imagologie homosexuelle à la renaissance
TRANSCRIPT
Sodomicques et bougerons:
imagologie homosexuelle à la Renaissance
by
Cuy POIRIER
A thesis submitted to the Facult'y of Craduate Studies and Research in partial fulfillment of the requirements
for the degree of Doctor of Philosophy
Department of French Language and Literatu re McGiII University, Montréal
August 1990
(c) Cuy POIRIER, l 990
1
A BSTRACT
Sodomy and buggery are two elements of the wide historical and literary
problematic of the Gay Pa st. During French Renaissance, many images were
closely related to unnatural vices: hermaphroditism, representation of the
foreigner, effeminacy, and so on. In order to avoid anachronical statements, our
study will be preceded by an historical and methodological essay that will bring
us to a literary ~oncept, /'imag%gie.
ln many ways, religlous reforms ln the last decades of the Sixteenth Century
added to the complexity of the image of the sodomite. We know that the Holy
Bible and religious writings put a stig ma on such practices. But the
hermaphrodite, the mignon, and sorne motifs from Antiquity were also known or
discovered, transformed or travestied.
Finally, the image of the sodomite built up in French Renaissance literature
are neither similar to today's Gay person, nor to an oversimplified figure of a
medieval sinner. Its organization and meaning will depend mostly on the type of
work in which it appears. Moreover, Italian and North-African epistemologies, and
polemics using effeminacy or mollities set ups add to the complexity of the
discursive structure.
- ii -
1
RESUME
La sodomie et la "bougrerie" ne constituent qu'un aspect de la vaste
problématique historique et littéraire de l'''homosexuallté'' dans l'Ancien Régime.
et plus précisément à la Renaissance française.
Dans la présente thèse, nous démontrons, en nous appuyant sur une réflexion
historiographique et imagologique, qu'une série de réseaux d'Images s'organtsent
autour des notions de la sodomie, de l'hermaphrodisme, de l'étranger et de
l'efféminement, et que leur nature est déterminée par les ge Hes au sein desquels
ils apparaissent. Ainsi, destinataire, message et fonction phatique Influencent la
formation et l'orientation des constellations d'Images.
Le sodomite et le "bougre" héritent d'une longue tradition de stigmatisation
que l'on communique au peuple par l'enseignement de la Bible et de la morale
chrétienne. L'hermaphrodite et le mignon ne sont pas mOins connus dec; milieux
érudits qUi parfois les allégorisent ou les travestissent. Il reste néanmOinS que les
courants qui balaient littérature et mûiale de la période post-tridentine ne
faCilitent pas la transparence des transformations.
La France renaissante a donc décrit le "sodomicque et le bougeran", mais non
pas avec la dynamique dont s'entoure l'homosexualité, ni avec la simplICité de ce
que l'histoire nous a transmis du sodomite pécheur. Eplstémès Italienne ou
nord-africaine, existence ou utilisation polémique de notions amblgues comme
l'efféminement ou la mollities complètent le tableau.
- i i i -
1
'1
REMERCIEMENTS
je remercie tous ceux et celles qui m'ont encouragé au cours de ces années de
recherche. je tiens à souligner l'aide précieuse que des chercheurs n'ont pas
hésité à me fournir; je pense particulièrement à ma directrice de thèse, Mme Eva
Kushner, et =lUX professeurs qui ont accepté de diriger mes travaux de doctorat:
MM. jean-Claude Morisot et jean-Pierre Duquette. Mes séjours de recherche
furent grandement faCilités par l'accu\;,i chaleureux de deux professeurs français:
MM. Michel Simonin et Daniel Ménager; qu'ils acceptent ma gratitude. Je rappelle
également la camaraderie d'étudiants qUi ont partagé avec mOi leur connaissance
du seizième Siècle. Mlle Céline Anger, MM. Scott Proudfoot et Michel Rey.
Des organismes et des Institutions ont soutenu mes efforts de jeune
chercheur. Le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada a
généreusement contribué à mes travaux en m'attribuant pendant trois années
consécutives des bourses de doctorat. La Bibliothèque Nationale de Paris, la
Bibliothèque de l'Arsenal et la Bibliothèque Mazarine m'ont permis de consulter
leurs fonds si précieux. Les Archives ~gaies" de Montréal m'ont ouvert leurs portes
sans hésiter. Finalement, je remercie les institutions d'enseignement supérieur et
de recherche qui m'ont parrainé ou accueilli: l'université McGiII (son Département
de langue et littérature françaises, ses bibliothèques, le Computing Centre), le
Centre d'études supérieures de la Renaissance de l'Université de Tours et
l'Université de Paris X-Nanterre.
G.P.
- iv -
1
PREFACE
La présente thèse consiste en une analyse d'allusions homosexuelles dans la
littérature françaire de la Renaissance. Nous employons dÉ:llbérément la notion
très vague d'allUSions homosexuelles, car un des objectifs de nos recherches vise à
résoudre la problématique de l'objet d'étude.
Une démarche historique première s'impose donc. Il faut identifier les
paradigmes épistémologiques qui permettent la qualification du sodomite ou du
"bougeran" sans verser dans l'anachronie. Ce premier regard ouvre la vOie aux
associations métnodologiques. L'imagologie, renouvelée par Daniel-Henri
Pageaux, permet de respecter les acquIs historiques tau: en développant une
méthode d'analyse adaptée à la figure équivoque et imprécise de l'habitant de
Sodome, de l'hermaphrodite, du vicieux ou du mignon. AinSI, par le mot et
l'image, nous pourrons reconstituer l'imagologie homosexuelle de l'époque en
respectant la réalité historique.
Les textes que nous avons étudiés se regroupent en trois ensembles' les
documents qUI reflètent les discours offiCiels (de l'éQlise, de l'appareil JudiCiaire),
les récits de l'altérité (dans la nature, la médecine; étrangère) et finalement les
écrits satiriques. Ces ensembles recèlent des réseaux d'Images qUi expriment une
condamnation de la sodomie, de tout ce qui est contre nature, mais également
d'entités parallèles que nous découvrirons.
La période historique qui nous intéresse s'étend du milieu du XVIe Siècle au
premier quart du XVIIe Siècle. Nous avions d'abord fixé des frontières temporelles
beaucoup plus larges à notre étude. Nos lectures nous ont cependant peu a peu
- v -
1 convaincu de restreindre notre choix à des oeuvres publiées après 1550.
EVidemment, le nombre d'allusions rencontrées après cette date a influencé notre
déCIsIOn, et l'Importance des forces qUi bouleversèrent alors les mentalités
(affirmation de la Réforme, guerres de Religion, Réforme post-tridentine, crise
politique, régiCide) a confirmé notre intuition' l'imagologle homosexuelle se
transformait et prenait de l'expansion tout à la fOiS.
En dernière partie, notre étude portera non plus sur des allusions
condamnatoires, mais traitera des transformations appliquées à des textes
philosophiques de l'Antiquité et à des motifs poétiques. Nous terminerons en
commentant l'émergence de pièces "homosexuelles·.
Finalement, nous devons, avant de débuter, préCiser la nature de quelques
modifications typographiques qui faciliteront la transcnption et la lecture des
textes anciens. AinSI, les T et les ·v" sont introdUits à l'exemple de l'usage
moderne. Aux traits de nasalisation, nous substituons le "n" ou le Hm". Le signe
"&" est remplacé par la conjonction "et H•
- vi -
1
1
TABLE DES MATIERES
Abstract ii
Résumé. . iii
Remerciements iv
Préface v
Partie 1: Histoire et imagologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 1
Introduction ................................. 2 L'Antiquité .................................. 4 Le Moyen Age ................................ 1 3 La Renaissance ..... 22 Histoire et imagologie ........................... " 29
Partie 2: Le Discours officiel .... 37
Introduction ................................. 38 Les prescriptions religieuses ......................... 39 Procès et JU nsprudence ..... 61 Conclusion de la seconde partie ....................... 86
Partie 3: Images de l'altérité .,. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 88
Introduction ................................. 89 Tératologie et hermaphrodisme ....................... 90 Les RéCits de voyage et le Nouveau Monde ................. 103 ~écits de voyage en Orient .......................... 1 19 Conclusion de la troisième partie ..................... 135
Partie 4: lieux de satire . . . . . . 137
Introduction .................................. 138 Le premier niveau de mémOire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Henn III et ses mignons; la "réalité histonque" ............... 151 En pré-texte. la satire religieuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 Henri III et ses mignons, la mise en texte .................. 163 Henri III et ses mignons, les années tragiques . . . . . . . . . . . . . . . . 179 La Poésie satirique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
- vii -
,
1
1
Conclusion de la quatnème partie ...
Partie 5: Travestissements littéraires
Conclusion
Notes ...
. 199
201
223
230
Bibliographie ................................. , 275 Historiographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 276
Ouvrages génf.raux ........................... 276 Articles ........•....................... 277
La Grèce antique ............................. 278 Rome .................................... 278
Articles ..... ..... . . . . . 278 Le Moyen Age .............................. . 279
Artrcles ................................ 279 La Renaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280
Articles ................................ 280 Imagologre ................................... 281 Les Prescnptlons religieuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 281
Textes ................................... 281 Etudes .............•..................... 283
Procès et JUrisprudence .......•.•................. . 283 Textes . . . . . . . . . . 283 Etudes ................................... 284 Articles . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . 285
Insolite et altérité ............................... 286 Textes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286 Etudes ...................•............... 287
Les RéCIts de voyage en Amérique ....... . . . . . . . . . . . . . . . 288 Textes ............. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288 Etudes ................................... 289 Articles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . 290
Récits de voyage en Orient .....•.................... 291 Textes ................................... 291 Etudes ................................... 293
Autour de Henri III ............................... 294 Etudes historiques et littéraires ..................... 294
Articles ................................ 295 Mémorialistes ...................•........... 295
Textes .... . . . . . . • • • • . . . . • . • • . . . . . . • . . . . 295 Articles ................................ 296
Les Satires religieuse et politique .•.................. 296 Textes ................................. 296 Articles ................................ 297
Pamphlets anonymes .....••........••.......... 297 Textes ................................. 297 Etudes et bibliographies . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301 Articles ................................ 302
Poésie satirique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302
- viii -
1
,.
1.
2.
Textes ................ . . . . . . . . . . . . 302 Etudes ................ . . . . . . . . . . . . 303 Articles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303
Travestissements littéraires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304 Textes ., .................. 304 Etudes ................................... 305 Articles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 306
Autres oeuvres .............. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 306
TABLEAUX
Nombre d'appels par année, de 1608 à 1612.
Appels pour bestialité et sodomie, de l 564 à 1639.
. IX •
65
66
Partie 1
HISTOIRE ET IMAGOLOGIE
- 1 -
Chapitre 1
INTRODUCTION
Nous avons choisi d'aborder, en première partie, l'imposante problématique
de l'historiographie homosexuelle. Le domaine littéraire au sein duquel nous
situons résolument notre thèse n'Impliquait pourtant pas qu'une telle place fût
donnée à l'histOire. C'est donc en partie par défi que nous avons chOISI de faire
reposer les prinCipes de l'imagologie sur un domaine suscitant encore aUJourd'huI
bien des polémiques' l'histOIre de l'homosexualité.
Notre but n'est pas d'établir le bilan de plus de vingt ans de recherches ni de
présenter les comptes rendus de tous les ouvrages qUI traitèrent de la question
depuis la publication ue l'article de Mary Mclntosh. "The Hor,lOsexual Role". [ 1]
Nos efforts visent plutôt à Identifier les hypothèses histOriques les plus plaUSibles
qui nous permettront d'éclairer notre compréhension des allUSions à la sodomie
dans les textes de la Renaissance. Il est maintenant hors de tout doute, par
exemple, que l'éplstémè tie l'AnCIen Régime était différente de celle qUI nous est
contemporaine: les domaines du "sexuel", de l'amour et de la scatologie
n'occupaient vraisemblablement pas la position taboue que nous leur connaissons
aujourd'hUi. Retenons pour l'instant deux choses. D'abord, l'acte homosexuel
doit être détaché du personnage'
There are societles, including sorne where homosexual acts are frequent, that lack any concept of a homosexual person.[2]
Puis, selon Foucault, la Renaissance a maintenu un modèle binaire des
homosexualités qui devait par la sUite former le personnage homosexuel
- 2 -
1
l' 4
L'époque où on brûle pour la dernière fOIs les sodomites, c'est l'époque précisément où disparaît, avec la fm du "libertinage érudit", tout un lyrisme homosexuel que la culture de la Renaissance avait parfaitement supporté. ( ... ) Deux expériences sont alors confondues qui, jusqu'alors, étaient restées séparées: les interdits sacrés de la sodomie, et les équivoques amoureuses de l'homosexuahté.[3]
3
La science historique nous Invite donc à mettre en doute la pérennité de nos
morales modernes et occidentales si l'on souhaite analyser de façon objective les
structu res de sociétés différentes de la nôtre.
Dans les prochains chapitres. nous suivronc; le cours de l'histoire de l'Antiquité
à la Renaissance, plutôt que de procéder par d'incertains parallèles entre notre
société post-moderne et le XVIe siècle. Cette démarche nous permettra ainsi
d'identifier les types de modèles homosexuels qui pouvaient encore être présents
en France à la Renaissance. ou qui ont ressurgi grâce à la découverte d'oeuvres
antiques.
1
Chapitre Il
L'ANTIQUITE
Une tradition associait habituellement comportements homosexuels--ou
plutôt pédérastiques--dans la Grèce antique à la civilisation dorienne: Sparte et la
Crète sont le plus souvent cités. On crOIt maintenant que l'histOire de la
pédérastie ne peut se réduire à une question d'influence d'une culture sur une
autre. Au contraire, les cités grecques de l'Antiquité ont partagé un passé culturel
identique, sans pourtant s'être transformées de la même façon ou au même
rythme.
le modèle homosexuel était celui de la pédérastie, auquel s'attachait une
valeur initiatique ou pédagogique. l'âge de l'éromène se situe entre quatorze et
dix-huit ans, ou jusqu'au moment de l'apparition de la première barbe. l'éraste
est plus âgé. La pédérastie ne fait pas alors concurrence au manage. Il était de
toute façon normal, dans les cités grecques du IVe siècle avant Jésus-Christ, que le
garçon et le Jeune adulte attendent la trentaine avant de chOISir une épouse_ Félix
Bufflère croit ainsi qu'entre:
( ... ) 14 et 30 ans s'étend dans sa vie (du garçon) une large plage vide: car il ne prend femme, normalement, qu'aux abords de la trentaine et n'a point l'occasion de fréquenter, entre temps, de vraies jeunes filles.[4]
A Sparte et en Crète, la relation était néanmoins subordonnée aux Impératifs
militaires et permettait de former des combattants redoutables.[5] la liaison est
brève et mène les amante. aux seuils de deux étapes de la vie de l'homme de
l'époque; l'âge adulte chez l'éromène et le mariage pour l'éraste
- 4 -
•
1
1
la pédérastie, ne l'oublions pas, n'est qu'un flirt passager ou une liaison de quelques mois ou de quelques années, avant que l'homme se fixe dans le mariage et que le garçon arrive à matunté.[6]
5
Ces règles ne sont cependant :as immuables, et l'éromène n'est parfois plus un
adolescent Imberbe:
Il n'en reste pas moins que beaucoup d'éromènes fameux donnent l'Impression d'avoir bien dépassé l'éphébie et les 18 ans.( ... ) [7]
Depuis quelque temps, certains spécialistes croient que toute la tradition
pédérastique du monde antique remonte à un même fond commun. Bernard
Sergent, dans L'Homosexualité imtiatique dans l'Europe ancienne, dégage ainsi la
pédérastie d'une fimtude temporelle:
Je soutiens, au contraire, que la pédérastie grecque n'est pas une innovation de la Grèce archaïque, mais a des origines beaucoup plus anciennes, ( ... ) provient d'unE' institution primitive de type très répandu ( ... ) [8]
Sergent crOit de plus que cette institution, intimement liée à des mythes
d'initiation, n'était pas à l'origine exclusivement masculine. Sappho, au Vie siècle
avant Jésus-Christ, serait ainsi l'un des derniers exemples de l'existence d'une
institution éducative fémmine:
Au Ve siècle, tout cela parait avoir disparu: en somme, nous ne percevons cette Institution qu'au moment où elle va mourir, tuée par l'exclusion totale des femmes de la cité des hommes.[9]
la création de la cité masculine a donc repoussé les femmes en un univers
clos, par un phénomène que Geneviève Pastre nomme enfermement. la parole
poétique de Sappho fut préservée, mais non le souvenir de l'institution au sein de
laquelle la poétesse évoluait. l'acte poétique de la lesbienne perdit peu à peu de
sa valeur suggestive:
( ... ) il est plus simple de venerer une poétesse unique, même homosexuelle, du moment qu'elle est morte, que sa parole est un corpus fixé une fois pour toutes, donc sans surprise, mais aussi un texte figé, sans la parole vivante, le risque du dialogue. ( ... ) Mais Il y a déjà un glissement vers le Symbole, commode parce qu'hors du réel, le cut;.~ de l'Image garantit contre tout dialogue concret avec
"--"------
les dangers que cela implique. Mais aussi réductton de la parole poétique de la lesbienne à l'Amour et au talent du verslflCateu r.[ 10]
6
La fin du Vie siècle et le début du Ve constitue. selon K.S. Dover. la pénode
pendant laquelle l'homosexualité fut le plus valorisée et glorifiée:
It may weil be that the late sixth and early firth centuries, the generation of the men who (Iike Aiskhylos) defeated the Persians. witnessed a more open, headstrong, sensual glonflcation and gratification of homosexuality than any other period of antiquity.[ 11]
Peu à peu, les structures par lesquelles le phénomène s'exprime se modifient.
Avec la vie urbaine, la pédérastie, souvent représentée par des figures et des
images agrestes (dons d'animaux), ou encore par une symbolique guerrière
(boucliers, etc.), s'intègre à la Cité en s'établissant dans un lieu clos, le gymnase:
( ... ) on discerne qu'une activité sportive coutumière, liée à la pédérastie, et jusque-là agreste, se concentre. à cause de la croissance urbaine, dans un lieu clos à l'intérieur de la vllle.[ 12]
C'est vers cette époque que se produit un déphasage entre pays dOriens et
ioniens. Les premiers, comme l'avait déjà noté Marrou en 1950, conserveront plus
longtemps les structures archaïques, même SI la pédérastie, comme partout
ailleurs dans le monde grec, cesse d'être une pratique purement aristocratique. Le
statut de l'éromène subit également des modifications. Il rompt avec le rapport
pédagogique pour ni plus ni moins devenir un simple objet de déSir, ce que
Sergent nommera ·paidikà-objet":
La généralité de la pédérastie en Crète au IVe Siècle ( ... ) est de même nature que ce que l'on constate à la même époque à Athènes même, et partout ailleurs en Grèce, à savoir une expansion de l'homosexualité masculine à toutes les couches de la société, la transformation d'un rapport pédagogique en une relation de séduction, la vulgarisation d'une pratique Jusque-là réservée à l'aristocratie, le passage des éromènes-élèves élUX paldlkà-obJets.[ 13]
L2 vulgarisation de la pratique pédérastique a grevé son image ésotérique. Il n'en
fallait guère plus pour que la représentation artistique de l'éromène se
transforme. Le guerrier ou l'athlète cèdent le pas à un modèle qUI se féminise. A
partir du IVe siècle avant Jésus-Christ, une nouvelle épistémè surgit:
( ... ) we should take into account the possibllity that in the fourth century effemmat~ boys and youths may have stimulated homosexual deslre more often than they would have done a century and a half earller.[ 14]
7
Ces mutations ainsI que le rayonnement des pratiques pédérastiques dans les
différentes couches sociales susciteront à leur tour l'émergence d'un discours qui
occulte ou sublime l'érotisme homosexuel. C'est du moins ce que croit Sergent et
l'interprétation qu'II donne d'oeuvres d'Aristophane, de Socrate et de Xénophon:
Enfin, l'adoption par l'ensemble de la population de la conception aristocratique de la sexualité ( ... ) produit une réaction de la bonne société athénienne ( ... ) qui entraîne à la fois: une revendication de pudeur (Aristophane), une idéalisation de la pédagogie homosexuelle (Socrate), et, parfois, un rejet authentique de la pédérastie (Xénophon). [15]
Il note de plus que de nombreux mythes attiques furent évacués d'allusions à des
comportements homosexuels. C'est aux dieux et aux héros étrangers que sont
désormais attribués les rapports pédérastiques:
( ... ) dès qu'il s'agit de fournir le nom des fondateurs de la pédérastie, les auteurs attiques se tournent vers l'étranger: vers la Crète de Ganumèdès ou la Th~bes de Laios, vers Khalkis ou Sparte, vers Thamufls de Thespiai; et, (orrélativement, les mythes attiques ont été expurgés ( ... )[ 16)
les premiers Siècles de l'ère chrétienne sonnent le glas de l'amour
pédérastique. Une morale conjugale Issue du stoïcisme devient prépondérante.
Nous verrons un peu plus loin ce que représente ce nouveau courant.
Même s. la chronologie n'est pas complète, elle nous permet néanmoins de
constater que l'histoire de la pédérastie dans l'Antiquité est révélatrice de
l'eXistence d'épistérnès diverses selon les époques et les lieux. Issus d'un fond
commun Initiatique, les rapports homosexuels se sont entourés d'une importante
symbolique chasseresse et guerrière, pOL!r peu à peu s'implanter au centre de la
Cité, dans les gymnases. Les derniers stades de l'évolution conduisirent à une
"plébélsatlon" de l'amour entre l'éraste et l'éromène, pour finalement disparaître
sous le pOids d'une morale valorisant l'existence de couples hétérosexuels.
.'
8
Nous pourrions encore traiter longuement de l'Antiquité grecque. Nous
n'avons pas mentionné les satires entourant les moeuls trop dissolues de certams
adolescents, ou la passivité sexuelle qui discréditait la renommée de Citoyens. En
revanche, les oeuvres philosophiques valorisaient l'Eros masculin. le
développement de l'homme empruntant la forme de l'homophille. Mais cela est
peut-être le propre de bien des sociétés patriarcales:
Throughout Symposium and Phaedrus it IS taken for granted that eros which is significant as a step towards the world of Being IS homosexual. [1 7]
* * *
Les rapports homosexuels entre hommes dans la Rome antique ont perdu
l'aura de l'initiation pédérastique des civilisations helléniques. Pourtant, il eXiste
de semblables rapports entre adultes et adolescents. pensons simplement à
Hadrien et Antinous. le mignon reflète une certaine fantaisie chez l'homme libre
de prestige; il (ou parfois elle) est souvent un enfant d'esclave que l'on chérit. que
l'on fait instruire. Qu'il s'agisse d'un animal domestique ou d'un objet de
philanthropie, le lien qUI se développe peut impliquer une grande intimité:
Jalouse du mignon marital, l'épouse ne tolérait pas que le mari lui donnât des baisers en sa présence. Le mari faisait-il davantage, lom des regards? Une convention mondaine exigeait que personne ne se posât la questlon.[ 18]
Une des clefs révélant l'enjeu principal des relations sexuelles pourrait se traduire
en une dichotomie de l'activité et de la paSSivité:
( ... ) on ne classait pas les conduites d'après le sexe, amour des femmes ou des garçons, mais en activité ou passIvité. être actif, c'est être un mâle, quel que soit le sexe du partenaire dit passif. Prendre du plaisir virilement ou en donner servilement, tout est là.[19]
La politique obéissait aux mêmes règles. Ainsi concédait-on aux garçons, aux
femmes et aux esclaves, écartés du pouvoir, la passIvité de l'amour'
Those who most commonly played the passive role m intercourse were boys, women, and slaves--all persans excluded from the power structure.[20]
."
\
1
9
Cette mise au point ('st primordiale. Infériorité sociale et passivité en amour
allaient de pair, et cet ordre ne pouvait être transgressé sans provoquer
l'indignation. Homosexualité et efféminement n'étaient pourtant pas synonymes:
la mollesse monopolisait l'énergie de l'opprobre.
Ce rejet de l'homophile passif ne vise pas son homophilie, mais sa passivité, car cette dernière relève d'un défaut moral ou plutôt politique qui était extrêmement grave: la mollesse. [21]
En fait, le citoyen devait s'en tenir à des attitudes bien précises afin de ne pas
laisser entrevoir une volonté vacillante:
La mollesse ne semble être d'abord qu'un travers parmi d'autres, qui se reconnaissait ou même se réduisait à des détails peu virils: intlexlons de voix efféminées, gestes affectés, façon de marcher alangUie, etc. Mais le puritanisme gréco-romain scrutait ces détails à la loupe et y attachait une importance démesurée: on estimait que cette mollesse visible était le symptôme d'une mollesse plus profonde, d'une faiblesse du caractère tout entier.[22]
Une telle prédisposition aux vices menait à la luxure[23] et à l'efféminement, et
pouvait aussi bien s'exprimer par un trop grand amour des femmes que par une
activité sexuelle exacerbée.[24] Une éthique sexuelle existait donc: des interdits
marquent les frontières du libertinage:
A ~UOI reconnait-on un vrai libertin? ( ... ) il faisait l'amour avant que la nuit ne soit tombée ( ... ) il faisait l'amour sans établir l'obscurité ( ... ) il faisait l'amour avec une partenaire qu'il avait dépouillée de tous ses vêtements ( ... ) [25]
Si nous avançons un peu plus loin dans ce monde du tabou, alors les
chroniques révèlent les désordres des tyrans:
De tyrans libertins, Héliogabale. Néron, Caligula ou Domitien, on chuchotait qu'ils avaient violé d'autres interdits: il avaient fait l'amour avec des dames mariées. des vierges de bonne famille. des adolescents de naissance libre. des vestales. leur propre soeur enfin.[26]
Il y eut des pértodes pendant lesquelles des moyens de contrôle furent
exercés. Par exemple. la mystérieuse loi Scantinia, sous la République, fut
longtemps considérée comme une mesure de répression contre les homosexuels.
10
Paul Veyne affirme toutefois que les lOIs romaines visaient la protection des
femmes, des jeunes filles et des adolescents de naissance libre'
L'important demeurait de respecter les femmes manées, les vierges et les adolescents de naissance libre: la prétendue répression légale de l'homosexualité visait en réalité à empêcher qu'un citoyen SOit sabré comme un esclave. La 101 Scantima, qUi date de 149 avant notre ère, est confirmée par la vraie législation en la matière, qUi est augustéenne: elle protège l'adolescent libre au même titre que la vierge de naissance Iibre.[27]
Pendant l'Antiquité tardive, les principes qui deviendront ceux de la
Chrétienté prirent forme, Influencés par le stoïcisme. Saint Paul n'inventait nen
lorsqu'il édictait la morale des disCiples du Chnst.
A deux repnses (1 Cor 6, 9-10, 1 Tim 1, 9-10), saint Paul nous donne une liste de péchés dans un ordre qui parait sUivre une hiérarchie. 1\ dévoile une conception du mal où se rejoignent et se combinent le judaïsme et l'hellénisme de son temps, où apparaissent les grandes tendances de ce qui deviendra la morale chrétienne, mais qUI était déjà une morale païenne en formation.[28]
lorsqu'il définit les péchés contre le corps (qUi viennent apres les péchés
contre Dieu et les homicides, et avant les péchés contre la propnété), saint Paul
vise quatre groupes d'individus: les prostituées, les adultères, les molles et les
masculorum concubltores. Les deux dernières catégones sont révélatnces, aux
yeux de Philippe Ariès, de nouveaux préceptes moraux. La mollesse (mollitles),
dont nous avons déjà parlé, veut ainsi dire beaucoup plus qu'une simple pratique
sexuelle; des comportements, mais aussi l'érotisme et un certam plaiSir s'y
associent.[29] C'est, selon Ariès, "Peut-être ( ... ) une grande invention de l'époque
stoïco-chrétienne".[30] Quant aux masculorum concubitores, leur stigmatisation
marque un pas de plus vers un mode bien précis d'activité et de partenaires
sexuels:
En outre, l'homosexualité, répandue dans le monde hellénistique et considérée comme normale, devenzit un acte abominable et défendu. C'est même le seul des délits sexuels dont le nom évoque carrément une attitude physique: masculorum concubitores.[31]
:! '4,
11
Nous savons quelle ser~ la fortune d'une telle morale. les premIers chrétiens
feront de leur dIscipline sexuelle un trait distinctif de leur communauté.[32] Le
mariage se contractera très tôt. Et déjà, depuIs le début du Ille siècle, le pouvoir
politique se porte garant de la vie conjugale, s'immisce dans la vie privée:
Une vie conjugale respectable devient u"e norme qui inclut même les famIlles d'esclaves. Les empereu rs se posent davantage comme les gardiens de la morale pnvée.[33]
* * * * *
Même si la pédérastie initiatique connue des nations grecques a sombré au
cours des premiers siècles de l'ère chrétienne, la résurgence de textes
philosophiques et poétiques à la Renaissance a permis de rétablir certains
contacts avec des systèmes sociaux et idéologiques oubliés. Que cette même
pédérastie initiatique puisse être rattachée à un fond mythologique slOon
archétypal s'avère d'autant plus intéressant, car des modèles semblables pourront
être identifiés au Moyen Age. Nous ne pouvons finalement que noter
l'importance des courants philosophiques qui peu à peu orientèrent le
développement d'un nouveau code sexuel dont les trois principaux paramètres
sont ainsi définis par Philippe Ariès:
(u.) les attitudes devant l'homosexualité, le mariage et la mollities.[34]
De ces trois phénomènes fut privilégié le mariage, alors que la mollities fut
résolument rejetée vers la sphère honnie: l'homosexualité; les deux, au XIXe siècle,
deviendront synonymes. S'ouvre ainsi une perspective qui sera déterminante
dans la compréhension de notre prochain chapitre. lorsque dans une société
apparaît une situation de ~non-manageW--nous pensons alors au célibat des
prêtres ou des moines, à l'âge des jeunes hommes au mariage qUI tendra parfois
à s'élever au Moyen Age et à la Renaissance--, surgissent, logiquement, la mo/bties
et les tendances homosexuelles. Un tel déséquilibre du système ne devrait-il pas
1
....
12
normalement engendrer des conduites Clue ,'on peut assez Justement qualifier de
déviantes? A moins, cependant. que l'énergie de ,'Eros ainSI redistribuée ne soit
déplacée .
-
1
Chapitre III
LE MOYEN AGE
De nombreuses suppositions surgissent lorsque les historiens tentent
d'explorer les comportements homosexuels au Moyen Age. les textes latins de
l'époque, les oeuvres en ancien français ou en dialectes et en argot, l'emploi de
procédés rhétoriques devenus aujourd'hui ésotériques, expliquent cet état de fait.
Par exemple, comparons les conclusions de deux chercheurs, Gerald Herman et
John Boswell. le premier affirme, à la fin d'un article intitulé "The 'Sin against
Nature' and its echoes in Medieval French literaturen et après avoir cité des textes
tels le Hleraptgra Calent, de Gilles de Corbeil, le De Planctu Naturae, d'Alain de
lille, le Roman de Renart et des fabliaux des XIIIe et XIVe siècles, que la
condamnation de l'homosexualité était unanime dans la littérature de l'époque:
l he attitude of the Middle Ages toward homosexuality was truly one of uncompromising condemnatlon. Despite an occasional light-hearted treatment of the subject, one would have to search hard in the literature of the period to find the slightest trace of understanding or compassion.[35]
Quelques années plus tard, grâce à la littérature latine, John Boswell soutenait
qU'II existait une tradition chrétienne de l'amour entre personnes du même sexe
et que des topoi gais--dont l'image de Ganymède--avaient surgi pendant la
période 1050-1150:
The most prominent of these was the figure of Ganymede, the beautiful son of the king of Troy who was carried off by Jove to be a cupbearer in heaven. In late imperial literature Ganymede had become synonymous wlth what the ancient world ca lied "the belovedH
ln a homosexual relationship, but he appeared in many !lifferent gUises ln the High Middle Ages, usually as the r ~presentatlve of gay people in general. In several debates of the period he IS the spokesman for the gay slde, and is very frequently used as the archetype of a beautiful male.[36]
- 13 -
14
L'étude de Boswell fut à son tour pondérée, et ses présupposés historiques parfOIS
remis en question. Michel Rey considère ainSI que l'historien se doit de
questionner les documents qU'II lItllise en respectant le contexte de leur
production, et en gardant à l'esprit les différentes éplstémès qUI structurent les
univers de l'amitié, de l'amour et de la sexualité.
Malheureusement Boswell n'analyse pas la littérature monastique du Moyen Age, pleine de déclarations sentimentales chaleureuses, en elle-même; Il ne la confronte pas à la IItterature ~hevaleresque, qUI montre ausSI la valeur et l'aspect passlonnel--à nos yeux-odes relations affectives entre hommes; surtout, Il ne cntlque Jamais notre coupu re conceptuelle entre sexuel et non-sexuel. Cette césure n'est pas opératoire pour les textes médiévaux et renaissants, Boswell, qui n'arrête pas de se demander ce qu'II ya de sexuel dans l'expression des sentiments, devant un doute permanent, en est réduit à tricher par l'emplOI d'une notion floue attrape-tout, le sensuel.[37]
Il demeure néanmOinS que la vie au monastère s'entourait de sentiments
ambigus et omniprésents. Que Boswell crOIe déceler leur expression dans
certaines poésies démontre le pOIds et la portée des sentiments homosexuels
dans les communautés masculines. Selon Georges Duby, une source d'anxlétè
perpétuelle en surgissait
De la lumière toute la nuit, des veilleurs: un bivouac. Chacun toutefOIS couchant sur sa propre couche, que la règle interdisait formellement de partager: l'impératif communautaire cédait sur ce point seulement devant la crainte, inexprimée mais obsédante, des tentations homosexuelles,[38]
Ce tableau nocturne du monastère n'est pas l'Unique cas d'enfermement des
tentations et des craintes, La ·chambre des dames· et les nécropoles
constituaient deux réflexes de lutte contre le danger.
Mais revenons aux recherches de Boswell. Jusqu'au XIIIe Siècle, Il note
également la présence d'un discours religieux de la condamnation, avec
notamment le Liber Gomorrhlonus, de Pierre Damien. Michael Goodich don nalt
déjà en 1979 une deSCription du phénomène:
.,
The polemlcal IInes were laid down in the eleventh and twelth centunes ln penltentlals, blbllcal commentanes, and canon law that became the bases of a revltallzed Christianlty. ( ... ) A second, equally militant wave of moral "reform" was undertaken m the thirteenth century. [39]
15
Thomas d'Aquin, qui vécut au XIIIe siècle, a subi l'influence de ce climat
d'Intolérance. Dans ses condamnations, Il introduIsit cependant une façon
nouvelle d'aSSOCier les actes homosexuels à des comportements violents et
répugnants.
He compared homosexuell acts not with other Instances of exceedmg what is necessary, like over-eating or drunkenness, nor with other behavior of whlch animais are supposed to be incapable, such as telling lies or counterfeiting currency, but wlth violent or dlsgusting acts of the most shocking type, like cannlbalism, bestlality, or eatlng dirt.[40]
Tous ces chercheurs (Boswell, Goodich, Herman) et d'autres historiens associent la
répression homosexuelle à un vaste mouvement d'intolérance.
And most historians conslder that the thirteenth and fourteenth centuries were ages of less tolerance, adventurousness, acceptance--epochs in which European societies seem to have been bent on restraming, contracting, protectlng, hmltmg, and excluding.[41 ]
Les victimes seront de statuts divers, symbolisant la plupart du temps un
non-conformisme religieux: apostats, juifs, hérétiques, magiCiens, sodomites. [42]
Les accusations alors formulées partageront--et ce dans bien des cas jusqu'à la
Renaissance--une connotation semblable, les ordonnant en des réseaux de motifs
quasi interchangeables. Boswell rappelle qu'au début du XIVe siècle, les jUifs
furent chassés de France et d'Angleterre, l'ordre des Templiers fut aboli, Edouard Il
fut assassiné, et que l'enfermement des lépreux s'amorça. La répression de
l'hérésie albigeoise avait précédé ces événements.
L'histoire des Albigeois comporte une dimension intéressante pour nos
recherches. Les croyances des Cathares provoquèrent leur assimilation à des
hérétiques pratiquant des comportements contre nature:
En soutenant que le manage est aussI contraire à l'état de perfection que n'importe quelle autre fornication. et que les empêchements à mariage étalent des conventions humaines. Ils se virent accuser d'autonser n'Importe quelle débauche. y compris l'inceste et les moeurs contre nature.[43]
16
On qual~flait donc les AlbigeoIs d'hérétiques. de "bougres". La transformation de
ce dernier lexème dévoile l'évolution épistémo:oglque des actes contre nature.
