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D e précédents travaux ont déjà éta- bli que la musique pouvait avoir un effet motivant sur les presta- tions sportives, qu’elle était capable de réduire la perception du taux d’efforts à fournir, d’augmenter l’éveil, d’atténuer la sensation de fatigue et d’épuisement, de rendre plus endurant, d’agir comme un stimulant qui accroît légèrement le rythme cardiaque et la pression sanguine, d’allonger la survie à long terme de cer- tains malades... D’autres ont suggéré qu’une cadence appropriée et un plus grand nombre de foulées pouvaient avoir un effet préventif en matière de bles- sures. Tenant compte de ces divers apports, des scientifiques du Centre de recherche de la section Musicologie de l’Université de Gand, en collaboration avec une col- lègue de l’hôpital universitaire de Mont- pellier, ont voulu valider l’impact que pouvait avoir le rythme de la musique sur l’exécution d’une bonne cadence de course et par conséquent sur les perfor- mances des coureurs. C’est chose faite, comme l’explique l’auteur principal de l’étude, Edith Van Dyck, docteur en musicologie. Elle insiste sur l’importan- ce d’une bonne synchronisation entre le tempo de la musique et le rythme de l’exercice physique. Le Journal du Médecin : En quoi a consisté votre étude ? Quelle en a été la méthodolo- gie ? Edith Van Dyck : Seize participants adultes dont neuf femmes, en bonne santé et âgés en moyenne de 22 ans, ont été invités à s’élancer sur de la musique qu’ils avaient choisie et qui les motivait. Dans un centre de sport de haut niveau à Gand, les coureurs dits « récréatifs » ont dû accomplir quatre tours de 200 mètres, soit 800 mètres au total, une tâche répé- tée 11 fois, avec une courte pause entre chaque séquence de quatre tours. Au premier tour de la séquence, le tempo de la course a été mesuré, sans accompagnement musical, et au tour suivant, la musique a été adaptée à la ca- dence des participants. Pour les deux derniers tours, chaque coureur a été ac- compagné par de la musique au rythme plus rapide ou plus lent que les précédents morceaux. Imperceptibles, les variations étaient de l’ordre de 3 %, 2,5 %, 2 %, 1,5 % et 1 %. Cette gamme a été établie en tenant compte du fait qu’une personne ne peut pas distinguer une variation du rythme musical qui se- rait inférieure à 3 % alors qu’une varia- tion de 3 à 4 % peut seulement être per- çue par des musiciens bien entraînés. Et les résultats principaux que vous avez obtenus ? Il ressort de cette étude que des change- ments imperceptibles dans le rythme de la musique influencent significativement la cadence des coureurs et donc le nom- bre de foulées. Un rythme plus lent amène une cadence plus faible, alors qu’un rythme élevé pousse le coureur à aug- menter le nombre de ses foulées par mi- nute d’environ 1 %. L’étude a aussi permis d’établir que les joggeuses s’adaptaient mieux au rythme de la musique que leurs homologues masculins. Concrètement, quel pourrait être l’apport de ces résultats ? Compte tenu du fait que le rythme de la musique impacte la cadence de coureurs, ces résultats pourraient contribuer à une meilleure élaboration des plans d’entraî- nement à la course à pied. Par ailleurs, même si ce n’était pas l’ob- jet principal de l’étude, une hausse du nombre de foulées peut se révéler béné- fique dans la prévention et le traitement des blessures. Je songe particulière à celles qui surviennent au niveau des ge- noux et qui représentent environ 50 % de l’ensemble des blessures. De précédentes recherches ont d’ailleurs montré qu’à vé- locité égale, une cadence plus élevée contribue au bon état des genoux parce que les coureurs forcent moins dessus. Enfin, notre travail contribue aussi à l’avancement de BeatHealth, un projet collaboratif