INTRODUCTION A L’EUTYPHRON de Platon

Terminales S, Lycée Marcel

Pagnol, 2013-2014

SOCRATE (470-399 av. JC)

Socrate et les sophistes •Le régime démocratique à Athènes (dont on rappel qu’ils sont les inventeurs) provoque l’apparition d’une nouvelle nécessité, celle de savoir parler, de savoir débattre.

•Tout citoyen libre possède le droit de prendre la parole lors des sessions de l’Assemblée.

•Mais bien savoir parler n’est pas à la portée de tous... D’où l’apparition d’une classe de professionnels du discours Les sophistes. Ils se prétendent, comme leur nom l’indique, professeur de sagesse et se font payer pour leur enseignement.

•Les sophistes sont donc avant tout maîtres dans l’art de persuader (la rhétorique)

- La force de persuasion fait que le langage devient instrument de pouvoir... Plutôt que de servir la vérité, ils servent l’intérêt personnel (gagner sa cause en justice ou imposer son point de vue sur la place publique).

•Socrate oppose à leur enseignement 1l’idée de gratuité 2 l’idée que le vrai sage est celui qui commence à ne pas croire qu’il est sage mais à s’examiner (« la seule chose que je sais est que je ne sais rien » lire l’annexe 1)

Sa méthode est basée sur un art de QUESTIONNER qui amenait inéluctablement son interlocuteur à reconnaître son ignorance sur le sujet qu’il prétendait auparavant connaître avec certitude. Cet art est aussi un art d’accoucher les esprits (en référence à sa mère qui était sage femme, et qui dont accouchait les corps) qu’on appelle « maïeutique ».

Des temps troubles...

•Platon voit Athènes sous de mauvais auspices

-430: une peste ravage Athènes

-429 : Mort de Périclès(de la peste)

-404 : Capitulation d’Athènes; renversement de la démocratie au profit d’une oligarchie(naissance de la tyrannie des Trenteparmi lesquels Platon compte des membres de sa famille).

-399 Mort de Socrate. Ce dernier événement marque profondément l’oeuvrede Platon. En effet,

la mort de Socrate est un véritable scandale pour lui: Socrate “l’homme le

plus sage et le plus juste de son temps.” (Phédon).

Socrate et le choc des Athéniens... •La société athénienne n’était pas en mesure d’accepter Socrate qui critique toutes ses institutions (avons-nous beaucoup progressé depuis ?)

•-399 condamnation à mort

•Son accusation démontre que l’activité de Socrate menaçait les intérêts de personnages influents d’Athènes

La mort de Socrate Jacques-Louis David, La mort de

Socrate, 1787

•Socrate est devenu célèbre par sa mort (mort en 399 av. notre ère à l’âge 70 ans)

•Trois accusateurs principaux: Mélétos/ Anytos/ Lycon

•Trois accusations:

1. Socrate ne reconnaît pas les dieux de la cité 2. Socrate introduit de nouveaux dieux 3. Socrate corrompt la jeunesse •Procès devant le tibunal de l’Héliée (501 juges/ 399 av. J-C): Apologie de Socrate (réfutation des accusations)

L’accusation d’impiété •Socrate est-il impie, ou pire encore, athée?

•Apologie de Socrate: Socrate défend qu’il est croyant

•Donc, Socrate est-il impie?

•Pour savoir si Socrate est réellement impie, il faut savoir d’abord ce qu’est «être pieux» (=être religieux)

•C’est ce que Socrate cherche à savoir dans Euthyphron (dialogue «sur la piété»)

•Noeud du dialogue: Socrate cherche à savoir si poursuivre son père en justice (ce que fait précisément le personnage Eutyphron, dans le dialogue) est un acte pieux (ce que croit fermement Euthyphron)

L’oeuvre de Platon

•27 dialogues qui mettent la plupart du temps en scène Socrate (ce dernier n’a rien écrit)

•L’œuvre de Platon n’est pas un système achevé mais est une pensée en constante évolution ou mutation

•Platon ne cesse de se remettre en question, démontrant combien, pour lui, le processus de la pensée est essentiellement dynamique.

• Certains dialogues, dont l’Eutyphron, n’aboutissent pas à une réponse. On les appelle des dialogues aporétiques, c’est-à-dire qui aboutissent sur une aporie

•Il opte pour le dialogue comme formede discours.

Théétète: “penser, c’est, pour l’âme, dialoguer, s’adresser à elle-même les

questions et les réponses, passant de l’affirmation à la négation.”

Le personnage d’Euthyphron, mise en contexte(399-388 av. Notre ère) •Euthyphron aurait bien existé. Il fut connu des athéniens de l’époque.

•Il est connu pour être intraitable en matière de droiture et de piété

•Il le prouve en poursuivant son père pour meurtre

•Son père aurait laissé mourir de froid et de faim un de ses esclaves.