Voici comment Michael Goodlch analyse la formation et l'emploI de ce substantif
By about 1 i 70 A.D., the Alblgenslan, because of hls theology's presumed origins in Bulgana, was occaslonally called bougre or bougeron, whlch soon became a synonym for sodomite. The Old French erite, or heretlC, was also used interchangeably for an Albigensian and a sodomite. This confusion has created problems in studying legislatlve references to sodomy, for It IS sometlme!> uncertain whether the laws apply to homosexuallty or to heresy (00') [44]
Claude Courouve souligne avec plus de préciSIOn la transformation du lexème
"bougre":
A la différence du sodomIte, Il n'y avait au départ aucune Idée d'homose),ualité qui pUisse expliquer la transition de la dissidence religieuse à la dissidence homosexuelle, sens ultime. Sur ce cheminement, on rencontre la bestialité et la sodomlsatlOn d'une femme. Le sens homosexuel est apparu au XIVe siècle, et le procès de R~mion à Reims en 1372 en offle un exemple (00.)[45]
Topentcharov élargit la définition du bougre-bulgare à toute une famille
d'appellations stigmatisantes démontrant la portée contestataire du mouvement:
Dans les ouvrages des chroniqueurs et autres conteurs de l'époque, le nom "bulgare"--sous toutes ses formes, dérivations éliptlques ou déformations Insultantes: "bulgan", "bugan", "bugareÇ, "bou~gres", "burgars", "brugis", "bougres", bougresse au fémimn, "bogres", "bugero$", "bogris", "bougerons", "bulgn", "bourgari", "bâlgan", "bulgarenses", "bolgres", "bougrGls", "bougresche" (adJ.), "bogresche" ("à la bogresche guise")--devient l'appellation qu lSI commune du rebelle contestataire, de l'hérétique, novateur, dévlatlOnnÎ')te de l'idéologie ('fficielle. [46]
La filiation du bOolgre hérétique se prolonge Jusqu'à la Renaissance. RabelaiS,
selon le commentaire de MA. Screech, entend les deux sens de sodomite et
d'hérétique lorsque Janotus InJune les Sorbonlcoles
1
1
Par la rate Dieu! je advertiray le Roy des enormes abus que sont forgez ceans et par vos mains et menéez, et que je soye ladre s'il ne vous faict tous vifz brusler comme bougres, traistres, heretiques et seducteurs, ennemys de Dieu et de vertus![47]
17
Dans l'ancien prologue du Quart Livre, la lèpre et la folie seront même associées à
l'image double suggérée par le "bougre"
Il n'y aura pas à rire pour tous desormais, quand voyrons ces folz lunatiques, aucuns ladres, autres boulgres, autres ladres et boulgres ensemble, courir les champs, rompre les bancz, grinsser les dents, ( ... H 48]
L'hérésie des Albigeois joua un rôle polarisant face à l'organisation des
instruments de l'intolérance. Couliano la présente comme le point de départ du
perfectionnement de la fabuleuse mécanique que fut l'Inquisition:
Les cathares (sic), dualistes puritains des XIIe et XIIIe siècles, furent les seuls à s'organiser, suivant le modèle des bogomiles, en puissantes Eglises qui, dans le midi de la France et le nord de l'Italie, constituèrent une vraie menace pour l'Eglise catholique. Ce fut dans la lutte contre les cathares que celle-ci créa et perfectionna l'inquiétant instrument de l'Inquisition.[49]
Parallèlement à l'hérésie albigeoise, la poéSie courtoise vit le jour au sud de la
LOIre. Vraisemblablement, ils n'ont rien de plu~ t'n commun que leur rencontre,
pendant les dernières décennies du XIIe siècle:
Là, le trobar arrive ayant été conçu et développé ailleurs, ayant ailleurs franchi ses étapes. Il rencontre le catharisme qui s'est développé de son côté sans avoir jamais rencontré le trobar.[SO]
Robert Lafont considère d'ailleurs que l'aspect mondain de la poésie courtoise ne
pouvait permettre d'associations avec un catharisme qui rejetait cet univers et
qui, de plus, n'a pas engendré de textes comparables aux oeuvres courtoises.
Denis de Rougemont voyait les choses différemment. Ses hypothèses, même
si nous sommes conscient de leurs limites, peuvent être rappelées:
L'on assiste au douzième siècle dans le Languedoc comme dans le Limousin, à l'une des plus extraordinaires confluences spirituelles de l'HistOire. D'une part, un grand courant religieux manichéen, qui avaIt pns sa source en Iran, remonte par l'Asie Mineure et les Balkans Jusqu'à l'Italie et la France, apportant sa doctrine ésotérique de la Sophia-Maria et de l'amour pour la "forme de lumière".
D'autre part, une rhétorique hautement raffinée. avec ses procédés. ses thèmes et personnages constants. ses ambiguïtés renaissant toujours aux mêmes endroits, son symbolisme enfin, remonte de l'Irak des çoufis platonisants et manichélsants Jusqu'à l'Espagne arabe, et passant par-dessus les Pyrénées, trouve au Midi de la France une société qui, semble-t-il, n'attendait plus que ces moyens de langage pour dire ce qu'elle n'osait et ne pouvait avouer ni dans la langue des clercs, ni dans le parler vulgaire. La poésie courtoise es: née de cette rencontre.[51]
18
Cette relation imbriquée recouvre alors un manque ou plutôt un déplacement
d'énergie érotique contenue par une morale du mariage se voulant de plus en
plus stricte. L'amour courtois devient finalement le frère de sang de l'hérésie
cathare.
Parler d'amour courtois nous ramène à notre propos par de nouvelles vOies. Il
apparaît assez juste de croire que la courtoiSie véhICulait des sentiments mavoués
que les hommes éprouvaient les uns pour les autres. Plusieurs hypothèses vont
en ce sens. De Rougemont, d'abord, indique que deux des plus "( ... ) ardents parmi
les troubadours à louer les beautés de leur dame ( ... )",[52] Arnaut Daniel et
GU!iiiz~lIi, furent placés par Dante dans le cercle des sodomites du PurgatOIre. De
plus, une tradition masculinisait les titres de la dame:
Faudrait-il rapprocher ceci du fait que le chevalier courtOis donnait souvent à sa dame le titre de seigneur au masculin: ml dons (ml dominus) et en Espagne: Senhor (non senhora)? Les troubadours andalous et arabes faisaient de même.[531
Christiane Marchello-Nizia, dans un article intitulé "Amour courtois, SOCiété
masculine et figures du pouvoir-, pousse encore plus lOin le raisonnement. Elle
démontre que dans le Lancelot' et le Tristan, l'amour prend forme par
l'intermédiaire d'un homme:
( ... ) aussi bien dans le cas de Lancelot que dans celui de Tristan, c'est par la médiation d'un homme que passe l'amour qui Ile les deux couples d'amis.[541
Que la relation ainsi exprimée/camouflée soit celle d'un amour homosexuel ou
"une relation de séduction réciproque Instaurée entre le seigneur et le jeune" [55],
1 19
elle conclut que l'amour--et le texte--courtois étaient l'u nique possibilité
d'exprimer, à l'époque, les sentiments que pouvaient éprouver les seniores pour
les juvenes, et vice versa:
Or il semble bien que la littérature en langue vulgaire, destinée avant tout au public noble laie, ne puisse alors dire sans détour la possibilité d'une relation de dilection--autre que familiale--entre deux hommes de classes d'âge et de positions sociales différentes.[56]
Finalement, Georges Duby, dans deux articles portant sur l'amour au XIIe siècle,
soutient que c'est en fait sur une amitié virile que débouchait "cet amour que l'on
disait courtois". la femme, la domina, n'était qu'une figure en palimpseste:
Dans ce jeu, la femme est un leurre. Elle remplit deux fonctions: d'une part, offerte jusqu'à un certain point par celui qui la tient en son pouvoir et qui mène le jeu, elle constitue le prix d'une compétition, d'un concours permanent entre les jeunes hommes de la cour, attisant parmi eux l'émulation, canalisant leur puissance agressive. les disciplinant, les domestiquant. D'autre part, la femme a mission d'éduquer ces jeunes. la fine amour civilise. elle constitue l'un des rouages essentiels dans le système pédagogique dont la cour princière est le lieu.[S 7]
la figure féminine cache alors le véritable objet:
Et l'on peut se demander, partant de recherches récentes attentives à déceler les tendances homosexuelles sous la trame des poèmes d'amour courtois. si la figure de la domino ne s'identifie pas en fait à celle du dominus, de son époux, chef de maison.[S8]
A la toute fin du Moyen Age français, au XVe siècle, u ne oeuvre plutôt
ésotérique a attiré l'attention d'un chercheur français. Pierre Guiraud. Il a ainsi cru
pendant un certain temps que des ballades de François Villon recelaient trois
niveaux de sens, selon un code particulier dit du "Gai savoir de la Coquille":
Venons-en à la clé; les trois situations sont superposées: tous les mots ont trois sens et le texte présente trois versions. Nous avons dix-huit ballades dans les six.[S9]
Le passage d'un sens à l'autre s'effectue par des associations étymologiques,
procédant fréquemment d'un sémantisme dialectal. Finalement, il constate par
,..,
20
son analyse que la première version des ballades dOit être compnse selon les
paradigmes du vol, de la torture et du gibet, la seconde selon le jeu, la tricherie et
le lessivage. La troiSième interprétation révèle un "Jeu" sexuel entre partenaires
masculins qui tentent d'échapper à des actes de possession:
Amsl, toutes nos ballades ont le même sujet; Il s'agit de sodomites qUI d'une part cherchent à posséder leur partenaire et qui. en retour. évitent d'être possédés par eux en les faisant éjaculer par terre.[60]
Guiraud a cependant renié ses analyses, quelques an nées après leur
publication. En 1970, lorsqu'II se penchera sur le Testament, Il affirmera'
On se gardera de le prendre au sens propre des termes qui feraient de tous ces personnages autant d'mvertls sexuels et de Villon leur victime.
C'est pourtant l'erreur commise dans mon étude sur le Jdgon. pour le grand scandale de la plupart et l'amusement de certains.[61 J
Une telle démarche, même désavouée, était un jalon nécessaire au fil des avenues
que l'historiographie et la critique littéraire traditionnelles ont souvent éVitées.
moins pour des raisons de sCience que de moralité ou de convenance.
* * -1< -1< *
Nous savions déjà que le discours théologique et moral du Moyen Age
condamnait les comportements homosexuels. En revanche, l'hérésie des Albigeois
et l'analyse que fait Boswell des écrits de Thomas d'Aquin nous permettent
également de constater qu'ils ne partageaient qu'une portion d'un univers
répugnant constitué d'hérésie, de cannibalisme, de bestialité, d'usure, etc. Le
système était constitué de plusieurs composantes qui seront souvent
interchangeables: l'étymologie du terme "bougre" le démontre. Les prochams
chapitres révéleront que la sodomie ou les acte, contre nature possédaient des
lexèmes tout aussi malléables. De sembla""es glissements de sens pourront.
croyons-nous, se prodUire entre les entités mqUlétantes qui guettent le monde du
privé: les femmes, la mort, et l'homosexualité.
1
, '.
21
Est-il contradictoire de penser que dans des modèles fermés de sociétés
masculines (monastères, cours médiévales), sont à la fois rejetées la femme (par
son enfermement) et certaines expressions de l'alliance masculine? La poésie
courtoise résoudrait le complexe en offrant un modèle théorique et sublimé.
Chapitre IV
LA RENAISSANCE
La situation de l'historiographie homosexuelle à la Renaissance n'est pas
différente de celle des recherches dont nous avons précédemment discuté. Bien
des hypothèses furent donc tour à tour adoptées, reniées, pondérées.
La sodomie, en France, méritait le bûcher. Un éventail très large de pratiques
était dénoté par ce vocable, comme le précise Claude Courouve:
Le sens premier de sodomite est celui d'habitant de Sodome; s'y sont ajoutés, à la fin du Moyen Age, ceux d'hérétique, d'adepte de la bestialité et d'auteur de divers écarts sexuels (essentiellement les relations entre hommes).[62]
Masturbation,[63] homosexualité féminine[64] et coït anal entre partenaires de
sexe différent complètent le sens élargi du lexème. Aux yeux de Maurice Lever,
ces actes contrevenaient à une même loi morale, dictant que se perpétue l'espèce
humaine afm qu'elle continuât à connaître Dieu:
Toute pratique sexuelle qui n'a pas pour objet la procréation relève du scandale et de l'impiété, car elle compromet l'existence du peuple de Dieu et sa mission de témoin.[65]
En s'appuyant sur un ouvrage juridique du début du XVIIe siècle,[66] Lever
démontre que des châtiments semblables étaient réservés aux sodomites et a
ceux qui avaient des relations sexuelles avec des Juives, des mahométanes, des
paiennes.[67]
La sodomie fait aussi surgir des angoisses qui relèvent du monde du tabou.
Nous parlons ici de l'anus et de la défécation, dont les psychanalystes on Identifié
le symbolisme social périlleux:
- 22 -
1
l
Many modes of sex interfere with procreation, but, as the penitentials reveal and as the later application of CIvIl law indicates, none was punished as harshly as anal sex ( ... ) Excrement was always the clearest and most persistent reminder of the fate of man. Humans usually defecate in secret, and tn the Western imaginatIon the anal function became a symbol of eVII, darkness, death. and rebelhon agatnst the moral order. ( ... ) Sodomy, then, eltcited the combtned fears of sexuality. antmaltty, and anality. This triumvlrate came to personify evil to the Western sexual imaginatIon. More particularly, the anal-evil hnk was established firmly. [68]
23
Le climat de condamnation a pourtant laissé filtrer Jusqu'à nous des exemples
de personnages importants qui ne furent jamaIs inquiétés. Jean Delumeau crOIt
que l'homosexualité fut ni plus ni moins qu'une mode dans les cours européennes
de l'époque et qu'une expression artistique d'un certain érotisme:
Dans un tel climat de sensualité, l'homosexualité devint une des variant(>5 dt: l'érotisme. Le Moyen Age avait jeté l'anathème sur le Vi(P grec. L'époque suivante le revêtit au contraire des voiles gracieux des mythes helléntques. ( ... ) L'homosexualité masculine fut à la mode à la cour d'Henri III et dans l'Angleterre élisabétaine: ce dont témoigne (sic) l'Edouard /1 de Marlowe et les sonnets amoureux de Shakespeare dédiés à un homme.[69]
La tolérance étaIt de rigueur dans certains cas bien précis. les jeunes adultes
auraient également bénéficié d'une certaine indulgence, comme l'indique
Jean-lOUIS Flandrin:
Surtout, je serais surpris que !'homosexualité des adolescents ait été réprimée de manière aussi terrible ( ... ) Pendant le haut Moyen Age, les pénitentiels y faisaient allusion en des termes bien différents de ceux qu'ils employaient pour la sodomie des adultes: non seulement les pénitences étaient bien moindres ( ... ) mais il est clair qu'ils parlent là de pratiques caractéristiques des conduites juvéniles, qui devaient faire place à d'autres après le mariage.[70]
Toutes ces constatations dOIvent être comprises à la lumière des coupures
qui surviennent dans l'éplstémè. Par exemple, l'emploi du mot "amour" afin de
désigner un rapport d'amitié entre deux hommes est fréquent.[71] Philippe Ariès,
lui, croyait à l'existence d'un amour viri~ aux limItes de l'homosexualité, ayant un
statut limtnaire aux confinS du sexuel et du non-sexuel:
1
"
Je pense que c'est à partir d'une sentimentalité en apparence a-sexuée que s'enracine, dans certaines cultures (Quattrocento italien, Angleterre élisabéthaine), une forme d'amour vinl aux limites de l'homosexualité qUi ne s'avoue ni ne se reconnaît, qUI laisse subsister l'équivoque, moins par crainte des Interdits que par répugnance à se classer dans l'un des deux compartiments de la société du temps: le non-sexuel ou le sexuel. On s'attardait dans une zone mixte, qUI n'appartenait tout à fait m à l'un ni à l'autre.[72]
24
Toujours selon Ariès, le sens de l'amitié se serait particulièrement restreint, depUIS
le XIXe siècle, au profit de la notion de famille.
Des réseaux sont ainsi ébauchés, non du côté de la reconstitution du
personnage homosexuel tel qu'on le cannait aujourd'hui, mais en deux directions
opposées. L'amoureux tend ainsi à devenir l'ami, alors que le sodomite est
irrémédiablement associé à des actes contre nature dont le symbolisme touche
aux sphères les plus taboues de la culture OCCidentale.
* x *
En Italie, la situation est différente. Ainsi, Guido Ruggiero. dans son livre The
Boundaries of Eros, indique qu'unt: véritable "sous-culture" homosexuelle dont on
retrace des origines jusqu'au XIIIe siècle prit une ampleur inqUiétante dans la
Venise du XVe siècle:
With the fifteenth century that subculture became more socially diverse and th us more visible and threatemng, especially ln ItS attractiveness to the upper social levels. ThiS ln turn touched off a new wave of aggressive repression ln Venice.[73]
Le phénomène est d'autant plus curieux que les accusés provenaient de milieux
différents, et que les nobles et des membres des classes dirigeantes y étaient
mêlés:
ln fact, the Ten became involved ln sodomy because the Signon di Notte in 1406 had discovered a major case of homosexual activity that involved at least flfteen nobles, most from important families, and eighteen non-nobles. Several of non-nobles were also men of standing--clerics, the sons of government offICiais, and the sons of well-established popo/ant families.[74]
1 25
Ce phénomène n'est pas un cas isolé. Charles de La RonCIère, dans l'HistOire de la
vie privée. précise que la situation est généralisée en Italie, et que les villes de
Sienne et de Florence sont prinCIpalement touchées. Il s'agit en fait:
( ... ) d'une pédérastie, répandue chez les huit/trente ans, tous ou presque célibataires. Ces pratiques constitueraient donc moins une alternative au privé conjugal qu'un échantillon de ces tentatives désordonnées inventées par les Hjeunes'--contraints au mariage tardif--pour se forger une identité et un privé personnels.[75]
Ainsi, la pédérastie prend l'allure d'une expérience ludique de jeunes désoeuvrés
qui n'espèrent pas se marier avant la trentaine. Peut-être faudrait-il même croire
à un symptôme d'une mutation, d'une transformation des rôles masculins et
d'une modification dans l'organisation des structures du privé familial:
Il est en effet pOSSible que, dans un monde où les options traditionnellement masculines (lutte politique, guerre) ont perdu de leur prestige, les valeurs de douceu r, de politesse, d'affection, valeu rs perçues comme féminines. aient marqué davantage les garçons, en même temps que s'estompait l'autorité d'un père souvent absent, vieux (ou défunt) sur des jeunes gens déjà engagés dans la vie professionnelle. [76]
Dans de nombreuses villes, une telle situation ainsi que le nombre peu élevé de
mariages a justifié la présence de prostituées:
Ainsi que d'autres villes italiennes du 'XVe siècle, Florence croyait que favoriser officiellement la prostitution, c'était combattre deux maux incomparablement plus graves du point de vue moral ou social: l'homosexualité masculine (dont la pratique estompait, pensait-on, la différence des sexes et par là toute différence et hiérarchie instituée), et le déclin des naissances légitimes qui résultait du nombre insuffisant des mariages.[77]
l'implantation de maisons de tolérance n'a pas résolu le problème de façon
instantanée, puis'lue des prostituées vénitiennes furent accusées de s'être
travesties, et d'autres d'aVOir pratiqué le coït anal.[78] Trexler a ainsi de bonnes
raisons de croire que ces femmes ont finalement adopté les modes de séduction
et de jouissance que les hommes entretenalen~ entre eux:
Autrement dit, les prostituées florentines n'essayaient-elles pas, pour sédUire les Florentins et les détourner des hommes, de pratiquer avec eux les mêmes jeux que les homosexuels entre eux? [79]
26
L'existence d'une pratique homosexuelle assez répandue de même que la
présence dans certaines villes d'une "sous-cultureft donne à l'homosexualité en
Toscane au XVe siècle un aspect de modernité. Ce débat est fréquemment
soulevé, puisque la coupure épistémologique consacrée par Foucault semble alors
perdre de sa Justesse. C'est le sens d'une remarque de Stephen Murray, alors qu'II
commente les oeuvres de Michelangelo Buonarroti et Benedetto Varchi
It is not anachronistic to see that men (and presumably women, though they left fewer records) in the past sought to understand and justify homosexual desire, even if flfteenth- and sixteenth-century Italians may sound too "modern" to those catechlzed with the creation myths in a paragraph of Michel Foucault or an article of Mary Mclntosh.[80]
Les "Molly Houses" de l'Angleterre de la Renaissance fournissent un second
exemple de l'apparition de groupes homosexuels organisés. De nombreuses
arrestations y furent effectuées à la fm du XVIIe et au début du XVIIIe Siècle. Tout
comme Alan Bray le précise, cette "sous-culture" apparaît alors que la SOCiété
anglaise subit des transformations religieuses (multiplication des sectes) et
sociales (apparition des premiers ftworkhouses", modification de l'unité familiale
qui tend désormais vers le privé):
The appearance in England of a separate homosexual cultu re and a distinctive homosexual identity were part of that far-reachlng transformation which English society underwent ln the course of the seventeenth century, a transformation which played Its part ln making the world in which we now live. The figure of the homosexual, elther as we see it there in its first and early form among the molly houses or as it is now after more than two centuries of change, has never been a welcome part of the sOCiety, the atomised pluralistlc society, which gave rise to it. But It IS ItS reflection. [81]
Bien des variables dOivent encore être définies afin de parvenir à une
description cohérente des "sous-cultures· homosexuelles. Par exemple, il semble
que des rôles afférents à la sodomie se soient à l'occasion greffé~ à elle. Stephen
27
Murray rappelle que des cas soumis à l'Inquisition de Séville révèlent que les
sodomites adoptaient, tout comme certains "mollies", des attitudes efféminées:
( ... ) a quadrilla of elght men burned in 1585 were ail a part of an effemmate subculture (llke the mollies), rather than tradltionally masculine sodomites.[82]
La plupart des études dont nous avons jusqu'à maintenant fait état sont des
analyses historiques: elles traitent prinCipalement des villes de l'Italie du Nord et
de leurs archives judiciaires.
les relations identifiées répondent principalement à deux règles que James
Saslow définit dans un récent article. Après avoir constaté que les hommes
Impliqués dans les procès de sodomie à la Renaissance répondaient
habituellement à nos caracténques modernes de la bisexualité, il précise que le
modèle homosexuel généralement rencontré était celui de la pédérastie:
( ... ) homosexual activity occured mainly, though not exclusively, between adult men and boys or adolescents.[83]
l'affirmation permet de croire que le modèle antique survécut jusqu'à la
Renaissance. les relations (sexuelles, amoureuses, amicales) s'établissant entre les
hommes gardaient le plus souvent la teinte de la pédérastie, du rapport
initiatique. Mais ce type de liaison n'est pas l'apanage des couples homosexuels:
la femme, dans l'Antiquité et à la Renaissance, n'était-elle pas généralement plus
jeune que son époux et soumise à sa volonté?
Une autre hypothèse tirée de l'article de Sa slow nous permet cette fois-ci de
constater la spécificité du cas français par rapport à celui de l'Italie et de
l'Angleterre. la Renaissance italienne, avec des Michel-Ange, des Cellini, puis
l'anglaise avec Shakespeare, Marlowe et Barnfield, permettaient l'expression d'u ne
certaine "sensualité" homosexuelle. Ces hommes épns d'autres hommes
trouvèrent une aide précieuse dans les figures mythologiques de l'amour
pédérastique Uupiter et Ganymède, Apollon et Hyacinthe) ou dans les mythes et
1 28
descriptions naturels (androgyme et hermaphrodisme), éléments qUI s'tntègrent
au canevas de leurs oeuvres et entraînent la formation d'un noyau sémantique"
Ganymede and cmaedus, androgyne and hermaphrodIte, ail borrowed from antlquity, conflate effemlnacy, youthful androgyny, transvestism, and homosexuality tnto one constellation of gender transgressions; by Implication, passive men were a psychlc hybnd amounting ta a third gender.[84]
Nous croyons cependant que l'agglomérat s'est const.~ué très lentement, le plus
souvent au rythme des changements idéologiques. Rappelons simplement qu'il
était de bon ton, sous François 1 er, d'être représenté en androgyne, on ne pou rra
dire la même chose de Henri III!
Une problématique comparatiste surgit, celle du parallèle manquant:
pourquoi un semblable courant d'affirmation homosexuelle n'apparaît-II pas en
France? Bien entendu, on invoquera les juvenalla de Théodore de Bèze ou
certains poèmes équivoques de Marc Papillon de lasphnse, mais nous
démontrerons que ces eXêmples portent une charge d'ambiguïté non négligeable.
le Concile de Trente a certainement joué un rôle en fremant les ardeurs
incongrues. La Réforme, très tôt présente en France, agit avec une véhémence
encore plus grande. Réformés et catholiques s'affrontaient et s'accusaient
mutuellement des pires maux. la marge de manoeuvre de poètes ou d'éCrivains
~libertins· était restreinte; les motifs mythologiques se transmuèrent en symboles
religieux; que devinrent les figures de la pédérastie?
,
1
Chapitre V
HISTOIRE ET IMAGOLOGIE
Les interprétations historiques que nous avons choisies dans les précédents
chapitres n'ont pas respecté le cloisonnement des écoles. Nous avons tenté
d'harmoniser les pensées de ce que l'historiographie américaine identifie
maintenant comme les courants "nominalistes" (Social Constructionists) et
"réallstes" (Essentla/ists). Les "nominalistes" subirent prinCipalement l'influence
de Foucault:
These historians, influenced by Michel Foucault and led by Jeffrey Weeks and Jonathan Katz, are known as "social constructionists· because they argue that ail such sexual categories and identities are socially constructed and historically specific.[8S]
Les "réalistes" se regroupent autour de John Boswell:
But a number of critics challenge as "essentialist" one of the key premises of Boswell's inquiry: that a gay identity and gay people can be found throughout history.[86]
Le débat se situe au niveau de la conception des rôles individuels dans
l'univers et dans la société, et la manière dont ils influencent la création de nos
schèmes de pensée. Boswell explique la problématique a·'e.c plus de justesse:
00 categories eXlst because humans recognize real distinctions in the world around them, or are categories arbitrary conventions, simply names for things that have categorical force because humans agree to use them in certain ways?[87]
Notre intention n'est pas de résoudre une problématique qui, selon Boswell,
remonte jusqu'au platonisme. Trouver un terram d'entente n'est pourtant
peut-être pas irT'possible; les "modérés" acceptent déjà certams compromis:
Neither of these POSitions is usually held absolutely: most nominalists would be willing to admit that sorne aspects of
- 29 -
sexuality are present, and might be distmgUlshed. wlthout direction from society. And most realists are happy to admit that the same real phenomenon might be descnbed by vanous systems of categorizatlon, some more accu rate and helpful than ot"ers.[88]
30
Evidemment, le débat repose sur le statut de l'homosexualité et de la sexualité
dans l'histoire et dans notre monde contemporain. David Halpenn. par exemple.
rend l'histOire de la sexualité tributaire de questions sOCio-polltlques
Instead of concentrating our attention speCifically on the hlstory of sexuality, then, we need to define and refine a new, and radICal. historical sociology of psychology, and Intellectual discipline designed to analyze the cultural poetlCs of deslre, by whlCh 1 mean the processes whereby sexual desires are constructed. mass-produced, and distnbuted among the various members of human living-groups.[89]
Notre étude, si elle était purement historique, devrait probablement adopter
une méthodologie ou l'autre, peut-être dévier vers des questions qUi ne
participent pas à notre univers contemporain du "sexuel". Nous avons adopté une
autre voie; notre quête sera celle des mots: le sodomite, la sodomie, le
"berdache", l'hermaphrodite, le "bougre", la "bougrerle", le "bougeron". A ceUX-CI
s'ajouteront d'autres mots, une syntaxe de l'image. Les allusions auront en
commun une expression Hbloquée"--par la morale, la JUStice, l'écrlvam
(auto-)censuré--d'actes, de vices ou même de prodiges contre nature.
Nos lectures, qui comprenaient d'abord des oeuvres de tous les âges de la
Renaissance, se restreignirent peu à peu (dans leur plus grande partie) à la
seconde moitié du XVIe siècle. L'Automne de la Renaissance fut sans contredit
une période pendant laquelle les pressions morales transformèrent philosophie et
mentalités:
Le Concile de Trente a redonné vigueur au catholiCisme, nullement par un retour en arrière, mais en l'établissant dans la modernité par la netteté doctrinale et la fermeté disciplinaire. \1 a mis en garde contre toute compromission avec l'esprit du paganisme tout en préconisant un art à la mesure de la majesté diVine et d'aspirations temporelles à l'universalité ( ... ) [90]
31
la "netteté doctrinale" et la "fermeté disciplinaire" extirpèrent l'obscurité et
mirent à nu des réseaux anxiogènes que l'on s'empressa de déplacer, de refouler
ou de sublimer.
Charles Dejob note l'impact différent qu'eut le Concile sur les pays
catholiques. En Italie, par exemple, les ouvrages publiés furent fréquemment
victimes de la censure. En France, l'écrivain aurait lui-même dès lors pOr'ldéré ses
propos:
En France, au seizième siècle et au dix-septième, on n'a, pour ainsi dire. point publié d'éditions expurgées; ce sont les auteurs qui ont fini par épurer eux-mêmes leurs ouvrages.[911
En revanche, le Concile inspira la méfiance en territoire français et nous pouvons
présumer que cette attitude a ralenti l'introduction des réformes. les canons ne
furent d'ailleurs publiés dans leur intégrité qu'au dix-septième siècle, en 1615.
les rOIS, mais aussi l'église gallicane, y voyaient un moyen de diminuer leur
pouvoir.[92]
les allusions que nous allons maintenant analyser sont à la fois le prodUit
d'une volonté de savoir et de punir, et d'un attachement à un herméti~me
caractérisant la Renaissance française jusque vers 1630.[93] l'originalité de notre
démarche consiste donc à procéder en sens inverse du travail que nous avons
effectué jusqu'à maintenant, de façon à saisir les forces qui ont préludé à la
construction imaginaire et textuelle des représentations homosexuelles. Du mot,
de l'image aux regroupements et réseaux, l'imagologie nous reconduira à la
réalité historique en renouvelant notre connaissance des modes de mise en texte
et de mise en imaÇlinalre du sodomite et du "bougeron" à la Renaissance.
* * *
Aborder, en littéraire, un domaine revendiqué par l'hlstoirf.1 n'est pas chose
facile. Daniel-Henri rageaux pose ainsi les données de la problématique créée par
32
le côtoiement de la littérature, de l'histoire et de la sociologie dans le domaine
bien précis de l'analyse des Images de l'étranger:
l'historien, en effet, a annexé ce domaine, réservant au littéraire la mince question qtt'il était d'ailleurs le premier à revendiquer: celle de la Wtransposition littérairew de l'image, sans vouloir envisager--semble-t-il--Ies multiples implications historiques, sociales de ce phénomène.[94]
Il souhaite que des études littéraires s'intéressent de nouveau aux images de
culture. Cette science, qu'il présente sans imposer une méthodologie réductive, se
nomme l'imagologie. En voici la définition:
(n.) l'imagologie littéraire ou l'étude des images de culture, de la représentation de l'étranger et des images "affectives" véhICulées par la littérature et par toute autre expression culturelle.[9S]
Il ne faut pas perdre de vue que l'imagologie fut employée pour l'étude de textes
modernes. Peut-on ainsi la transposer à des oeuvres de la Renaissance? la
définition de l'image nous permettra sans doute de le découvrir:
la notion d'image, des plus vagues, appelle une définition ou une hypothèse de travail. Celle-ci pourrait être ainsi formulée: toute image procède d'une prise de conscience, si minime soit-elle, d'un Je par rapport à l'Autre, d'un Ici par rapport à un Ailleurs.[96]
Evidemment, dans nos recherches, la question du Je et de l'Autre se conçoit mOins
comme une différence culturelle qu'en tant que processus de différenCiation.
l'image du sodomite et du "bougreH est créée, puis investie d'une altérité.
D'ailleurs, les lexèmes employés rappellent une appartenance à un autre monde
Sodome, l'hérésie bulgare. Dans le cas du "bardache" ou "berdache", le mot
proviendrait de l'italien #;ardassa, signifiant jeune garçon. l'origine anCIenne
serait persane, du mot esclave que l'on disait: Dardaj.[97] Une deuxième langue
prend la relève et coordonne les paradigmes:
l'image de l'Autre apparaît comme une langue seconde, parallèle à la langue que Je parle, coexistant avec elle, la doublant en quelque sorte, pour dire autre chose.[98]
-
33
La question de :'altérité doit être examinée avec soin. L'Alatre, à la
Renaissance, ne peut se définir à l'aide de paramètres semblables à ceux que nous
connaissons. Par exemple, selon Colette Guillaumin, l'univers fut longtemps
considéré comme unique, lié au salut. Les exclus ne '.:onstituaient pas d'entité
propre, gravitaient en attente d'être un jour intégrés:
Lorsqu'au 11 e siècle on discutait de savoir si les femmes possèdent une âme et au lGe de la possibilité de baptiser les Indiens, ces discussions étaient interrogatives, la question portait sur l'intégration (ou non) dans l'humanité définie comme univers du Salut.[99]
En fait, le modèle d'appréhension de l'Autre se constituait. Pensons
simplement à la Réforme, vaste mouvement de protestation religieusp qui ne put
finalement être réintégré au sein de l'église romaine; aux heurts de la Chrétienté
avec le monde musulman depuis la prise de Constantinople; et à la découverte
troublante que fut celle de l'Amérique:
Si Je problème turc avec les crises politiques et morales qu'il a suscitées du XVe au début du XVIIe siècle, peut être considéré comme un élément fondamental d'une certaine prise et d'une certaine cY/se de conscience européenne ( ... ) la découverte du Nouveau Monde, ou plutôt les effets à retardement de cette découverte. constituent dans la seconde moitié, et même dans les dernières décennies du XVIe siècle, comme une sorte de révélateur ou la caisse de résonance d'une certaine idée ou d'une certaine image de l'Europe.[ 1 00]
La résonance, si l'on veut, ne se propagera pas sans dissonances, puisque l'on
refusera, en un premier temps, l'inéluctable découverte:
Toute l'histoire de la découverte de l'Amérique, premier épisode de la conquête, est frappée de cette ambiguïté: l'altérité humaine est à la fois révélée et refusée.[1 01]
Nous croyons que les images du sodomite, du "bougre" et du "berdache"
partICiperont au processus de cristallisation de l'altérité. Ce n'est finalement
peut-être pas un hasard si les récits de voyages en Orient et en Amérique sont des
sources d'allusions. Les polémiques religieuses serviront vraisemblablement de
1
------- ------------------------------------
34
laboratoire continental à des entreprises d'identificatIon par oPPosItion, et les
tensions déjà identifiées entre un hermétIsme traditionnel et une nouvelle volonté
de savoir favoriseront la polyphonie. Les images ainSI formées seront vanées, et
ne correspondront pas nécessairement à une même typologIe d'ensemble. Notre
méthode nous permet de pailler ces difficultés, sans perdre de vue l'image de J'Un
qui se profile en retraIt du système:
( ... ) mais l'image de l'Autre véhicule aussi une certame image de moi-même. [ 1 02J
L'imagologie ne dOIt pas être utilisée afin de produIre une image "moyenne".
S'il ya lieu. elle doit plutôt exprimer la multiplicité:
Or il n'est pas question de rechercher une image "moyenne" de l'étranger, à égale distance de toutes les sénes de stéréotypes. Au contraire, l'Imagologle doit aboutir, selon nous, à l'IdentIfication d'images qui coexistent dans une même littérature, dans une même cultu re, [103]
Dans un article publié en 1988, Daniel-Henri pageaux démontre comment
s'élabore une étude en imagologie. Les mots servent à concevOIr la premlere
élaboration de réseaux:
Comme élément premier, constitutIf de l'image, nous identifIOns un stock, plus ou moins large, de mots qUI, à une époque et dans une culture données, permettent la diffusion immédiate d'une Image de l'Autre. Ces mots. mais aussi, dans des textes, ces constellatIons verbales, ces champs lexicaux composent l'arsenal notionnel, mais aussi affectif (mots-clés, mots-fantasmes), en principe commun à l'écrivain et au public lecteur, grâce auquel Il est possible de dIre l'Autre. [104]
Pour les textes de la Renaissance, le repérage de l'affect ou de mots-clés n'est pas
un exercice des plus faciles. L'histOIre de la critIque du texte rabelaisien n'est
qu'un exemple des imbroglios où peuvent nous condUIre l'étude de cultures et de
sociétés maintenant devenues étrangères à nos yeux.
L'imaginaire a alors la forme d'un répertOIre, d'un lexique, d'un dictionnaIre
en images:
, ( ... ) c'est l'outillage notionnel. affectif d'une ou générations, d'une classe sociale ou commun à composantes socio-culturelles.[ 1 OS]
plusieurs plusieurs
35
Des processus de sémantisation correspondent aux unités ou réseaux
lexicaux. Un ensemble restreint et univoque de sèmes forme un stéréotype; et
Dans le cas des mots-fantasmes. les sèmes virtuels sont. si l'on peut dire. plus nombreux, d'effets plus complexes, dessinant des champs sémiques plus larges ( ... ) [ 1 06]
pageaux identifie des champs dans lesquels l'image puise les données de la
hiérarchisation entre culture regardante et culture regardée:
( ... ) le cadre spatio-temporel. le corps de l'Autre, le système de valeurs de l'Autre. les manifestations de sa culture, au sens anthropologique (religion, cuisine, vêtement, musique ... ).[ 1 07]
Une "pensée mythique" valorise, isole ou condamne certains lieux. la frontière
entre le Je et l'Autre doit également attirer notre attention.
