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118 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 4 - avril 2013 MISE AU POINT Actualités dans l’hypertension intracrânienne idiopathique Update on idiopathic intracranial hypertension S. Bidot*, V. Biousse* , ** * Service d’ophtalmologie, Emory University School of Medicine, Atlanta, États-Unis. ** Service de neurologie, Emory Uni- versity School of Medicine, Atlanta, États-Unis. L’ hypertension intracrânienne idiopathique (HTICI), autrefois appelée pseudotumor cerebri, résulte d’une augmentation isolée de la pression du liquide cérébrospinal (LCS) d’étiologie inconnue. Par définition, le terme “idiopathique” renvoie aux hypertensions intracrâniennes sans pathologie intracrânienne identifiée. Ce terme d’HTICI inclut les patients chez lesquels un facteur déclenchant est suspecté (tel que certains médica- ments, par exemple) et il est donc imparfait. Le diagnostic repose sur les critères de Dandy, modifiés en 1985 puis en 2002 (encadré 1) [1]. Épidémiologie Aux États-Unis, l’incidence annuelle de l’HTICI est d’environ 2 cas pour 100 000 personnes ; cette incidence est décuplée chez la jeune femme obèse (2). Le sexe féminin et l’obésité, notamment avec la répartition gynoïde des graisses (2), sont les 2 principaux facteurs de risque, retrouvés respecti- vement dans 85 % et 75 % des cas (2). Cependant, bien que l’obésité soit un facteur de risque majeur de l’HTICI, le dépistage systématique d’un œdème papillaire (OP) de stase chez les patients obèses n’est pas recommandé, la prévalence de l’HTICI dans cette population n’étant que de 0,6 % (3). L’impor- tance de l’indice de masse corporelle (IMC) et celle de la prise pondérale récente, même modérée (5 à 15 %), sont des facteurs de risque de développer ou de récidiver une HTICI (2, 4). Bien que l’HTICI se développe typiquement chez la jeune femme obèse, les formes atypiques, qui touchent l’homme, les âges extrêmes ou les patients ayant un poids normal, ne sont pas rares (5). Dix pour cent des patients sont de sexe masculin (6), et les sujets âgés de plus de 50 ans, ou ayant un poids normal, représentent chacun environ 5 % des cas (5). D’autres facteurs potentiels, notamment médicamenteux, ont été incriminés. Parmi les médicaments candidats, les tétracyclines, et notamment la minocycline, sont reconnues comme étant des facteurs de risque d’HTICI (2). Le syndrome d’apnée du sommeil (SAS) est fortement associé à l’HTICI chez l’homme (2, 6). Dans une étude récente réalisée sur plus de 2 millions de patients souffrant d’un SAS, les patients non traités avaient 2 fois plus de risque de développer une HTICI. Ce risque disparaît après le traitement du SAS (2, 6). Facteurs pronostiques L’HTICI présente le plus souvent une évolution favorable après ponction lombaire (PL), une perte de poids et l’éviction des facteurs de risque. Cependant, la complication majeure de l’HTICI est la baisse 1. En présence d’une symptomatologie, celle-ci doit être exclusivement liée à l’HTIC. En l’absence de symptômes, la présence d’un œdème papillaire de stase est nécessaire. 2. En présence de signes physiques, ces derniers doivent être liés exclusivement à l’HTIC. 3. Pression d’ouverture du LCS ≥ 25 cm d’H 2 O mesurée en décubitus latéral. 4. Composition normale du LCS. 5. Absence d’hydrocéphalie, de processus expansif intra- crânien ou de lésion vasculaire en IRM ou en TDM injecté pour les patients typiques, IRM avec ARM pour tous les autres. 6. Absence d’autres causes d’HTIC. Encadré 1. Critères modifiés de Dandy (2002).

