intégration monétaire et financière bilan et perspectives

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Intégration monétaire, financière et budgétaire dans la CEMAC : Bilan et perspectives Samuel Guérineau Sylviane Guillaumont 1 CONFERENCE SOUS-REGIONALE ORGANISEE PAR LA COMMISSION DE LA CEMAC ET LA FERDI Renforcer l’intégration pour accélérer la croissance : quelles priorités pour la CEMAC ?

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Intégration monétaire, financière et budgétaire dans la CEMAC : Bilan et perspectives

Samuel GuérineauSylviane Guillaumont

CONFERENCE SOUS-REGIONALE ORGANISEE PAR LA COMMISSION DE LA CEMAC ET LA FERDI

Renforcer l’intégration pour accélérer la croissance : quelles priorités pour la CEMAC ?

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– L’intégration monétaire et financière– L’intégration budgétaire

• Une intégration financière plus limitée que l’intégration monétaire

• L’intégration budgétaire encore en devenir et complément indispensable de l’intégration monétaire et financière

* Enjeu à CT : surveillance multilatérale* Enjeu à MT : financement des actions réggionales

• Des marges d’action importantes, à fort impact potentiel sur l’intégration économique régionale et la croissance

Deux volets de l’intégration

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1. Un inflation faible en moyenne annuelle dans l’ensemble de l’Union, mais des différences sensibles entre pays et années Une appréciation réelle de 2000 à 2010 globalement modérée

(16%) mais inégale selon les pays (59% en Guinée équatoriale), particulièrement sensible vis-à-vis de la Chine.

Pénalise la compétitivité des entreprises et donc la rentabilité du secteur financier.

2. Une croissance du PIB par tête hétérogène selon les pays et instable dans le temps (très influencée par les exportations de pétrole)

Deux défis macroéconomiques

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Illustration de la diversité des taux de croissance

• Taux de croissance du PIB projeté pour 2013 (%)• Cameroun 4,6• Centrafrique - 14,5• Congo 5,8• Gabon 6,6• Guinée Equatoriale - 1,5• Tchad 3,9• CEMAC 3,7

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Des risques d’instabilité macroéconomique persistants

1. Faible croissance en Europe, frappant inégalement les pays 2. Instabilité forte des prix internationaux de produits

primaires et notamment du pétrole3. Aléas climatiques, hausse des prix de produits alimentaires

et insécurité alimentaire4. Crises politiques

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I. L’intégration monétaire et financière

• 1. Les acquis• 2. Les faiblesses persistantes• 3. Les gains à attendre• 4. Les actions à entreprendre

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Le 1. Les acquis de l’intégration monétaire et financière

• Une monnaie commune émise par une autorité monétaire indépendante, avec les nouveaux statuts de la BEAC (2010)

Des instruments modernes de politique monétaire (réserves obligatoire et taux directeurs de la BC, associés à des objectifs monétaires quantitatifs par Etat)

• Une intégration des paiements

Parfaite pour les paiements en espèces, en devenir pour la monnaie scripturale (GIMAC). Deux groupes bancaires régionaux• Une loi bancaire unique et une surveillance bancaire régionale

(COBAC)

• Deux bourses à vocation régionale

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2. Les faiblesses de l’intégration monétaire et financière

• Développement rapide du système bancaire au cours de la dernière décennie, mais qui reste en retard / moyenne africaine

Monnaie/PIB = 20% contre 35% en UEMOA et 38% en ASS Crédits/PIB = 8% contre 18% dans l’UEMOA et 22% en ASS

• Une « qualité » de l’offre de services défaillante Taux de bancarisation faible, en particulier pour les femmes Peu de crédits à long terme: 3% Taux d’intérêt élevés

• Une situation paradoxale…mais expliquée par une intégration des systèmes bancaires et financier faible

Hétérogénéité du développement financier selon les Etats (Crédits /PIB écarts 1/10) Fragmentation du marché interbancaire Marchés financiers régionaux peu actifs

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La fragmentation du marché interbancaire

Très peu d’échanges sur le marché interbancaire, pratiquement limités aux banques camerounaises, en présence de banques excessivement liquides.

limite l’impact des taux directeurs de la BEAC sur les conditions de banques, qui restent hétérogènes

ne permet pas de faire face à l’hétérogénéité des situations conjoncturelles par une redistribution des liquidités entre banques

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La faiblesse du marché financier régional

• Un marché des capitaux en principe à vocation régionale, mais peu d‘opérations intra régionales

• Handicapé par la pluralité des acteurs: bourse des valeurs de l’Afrique centrale à Libreville, la bourse de Douala, la BEAC qui assure l’émission de bons du Trésor