Trois "types fondamentaux de relations hiérarchisées· se coordonnent: la
phobie, la manie et la philie. lorsque l'énonciation s'effectue, la "mise en texte",
elles développent des "effets de sens" dans trois systèmes:
( ... ) dans le système de l'adjectivation (hiérarchisation qualifiante). dans le système des comparaisons, des équivalences ou des antonymes et dans le champ des paraphrases explicatives (par exemple des mots et réalités dites intraduisibles, à travers des notes explicatives). [108]
Nous travaillons alors avec des anthologies d'images, des représentations
hiérarchisées. l'image pourra subir de nouvelles transformations et devenir un
scénario:
A partir de mots et de relations hiérarchisées, l'image va se développer en thèmes, en scènes. dans le sens narratif et dramaturgique du terme. l'image va devenir un scénario, une suite de scènes dont l'ensemble peut se confondre avec le texte imagologique dans sa totalité.[ 109]
la dernière étape de la transformation sera la bibliothèque, la:
( ... ) réserve d'une mémoire collective dont les contours tendent à se superposer à l'espace national ( ... ) [110]
1 36
Evidemment, nos textes appartenant à une autre époque, c'est vers l'histoire
d'une mémoire collective que nous nous acheminons.
L'intertextuallté joue un rôle important dans la compréhension des textes,
non seulement quant à leur Wfonctionnement interne", mais également quant à la
justification des emplois. L'image de l'Autre a une raison d'être:
( ... ) le texte imagologique sert à quelque chose dans et pour la SOCiété dont il est l'expression fugitive et parcellaire, c'est que l'image de l'Autre sert à écrire, à penser, à rêver Qutrement.[ Ill]
Bref, l'imagologie nous fait pénétrer dans l'envers du décor, au centre des
parcours idéologiques, au coeur de l'histoire "totalew:
Il ne suffira donc pas d'étudier le fonctionnement de l'Imaginaire (ou de l'image) mais sa fonction SOCiale, culturelle. Il ne suffira pas d'étudier la mise en texte de l'image; il faudra aussI comprendre la mise en imaginaire de l'image: la formule n'a rien de tautologique, nous pensons l'avoir montré.[l12]
* * * * *
l'imagologie comporte donc un cheminement méthodologique nous
permettant de constituer un répertoire d'images qUi, dans quelques cas, sera
assez élaboré pour laisser entrevoir des réseaux hiérarchisés, sinon un scénario.
En conclusion, nous comparerons nos résultats de façon à saiSir la logique de la
mise en imaginaire des allusions, d'établir les caractéristiques de la mémOire ainSI
constituée, le tout en regard des données historiques.
les textes que nous avons choisis ont été écrits à une époque où la
dialectique de l'Autre prenait forme peu à peu. L'utilisation de l'imagologie ne
pourra cependant être pleinement justifiée qu'en gardant à l'esprit l'UniVOCIté
pOSSible et le caractère de chaque oeuvre.
Finalement, il s'agit moins pour nous d'appliquer rigoureusement une
méthode d'analyse des images, que de nous en Inspirer autant que nous le
permettent les genres que nous aborderons. Nous respectons ainsi la nature
propre de la littérature de la Renaissance et les souhaits de Daniel-Henri Pageaux.
{
Partie 2
LE DISCOURS OFFICIEL
r
- 37 -
Chapitre VI
INTRODUCTION
Nous avons regroupé, dans la seconde partie, des oeuvres qui nous révéleront
la façon dont la sodomie était perçue dans le discours officiel de l'Eglise et de
l'Etat. Il faut entendre par là une suite d'affirmations morales et jUridiques qui ne
reflètent pas nécessairement la réalité ou les mentalités. Leur analyse est
cependant primordiale; il est indispensable de connaître la structure discurSive
qui avait pour but d'imposer le ton et de transformer les mentalités et la
mémoire.
- 38 -
1
Chapitre VII
LES PRESCRIPTIONS RELIGIEUSES
Deux groupes de textes vont d'abord retenir notre attention: les traductions
de la Bible et la Vulgate, puis des Manuels de confession. Ces écrits, qui partagent
des vertus didactiques, visent à instruire le clergé (du côté des catholiques) et les
fidèles (chez les réformés).
l'interprétation des passages bibliques relatifs à l'homosexualité s'avère
encore aUjourd'hui laborieuse. Afin de donner une certaine consistance à notre
analyse, nous avons respecté un choix de versets traitant clairement de
l'homosexualité et effectué par Tom Horner dans Homosexua!ity and the
Judeo-Chrtstlan Tyadition.[113] Nous avons néanmoins ajouté deux passages de
l'Apocalypse, dont l'interprétation est controversée, mais qui nous apparaissaient
révélateurs.
l'écho intratextuel et intertextuel de Sodome et Gomorrhe n'est plus à
discuter. la traduction des demandes des Sodomites, dans les diverses Bibles que
nous avons consultées [114] est semblable; il s'agit de connaître les hommes
étrangers (cognoscamus, cognoissons, cognoissions). Paradoxalement, donc, il ya
peu à dire sur les variations, le sens de "cognoistre" étant bien entendu demeuré,
depuis le XVIe siècle, propice à bien des interprétations. la persistance avec
laquelle l'épisode réapparait dans l'Ancien, le Nouveau Testament, et dans la
tradition occidentale est surprenante. Ce phénomène ne peut s'expliquer en
quelques lignes. Est-ce l'ampleur du châtiment qui a frappé l'esprit? Que cache
donc cette interdiction qui ne peut être outrepassée sans provoquer le
- 39 -
1 40
déchaînement des forces naturelles? Les moralistes ont fréquemment considéré
les catastrophes de l'Ancien Testament comme l'expression de l'horreur du péché
de luxure.
L'exégèse biblique éclaire ce raisonnement: la Bible de Jérusalem indique en
marge de Genèse 19, 1:
Ce châtiment, suite du récit précédent, cf. 18, l, montre le pouvoir universel de Yahvé et ses exigences morales.[115]
Le récit précédent, c'est Dieu répondant aux interrogations d'Abraham: le salut
des justes vivant parmi les infidèles est assuré. Voici à nouveau un commentaire
de la Bible de Jérusalem:
Les réponses de Yahvé sanctionnent le rôle sauveur des saints dans le monde.[116]
Loth, prévenu, put effectivement fuir à temps. Le peuple dOit entendre la parole
du prophète afin de préserver son élection et son existence au sein de la création.
Faut-il encore s'étonner qu'une telle promesse ait provoqué un intérêt aussI
grand?
Plusieurs passages de la Bible rappellent ces versets, dont Juges 19, 22-30 au
sein d'une des tribus d'Israël, celle de Benjamin, émerge l'abomination qUI
provoquera son extermination presque entière. La traduction moderne de la Bible
de Jérusalem opte pour le terme connaître, tout comme la Bible protestante de
1560. En revanche, l'édition de 1530 et les Vulgates emploient les mots "abusons,
abusions, abutamurw•
Les textes néo-testamentaires font également écho à l'histoire des villes de la
plaine, notamment dans Il Pierre 2, 4-8 et Jude 7. Peu de modifications aux
passages originels peuvent être isolés. AinSI, les Bibles françaises Indiqueront. en
Jude 7, que "( ... ) comme Sodome et Gomorre et les CItez VOISines lesquelles
semblablement faisoyent fornication et alloyent apres autre chair ( ... )"[ 1 17) et
J
41
"( ... ) lesquelles ayans paillarde en pareille maniere qu'eu lx, et sestans desbordees
apres autre chair ( ... )";[ 118] quant à la version latine, les éditions de 1540 et de
1609 concordent: ·Slcut Sodoma & Comorrha, & finitimae Clvltates simili modo
exfornlcatae, & abeu ntes post carnem alteram ( ... )". [1 19] la marge de sens,
d'exformcatae à fornication et paillarde ne nous parait pas vraiment significative
et s'estompe plutôt devant la crainte du châtiment et l'horreur de pratiques
"abeuntes post carnem alteram".
D'autres allusions bibliques à des comportements homosexuels décrivent des
pratiques religieuses ou sociales peu connues: les versets du chapitre vmgt-trois
du Deutéronome en sont un bon exemple. Cette fois-ci, les versions latines de
saint Jérôme (1540) et la Vulgate tridentine (1609) sont plus précises que les
traductions françaises: l'édition de 1540 porte d'ailleurs le commentaire suivant
en marge: "Meretrix et scortator. merces prostibuli". le passage se lit comme suit:
Non erit meretrix de filiabus Israel, nec scortator de fi/ijs Israel. Non offeres mercedem prostibuli, nec pretium canis in modo domini dei tui, quicquid iIIud est quod voverint: qUia abominatio est utrumque apud dominum deum tuum.[ 120]
"Meretrix· ne laisse aucun doute quant à son sens. En revanche, "scortator"
n'implique pas nécessairement des relations sexuelles entre hommes. le
commentaire de la Bible de Jérusalem (qUi traduit d'ailleurs ce passage par: "il n'y
aura pas de prostituée sacrée parmi les filles d'Israel" [121]) indique que ce
passage fait allusion à la prostitution sacrée des deux sexes dans les cultes
cananéens. les traductions françaises de l'époque adoptent une version encore
plus ambiguë, répétant simplement le terme paillard:
Entre les filles d'Israel qu'il n'y ait aucune paillarde, ni entre les fils d'Israel aucun paillard.( 122]
le verset suivant offre des précisions, substituant l'allégorie "chien" aux paillards:
Tu n'apporteras point en la maison du Seigneur ton Dieu pour aucun voeu le loyer de la paillarde, ne le pris d'un chien: car ces deux choses sont pareillement abomination devant le Seigneur ton Dieu.[ 123]
1
•
42
Si nous avons choisi la Bible des réformés afin d'illustrer des traductions qUI sont
à peu près conformes pour toutes les Bibles françaises de notre corpus, c'est
qu'une note margmale révèle que les rédacteurs connaissaient parfaitement le
sens véritable de ce passage. Notons, de plus, que cette version fut révisée par
Calvin:
Paillard. Ce mot emporte crime plus enorme que paillardise commune, a scavoir Sodomie.[ 124]
Une autre divergence de traduction nous parait révélatrice. Il s'agit cette fOIs
d'un choix lexical dans quatre passages des livres des Rois: 1 Rois (14, 24), 1 Rois
(15, 12), 1 Rois (22, 46), et Il Rois (2" 7). Dans les quatre cas, le statut des
prostitués sacrés est abordé[ 125]' leur présence sous le règne de Roboam
(931-913), pUIS leur disparition progressive pendant les règnes d'Asa en Juda
(911-870), de Josaphat en Juda (870-848) et de Josias (640-609). Les deux Bibles
utilisent les termes "crÇoeminatl" et "effeminatl' dans chaque cas. Les Sam tes
Bibles françaises traduisent par "effeminez". Pourtant, la Bible réformée emplOie
le terme "sodomltes". Nous pourrions ainSI croire qu'une équivalence entre
paillards, efféminés et sodomites existait à la Renaissance: Calvin connaissait
probablement la version de saint Jérôme, et le chOIX de "sodomlte" signifie
peut-être moins un déplacement de sens qu'une dénonciation dlffér .!nte d'un
même phénomène: les hommes efféminés et les sodomites. D'ailleu rs, la
remarque des réformés dans Deutéronome 23 laissait présager la connaissance
d'un modèle de prostitution masculine où comportement sodomite et
efféminement sont conjugués. Les catholiques optent, dans Job 36, 14, pou r
"effemmez" alors que les protestants indiquent ·paillards·.
Le Nouveau Testament livre des écarts mOins marqués entre les traductions
des deux confessions. Quelques passages retiennent notre attention: Romains "
26-27, 1 COrinthiens 6, 9-10, 1 Timothée 1, 8-10 et les deux versets de
l'Apocalypse: 21, 8 et 22, 1 5.
43
L'épître aux RomaIns varie peu d'une édition à l'autre, mais décrit de façon
précise les péchés contre nature. Saint Paul attribue à la femme une
responsabilité certaine face à l'apparition du vice. Voici d'abord la version de la
Vulgate; le texte post-tridentin ne comportera pas de variations:
Propterea tradidlt iIIos deus in passiones ignominiae. Nam foeminae eorum immutaverunt naturalem usum, in eum usum qui est contra naturam. Similiter autem & masculi, rel!cto naturali usu foeminae, exarserunt in desideriis suis in invicem, masculi in masculos turpitudinem operantes, & mercedem, quam oportuit, erroris SUI ln semetipsis recipientes.[ 126]
Dans la Sainte Bible de 1530, c'est une traduction à peu près littérale qui est
adoptée:
Pour ces choses Dieu les a permys tumber en affections de infamete: car leurs femmes ont change lusage naturel en usage contre nature. Semblablement les mas les delaissans le naturel usage de la femme ont este embrasez en leurs desirs lung de l'autre faisans masle avec mas le chose infame et recevans en eulx mesme le salaire que par leur erreur il leur appartenoit.[127]
La Bible publiée par Robert Estienne et la Vulgate précisent la nature du désir,
le repoussant définitivement du côté de la jouissance charnelle:
A cause dequoy, Dieu les a abandonnez à leurs affections vilemes: car mes mes leurs femmes ont changé l'usage naturel en celuy qui est contre nature. Et semblablement aussi les masles, delaissans le naturel usage de la femme, se sont eschauffez en leur concupiscense l'un envers l'autre, faisans masle avec masle choses Infames, recevans en eux mesmes la recompense de leur erreur telle qu'II faloit.[ 128]
Nous avons déjà insisté sur l'importance des passages de saint Paul (1 Cor 6,
9-10 et 1 Tim l, 9-10) [129] qui furent ni plus ni moins à l'origine de cet aspect de
la morale chrétienne. Les termes choisis pour les traductions peuvent être
regroupés. Dans la Saincte Bible de 1530, (ornicarii devient "fornicateurs"; molles,
"voluptueux"; et masculorum concuhitores, "bouguerons". La Bible réformée et la
Vulgate de 161 3 s'en tiendront à la même traduction: formcarit devient "paillars"
ou "paillards"; molles, "effeminez"; et masculorum concubitores, "bougres". Le
44
terme molles (dont Philippe Ariès, soulignait l'impréCIsion) garde l'écart de
traduction le plus significatif: de "voluptueux" à "effeminez", le comportement
stigmatisé se déplace légèrement vers la sphère des attitudes féminines. Hasard7
Simple reflet des idées du temps? L'entité masculorum concub/tores ne subit
cependant aucun déplacement de sens, d'une traduction à l'autre, étant rangée
sous l'étiquette de la "bougrerie".
D'autres passages bibliques pourraient bien entendu être ajoutés à ceux que
nous avons analysés. Horner note en fait près de vingt allusions qUI sont
incertaines. Nous pouvons néanmoins déjà constater que les exégètes de la
Renaissance--et même les lecteurs réformés--connalssalent assez bien
l'organisation sociale des tribus d'Israel pour ne pas Ignorer l'existence de
prostitués sacrés. L'Image pouvait servir de référence et être réinvestie.
L'agglomérat sodomite-paillard-efféminé identifié dans les versets de l'AnCien
Testament laisse évidemment perplexe quant à l'interchangeabilité des
signifiants. L'épistémè du Nouveau Testament donne raison à Paul Ariès, et le
"bougre" occupe une place à part, laissant les "voluptueux" et les "effémlnés" du
côté des molles.
Ainsi, les écrits sacrés nous offrent une facette de l'Image du sodomite que
livrait le discours religieux. A la Renaissance, les curés et les fidèles étaient aussI
instruits par d'autres moyens: les Pénitentiels, d'origine médiévale mais dont les
exemplaires furent publiés bien avant dans le Siècle. Des manuels et des
catéchismes s'ajoutèrent par la sUite.
***
L'étude des Pénitentiels, des Confessionnels et des Manuels de confessIOn ne
pourrait s'effectuer sans dire quelques mots de la Somme thé%ç/que de saint
Thomas d'AqUin. Dans l'article 11 de la question 1 54, Il définit le "vice contre
nature" comme un type de luxure, lorsque l'acte sexuel est Indécent·
1 Alio modo, qUIa etiam super hoc repugnat ipsi ordini naturali venerei actus qui convenit humanae speciei; quod diCitur vitium contra naturam.[ 130]
Ce vice peut adopter plusieurs formes:
Uno qUldem modo, si absque omni concubitu causa delectationis venereae pollutio procuretur; quod pertmet ad peccatum immundltiae, quam qUidam molitiem vocant. Alio modo, si fiat per concubitum ad rem non eiusdem speciei; quod vocatur bestialitas. Tertio, si fiat per concubitum ad non debitum sexum, puta masculi ad masculum vel feminae ad feminam, ut Apostolus dicit, Ad Rom. 1 26: quod dicitur sodomiticum vitium. Quarto, si non servetur naturalis modus concumbendi: aut quantum ad instrumentum non debitum; aut quantum ad alios monstruosos et bestiales concumbendi modos.[ 131]
Ces comportements sont associés à une jouissance non procréative:
Dicendum quod luxuriosus non intendit generationem humanam, sed delectationem veneream; quam potest aliquis experiri sine actibus ex qUlbus sequitur humana generatio. Et hoc est quod quaentur m vitio contra natilram.[132]
45
Mais, en fait, c'est l'acte accompli contre l'ordre de la nature qui est le plus grave:
c'est alors Dieu même qu'on offense:
Dicendum quod sicut ordo rationis rectae est ab homine, ita ordo naturae est ab ipso Deo. Et ideo in peccatis contra naturam, in qUlbus Ipse ordo naturae violatur, fit injuria ipsi Deo, Ordinaton naturae.[ 133]
Le péché contre nature est ainsi clairement défini en opposition directe avec Dieu,
ne laissant que peu de moyens d'échapper au châtiment du créateu r. Dès le
Moyen Age, le dogme attribuait donc vraiment à Sodome le pouvoir de mettre en
péril l'ordre naturel, d'entraîner des bouleversements cosmiques. Plus qu'une
simple supertition, Sodome devient le symbole inversé de l'ordre, de la paix et de
la prospérité des Cités, au-delà des lois conventuelles des hommes.[ 134] Saint
Augustin mettait déjà en garde, dans ses Confessions, contre la tentation de ne
voir dans ces pratiques qu'une question de coutume, car la loi de Dieu interdit à
Jamais leur tolérance:
( ... ) qualia Sodomitarum fuerunt. Quae si omnes gentes facerent, eodem cnmmis reatu dlvina lege tenerentur, quae non sic fecit
homines, ut hoc se uterentur modo. ( ... ) Cum autem deus aliqUid contra morem aut pactum quorumllbet lubet, etsi numquam Ibl factum est, faciendum est, et si omissum, instaurandum, et SI institutum non erat, instituendum est.[ 135]
46
Thomas d'Aquin classe les vices contre nature par ordre d'importance, et la
relation à l'espèce et au sexe doit pnmordialement être respectée. SI l'mdlce de
gravité est considéré, la bestialité vient au premier rang, "(, .. ) qUia non servatur
debita species.~[ 136] suivie du "vltium sodomltlcum", "( ... ) cum ibi non servetur
debitus sexus.n[ 137] et. finalement, de l'union sexuelle qui n'est pas pratiquée de
la façon qui convient. "Post hoc autem est peccatum ex eo quod non servatur
debitus modus concumbendi~.[ 138]
les théologiens du Moyen Age s'appliquaient, dans leu r descnption des
péchés, à montrer des gradations, les degrés de la déchéance de l'homme. Cette
codification atteint un paroxysme dans les Pénitentiels.
C'est au sixième siècle qu'apparurent les premiers Pénitentiels, issus des
usages de la vie monastique et de la justice séculière. [139] Ils traverseront une
période pendant laquelle subsistent plusieurs types de confession: la pénitence
publique solennelle, le pèlerinage pénitentiel et la pénitence privée.[ 140] Le
Pénitentiel demeurera un livre réservé au clergé ou aux clercs qUI dOivent en faire
usage pour leur ministère; il est source de danger pour l'indiVidu non avertI'
Tous les clercs ne doivent pas avoir entre les mains les pénitentiels ou les lire quand ils les trouvent. Ces livrets sont réservés à ceux qui en ont besoin pour leur ministère, à savoir les évêques et les prêtres.[ 141]
Dans son ouvrage Sex and the Pemtentials. The Development of a Sexual Code
550-1150,[ 142] Pierre J. Payer isole des constantes dans les allusions aux
pratiques sexuelles. La sodomie déSigne un type particulier d'activité
homosexuelle, la plus condamnable'
'Homosexual' is not a proper translation of sodomlta slnce the penitentials seem to be careful to differentlate these from men engaged in other forms of 'homosexual practlce'. Sodomy 15 a
specifie form ot activity and those engaged in it are sodomists; the 'sodomitic practlce' invariably receives a heavier penance. Alternate expressions will also be used by the penitentials to connote this behaviour.[143]
47
En appendice à son livre, Payer présente un répertoire des mentions pouvant
être alors reliées à l'homosexualité:
-general references to males relating sexually with males.
-specifie mention of sodomites ( ... )
-references to relations ln terga (n.) [Payer hésite à donner une définition de cet emploi: ce serait un usage ancien ou une façon de décrire des pratiques sodomites chez les jeunes]
-references to femoral relations
-references to mutual masturbation
-references to oral sexual relations
-references to young boys
-references to a form of forced relations in which a younger boy is 'oppressed' by an older youth
-the singling out of the sexual relations of natural brothers.[ 144]
les remarques varient également selon le statut des individus impliqués: évêques,
prêtres, moines, jeunes, etc. [ 145] Finalement, avec les années, un alourdissement
progressif des peines :ie produit.
le début du XVe siècle marque un nouvel élan de la production des Manuels
de confession. Cette génération d'ouvrages est caractérisée par l'allongement et
une plus grande complexité des examens de conscience.[146] leur popularité se
prolongera jusqu'au XVIe siècle.
Jean Gerson est l'auteur de Pénitentiels dont la publication s'est poursuivie
jusqu'au XVIe siècle. Nous avons d'ailleurs retrouvé, à la Bibliothèque Nationale de
Paris, trois de ses oeuvres traitant de la confession. D'abord, un Traicte des dix
commendemens daté de 1492; puis, un Confessional appele le directoire des
1 48
confesseurs imprimé à Poitiers, sans date, mais dont les (aractères gothiques
laissent croire à un ouvrage de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle.
finalement, une oeuvre de 1557, publiée à Paris et intitulée L'InstructIOn des
curez.
Mainte~ constantes apparaissent dans ces t.rois recueils· descriptions des
péchés et de leurs causes, directives aux confesseurs et remèdes devant
combattre les vices. L'ouvrage de 1492 diffère quelque peu dans sa composition
première, car il traite systématiquement des commandements. C'est au septième
que la question de la luxure est abordée. Gerson indique également l'existence de
degrés dans la gravité des actes qUI ont tous pour conséquence d'empêcher la
procréation et favoriser la jouissance:
Et de tant pis est comme on va plus hors de lordonnance naturelle. soit hors mariage soit (qui pis est) dedens mariage erl touchant soy ou aultres personnes ou bestes par villaine plaisance et honteuse: et par especial se cest pou r lesmouvement ou lacomphssement de lordre delectation qui se dit molesse ou pollucion. [147)
Notons avant tout l'emploi de termes vagues tels "molesse" ou "pollucion", qui
laissent présager des actes abommables sans toutefOIs en révéler la nature exacte,
mais également la parenthèse qui vise les couples plutôt que les comportements
(d'adolescents) isolés.
Le danger de certains vices est souligné l'OISiveté, l'Ivrognerie, la
gourmandise, l'exemple donné par de mauvaises compagnies ou même par les
nourrices et les parents.[ 148] La pureté du sentiment f.ltal et la croyance en la
possibilité de préserver l'innocence des jeunes gens sont des impératifs, car le
spectre du péché de Sodome se profile à l'horizon:
Pour ce peche principalement fut jadiS fait le deluge et Sodome et gomorre furent confondues du feu du CIel et descendirent les habitans ditz en enfer. Et pour ce peche que crie a Dieu vengence viennent famines guerres mortalites perdiClons de royaulmes et autres pestilences selon lescripture.[ 149]
l 49
Comment doit être combattu ce péché? Il faut vivre sobrement, s'éloigner des
mauvaises compagnies, de l'oisiveté, rejeter hors de soi les pensées
mauvalses.( 150]
le Confessional, publié à Poitiers, enseigne aux prêtres la façon adéquate de
questionner les fidèles lors de la confession; les termes latins sont employés afm
de décrire le~ péchés "secrets":
l'autre pechie est peche secret qui sentent en deulx maneres. La premiere SI est quon pourroit demander Jay fait mon peche secret sans faire tort a nulz ne sans grever mon proesme men doige confesser. Je te respons que ce peche que tu as fait secret sans faire tort et faire desplaisir a nully fors que a toy tu ten dois confesser Et sont aucuneffoys des gnefz pi chez qui sont reservez a levesque Comme de peccato mohcier qui se fait secretement De peccato contra humanam naturam De pollucionibus nocturnalibus et sic de aliis. ( 1 5 J]
La vengeance de Dieu contre les sodomites est une fois de plus citée:
De la multitude des pechiez jen treuve quatre manieres de pechie qui demandent et crient vengeance devant Dieu comme il appert par ces vers. Unde versus Clamans ante deù vox et sanguis Sodomorum vox oppressorum. Et vox detenta laborum.[152]
La nature du deuxième péché est précisée:
le segond peche qui requiert vengeance a Dieu ce st le pechie contre nature ou Il met en vers Sodomorum. Et de cecy avons figu re en la bible ou il met que les cincq cites fondirent de lorreur de ce lui peche.[153]
Dans L'Instruction des curez, dont la date de l'édition consultée est 1552, les
descriptions sont plus élaborées, les images ajustées au goût de l'époque:
Pour ce detestable peché fut jadis le monde noyé, et consommé par deluge universel, et cinq citez, comme Sodome et Gomorre et autre~, bruslées par feu du ciel, tellement que les manans et habitans d'icelles descendirent tous vivans en enfer. Par ce mes me peché (qui crie vengeance à dieu) souvent viennent famines, guerres, pestes, mortalitez, inundations d'eau es, trahisons et perditions de royaumes, et autres plUSieurs meschefz: comme les escflptures tesmOignent.[154j
Une seconde partie de cet ouvrage didactique traite en bonne et due forme de
l'examen de conscience. Voici comment doit être exploré l'univers du charnel:
1
f
Si tu as eu compagnie charnelle d'autruy. Et SOit entendu de quelle qualité ou condition est la personne: Ou mariée, ou vesve, ou vierge, ou de ton lignage et affinité, et en quel degré. Ou religieuse, ou constituée es sainctz ordres. Ou si c'est par son consentem~nt ou par ta contraincte. Ou d'un mesme sexe avecques toy ou autrement, et comment.[155]
50
Les Pénitentiels marquent le terme d'une tradition, [156] et la Peccatls
Summula de Cajetan en est un dernier exemple. Nous avons consulté trois
éditions de cette Somme de péchés, datés de 1526, 1538 et 1613. Ces troiS
éditions reprennent la même forme de présentation, répertoriant les péchés en
ordre alphabétique. Les articles ·Sodomla·, "Mollities· et "Interrogatlones
confessionis (Sextum praeceptum)" sont identiques, à l'exception d'un
'Summarium" qui est ajouté dans l'édition de 1613 en tête de chaque entrée.
Dans ce traité, la définition de la sodomie s'effectue en s'attachant aux
partenaires et au type de copulation:
Sodomia qua contra naturam venerea exercentur (vel dum commiscentur persone eiusdem sexus: puta mares Interse, aut mulieres interse. vel dum commiscentur mas & mulier, sed non ln loco naturali, aut consummando innaturaliter) peccatum gravissimum est.[IS?]
La notion de sodomie ne recouvre donc pas encore exclusivement le péché
commis entre hommes Oeunes garçons), mais également l'acte sexuel entre deux
femmes, et entre un homme et une femme.
A l'article "mollities', le "Summarium H de l'édition de 1613 s'énonce comme
suit:
Mollities quatenus signiflCat vlcium oppositum perseverantia, SI per eam incuritur aliqUid saluti contranum, est p.m. alias veniale. Prout autem significat speciem luxuria contra naturam; patet eam ad mortaha peccata pertinere.[ 158]
Donc, à l'époque, sous un même signifiant, deux contenus lexicaux se côtOient,
tout en nécessitant des définitions différentes.
1 51
les Pénitentiels de la seconde partie du XVIe siècle, selon Terence Cave,
remplissent un objectif de propagande qui expliquerait le souffle nouveau donné
à de telles oeuvres. les rites de la confession étant rejetés par les réformés, ils
deviennent l'une des bases sur laquelle les fidèles à Rome s'appuient afin de
consolider leur église renouvelée.[ 159] Des ouvrages étrangers, comme la Guia de
peccadores de louis de Grenade, acquièrent aussi une certaine popularité.
Dans l'édition de 1609 de cette Grande Guide des pecheurs, traduite par Paul
du Mont, nous n'avons pas retrouvé d'allusions directes à la sodomie ou aux actes
contre nature. Cependant, la luxure et ses effets y sont décrits avec une
rhétonque de l'hyperbole:
luxure est un appetit desordonné. de sales et deshonnestes plaisirs. ( ... ) ce vice ne souille pas seulement l'ame ( ... ) mais soüille le corps pareillement, auquel comme dans un sacré reliquaire est mis en depost ce tressacré corps de lesus Christ ( ... ) Considere ( ... ) comme ce mal chatoüilleux et pestilentieux, traine quant et soy une grande multitude d'autres pechez ( .•• ) Outre cela, il debilité les forces, et amortit la beauté: il oste la bonne disposition, et endommage la santé, se terminant et finissant en infinies maladies, lesquelles sont fort laides et sales. [160]
Par une remarque anatomique, l'auteur démontre la cause de l'insatiabilité des
désirs "paillards":
Car il n'y a bien de si grande importance, ny thresor si grand, que la paillardise ne consomme et n'espuise en peu de temps. Car l'estomac et les parties honteuses sont compagnes et voisines, elles s'entr'aident l'une et l'autre et se conforment en vices. [1 61]
Quant aux remèdes suggérés afin de contrer la luxure et la paillardise, ils sont
semblables à ceux que nous avons jusqu'à maintenant rencontrés: éprouver les
bons désirs qui allument le feu de la charité, préserver les sens--notamment les
yeux·ode contacts pouvant entraîner à mal, fuir les mauvaises compagnies, les
femmes. [ 162]
Quelques ouvrages proviennent de l'entourage du roi Henri III: une Maniere
d'ou" la messe, du Jésuite Pierre Auger, Le fouët de l'academie des pecheurs, de
52
Philippe Bosquier. Dans ces productions. les allusions à la sodomie se font plus
timides, alors que se poursuit, comme dans la traduction de Louvs de Grenade. le
développement d'une rhétorique de la culpabilisation.
Dans un des deux catéchismes d'Auger que nous avons consultés. la luxure
apparaît au sein d'une description de divers péchés'
(Adolescens) Planè: & eorum quoquem tanquam distinctas speCies ac veluti membra. Recensui enim Superbiam, Avantlam, Luxuriam, Invidiam, ( ... ) [163]
L'auteur de la Maniere d'ouir la Messe discute de la façon de bien se confesser.
L'explication de la Loi prend cependant des proportions telles que l'intérêt pour le
péché de luxure proprement dit disparaît au milieu des condamnations
d'attitudes et de comportements de toutes sortes:
Toutes pensées, paroles, gestes, attouchemens. baisers, lettres, menées, danses, actes deshonnestes, lascifs et impudiques, compaignées attraiantes à vice, livres, chansons. accoustremens de mesme vanité, et lubriclté.[ 164]
L'examen des comportements luxurieux en vue de la confession ne mentionne
cependant pas les comportements contre nature.
Philippes BosqUler, dans Le fouet de l'academle des pecheurs, bastle sur la
famine du prodigue Evangelic, développe une longue métaphore où la famine
représente le châtiment divin. Le péché contre nature V est utilisé de façon à
démontrer que Dieu, dans certains cas extrêmes, pUnira sans tarder. Le parallèle
avec les pratiques médicales n'est pas inusité et est repris au cours de l'oeuvre.
L'enormité de leurs pechés meritoit aussi tel endurCissement. meritoit que Dieu appliquast vistement le cautere opportunement importunement sur eux. Car autrement les medeclns mesmes n'appliquent pas remedes si tost que vous estes malades, ny emplastre qui besoigne, si tost qu'ils vovent la playe. mais ils laissent quelque peu passer la premiere furie de la maladie; PUIS. comme debilitée qu'elle est d'elle mesme, Ils luy couppent comme la gorge, se ruans dessus avec leurs medicamens appliqués bien à propos.[165]
53
l'engouement pour les écrits pénitentiels touche des auteurs aux formations
les plus diverses. Blaise de Vigenère publie en 1587 le Traicte de la penitence, et
de ses parties. Cette dernière oeuvre est en fait un plaidoyer pour la foi et l'Eglise
catholique. les arguments, qui sont choisis dans la connaissance qu'a Vigenère
des rites grecs et des religions juives et mahométanes, visent à défendre la
transubstantiation, le culte des reliquE's, l'existence du purgatoire, etc. Nous n'y
avons pas découvert de passages s'!l1téressant aux actes contre nature.
Ainsi, plus nous progressons vers la fin du siècle, moins l'intérêt porte sur des
descriptions extensives de!", péchés contre nature. En revanche, l'appareil
rhétorique visant à entourer de terreur la figure de Dieu se développe alors
fortement.
Afin de compléter notre vue d'ensemble, nous aborderons maintenant les
traités de morale; deux d'entre eux retiendront notre attention: L'lnstitutionum
moralium de Joanne Azorio et le Traicte tres-utile aux ecclesiastiques de
Benedicti. Ils ont en commun le souci de la précision et une propension à la
confrontation des péchés afin d'en établir la classification. Ainsi, Azorio traite de
la sodomie et de ses rapports avec d'autres r,échés tel l'inceste:
Tertio quaeritur. An praedicti coitus ':;odomitici inter duos cognatos perpetrati, sint Incestus.[ 166]
Au chapitre suivant, il indique les châtiments qui seront imposés aux laïcs et aux
clercs. tout comme on l'édictait au Moyen Age:
Primo notandum, Crimen Sodomitilum inter tY"'lasculos perpetratum secundum lus Civile, commune puniri poena cclpitis.
( ... ) Secundo notandum. Clericus Sodomiam perpetrans, lure communi, Canonico depositionis poenam meretur, & in Monasterium detruditur ( ... ) [167]
--- ---------------.
54
Une série de questions sont abordées, comme. par exemple. SI un clerc ayant des
relations avec un autre homme sans pénétration peut être accusé de sodomie'
Quarto quaeritur. An comprehendatur Clencus se polluens cum aliquo masculo, sed non intra vas mascull7 Respondeo. minime. Sic Navarrus. ubl supra: quia haec pollutlo IIcet Slt contra naturam. non est tamen Sodomiticum peccatum.[ 168]
Le Tra/cte de Benedicti reprend quelque peu le plan des ouvrages de Gerson. Le
livre Il commente les commandements. dans la pure tradition des Pénitentiels
médiévaux. ToutefoIs, une logique articulée des correspondances entre péchés
est mise au point. Benedictl conçoit ainSI que l'adultère est un mOins grand
pécné qu'être sodomite ou ... Huguenot.
Quand il y a disparité de pechez la separation se peut faire. Exemple. Tout ainsi que nous venons de dire. que l'homme adultere peut delaisser la femme Huguenotte, encores qu'elle SOit chaste. et au contraire la femme adultere peut laisser le mary Huguenot. bien qu'il ne soit paillard, aussi à cas pareil. la partie adultere pourra laisser celle qui a commis inceste, et celle qUI a commis Inceste pourra abandonner celle qui aura commis sodomie. et le péché contre nature.[ 169]
La sodomie est un péché dont Benedictl traite fort longuement. Tout comme
les auteu rs qui le précèdent, il rappelle la 101 qUi pUnit les auteu rs du cnme:
Si diray-je bien ce pendant avec Lactance que ce peché est si enorme qu'il ne peut estre pour son horreur reCité. Car en premier lieu, tels Sodomites sont comparez aux parriCides et meurdners. Secondement ils sont mfames selon les loix. Tlercement, Ils dOIvent estre punis de mort et bruslez. La loy de Moyse commande que tant que l'agent que le patient, sOIent mis à mort. Quartement selon la loy EccleSiastique, s'ils sont lays, Ils dOivent t'stre excommuniez et chassez de l'Eglise ( ... ) S'ils sont gens d'Eglise Ils doivent selon le ConCile de Lateran, estre retrus en un monastere, comme en une perpetuelle prison ( ... ) MaiS PIUS Pape Clnquiesme a dernierement fait une ordonnance, par laquelle Il pnve tous Ecclesiastiques tachez de ce peché, de tout office, beneflce, et privilege clerical, commandant qu'ils soient degradez et livrez entre les mains de la justice, pour les faire mourir selon l'ordonnance des loix seculiers.[170]
On ne saurait être plus clair. L'ordonnance de Pie V fut publiée dans la
constitution Horrendum, en 1568, et stipule bien la destitution des clercs et
1 55
réguliers coupables de sodomie ainsi que leur remise aux autontés civiles.[ 171]
Une note latine précédant Immédiatement le passage effectue la distinction entre
l'acte de sodomie et la copulation "sodomltique":
Copula SodomltlCa fit masculino coitu eiaculando semen intra pudenda postenora. Actus Sodomiticus polluendo seipsum cum secunda persona.[ 172]
l'acte de sodomie demeure donc toujours une réalité ayant une définition large,
qui englobe une vanété de comportements sexuels--"polluendo seipsum cum
secu nda persona".