européen qui vise à appro- fondir la connaissance du lien entre le rythme de la musique et la pratique spor- tive, tout en mettant l’accent sur la santé en général. Nos résultats sont incorporés dans ce projet. BeatHealth souhaite aussi assister tout particulièrement les pa- tients parkinsoniens et les aider à mar- cher de manière plus efficiente. Ces der- niers peuvent souffrir d’un trouble parti- culier appelé gel de la marche, ou « free- zing », qui survient lorsque le corps se fige soudainement et de façon inatten- due dans une position, stoppant ainsi le patient dans son élan. En utilisant un stimulus rythmique comme repère, il est possible de les aider à contourner leur blocage mental et à faire le premier pas. Envisagez-vous un suivi de votre travail ? C’est déjà en cours mais d’abord nous de- vons finaliser l’analyse de notre étude. Dans le futur, nous allons tester diffé- rentes stratégies afin de déterminer quelle serait la meilleure qui puisse motiver les coureurs et quelle serait la cadence opti- male qui puisse améliorer leur vélocité. Entretien : Luc Ruidant PRÉVENTION DES BLESSURES Le rythme de la musique influe sur la cadence des coureurs Des scientifiques de l’Université de Gand confirment l’impact du tempo musical sur la cadence de course et le nombre des foulées. Une conclusion pertinente quand il s’agit d’élaborer un plan d’entraînement mais aussi de prévenir les blessures. MÉDECINE 12 LE JOURNAL DU MEDECIN Vendredi 18 septembre 2015 N° 2419 Retard mental sévère : une nouvelle cause identifiée Dans le cadre d’une recherche internationale coordonnée par le Pr Gunnar Houge, de l’hôpital universitaire de Bergen en Norvège, Dorien Haesen, une doctorante du département cellulaire et molé- culaire de la faculté de médecine de la KU Leuven, a découvert une nouvelle cause possible au retard mental sévère qui touche cinq enfants sur mille. Cette cause réside dans l’ADN. Les auteurs ont utilisé une technique qui leur a permis de com- parer le génome de certains enfants victimes d’un handicap mental sévère avec celui de leurs parents en bonne santé. Ils ont alors constaté que le coupable pouvait être une minuscule erreur qui n’existe pas dans l’ADN des parents. « Il s’agit d’une mutation ponctuelle d’une petite brique de l’ADN dans PPP2R1A ou PPP2R5D, deux gènes considérés comme essentiels en la matière », explique Dorien Haesen. « Cette anoma- lie survient de manière aléatoire, probablement déjà lors de la for- mation de l’ovule ou du spermatozoïde chez les parents. » « Les petites erreurs génomiques font en sorte que l’organisme se met à produire des protéines anormales qui perdent leur fonc- tion initiale et peuvent aussi bloquer le travail des cellules saines », poursuit la doctorante. « Curieusement, les conséquences néga- tives n’apparaissent que dans le cerveau. » « Dès l’instant où la fonction de l’importante protéine de signali- sation PP2A est interrompue, les cellules nerveuses ne peuvent vraisemblablement plus réagir de manière adéquate aux stimuli externes, » précise Veerle Janssens qui a participé à cette étude. «La communication à l’intérieur du cerveau est alors perturbée, le tout ayant comme conséquence un handicap mental. » Le mécanisme qui vient d’être mis à jour jette les bases pour le développement de nouvelles méthodes de traitement des patients affectés par la mutation ponctuelle. Avec une médication appro- priée, il devrait être possible de rétablir une bonne communication au sein de leur cerveau. C’est en tout cas l’espoir que formulent les scientifiques de la KUL. L.R. Source : The Journal of Clinical Investigation, 3 août 2015, doi : 10.1172/JCI79860 BRÈVE Sources : 1. Sports Medicine - Open 2015, doi : 10.1186/s40798-015-0025-9, 2. Website de BeatHealth JDM2419-012 16/09/15 14:50 Pagina 12