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Page 1: L’ - Edimark · Présentation clinique L’OP de stase est le signe cardinal de l’HTICI (figure 1 et figure 2, p. 120). Il est extrêmement fréquent, mais seuls les sujets présentant

118 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 4 - avril 2013

mIse Au pOInT

Actualités dans l’hypertension intracrânienne idiopathiqueUpdate on idiopathic intracranial hypertension

S. Bidot*, V. Biousse*, **

* Service d’ophtalmologie, Emory University School of Medicine, Atlanta, États-Unis.

** Service de neurologie, Emory Uni-versity School of Medicine, Atlanta, États-Unis.

L’ hypertension intracrânienne idiopathique (HTICI), autrefois appelée pseudotumor cerebri, résulte d’une augmentation isolée de

la pression du liquide cérébrospinal (LCS) d’étiologie inconnue. Par définition, le terme “idio pathique” renvoie aux hypertensions intracrâniennes sans pathologie intracrânienne identifiée. Ce terme d’HTICI inclut les patients chez lesquels un facteur déclenchant est suspecté (tel que certains médica-ments, par exemple) et il est donc imparfait. Le diagnostic repose sur les critères de Dandy, modifiés en 1985 puis en 2002 (encadré 1) [1].

Épidémiologie

Aux États-Unis, l’incidence annuelle de l’HTICI est d’environ 2 cas pour 100 000 personnes ; cette incidence est décuplée chez la jeune femme obèse (2). Le sexe féminin et l’obésité, notamment avec la répartition gynoïde des graisses (2), sont les

2 principaux facteurs de risque, retrouvés respecti-vement dans 85 % et 75 % des cas (2). Cependant, bien que l’obésité soit un facteur de risque majeur de l’HTICI, le dépistage systématique d’un œdème papillaire (OP) de stase chez les patients obèses n’est pas recommandé, la prévalence de l’HTICI dans cette population n’étant que de 0,6 % (3). L’impor-tance de l’indice de masse corporelle (IMC) et celle de la prise pondérale récente, même modérée (5 à 15 %), sont des facteurs de risque de développer ou de récidiver une HTICI (2, 4). Bien que l’HTICI se développe typiquement chez la jeune femme obèse, les formes atypiques, qui touchent l’homme, les âges extrêmes ou les patients ayant un poids normal, ne sont pas rares (5). Dix pour cent des patients sont de sexe masculin (6), et les sujets âgés de plus de 50 ans, ou ayant un poids normal, représentent chacun environ 5 % des cas (5). D’autres facteurs potentiels, notamment médicamenteux, ont été incriminés. Parmi les médicaments candidats, les tétracyclines, et notamment la minocycline, sont reconnues comme étant des facteurs de risque d’HTICI (2). Le syndrome d’apnée du sommeil (SAS) est fortement associé à l’HTICI chez l’homme (2, 6). Dans une étude récente réalisée sur plus de 2 millions de patients souffrant d’un SAS, les patients non traités avaient 2 fois plus de risque de développer une HTICI. Ce risque disparaît après le traitement du SAS (2, 6).

Facteurs pronostiques

L’HTICI présente le plus souvent une évolution favorable après ponction lombaire (PL), une perte de poids et l’éviction des facteurs de risque. Cependant, la complication majeure de l’HTICI est la baisse

1. En présence d’une symptomatologie, celle-ci doit être exclusivement liée à l’HTIC. En l’absence de symptômes, la présence d’un œdème papillaire de stase est nécessaire.

2. En présence de signes physiques, ces derniers doivent être liés exclusivement à l’HTIC.

3. Pression d’ouverture du LCS ≥ 25 cm d’H2O mesurée en décubitus latéral.

4. Composition normale du LCS.

5. Absence d’hydrocéphalie, de processus expansif intra-crânien ou de lésion vasculaire en IRM ou en TDM injecté pour les patients typiques, IRM avec ARM pour tous les autres.

6. Absence d’autres causes d’HTIC.

Encadré 1. Critères modifiés de Dandy (2002).