Benedlcti ne craindra pas d'invoquer la démonologie afin de prouver la
répugnance de tels comportements:
Ce peché est si de testable qu'il y a mesme plusieurs demons et malins esprits qUI l'ont en horreur: car combien qu'ils prennent quelquefois compagnie charnelle des sorciers et sorcieres, il ne se trouve toutefois pOint que jamais Ils ayent exercé le peché contre nature.[173]
la note qUI accompagne ce passage renvoie au Mal/eus Maleflcarum et à la glose
d'Ezechiel.
Benedicti poursuit ses propos et offre une véritable anthologie d'images qu'il
associe à la sodomie:
Tels impudiques tombent de ce mal'heureux peché en d'autres plus horribles. comme apostasie. atheisme, heresie. et finalement estans parvenus au comble d'impiété meurent reprouvez.[174]
lorsqu'il s'attarde à décrire la colère de Dieu face à ces pécheurs. il exploite
évidemment l'image de Sodome et Gomorrhe, mais évoque également le déluge
et la mort de tous les sodomites pendant la nuit de Noel.[ 175] Il rectifie certaines
croyances: c'est de l'esprit des enfants que Socrate était amoureux; les Orientaux
sont plus entachés de vice que les Français.[ 176]
le phénomène de la Wmolleté W est abordé en trois étapes. comme chez Azorio:
la 1. c'est une lascheté et molleté qui est opposee à la vertu de perseverance. comme si quelqu'un estoit si mol et effeminé qu'il obmist ce qui e$~ necessaire pour son salut: c'est une espece du
1
"
peché de paresse. La seconde c'est celle de laquelle nous venons de parler, qUi est pollution volontaire, et procuree en veillant, SOit par attouchement, par cogitation et delectation, par locution ou conversation avec femmes ou hommes. par lecture de livres impudiques, ou par quelqu'autre moyen que ce salt. La trOlsieme c'est celle cy, sçavoir es( quand quelqu'un est patient au fait de ce peché et fait l'office de femme.[ 177]
56
Les correspondances entre les trois états ne sont pas pourSUIVies. En revanche, de
nombreux exemples d'efféminés seront donnés. allant, une fois de plus, des
temps sacrés à l'Antiquité, et même à la réalité contemporaine de l'église de
Genève:
Ainsi la glose expose le mot de Samct Paul molles. en disant Pathtques. Et me semble que sont, ces Bardaches, le bordeau desquels destrulslt le Roy Josias. Il demolit, dit l'escriture, les maisons des effeminez, ainsi les appelle nostre version commune. Les Hebneux les appellent hakedeschlm, les Ethniques les nommaient cinaedos, c'est à dire, cinedes. Tel fut Ganymedes, duquel s'enamoura Jupiter, si les Poetes disent vray. Tel fut Jules Cesar estant encores garson, aymé du Roy de Nlcomedle. Et pourquoy allegue-Je les prophanes? Ceux qUI se vantent de porter le nom de Chrestlen ne nous apprestent-Ils pas de la matlere assez, si nous en voulons parler? Où est je vous prte Audebert Jeune garson* l'un des premiers pIliers (Je ne veux pas dire pilleurs) de ceste belle Eglise Calvlnlque7 l'amour d'Audebert n'a-II pas esté preferé à celuy de Candide7 ( ... ) Et pUIS que ces gentils Ministres viennent faire la visite sur la vie des gens d'Eglise, Je m'asseure que SI nous avions la clef de leur boutique pour en faire recherche, nous trouverions de leurs drogues aussI gastees que celles des autres. Mais afin que Je ne mesloigne. retournons à nos moutons.[ 178]
Cet extrait, fort long, nécessite trois mises au pOint. D'abord, la relation
intra-biblique établie en assoCIant les molles de saint Paul aux
hakedeschtm--dénommés 8ardaches par l'auteur--est une nouvelle preuve de ce
que l'Image dont on se faisait de ces maisons de prostltu~es au début du XVIIe
siècle était très claire. Deuxièmement, Il est certain que les figures de l'Aymé,
Ganymède et César, sont également connues. Finalement, les attaques contre les
calVinistes confirment la portée polémique de tels ouvrages et l'existence d'un
dialogue entre les partis utilisant les Images d'actes contre nature.
r
".
57
L'oeuvre de Benedicti, à plusieurs égards, apparaît comme un répertoire
diversifié d'idées reçues de l'époque. Par exemple, l'anthropophagie est abordée
comme SI l'auteur avait consulté les Cosmographies du temps:
Les demons et mali"s esprits ont jadis appris ce peché aux Anthropofages. et à ceux du Brezil, et des terres neusves, comme à ceux de Mexico, et des indes Occidentales, le';quels mangent leurs ennemis qu'ils ont pns en guerre.[ 179]
Il mentionne néanmoins la conversion d'un certain nombre d'entre eux et, en un
autre endroit, leur respect de la loi naturelle; c'est la reprise du credo
humamste.[ 180]
Selon notre démonstration, le traité de Bénédicti marque une résurgence,
après une quasi-disparition dans les écrits pénitentiels proprement dits, de
l'intérêt pour les actes contre nature. La polémique contre les protestants nourrit
les dénonciations. L'échelle de la gravité des péchés établit le parallèle entre
hérésiarques, apostats et sodomites. La démonologie apportera un élément
complémentaire. L'effet d'entraînement, conduisant aux catastrophes, est digne
d'attention. et également la définition de la "molleté", pour laquelle Bénédicti
reprend et élabore la typologie d'Azorio. Finalement, la France est élevée au rang
d'une entité nationale, que l'auteur compare à l'Orient, aux peuples d'Amérique.
Au début du XVIIe siècle se développe une littérature missionnaire qui a attiré
notre attention, car s'y dessine une approche subtile de la confession, du
décryptage des fautes chez des peuples obéissant encore à la loi naturelle. Michel
Simonin a remarqué qu'on y recherchait la transparence de l'âme,[181] comme le
démontre l'extrait suivant tiré de Jean Eudes:
Exhorter et encourager derechef icy les Penitens à ne rien laisser du tout dans leur ame qui leur fasse peine; mais à ouvrir leur coeur, et à s'accuser avec la mesme sincérité et humilité avec laquelle ils le voudroient faire, s'ils estoient prests de mourir et de comparoistre devant Dieu. leur representant que c'est chose honteuse de commettre le peché. mais que c'est une chose glorieuse et
",
honorable devant Dieu el devant les Anges de le confesser pour l'amour de celuy qui a voulu porter en la croIx la confusIOn de nos crimes.[ 182]
58
la subtilité de l'interrogation ressort lorsque le prêtre s'adresse aux garçons et
aux hommes non mariés. C'est encore et touJou rs la langue I?tlne qUI précise la
qualité du vice maudit:
27.5'ils ont point touché d'autres hommes. et SI cela a pOint esté cause de faire tomber ces hommes là en pollution. et SI c'estOlent des hommes seculiers ou consacrez à Dieu.
28.5'ils ont point permis à des hommes. ou s'Ils les ont pOint excitez de faire quelques sales attouchemens sur eux, et s'il en est point ensuivi de pollution, et de quelle condition estolent ces hommes-là.
29.5'11 est point passé quelqu'autre action avec des hommes. ou femmes, ou enfans, plus abominable encores que celle-là' et de quelle condition encore estoient ces hommes ou ces femmes là. De peccato sodomitlco loquor, de quo prudens Confessanus debet tantum interrogare eos, vel eas, quos vel quas anlmadvertit in passiones ignominiae prorsus traditos vel tradltas, eos, Inquam vel eas: hoc enim peccatum committitur non solum Inter Viras, sed etiam inter mulieres, quando ln forma copulae horrendas exercent impudicitias, quas pudor & prudentla vetant dlcere, de qUlbus tamen loquitur D. Paulus. Rom. 1.[ 183]
les deux premiers points, faisant allusion aux attouchements entre hommes en
considérant successivement le confessé comme agent et patient, établissent au
moins deux modèles de séduction. L'agent entraînant à la perverSité deVient
inversement le patient, celui qu'on touche. la condition du partenaire est bien
entendu importante. Le passage au latin s'effectue une fOIS de plus lorsque, de la
mollesse, on aborde la sodomie. le confesseur est enjoint d'Interroger
subtilement tant les hommes que les femmes. les conseils pour la confeSSion des
"filles et femmes non mariées" adoptent un ton semblable:
S'il s'est rien passé de deshonneste avec d'autres filles ou femmes, conformément à ce qui a esté dit touchant les garçons et hommes, et si ç'ont esté elles qui ont enseigné le mal aux autres, et qUI les ont provoquées à cela. [184]
59
Un nouveau glissement au latin s'effectue lors de la confession des hommes
et des femmes mariées. Dans ce dernier cas, c'est un extrait de saint Paul qui
provoque ce changement:
le 4. est ce peché execrable qui tire son nom de cette Ville abominable que Dieu a foudroyée pour son sujet; et qu'il permet quelquesfois entre les personnes mariées en punition de leurs autres dereiglemens. am si qu'il est marqué en ces paroles de S. Paul. Tradidit iIIos in passiones ignominiae. immutaverunt naturalem usum in eum qUI est contra naturam.[185]
Pour les gens mariés. donc. point de phase intermédiaire participant de la
"mollesse" et de la séduction. Le péché de sodomie les guette néanmoins. et le
châtiment irréversible de Dieu aussi. L'usage du latin que nous avons pu
remal'quer à maintes reprises pose évidemment le problème de la césure entre le
dicible et l'indicible, qui se situe quelque part, en ce début du XVIIe siècle, entre la
"mollesse" et la sodomie, dans ce domaine un peu vague des actes
"sodomitiques".
* * * * *
A première vue, les prescriptions religieuses semblent issues des textes sacrés.
Saint Augustin ne pensait pas différemment lorsqu'il situe la loi divine au-delà de
tout compromis dû à la coutume. Pourtant, des sémantismes variés se sont
glissés dès le processus de traduction. Nous sommes conscient que cela n'est pas
le fait du seul travail des exégètes de la Renaissance, mais les écarts rencontrés
sont le probable aboutissement de plusieurs siècles d'interprétation. Quoi qu'il en
soit, la connaissance que l'on avait à l'époque des pratiques homosexuelles de
sociétés anciennes du Proche-Orient prouve que l'on pouvait concevoir l'existence
de rôles sociaux comme I€ prostitué sacré. la découverte a son importance,
puisqu'elle démontre que l'homme de la Renaissance pouvait associer un acte à
autre chose qu'à un simple péché. pageaux a commenté la signification des
limites de l'Imaginaire, ainsi:
1
".
1
( ... ) à un moment historique donné et dans une culture donnée. Il n'est pas possible de dire. d'écrire n'Importe quoI sur l'Autre.[ 186]
60
Pour l'instant. nous ignorons SI une telle Image sera reprise, elle apparait peut-être
de façon Isolée. Il ne faudrait pas en être surpns. car le sémantlsme qu'on y
rattache va du paillard au sodomite. en passant par l'efféminé le sens n'est donc
pas fixé, et la typologie de saint Paul, traduite en séparant les voluptueux et
efféminés des "bougres", en confirme l'imprécision.
Ces deux catégories d'image, la "mollfsse", punie mOinS ngoureusement. et la
"bougrerie", furent palcllurues, au Moyen Age et à la Renaissance, par d'autres
axes paradigmatiques. La qualité des indiVidus Impliqués, le heu de l'acte, l'âge,
le type de pratique déterminent la gravité du péché et de la pénitence. Avec les
années, les condamnations se durcissent et l'examen de conscience se développe.
La confession devient à la fin du XVIe Siècle une véntable technique
d'introspection. On quitte le commentaire des commaadements de Dieu pour
conseiller le travail interrogatoire des confesseurs, pour établir de ventables
études comparatives des péchés. Le huguenot et le sodomite, pour les
catholiques, étalent aussI coupables l'un que l'autre: l'affect des Images se
confond. L'attraction exercée par ces actes est condamnée' Jean Eudes demande
à l'homme s'il a ou fut séduit: la "mollesse" laissée pour compte dégénère le plus
souvent en sodomie, et les images allégonques annoncent la fin de l'espece
humaine. Les femmes "sodomites" n'échappent pas au système.
La "mollesse" et la sodomie diffèrent également dans leur mise en te.<te.
L'image du sodomite se décrit en latm: communication restreinte S'II en est, elle
sera comprise en entier par le clerc ou l'érudit, Imaginée par le lecteur qUI y
reconnait l'orthographe de la Ville maudite. Ne soyons pas naif à cet égard. des
auteurs préviennent leur lecteur et révèlent l'embarras qUI les contraint a
abandonner la langue vulgaire. Il n'en fallait pas plus pour attirer l'attentlon l
1
Chapitre VIII
PROCES ET JURISPRUDENCE
L'étude du discours judiciaire s'effectuera en deux temps. D'abord, nous
aborderons la question des procès, puis nous nous consacrerons à l'analyse de
traités de Jurisprudence.
Deux manuscrits de la Bibliothèque Nationale de Paris (ms. fr. 10969 et
10970) datant du XVIIIe siècle ont été publiés au début du XXe par Ludovico
Hernandez [187] sous les titres: Les Procès de sodomie aux XVie. XVIIe et XVIIIe
siècles[ 188} et Les Procès de bestialité aux XVIe et XVIIe siècles. [ 189] Nous avons
consulté ces ouvrages qui reproduisent avec rigueur les textes du XVIIIe siècle.
Alfred Soman a consacré une communication pUIS un article, en 1984, aux
procès de bestialité des XVIe et du XVIIe siècles. /1 effectue alors la critique des
manuscrits reproduits par Fleuret et Perceau, et démontre que le compilateur du
XVIIIe siècle a introduit de nombreux anachronismes. Il conclut de la façon
suivante:
En rassemblant, pourtant. les documents subsistant sur ces quarante-huit affaires (arrêt, écrou à la conciergerie. notes sténographiques de l'interrogatoire sur la sellette) et en rapprochant ceux-ci des textes du manuscrit. le chercheur commence à s'apercevoir que l'auteur du manuscrit n'a retenu qu'un petit nombre de données--date de 1 arrêt. nom, prénom, l'animal concerné. siège subalterne. peine--et que tout le reste est plus ou mOinS Imaginaire.[ 190}
L'assoCiation de plUSieurs cas de bestialité à d'autres crimes est infirmée par
Soman et attribuée aux fantasmes du copiste qu'il qualifie d'imaginatif:
Vraisemblablement l'auteur a eu sous les yeux, à un moment, les textes des arrêts rassemblés par un curieux du milieu judiciaire; retenant un nombre limité de détails et quelques bouts de phrases.
- 61 -
1 il s'en est servI comme pomt de départ pour fabriquer des situations imaginaires et, pour lUi, eXCitantes. A la longue Il se lassa, sembie-t-il de la bestialité et, à partir de son vingt-deuxième procès, Il donna plus libre cours à ses autres fantasmes.[191]
62
Soman étudie depuis plus d'une dlzame d'années les procès cnmmels du
Parlement de Paris au XVIe et au début du XVIIe Siècle. U ne thèse d'état est
d'ailleurs en préparation et sera intitulée' "Sorcellerie et déViances devant le
Parlement de Paris, du milieu du XVIe Siècle au milieu du XVIIe Siècle". Dans une
série d'articles qu'il a publiés depuis '971, l'historien livre les diffICultés qu'un
chercheur peut rencontrer en s'attaquant aux registres Criminels du Parlement de
Paris, et quelques hypothèses qUI invalident la connaissance que nous avons eue
de ce sujet jusqu'à maintenant.
Quels sont les documents disponibles? D'abord, une série d'arrêts
intermédiaires et de sentences définitives (3000 cartons et registres), qUI ne
révèlent que peu de détails et renvoient fréquemment à des sacs de procès qUI
ont été détruits. Seize de ces cartons, des recueils de Jurisprudence ainSI ~uc des
manuscrits copiés par des juristes furent utilisés par Robert Mandrou dans sa
thèse: Magistrats et sorCiers en France au XVIIe siècle. [ 192] Saman ne Croit
d'ailleurs pas que des conclUSions réalistes aient pu être déduites d'un tel type
d'échantillonnage, car c'est alors sur des cas exceptionnels que l'hlstonen ébauche
ses hypothèses,
En conséquence, R. Mandrou a circonscrit sa recherche aux documents qui parvinrent jusqu'au stade de l'impreSSion. amsl qu'aux collections de copies manuscrites, compilées par les ju nstes en vue d'un usage personnel. Malheureusement, tout échantillon ainsi constitué tend à mettre l'accent sur l'exceptionnel plutôt que sur le quotidien, qui risque donc de nous échapper.[ 193]
Rappelons braèvement cependant que Robert Mandrou situe à la fm du XVIe
siècle et au début du XVIIe Siècle la dernière grande vague de proces pour
sorcellerie. Il a également remarqué, sans pOUVOir l'affirmer, que certaines
1,
"
63
relations entre hérésie et sorcellerie se profilaient derrière le tableau de guerres
civiles et religieuses:
( ... ) de même que les grandes poursuites françaises coïncident avec les exubérances et les excès de la Ligue parisienne entre 1584 et 1598. La relation hérésie-sorcellerie est à nouveau sensible derrière cette périodlsation de ces nouvelles épidémies, mais il n'est pas possible d'avancer très lOin dans l'élucidation des enchaînements qui permettraient d'en comprendre intégralement le déroulement.[ 194]
La seconde série de documents disponibles est composée de registres du
greffe de la Conciergerie du Palais, qui ont été versés aux Archives de la Préfecture
de police. La séne va de 1564 jusqu'en 1639 et comme la ConCiergerie était la
seule pnson de l'ile de la Cité, Alfred Soman présume qu'à peu près tous les
accusés qui étaient Jugés par le Parlement ou faisaient appel y étaient détenus.
Voici les renseignements que recèlent ces documents:
( ... ) le délit était enregistré avec les autres informations essentielles concernant chaque pnsonnier. Dans la marge de gauche était annotée la référence à l'arrêt du Parlement qui ordonnait l'élargissement ou l'exécution du détenu.[195]
Les "notes de greffiers pnses au cours des Interrogatoires des accusés devant
la Cour"[196] forment la dernière source. Ce sont les Plumitifs de la Tournelle,
dont les paléographes connaissent bien les difficultés de déchiffrement.
Alfred Soman met en doute un certain nombre de croyances quant aux
procès de sorcellerie et aux appels effectués au Parlement de Paris. Par exemple,
contrairement à Mandrou, Il constate que le Parlement fit preuve d'une grande
clémence de 1564 à 1600, et que seulement 30 % des sentences de mort furent
confirmées. Il se montrera cependant plus rigide entre 1580 et 1600, époque des
dernières Guerres de religion. Une nouvelle augmentation des cas se produit
après 1610. en parallèle avec les accusations de lèse-majesté (Henri IV,
rappelons-le, fut assaSSiné cette année-là). Un dernier seuil sera franchi en 1623.
avec 43 appels.
64
Aucun rapport évident entre les phénomènes sociaux et le nombre d'appels
pour sorcellene n'apparaît. Soman ne peut qu'en déduire l'hypothèse SUivante
On ne nsque pas trop de se tromper cependant SI l'on affirme que la chasse aux sorciers était, avec la poursuite des hérétiques et des traîtres, une expression, parmi d'autres, des tensions sOCiales.[ 197]
Le phénomène de la sorcellerie en France à cette époque n'a pas les mêmes
caractéristiques que l'on remarque dans les autres pays d'Europe. les
carastrophes, les épidémies (Genève) ou les tempêtes (Allemagne), ne semblent
pas contribuer à la poursuite des disciples de lucifer. Deux types d'accusations
existent les unes provenant de victimes de maléfice, les autres de dénonCiations
faites par les accusés. Même SI les provinces françaises ont été le théâtre de
chasses illégales aux sorCIers, le Parlement de Paris Imposa rapidement son
autorité et son prestige de cour royale.
Hormis quelques paniques provinCIales, les poursUites contre les sorciers s'exercèrent désormais dans un cadre légal, dès le deuxième quart du XVIIe siècle. [ 198]
En plus de considérer les appels pour cas de sorcellerie, Soman a répertorié
des procès pour infanticide, homICide du conjoint, bigamie et sodomie. Ses
résultats révèlent que la sodomie suit un mouvement d'ensemble, bien qu'avec
un nombre d'appels beaucoup moins élevé que dans les cas de sortilège,
d'infanticide, ou même d'homICide du conjoint et de bigamie.
Un premier sommet d'appels est atteint vers 1580 avec plus de 100 cas de
sortilège, près du même nombre d'infantiCide, environ 40 d'homiCide du conjoint,
30 de bigamie et un peu plus d'une dIzaine de cas de sodomie. Un second
sommet se situe vers 1610. Un tableau, dont nous reprodUisons les données,[ 199]
révèle que la courbe des cas de bigamie, de sodomie et d'homiCide du conjoint
réunis a suivi, légèrement décalée, celle de la sorcellerie.
1
-------------_._-- --------
Tableau 1: Nombre d'appels par année, de 1608 à 1612.
La colonne A donne le nombre de cas de sorcellerie; la B, d'infanticide; la C, de bigamie, sodomie et homicide du conjoint; la D, de lèse-majesté.
A B C D 1608 30 13 7 0 1609 41 24 16 0 1610 32 21 13 25 1611 11 25 17 5 1612 5 19 12 2
65
Un dernier sommet peut être remarqué, pour la sodomie. vers les années
1620. suivant l'augmentation la plus importante de cas de sorcellerie.(200]
Les appels pour sodomie sont donc peu nombreux, comparables au nombre
de cas de bigamie et d'homicide du conjoint, sans jamais dépasser le nombre de
sortilèges et d'infanticides.
Soman a en fait découvert 177 affaires de sodomie dans les registres d'écrou
de la Conciergerie du Palais, de 1564 à 1639, incluant la sodomie bestiale. Plus
précisément, Il a répertorié 96 affaires de bestialité et 81 "affaires de pédérastie,
d'homosexualité masculine ou de sodomie hétérosexuelle".[201] Les causes
obéissent à une typologie particulière. Le mot "bestialité" n'est employé
couramment que vers le milieu du XVIIe siècle. Elle se distingue habituellement
par des épithètes comme: "sodomie brutale", "brutalité", "bougrie".[202]
"Bougeronnage", cependant, est réservé à la sodomie. Des expressions complètent
la qualification: "luxure abominable et brutalité", ·vice et crime abhominable et
detestable de sodomye et paillardise contre nature, contrevenant es droictz divins
et humams·.[203] La bestialité se confond parfOiS avec l'inceste:
Cette confusion entre l'inceste et la bestialité--mais non pas avec la sodomie dans les autres sens du mot--donne à réfléchir et mérite l'attention de l'historien des moeurs sexuelles de Jadis.[204]
66
le tableau SUIvant. tiré du même article.[205) compare le nombre de procès de
bestialité à ceux de sodomie. tous portés en appel devant le Parlement de Pans.
Tableau 2: Appels pour bestialité et sodomIe. de '564 à 1639.
Années Bestialité Sodomle hormis bestlallté
1564-1569 3 6 1570-1579 8 14 1580-1589 14 22 1590-1599 6 11 1600-1609 25 21 1610-1619 22 17 1620-1629 19 10 1630-1639 7 6
Totaux' 104 107
Des augmentations sont à remarquer pour les procès de sodomie. SOIt lors
des décennIes' 580-9 et '600-9; dans les deux cas, une lente régression s'effectue
Jusqu'au milieu du XVIIe siècle.
l'étude des procès de sodomIe en France à la fin du XVIe sIècle et au début du
XVIIe exige donc qu'un chercheur s'y intéresse longuement afin de pouvOIr en tIrer
des conclusions solides. Les travaux d'Alfred Soman n'étant pas encore terminés
et le propos de notre thèse ne nous permettant pas d'entreprendre l'étude des
registres, nous devrons nous en tenir aux hypothèses déjà formulées dans les
articles que nous venons d'évoquer. Ainsi, retenons que les cas portés en appel a
Paris--dont la proportion devrait être assez représentatIve des cas nationaux--sont
beaucoup moins nombreux que les appels pour sorcellerie ou mfantlClde. maIs a
peu près égaux en nombre aux cas de bestialité. et de façon mOinS éVIdente à
ceux de bigamie et d'homicide du conjoint. les deux pénodes pendant lesquelles
procès de sodomie et de bestialité atteIgnent des sommets sont 1580-9 et
1 67
1600-20. En ce qui cOllcerne la rhétonque de ces procès, les manuscrits français
10969 et 10970 ne pouvant être dignes de confiance, nous devons une fois de
plus nous en remettre aux études d'Alfred Soman. Un lien existe entre les
rhétoriques de la bestialité et de la sodomie; elles partagent. à l'intérieur de
certaines limites, des appellations identiques. sans cependant être confondues
comme le laissaient croire les manuscrits de la Bibliothèque Nationale.
* * *
Contrairement à la situation qui prévaut en France, les chercheurs fouillent
déjà depuis quelques années les archives criminelles de l'Italie. de l'Espagne et de
cantons suisses. Nous résumons donc les principales conclusions de leurs travaux
afin de compenser les lacunes du domaine français.
Guido Ruggiero. dans The Bounderies of Eros. Sex Crime and Sexuality in
RenaIssance Vemce, consacre un chapitre au crime de sodomie à Venise. JI
analyse alors la recrudescence de la répression qui laisse présager l'importance du
phénomène au XVe siècle en Italie. Dans ces procès. les juges cherchent
résolument à savoir s'il y a eu relation anale ou simulation de l'acte entre les
cuisses du partenaire.[206] Le partenaire actif était puni de façon plus sévère.
Bref, le phénomène était répandu en Toscane et il avait parfois l'apparence d'une
véritable ~sous-culture", comme nous l'avons constaté précédemment.[207]
Dans son article traitant du modèle sexuel des péchés abominables en
Aragon, Bartolomé Bennassar trace les similitudes entre péchés de sodomie et de
bestialité. Ces deux accusations seront fréquemment jumelées. toutes deux
portées, à plusieurs reprises, contre les mêmes individus. Péché contre la foi et
contre la morale, bestialité et sodomie. sont l'antichambre de l'hérésie.[208] En
1598, la loi contre les sodomites est renforcée par Philippe Il, et la preuve de
68
l'accusation est rendue plus facile. Bennassar .\fflrme sans hésIter que ce
renforcement est directement provoqué par l'indIgnation face aux pratiques
sexuelles des AmérindIens rapportées par des clercs et des chroniqueurs laïcs:
Les rigueurs de la 101 répondaient ainsi au scandale de l'opinion à l'égard de ces pratiques sexuelles comme le montrent. par exemple. les réactions des Espagnols qUI découvraient en Amérique que la sodomIe était fort répandue parmI les Indiens.[209]
La réprobation à l'égard des sodomItes, à Valence, "( ... ) est quasI générale et la
répression est ferme ( ... )".[210] La portraIt des accusés valenciens. qui sont pour la
plupart célibataires. s'établit comme suit:
Il y a les esclaves, souvent turcs ou morisques ( ... ) Il Y a les vagabonds qUI sodomisent de préférence les enfants. de gré ou de force ( ... ) Il Y a les marins et les soldats ( ... ) Il Y a la catégorie. numériquement importante, des jeunes gens et des adolescents. artisans ou paysans ( ... ) [211]
Les traits caractéristIques de ces procès révèlent le pOids du témOIgnage des
enfants et des objectIfs de contrôle religIeux:
( ... ) très importante est la partICipatIon des enfants, venus de leur plein gré sans toujours savoIr de quoi Il s'agissait ( ... ) ou contraInts et forcés. La promesse d'argent--et le paiement effectlf--sans être généralisée, est fréquente. Jusqu'en 1610, les nouveaux-chrétiens impliqués dans ces affaires sont nombreux maIs la fréquence des procès ne semble nullement décliner après l'expulsion des mauresques.[212]
Lorsqu'il étendra ses recherches aux autres tribunaux d'Aragon. Bennassar
remarquera des vagues de procès, notamment pour le tribunal de Saragosse.
dirigées principalement contre les judaïsants et les luthériens, pUIS contre les
sodomites entre 1560 et 1577--dates qui concordent avec les premières mIses en
application des règles de la morale sexuelle Issues du ConCIle de Trente--et. a
partir de cette dernière date, à la sUIte d'agItatIons, contre les moresques. Les
sodomItes inculpés ont en commun leur jeune âge, ce qUI porterait à croIre. une
fois de plus, qu'une telle pratIque pouvait servir d'exutOIre aux puiSions sexuelles
des jeunes adultes.[21 3]
1 69
Les procédés des tribunaux ainsi que les faits qui intéressent sont semblables
à ceux de Venise. Le "destin de la semence virile" retient l'attention, le recours à
la torture et aux chirurgiens est fréquent. les interrogatoires sont des plus préCiS:
( ... ) les procédures valenciennes abondent en détails minutieux: approches, séductions, menaces, attouchements, défenses, réactions scandalisées et Justifications, gesticulations, tentatives manquées et réussies, jurons obscènes. Impudences, cymsmes et remords. Le temps et le heu. Les partenaires, consentants ou forcés. Les effets de l'acte. Les réCidives. La nature de l'animal.[2 1 4]
La gravité du péché dOit être évaluée avec attention; la différence entre la
sodomie et la "mol:esse tendant à la sodomie" est pratiquée.[21 5]
La consommation de l'acte, c'est-à-dire l'émiSSion du sperme dans le corps
d'un autre homme, marque la frontière entre la vie et une condamnation à mort
irrévocable. Les mineurs bénéficient cependant d'une cert. 'ine mdulgence.[2 1 6]
A Valence, les cas de bestialité sont peu nombreux, et impliquent une fois sur
deux des étrangers, des Français, des esclaves [2 17], des hommes très seuls. [218]
Même SI la sodomie et la bestialité sont du nombre des délits punis avec le plus
de sévérité par l'Inquisition, les sodomites semblent traités avec beaucoup mOins
de rigueur que les coupables de crime de bestialité.[2 19]
L'exemple de l'Espagne apporte des précisions quant aux procédures
juridiques. Que l'Inquisition semble à nos yeux avoir fait preuve de cruauté est
chose plausible; pourtant, Bennassar soutient que sa justice fut moins rigoureuse
que celle des tnbunaux Civils.
Rafael Carrasco, dans son ouvrage InquislCÎon y represslon sexual en ValenCia,
Historia de los Sodomitas (1565-1785), se penche également sur les procès de
l'Inquisition de Valence. Selon lui, les accusations de sodomie, qui concernent
plus particulièrement les couches inférieures de la société, ne sont ni un mode
d'oppression ni un facteur de marginalisation.[220]
1 70
La problématique du sodomite s'est cependant peu à peu déplacée, de la fin
du XVIe au XVIIe siècles, vers un Intérêt pour l'hermaphrodisme
Pero también, y esto es 10 mas interesante, se desplazaba la problematica de la homosexualidad haCla la dei hermafrodltismo--cuyo poder de fasClnaci6n marc6 profundament la fisiologia dei Barroco--, coma si un concepto de deseo que en su génesis, en sus manlfestaClones y en su satlsfacClon, podria prescindir de la polandad genital mascuhna, hublera sldo propiament Impensable.[221 1
La colère de Dieu, que suscite l'acte de sodomie, place cette pratique Infernale au
même niveau que d'autres images de malédiction. le Juif, le pervers, sinon le
Maure et le gîtan.[222]
La sodomie fut donc traitée comme une héréSie, car elle Viole l'ordre établi
par Dieu.[2231 le péril de teUes pratiques se traduit par une attitude obsesslve
par rapport à l'efféminement. La littérature baroque confirmerait cette
hypothèse:
AI abolir la dlferencia entre los sexos, la sodomia Iba en contre de la Jerarquia social establecida. Era destructora de IInaJes y aniquiladora de las virtudes mascuhnas. Por ella, segun los proplOS términos de la real pragmâtica, "Ia nobleza se plerde y el coraz6n se acobarda". La obsesi6n dei afemlnamlento fue uno de los grandes t6picos de la literatura dei Barroco, que muchos erudltos han documentado ampliamente.[224]
L'épistémè du monde érotique des sodomites comporte deux caractéristiques'
l'imitation des relations physique~ hétérosexuelles, et la séparation des émotions
et du sexe:
El mundo er6tico de los sodomitas valenClanos dei Barroco, aparece determinado durante todo el periodo estudlado por una doble caracteristica. Reproduce, por un lado, el modela de las relaClones fisicas de la pareja heterosexual, y establece, por otro lado, una separacion radical entre la afectlvidad yel sexo.[225]
En fait, le clivage identifié entre une pratique sexuelle et les émotions peut être
l'expression d'un modèle de relation masculine s'approchant de la pédérastie.
N'oublions d'ailleurs pas que l'Espagne, ainsi que l'italie, ne partICipait pas
1
'" J ..
71
entièrement aux vagues de puritanisme qui, un peu plus au nord, transformaient
la perception du corps.[226] Carrasco pense que la situation bien particulière à
une Jeunesse espagnole nombreuse en proie aux difficultés multiples ait favorisé
l'apparition entre le hommes de rapports de solidarité masculine. En fait, nous
analysons probablement un modèle de sexualité qui implique des sentiments
relatifs, aUJourd'huI, à l'amitié plutôt qu'à l'amour:
Por fin, habria sin duda aigu na que volver al sentido fundamental de solidaridad mascuhna imperante en aquella sociedad que lIeva a la juventud, antes de la defmitiva consagracian dei reino de la escuela y dei maestro, a buscar en la dedicaCl6n personal dei adulto la clave de una dificil iniciacian.[227]
Arno Karlen, dans "The Homosexual Heresy",[228] ainsi que E. William Monter
dans "La Sodomie à l'époque moderne en Suisse romande"[229] croient qu'une
correspondance s'est établie dès le Moyen Age entre hérésie et crime de sodomie:
Il est plus important pour netre propos de remarquer l'établissement progressif d'une relation à double sens entre l'homosexualité et l'hérésie entre le XIIe et le XVe siècle.[230]
Lorsque les procès de sodomie sont pris en charge par le pouvoir laïque,
principalement à partir du XVe siècle, le lien est établi et persistera pendant la
Renaissance:
Dans l'Europe de la Renaissance, les laïques se mirent à considérer comme sodomites de nombreux hérétiques et à admettre que les sodomites étaient IpSO facto des hi>rétiques.[23 J]
Avant d'analyser les procès préservés dans les archives de la République de
Genève et du Canton de Fribourg entre le XVe et le XVIIIe siècle, Monter rappelle
l'existence, au Moyen Age, de milieux propices à l'émergence de pratiques
homosexuelles:
En outre. dans l'Europe médiévale, on savait parfaitement que les homosexuels ne se répartissaient pas au hasard dans l'ensemble de la société. mais qu'ils avaient tendance à être confinés dans quelques milieux sociaux.[232]
..
72
Les classes privilégiées sont. les étudiants et les clercs, les manns et les nobles.
Pour chaque type d'organisation nationale, le découpage s'effectue différemment:
les pays catholiques ont une proportion plus grande de sodomites ecclésiastiques,
les pays protestants et maritimes devraient révéler des cas dans les archives des
marines. La France se situe au centre de ces organisations:
Un pays qui serait parmi les plus mtéressants pour l'étude de l'homosexualité en Europe au début des temps modernes serait la France qui comprenait, outre un clerge célibataire et une manne, quelques anstocrates sexuellement dissolus et assez d'autres déviants pour en fournir un échantillon SOCialement très vané.[233]
Dans son analyse des procès de sodomie et de bestialité à Genève et à
Fribourg, l'historien signale le rapport entre l'élévation du nombre de procès et les
vagues de zèle religieux qui secouèrent ces deux régions à la fm du XVIe Siècle et
au début du XVIIe.
A Fribou rg, par exemple, le plus grand nombre de procès··de bestialité
principalement--se remarque pendant les années où s'implante la Réforme
post-tridentine, alors que l'Evêché y est transféré depUIS Lausanne.[2'-34] Pour
Genève, la situation est légèrement différente. 1555-1569 marquent des années
de répreSSion et correspondent à une activité intense du ConSistOire, mais
également à une Situation sociologique de crise, alors que les réfugiés fran<.als
font doubler la population de la ville et que les hommes sont alors plus
nombreux que les femmes. Deux autres sommets se démarquent, le premier en
1590, alors que des galériens (dont un certain nombre de Turcs) sont capturés et
certains accusés de sodomie, et l'autre en 1610 alors que le crime contre nature
fait suite à une affaire de haute trahison. Un nrand nombre des accusés de
Genève étalent des écoliers et des adolescents; plusieurs venaient d'Italie ... VOICI
d'ailleurs ce que déclarait Pierre Canal, émment fonctionnaire genevois accusé de
haute trahison et de tentative d'homicide .
Pierre Canal expliqua à ses interrogateurs qu'il était devenu homosexuel au cours de ses études dans les universités itahennes.[235]
73
Les ouvrages traitant des procès survenus à Venise, en Espagne et en Suisse
romande concordent donc en un certam nombre de points: d'abord l'existence de
vagues de procès. Ils révèlent une curiosité quant à la nature des actes: y a-t-il eu
pénétration? à quel endroit le sperme fut-II émis? Les jeunes gens et les pélssifs
(doit-on les dissoCier?) sont punis avec moins de rigueur, en Espagne et en Italie.