(progrès lié à l’extension des actifs éligibles au refinancement)

• Une capitalisation boursière faible (Bourse de Douala 0,8% du PIB de l’Union contre 11% pour la bourse d’Abidjan et 50% pour la bourse ghanéenne)

• Les deux bourses sont très peu utilisées par le secteur privé

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3. D’importants gains attendus du développement financier

Le développement financier facteur puissant de croissance et de réduction de la pauvreté

Développement des dépôts bancaires = stimulation de l’épargne (effet de conduit – Mc Kinnon)

Développement des crédits MT&LT = stimulation des investissements (effet d’intermédiation)

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D’importants gains attendus du développement financier (suite)

• Ces gains sont plus élevés lorsque le niveau initial de développement financier est faible (contexte CEMAC)

• Ces gains sont confortés par les analyses économétriques de la relation finance-croissance

• Quel ordre de grandeur ?Avec une profondeur financière = à la moyenne ASSGain = + 0,8 à 3,1 de croissance annuelle dans l’Union

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4. Les actions à entreprendre

1. Concrétiser l’intégration financière (moteur du développement financier)

Transformer l’intégration « de jure » en intégration « de facto »

Renforcer le rôle du marché interbancaire- Sécuriser les opérations interbancaires qui se font en blanc; pas de

convention de place permettant les pensions livrées- renforcer la surveillance multilatérale des banques (moyens, sanctions de la

Commission régionale bancaire)- Compléter les instruments d’action sur la liquidité bancaire. Les appels

d’offre (1 à 7 jours) pourraient se faire sur des échéances plus longues et de nouveaux instruments de réduction des liquidités bancaires pourraient être envisagés (comme une émission de titres par la BEAC)

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Les actions à entreprendre (suite)

1. Concrétiser l’intégration financière (suite)

Réunir les deux bourses de Douala et Libreville pour réduire les coûts de transaction, notamment en faveur du secteur privé

Mettre en place une coordination régionale pour les émissions

de titres publics afin d’éviter l’éviction de certains Etats

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Les actions à entreprendre (suite)

2. Exploiter les économies d’échelle liées à l’intégration

Les politiques de développement financier plus efficaces au niveau régional

Normes régionales pour faciliter le développement de l’inclusion financière (« banque sans agence », micro-finance, etc…)

=> Mise en commun des expériences

Renforcer la capacité des banques à gérer les risques, sur une base régionale:

Rendre les centrales d’information sur les risques rapidement opérationnelles (incidents de paiement, bilans des entreprises non financières et EMF

Accroître la sécurité juridique des banques(protection des créanciers, protection contre les risques opérationnels)

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Les actions à entreprendre (suite)

3. Maîtriser les risques associés au développement financier et à l’intégration (contagion des crises)

• Risques associés au développement du secteur bancaire et des marchés financiers

Certaines banques doivent être restructurées Adapter les moyens des institutions de supervision à leurs nouvelles missions: groupes

régionaux, micro-finance, établissements non bancaires, banque mobile…

• Risques associés au déséquilibre des finances publiques et à la croissance potentielle de l’endettement des Etats, Illustrés par la crise de la dette souveraine en Europe

Autrement dit renforcer l’intégration budgétaire

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II. L’intégration budgétaire

1. Raisons de renforcer l’intégration budgétaire2. Inadéquation de la surveillance multilatérale des

budgets3. Réformer la surveillance multilatérale4. Gérer solidairement un fonds de réserve

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1. Trois raisons de renforcer l’intégration budgétaire

1) Coordination nécessaire des politiques monétaire et budgétaire pour maîtriser l’inflation

2) La politique monétaire commune exige des politiques budgétaires nationales contra cycliques, dans des économies soumises à des chocs idiosyncratiques

3) La dépendance à l’égard des ressources pétrolières exige une vision de long terme et une gestion solidaire des finances publiques

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Les trois raisons de l’intégration budgétaire (suite)

1) Coordination nécessaire des politiques monétaire et budgétaire pour maîtriser l’inflation Un acquis de la CEMACDepuis l’origine limitation des avances de la BEAC aux Trésors publics, renforcée par les nouveaux statuts, globalement respectée.