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points forts » Le sexe féminin et l’obésité sont les 2 principaux facteurs de risque d’hypertension intracrânienne

idiopathique (HTICI). » L’identification pour chaque patient des facteurs pronostiques est indispensable afin d’adapter une

stratégie thérapeutique plus agressive. » La perte de poids est efficace même lorsqu’elle est modérée (5 à 10 %). » L’acétazolamide est le traitement médicamenteux de choix, même en l’absence d’essai thérapeutique. » La mise en place de stent veineux lorsqu’il existe des sténoses des sinus transverses est intéressante,

mais les données concernant l’efficacité et la sécurité de cette procédure sont encore insuffisantes pour recommander ce traitement en routine.

mots-clésHypertension intracrânienne idiopathiqueŒdème papillaireObésitéCéphalées

Highlights » Idiopathic intracranial hyper-

tension (IIH) is characterized by isolated increased intracranial pressure of unknown cause without identified intracranial disorder or meningeal process.

» IIH occurs most frequently among young obese women in childbearing age.

» Predictors for poor visual outcome have been identified, and help determine manage-ment strategies.

» Despite a number of hypoth-eses, the pathophysiology remains unclear.

» The treatment remains empiric in the absence of large clinical trials, but the diagnostic lumbar puncture and weight loss (with often acetazolamide) are usually efficient.

KeywordsIdiopathic intracranial hypertension

Papilledema

Obesity

Headache

visuelle avec au moins 90 % des patients ayant des anomalies du champ visuel au moment du diagnostic et près de 10 % des patients présentant une cécité irréversible sur au moins un œil (2). Ce risque souligne la nécessité d’identifier les facteurs de mauvais pronostic au moment du diagnostic d’HTICI, afin d’adapter individuellement la stratégie théra-peutique (encadré 2) [7, 8].

Sexe masculin

Les profils clinique et évolutif de l’HTICI chez l’homme sont différents de ceux observés chez la femme. Le diagnostic est souvent plus tardif, d’environ une décennie en moyenne, avec une prévalence moindre des céphalées mais une prévalence plus importante des troubles visuels comme symptômes initiaux. La présentation volontiers paucisymptomatique de l’HTICI chez l’homme pourrait expliquer que le risque d’évo-lution défavorable soit multiplié par 2 (6).

Race

Bien que la race ne modifie pas l’incidence de l’HTICI, elle semble être un facteur pronostique indépendant chez les sujets de race noire vivant aux États-Unis. Le risque d’évolution défavorable est multiplié prati-quement par 3 chez eux et le risque de cécité sur au moins un œil par 5 par rapport aux patients cauca-siens (7). Une étude comparant le pronostic visuel

1. Patient de race noire

2. Sexe masculin

3. Obésité morbide

4. Prise de poids récente et importante

5. Anémie

6. Apnée du sommeil

7. HTICI fulminante

8. Œdème papillaire de haut grade

9. Absence de céphalées

10. Absence de suivi ophtalmologique

Encadré 2. Facteurs de risque d’évolution défavorable.

de patients caucasiens ayant une HTICI et vivant aux États-Unis avec celui de patients caucasiens vivant en France a montré que les Américains avaient un risque de baisse visuelle 8,7 fois plus élevé que les Français, indépendamment d’autres facteurs pronos-tiques tels que l’obésité par exemple (9).

Obésité

L’obésité est corrélée non seulement à l’incidence de l’HTICI, mais également au risque visuel. En effet, il existe une corrélation entre l’IMC et le risque de baisse visuelle chez les patients très obèses, celui-ci doublant toutes les 20 unités d’IMC (10). Une prise de poids marquée et récente (indépendamment de l’IMC) est également corrélée au risque visuel (2).

Présentation clinique

L’OP de stase est le signe cardinal de l’HTICI (figure 1 et figure 2, p. 120). Il est extrêmement fréquent, mais seuls les sujets présentant un OP marqué développent une atteinte visuelle (2), tandis que les patients ayant un OP minime ont un champ visuel normal avec, en général, une évolution visuelle favorable.Les céphalées, retrouvées dans plus de 90 % des cas, représentent le motif de consultation le plus fréquent (2). Cependant, les patients présentant un OP asymptomatique ne sont pas rares et le diagnostic peut n’être posé qu’à un stade tardif de séquelles visuelles.L’HTICI fulminante est une forme rare caractérisée par un début aigu et une dégradation rapide de la fonction visuelle. Le traitement est urgent et généralement chirurgical avec un risque de cécité de 50 % (11).