Les tribunaux ecclésiastiques portent des jugements moins sévères. Les étrangers
sont souvent visés, notamment les Italiens, et les vagues d'oppression alternent
avec celles dirigées contre les judaïsants, les luthériens, etc.
Les recherches effectuées en Italie et en Espagne révèlent l'existence, dans
l'Europe de la Renaissance, de rapports masculins s'inspirant de la pédérastie.
Nous ne tenterons pas de prouver de telles affirmations, qui démontrent toutefois
que les sociétés du sud du continent ont toléré, jusqu'à un certain point, des
modèles qUi ne semblent pas avoir exi- en France. Cette réalité hl3torique
différente et étrangère deviendra, lor~ '~ ,on introduction dans le royalJme
français, source d'Images qui se grefferont à la fois aux stéréotypes de l'étranger
et du sodomite.
* * *
La seconde partie du présent chapitre ne traite pas d'un matériau semblable
au précédent. Nous nous éloignons des procès, dont l'aspect historique a dominé,
afm d'aborder les recueils de jurisprudence. Ceux-CI ne seront pas le reflet exact
des mentalités ou de la réalité de l'époque. Cependant, à l'instar des Pénitentiels,
ils nous renseigneront quant aux préceptes Idéologiques qUI Inspiraient juristes et
législateurs. De plus. ils forment un mtertexte aisément réutilisable; les médecins,
notamment, s'y référeront.
7·1
Maurice Lever, dans Les Bûchers de Sodome. indique comment l'Image de
Sodome était utilisée afm de justifier la rigueur de la 101
Il n'est pas un seul traité de drOit criminel. Jusqu'a la fin du XVIIIe siècle. qUI ne rappelle en préambule le réCit de la Genèse afm de justifier. s'II se peut. la rigueur inouïe de la 101. Il n'est pas un traité de morale religieuse qUi ne fonde sur la fable biblique l'énoncé mille fois répété de l'Interdit.[236]
Symbole Inversé. légitimant l'autorité. Il laisse crOIre à la condamnation Inexorable
des pécheu rs.
Le Bûcher était la peine Imposée pour la sodomie. Jousse. dans le Traite de la
Justice criminelle de France. ouvrage datant de la seconde mOItié du XVIIIe Siècle.
rappelle l'Ollgme du châtiment
la sodomie est de toutes les ImpudICités la plus abominable. et qUI de tout temps a été punie de la peme la plus sévere, c'est ce crime qUI a fait périr par le feu les Villes de Sodome et de Gomorrhe.( ... )
La peine de ce crime. sUivant la LOI diVine. ( ... ) étOlt la mort contre les deux coupables.
Les RomainS avaient pour ce crime une LOI partlCullere appellée la Loi Scantmla, dont Il est parlé dans Juvénal, ( ... ) les Empereurs Chrétiens établirent la peme de mort contre ce crlme.( ... )
SUivant l'ancien DrOIt de France, on se contentait de châtrer ceux qUI étOlent convaincus de sodomie. <...) Par les établissements de S. LOUIS, de l'année 1270, ( ... ) "SI aucun est soupçonné de bougrene, la JustICe le dOit prendre, et envoyer a l'Evêque, et se Il en étoit prouvé, l'on le dOit ardolr".( ... )
AUJourd'huI la peine de ce crime est de condamner a être brûlés vifs, tous ceux qUi sont coupables de ce Crime, tom agentem quàm patientem. ( ... ) QuelquefoIs on condamne Simplement les coupables à la mort, et ensuite à être brûlés; ce qu i dépend des circonstances.[237]
Les recueils d'arrêts et les traités de JUrisprudence du XVIe Siècle et du début
du XVI:e abondent pour la plupart dans le même sens que Jousse ln ce qUi
concerne la mise à mort des "agents" et des "patients". Des variantes a ces lOIS
existaient cependant et des lOIS Italiennes mOins catégOriques, et connues des
Français, prévoyaient une variété de châtiments tenant compte de l'état et du
passé des accusés.
1 75
Nous avons consulté deux éditIOns du Rer.uell d'arrests notables des cours
souverames de France de Jean Papon, celles de 1565 et de 1648. Les articles
concernant la luxure abominable sont quasiment semblables, sauf pour
l'orthographe qUI évolua et des ajouts de commentateurs qUi sont bien Identifiés
dans l'édition de 1648.
Au livre XXII, titre 6, troiS arrêts furent à l'origine présentés par Papon. Le
premier concerne deux procès de bestialité ("bougrerie avec une beste"). L'acte
jugé avait pour particularité de n'avoir pas été entièrement consommé, mais la
sentence de mort sur le bûcher fut néanmOinS Imposée, et l'appel rejeté:
Il est vray que de drOlct. et de Coustume generale de ce Royaume, l'on ne pUnit l'essay, sans la sUite de l'effect. (n.) Neantmoins pour l'enormlté de ce malefice, qui est des plus malheureux, et abominables, et contre la nature humaine, c. hoc Ipsum. ( ... ) lonct à ce les approches, et apparences. jont estait faicte mention par ceux qUi le surpnndrent, et par sa confeSSion, usque ad spermatls altqUid effusum, la peine entlere y escholt, ores que le malefice ne fut entlerement parfallt.[238]
Cet arrêt tiré du procès de Guiot Vincenot reflète la sévérité des déCISions du
tribunal, bien que le lieu exact de l'émission du sperme ne put être prouvé. Deux
cas ont été ajoutés par les commentateurs, celUI d'une exécution à Toulouse
(pour laquelle on ne donne pas de préCISions) et le procès de Claude de Culan
"( ... ) attamte et convaincue du crime de luxure abominable, et de brutalité, pour
reparatlon d'teeluy et d'aVOir eu habitation et copulation avec un chien ( ... )".[239]
Le second arrêt chOIsi par Papon se résume ainsi: "Femme luxuriant avec
autre femme doit mounr". En voici le texte, dans lequel leur comportement est
qualifié de bougrene:
Deux femmes se corrompans a l'un l'autre ensemble sans masle, sont pUnissables à la mort· et est ce delict, bougrerie, et contre nature. 1. foedisslmam in pr;ncip. selon l'une des lectures d'Accurse C. de adulter. Cyn. tient ceste interpretation, et dit qu'ils se trouve des femmes tant abominables, qu'elles suyvent de chaleur autres femmes, tout alnsy, ou plus, que l'homme la femme.[240]
1 76
En revanche. un paragraphe ajouté par les commentateurs Indique que l'arrêt
provient de Boyer et les femmes impliquées sont alors nommées: une spécificité
distingue maintenant leur nature des sodomites mâles
Cest arrest est pnns de Boyer quo 316. comme le precedent. Ces femmes sont appellees Tribades. et au rang d'Icelles est mise Sappho avec Bassa. dont parle Martial. au premier livre. ( ... ) Tertullian les appelle Fr/elY/ces. en son oraison Schollastlque de Palllo.[241 ]
Papon aborde par la sUite le problème de l'Inceste, sans fournir d'exemple
pour les actes commis entre hommes. Ce sont une fOIS de plus ses
commentateurs qUi ajoutent, après le paragraphe traitant de l'Inceste, une
réf[ ence à la 101 Scantlnla et au cas Dadon
Notez que la loy Scatmie à Rome punlssolt tel VICe, en France Bougrene de masle avec masle est punissable par le feu. AinSI le 1. Feu M. Nicolas Dadon de Nulli S. Front qui aVOIt este Recteur en l'université de Pans ( ... ) fut pour Sodomie, pendu et bruslé, avec le procez. MaiS lustlnlan de son temps fit une loy contre les Pederastes qU'Ils aurOient le membre Viril coupé ( ... ) Le Boutllher en sa somme rurale dit que de son temps on leur COUppOlt la COUille pour la premlere fOIS, le membre pour la seconde. ( ... ) Celuy qUI abusOlt des bestes estOlt mis à mort ensemble la beste, comme instrument. [242]
Le terme pédéraste se superpose ICI à la Hbougrene" sans néceSSiter aucune
précision de la part du commentateur. De plus, le rapprochement textuel de
l'Inceste confirme maintenant, SI nous poursuivons l'hypothese de Soman, une
correspondance à trOIS vanables: l'm((''ste, la bestialité et la sodomie.
Papon effectue une dernière allusion aux actes abominables lorsqu'II discute
des peines, au livre XXIV. le texte est accompagné de la margmalla "bougres
punis par combustion'"
la peine de ceux qUi contre nature ont abusé de luxure, est le feu, et ainsi contra Asmanum fut Jugé par arrest de Tholose, donné és grands Jours du Puy, le 17 septembre 1548. La dispOSition de drolct commun a ordonné la mort, ( ... ) Mais cette sorte de mort a esté Interpretee à consuetlJdine ( ... ) [243]
77
Le commentaire ajoute qu'un Italien fut brûlé vif devant le Louvre en avril 1584,
et qu'un semblable arrêt avait été rendu en 1557 contre le protonotaire de
Montault, "sodomite".
Nous avons retrouvé, dans un manuscrit du XVIIe siècle que détient la
Bibliothèque Nationale de Paris,[244] un extrait des registres du Parlement
mentionnant le cas Dadon. L'appel consistait, pour Maître Dadon, clerc tonsuré, à
faire transférer son cas de la justice tivlle à l'ecclésiastique, espérant certainement
ainsi bénéficier d'une clémence plus grande. L'appel fut rejt'té. Voici de quelle
manière l'inculpation est résumée:
( ... ) Me Nicollas Dadon ( ... ) appellant de la S~ntence contre luy donné par laquelle pour scavOir et tirer part sa bouche de verité du Crime et peché de sodomie commis en la persone d'un sien disciple mentionné audit proces ( ... )[245]
La descnptlon de ce nouveau cas correspond aux schèmes de la pédérastie.
Deux autres recueils d'arrêts, dont les ResolutIons de drDlct de Jean de Coras,
furent consultées. Coras nous entraîne, au chapitre LXXIII de son oeuvre, dans la
description et le commentaire de "Crimes quand se pUnissent de droict pOSitif".
Le chapitre se subdivise comme suit:
Crime n'Ir.fhge peine de drOict seul L'on regarde la sentence, non le genre du crime Homicide ne pnve du beneflce Assassinat grand crime SodomIte est privé de drOlct seul Bougerons maudits et execrables Mignons plus doucement pUnissables Sentence declaratOlre [246]
En fait, l'objet de ce chapitre pClrte sur u ne notion que nous comparons peut-être
à tort à la privation des dro,ts civiques. Il s'agit de savoir à quel moment lin
accusé est dépossédé de ses bIens ou un ecclésiastIque relevé de ses bénéfIces.
Pou r certains crimes, cela a lieu lorsqu'est prononcée la sentence, pour d'autres, le
droit pOSItif leur est retiré dès l'accomplissement de l'acte. Il faut préCiser que les
1
1
78
biens du sodomite sont habituellement confisqués au profit de la couronne et des
plaignants.[247] Coras demande cependant une plus grande clemence pour les
sodomites passifs, les "mignons·, qUI intègrent littéralement a leur propre corps
l'anatomie du sexe féminin. Il semble tout à fait logique, selon son énoncé, que le
plus jeune des deux partenaires adopte ce rôle Imaginaire
j'av toutesfols monstré par plusieurs raisons qu'II fallOit autrement ordonner et Juger ès bougerons et mignons, lesquels souffrent les parties des femmes en leur corps' et en fin Je l'ay emporté, c'est à sçaVOlr, qu'Ils ne sont coulpables d'aucunp. peine auparavant la sentence, y d'autant que malgré eux, Ils peuvent estre patient mais il faut Juger autrement en celuy qUi le faict, ( ... ) Et l'ImpUdICité. dit Seneque defendant le libertin, deferé et accusé pource qU'II avolt esté le mignon du patron, est crime au noble et de franche condition, necessité au cerf, et office au libertin et affranchy.[248]
Le passage traitant de Sénèque S'Insère de façon suggestive. Les relations intimes
entre hommes se teintent d'attitudes arrivistes vraisemblablement et taCItement
acceptables. L'homme pUissant et actif récolte le plus grand blâme. alors que
joue en faveur du passif sa volonté d'ascension SOCiale. Un heu de réfleXion
intertextuel commun à la Renaissance et à l'Antiquité se préCise alors.
Lorsque la peine du bûcher est mentionnée, son atrOCité se volt Justifiée par la
gravité de fautes telles la sodomie, l'athéisme ou le bngandage.[249] Elle se
double d'une dimension théâtrale marquant l'Imaginaire par son horreur. Une
remarque comme la suivante, qUI procède cette fOIS-CI de l'exégèse symbolique,
spéCifie la qualité des Images
Si nous vOlons un asne, une jument. une chevre brulée vive ( ... ) c'est pour faire d'abondant detester le cnme cU/us ( ... ) Ipsa nomtnat/O cY/men est.[250]
Les ouvrages ne la seconde moitié du XVIe Siècle et du début du XVIIe
permettent de constater la rigidité de la JUrisprudence française à l'égard des
crimes contre nature. Coras, qui s'intéresse, notons-le, aux déCISions du Parlement
.,
1
4
79
de Toulouse, offre cependant des nuances, pour les mignons et, par
l'intermédiaire de Sénèque, suggère même que des relations ambigues entre
hommes de classes sociales différentes relèvent d'une certaine tradition.
Fmalement, que le bûcher soit symbole de l'infâme n'est pas une révélation;
les images qu'il éveille font cependant réfléchir quant à son influence sur les
esprits du temps.
* * *
Josse de Damhoudere et le Bru n de la Rochette décrivent le péché contre
nature de trOIS façons. Le ton diffère grandemrnt des ouvrages jusqu'à
maintenant étudiés et laisse transparaître une recherche du raisonnement logique
et de la qualification. Ce phénomène s'explique pour l'oeuvre de le Brun de la
Rochette qui date du XVIIe siècle. En revanche, la Practique et enchiridlOn des
causes crlmmelles dont nous avons consulté l'édition de 1555 défmit déjà très
clairement le problème.
Cestuy peche contre nature a troiS especes, scavolr avecq soy mesmes, avecq hommes, et avecq bestes, de ces trois especes, la premlere est pesante et grosse: la deuxlesme, plus pesante, et plus grosse: et la tierche tout la plus pesante, et la plus grande des trois.[251]
La classification repousse diamé~ralement la bestialité au plus bas de l'échelle de
la répugnance"
la premiere espece est, quand elle est falcte avecq soy mesmes (ce qu'est par mon seigneur sainct Pol nommé moll1C1es) et s'JI vient a congnOls5ance (ce que n'advient souvent que en confeSSion) si est elle a pUOIr par bannissement, ou aultre extraordinaire pUOItion. la seconde espece est, quand elle est faicte avecq hommes et gens, quand ce semit avecq sa propre femme, ou femme legiere, ou avecq hommes. ou avecq enffans. Ces gens seront pUOIS par le feu, sy bien l'un que l'autre. La tierche et la plus hOrrible espece est, quand elle est faicte, et perpetrée avecq bestes, en ce cas les facteu rs, et la beste seront punis par le feu. [252]
La sodomie, dans un diagramme de Le Brun de La Rochette déterminant les
produits de "la paillardise fille de l'oysiveté, et du maquerelage", se retrouve tout
1 80
au bas d'un tableau énumérant des actes comme la fornication, l'adultère, le rapt
et l'inceste. Elle se subdivise à son tour ainSI:
Par corruption de soy-mesme.l avec l'homme, ou la femme,! rellcto naturall usu/ avec la beste brute.[253]
les causes démoniaques de la sodomie l'intéressent également
Ce qUI pousse le malheureux ( ... ) à l'executlon d'une SI detestable et orde vilennie, n'est autre que le diable, qUI se voyant banny du Ciel ( ... ) n'a trouvé meilleur expedier.t, que de souffler dans l'ame de ceux qu'II tient desJa liez par autres vices mortels, de se donner à ce damnable et impie exerCice, auquel s'il pouvoit, Il tlrerOit toute la race des hommes, pour l'avoir bien tost este lOte. employant pour cest effet toute l'astuce de ses pernicieuses Inventions, à y en enflammer le plus qu'il peut.[254]
Pour la première fOIS, un auteur rend compte des objectifs du diable et de son
action auprès des sodomites. Un véritable complot eschatologique est amsl
dénoncé. Bouchel associera des figures mythologiques a cette aberration
monstrueuse
Les 100x Impénales conformes à tant samcte ordonnance, lors que l'homme prent le heu de la femme, comme Il s'esperolt quelquefoIs enfanter (chose detestable à penser) que Venus se degulse, que l'amour est cherché là où Il ne peut estre trouvé, veulent que les droits s'arment, et s'eslevent pour punir de mort de tels monstres mfames à jamals.[255]
l'étymologie sera source d'mtérêt pour Le Brun de la Rochette, le terme
"bougre" provient selon lUi d'une ongine musltée
Nous l'appelons, bougrene, a l'imitation des Italiens, qUi ont nommé ceux qUI en sont attalOts, "Buzerronl", quasI "buzo errom"' et de fait, lorsque l'on en execute quelqu'un à mort en Italie, s'Ils sont interroguez pour quelle cause se fait l'executlOn, leur commune response est, que "ha errato Il buzo", qUI signifie trou, en leur langue.[256]
Bouchel soulève à nouveau la question des rôles passifs ou actifs, mais situe l'acte
auprès de la bestialité. en détachant l'union de deux mâles de tout ce qui pourrait
laisser croire à un parallèle avec les relations entre époux'
Les anciens appeliOlent Grace, la soubmlsslon que fait la femelle aux mas les ( ... ) Mais la soubmission du masle au masle, SI elle est Violente, se nomme force et Rapt et SI elle est volontaire par une
1
,r
lascheté effeminée, se laissant saillir, ainsi que dit Platon, comme une beste brute, elle est du tout i nfame, detestable, sans Grace, ny amour quelconque.[257]
81
Ces trais auteurs adoptent tous une ligne dure pour ce qui est de la
répressIOn du crime et même de sa tentative; Damhoudere refuse les
adoucissements pour les plus Jeunes accusés:
Ceuls qui losnes filz attirent et lievent pour accomplir le vilain et infame falct (voires aussi quand ilz n'auroient pas accomply le faict) sont a punir comme dessus ( ... )[258]
les femmes, les tribades, doivent subir un semblable sort, pUisque leur crime
se confond avec la sodomie. l'arrêt de Papon est repris:
Quant aux femmes qui se corrompent l'une l'autre, que les anciens nommaient Tribades (au rang desquelles sont mises Sapho, et Bassa ( ... ) que Tertulian appelle WfrictricesW) Il n'y a point de doute. qu'elles ne commettent entre elles espece de Sodomie ( ... ) Et est ce crime digne de mort, comme remarque M. Boyer ( ... ) [259]
Ils enfreignent aussi la loi du silence en traitant de ces sujets odieux. Nous ne
connaissons pas les raisons qUi les ont motivés. le Brun de La Rochette justifie
pourtant la discrétion des lois françaises à cet égard:
Certainement ce crime en ses especes sus narrees, est tellement detestable, que nos loix n'en ont osé parler que couvertement, sans curieusement expliquer toutes ses circonstances, estimans les Empereurs et Jurisconsultes estre assez, qu'ils puissent imprimer en l'ame des Juges, combien Il est horrible. et combien grande en doit estre la punition.[260]
Le sort de la bête impliquée dans les actes de bestialité suscite également des
interrogations. Est-ellp. coupable7 Doit-on vraiment la bn11er avec l'accusé? On
s'entend sur la nécessité de faire disparaître toute image qui pourrait rappeler le
crime. Damhoudere offre le plus bel exemple rhétorique des raisons devant
justifier la mort de la bête:
Car ce serait indigne et odieux laisser en estre une telle irraisonnable beste et animaul, et laisser estre, et aller en la veue de l'homme, pour lequel ung homme raisonnable, par une mort mlserable et malheureuse serait allé a perdition, et adfin que une telle beste, et anlmaul estant veu d'aultres, ne leur enschasseroit paour, et indignation oultre ce, que une telle beste et animaul ensouillé avecq
, 1
i un tel excessif, ignomlmeulx, grand et pesant mesfalct, et offense. ne pourrolt plus longuement l'indigne memoire renouveller (laquelle on doibt incontinent anmchller, et mectre a neant) ( ... ) [261 ]
82
Le commerce charnel avec les non-chrétiens est condamné et mis au rang de
la bestialité chez Damhoudere et Le Brun de la Rochette. L'Image de l'infidèle et
de l'étranger prend déjà une forme Inattendue
Car elle n'est pas desnaturelle, mais toutesfOis a la consideration et regard de nostre Foy est elle pour telle tenue et reputée. et les malfacteurs punis, comme sodomites, asscavolr ceulx qui ont a faire avecq turcqs, saraClnS, ou JUlfz, car lceulx les droltz, et nostre saincte Foy ne les tiengnent pour aultres que bestes (non pas par nature, ou par usance de raison, ou par commune vocation) mais pour leur tresdure malice, par laquelle la Foy chrestlenne (sans laquelle a personne n'est promise salvatlon) InterdlCt de converser et demou rer avecq eu lx, et a plus forte raison de dormir aupres d'eulx, et converser charnellement. [262]
La Jurisprudence française condamne sans rémiSSion les sodomites, alors que
des lOIS italiennes mOins rigoureuses étaient connues. Bouchel cite une 101
florentine datant vraisemblablement de 1566 et qUi Impose des peines en
fonction du statut SOCIal de l'accusé, de son actiVité et de sa passiVité au cou rs de
l'acte, ainsi que de son âge et de la fréquence du crime
Se detto comettente tal vitio sara agente Clttadlno habile a Il offlClJ, & minon di anm 20. finiti sia condennato per la prima volta che in quelle errore Incorrera, & ne sara notlflcato ln scudl Clnquanta d'oro in oro, ( ... ) & se sara patiente & minor d'anm 20. Sla scoregglato con clnquanta Stafilate ( ... ) Et se tali delinquentl COSI agentl come patienti saranno di eta, 0 magglori d'an", 20. è Cmadlni sleno endennati in scudi Clnquanta, & pnvi ln perpetuo dl tUtti gl! offlClj delle lor pat ne, & confinatl per quattro annl nelle stlnche. & Il artefiCi & ait ri sopras cntti (SIC) sleno concennatl pur ln scudl cinquanta da pagarsl per loro Infra dleCi dl dalla sententla data ( ... ) [263]
L'expression de la condamnation emprunte la thématique du discours
religieux: organisation schématique et morale du péché contre nature,
condamnation du manage mixte.
Les juristes S'Intéressent à de nouvelles questions visant la défense de la
logique de la loi: on Insiste afin de justifier la mise à mort de l'animai ayant
1
l ...
<).
83
participé au cnme de bestialité; on commente le silence des lois françaises; on
démontre pourquoi les chrétiens qui se lient à des infidèles sont condamnés.
L'étude d'Edmond Locard, Le XVIIe siècle médlcojudlclaire[264], nous a
permis de découvrir Pauli Zacchlae et ses Quest/Ones medlco-Iegales. Un passage
de cet ouvrage décrit l'examen médical d'un suspect, La sCience vient alors à
l'aide de la Justice des moeurs, et un examen de l'anus de l'accusé pourra révéler
S'II es,t sodomite:
Etsi stuprum fuerit valde frequentatum apparet etiam in ipso Podice laxitas quaedam, & partis dllatatio, quae etlam multo post tempore perdu rare potest, & indicare insimul stuprum frequentatum, etiam à multo tempore commissum. quod multo magls significant quaedam carunculae, seu carnae excrescentiae, quas vulgo crlstas vocant, quae maxime ex frequenti Sodomia onginem habent ( ... )[265]
-le -le -le -le -le
Les procès et les ouvrages de jusrisprudence nous permettent de tirer des
conclUSIOns de deux ordres. D'abord, les procès de sodomie en France demeurent
encore inaccessibles et peu révélateurs. En attendant les résultats des recherches
histonques, nous ne pouvons que constater l'existence de sommets vers 1580,
J 610 et 1620 et signaler leur nombre peu important s'ils sont comparés aux cas
de sortilège ou d'infanticide. Toujours selon Soman, la sodomie proprement dite
n'est pas toujours bien démarquée de la bestialité ou même de l'inceste. Les
actes d'accusation partagent parfois des appellations semblables.
Les recherches en Italie et en Espagne sont plus révélatrices. La CUriosité que
nous avons remarquée chez les théologiens se retrouvait déjà dans les
interrogatOires de procès' on veut connaître les détails de l'acte, où le sperme fut
émiS. Le partenaire actif et l'agent Impliqué dans les actes de bestialité reçoivent
des punitions exemplaires. Les mineurs, le plus souvent passifs, ne sont pas
condamnés avec autant de sévérité.
1 !
1
84
La solitude caractérise les accusés' vagabonds. étrangers. qUI s'en prennent
souvent à des enfants. Le phénomène des vagues de procès eXIste également en
Espagne. Cependant. la sodomIe semble y alterner avec des poursUItes contre les
judaïsants et contre les luthériens. A l'exceptIon des cas SIgnalés par Rugglero.
aucun noble ne semble être Impliqué dans ces hIstoIres de moeurs. MaIs nous
constaterons plus loin que les accusatIons politIques ne respecteront pas la même
règle.
La Jurisprudence confIrme le peu que nous savons des procès. Les JUristes
françaIs n'ignoraient pas que les lois italiennes étalent mOins rigoureuses que les
leurs, notamment dans le cas des mineurs. Coras. dont l'oeuvre détonne le plus
des autres ouvrages de notre corpus. souhaIte que les "mIgnons". les Jeunes
adultes, sOIent punis avec mOins de sévérité. Il laisse aussI entendre que le
modèle pédérastIque pouvait dans une certaine mesure s'appliquer a des
situations de servitude.
Coras. Damhoudere. Le Brun de La Rochette et Bouchel s'élOIgnent du
dépouillement des arrêts de Papon en commentant les aspects du Crime contre
nature et de sa condamnation. Papon, en 1565. ne faIsaIt ainSI pas de dIstinctIOn
véntable entre la bestialité, le "trlbadlsme" et la sodomie. Ses commentateurs. en
1648, auront introduit les différences et ajouté quelques cas. La plupart des
oeuvres du début du XVIIe SIècle font preuve d'une loquaCIté qUI occupe un
champ qUI se confond avec la morale religieuse. La sodomIe sera l'expressIOn
d'un complot du diable. On conSidère saint Paul comme l'inspirateur des
législations. Le sort de l'animai utIlisé dans un acte de bestIalIté deVIent questIon
de droIt: la mémOIre dOIt en être à jamais anéantie. Pourtant. ces raIsonnements
sont mOins des causes que des effets d'une volonté plus grande de savOIr et de la
mise sur pIed de véritables stratégies de la confession. Jean Delumeau. dans Le
l
1 85
Péché et la peur, soutle:1t qu'une obsession de la confession et de la peur s'est
emparée de l'Eglise catholiqLle à partir du XIIIe Siècle. La réforme post-tridentine
marque un nouveau virage en ce sens, car le fidèle devait dorénavant s'appliquer
à examiner minutieusement sa consCience et à tout révéler à son confesseur. La
conquête de terntoires voisins smon Identiques animait une justice moralisante et
une moralt! judiciaire:
L'Eglise romaine, juridique, minutieuse et casuiste, a cru que cette honte salutaire ne pouvait jaillir que d'un aveu minutieux des fautes ( ... ) Il fallait de toute nécessité faire comprendre aux fidèles la gravité des Silences et des demi-aveux dont ils se rendaient coupables au "tribunal de la pénitence".[266]
Le silence dans lequel se sont retranchées jusqu'alors les lOIS françaises face
aux actes contre nature suscite une dermère mise au point. Tout comme l'emploi
du latm ne permettait qu'aux religieux instruits d'accéder à la connaissance des
pratiques de sodomie, le vide de la législation accordait al~X seuls juges un savoir
intuitif.
Chapitre IX
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
le discours officiel de la condamnation des actes contre nature en France
comporte deux caractéristiques essentielles. D'une part, des termes vagues furent
tôt introduits pour facIliter la mention de comportements ou d'attitudes
condamnés. De l'autre, la fin du XVIe siècle marque une étape Importante dans
l'examen moral et judiCIaire des actes contre nature.
la mollit/es est une source d'ambiguïtés. L'incertitude de sa définition reflète
l'eXistence d'écarts entre les législations des pays européens. est-ce la l'expression
d'une différence des mentalités à l'tnténeur de la chrétienté? La positIOn de
l'Eglise parait déplacer la problématique. La mo/liue:., la paillardise ou la luxure
deviennent les attitudes qUI font perdre pied et qui condUisent à la sodomie, vice
abomtnable entre tous. le système de confeSSion, qUI se developpe de façon plu~
systématique, s'applique à éviter, par tous les moyens, le passage mfortuné.
Peut-être le Brun de la Rochette avait-II raison en soupçonnant le complot
diabolique. les religieux instrUits ou les juges savaient, eux, comment mettre en
fu ite lucifer.
L'Image de Sodome implique un décalage entre le discours religieux et la
réalité. Bien sûr, le châtiment irrévocable est mvoqué, mais aucune accusation
n'est portée contre un groupe préCIS. L'héréSie calVIniste tnqUirte certainement
bien plus. Peu à peu se développe donc l'Impression que la pratique de la
sodomie, même si elle ne peut être tolérée. n'est pas l'ennemi principal. L'héréSie
ou la sorcellerie peuvent faire basculer des populations entleres vers le monde du
- 86-
----------- --_ .. _----
,"
87
péché: la sodomie--et Soman le prouve avec de~ chiffres--falt figure de narent
pauvre, de cas exceptionn21, aux côtés de la bestialité. Les enjeux véritables de la
"rhétorique du sodomite" sont diffus. l'inflation de l'image détonne face à la
réalité historique, et sa progression ne s'effectue pas dans un seul sens. les
aspects juridiques et religieux tendent à se confondre, presque tous les auteurs
font allusion aux tribades comme à une curiosité antique, le châtiment du feu
marque la mémoire et l'anéantit, la volonté de taire le vice pousse des auteu rs
comme Benedicti à en traiter longuement, la médecine est appelée au service dt:
la justice, etc. les discours officiels valOrisent donc la répression, mais sont
également sensibles aux images véhiculées par la culture antique, les polémiques,
ou ;~ême les découvertes du Nouveau Monde.
Partie 3
IMAGES DE L'ALTERITE
Ir
~
- 88 -
! \
!' i " , . '. t-, Ir
l
T
Chapitre X
INTRODUCTION
Les textes que nous étudions dans la présente partie relèvent de deux
topographies de l'imaginaire européen. Les premiers ont été choisIs parmi les
oeuvres médicales et les recueils de prodiges de l'époque. Les seconds, qUi seront
étudiés en deux temps, se composent de récits de voyage en Amérique et en
Orient. Dans tous les cas, l'altérité est représentée: le monstre, le prodige, le
nouveau monde. Dans tous les cas, le sodomite, le berdache ou l'hermaphrodite
les côtoient, immanquablement. Nos analyses viseront donc à saisir la qualité et
l'organisation des images de pratiques homosexuelles en les comparant les unes
aux autres, et en identifiant les principaux liens qui les unissent aux formes de
l'altérité.
- 89·
1
Chapitre XI
TERATOLOGIE ET HERMAPHRODISME
C'est une région de l'Imaginaire qui a subi de profondes modifications aux
XVIe et XVIIe siècles que nous découvrons maintenant. Notre étude de la
perleptiOn du monstrueux et de l'Autre nous conduira ue la vision univoque de
l'univers à l'appantion progressive de l'altérité, puis à la perspective et aux
premiers pas d'un rationalisme objectif.
Au départ, nous ne souhaitions traiter dans le présent chapitre que de la
question du monstrueux et du prodigieux. Peu à peu, les problématiques de
l'hermaphrodisme et de l'androgynie s'y sont greffées, en partie engendrées par
les tensions entre la mythologie et la réalité. Jean '.ibis décnt cette diffiCIle
actualisation du mythe de l'androgyne:
Mais lorsque l'androgynie qUitte le champ mythique et surgit, de facto, au sein de la nature, il semble que se fait jour une formidable inversion de valeur. Ce qui était le support de prestigieux attributs se rabaisse soudain de manière radicale et devient objet de scandale voire d'opprobre. Toute une série d'anathèmes ainsi se développe ( ... )[267]
Le corps de l'hermaphrodite, tout comme celui du sodomite, gêne. Un tabou
l'entoure, qui favorise son exclusion:
Si l'on en croit un récit de Diodore de Sicile, vers 90 av. j.·C, une femme des environs de Rome devint homme; le mari embarrassé expose l'affaire au Sénat, et à la suite de pratiques divinatoires, il fut déCidé que la femme hybride serait brûlée vive. D'une façon générale, Il convenait d'éviter le contact direct avec le cadavre; d'où le chOIX des moyens suppresslfs: abandon, déportage sur une île déserte, consomption par le feu. [268]
- 90 -
1
,.
91
Nous avons retrouvé plusieurs exenlples de ce rejet. Pline l'AnCien rapporte
l'existence d'une i!e où l'on abandonnait les berdaches'
Au goulfe de Celamus yale.; isles de Pnaponnesos, Hlpponnesos, Psyra, Mya, Lampsemandus, Passala, Crusa, Pyrrha, Sepiussa, Melano, et fmaiement l'Isle des Bardaches, dicte Cynaedopolrs, à cause des Bardaches que Alexandre le Grand y laissa, laquelle est assez pres de la terre ferme.[269]
Tesserant, dans ses HIstOires prodIgIeuses, cite le cas d'une femme qUi fut exilée
parce que devenue homme:
On list semblablement es histoires Romaines que P. Licmlus Crassus et C. Cassus Longinus estants Cosi qui fut l'an 583. de la ville, une jeune fille devint garçon, lequel fut par l'ordonnance des Haruspices relegué en une Isle deserte pour l'horreur de l'exemple.[270j
Riolan, dans son DIscours sur les hermaphrodlts visant directement les oeuvres de
Jacques Duval, offre de façon encore plus extensive la genèse de cette exclusion
qui gardait encore, à l'époque de Pline, la couleur du rejet CIVIl'
De faict qu'en Athenes et à Rome, aussI tost qu'un Hermaphrodlt estoit né, on le precipitoit dan~ la mer, comme rapporte Alexander ab Alexandra, et Julius Obsequens le prouve par plUSIeurs histOires des monstres qui ont esté jettez dans la mer. Du temps de Plme ceste mauvaise coustume estolt abolie; car ri dlCt les Hermaphrodlts que l'on estlmolt prodigieux, sont maintenant aymez. Les Jurisconsultes leur permettent d'eshre le sexe qUI predomine en eux, et le garder se mariant; mesme faire testament, s'ris n'estolent mariez. Neantmoins on a tous jours reJetté des charges honorables les Hermaphrodlts.[271]
Ce n'est peut-être pas sans raisons que l'hermaphrodite apparut au sem de deux
mondes nouveaux, à la fin du XVIe siècle, qui ne participaient" pas dIrectement de
la dynamique sociale: le monde médical, émergeant à peme, et l'Amérique.
* * *
Une véritable polémique s'engendre au début du XVIIe slecle et a pour objet
l'hermaphrodisme. Elle reflète un changement des mentalités qUi peu a peu
transforme la médecine. Selon Jean Céard, l'homme se Situait, à la fm du XVIe
siècle, au centre d'un vaste dialogue avec la nature
.,.
L'homme du XVIe slecle n'observe pas les choses d'u n oeil froid, d'un regard détaché; Il lUi semble avoir partie liée avec elles, elles sont des voix avec lesquelles toute enquête, toute étude, toute relation est un véritable dlalogue.[272]
92
Le rapport tient de l'intrinsèque. si l'homme abuse de la nature, elle lui " ( ... )
oppose une sorte de réslstance".[273] Il existe une relation de cause à effet, entre
les actes contre nature et le monstrueux. Rueff, dans le De Conceptu, tient
l'homme doublement responsable de l'apparition du monstrueux'
Ainsi c'est toujours l'homme qui porte la responsabilité de l'appantlon des monstres et ceux-CI dénoncent toujours et punissent toujours sa méchanceté. Du reste, Rueff n'hésite pas à attribuer à la zoophilie, ce vice abominable, tous les monstres composites ( ... )[274]
Dans Des Monstres et prodiges, après s'être Intéressé aux monstres issus du
mélange de semence, Ambroise Paré f,:,nsacre un chapitre à 1'"Exemple de la
gloire de Dieu", dans leqt.<elles prodiges ne relèvent plus d'actes abominables:
Il est escrit en S. jean d'un homme qui estoit nav aveugle, lequel ayant recouvert la veue, par la grace de Jesus-Christ, fut interrogué de ses Disciples, si le peché de luV ou de ses parens estait cause qu'il eust esté ainsi prodUit aveugle dès le jour de sa nativité. Et jesus-Christ respondit que luV, ne son pere, ne sa mere n'avoient peché, mais que c'estolt à fin que les oeuvres de Dieu fllssent magnifiees en luy.[27S]
Les premières pages de l'oeuvre de Paré nous éclairent sur l'espace imaginaire
occupé par les phénomènes contre nature.
