosséeàunemontagnedecoussinsdanslelit.Elleestprofdelettresaulycée,etelleestsibellequ’elledoitrepousserlesavancesde sesélèvesde façonquotidienne.Rory l’a rencontréequandellea témoignéendéfensed’undesesélèves‒quiétaitleclientdeRory.Cen’étaitpaslecoupdefoudre,maisçan’enétaitpasloin.
Roryestdoncdevenuavocatdeladéfensedansmoncabinet.Ilestintelligent,sérieux,et c’est un dur à cuire. Ses affaires préférées sont celles des mineurs. Son nom n’est pasencore sur l’immeuble à côté du mien, mais je ne doute pas qu’il passera associé d’iciquelquesannées.
‒Félicitations,mabelle,jedisenembrassantLorisurlajoue.‒Merci,Jake.Chelseaprendlebébéendormidanssesbrasetl’admireavecdesyeuxpleinsd’amour.‒Oh,Rory,ilestmagnifique.C’esttonportraitcraché,monchéri.‒Ouais,maisoncroiselesdoigtspourqu’ilaitmapersonnalitéetpaslasienne.Roryhochelatêteenriant.JerejoinsChelseapourregarderlebébéqu’elletientdans
sesbras‒ sapeauest lisseetdouce, ses cils sont longsetbruns,et il est tout simplementadorable.Ça,c’estcequ’onappelleuncoupdefoudre.
‒Coucoubébé,ronronneChelsea.Jesuistamamie.JediraisplutôtuneG-MILF.Çafaitbizarremais…c’estonnepeutplusvrai.‒Voussavezcommentvousallezl’appeler?demandeChelsea.LoriregardeRoriavecunairmystérieux.‒Oui.Ça faitunmomentqu’onachoisi sonprénom.C’estRoryquiaeu l’idéeet j’ai
trouvéçaparfait.Ilsnedisentplusrienetjem’impatiente.‒Vousalleznousledireouondoitledeviner?Rorysouritetmeregardedanslesyeux.‒Becker.Monfilss’appelleBeckerMcQuaid.Jeledévisagealorsqueleslarmesmemontentauxyeux.JesaisqueChelseaestdans
lemêmeétatquemoiàmescôtés,et jebaisselatêtepourregarderdenouveaulebébéàtraversmeslarmes.
‒Tuvasmefairepleurer,petitmerdeux,jedisenallantversRory.‒C’étaitlebutdemonplanmachiavélique,monvieux,rétorque-t-il.Jeleserrefortdansmesbrascarc’estleplusbelhonneurqu’ilpouvaitmefaire.‒Merci,Rory.‒Merciàtoi,Jake.Pourtout.Quelquesminutesplustard, lesparentsdeLorientrent,suivisdeReganetRonanqui
sedisputentàproposdutrajetqueRonanachoisipourvenir.Peudetempsaprès,touslesautresarriventpouraccueillirlenouveaumembredenotregrandeetbellefamille.
Vous vous demandez ce que font les autres ? Où ils sont et ce qu’ils sont devenus ?Aujourd’huiestvotrejourdechance,parcequejevaisvousledire.
RileyhabiteàLosAngeles.Elleamontésapropreboîted’événementieletelletravailleprincipalementpour lesstars.Ellen’estpasmariée,maisellehabiteavec lemêmehommedepuis dix ans. Étant donné que j’ai emménagé avec sa tante avant qu’onne soitmariés,Chelsea etmoi n’avons rien à dire quant à leur situation. Sonmec est… correct. Je ne ledéteste pas, mais je ne dirais pas que je l’apprécie. Il rend Riley heureuse, donc pourl’instant,jen’aipasderaisondeletuer.
J’aimeraisvousdirequelepremierbéguindeRaymondétaitlebonetqueluietPresleyShawsontheureuxavecpleind’enfants,maiscen’estpaslecas.Ils’avèrequequatreans,quandonestado,c’estunetropgrossedifférenced’âge.
Presleyestdevenueavocate,commesonpère,etelleaépouséunavocat,commesonpère. Ils habitent à une heure d’ici, dans un ranch qui me rappelle celui des parents deStanton,dansleMississippi.
Raymondaobtenuunmastereninformatique,commeonpouvaits’yattendre.Durantsadernièreannéedefac,ilafaitunstageavecunebandedegeeks,danslaSiliconValley,etunedesescollègues,unejoliepetitebruneavecdesgrandsyeux,adécidéqueRaymondétait la huitièmemerveille dumonde. Elle a affirmé qu’il était le premier homme qu’elleavaitrencontréquiétaitplusintelligentqu’elle.Quantàmoi,j’essaietoujoursdem’habituerà l’idée que Raymond est un homme ‒ je ne sais pas quand c’est arrivé. Ils sont mariésdepuisdeuxans,maintenant,etilssontfousl’undel’autre.
Rosaleenasuivilestracesdesamère,Rachel:elleaépousésonamourdefac,etelleavitefaitdesenfants.Elleatroispetitesfillesetellen’apasdécidédes’arrêterlà.Ellessonttoutes belles, blondes et pleinesd’énergie, exactement comme leurmère. Sonmari est unconsultantenpolitiquequigagnetrèsbiensavie,etilsviventàquelqueskilomètresdecheznous,dansunemaisonplusgrandequelanôtre.
Reganestorthophonistedanslavillevoisine.Ellevientd’obtenirsondiplômeetelleesten colocationavec sameilleureamiede lycée.Elle est jeuneetbelle et ellepassedubontempsaveclesmecsqu’ellerencontre.Ellejurequ’ellenesemarierajamaisparcequ’ellenetrouverajamaispersonnequim’arriveraàlacheville.
Jenepeuxpaslacontredire.Le petit Ronan n’est plus petit. Il a vingt-deux ans et il est en fac de médecine à
Georgetown. Il veut se spécialiser en gynécologie obstétrique, et Chelsea et moi nousdemandons à quel point la naissance de Robert l’a influencé,mais on ne lui pose pas laquestion,caronpréfèrenepasconnaîtrelaréponse.
Tous nos enfants ont beau être grands et mener leur propre vie, ils reviennent à lamaisondèsqu’ilslepeuvent.ÀNoëletàPâques,lamaisonestpleineàcraquer.
Jerâleendisantquec’estpénibleetqu’ilyatropdebruit,maisChelseasemoquedemoi,prétendantquej’adoreçaetquepourrienaumondejenelechangerais.
Etcommetoujours…ellearaison.