Autres

Le SAS, fortement associé à l’HTICI chez l’homme (6), et l’anémie, notamment par carence martiale (8), ont été associés à un pronostic visuel défavorable.

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Figure 1. Champ visuel gauche (A) et droit (B) , et rétinographie droite (C) et gauche (D) . Œdème papillaire modéré. Le champ visuel retrouve un élargissement de la tache aveugle.

A B

C D

Figure 2. Champ visuel gauche (A) et droit (B) , et rétinographie droite (C) et gauche (D) . Œdème papillaire sévère avec hémorragies parapapillaires et nodules cotonneux bilatéraux. Il existe en outre une étoile maculaire droite. L’examen des champs visuels retrouve des anomalies bilatérales prédominant du côté droit.

A

C

B

D

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Actualités dans l’hypertension intracrânienne idiopathiquemIse Au pOInT

Facteurs non associés au pronostic visuel

Il est fréquent que l’HTICI soit diagnostiquée au cours de la grossesse ; cela s’explique simplement par le fait que l’HTICI est plus fréquente chez les femmes jeunes. Bien que la grossesse influence la prise en charge, elle n’est pas associée à un plus mauvais pronostic.De multiples anomalies radiologiques ont été décrites (figure 3), telles que la selle turcique vide, l’aplatissement des globes oculaires, la dilatation des gaines du nerf optique, et la présence de sténoses dans la partie distale des sinus veineux transverses. Deux études récentes (12, 13) n’ont pas montré d’association entre le pronostic de l’HTICI et la présence d’anomalies radiologiques.

Physiopathologie

Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents à l’élévation de la pression intracrânienne (PIC) dans le cadre de l’HTICI sont encore mal connus. De multiples facteurs ont été suggérés ou simplement évoqués, mais le(s) lien(s) les unissant ainsi que leur rôle respectif dans la pathogénie de l’HTICI ne sont pas encore clairs. Cependant, quelles que soient les théories avancées, elles doivent prendre en compte la forte propension de l’HTICI à survenir chez les jeunes femmes obèses.L’implication de la vitamine A dans la pathogénie de l’HTICI est connue depuis longtemps. De nombreux cas ont été rapportés après une consommation excessive d’aliments riches en vitamine A (2). Une concentration élevée en rétinol dans le LCS a été mise en évidence en cas d’HTICI avec un ratio rétinol/RBP supérieur à 1, le RBP étant la protéine de transport du rétinol. Ce ratio anormalement élevé témoigne de la présence dans le LCS d’une forme libre de rétinol, cytotoxique, pouvant interférer avec la régulation de la PIC. La découverte récente de la nature endocrinienne du tissu graisseux (2) et de son rôle, entres autres, dans la sécrétion du RBP (RBP4), pourrait faire le lien entre vitamine A et HTICI (2). Cependant, le RBP4 tire son origine essentiellement du tissu graisseux abdominal (2) alors que l’HTICI est préférentiellement associée à l’obésité gynoïde (2). Ce paradoxe démontre le caractère encore fragmentaire de nos connaissances quant au rôle du métabolisme de la vitamine A dans la pathogénie de l’HTICI.Récemment, une autre piste suggère le rôle étiopatho-génique des sténoses des sinus transverses, retrouvées

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Figure 3. Anomalies IRM au cours de l’HTICI.A. Selle turcique vide. B. Sténose du sinus transverse gauche. C. Protrusion de la papille optique. D. Tortuosité verticale du nerf optique.

A

C

B

D

Figure 4. Mécanisme suggéré pour expliquer l’éléva-tion persistante de la pression intracrânienne en cas de sténose des sinus transverses.