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Les trois raisons de l’intégration budgétaire (suite)

2) La politique monétaire commune exige des politiques budgétaires nationales contra cycliques, dans des économies soumises à des chocs idiosyncratiques

La hausse des ressources pétrolières s’est accompagnée d’une forte augmentation des dépenses publiques: caractère pro cyclique de l’investissement public A contribué au syndrome hollandais par l’appréciation du taux de change réel

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Les trois raisons de l’intégration budgétaire (suite)

3) La dépendance à l’égard des ressources pétrolières exige une vision de long terme

Diminution probable à long terme des ressources financières tirées du pétrole (épuisement des gisements, ressources, baisse du prix international) Risque de déficits budgétaires prolongés, d’endettement

excessif des Etats. Risque de crises bancaires et de contagion à l’ensemble de

l’Union

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2. Inadéquation de la surveillance multilatérale des budgets

• Le premier critère le solde budgétaire de base, qui doit être nul ou positif, complété par un solde hors pétrole et un solde avec lissage des ressources sur cinq ans.

Critères non respectés (trop exigeants) , inadaptés à l’instabilité de la conjoncture et ne tenant pas compte des besoins des générations futures

• Plafond d’endettement ≤ à 70% non contraignant

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3. Réformer la surveillance multilatérale

1) Un préalable

Améliorer l’information économique transmise par les Etats, notamment en matière d’inflation pour mieux surveiller la compétitivité prix, et en matière d’engagements budgétaires.

Renforcer les moyens de la Commission pour une plus grande implication dans les processus budgétaires

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Réformer la surveillance multilatérale (suite)

2) Surveiller un solde primaire incluant toutes les dépenses et ne devant être respecté qu’en moyenne sur plusieurs années.

Son niveau doit dépendre des perspectives de ressources budgétaires à long terme.

Excédent dans les pays à fortes ressources pétrolières. Il ne peut être identique dans tous les pays

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Réformer la surveillance multilatérale (suite)

3) Inscrire la surveillance multilatérale dans une vision de long terme

Prévoir explicitement un partage des ressources pétrolières entre leur affectation aux dépenses (avec une ventilation consommation /investissement) et une mise en réserve : Pour déterminer la cible structurelle de l’excédent budgétaire primaire Pour, grâce aux réserves :- faire face à l’instabilité conjoncturelle- Eviter une brusque contraction des dépenses et anticiper les besoins

des générations futures- répondre aux exigences de solidarité entre Etats

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Les solutions internationales

Règle internationale standard : dépenser seulement les revenus de la richesse (le total de la valeur actualisée des recettes pétrolières futures et des actifs financiers nets accumulés doit rester constant) Règle sans doute excessive pour la CEMAC face à l’ampleur

des besoins présents d’investissement public et l’accroissement des recettes fiscales futures, engendré par le supplément de croissance.

Le calcul d’un déficit primaire hors pétrole soutenable à long terme repose sur diverses hypothèses qui le rend incertain.

Multiples solutions adoptées à l’étranger

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Une solution: la règle budgétaire adoptée par le Congo en janvier 2013

• Au rythme actuel de production, risque d’épuisement des réserves en 20 ans.

• Entre 2013 et 2020 70% des recettes pétrolières doivent être dépensées (les 2/3 pour des investissements) et 30% épargnées.

• En cas de chute des recettes, possibilité de tirer sur le Fonds de réserve pour ne pas réduire brutalement les dépenses publiques

Le déficit, au départ bien supérieur à la norme internationale doit se réduire progressivement

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Réformer la surveillance multilatérale (suite)

4) Compléter le plafond d’endettement par une règle d’accroissement de l’endettement public.

Et surveiller les conditions financières

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Réformer la surveillance multilatérale (suite)

5) Utilité des critères secondaires relatifs aux dépenses et la fiscalité

Les dépenses d’investissement doivent correspondre à la capacité d’absorption et viser l’accroissement de la productivité pour faire face à l’appréciation du taux de change réel ou syndrome hollandais (surveillance qualitative)

La collecte des impôts (hors pétrole) ne doit pas être sacrifiée

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4. Gérer solidairement un fonds de réserve

La tentation : un fonds de réserve par pays

Deux aspects de la solidarité

1) Respecter la règle de la CEMAC: pas de placement direct des Etats en devises, les devises sont mises en commun

Dépôts à la BEAC Mais celle-ci doit rémunérer les Etats à un taux correspondant au marché

international

2) Créer un fonds de réserve multinational Marque de solidarité vis-à-vis des Etats souffrant de chocs idiosyncratiques Justifié par les risques de contagion des crises financière dans un ensemble qui

devrait être de plus en plus intégré financièrement. Anticiper les risques contrairement à l’Europe

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Conclusion

• Avec ces réformes la CEMAC demeurera loin de l’Union budgétaire (budget fédéral important).

• Mais les progrès de l’intégration monétaire et financière doivent s’appuyer sur une solidarité budgétaire, nécessaire à la stabilité et la survie de l’Union.