Monstres sont choses qUI apparoissent outre le cours de Nature (et sont le plus souvent signes de quelque malheur à advenir) comme un enfant qui naist avec un seul bras, un autre qui aura deux testes, et autres membres, outre l'ordinaire. Prodiges, ce sont choses qui viennent du tout contre Nature, comme une femme qui enfantera un serpent, ou un chien, ou autre chose du tout contre Nature, comme nous monstrerons cy apres par plusieurs exemples d'iceux monstres et prodiges, lesquels j'av recueillis avec les figures de plusieurs autheurs ( ... )[276]
En 1579, "outre le cours de nature" sera remplacé par ·contre le cours de nature",
peut-être afin de mieux formuler la différence. jusqu'en 1579, la préface s'arrêtait
là. En revanche, à partir de cette date, un paragraphe sur les mutilés s'ajoute,
regroupement qui comprend les malformations des hermaphrodites:
Les mutlle2, ce sont aveugles, borgnes, bossus, bOiteux, ou ayant SIX doigts à la main, ou aux pieds, ou mOins de Cinq, ou JOints ensemble, ou les bras trop courts, ou le nez trop enfoncé comme ont les camus, ou avoir les lévres grosses et renversees, ou closture de la partie genltale des filles pour cause de l'hymen, ou chair supernaturelle, ou qu'elles soyent l1ermafrodltes, ou ayant quelques taches, ou verrues, ou loupes, ou autre chose contre nature.[277]
L'emploI des notions du contre le cours de nature et du contre nature est
généralisé, tant pour les définitions des monstres et des prodiges que d~s mutilés.
La première expression laisse présager que l'écart n'est qu'en partie Irrémedlable.
Contrairemt!nt aux lexèmes modernes, le prodigieux s'cp pose alors plus
fortement à l'état des choses que le monstrueux.
Dans son premier chapitre. Paré envisage les causes des monstres. Elles sont
mllltiples'
Les causes des monstres sont plUSieurs. La premlere est la glOIre de Dieu. La seconde, son Ire. La troisiesme, la trop grande quantité de semence. La quatriesme, la trop petite quantité.[278]
Il faut attendre le pc 1t onze pour retrouver:
L'onzlesme, par mixtion ou meslange de semence.[279]
Au chapitre III, intitulé "Exemple de l'ire de Dieu·, la création de monstres et de
prodiges est expliquée par la qualité de l'acte sexuel.
Il est certain que le plus souvent ces creatures monstrueuses et prodigieuses procedent du jugement de Dieu, lequel permet que les peres et meres prodUisent tel/es abominations ou desordre qu'Ils font en la copulation tomme bestes brutes, où leur appetlt les gUide, sans respecter le temps ou autres loix ordonnees de Dieu et de Nature, comme il est escrit en Esdras le Prophete, que les femmes souillees de sang menstruel engendreront de~ monstres.[280]
Dans le même chapitre, l'édition de 1579 présente deux portraits, dont l'un
du fameux monstre de Ravenne. En VOICI la descnpt;on
Autre preuve. Du temps que le Pape Jules second susCIta tant de malheurs en Italie et qu'il eut la guerre contre le Roy Louys douziesme (1512), laquelle fut sUyvle d'une sanglante bataille donnee pres de Ravenne, peu de temps apres on veit nalstre en la mes me Ville un monstre ayant une corne à la teste, deux alles et un seul pied semblable à celuy d'un oyseau de proye, à la Jolncture du
1 genoüil un oeil, et participant de la nature de masle et de femelle, comme tu VOIS par ce pourtralct.[281]
94
Boalstuau, discutant du monstre dans ses Histoires prodigieuses, livre la clef de
l'Interprétation de sa naissance et de son anatomie.
Entre autres il s'y trouva quelques hommes doctes et celebres qui commencerent à philosopher sur la misere de cest enfant, et sur sa figure monstrueuse' lesquels dlsoient que par la corne, estoit figuré l'orgueil et l'ambition: par les ailes, la legereté et inconstance: par le deffault des bras, le defaut des bonnes oeuvres par le pied raVissant, rapine, usure, et avance: par l'oeil qui estoit au genouil, l'affection des choses terrestres: par les deux sexes, la Sodomie, et que pour tous ces pechez qui regnoient de ce temps en Italie, elle estoit ainsi affligee de guerres.[282]
Céard fait remonter la tradition de ce monstre à un continuateur de la Chronique
d'Eusèbe, parue en 1512 chez Henn Estienne. L'allusion à la sodomie s'y retrouve
déjà, comme on peut le constater dans le passage suivant:
Aliqui interpretati sunt, cornua superbiam, alas levitatem et mentis inconstantiam, carentiam brachlorum defectum bonorum operum, pedem rapacem rapinam, usuram et omnimodam avantlam, oculum in genu solum ad res terrenas mentis defectionem, utrumque sexum sodomiam ( ... ) [283] ,
Les chapitres six et sept de l'ouvrage de Paré donnent un aperçu des croyances et
des attitudes face aux hermaphrodites à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle:
ce sont "Des Hermafrodites ou androgynes, c'est a dire, qui en un mesme corps
ont deux sexes· et ·Histoires memorables de certaines femmes qui sont
degenerees en hommes".
A la fin du premier paragraphe du sixième chapitre, on peut lire un passage
issu de Tesserant, qui lui-même s'inspirait de saint Augustin et de Pline l'Ancien.
Mais voici comment Paré décrit l'usage des deux sexes que font les
hermaphrodites:
Car aucuns en ont abusé de telle sorte, que par un usage mutuel et reciproque paillardoyent de l'un et de l'autre sexe, tantost d'homme, tantost de femme, à cause qu'ils avoyent nature d'homme et de femme proportionnee à tel acte, VOire, comme descript Aristote, leur tetin drOit est ainsi comme celuy d'un homme et le gauche comme celuy d'une femme.[284]
Tesserant imagine le monstre ainSI:
Car autre fOIS, comme salnct Augustin au mesme chapitre escnpt, quelques uns en abusolent de telle sorte, que par un usage mutuel et reciproque, Ils palllardOlent l'un avec l'autre, servans chacun à son tour tantost d'homme, et tantost de femme, pour-ce qU'Ils avoient double nature, d'homme et de femme, VOire, comme Anstote escnpt, leu r tetm drolct estolt comme celuy d'ung homme, et le gauche comme celuy d'une femme.[285)
95
Si nous consultons l'HistOire du Monde de Plme, une description semblable
apparaît dans un chapitre traitant "Des Scythes, et de plUSieurs autres diverses
Au delà des Nasamoniens, et Machlyens, qui sont leurs vOySlnS, on trouve des Hermaphrodites. qui ont deux natures, aussI s'entrecognoissent ilz charnellement les uns les autres, chacun leur tour, selon que dit Calliphanes.
Ari~tote adioustant à son dire dit, que ces gents ont le tetm droit comme un homme, et le gauche, comme la femme.[286)
Pourtant, la position de Paré à l'égard de l'hermaphrodisme fut contestée. Dans
sa défense, Il s'appuie à la fOIS sur la tradition d'auteurs anciens et sur le besom
de restreindre les pOSSibilités de relations charnelles de ces humams
Demande. Pourquoy dOit-on t'c!nlr et reputer l'Hermaphrodite ou pour homme ou pour femme7 Resp. On doit conSIderer la grandeur de l'un des membres, ayant esgard à la grandeur de l'autre, et lequel des deux est plus pUissant pour l'usage venerten et S'II tient plus de la femme, il sera tenu et repu té pour femme, et ainSI de l'homme. ( ... ) Et quant à la preuve que vous dictes estre abominable, cela est faulx, consideré la grande abomination qUI en survlendrOlt, S'II luy estoit permis, contre les 100x de Dieu et des hommes, abuser des deux sexes. Joint que telle preuve est escnte par les anClens.[287)
Au chapitre sept, lorsque Paré aborde les histOires de femmes qUi se transforment
en hommes, il se range derrière la traditIon qUI conSidère le corps Cie l'homme
comme supérieur à celui de la femme et donc plus près de la perfection'
La raison pourquoy les femmes se peuvent degenerer en hommes, c'est que les femmes ont autant de caché dedans le corps que les hommes descouvrent dehors, reste seulement qu'elles n'ont pas tant de chaleur ny suffisance pour pousser dehors ce que la frOidure de leur temperature est tenu comme hé au dedans. ( ... ) Or, comme telle metamorphose a heu en nature par les raisons et exemples alleguees, aussI ne trouvons Jamais en l'hl~toire veritable que
•
d'homme aucun SOit devenu femme, pour-ce que Nature tend tous jours a ce qUI est le plus parfalct, et non au contraire faire que ce qUI est parfalct devienne Imparfalct.[288]
96
Lorsque chez la femme des malformations inCItent ci la luxure, Paré
recommande sans broncher l'exCision, afin qu'elles ne puissent en abuser avec des
compagnes.
Les Grecs les appellent namphes, qUi pendent et sortent à aL'cunes femmes hors le col de leur matrice, et s'alongent et acourClssent, comme falCt la creste d'un cocq d'Inde, principalement lors qu'elles deslrent le coït, et que leurs mans les veulent aprocher, se dressent comme la verge vmlle, tellement qu'elles s'en Jouent avec les autres femmes: Aussy les rendent fort honteusses et difformes estans veues nues, et à telles femmes on leur dOlbt 11er, et couper ce qUI est superflu, par ce qu'elles en peuvent abuser, ( ... ) [289]
On reproclJa ce passage à Paré, et Il a dû se défendre d'avoir présenté un exemple
"dangereux W et "indigne" en rappelant que des médecins, des historiens et des
Junstes en avalent fait mention bien avant lui: Hippocrate, Paul Egineta, Léon
l'Afncaln, Jean Papon. [290] En 1579, Il supprime le passage des "nlmphes" et
introduit plutôt l'arrêt de Papon que nous avons déjà mentlonné.[291]
Le Paré traitant des aberrations sexuelles ou des actes contre nature se
retranche ainSI dans une pOSition liminale, entre l'interdit, qui dOit être maintenu
dans la sphère du silence, et les détails anatomiques dont la correction ou la
prévention habilitent le patient au Salut- Athées et Sodomites sont exclus de tout
processus de rédemption et sont finalement repoussés vers la damnation:
Or Je delaisse icy à escrire plusieurs autres monstres engendrez de ceste fanne, ensemble leurs portraits, lesquels sont si hideux et abominables, non seulement à voir, mais aussI d'en ouyr parler, que pour leur grande detestation ne les ay voulu reciter, ne faire portra!re. Car ( ... ) que doyvent esperer les Atheistes et Sodomites, qUI se Joignent contre Dieu et Nature ( ... ) avec les bestes brutes7 [292]
Ambroise Paré répond à de nombreuses incertitudes quant aux croyances
relevant de l'origine des actes contre nature. Nous savons maintenant que des
1 97
causes diamétralement opposées comme la gloire et l'Ire de Dieu peuvent
provoquer l'apparition de monstres, de prodiges ou de mutiles.
Ce n'est pas la sodomle--qui s'avere stérlle--, mais la copulation avec les bêtes
qUi est dénoncée en tant que source possible de l'engendrement de monstres.
Cependant, l'hermaphrodisme résultant parfoIs de tels types d'actes porte le
symbole de la sodomie, comme le démontre l'Iconographie du monstre de
Ravenne.
Ce dernier détail est peut-être plus Important qU'II n'en a l'air.
L'hermaphrodite, dans plusieurs passages des Monstres et prodIges, s'aSSimile a
une simple curiOSité anatomique, pensons simplement a l'excIsion suggeree pour
les "nlmphes", En revanche, lorsque l'aspect moral est aborde, l'Image glisse vers
la paillardise et la tentative d'échapper aux lOIS du masculin et du fémll1l11. Il n'y
a donc pas de doute à affirmer que l'hermaphrodite, a l'époque, ne pouvait
supporter longtemps l'Image purement anatomique.
* * *
Au début du XVIIe Siècle, la question de l'hermaphrodisme sera l'objet d'une
nouvelle polémique entre Duval et Rlolan. La problérnatlque n'est pourtant pas
nouvelle, pUisque, une fOIS de plus, la lecture de Pline l'Ancien révele que l'Image
de l'hermaphrodite s'est transformée pendant l'AntiqUité, subissant d'abord un
rejet mcondltlonnel, pUIS suscitant l'mtérêt des cUrieux
On trouve aussI des Ermafrodites, qUI ont deux natures. AnCiennement on les fuyoit comme chose prodigieuse mais maintenant on y prend plalslr.[293]
De la terreur à la curiosité, les émotions engendrées II1qUletent néanmOinS,
conduisent l'esprit à dompter l'objet de la métamorphose. Le XVIIe slecJe n'en
finit pourtant pas de façon définitive avec l'hermaph rodlte. Df'S statuts divers lUi
sont octroyés, et sa partiCipation à l'ordre universel en découlera
1 Il Importe, apres avoir constaté l'affirmation de la réalité de l'hermaphrodisme dans le discours sCientifique du XVIIe Siècle, d'analyser les explications qu'on en don ne, afin de situer l'hermaphrodite du temps dans un espace théOrique très vaste, allant de la dénonCIation de sa monstruosité contre nature, à l'affirmation de sa SL.:rnature, en passant par toute une série de schémas explicatifs visant plus slmplement à le réintégrer dans la nature, en Justifiant son eXistence par son appartenance à un ordre du monde plus général.[294]
98
Un espace Idéologique qUi pUl5se harmoniser hermaphrodisme et nature se
constitue. Le spectre du monstrueux est vraisemblablement repoussé.
Le conflit entre Duval et RlOlan a priS forme après la publication par ce
dermer d'un traité, en 1612, por tant le titre Des HermaphrodItes, accouchemens
des femmes, et traItement qUI est reqUIs pour les relever en santé, et bIen élever
leurs enfans. RlOlan, qUi publia deux ans plus tard un Discours sur les
hermaphrodItes, l'accuse notamment d'avoir tenté de prouver que certams
hermaphrodites pouvaient être parfalts--c'est d'ailleurs le sous-titre de son
ouvrage' "Où Il est demonstré contre l'opmlon commune, qu'il n'y a pomt de
vrays Hermaphrodlts"--et il dénonce sa typologie,
Je responds au sieur du Val, que la premiere espece des Hermaphrodlts n'est point veritable, qU'II est impoSSible, comme J'ay desJa dit. qu'une personne se pUisse ayder des deux natures, pour faire alternativement action d'homme et de femme' quant à la seconde espece des Androgynes: Je dis qu'une vraye fille bien formee ne peut devenir garçon, et quand elle le devlendroit, Il n'y a nen d'Hermaphrodlt. Pour sa trOlsiesme espece, je luy mamtlens qU'II est tres-faux qu'un vray garçon devienne fille: ( ... ) Partant pUIS que la deformlté et mauvaise conformation des Androgynes ou Hermaphrodlts péHOlst au dehors; il faut prendre les dlfferences par les diversltez qui se rencontrent aux parties extérieures.[29S]
EVidemment, toutes ces démonstrations s'apPuient, autant que faire se peut,
sur diverses sources Aristote, Archelaus, Pline, saint Augustm, etc.
Les protagonistes aborderont également des questions qui pourraient cacher
d'autres préoccupations. Par exemple, nous retrouvons dans les oeuvres de
chaque auteur des allUSions à l'homosexualité féminme. L'excroissance du clitOriS
1 99
et les tribades form~nt alors matlè!'e à discussion. Au chapitre X ne son traite
intlt'llé "Du Clitoris OU gaude mihl", Duval établit deux catégones de femmes qUI
abusent des personnes du même sexe les "fnctnces" ou ribaudes, souffrant d'une
excroissance du clltons, et les femmes laSCives
MaiS en quelques unes ledit cleltons s'est trouvé SI grand, qu'II y à eu des femmes ausquelles Il representolt la grandeur et grosseu r d'un membre viril dressé et disposé à la culture. dont elles abusoyent les filles et femmes. ( ... ) CeUes qUI la portent am SI grosse, longue et bien fourme sont appeliez tribades, par Cahus Aurehus 1. 4. chap. 9. Par Plaute, sublgatnces' Par Arnobus, fnctnces, et par les FrançOIs, Ribaudes. Je n'entens ICI parler de certaines femmes extremement laSCives, et adonnees outre mesu re au deslr du surnen prurit et porcin sommeil venenque. Lesquelle.,; sont aansl appeliez quod olisbo sese mutuo confodlant.[296]
Au chapitre sUivant intitulé "Des Nymphes grandes etourachos", Duval
reprend une nouvelle fOIS le parallèle entre une déformation phYSiologique et des
pratiques per''/erses, cette fOIS-CI pouvant être remarquées aux réglons tropicales
MaiS aux reglons chaudes, elles sont de trop plus grosses et longues, de sorte que sortans hors les parties honteuses, et advenant qu'elles sOient pressez et frotez par les habits, elles eXCitent grande titillation, vOire mesmes douleur. QuelquesfOls elles s'estendent en longueur .et grosseur tant monstrueuse, que les femmes qUI en sont bien munies en peuvent abuser les filles, leur donnant telle delectatlon que ferolt un homme' fors que n'y ayant aucune caVité, pour l'excretlon de la douce liqueur dont la vulve est friande, les pauvrettes ne sont indUites au bout de la carriNe, qu'à l'appetlt d'un plus fnand morceau, n'en tlrans plus de contentement que du cleiton!;. [297]
EVidemment, le topos est repris' l'excroissance phYSIOlogique permet aux
femmes de se comporter e:l hommes même SI elles ne peuvent Jouir comme eux.
Riolan précisera l'image en ajoutant un détaIl géographique
Ceste excroissance des Nymphes comme Il a desJa esté monstré, n'est autre chose que le Chtons grossy et allongé, qUI represente la verge de l'homme. Leon Africain en son histOire d'Afrique raconte qu'en Egypte se trouve quantité de Tribades, qUI ont les deux natures ( ... ) les femmes AEgyptlennes sont fort chaudes et lubriques, les hommes ne le sont pas mOinS, et ont la verge fort grosse et grande.[2981
100
Les raisons de cette déforrnation sont multiples et s'additionnent, allant du grand
nombre de grossesses au climat et aux excès amoureux.[299] La mention d'un
possible rapport entre le comportement amoureux et l'hermaphrodisme rappelle
que, en ce début du XVIIe siècle, l'âme et le corps sont toujour5 le reflet l'un de
l'autre:
Or ceste partie dicte clitoris, representant par sa figu re et composition la verge de l'homme, peut croistre et groSSir comme le doigt aux femmes volupteuses et amoureuses, et en peuvent abuser pour se donner plaisir, en habitant les unes avec les autres.(300]
Riolan, tout comme Paré, dénonce l'hermaphrodisme et le considère comme une
monstruosité cachée au sein de la soci~té, devant être corrigée par des
interventions chirurgicales:
Mais il n'est pas de mesme des Hermaphrodits, d'autant que ces monstres-là vivent aujourd'huy parmi nous. Il faut sçavoir la nature qui domine en eux, pour leur donner l'habit de leur sexe, et s'il ya moyen, retrancher ce qui ne leur appartient ( ... )[301]
Le rôle du médecin, déjà préfiguré par Ambroise Paré, se précise avec Riolan:
Partant il appartient au Medecin de cognoistre du sexe des Hermaphrodits, et adjuger celuy qu'il verra leur convenir, sans leur donner option d'eslire et choisir le sexe qu'ils voudront.[302]
Notre étude de l'hermaphrodisme se déplace donc, par la force des choses,
vers l'analyse de la perversité féminine. Paré a déjà démontré le principe: une
fille peut se transformer en garçon. mais le contraire ne se produit pas. Pour
Riolan, le premier changement ne peut guère se compléter entièrement; les
tribades demeurent ainsi bien cloisonnées dans leur genre ambigu:
Je croy que le scrotum vu ide des testicules, replié par le milieu, representoit les levres de l'orifice exterieur de la matrice, et que dedans cette fente estoit cachee une petite verge. laquelle petit à petit s'est accreüe, qu'avec le tempCl les testicules qui estoient logees dans le ventre proche des aine~, sont descendues dans les bourses. Mais je ne pense pas que ceste verge soit aussi forte, puissante, et grande, que celle des autres hommes bien formez et robustes.[303]
Le passage inverse ne peut s'effectuer, raisons anatomiques à l'appui:
1 Il est du tout incroyable et impossible qu'un homme pUisse devenrr femme, car quelle similitude a le scrotum avec la matrice.[304]
101
Le discours de l'hermaphrodisme s'est donc doublé d'une dépréCIation du statut
de la femme. D'ailleurs, ne court-elle pas un plus grand rrsque de développer des
mdlformations?
Car si la mauvaise conformation des parties du corps arrive plus souvent aux femmes qu'aux hommes, pour la debilité de la vertu conformatrice, il y a plus d'apparence de croire. que les femmes deviennent plus souvent Hermaphrodits. que les hommes.[305)
la portée mythique de l'androgynre fut ainsI évacuée afin de laisser place à
un hermaphrodisme médico-légal, dont souffraient principalement des êtres
inférieurs: les femmes, les habitants des contrées chaudes. l'hermaphrodisme
ravivait donc c.les images de l'infériorité qui en laissent présager long quant à
l'impact des êtres intersexuels sur l'imaginaire des hommes de l'époque.
Les ribaudes n'offrent pas l'unique pOint de rencontre entre hermaphrodisme
et activité homosexuellp • Dans les écrits polémiques du début du XVIIe Siècle,
nous constaterons que les habitants d'une île utopique symbolisent tout à la fOIS
intersexualité, travestissement, comportements Immoraux, relations entre
hOln.11es:
La tradition se perpétuera, et l'homosexualité sera encore désignée sous le vocable d'hermaphrodisme au XVIIe siècle. On en a une preuve éclatante dans le célèbre pamphlet sur la cour d'Henri III: L'Ile des Hermaphrodites de Thomas Artus, sieur d'Embry.[306)
Mais nous reviendrons sur cette question.
* * * * *
le discours médical traitant de !'hermaphrodlsme dan~ la dernière partie de la
Renaissance cache une dynamique d'ensemble qui s'apparente à l'image du
sodomite des ouvrages religieux et judiciaires. Il demeure sans contredit qu'un
mouvement d'amplification allégorique déplace l'acte de sodomie ou les
malformations anato,(liques dans un univers du vice, de la luxure, du sacrrlège et
. "
102
de la catastrophe. Curieusement, et cela apparaît de façon plus évidente dans
nos analyses du présent chapitre, le sodomite demeure pauvre en attributs. En
revanche, les hermaphrodites et les tribades possèdent une histoire, transmise par
les Anciens, des lieux de vie (près des Scythes, en Egypte), et ils voient le jour
pour des raisons connues.
La misogynie et une certaine forme de racisme (intimement lié à la théorie
des climats) donnent une couleur nouvelle à l'aspect anti-naturel de
l'hermaphrodisme. La persistance d'un tel phénomène pourra être v~rifiée dans
les types d'ouvrages que nous analyserons dans les prochains chapitres .
P.
Chapitre XII
LES RECITS DE VOY AGE ET L!E NOUVEAU MONDE
les récits de voyage en Aménque ne furent pas très populaires. les Français
de la Renaissance regardaient plutôt vers l'est que vers l'ouest: entre 1480 et
1609, les livres concernant l'Empire turc, les Indes orientales de même que les
"Voyages à Jérusalem" et les "Histoires de la Chine" sont Impnmés en plus grand
nombre que les récits de voyage en Aménque.[307) l'exotisme des terres
nouvellement découvertes eXiste pourtant, et les explorateurs se chargent de
ramener animaux et indigènes du nouveau continent. Ces réCits sont révélateurs
de complexes d'images; premiers pas de la sCience anthropologique, Ils offrent
souvent la clef de voûte de réseaux anxiogènes européens.
A la source du système réside l'ambiguïté d'une découverte qUI souleva
l'étonnement, le rejet, le mépns, avant que la conquête ne détruise tout et
n'extermine des populations entières.
l'Amérindien, cet étranger, relève d'abord d'une autre image que le Musulman
ou le Noir. Cet inconnu n'était ni un mfidèle 01 un inféneur, pUisque la ciVilisation
occidentale ne le connaissait pas. le mythe du Bon Sauvage n'est pas apparu
sans raison: à maintes reprises les voyageurs s'étonnent des Similitudes de
croyance entre Européens et AméricainS: auraient-Ils également été témoins de la
Révélation? Déjà, au XVIe siècle, Bartholomé de Las Casas plaidait en leur faveur,
comme le rappelle Colette Guillaumin:
lorsqu'au début du 16e siècle Bartholomé de Las Casas, ayant découvert (avant l'Eglise institutionnelle) que les Indiens ont une âme (c'est-à-dire un statut d'homme), favorise l'Importation des Nègres pour assurer les tâches que ne feront plus les Indiens, c'est
- 103 -
(" ....
que les Nègres n'ayant pas (encore) d'âme apparaissent comme pure marchandise productrice.[308]
104
le processus d'intégration du Nouveau Monde à l'imaginaire européen ne se
conçoit pas aisément. Todorov croit en un refus de l'altérité:
Toute l'histoire de la découverte de l'Amérique, premier épisode de la conquête, est frappée de cette ambiguïté: l'altérité humaine est à la fois révélée et refusée.[309J
lorsqu'il se lance dans le processus de la conquête, l'Européen annihile à jamais
l'une des entités de la connaissance de soi, l'autre:
En gagnant d'un côté, l'Européen perdait de l'autre; en s'imposant sur toute la terre par ce qui était ~ia supériorité, il écrasait en lui-même sa capacité d'intégration au monde. Pendant les siècles qui suivront il rêvera du bon sauvage; mais le sauvage était mort ou assimilé, et ce rêve était condamné à la stérilité. [31 OJ
Temporellement, notre étude s'intéresse donc à cette courte période pendant
laquelle le sort du Nouveau Monde et son image ne sont pas encore fixés, et sa
description, intimement liée aux bouleversements survenus sur le continent:
Si le problème turc avec les crises politiques et morales qu'il a suscitées du XVe au début du XVIIe siècle, peut être considéré comme un élément fondamental d'une certaine prise et d'une certaine crise de conscience européenne ( ... ) la découverte du Nouveau Monde, ou plutôt les dfets à retardement de cette découverte, constituent dans la ::;econde moitié, et même dans les dernières décennies du XVIe siècle, comme une sorte de révélateur ou la caisse de résonnance d'une certaine Idée ou d'une certaine image de l'Europe.[311 J
Trois types d'images relatifs aux peuples américains retiendront
principalement notre attention: la nudité, l'anthropophagie et la sodomie. Ces
trois lieux d'étonnement ne furent pas traités avec la même verve. la nudité, par
exemple, ne provoque pas une désapprobation aussi vive que l'anthropophagie.
Pourtant, elle se retrouve avec une grande fréquence, dans des récits divers,
parfOiS même les plus avares de détails comme celui de Gonneville:
Item disent que là ils trouvèrent des Indiens rustres, nuds comme venants du ventre de la mère, hommes et femmes; bien peu y en ayant couvrant leur nature ( ... ) [312]
1 105
Thevet associera le port de vêtements à un état de civilisation, notamment
lorsqu'il décrit les coutumes des GUinéens
Ceste canaille la plus part va toute nue, combien que quelques uns, depuis que leur pais à esté un peu frequenté, se sont accoustumez à porter quelque camisole de Jonc ou cotton, qui leur sont portées d'ailleurs.[313]
Atkinson soutient que la nudité de certains peuples surprit grandement les
voyageurs:
Pour ces auteurs, cependant, cette constatation n'était pas du tout une banalité. C'était, au contraire, l'un des faits les plus étonnants de leur époque.[314]
Etonnant, cela va sans dire, mais il faut se garder de l'assoCIer à un acte ne
suscitant que des sentiments de répugnance. Jean de Léry, comparant la nudité
des femmes tupinambas aux tOilettes recherchées des Européennes, condamnera
sans hésiter ces dernières:
Et partant, je maintien que les attisets, fards, fausses perruques, cheveux tortillez, grands collets fraisez, vertugales, robbes sur robbes, et autres infinies bagatelles dont les femmes et filles de par-deça se contrefont et n'ont jamais assez, sont sans comparaison, cause de plus de maux que n'est la nudité ordinaire des femmes sauvages ( ... )[315]
Le mythe du Bon Sauvage se constitue donc à partir de notions taboues qUI sont
déjà récupérées par les auteurs de récits dans le but de condamner les moeurs
européennes.
L'anthropophagie se situe, si l'on veut, à l'autre extrémité de l'échelle de
l'horreur. Pourquoi en est-il ainsI? Il ne fait aucun doute que cette pratique est à
l'origine de nombreux commentaires et descriptions. Encore aUJourd'huI,
l'Occidental ne conçoit qu'avec dégoût que de tels actes conservent une
dimension rituelle, par exemple, chez des peuplades isolées de l'Océanie. La
"mythification" n'a cette fois-Cl que difficilement résorbé ou déplacé l'atroCIté du
phénomène.
106
L'un des réflexes des cosmograp!1es qui devaient traiter des nations
nouvellement découvertes était de les associer d'une façon ou d'une autre au fond
historique européen. Ce vertige du vide a influencé le traitement de
l'anthropophagie. Thevet rappelle l'histoire romaine et peut ainsi établir un
parallèle quant aux types de jugements devant être formulés.
Il ne se trouve par les histOires nation, tant soit elle barbare, qUI ait usé de SI excessive cruauté: sinon que Josephe escrit, que quand les Romains allerent en Jerusalem, la famme, apres avoir tout mangé, contraignit les meres de tuer leurs enfans, et en manger. Et les Anthropophages qui sont peuples de Scythie, vivent de chair humame comme ceux cy.[316]
L'anthropophagie sert d'indice du degré de civilisation, dont le progrès s'effectue
du sud vers le nord. Thevet rappelle alors que les Mexicains avaient déjà
abandonné certaines coutumes lors de la conquête:
( ... ) comme de s'entretuer l'un l'autre, manger chairs humaines, avoir compagnie à la premiere femme qu'ils trouvoient, sans avoir aucun egard au sang et parentage, et autres semblables ViceS et imperfections.[317]
Les Canadiens complètent le tableau de la progression:
Ce peuple n'use de l'ennemy pris en guerre, comme Ion fait en toute l'Amerique: c'est à sçavoir qu'ils ne les mangent aucunement, ainsi que les autres. Ce qu'est beaucoup plus tolerable.[318]
La cruauté des peuples anthropophages s'exprime dans toute son horreur
lorsque l'objet du récit se rapproche de la réalité du narrateur: l'arrière-pays
tupit1amba renferme des peuplades quasi inhumaines:
Or ce peuple depuis le cap de Saint Augustin, et au delà jusques pres de Marignan, est le plus cruel et inhumain, qu'en partie quelconque de l'Amerique. Ceste canaille mange ordinairement chair humaine, comme nous ferions du mouton, et prennent encore plus grand plaisir. [319]
Léry, qui a vécu auprès des indigènes habitant la France antarctique, donne
un long témoignage du cérémonial entourant l'exécution des prisonniers de
guerre: fêtes ou 'caouinage", immobilisation du prisonnier, vengeance qui lui est
,
1
l
107
permise, dialogue entre le pnsonnler et l'assistance. etc. Le lecteur évolue dans un
univers métaphorlsé. où la Victime occupe la pOSitIOn d'une bête
( ... ) ils les gardent plus ou mOins de temps. tant y a neantmOlns qu'apres les aVOir engraissez, comme pourceaux en l'auge. Ils sont finalement assommez et mangez avec les ceremonies suyvantes. [320]
Un tel procédé stylistique est de nouveau utilisé lorsque le pnsonnler est déchu de
sa dignité humame:
( ... ) donne du rondeau qui est au bout de SI grande force sur la teste du pauvre prisonnier, que tout ainsi que les bouchers assomment les boeufs par-deca, j'en ay veu qUI du premier coup tomboyent tout roide mort, sans remuer pUiS apres ne bras ne Jambe.[321]
ou encore:
Apres cela, celuy duquel Il estolt prisonnier avec d'autres, tels. et autant qu'il luy plaira, prenans ce povre corps le fendront et mettront si soudainement en pleces, qu'il n'y a boucher en ce pays ici qui puisse plustost desmembrer un mouton.[322]
Léry rattache également les pratiques anthropophages au monde européen, mais
non pas, comme Thevet, à son histoire. Ce sont les guerres Civiles qU'II dénonce,
adoptant un effet de réflexion déjà employé:
parquoy qu'on n'haborre plus tant desormals la cruauté des sauvages Anthropophages, c'est à dire, mangeurs d'hommes. car puis qu'il y en a de tels, vOire d'autant plus detestables et pires au milieu de nous, qu'eux qui, comme il a esté veu, ne se ruent que sur les nations lesquelles leur sont ennemies, et ceux ci se sont plongez au sang de leurs parens, voisins et compatrfotes, il ne faut pas aller si loin qu'en leur pays, ny qu'en l'Amerique pour vOir choses SI monstrueuses et prodlgleuses.[323]
Géralde Nakam, dans son analyse de l' HistOire mémorable du siège de
Sancerre, constate aussi la préférence de Léry pour des lieux de mémOire
rapprochés: une exception à la règle: les textes sacrés.[324] Léry n'a cependant
pas eu à che, ~her longuement des exemples, pUisqu'entre son séjour dans la baie
de Guanabara et l'éCriture de son réCit, Il vécut les atroCités du siège de Sancerre.
( ... ) et ayant veu l'os, et le test de la teste de ceste pauvre fille, curé, et rongé, et les oreilles mangées, ayant veu aussI la langue cUite, espesse d'un dOigt, qU'Ils estoyent prests à manger, quand Ils furent
(
(
surpris ( ... ) Car combien que j'aye demeuré dix mOIs entre les Sauvages Ameriquams en la terre du Bresll. leur ayant veu souvent manger de la chair humaine. ( ... ) si n'en aY-Je Jamais eu telle terreur que J'eus frayeur de vOir ce piteux spectacle. lequel n'avoit encores (comme Je croy) Jamais esté veu en ville assiegée en nostre France.[325]
108
Les extrémités amsi attemtes--en Amérique et en Europe--se répondent et les
causes s'entremêlent aux effets afm d'être confondues, sou::, la plume du
protestant. avec l'Idolâtre catholique:
Miroir de l'ocCIdental dépravé et idôlatre--iI s'agira, en l'espèce, du catholique romain!--. il représente ce pôle, à la fois répulsif et fascinant, de l'humamté pécheresse.[326)
Les allusions à la sodomie pourraient se situer, si on les juge d'après la mise
en texte et l'affect généré. entre l'anthropophagie et la nudité. Une mention
apparaît dans la seconde édition du Voyage fait en la terre du Brésil en 1580.
Voici d'abord le texte-matrice de 1578:
Je diray davantage. veu la region chaude où ils habitent, et nonobstant ce qu'on dit des Orientaux, que les jeunes gens à marier, tant fils que filles de ceste terre-la, ne sont pas tant adonnez à paillardise qu'on pourroit bien estimer: et pleust à Dieu qu'elle ne regnast non plus par deçà. Au reste, quand une femme est grosse d'enfant, se gardant seulement de porter quelques fardeaux pesans, elle ne lai: ra pas au demeurant de faire sa besongne ordinaire ( ... ) [327]
Afin de comprendre la logique de cet extrait, il faut se souvenir que le chapitre en
question traite du manage, mais que les pages 263, 264 et 265 s'intéressent
principalement aux tâches domestiques des femmes, à leurs comportements
sexuels avant et après le mariage, à leur vie lorsqu'elles portent un enfant. Dans
l'édition de 1580, la phrase traitant de la paillardise et se terminant par "deçà" est
prolongée, et le narrateur introduit le commentaire sur la sodomie:
( ... ) toutesfois, à fin de ne les fa:(e pas aussi plus gens de bien qu'ils ne sont. parce que quelques fois en se despitans l'un contre l'autre, Ils s'appellent Tyvire, c'est à dire bougre, on peut de la conjecturer (car Je n'en afferme rien) que cest abominable peché se commet entr'eux[328)
....
109
Pourquoi Léry a-t-il cru utile, pour l'édition de 1580, d'ajouter un tel passage]
Répondait-II ainSI aux affirmations de Thevet ou d'un autre cosmographe7 Une
telle remarque, inutile en 1578, devient donc digne d'mtérêt en 1580.
Léry ne dit rien du véritable statut de la "bougrene" chez les Tupmambas, Il
refuse même d'endosser l'affirmation. Le non-dit n'est pas uniquement question
de rhétorique, mais se transforme en nOll-savoir l Nous sommes condamné a
n'établir que certaines corrélations avec, notamment, les thèmes abordés avant et
après cette mention.
L'auteur a choisI de traiter de la "bougrerie" Immédiatement après aVOIr décrit
certains aspects fort respectables du comportement sexuel des femmes et des
jeunes gens à marier, et juste avant d'aborder les coutumes liées à la femme qUI
porte un enfant. La sodomie se range sous la rubrique traitant du féminin, de la
jeunesse nubile et de la procréation. Ces troiS parametres tracent les cadres de la
propagation du péché originel. Etre traité de "Tyvlre", pour un homme, slgmfle
pourtant moins avoir commis un péché--pulsque les Tupmambas ne sont pas
chrétiens--qu'avoir adopté des comportements exclusifs à une portion de la
population--Ies femmes? les adolescents?--à qui n'est octroyé qu'un statut
secondaire.
