interview demi-portion
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Interview Demi-PortionTRANSCRIPT
Le Rap En
France
Rachid nous a accordé une interview
depuis sa ville de Sète, celle de
Georges Brassens. Acteur du rap en
France depuis maintenant quinze ans, il
sort son premier album solo Artisan du
Bic le 10 Octobre prochain. Attention,
Demi-Portion mais maxi talent.
Est-ce que tu pourrais te présenter
succinctement ? Rachid, 28 ans, né à
Sète dans le trou de la France, d’origine
marocaine.
Quel est le parcours de l’homme
derrière le rappeur ? Je n’ai pas fait de
grandes études malheureusement. J’ai
perdu mon papa en 1999, j’étais encore
en troisième. Le conseiller d’orientation
m’a tout de suite garé en bep PMI mais
je n’ai pas tenu ni suivi le rythme. Je n’ai
donc hélas aucun diplôme malgré ce
que les gens pensent.
D’où vient le pseudo Demi-Portion ?
C’était un groupe de six jeunes de Sète
monté par Adil El Kabir en 1995, il y
avait quatre danseurs, un backeur et moi
le rappeur. On faisait toutes les pre-
mières parties du groupe de Adil, 2 Bal
2 Neg, Rocca, Fabe etc. Avec les an-
nées, les frères qui étaient dans Demi-
Portion ont arrêté et j’ai conservé le
pseudo sans vouloir changer.
Tu as conscience d’avoir une voix
atypique ? Franchement, je ne sais pas.
Des fois, je peux avoir un accent un peu
forcé mais pas le même style que
Marseille ou Perpignan. Sinon oui, je
pense que je dois avoir une voix de
bébé, ça craint (rires) mais j’assume en-
tièrement. Après atypique je ne sais pas,
il doit y avoir plein d’autres rappeurs du
même stylequi sont encore cachés.
Interview avec
Demi - PortionTu as une grosse carrière derrière toi dans le
rap français. Qu’est-ce que tu retiens de toutes
ces années ? Que du bien, j’ai beaucoup appris
depuis. C’est-à-dire qu’à Sète, ça a toujours été
tendu de sortir de là et de se faire entendre. C’est
bien sûr grâce à Adil El Kabir et aux projets qu’il
avait sorti avec Al de Dijon et DJ Saxe qui était de
Sète aussi. Grâce à tous ces gens-là, on a appris
beaucoup de choses sur cette culture, ce milieu et
surtout sur l’art en lui-même. Je me rappelle encore
des festivals Hip-Hop à Sète et des ateliers d’écri-
ture que les artistes nous donnaient. Less Du Neuf,
Prodige Namor, La Rumeur, Fabe, Koma, Kadaz,
Roce, Rocca ; tous ces gens sont carrément venus
dans notre petite ville grace à Adil et franchement
ça nous a aidé à mieux comprendre.
Ça nous a permis de discuter avec des gens qu’on
écoutait et que l’on kiffait à notre âge. Jusqu’à main-
tenant, je tiens encore avec eux des relations bien
plus humaines que professionnelles. La preuve
avec Mokless que je connais depuis que j’ai com-
mencé à poser sur Bonjour La France, la mixtape
de Fabe. Nous n’avions jamais pensé à faire un
featuring car on avait l’habitude de parler d’autre
chose que du rap à chaque fois que l’on se voyait.
Jusqu’au jour où il est venu à Sète et en une soirée
tranquille, on s’est fait le titre Sur Nos Gardes. En
étant franc, je suis content d’avoir vu beaucoup de
choses de Sète. Ça m’a permis de prendre du recul
sur le business. Sans prise de tête. Et avec le coeur
surtout !
Tu as commencé le rap très tôt.
Avec une telle précocité, le
terme de vocation est presque
obsolète. C’était inné ou tu as
subi une influence ? Comme je
te disais, Adil El Kabir m’a
beaucoup appris. Sachant que
j’aimais beaucoup le break dans
les années 1992/93, je squattais
les MJC en essayant juste de faire
un demi-tour de coupole, c’était
magnifique. Je n’y suis jamais
arrivé (rires). Je me suis donc mis
direct au rap dès le jour ou j’ai vu
Adil répéter un soir dans une
MJC. Il nous a ouvert la porte, on
s’est posé et le lendemain on lui a
ramené un texte à la même heure.
Il était mort de rire et il nous a
accueilli à bras ouverts comme
ses petits frères.
Tu penses que ça a été un
avantage la notoriété si jeune ?
Ça doit être compliqué de ne
pas se sentir arrivé quand on
pose sur la compile de Fabe à
l’adolescence, comment tu as
géré ça ? Je vais te dire comment
ça c’est passé. Fabe était un très
bon ami de Adil El Kabir, il venait
souvent nous voir à Sète pour
nous donner des cours d’écriture
pendant les vacances scolaires.