Sténose des sinus transverses

Gêne au retour veineux

Hyperpression veineuse

Diminution de la résorption du LCS

Élévation de la pression intracrânienne

Compression des sinus veineux

La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 4 - avril 2013 | 121

mIse Au pOInT

chez plus de 90 % des patients contre un peu plus de 5 % chez les sujets témoins (14). Cependant, le fait de savoir si cette sténose est cause ou consé-quence de l’HTICI fait toujours débat. Les résultats encourageants, parfois spectaculaires, rapportés après stenting d’au moins 1 sinus transverse (14) ne permettent pas de trancher formellement, cette technique pouvant simplement interrompre le cercle vicieux (figure 4).À côté des anomalies du contenant vasculaire discutées ci-dessus, il a été fait l’hypothèse que des anomalies du contenu vasculaire, et notamment les états d’hypercoagulabilité, constituent un mécanisme de l’élévation de la PIC. En effet, des microthromboses répétées au sein des veines cérébrales pourraient être responsables d’un déficit de résorption du LCS (2). Il ne s’agit cependant pas de thrombophlébite cérébrale, car aucun thrombus n’est visible sur l’imagerie.Récemment, le rôle pathogénique des aqua porines 4, protéines transmembranaires impliquées dans l’osmorégulation, a été suggéré. Cependant, aucune étude récente n’a permis de confirmer cette théorie (2).

Traitement

Les 2 objectifs du traitement sont : ➤ la diminution, voire la disparition, des symptômes

liés à l’élévation de la PIC ; ➤ la préservation de la fonction visuelle.

Les recommandations générales incluent le diagnostic et le traitement des troubles pondéraux et autres facteurs de risque associés ainsi que la gestion médicale des céphalées, qui deviennent souvent chroniques.La prise en charge initiale dépend de l’ancienneté de la symptomatologie, de l’atteinte de la fonction visuelle et du profil du patient, mais elle commence toujours par une PL. Cette dernière est réalisée à but diagnos-tique, mais également thérapeutique, puisqu’elle s’avère efficace sur la symptomatologie. Cette effi-cacité n’est souvent que transitoire en l’absence de prise en charge des facteurs associés, mais des rémis-sions durables ne sont pas rares après une seule PL (2). Ce phénomène ne peut être expliqué simplement par la quantité de LCS retirée ou la persistance d’une brèche méningée. En effet, des interactions complexes entre divers facteurs hémo- et hydrodynamiques conduisent à des états d’équilibre stables ou non de la pression du LCS au cours de l’HTICI (15). La diminution de la pression du LCS en dessous d’un

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Actualités dans l’hypertension intracrânienne idiopathiquemIse Au pOInT

certain seuil après PL pourrait modifi er un équilibre pressionnel “haut” vers un nouvel équilibre “bas” du LCS expliquant alors certaines rémissions durables après une seule PL. Ce modèle physiopathologique de la dynamique des fl uides en cas d’HTICI justifi e la réalisation d’une PL thérapeutique dans le cadre de la prise en charge initiale.La perte de poids en cas d’obésité est le pilier du traitement de fond. Même modérée (5 à 10 %) [16], cette perte de poids permet, à elle seule, de soulager la symptomatologie et de diminuer l’OP et la PIC (17). En cas d’échec du régime seul chez les patients présentant une obésité morbide, le recours à la chirurgie bariatrique peut être proposé (2). Cependant, l’effi cacité à court terme de la perte de poids n’est pas établie et ce n’est qu’après 3 mois de régime à très faible apport calorique que A.J. Sinclair et al. (17) ont démontré son bénéfi ce. De ce fait, d’autres approches − médicales ou chirurgicales − doivent donc le plus souvent être associées lors de la prise en charge initiale.L’acétazolamide est considéré depuis longtemps comme le traitement médicamenteux de choix de l’HTICI, bien qu’aucune preuve formelle de son effi cacité ne soit disponible actuellement. L’étude prospective, multicentrique en double aveugle IIHTT (Idiopathic Intracranial Hypertension Treatment Trial), actuellement en cours aux États-Unis1, permettra peut-être de clarifi er le rôle de l’acétazolamide dans l’HTICI.Le topiramate est régulièrement utilisé dans l’HTICI pour ses propriétés antalgiques, anorexigènes et (faiblement) inhibitrices de l’anhydrase carbonique (2). Le topiramate est particulièrement utile chez les patients souffrant de céphalées chroniques persis-tantes. Cependant, l’Agence nationale de sécurité du médicament, dans une lettre adressée aux profes-sionnels de santé datée du 25 août 20112, rappelle que le topiramate ne doit être prescrit que dans le cadre strict de son AMM et met en garde contre son détour-nement vers une utilisation à visée amaigrissante.La corticothérapie orale est souvent effi cace initia-lement, mais elle n’est pas recommandée en raison des effets indésirables, notamment la prise de poids. Cependant, l’administration de corticoïdes par voie intraveineuse à forte dose est parfois utilisée en cas d’HTICI fulminante avec baisse visuelle sévère en attendant un traitement chirurgical (11).