• Euthyphron fait la connaissance de Socrate sur le seuil du tribunal d’Athènes (cela se passe avant le procès de Socrate)

•Euthyphron dépose une accusation contre son père

L’œuvre « Euthyphron », mise en contexte •Euthyphron reconnaît qu’il est immoral de poursuivre un parent, mais il affirme que son père a commis un MEURTRE (un acte INJUSTE)

•Pour lui, ce qu’il fait est PIEUX parce que cela PLAÎT AUX DIEUX.

•Socrate demande alors à Euthyphron, une définition CLAIRE de ce qu’est le pieux et l’impie, car il semble s’y connaître en matière de religion.

•D’autant plus que Socrate est accusé d’impiété

•Évidemment, Socrate a une idée, comme la plupart des gens, de ce qu’est la piété, mais, il avoue NE PAS SAVOIR CE QU’EST LA PIÉTÉ (Socrate recherche l’essence, le modèle, bref, l’IDÉE de la piété)

•Plus encore, la situation d’Euthyphronle laisse perplexe: EST-IL PIEUX D’ACCUSER SON PÈRE DE MEURTRE?

Euthyphron, le texte •Composé entre –399 et -388

•Il s’agit d’un des premiers dialogues de Platon

•Ne débouche pas sur la définition de la piété à l’issue du dialogue

•Trois définitions du «pieux» sont critiquées par Socrate

•2edéfinition: Le pieux est ce qui est aimé des dieux¸

•Réfutation de Socrate: Le pieux est-il ce qui est aimé de tous les dieux?

•Socrate recherche la FORME de la piété; l’UNIVERSEL; le CONCEPT; le MODÈLE; bref, l’IDÉE du pieux.

ANNEXE 1 : Texte : Platon, Apologie de Socrate, vers 400 av

J.C.

Socrate : « Eh bien, Athéniens, vous allez peut-être me trouver

présomptueux, mais ce qui me distingue des autres, la raison de ma

fâcheuse notoriété, c’est que je reconnais posséder une sagesse concernant

l'être humain et que personne n’est plus sage que moi à cet égard… Ne

m’interrompez pas par vos huées ! Ce n’est pas moi qui le dis! C’est la

Pythie qui, parlant au nom du dieu de Delphes, l’a dit à Chéréphon, un ami

d’enfance. Un jour qu’il était allé à Delphes, il posa au dieu la question que

voici : « Y a-t-il quelqu’un de plus sage que Socrate ?» La Pythie1 lui

répondit que nul n’était plus sage que Socrate. (…) Lorsque Chéréphon m’a

rapporté l’oracle en question, j’ai été fort étonné: « Comment serais-je le

plus sage des Athéniens, me demandais-je, moi qui ai conscience de ne

posséder aucune sagesse? » J’étais tellement étonné que je décidai de

mener une enquête afin de vérifier ce qu’avait dit le dieu. Je commençai

par aller voir un homme d’État dont la science politique était renommée. Je

pensais découvrir rapidement qu’il en savait beaucoup plus que moi. Mais

en le soumettant à un examen critique, je m’aperçus qu’il croyait et disait

tout savoir, et qu’en fait il ne savait rien du tout. Au fond, me dis-je, la

Pythie a raison: je suis plus sage que lui, puisque je sais que je ne connais

rien à la politique, alors que lui ne le sait pas. Je me permis de le lui dire,

1 Un oracle est une réponse à une question personnelle posée à un dieu. La Pythie est la prêtresse de l'oracle de Zeus à Delphe (dans la Grèce Antique)

ce qui eut pour résultat de m’en faire un ennemi... J’interrogeai ensuite

d’autres hommes publics, mais ce fut toujours avec le même résultat. Je

constatai même que, plus ils se croyaient savants, moins ils l’étaient.

D’autres, considérés comme moins habiles, me parurent au contraire plus

conscients de leurs limites. Je recommençai l’expérience avec des poètes,

certain cette fois de mon infériorité. Mais ceux-ci se montrèrent incapables

de m’expliquer leurs propres œuvres ! Je compris que leurs créations

étaient le fruit non d’un savoir, mais d’une inspiration, d’une sorte de

possession divine qui leur permet d’exprimer de belles choses sans en

connaître le sens profond. Ils n’ont donc pas de vraie connaissance de leur

art, contrairement à ce qu’ils croient. Même déception auprès des artisans.

Ce sont de vrais experts dans la technique de leur métier, mais ils prennent

leur savoir-faire pour le savoir. C’est une illusion. Ainsi, comme l’avait dit la

Pythie, aucun de ceux que j’avais rencontrés ne possédait, comme moi, le

savoir de sa propre ignorance. Et en cela, en effet, on peut dire qu’ils

étaient moins sages que moi. Cependant, en démasquant en public leur

prétention imméritée, je m’en fis des ennemis implacables, acharnés à me

nuire par toutes sortes de calomnies. »