A partir de là, Fabe a bien aimé
mon délire, ma petite taille et ma
vitesse dans le phrasé.
On s’est échangé les adresses
postales. Un jour, il m’invite chez
lui à Marcadet sur Paris pour un
mois et demi en plein été. On est
devenu de très bons potes. C’est
presque mon grand frère.
Je voyais aussi beaucoup Ekoué,
Vasquez Lusi, Koma. Et voilà,
je dormais chez Fabe. C’était le
temps où China était encore sa
petite copine. Bref, je suis
toujours en contact avec lui, il a
changé de vie et se porte
merveilleusement mieux qu’avant.
Juste pour te dire que j’ai géré ça
de façon normale.
On t’avait un peu perdu de vue
et on te retrouve chez Lapwass.
Comment la connexion s’est-
elle effectuée ? Je connais
Kacem Wapalek depuis sa
premiere vidéo quand il avait
encore 100 vues. On parlait
beaucoup sur internet et je savais
déjà que ce gars-la était un
phénomène. Un gros big up à
Kacem et tous les gens de Lyon,
ce sont des tueurs et surtout une
équipe à surveiller de près !
On sent un gros engagement
politique dans tes sons, tu
penses que le rap en France
doit avoir une fonction à ce
niveau ? Un engagement, je ne
sais pas. Peut-être un ras-le-bol.
‘’J’écris ce quime passe parla tête maisparler d’unjeune quimange des kebabs, unjeune quideale ou d’unjeune quibraque, cen’est vraimentpas mon délireou mon styled’écrituremême si jesais très bienqu’on a tousune vie particulière.»
Demi-Portion
DEMI-PORTION
Discographie :
2008: 8 Titres et Demi,
Volume 1
2009: 8 Titres et Demi,
Volume 2
2010: Sous Le Choc
2011: Artisan Du Bic
‘’Quand on m’enparle, je répondspar l’affirmativesinon je ne suis pasle genre de mec àdire que je fais durap. Des gens dansma famille ne le savent pas mais jeserais fier de leurfaire écouter mestextes.’’Demi-Portion
Sur certaines tracks, j’ai l’airénervé par ce qui se passedans le monde. J’écris ce quime passe par la tête mais parler d’un jeune qui mangedes kebabs, un jeune quideale ou d’un jeune quibraque, ce n’est vraiment pasmon délire ou mon style d’écriture même si je sais trèsbien qu’on a tous une vie particulière. J’essaie de varierdans mes titres sans trop parler chaque fois de la mêmechose. Je ne suis pas dans lerap pour remplacer PPDA ouClaire Chazal.
Comment tu envisages lasuite de ta carrière ? Est-ceque tu as un plan tracé ?Mener ma vie de famillecomme tout le monde ici-bas,en prenant du plaisir dans mapassion qu’on appelle le rap.
Qu’est-ce que tu penses desmoyens technologiques dela génération actuelle ? Tune regrettes pas de n’avoirpas eu les mêmes outils àtes débuts ? A mes débuts, jene calculais pas trop ça. Heureusement qu’on a eu Internet à Sète sinon on n’aurait rien connu. Ça m’aaidé pour les connexions, lesfeaturings donc si beaucoupde monde arrive à se faireconnaitre via le web, ça ne medérange vraiment pas. Je suisau contraire pour.
Quel est le morceau que tuécoutes le plus en ce moment ? Un titre que j’aime beaucoup, c’est Suicide Social de Orelsan.Pour moi, il a tout dit.
Si on te demandait de choi-sir un de tes morceaux ?Il sera sur mon album ArtisanDu Bic qui sort le 10 octobre.
Est-ce que tu gagnes ta vie
avec le rap ? Un peu mais
c’est suffisant, je m’en
contente. Je travaille aussi à
côté, je suis animateur, je
donne des cours d’écriture. La
musique et sa thune ne sont
pas éternelles donc la seule
chose vraie de nos jours reste
le travail.
Est-ce que tu brandis fière-
ment la profession de rap-
peur quand on te demande
ce que tu fais ? Quand on
m’en parle, je réponds par
l’affirmative sinon je ne suis
pas le genre de mec à dire que
je fais du rap. Des gens dans
ma famille ne le savent même
pas mais je serais fier de leur
faire écouter mes textes
sachant que j’ai toujours évité
de mettre du verlan et des
insultes.
Un mot de la fin ? Merci à
tous ceux qui me supportent,
moi et mon groupe, Les
Grandes Gueules, depuis nos
débuts. C’est uniquement
grâce à eux que j’en suis là
donc merci beaucoup à ces
gens !