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De précédents travaux ont déjà éta-bli que la musique pouvait avoirun effet motivant sur les presta-

tions sportives, qu’elle était capable deréduire la perception du taux d’efforts àfournir, d’augmenter l’éveil, d’atténuer lasensation de fatigue et d’épuisement, derendre plus endurant, d’agir comme unstimulant qui accroît légèrement lerythme cardiaque et la pression sanguine,d’allonger la survie à long terme de cer-tains malades... D’autres ont suggéréqu’une cadence appropriée et un plusgrand nombre de foulées pouvaient avoirun effet préventif en matière de bles-sures.

Tenant compte de ces divers apports,des scientifiques du Centre de recherchede la section Musicologie de l’Universitéde Gand, en collaboration avec une col-lègue de l’hôpital universitaire de Mont-pellier, ont voulu valider l’impact quepouvait avoir le rythme de la musiquesur l’exécution d’une bonne cadence decourse et par conséquent sur les perfor-mances des coureurs. C’est chose faite,comme l’explique l’auteur principal de l’étude, Edith Van Dyck, docteur en

musicologie. Elle insiste sur l’importan-ce d’une bonne synchronisation entre letempo de la musique et le rythme del’exercice physique.

Le Journal du Médecin : En quoi a consistévotre étude ? Quelle en a été la méthodolo-gie ?Edith Van Dyck : Seize participantsadultes dont neuf femmes, en bonnesanté et âgés en moyenne de 22 ans, ontété invités à s’élancer sur de la musiquequ’ils avaient choisie et qui les motivait.Dans un centre de sport de haut niveau àGand, les coureurs dits « récréatifs » ontdû accomplir quatre tours de 200 mètres,soit 800 mètres au total, une tâche répé-tée 11 fois, avec une courte pause entrechaque séquence de quatre tours.

Au premier tour de la séquence, letempo de la course a été mesuré, sansaccompagnement musical, et au toursuivant, la musique a été adaptée à la ca-dence des participants. Pour les deuxderniers tours, chaque coureur a été ac-compagné par de la musique au rythmeplus rapide ou plus lent que les précédents morceaux. Imperceptibles,

les variations étaient de l’ordre de 3 %,2,5 %, 2 %, 1,5 % et 1 %. Cette gamme aété établie en tenant compte du faitqu’une personne ne peut pas distinguerune variation du rythme musical qui se-rait inférieure à 3 % alors qu’une varia-tion de 3 à 4 % peut seulement être per-çue par des musiciens bien entraînés.

Et les résultats principaux que vous avezobtenus ?Il ressort de cette étude que des change-ments imperceptibles dans le rythme dela musique influencent significativementla cadence des coureurs et donc le nom-bre de foulées. Un rythme plus lent amèneune cadence plus faible, alors qu’unrythme élevé pousse le coureur à aug-menter le nombre de ses foulées par mi-nute d’environ 1 %. L’étude a aussi permis d’établir que lesjoggeuses s’adaptaient mieux au rythmede la musique que leurs homologuesmasculins.

Concrètement, quel pourrait être l’apportde ces résultats ?Compte tenu du fait que le rythme de lamusique impacte la cadence de coureurs,ces résultats pourraient contribuer à unemeilleure élaboration des plans d’entraî-nement à la course à pied.

Par ailleurs, même si ce n’était pas l’ob-jet principal de l’étude, une hausse dunombre de foulées peut se révéler béné-fique dans la prévention et le traitementdes blessures. Je songe particulière àcelles qui surviennent au niveau des ge-noux et qui représentent environ 50 % del’ensemble des blessures. De précédentesrecherches ont d’ailleurs montré qu’à vé-locité égale, une cadence plus élevéecontribue au bon état des genoux parceque les coureurs forcent moins dessus.