C'est dans la Cosmographie universelle que Thevet mentionne à p:usleurs
reprises l'existence de coutumes sodomites. Plus précis que Léry quant à
l'origine du Tyvire, il révèle que le comportement des parents pendant la
grossesse détermine en fait sa nature:
Jamais les hommes n'habitent avecques elles pendant qu'elles sont grosses, ny apres l'enfantement, et Jusques à ce que l'enfant SOit nourry et chemine tout seul ou ait un an pour le moins: d'autant qu'Ils disent avoir affaire avec leurs filles lors qu'elles sont encores au ventre de la mere et en ce faisant ils paillardent et SI ('est un mas le Ils le font Bardache ou Bougeron, qU'Ils nomment en leur langue Tevlr. ce qui leur est fort detestable et abominable, seulement de le penser.[3291
, 110
Toujours dans 13 Cosmographie, Thevet traite à plusieurs reprises de la
sodomie chez diverses nations de l'Amérique. AinsI, les "canibales' du Cap
Saint-Augustin (situé sur la côte brésilienne) sont décrits comme étant:
( ... ) les plus grands Sodomites de la terre, et se glorifient de ce vil et detestable vICe. [330]
Quant aux Péruviens et aux habitants du pays de Popayant (Castille d'Or), la
sodomie s'Intègre à un ensemble de caractéristiques sociales: ayant décrit
l'emploi du temps des femmes et des hommes. leurs habitations et leur
inclination pour les banquets, Thevet souligne que les femmes pérUViennes *sont
de grand travail* alors que les hommes:
( ... ) acoustrent leurs armes, les autres nettoyent les habits, les autres s'attiffans comme une espousee, font divers actes d'hommes lascifs et effeminez. Leurs maisons sons (sic) fort basses, et faites de pierres, et la couverture est de roseaux ou fueilles de Palme. et vivent assez honnestement, et se plaisent à banquetter ensemble, veu qu'ils sentent plus de COurtOIS. que ceux de Chile. Quelques uns se souillent de l'abomination du peché de sodomie.[331]
La sodomie chez les habitants du pays de Popayant implique une autre
pratique abominable, l'idôlatrie:
( ... ) et sur tout (les Chrétiens) les punissent de ce peché tant abominable contre nature. auquel ils estoient fort adonnez, tout ainsi que sont la plus part des Idolatres Barbares.[332]
Au Mexique, la sodomie est reléguée au passé de cette ·société chaude*.
AinSI, les ordonnances d'un des premiers princes la condamnaient au même titre
que l'adultère:
" feit mourir deux hommes qUI abusoient l'un avec l'autre: et ordonna que tous ceux qui serOlent trouvez à l'advenir faisans tels actes fussent occis, et semblablement tous les adulteres.[333]
Les histoires des deux continents s'interpellent également, les Dieux ayant dans
chaque cas pu ni les sodomites:
( ... ) veu que eux mesmes te noient que du temps de leurs premiers peres, quelques hommes cruels estoient venus en leur terre. et que les Dieux les auroient punis. pour ce qu'ils estoient Sodomites.[334]
1 Il
La sodomie, tout comme la nudité ou l'anthropophagie. renseigne sur l'etat
des sociétés. Sa présence laisse aussI présager d'autres péchés Idôlatne. paresse.
etc. L'exemple du MeXique démontre clairement la persistance des structures
quasI mythiques supportant sa condamnation pouvait-on Imaginer différemment
l'anéantissement d'un peuple, sodomite par surcroit?
Au chapitre premier du livre vingt-troIsième de la Cosmographie. VOICI
comment Thevet résume les moeurs des habitants de la Flonde
Ils sont fort subJects aux femmes et aux filles, qU'Ils appellent filles du Soleil, et la plus part d'eux Sodomites.[335]
René de Laudonmère, dans son Histoire notable de la Flonde. emploie presque
textuellement la même phrase
( ... ) car Ils aiment fort les femmes et les filles qu'Ils appellent filles du Soleil: toutesfois quelques uns sont Sodomltes.[336]
La "plus part" sera donc transformé par Laudon mère en "quelques uns". Le
passage trouve écho jusque dans l'oeuvre de Lescarbot qUI, au tout début du XVIIe
siècle, reprendra le témoignage de Laudonnière.
( ... ) d'où l'on peut conjecturer que ce peché regne entre eux, comme le Capitaine Laudonmere dit qu'il fait en la FlOride: outre que les Flondiens ayment fort le sexe fémlnin.[337]
Les transformations intertextuelles affectent donc l'évaluation de l'Importance du
phénomène sans toutefOIS faire disparaitre ou donner d'autres préCiSions sur ces
pratiques. CUrieusement, l'évaluation du sentiment face au genre féminin n'est ni
amenuisée ni accentuée' "fort subjects' et "aiment fort" expriment des Intensités
semblables.
Dans l'Histoire notable de la Floride, l'existence d'hermaphrodites est Signalée.
Les premiers Européens ont d'abord cru rencontrer des êtres Intersexuels. Une
telle méprise nous apparaît cependant douteuse, car Laudonmère, qUI a donnè
une description des tâches des Hermaphrodites au sein de la tribu, a certainement
1 1 1 2
eu le loisir d'en co"naÎtre plus à leur sujet. Des travaux pénibl~s leur sont
dévolus'
Il ya dans tout ce pays grande quantité d'Hermaphrodites, lesquels on tout le plus grand travail, mesmes Ils portent leu rs vivres quand Ils vont a la guerre.[338]
Tout comme pour le cas du "bougre" évoqué par Léry, la descnptlon est effectuée
à la sUite et en parallèle avec le féminin. Cette aSSOCiation est de plus renforcée
dans un autre passage de Laudonmère, où l'adolescent--pièce manquante au
tableau afin d'établir la similitude avec Léry--est ajouté au réseau:
( ... ) pendant qu'II faisoit appareiller les vivres de son voyage, lesquels ordinairement et selon la coustume du pays, on falct porter par des femmes, par Jeunes garçons, et par les Hermaph rodltes.[339]
De nouveau, Lescarbot emprunte l'essentiel de ce passage:
Sur-ce conseil pns, le Capitaine lUi envoya trente arquebuziers, quoy qu'Outlna n'en eût demandé que neuf ou diX (car il se faut deffler de ce peuple), léquels arnvés, on charge de vivres femm('~, enfans et hermaphrodites, dont Il y quantité en ce pais-là.[340]
Les hermaphrodites participent aux déplacements. L'un d'eux accompagne des
messagers envoyés par le roi Outlna afin d'annoncer la récolte prochaine du mil:
( ... ) il arriva deux subJects du Roy Outtna, ensemble un hermaphrodite, lesquels m'advertlrent que desJa les mils estoient meurs en la plus part de leur terraer.[341]
Finalement, Laudonnière mentionne une dernière fois la rencontre d'un
he rmaph rodlte'
Puis ayans un peu cheminé, nous renc.ontrasmes une Indienne de haut corsage, et Hermaphrodite, laquelle nous vint au devant avec un grand vaisseau, plein de claire eau de fontaine: dont elle nous soullagea beaucoup: car nous estions alterez au pOSSible, à cause de la chaleur ardente qUi nous battolt par ces hauts forests: et cray que sans le secours de ceste Indienne, ou plustost sans le grand desir que nous aVions de nous rendre par nous resolu, nous eussions toute la nUict demeuré au bOls.[342]
Un doute surgit quant à l'emplOI du féminin dans cet extrait. Déjà, en ancien
français, hermaphrodite était masculln.[343] L'auteur a donc effectué un choix en
1 113
utilisant le féminin, ayant peut-être constaté un plus grand nombre de
caractéristiques féminmes que masculines. Le portrait physique donné se résume
à son "haut corsage, et, par déduction, à sa force physique permettant de
transporter une grande quantité d'eau. Notons d'ailleurs que "haut corsage" fait
ici référence à la taille de l'Indienne, comme le sens de ce mot à la Renaissance
l'indique.[344] Les qualités physique~ rapprochent vraisemblablement
l'hermaphrodite de l'homme berdache plutôt qlJe de la femme. Laudonnlère
possédait-II d'autre Indices qUI l'auraient poussé à opter pour le fémlnln 7
Jacques Le Moyne de Morgues, qUI a partiCipé au second voyage de
Laudonnière en FlOride, a exécuté une série de dessins qUI furent reprodUits en
taille-douce par Théodore de Bry en 1591. L'éàltlon la plus accessible reproduit
les planches et donne une traduction en français moderne des
commentaires.[345] Les légendec; furent éCrites en français par Le Moynt:: et
traduites en i,"'It-in pOL! r l'édition de 1591. Deux mentions sont faites quant aux
tâches de transport d'dliments ou de bOissons effectuées par les hermaphrodites
(planches XXIII et XXIX). Un nouveau détail phySique s'ajoute à la description,
celui du port des "cheveux crépus" (crisposquem capillos gestantlum). La planche
XVII et son commentaire révèlent qu'une fonction funéraire est attribuée aux
hermaphrodites. Bien que la gravure représente bel et bien des corps d'hommes,
l'explication souligne que:
Frequentes istic sunt Hermaphroditi utrlusque naturae partiCipes, Ipsis etiam Indis exosi (n.) [346]
Une telle remarque suggère donc que l'ambiguïté de l'hermaphrodisme résidait
au niveau de l'anatomie intime, car leur constitution physique apparente est bien
masculine. Certaines tâches les situent cependant dans la sphère du féminin.
Pourquoi donc les duteurs de récits ont-Ils conclu à l'intersexualité plutôt qu'à la
sodomie ou à l'effémin~ment?
1 114
L'hermaphrodite et le sodomite ne partagent pas la même réalité, ou du
mOins tout le laisse croire. Pourtant, un voyageur espagnol ayant parcouru les
territoires actuels de la Floride, du Texas et du nord du Mexique, de 1527 à 1537,
a rencontré des hermaphrodites qu'il décrit ainsi:
En el tiempo que assi estava entre estos vi una d.ablura, y es que vi un hombre casado con otro. y estos son unos hombres amarionados,* impotentes, y andan tapados como mugeres y hazen officio de mugeres, y tiran arco y lIevan muy gran carga. Y entre estos vimos muchos dellos assi amarionados como digo, y son mas membrudos que los otros hombres y mas altos; sufren muy grandes cargas.[347]
*Afeminados (N.d.l'E.)
Précisons cependant que ce voyageur, Nuiiez Cabeza de Vaca, vécut plusieurs
années auprès des Amérindiens. De plus, les tribus qu'il a côtoyées possédaIent
peut-être des organisations sociales qui mettaient en plus grande éVidence le rôle
des berdaches. Quant à savoir si Laudonnière, Lemoyne ou Lescarbot purent
consulter son ouvrage, nous l'ignorons. Une première édition fut publiée en 1542
à Zamora, une seconde en 1555 à Valladolid; il faut attendre 1749 pour retrouver
une trOisième édition. Cependant. son oeuvre fut incorporée à l' Historia general y
natural de las Indios de Oviedo et à l'oeuvre d"=' Lopez de Gomara dont nous
avons pu consulter la troisième édition d'une traduction française datant de 1584:
Ils marient un homme avec un autre quand ils sont impuissans ou eunuques, et tels sont accoustrez comme femmes, et servent, et font l'estat qu'on accoustumé faire les femmes. et ne peuvent tirer, ni porter arc.[348]
L'image du berdache travesti existait donc à l'époque. Que Laudonnière et Le
Moyne évoquent différemment cette réalité tient peut-être finalement à un choix
personnel. Pourquoi, en fait, livrer trop de détails sur des notions qui peuvent
paraître. de prime abord, relever du monstrueux? Pourquoi ne pas garder ce bon
sauvage en des lieux de mémoire inatteignables? Nous savons avec quelle
virulence les Conquistadores espagnols traitèrent les Amérindiens. Les
dénonciations de Las Casas étalent aussi connues:
( ... ) ils les ont voulu mettre hors du reng des hommes; à sçavOir qu'ils estoyent tous entachez du peché tant abominable contre nature. QUI est une grande meschanceté et faulseté. Car en toutes les grandes isles ( ... ) il n'y eut jamais memoire ny mention de celà, ( ... ) Aussi en tout le Peru on n'en parle point ( ... ) ny generalement en toutes les Indes: sinon que quelque part on dit qu'II en y a quelques uns; mais par cela ne dOlbt estre blasmé tout ce monde là ( ... ) [349]
115
Peut-être les Français, bien qu'avouant les pratiques contre nature des habitants
du Nouveau Monde, pondéraient-ils des condamnations qui sans cela auraient
justifié la violence des Espagnols, leurs ennemis. Ils créaient ainsi leur propre
image de l'Amérindien, n'ayant rien à envier à celle de leurs VOISinS.
A aucun moment, dans les récits français que nous analysons, l'efféminement
ne fut lié aux actes contre nature, sauf dans le passage de Thevet traitant du
Pérou. Cette notion Joue cependant un rôle au sein des SOCIétés Indigènes. AinsI,
Léry rapporte que chez les Tupinambas, la destinée des âmes sera décidée en
vertu du courage et des qualités de guerrier'
( ... ) ils tiennent fermement qu'apres la mort des corps, celles (les âmes) de ceux qui ont vertueusement vescu, c'est à dire, selon eux, qui se sont bien vengez, et ont beaucoup mangé de leurs en nemls. s'en vont derriere les hautes montagnes où elles dansent dans de b~aux jardins avec celles de leurs grands peres ( ... ) et au contraire que celles des effeminez et gens de neant, qui n'ont tenu conte de defendre la patrie, vont avec Aygnan, ainsi nomment-lls le diable en leur langage, avec lequel, disent-ils, elles sont incessamment tormentees.[350]
Dans la Cosmographie universelle de Thevet, l'efféminement, tout comme la
"bougre rie", est déterminé avant la naissan'ce; les qualités guerrières du père sont
alors décisives:
( .•• ) et ne permect jamais la mere, que sa fille couche avec un homme, s'il n'a prins pour le moins un où deux prisonniers et qu'il n'ait changé de nom dés son enfance, par ce qu'ils croyent que les enfans qui seroient engendrez d'un Manem, c'est à dire. d'un qUI n'a prins quelque esclave, ne feroient jamais bon frUlct, et serOient Mébek, c'est à dire foibles faisneants et craintifs.[35 1]
116
Les images dont noue; avons peu à peu assisté à la construction dans les récits
de voyage français ne laissent pas présager que l'autochtone SOIt un suppôt du
diable, bien au contraire. Il est ainsi parfois plus vertueux que l'Européen.
N'oublions pas cependant que son corps est entouré d'interdits. La maladie des
Pians, qui selon Léry et Thevet provient d'une grande luxure, est si contagieuse
que l'Européen acceptant de se lier à une Tupinamba la contracte assurément et
pour toujours:
Quant aux Chrestiens habitans en l'Ameque (sic), s'ils se frottent aux femmes, ils n'evaderont jamais qu'ils ne tombent en cest inconvenient, beaucoup plus tost que ceux du pais.[352]
Les poètes, mais aussi un Montaigne, se chargeront d'évacuer les images de
l'interdit et de parfaire celle du Bon Sauvage. Pourquoi? Roger Lemoine pense
que ces choix répondent à un goût du temps, les lecteurs ne souhaitant qu'oublier
les luttes au profit de visions utopiques:
Le publie lecteur, lassé des guerres et rêvant par réaction d'un monde meilleu r, était plutôt porté à accepter les descriptions idylliques du Nouveau Monde et de ses habitants.[353J
Ronsard implore l'Européen de laisser le Sauvage à son âge d'or. Dans la
"Complalnte contre fortune", il adresse ce souhait à Villegagnon:
Pource laisse les là, ne romps plus Oe te prie) Le tranquille repos de leur premiere vie: Laisse les, je te pry, si pitié te remord, Ne les tourmente plus, et t'en fuy de
leur bord.[354]
Somme toute, poèmes et essais tirèrent la leçon de l'humilité et expriment un
sentiment de culpabilité:
Nostre monde vient d'en trouver un autre (n.) Il estoit encore tout nud au giron, et nc vivoit que des moyens de sa mere nourrice. (.n) Bien crains-je que nous aurons bien fort hasté sa declinaison et sa ruyne par nostre contagion, et que nous luy aurons bien cher vendu nos opinIons et nos arts.[355]
'Il * * * *
1
---- ------------- - ---------------
117
L'image du sodomite a beaucoup en commun avec celle de l'anthropophage.
Une question d'intensité les sépare cependant. Léry, par exemple, consacre
plusieurs pages à l'exécution de prisonniers et quelques lignes à la sodomie. la
nudité et l'idôlatne partagent néanmoins avec cette dernière la qualité d'indice
d'un certain degré de civilisation.
Deux réseaux se greffent aux images de sodomie. D'abord.
l'hermaphrodisme apparaît sous la plume des explorateurs de la Floride. \1 forme
une entité parallèl~, mais ne possède pas les attributs comportementaux du
luxurieux. les explorateurs s'arrêtent là dans leurs réCits; point d'indignation
comme les Espagnols, ni d'lnsmuation morale à l'Instar des médecins du temps.
Un premier chainon s'inscrit en vide.
Le second réseau participe de l'efféminement. L'homme américam s'efforce
de correspondre à un idéal de soi principalement composé d'une faim inassouvie
de vengeance. Quelques-uns d'entre eux ne peuvent accéder à ce statut: après
leur mort, ils seront précipités chez Aygnan. De même, le jeune guerrier qui
engendre un garçon sans avoir capturé son premier ennemi le condamne à être
fainéant et craintif. L'hermaphrodite ressemble à ces ·sous-hommes·. Les
explorateurs françaiS lui attribuent le plus souvent des tâches féminines et les
Espagnols confirment son impuissance.
La misogynie et le mépris des hommes qui ne répondent pas aux qualités du
guerrier orientent ni plus ni moins les réseaux. De même que l'anthropophagie
reflète les affects anxiogènes européens, le sauvage diminué dans sa bravoure et
sa faim recueille la part de la servilité. Selon Frank Lestringant, l'anth ropophagle
correspond à une morale de l'agression et de la vengeance liée au système de
valeur aristocratique; elle trouvait donc en terre française une structure mentale
qui facilita sa récupération:
1 Mais la morale chrétienne entre ici en concurrence avec une a'Jtre, d'essence aristocratique et qui tend à valoriser la notion de vengeance, oeil pour oeil, dent pour dent. C'est cette dernière qui permet de rendre compte, sans la moindre nuance de condamnation de la part d'observateurs tels Thevet ou Montaigne, du cannibalisme d'honneur des féroces brésiliens.[356]
118
Pour l'efféminement, nen de tel. la morale chrétienne ne cherchera d'ailleurs
certainement pas à l'exploiter lorsque des monstruosités comme
l'hermaphrodisme ou la sodomie pourraient s'y rattacher. Divers choix se posent
donc. Condamner, tout comme Nunez Cabeza de Vaca; nier, à l'exemple de Las
Casas; ou encore mettre en texte des parcelles du réseau comme l'ont fait les
auteurs français. Ainsi, peut-être l'hermaphrodisme fraiera-t-il son chemin
jusqu'au cabinet des curiosités!
Chapitre XIII
RECITS DE VOYAGE EN ORIENT
Les oeuvres de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe qUI traitent de
l'Orient sont nombreuses, comme en témoignent les éditions critiques qui voient
le jour depuis quelques années et les recherches qui sont effectuées dans ce
domaine.
Cosmographies, ouvrages d'inspiration religieuse (voyages à Jérusalem) ou
missionnaire, oeuvres polémiques, ils nous permettent aUJourd'hui de reconstituer
les images choisies et créées afin de représenter les mondes maure, turc,
orientaux. Dans ces récits, l'intertexte est animé d'une pUissante dynamique, les
auteurs empruntent des passages à leurs contemporains ou s'inspirent
fréquemment et de façons diverses des Anciens. SI la mémOIre du voyageur ou
l'imagination du fabuliste fait défaut, les souvenirs livresques servent à compléter
les tableaux.
Les disciples de Mahomet inquiètent depuis longtemps la chrétienté. Guy
Turbet-Delof, dans son livre L'Afrique barbaresque dans la littérature française
aux XVIe et XVIIe siècles, décrit ainsi l'impact qu'ont eu ces nations sur
l'imaginaire françaiS:
Ainsi disparaît [en 1830, après la conquête par la France] cptte entité utile et haïssable, séduisante et nuiSible, qui fut, pendant des siècles, notre gênante complice en même temps que notre indispensable enne'TlIe. Lieu de croisade et de perdition, source de remords et de profits (matériels et spirituels), pôle d'héroïsme et piège à crapule, la Barbarie fut à la fois la bonne et la mauvaise affaire, la bonne et la mauvaise conSCience de la France.[3571
- 119 -
1 120
Turber-Delof a consacré plusieurs pages à l'Eros en Barbarie[358] et aux actes
contre nature que l'on retrouve dans les réCits de voyage, ou dans les ouvrages
d'historiens (de Thou) et de mémorialistes (Brantôme)' comportement des
femmes aux bains, sort réservé aux jeunes esclaves chrétiens, vices de tel ou tel
tyran ou renégat, etc. Le discours stigmatisant est donc bien présent, les allusions
peu camouflées. Si nous examinons certains textes mentionnés par Turbet-Delof,
et SI nous acceptons le classement qU'II offre, une correspondance apparaît entre
la date de publication et la qualité du commentaire: plus le texte est tardif, plus
nombreuses et explicites sont les remarques. La situation politique et l'activité
des miSSIonnaires dans ces régions ont certainement influencé ce développement.
Quoi qu'il en soit, les comportements sexuels des habitants de la Barbarie
garderont l'empreinte de la lubricité:
Nous vOici par là conduits à nous demander quelles Idées se fai~3ient les Français sur Icl vie sexuelle des Turcs et des Maures de Barbarie. Elles se résument d'un mot: une extrême lubricité.[359]
Une pareille affirmatton s'applique finalement à la vision de la totalité du monde
musulman des an néec; 1550-1570, comme Rouillard le résume:
Ali these men live on a false appearance of virtue. are for the most part sodomists, and lead a ·vie de bestes brutesn.[360]
Pour nous donner une première vue d'ensemble, amorçons nos analyses par
un récit de voyage très populaire au XVIe siècle et publié pour la première fois en
1595. Il s'agit des Voyages du Seigneur de Vil/amont. dont il fut fait dix-huit
rééditions et au mOinS deux réimpressions dans les vingt ans qui suivirent sa
publication.[361] L'édition de 1595 [362] comporte plusieurs allusions au vice
contre nature. Dès !e premier livre, qui décrit l'itinéraire de l'auteur en Italie, des
images se forment.
"
, 2\
la statue d'Antinoüs, au Belvédère, révèle d'abord la connaissance de sa
relation avec l'Empereur Hacqen.
Apres vous verrez les statues de Venus et Cupldo son fils. de la deesse Fortune, et d'Antinous Bardache de l'Empereur Adrian ( ... ) [363]
Des différences d'habitus qui aujourd'hui marquent l'écart entre d'autres
communautés attirent l'attention du voyageur.
( ... ) m'estant beaucoup esmervelllé de vOIr les hommes se baiser l'un l'autre en plusieurs lieux de l'Italie, et sur tout à Venise où cela est fort commun, ne voulant dire pour cela que leurs baisers soient deshonnestes. mais de prime face le François et l'Alleman les trouveront estranges, abhorrant cest coustume, qui leur fait soupçonner Je ne sçay quoy de mal qui ne se peut hOl1nestement nommer.[364]
lorsqu'il décrit le monde mahométan, Villamont aborde le Vice contre nature
à deux reprises. Le mot "Bardache" est utilisé afin d'Identifier les adolescents que
gardent les Sultans:
( ... ) me prenant à sous-me de ceste parole, me dlst, comment estes vous esmerveillé de cela, ce n'est rien dit-il, au regard des Bardaches, qu'ils ont en leurs maisons, desquels Ils sont plus Jaloux que de leurs femmes mesmes, et quand Ils vont aux champs ou à la guerre. ils les meinent avec eux pour leur servir de femmes.[36S]
Une dernière allusion confirme les excès de toute nature des diSCiples arabes de
Mahomet: multitude de concubines, d'objets et de pratiques sexuelles:
( ... ) ils prennent autant de femmes qu'ils veulent. sans en repudler pas une, comme font les Turcs, et outre ce les uns devant les autres commettent sodomie avec les hommes et les bestes, reputans celuy qui en faict le plus, pour le plus vaillant.[366]
On Interpellera même le Turc afin qu'il souscrive à l'idée.
Les Turcs les appellent chiens pour ceste cause, et aussI pour ce qu'ils n'ont ny foy ny loy, ny aucune amitié entr'eux.[367]
Revenons maintenant à l'ouvrage de Guy Turbet-Delof. Dans un chapitre
portant sur l'Eros en Barbarie, il classe les mentions de saphisme et de sodomie.
122
Nous avons donc d'abord procédé à la vérification des passages les plus
significatifs.
les femmes sont voluptueuses, en partie parce qu'elles doivent subir la
concurrence des Jeunes hommes.[368] Pourtant, elles s'adonnent également à la
pratique contre nature, chez elles, au hammam, et chez la diseuse de bonne
aventure.[369] Elles vont Jusqu'à entretenir des relations avec les eunuques.
Du côté des hommes, c'est la prostitution masculine et les hôtelleries de Fez
qui d'abord retiennent l'attention. Turbet-Delof indique d'ailleurs que ces
questions acquerront de plus en plus d'ampleur avec le temps:
De compilateur en compilateur s'imprime de plus en plus, au flanc de la Barbarie, le fer rouge de la sodomle.[370]
Plusieurs personnages furent accusés de ce vice par les auteurs chrétiens; parmi
eux, le renégat Barberousse. Turbet-Delof constate que toutes ces allusions ne
conduisent pas à une réflexion sur le phénomène. les images possèdent donc les
qualités du stéréotype, sans révéler une logique justificatrice élaborée:
Sort-on de l'anecdote, la réflexion est bien hésitante. Cette "exécrable sodomie", on tend à en rendre responsable la moraie de l'Islam plutôt que les moeurs de la Barbarie: les levantins y sont, eux-aussi, fort enclins.[371]
les accusations ne sont pas réservées aux seuls musulmans; elles s'adressent
parfois à des peuples chrétiens, comme les Espagnols. Dieu soutiendra cependant
ses fidèles, leu r livrant une ville endurcie dans le vice, transformant en pierres des
pécheurs.
le sort des captifs, surtout des jeunes, augmente de beaucoup l'affect des
Images de la sodomie:
Au bout du compte, ce qu'on leur reprocherait plutôt, à ces "Turcs", c'est de préférer les "petits garçons" aux "hommes faits"--Ieurs détournements de mineurs, en somme; et surtout, que ces mineurs soient ch rétie n s [372]
"
123
Le comble de l'horreur est atteint lorsqu'un jeune chrétien succombe aux avances
d'un renégat:
Le cas le plus douloureux est celui où l'enfant est séduit par un compatriote renié ( ... ) [373]
Nos lectures de récits de voyage en Afrique et en Onent ont confirmé ces
premières hypothèses, tout en permettant la découverte de nouveaux réseaux
d'images.
La Grèce symbolise le point faible de la chrétienté qui permit aux Musulmans
de forcer les frontières du monde chrétien. Belleforest la juge sévèrement dans
son HIstOire universelle:
Entendez aussi que de celle grande université, et fameuse escole d'Athenes sont SortiS les pourceaux Aristippe, et Epicure, lesquelz ont apris la volupté aux hommes, et les ont dressez, et condUitz à une vie plus digne d'une beste, que d'homme ayant quelque usage de raison. la republique d'Athenes, la police des Lacedemoniens, la force Macedonienne, la barbarie des Thraciens, la superbe Thebalne, la superstition des Candlots, la vaillance des Rhodiots, l'effeminatlon des Chipriots, et en general la gloire Grecque font cognOistre au Chrestlen quel fondement Il y a en ce qui est de l'heur mondain, puis que tous ces peuples sont à present les esclaves de la plus vile. et infame nation de l'Univers ( ... )[374]
Dans sa traduction de la CosmographIe de Munster, le même Belleforest
poursuit sa diatribe, subordonnant la ruine des Grecs à deux raisons, dont l'une ne
sera volontairement pas explicitée:
Et pour ne nous point arrester aux folles, et detestables amours, qUi ont mfamé le nom Grec, et desquelles sont pleins les livres de leurs poëtes, je diray ce mot, l'ayant recueilly de l'histoire, et cours des gestes de tous les peuples, et republiques de Greee: que ((' qUi a le plus avancé la ruine, et accablement de ce pais tant excellent, et d'un peuple si puissant, et magnifique, n'a esté autre cas, que les seditions, et les trahisons, ne pouvants les uns compatir les humeurs des autres, et tous naturellement estants convoiteux de commander, et d'avoir puissance sur les autres ( ... )[375]
Dans un addendum de l'Histoire de la decadence de l'EmpIre grec de
Chalcondyle Athénien, Artus Thomas trace un nouveau parallèle, cette fOIS-CI
théologique, entre l'Islam et la religion panthéiste des Grecs:
----------
1 [En parlant de Mahomet] Que l'ame de Dieu a esté communiqu~e à l'homme par insufflation, se monstrant mesme plus Impie que les payens qui faisoient leurs Dieux Impudiques, sanguinaires, vmdicatif~, Incestueux, sodomites: ( ... ) tout son Alcoran est plein de termes SI desbordez que les chastes oreilles ne les peuvent entendre sans rougir, addonné à la vengeance, laquelle Il commande en termes expiez, au sang qu'il veut qu'on espande de toutes parts, et qu'on establisse sa loy par l'espée, le seul miracle qu'" donne pour l'approbation de sa mission, addonné selon quelques-uns, à la sodomie, à la pillene et à la volerie, qu'il permet en sa loy.[376]
124
Des passages du Coran rappellent la vie des Olympiens; de Jeunes hommes
évoluent au paradiS:
MaiS il a bien passé outre, car il approuve la sodomie, de la vient qu'aux Azoars 23 . 46 . 48. 54. 62 . 66 et en plusieurs autres endroicts de son Alcoran il faict un Paradis de volupté charnelle (car c'est Id derniere fin de sa loy et son souverain bien) où " permet qu'on n'aura soing de rien; ( ... ) Mais sur tout au 66. Azoar, où il dict qu'il y aura de tres-beaux et jeunes adolescens, et des filles d'une parfalcte beauté, qui leur presenteront des vases plems d'une liqueur suave, qui ne leur donnera ny mal de teste, ny les enyvrera ( ... ) [377]
La Genealogie du grand Turc. en 1570, n'affirmait pas tout à fait la même chose:
Et combien que Mahomet deffend totallement la Sodomye, et veut en sa loy qu'un Sodomyte soit jetté et precipité en bas d'un lieu hault de trois cens pas, et le faire mourir audit heu, neantmoins ils en font coustume, ils en usent quasi publiquement sans aVOIr craJncte de Dieu ne du monde.[378]
Sous l'autorité des Turcs, la Grèce nourrit une fois de plus l'antre du
mmotaure, car des tributs humains sont prélevés par les conquérants afin
d'assouvir leur vengeance et leur soif de volupté:
[A propos de la désolation en Grèce en 1458] Car tout ce qui se pouvoit rencontrer d'agreable et gentil, estoit trié et mis à part, pour estre ny plus ny moins que des troupeaux de pauvres bestes, non pas sacrifié à des idoles et simulacres qui ne haslent ny ne gelent, mais à des ordes, sales, infectes, et detestables voluptez et concupiscences de ces vilains Barbares, qui se reservoient pour esclaves, et pis encore, la prime fleur et eslite de ce pauvre mal-heureux peuple ( ... )[379]
La Grèce, symbole de la philosophie et de la mythologie antique tout à la fois, est
la cause des misères du pays et la source de l'Islam. les vices y furent cultivés et
1
.,
125
l'ont finalement envahie. Belleforest et Thomas Artus. à quelques décennies pres.
condamnent le monde hellénique à titre d'exemple. mais d'un exemple bien
présent en terre française.
Les jeunes garçons chrétiens VICtimes de rapt subissent divers séVices. Même
si les verSions que nous proposons montrent le sort du captif sous un Jour plus
que troublant, IJne vOIe restait pourtant ouverte au Jeune esclave. celle de la
Lonversion. Elle conduisait souvent à l'octroi de charges politiques Importantes.
Georgiewitz fait état, dès le milieu du XVIe siècle, (et notamment dans le
Turcarum mOr/bus epitome) des humiliations perpétrées par les Turcs. Nous
citons une traduction de 1606 effectuée par Chavigny:
La nUit leur est plus fascheuse, d'autant qu'elles sont enfermees en lieux munis et forts: ou elles sont contraintes d'endurer la Vilaine luxure des Mangons. Vous ouïnez la nUit les plaintes et pleurs de la jeunesse de tout sexe, dont 115 abusent. ny voire l'a age de SIX à sept ans n'empesche que tels mlserables sodomites n'exercent leur vilennie, et ne mettent à executlon leurs abominables volontez contre nature.[380]
Guillaume Postel adopte un style encore plus pathétique, les Jouvenceaux
étant désormais chOISIS au marché comme des bêtes serViles·
Lors tous ceux d'environ ledit eage sont assemblés, comme beaux moutons en ung troupeau: alors chOISissent, non par disme, comme pensent les escrivains de Dlsme, mais les plus beau s, fors et roides qui soient entre tous.[381]
Déjà, dans la Cosmographie dp Mu nster, les Turcs préservent la beauté de leurs
prisonniers par des moyen.) cruels:
Les autres qui ont plus grande beauté, sont tellement chastrez (chose malheureuse) qu'II n'apparolst en eux nen de vinl, ce qui se fait avec grand peril de leur vie. Et s'llz eschappent, ilz ne servent a autre chose que à accomplir leur execrable volupté. Et quand Ilz sont venuz en aage que la beauté se passe, on les faict servir d'eunucques pour garder les dames, ou penser les chevaux ou les mulletz, ou pour servir a la cuysme.[382)
Pourtant, l'affect que porte cette Image ne camoufle-t-II pas autre chose7
L'horreur de l'amour des Turcs pour de jeunes hommes imberbes ne rappelle-t-II
126
pas trop crûment au Chrétien que la beauté de sa dame participe des mêmes
caractéristiques?
C'est le vray avantage des dames que la beauté. Elle est si leur que la nostre, quoy qu'elle deslre des tralets un peu autres, n'est en son pOint que confuse avec la leur, puenle et imberbe. On dict que chez le grand Seigneur ceux qUi le ser\ient sous titre de beauté, qui sont en nombre infini. ont leur congé, au plus loin, à vingt et deux ans.[383]
Belleforest reprochera finalement aux Turcs, mais aussi aux levantins et aux
Grecs, de s'entourer de jeunes hommes:
Et qUi piS est outre les concubines, ils ont un mesme lict des Ragazzes et petits sujets de vilennie Sodomitique, duquel crime n'y a Turc, SOIt Il Bassà, Beglerbey, Dervls, Talisman ou autre, qui n'en soit lourdement elltasché, comme presque touts les Levantins, sans en excepter les Grecs, lesquels de toute ancienneté en ont porté le blasme.[384]
Les Sultans sont maintes fOIs accusés d'avoir sombré dans ce vice. A la sodomie
chez les diverses peuplades, sont parfois assoCIés des caractères secondaires,
comme la brutalit:é des Mores:
Bref les Mores me semblent les plus fous en cerimonies, et plus froids en charité: qui laissent souvent mourir leur voisin ou prochain parent de faim sans le secourir. Les plus traistres, et fauss2ires, brutaus bougres que J'ay cogneu en tout le monde ( ... )[385]
Cette accusation revient presque mot pour ,not dans les Histoires orientales du
même auteur:
Les plus traistres, et faussaires, brutaus sodomites que j'av congneu en tout le monde ( ... ) [386]
La sodomie se rencontre chez presque tous les peuples, de l'Afrique au Japon, en
passant par la Tartane. Jetons un regard à l'Afrique, tout d'abord:
Ceux qui habitent en la terre des Noirs vivent encore moins que tous les autres toutesfois sont ils plus sainS, dispostz, allegres et robustes, et moins sujets à douleur de dentz, ny aux incommoditez de l'at:.ourcissement de la veue: estans tous tant Barbares, Numides, Libyens, que Noirs fort adonnez à paillardise, et sur tout s'accouplans tout autrement que l'honnesteté ne peut souffrir que je le die ( ... )[387]
127
Dans la plupart des cas, aucune organisation sociale ne peut être Identifiée, et
la sodomie est ravalée à un comportement bestial:
( ... ) SI est-ce que ceste nation [Tartares} s'accouple (ainsI que faisoyent les Sarrasins, Imitez par les Turcs à present) et aux masles, et aux bestes, et sans en estre repns, ny pUniS en sorte quelconque. [388]
Il existe cependant au Japon un type d'enseignement utilisant les rapports
pédérastiques. la Cosmographie de Mu nster traduite par Belleforest fait
longuement état de cette situation en s'inspirant d'une lettre de saint FrançOIs
Xavier:
Les plus corrompus d'entre les Japoniens sont ceux qui deussent estre les meilleurs, à sçavolr ceux qui servent aux temples, lesquels en leur langue se nomment Bonzles, lesquels estans adonnez a toute sorte de vices, se souillent encor en l'abomination du peché contre nature, et s'y adonnent de telle sorte que tant s'en fault qU'Ils le facent en secret, qu'encor ils se glonfient de ce faire, et veulent bien qu'on le sçache publiquement, et ont dés long temps accoustumé les oreilles de chacun a ne point s'offencer oyant parler de chose tant detestable ( ... ) [389]
Si un peuple infidèle n'adopte pas ce type de comportement, c'est qU'II utilise
un exutoire différent:
Au reste s'il y a pays au monde, où il y ayt des courtlsannes, c'est aux Indes, n'y ayant ville tant petite SOit elle, qUI n'en fournisse un bon nombre, et de mignardes, et lesquelles sont les plus attrayantes femmes de la terre, gaignans les hommes avec leurs mignardises, et attraits: et cet y est une des occasions pour laquelle les Indiens, entre tous les infidelles, sont les seuls qui ne s'adonnent pOint au peché abominable de Sodomie, tant commun, et entre les Tartares, et parmy les Persans, Arabes, Turcs, Egyptiens, et en somme entre presque tous les ASlatiques.[390]
Le rapt relève donc à la fOIS d'un topos, mais également de sentiments
d'angoisse prêts à être mis en texte de façon expliCite. L'abus des enfants mâles
ajoute à l'horreur, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'actions isolées mais fort
répandues dans les moeurs, et institutionnalisées par les sultans. L'Imaginaire du
chrétien est frappé par l'avenir réservé à l'enfant capturé, abusé et convertI: le
1
r
128
renégat hérite de l'image maudite et terrorisante. Ne voit-on pas dans ce
phénomène une attaque à la survie d'un christianisme menacé de disparaître? ou
une nouvelle humiliation? Le chemin de la pédérastie, en tant que processus
éducatif, préoccupe donc le chrétien, et la présence quasi universelle de la
sodomie en Afnque, en Asie et Jusqu'en Extrême-Orient le particularise et l'isole.