La chirurgie est indiquée en cas d’HTICI fulminante ou en cas de détérioration de la fonction visuelle. Classiquement, la fenestration de la gaine du nerf optique est proposée chez les patients ayant un OP important et une baisse visuelle en l’absence de céphalées invalidantes (2), alors qu’une chirurgie de dérivation du LCS est préférée en cas de céphalées importantes (18). Néanmoins, les indications respec-tives de la fenestration de la gaine du nerf optique et des dérivations du LCS varient énormément selon les pays et les habitudes locales. Les progrès en chirurgie endoscopique ont rendu possible les dérivations ventriculopéritonéales chez les patients ayant une HTICI (et des ventricules non dilatés) ; ces dérivations permettent la mise en place d’une valve régulant la pression du LCS et auraient un risque moindre d’échec que les dérivations lombopéritonéales (18).Plusieurs publications ont suggéré l’effi cacité de la mise en place d’un stent endovasculaire au niveau d’une sténose serrée d’un sinus veineux transverse intracrânien (14). Bien que les données prélimi-naires soient encourageantes, l’absence de recul et la survenue de quelques complications graves rendent ce traitement encore expérimental. Les stents veineux intracrâniens doivent encore être réservés aux rares patients présentant une sténose bilatérale des sinus transverses (ou unilatérale en cas de sinus transverse controlatéral hypoplasique), s’aggravant malgré un traitement médical adapté et ne pouvant pas bénéfi cier d’un traitement chirur-gical plus conventionnel. Davantage de données sur la sécurité et l’effi cacité de cette technique sont nécessaires pour préciser sa place dans l’arsenal thérapeutique des patients atteints d’HTICI.

Conclusion

De nombreuses questions restent encore sans réponse, notamment le rôle du sexe et de l’obésité dans la pathogénie de l’HTICI. L’identifi cation de patients à haut risque d’évolution défavorable permet de mieux préciser les stratégies thérapeutiques lors de l’évaluation initiale. Les études en cours permet-tront, probablement, d’apporter un regard nouveau sur ce syndrome dont la fréquence augmente dans le monde et qui reste si peu compris. ■

Lien d’intérêts. Les auteurs ne rapportent aucun lien d’intérêts. Cette étude est soutenue par des bourses du service d’ophtalmologie provenant du Research to Prevent Blindness (New York, États-Unis), du National Institute of Health (Bethesda, Maryland, États-Unis), de la fondation Berthe Fouassier (Paris, France) et de la Fondation Philips (New York, États-Unis).

1 http://www.nordicclinicaltrials.com2 http://ansm.sante.fr/S-informer/Informations-de-securite-Lettres-aux-professionnels-de-sante/Mise-en-garde-sur-le-detournement-de-l-usage-d-Epitomax-R-a-visee-amaigrissante-en-dehors-des-indications-autorisees-Lettre-aux-professionnels-de-sante

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