Enfin, notre travail contribue aussi àl’avancement de BeatHealth, un projetcollaboratif européen qui vise à appro-fondir la connaissance du lien entre lerythme de la musique et la pratique spor-tive, tout en mettant l’accent sur la santéen général. Nos résultats sont incorporésdans ce projet. BeatHealth souhaite aussiassister tout particulièrement les pa-tients parkinsoniens et les aider à mar-cher de manière plus efficiente. Ces der-niers peuvent souffrir d’un trouble parti-culier appelé gel de la marche, ou « free-zing », qui survient lorsque le corps sefige soudainement et de façon inatten-due dans une position, stoppant ainsi lepatient dans son élan. En utilisant unstimulus rythmique comme repère, il estpossible de les aider à contourner leurblocage mental et à faire le premier pas.

Envisagez-vous un suivi de votre travail ?C’est déjà en cours mais d’abord nous de-vons finaliser l’analyse de notre étude.Dans le futur, nous allons tester diffé-rentes stratégies afin de déterminer quelleserait la meilleure qui puisse motiver lescoureurs et quelle serait la cadence opti-male qui puisse améliorer leur vélocité.

Entretien : Luc Ruidant

P R É V E N T I O N D E S B L E S S U R E S

Le rythme de la musique influe sur la cadence des coureursDes scientifiques de l’Université de Gand confirment l’impact du tempo musical surla cadence de course et le nombre des foulées. Une conclusion pertinente quand ils’agit d’élaborer un plan d’entraînement mais aussi de prévenir les blessures.

M É D E C I N E

12 LE JOURNAL DU MEDECIN Vendredi 18 septembre 2015 N° 2419

Retard mental sévère : une nouvelle cause identifiéeDans le cadre d’une recherche internationale coordonnée par le

Pr Gunnar Houge, de l’hôpital universitaire de Bergen en Norvège,Dorien Haesen, une doctorante du département cellulaire et molé-culaire de la faculté de médecine de la KU Leuven, a découvert unenouvelle cause possible au retard mental sévère qui touche cinqenfants sur mille. Cette cause réside dans l’ADN.

Les auteurs ont utilisé une technique qui leur a permis de com-parer le génome de certains enfants victimes d’un handicap mentalsévère avec celui de leurs parents en bonne santé. Ils ont alorsconstaté que le coupable pouvait être une minuscule erreur quin’existe pas dans l’ADN des parents.

« Il s’agit d’une mutation ponctuelle d’une petite brique del’ADN dans PPP2R1A ou PPP2R5D, deux gènes considérés commeessentiels en la matière », explique Dorien Haesen. « Cette anoma-lie survient de manière aléatoire, probablement déjà lors de la for-mation de l’ovule ou du spermatozoïde chez les parents. »

« Les petites erreurs génomiques font en sorte que l’organisme

se met à produire des protéines anormales qui perdent leur fonc-tion initiale et peuvent aussi bloquer le travail des cellules saines »,poursuit la doctorante. « Curieusement, les conséquences néga-tives n’apparaissent que dans le cerveau. »

« Dès l’instant où la fonction de l’importante protéine de signali-sation PP2A est interrompue, les cellules nerveuses ne peuventvraisemblablement plus réagir de manière adéquate aux stimuliexternes, » précise Veerle Janssens qui a participé à cette étude.« La communication à l’intérieur du cerveau est alors perturbée, letout ayant comme conséquence un handicap mental. »

Le mécanisme qui vient d’être mis à jour jette les bases pour ledéveloppement de nouvelles méthodes de traitement des patientsaffectés par la mutation ponctuelle. Avec une médication appro-priée, il devrait être possible de rétablir une bonne communicationau sein de leur cerveau. C’est en tout cas l’espoir que formulent lesscientifiques de la KUL. ◆ L.R.

Source : The Journal of Clinical Investigation, 3 août 2015, doi : 10.1172/JCI79860

B R È V E

Sources : 1. Sports Medicine - Open 2015, doi :10.1186/s40798-015-0025-9, 2. Website de BeatHealth

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