La solitude de l'Européen est partagée par l'Indien, que les femmes lascives
préservent du "péché abominablew• Mais que dire cependant de la citation de
Montaigne que nous avons introduite et qUi laisse présager que les goûts
amoureux du Grand Seigneur et du Français se recoupent au carrefour des
beautés de la femme et du très jeune homme?
Les images des pratiques contre nature n'impliquant que des mahométans
nous permettront de parfaire notre connaissance de la structure des réseaux
d'allusions. La pédérastie est généralement associée aux religieux et aux
éducateurs. Les prêtres et les maîtres entretiennent alors des relations avec leurs
émules. Chez Nicolas de Nicolay, cette probabilité devient un véritable topos. Il y
a d'abord les Geomailers, qui séduisent autant les jeunes hommes que les
femmes'
Entre ces devots pellerins d'amour s'entreuvent bien aucuns, qui secretement et soubs pretexte de religion attirent à eux d'un ardant amour les cueurs des plus belles femmes, voire aussi des plus beaux Jouvenceaux: desquelz ilz ne sont moins amoureux, que des femelles: tant sont addonnez à l'abominable peché de luxure contre nature.[391]
Dans la traduction de Chalcondyle Athénien, un passage compare les religieux aux
courtisanes chrétiennes et confronte leurs façons de séduire les jeunes hommes:
Je croy que nos dames avec leurs fauces perruques les veulent Imiter, aussi bien qu'aux anneaux d'or ou d'argent et autre metall qu'ils portent aux oreilles: Ils tiennent à la main d'ordinaire un certain livre escnt en langue Persienne, remply de diverses chansons et sonnets d'amour de leur compOSition qu'ils chantent, ( ... ) et font ainSI une musique fort harmOnieuse, principalement s'ils
1 rencontrent en leur chemin quelque bel adolescent, c'est lors qu'ils se delectent d'avantage, l'entourans et mettans parmy eux pour tascher de le seduire par leur chant lascif ( ... ) [392]
129
Sous la plume de Nicolay, deux fois encore l'accusation de sodomie sera
lancée contre des .. ~ligieux turcs: les Dervis, puis les TorlaqUis. Il ne s'agit alors
plus de tentatives c!e séduction, mais de simple copulation contre nature.
quasiment à la manière des bêtes:
La forme et maniere de vivre de ces Torlaquis est plus brutalle, et bestialle que celle des mesmes bestes brutes ( ... ) et dorment sur la terre non moins nuds de vergongne, que d'habillemens, en usance de leur abominable et damnable luxure Sodomitique les uns avec les autres plus bestiallement et desnaturellement, que ne feroyent les bestes brutes et sauvages. Voila donc comme soubs pretexte et apparence de leur sainte, mais plutost feinte et abusive religion ces Imposteurs mendians p~rpetrent tant horribles et execrables abominations. [393]
Léon l'Afncain, dans son livre sur le royaume de Fez, dénonce la moralité des
religieux. L'épisode suivant se déroule lors de funérailles:
Quand il avient, que les maris, peres ou meres des femmes de ce pays là meurent, alors elles s'assemblent toutes, et se dépoullians de leurs habillemens, se revétent de gros sacs, puis avec l'ordure d'un chauderon se machurent le visage, appellans cette méchante ligue d'hommes. qui sont vitleux, et effeminés, qUi portent tabourlns, et avec le son d'iceux ils acompagnent le chant de lamentables ver!> ( ... )[394]
Lors des mariages. les adolescents subissent une métamorphose qUi révèle
l'ambiguïté des goûts sexuels:
Et s'il avient e.n dançant que quelqu'un d'entre eux pour estre caduque et debilité d'âge, ou pour avoir la teste enfumée, se laisse tomber, il n'est à peine par terre, qU'II est par un bel adolescent relevé en le baisant fort lascivement. Pour cette cause est venu ce proverbe dans la cité de Fez, le banquet des Hermites, par lequel on veut inferer que le banquet achevé, il se fait une metamorfose de ces adolescens, qui deviennent épouses de leurs maistres: lesquels ne se peuvent marier, à raison dequoy on les appelle Hermltes.[395]
Jusqu'à maintena:lt, les faits relevés laissent croire qu'un modèle pédérastique
existe bel et bien chez les VOisins musulmans et qu'II est largement diffusé sans
rencontrer d'obstruction. Bien que certaines sectes religieuses adoptent des
130
attitudes parfois brutales, l'image-type se construit généralement autour de la
séduction, de cérémonies Initiatiques et chamaniques. Bien entendu, la
condamnation fuse toujours, mais ne parvient pas à réduire au silence les
descriptions qui sont, nous l'avons constaté, parfois très précises dans leur mise
en contexte.
Les extraits sUivants, tirés principalement de l'Historiale description de Léon
l'Africain, démontrent l'eXistence d'une "sous-culture" homosexuelle à Fez. Les
descriptions sont cette fOis-ci encore plus élaborées et structurées, laissant croire
à un véritable SOUCi de mimésls. De plus, le passage sera repris par au moins trois
auteurs. la première partie traite de l'organisation interne du "ghetto":
Ils sont d'une generation appellée Elcheva, et se parent d'habis lubriques, et dissolus, qu'ilz acoutrent à la mode feminme, portans la barbe rase, s'estudlans de tout leur esprit à imiter en tOU(, les gestes, ~t façons de~ femmes: voire jusques à la parolle mesmes. Quoy plus? ils se rendent si mols, et delicas, qu'ils n'ont point honte s'abaisser de tant, que de prendre la quenouille, pour filer: et n'y a celuy de ces Infames paillars qui ne tienne un concubin, usant avec luy, et se viennent à conjoindre ensemble, ne plus ne mOins que fait le mary avec la femme: tenans outre ce des filles publiques, qui se gouvernent non autrement que font les cagnardieres en Europe. Ils ont autorité de vendre, et acheter le vin, sans qu'ils en soyent en rien molestez par les officiers de la court, et pratiquent en ces hôteleries toutes manieres de Rufiens. paillars, yvrongnes, gens mal conditionez et de mauvaise vie, les uns pour gourmander, et yvl'ongner les autres pour amortir leur chaude paillardise, et desonéste lubricité avec les femmes publiques: et aucu ns pou r commettre d'autres illicites, et vituperables actes (pour estre là asseurés de la court) qui me donnent plus d'honte à les publier, qu'a ces infames pendars de les mettre en effet.[396]
Ce texte premier est repris, avec quelques transformations, par Belleforest, dans la
traduction de la Cosmographie de Munster, par Avit Y et par Marmol. Ce dernier
ira Jusqu'à octroyer aux hôteliers un véritable désir de se travestir et d'ainsi
entraîner les hommes:
Tous les autres sont des repaires de Démons, où se commettent mille pechez, avec tant de licence et d'impUnité, qu'il est permis aux hosteliers de sortir en habit de femme, avec la barbe raze et une quenouille à leur ceinture, et quand ils parlent ils se radoucissent la voix et contrefont les femmes, pour inciter les hommes à une infame luxure ( ... ) [397]
1 131
La seconde partie touche !e rôle des Elchevas dans la Cit~, leurs devoirs face
aux autorités, et surtout leur exclusion des sphères du religieux et du respectable.
Ces hostes ont un consul, et payent un certain tribut au chatelain et gouverneur de la cité avec ce qu'ils sont tenus et obligés (quand ce vient au besoin) de fournir en l'armée du Roy, ou de quelque prmce. une grande multitude d'hommes de leur compagnie, pour faire la cuisine des soldats: pour ce qu'il s'en trouve peu d'autres qUI soyent si bien en cet art experimentez. ( ... ) Et tant s'en faut que ny gens de lettres, d'honneur, et marchans, vOire jusques aux artisans leur daignent tenar propos, qu'ils se tiendroyent quasI deshonorez de les regarder seulement: au moyen dequoy (veu leur l'lfamie) Il leur est deffendu d'entrer aux temples, places marchandes, étuves, et maisons d'honneur ( ... ) Tant y a que tout le peuple en general leur porte une haine mortelle.[398]
Il va sans dire que Léon l'Africain n'éCrit pas ces lignes sans s'excuser. Pour ce. il
justifiera ses propos en évoquant son deVOir d'histonen:
Et vous ose bien asseurer d'une chose. que SI le deVOir auquel se dOit ranger tout historien, ne m'eust contraint à dire la venté. que Je me fusse voulentiers deporté de m'avancer de tant. avec une grande envie de remettre cecy sous Silence, pour ne publier. et découvrir SI abhommables vices, qUi rendent obscur la gloire de cette Cité, ou j'ay prins la plus grande partie de ma nournture.[399]
Dans la traduction de Munster effectuée par Belleforest. l'exemple des
hôtelliers éveille l'image des maisons de tolérance. plus familière aux Européens.
( ... ) et n'estoit qu'on prend en ces hostelenes des CUiSiniers pour le camp quand le Roy va a la guerre, on n'auroit garde de souffnr cette vermine dedans la ville: en quoy il fault louer plus la modestie de ce peuple vivant soubs la loy du plus laSCif legislateur qUI fut onc, que des Chrestiens, lesquels souffrent les bordeaux. et maquerelages en leurs villes, et ne se soucient de chastler les Insolences des rufflens. et teneur:; de berlans.[400]
Léon l'Africain a donc introduit dans l'imaginaire européen (d'abord en Italie
puiS en France) un véritable modèle de "sous-culture" homosexuelle dont la
structure ressemble au ghetto moderne. De nouveau. le SOUCi de respecter la
moralité ne restreint pas les descriptions qui touchent les habitudes
vestimentaires, la vie de couple, le rôle économique et politique. les modalités
d'insertion sociale, etc. Le lecteur est donc bien renseigné, et la comparaison avec
, ..
'f fi.
132
la maison close européenne l'éclaire. L'information se transmet de façon efficace
et les hôtels de Fez font figure de lieu d'extrême perversité, que les habitants et
les autorités de la ville ont la vertu de maintenir à l'écart; le Français, pris à partie,
n'en fait pas autant avec les maisons de prostitution féminine.
Les femmes orientales attirent l'attent~on des voyageurs et commentateurs.
Leur lascivité, comme celle de leur époux, ne fait pas de doute, mais s'exprime en
privé. Les Turques se rencontrent au bain et Nicolas de Nicolay décrit comment
certaines d'entre elles tombent amoureuses de leurs consoeurs:
Voire quelque fois deviennent autant ardemment amoureuses les unes des autres, comme si c'estoyent hommes. Tellement qU'ayans apperceu quelque fille ou femme d'excellente beauté, ne cesseront tant qu'elles auront trouvé les moyens de se baigner avec elle, pour la manier, et taster partout à leur plaiSir, tant sont pleines de luxurieuse lasciveté feminine comme jadis estoyent les Tribades, du nombre desquelles estoit Sapho Lesbienne, qUi transmua l'amour, dont elle poursuyvoit cent femmes ou filles, à son amy Phaon.[401]
Brantôme retiendra l'histoire, qu'il introduit dans les Dames galantes. Le nouvel
amour a cependant déjà fait des adeptes en pays chrétien:
Les Turques vont aux bains plus pour cette paillardise que pour autre chose, et s'y adonnent fort, mesme les courtisannes, qui ont les hommes à commandement et à toutes heures, encor usent-elles de ces fricarelles, s'entre-cherchent et s'entr'ayment les unes les autres, comme je l'ay ouy dire à aucunes en Italie et en Espagne. En nostre France, telles femmes sont assez communes; et si dit-on pourtant qu'il n'y a pas longtemps qu'elles s'en sont meslées, mesmes que la façon en a esté portée d'Italie par une dame de qualité que je ne nommeray point.[402]
*****
La proximité, et la connaissance grandissante des pays de l'Afrique
barbaresQue et du Proche-Orient, ont certainement contribué à rendre les
descriptions plus précises et élaborées que les allusions des explorateurs du
nouveau continent.
1
f
133
les accusations de sodomie ou de pédérastie apparaissent le plus souvent en
conjonction avec une perversité généralisée. Cependant. leur expression demeure
la dénonciation suprême de la luxure et parfois de la cruauté.
l'horreur de la sodomie atteint son paroxysme lorsque les rapts d'enfants
mâles sont rapportés. la rhétorique s'applique alors à suggérer les grandes lignes
d'un tableau que le lecteur complète: la nuit, on entend les CriS des enfants dont
ils abusent; les jeunes chrétiens sont vendus comme des bêtes; on laisse Imaginer
la suite ...
Belleforest s'acharne contre la Grèce. Elle est présentée comme un espace
géographique. politique et philosophique par lequel la paillardise s'infiltre
subrepticement dans le monde culturel européen et progresse au même titre que
l'Empire Ottoman. Les manoeuvres du paient symbolisées par le viol des Jeunes
garçons chrétiens ou leur abJuration, rappellent la vulnérabilité de l'univers des
croyants. De plus, si les mots de Montaigne étaient le reflet de puisIOns bien
connues ou ressenties par ses c()mpatriotes et que l'attrait du corps de la femme
soit identique à celui du jeune homme, alors les vices attribués aux Musulmans
seraient, en fait. issus de puisions refoulées par le chrétien. En d'autres mots,
l'horreur surgit lorsque des actes qu'on ne se permet pas sont assumés et
actualisés par d'autres.
Si l'on se tourne vers le monde Intérieur de l'Islam, deux constructions
sociologiques sont identifiées avec une grande précisIOn. Bien entendu, les
comportements sont une fois de plus dénoncés, mais la multipliCité des détails
nous donne une bonne idée des ~c!ductions amoureuses opérées par les religieux
et de la vie quotidienne dans les hôtelleries de Fez. Autour de ces deux Images
bien campées, les peuples de l'Afrique jusqu'à l'Extrême-Orient portent l'étiquette
du sodomite, mais à la façon d'un indice, comme de nombreux peuples
d'Amérique.
'If i
134
Finalement, de l'intérieur des mondes menaçants, deux phénomènes les lIent
à la société européenne. D'abord, et ce de l'avis des auteurs, les hôtelleries se
comparent aux maisons closes. Puis, l'Inde, seul pays où la sodomie est quasi
inexistante, ressemble alors trop à un pays chrétien. la femme y joue un rôle
inquiétant: sa lascivité délivre du péché de sodomie. Paradoxalement, c'est la
lubricité de la femme turque qui intéressera les commentateurs, ainsi que la
concurrence qu'elle doit soutenir afin de préserver sa place au milieu des mignons
de son époux; l'expression bloquée et exacerbée de l'Eros s'effectue alors entre les
murs des bains. Nous étudierons plus à fond ce dernier aspect de la question
dans la prochaine partie, car les tribades constituèrent finalement plus qu'une
image lointaine et prirent d'assaut la terre fraq:aise.
1
--
Chapitre XIV
CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE
La sodomie, lorsqu'elle est utilisée afin de décnre l'Africain, le Turc ou
l'Amérindien, ne rappelle pas tout à fait les mêmes incertitudes que celles qUI ont
été identifiées dans les ouvrages religieux ou juridiques.
En fait, deux types de sodomie coexistent. D'abord, la sodomie "de
marquage", principalement employée afm d'évaluer le degré de Civilisation ou de
barbarie d'une sOCiété, et une sodomie qui polarise des descriptions parfoIs
élaborées de modèles sOCio-culturels impliquant des relations amoureuses et
"sexuelles" entre hommes. Alors que la première forme occupe un espace
discursif semblable à celui de la nudité ou de l'idôlatne, la seconde domine des
images très structurées qUI pourraient aisément se comparer à des modèles
antiques et modernes: la pédérastie, le ghetto. D'ailleurs, le fond antique éveillé
par de telles pratiques est rejeté très agressivement par quelques auteurs, plutôt
que de risquer la contamination, isoler l'Europe de telles influences s'avère plus
sécurisant. Géographiquement, les pays chrétiens expénmentent un état de fait
la complicité du Bon Sauvage, à quelques exceptions, rassure l'ennemi de Sodome
qui ne pourrait sans cela trouver d'alliés que chez les femmes luxuneuses de
l'Inde!
La lascivité féminine ouvre le champ d'une nouvelle problématique. Qu'elle
aille de pair avec le comportement des tribades s'entend, mais n'est-elle pas aussI
le garant de la lutte contre la sodomie? L'encouragement à Icl prostitution
féminine, dans certaines villes de l'Italie, vise à contrôler l'importance du vice
- 135 -
---------_._- ._ .....
( ...
136
contre nature et prouve le rôle accordé par les autorités de l'époque à la femme.
La misogynie d'une telle attitude sous-entend finalement qu'une des propensions
naturelles de l'homme serait de rechercher une perfection physique qui ne se
trouve qu'en lUi.
L'hermaphrodisme incarne selon nous l'espace moral de la mollities. Lié à la
bestialité et à la sodomie--par son origine et le symbolisme génttal--, il doit être
rigoureusement discipliné, certaines parties excisées. Encore là, le saphisme
"anatomique" était dénoncé, et l'hermaphrodisme de la femme semblait plus
suspect que celui de l'homme. A ce propos, les transformations génitales
encourues après la naissance sont réservées aux femmes.
La sodomie, pour l'Européen, et plus particulièrement pour le Français,
symbolise son isolement. Les contacts qu'il entretient avec les musulmans ont la
plupart du temps l'apparence d'un viol, d'un dialogue de la violence dont il est la
victime. L'hermaphrodisme et les tribades sont les signes de la pénétration en
terre chrétienne du vice contre nature. A l'occasion d'une vive polémique
politique, ces réseaux seront réactivés autour de l'image du roi Henri III.
Partie 4
LIEUX DE SATIRE
- 137 -
1
Chapitre XV
INTRODUCTION
Les textes que nous allons maintenant analyser ont créé, au cours des siècles,
une nébuleuse dont le centre attira les regards et un grand mépris. Le dernier des
Valois, Henri III, ce roi déchu que l'on disait incapable de guérir les écrouelles,
régna au panthéon des invertis. Encore aujourd'hui, son souvenir demeure
imprécis, dIsparaît derrière les spectres d'une fin de siècle ravagée par les guerres
de Religion. L'image de ce roi au comportement parfois déconcertant s'est
enrichie de réseaux imagologiques enchevêtrés, révélateurs du génie de la
polémique qui l'affubla pendant et après son règne.
Dans un premier temps, nous cernerons un groupe d'images du sodomite,
principalement à l'aide des mémOireS-Journaux de Pierre de L'Estoile et d'éCrits
satiriques ne discutant pas de la personne royale. Par la suite, en intégrant des
ouvrages plus ciblés tels les pamphlets politiques de la fin du siècle, nous
analyserons la typologie des images de la cour.
- 138 -
Chapitre XVI
LE PREMIER NIVEAU DE MEMOIRE
Les premières allusions que nous analysons sont tirées des
mémoires-journaux de Pierre de L'Estoile pour It:c; règnes de Henri III et de Henn
IV. La portée pragmatique des mentions ne nous intéresse pas pour l'instant.
Nous cherchons plutôt les caractères propres du n~veau zéro de la mise en texte.
L'oeuvre de L'Estoile ne fut pas publiée du vivant de l'auteur. Cependant,
pour le Journal du règne de Henrt III, le lecteur n'a pas affaire à un premier Jet. la
rédaction du manuscrit autographe qui nous est resté fut même probablement
terminée sous le règne de Henri IV:
Il est difficile de préciser l'époque à laquelle cette dernière rédaction fut faite, mais divers indices permettent de penser que ce ne fut pas avant le début du règne d'Henn IV qu'il y mit la dernière main.[403]
Cela implique que les événements y figurant furent choisIs parmi d'autres, leur
deSCription probablement retouchée. le "magasin des cunosltés"[404] renfermera
donc, aux côtés des objets au naturel, des verres polis.
les deux autres oeuvres qui vont nous être utiles furent également publiées
après la mort de leurs auteurs. Ce sont les Dames galantes de Brantôme et le
Journal de voyage de Montaigne.
Pierre de L'EstOile Intercale Ici et là des descriptions d'exécutions de sodomite,
fournissant parfois quelques détails. Ils ont pour caracténstlque d'être le plus
souvent le fait d'u n homme seul: point, à Paris, d'exécutions massives. Comment
les contrevenants sont-ils découverts et dénoncés? Le plus souvent après aVOir
abusé d'enfants, tel Jean Badon, l'ancien recteur de l'Université de Pans brûlé en
février 1586:
. 139 -
1 ( ... ) pour avoir commis sodomie avec un enfant de sa chambre, et tellement gâté, que l'enfant s'en trouvant fort mal, avait été par la douleur contraint en faire la plainte à ses amis et parents, qui en firent SI âpre poursuite qu'il ne fut possible audit Badon de se sauver de telle ignominieuse mort, ( ... ) [405]
140
Parfois, c'est l'épouse même qUI dénonce le sodomite. Nous avons alors
affaire à une accusation qui entache l'inculpé de graves soupçons et peut même
le pousser à une vengeance mortelle. L'assassinat de l'épouse du prévôt de Paris
en serait l'exemple:
On eut opinion que ce avait fait faire le prévôt de Paris. son mari, pour la grande haine qu'il lui portait à l'occasion du procès de séparation auquel elle l'avait chargé de sodomie et plusieurs autres crimes capitaux.[406]
Ces d~ux types d'actes de sodomie ne diffèrent ou ne s'opposent pourtant pas
vraiment. Parfois, le crime perpétré contre le corps de la femme conduit à l'abus
d'enfants, et alors suscite l'intervention brutale de la justice. Ainsi en était-il de
Charles Auvré, brûlé à Paris en février 1602 comme "sodomite abominable\ qUi
même s'il alléguait avoir abandonné sa femme à cause de sa religion, se servait
vraisemblablement de cette raison pour expliquer le fait qu'elle:
( ... ) s'était plainte à eux qu'il la voulait connaître, comme il a depuis fait les enfants.[407]
Les religieux n'échappent pas aux dénonciations. Parfois, tout comme pour
certains laies, les accusateurs dédoublent le vice d'une conversion aux doctrines
de la Réforme. L'Estoile, peu senSIble à ce genre d'excuses, la dénonce:
En ce mois fut imprimée à Pans l'histoire, ou plutôt la fable, d'un Jésuite sodomite, brûlé à Anvers, lequel était mort en la Religion, détestant le célibat, comme l'unique et principale cause de son énorme péché.[408]
SI l'hérésie ne peut servir à expliquer le vice, alors la médeCine vient à l'aide des
autorités eccléSiastiques. Lorsque deux carmes sont accusés et jugés au début de
l'année 1602, L'Estoile, après leur élargissement, pousse la curiosité jusqu'à
rencontrer l'un des pères. En voici le témoignage:
, 1. Et SI l'innocence se vérifiait par les paroles, 11 n'y aurait au monde
gens plus saints et innocents qu'eux. Il me dit qu'Ils avalent été visités tout nus, au Châtelet, et que, par la grâce de Dieu, leur virginité avait été trouvée et connue: ce qu'on n'eût pas jugé à la physionomie du beau-père, et aussI que La Noue, chirurgien, qUI a viSité les enfants, ne dit pas cela ( ... )[409]
141
Nous touchons alors à des intrigues religieuses et politiques propres à cette
époque. La population crut néanmOinS que la JustICe n'était pas aveugle.
( ... ) car le peuple même de Pans les tenait tellement coupables du fait qu'on ne peut encore persuader à beaucoup qu'on n'en fait une justice secrète, et croient qu'on les a Jetés en un sac en l'eau. [410]
D'autres cas peuvent encore être Isolés. lin tailleur est exécuté en 1598 après
avoir abusé de jeunes enfants et les avoir assommés.[411] Un capuCin lorrain, en
1591, aurait ahusé d'un enfant.[412]
Les crimes C~ oestialité, que nous savons liés parfoIs aux actes de sodomie
entre humains, sont également manifestes. Quatre mentions ont été Identifiées,
dont deux Impliquant de jeunes hommes. La peine en est le feu, pour l'humain et
l'animal. A deux reprises, le rappel de l'événement s'accompagne d'un fait
prodigieux, la naissance d'un monstre:
Le samedi Se dudit mois, fut brûlé en la place de Grève à Pans un jeune garçon âgé de 17 ans, qui avait engrossé une vache de laquelle il était Sorti un monstre moitié homme mOitié veau. Son dicton fut supprimé, pour l'énormité du fait.[413j
L'hermaphrodisme suscite l'intérêt du chroniqueur, et un prodige semblable à
ceux déjà mentionnés par Paré est décrit. un soldat strasbourgeOIs donne la "le à
un enfant qu'il "allaitait ( ... ) de la mamelle droite, et avait la gauche mâle, qUI ne
donnait pas de lait ( ... )".(414] Déjà, en 1577, une querelle de couple et la
découverte d'une servante-garçon au service des cordeliers furent la source de
quelques pasqulls.[41 5]
L'Estoile fait état d'un complot qUI fut démantelé à Genève; des traitres y
furent accusés de sodomie. L'accent est mis alors sur le crime politique plutôt
que sur les pratiques nsexuelleÇ.
L'un est du 10 du passé, de l'emprisonnement d'un nommé Canat, médectrl, accusé de sodomie avec qu.:lques autres traîtres, emprisonnés avec les torturés et questionl1f:~, et d'avoir donné le boucon à deux des principaux de la ville ( ... )[416]
142
Un second cas impliquant un groupe provient d'une observation de
Montaigne, dans son Journal de voyage. Lors de son passage à Rome, il note ainsi
qu'une secte composée de Portugais permit le mariage entre hommes:
( ... ) ce même Jour la station était à Saint-Jean Porta Latina, en laquelle église certains Portugais, quelques années ya, étaient entrés en une étrange confrérie. Ils s'épousaient mâle à mâle à la messe, avec mêmes cérémonies que nous faisons nos mariages, faisaient leurs pâques ensemble, lisaient ce même évangile des noces, et puiS couchaient et habitaient ensemble.[417]
Pour quelles raisons cette secte vit-elle le jou r? Montaigne précise alors que les
initiateurs octroyèrent au sacrement du mariage le pouvoir d'unir tous les types
de couples:
Les esprits romains disaient que, parce qu'en l'autre conjonction, de mâle et femelle, cette seule CIrconstance la rend légitime, que ce SOit en mariage, il avait st:mblé à ces fines gens que cette autre action deviendrait pareillement juste, qui l'aurait autorisée de cérémonies et mystères de l'Eglise. Il fut brûlé huit ou neuf Portugal,:: de cette belle secte.[418]
l'Italie, nous l'avons déjà fait remarquer, est un lieu privilégié de mémoire
pour les anecdotes homosexuelles. Du Bellay, dans les Regrets, ne se moquait-il
pas déjà du jeune Innocent dei Monte fait cardinal à dix-sept ans et de
l'introduction de telles pratiques en France?
Mais voir un estaffier, un enfant, une beste, Un forfant, un poltron Cardinal devenir, Et pour aVOIr bien sceu un singe entretenir Un Ganymède avoir le rouge sur la teste: ( ... ) Ces miracles (Morel) ne se font point
qu'à Rome.[419]
Henri Estienne, dans l'ApologIe pour Hérodote, met en garde contre la
contamination des moeurs par le séjour auprès des Italiens:
Mais pour retourner à ce péché si infame, n'est-ce point grand'pitié qu'aucuns qui auparavant que mettre le pied en Italie,
abhorrissoyent les propos mesmement qUi se tenoyent de cela, après y avoir demouré, ne prennent plaiSir aux parolles seulement, mais viennent jusques aux effects, et en font profession entr'eux. comme d'une chose qu'ils ont appnse en une bonne eschole7 (420)
143
Le pamphlet intitulé La France-Turquie reprenait donc déjà, en t 576. une Idée
reçue en utilisant l'exemple de la 'bougrene' à Rome afin d'Illustrer les pouvoirs
et les limites du miméti~me:
Seroit de mesme qui diroit que si de tant de gens qui ont esté et demeuré à Rome il y 'fm avoit quelqu'un qui eust esté si meschant que d'en avoir rapporté et enseigné aillieurs l'usage de bougrene Il failloit par necessité accuser les autres de mes me ( ... ) [42 t ]
Jodelle versifiera à nouveau sur le même thème, attestant la généralisation du
vice:
Je sçay bien, du Bellay, que Rome est le bordeau, Où l'on voit paillarder sans fin le corps et l'a me: Le corps y est espris d'une bougresse flamme, L'esprit paillarde avec l'Antichrist son boureau. ( ... ) Bref que diral·je plus? c'est cette pute immonde, Que l'on nomme à bon droit le chef de tout le monde Puisque le monde entier aujourd'hui
ne vaut rien (422]
Dans les Dames galantes de Brantôme, trois historiettes expliquent les ruses
utilisées par des Italiens pour abuser de jeunes hommes: demandant à leur
épouse de séduire l'objet de leurs déSirs (puisqu'II semble aller de soi que la
femme brûle du même amour), ils les surprennent et, plutôt que de tuer ,'amant,
le soumettent à leur plaisir. Splon Lalanne, l'une de ces histoires E'st tirée du
Décaméron.(423] L'introduction de la première des trois la situe dans un espace
temporel et géographique ("La première fois que Je fus Jamais en Italie ... ·) laissant
présager l'évidence sinon la fréquence de telles pratiques:
La premiere fois que je fus jamais en Italie, J'en ouys un exemple a Ferrare, par un compte qUI m'y fut fait d'un, qui, espris d'un Jeune homme beau, persuada à sa femme d'octroyer sa jouissance audit jeune homme qui estOit amoureux d'elle ( ... ) les prenant sur le fait, approcha la dague à la gorge du jeune homme, le Jugeant digne de mort sur tel forfait, selon les loix d'Italie ( ... ) "fut contraint d'accorder au mary ce qu'il voulut, et firent eschange l'un de l'autre ( ... H 424]
144
Le dernier exemple d'une telle pratique est celui d'un échec, car le jeune
homme français amsi convoité ne succombe pas au stratagème.
Malheureusement, sa vertu ne le protège ra pas entièrement du malheur, car il
sera finalement assassiné par son écuyer. Brantôme saisit l'occasion pour
explorer les mystères du châtiment divin. La destinée de Jules César ne
démontre-t-elle pourtant pas que les desseins de Dieu sont Insaisissables?
( ... ) car, ainsi que j'av ouy dire à un fort gallant homme de mon temps, et qu'il est aussi vray, nul jamais bougre ny bardasche ne fut brave. vaillant et genereux que le grand Jules Cesar ( ... ) En quoy je m'estonne que plusieurs, que l'on a veu tachez de ce meschant vice, sont esté continuez du Ciel en grand prosperité; mais Dieu les attend, et à la fin on en voit ce qui doit estre d'eux.[425]
Dans le Discours sur les duels, Brantôme fournira un nouvel exemple de l'absence
de justice dans une affaire de sodomie:
( ... ) celuy qui estait taché du vice dont il accusait l'autre qu i en estoit innocent, fut vainqueur, et contraignit son ennemy de le déclarer homme de bien et d'honneur.[426]
Doit-on conclure que la sodomie est un vice fourbe ef rusé. qui échappe parfois
aux foudres de l'Eternel? Brantôme a médité sur une telle question, si du moins
les hypothèses d'Anne-Mane Cocula-Vaillières se vérifient. La mère des Valois
aurait ainsi chargé le Capitaine d'une tâche fort curieuse:
Mais rien ne doit être caché à Alençon sur les défauts et les mérites des siens. L'enseignement de Brantôme n'est pas gratuit. Le conteur chevronné de la cou r des Valois poursuit là une double mission que Catherine de Médicis a bien pu lui confier: distraire son dernier fils pour lui faire oublier les intrigues de la politique tant qu'il n'a pas le droit d'être roi et. surtout. le détourner de son homosexualité. [427]
Cocula-Vaillières poursuit son hypothèse en citant un passage des Grands
Capitaines françols qui répond aux incertitudes du texte des Dames Galantes.
mais aussi aux tares sérieuses dont furent affligés les enfants de Henri Il:
On ne donna que ces deux SIS à ce grand roy Anthoine (de Bourbon. rOi de Navarre), sinon aussi qu'il estait fort adonné à l'amour: mais qui n'ont estez les roys et les grandz qui n'ayent aymé les dames? autrement ilz sont dénaturez et adonnez au grano et énorme Vice. [ 428]
145
Que dire maintenant de l'éloge des Bourbons suivant immédiatement ce passage?
Antoine de Bourbon était, rappelons-le, père du futur Henn IV!
Pour le reste, il estait trè-bien né, brave et vaillant, car de ceste race de Bourbon il n'yen a point d'autres, belle apparence, estant de belle taille, et plus haute de beaucoup que celle de tous messieurs ses frères, la magesté toute pareille, la parolle et l'éloquance très-bonne. [429]
Brantôme a donc pondéré sa pensée dans les Dames galantes. Du mOins
redonne-t-il ~ César ce qUI lui revient. Cet adoucissement s'explique aussI par un
autre fait: le recueil des Dames fut dédié à la mémoire du duc d'Alençon.
J'avois voué ce 2e livre des Femmes à mondict seigneur d'Alençon, durant qu'il vivoit d'autant qu'il me faisoit cet honneur de m'aimer et causer fort privement avec moy, et estolt curieux de sçavoir de bons comptes ( ... )[430]
Une telle dédicace éclaire les paramètres de l'écriture du livre. Cocula-Vallhères a
raison, Il aurait beaucoup en commun avec le traité initiatique. Il viserait a
préserver le jeune prince des calculs des courtisans. Que le jeune amant SOit
possédé par le mari de la dame n'est qu'un incident de parcours: l'homme de bien
ne peut (ou ne doit) s'abandonner à ce type d'écart. En fait, le gentilhomme ne
doit cramdre la révélation que de trois choses:
L'une est, quand l'on reproche à un autre qu'II est cocu et sa femme publique; l'autre, quand on le taxe de bougrerie et sodomie, la troisiesme, quand on luy met à sus que c'est un poltron, et qu'II a fuy vilainement d'un combat ou d'une bataille.[431]
Si les accusations s'ébruitent, il doit tenter d'étouffer le tout ou de provoquer une
diverSion afin de mieux se venger par la suite:
(n.) il Y a trois choses lesquelles l'homme sage ne dOit jamais publier S'II en est offensé, et en doit taire le sUjet, et plustost en Inventer un autre nouveau pour en avoir le combat et la vengeance, si ce n'est que la chose fust si eVldente et claire devant plusieurs qu'autrement Il ne se pust desdire.[432]
Même si nous ne pouvons l'affirmer, la pratique de la sodomie au sein d'un
couple hétérosexuel ne semble pas répondre à des interdICtIOns aussI ngldes.
•
146
Déjà, les cas Isolés rapportés par L'Estoile situaient la sodomie conjugale en une
sphère du répréhensible, sans pour autant que la condamnation des autorités se
montrât exemplaire. Brantôme traite du sujet avec un ton sarcastique; une dame
rassure son amant craintif quant à la réaction éventuelle de l'époux trampé:
"N'ayez pas peur, car il n'oserait rien faire, craignant que je l'accuse de m'avoir voulu user de l'arriere-Venus, dont il en pourrOit mourir si j'en disols le moindre mot et le declarois à la justice. Mais je le tiens ainsi en eschec et en allarme; si bien que, craignant mon accusation, il ne m'ose pas rien dire:[433]
Plus que le ton, les tableaux changent lorsque deux femmes s'aiment. Les
disciples de Sappho ne sont pas alors des sodomites, et la description de leurs
ébats est possible. Tout comme chez les hommes, l'origine de telles pratiques ne
se situe pas en France. Des Anciens témoignent de ce type de comportements:
Martial, Juvénal et LUCIen. Le rappel d'un épigramme du premier suscite un
commentaire de Brantôme à propos d'un adultère commis entre femmes: ·Voilà
un grand cas, dit-il, que, là où il n'y a point d'homme, qu'il y ait de
"adultere:[434] Les habitudes des femmes turques aux bains attirent l'attention
du Capitaine[ 435] et l'Italie recueille sa portion d'anecdotes'
j'ai cogneu une courtisan ne à Rome, vieille et rusée s'il en fut oncq, ( ... ) laquelle prit en telle amitié une courtisane qui s'appelloit la Pandore ( ... )[436]
De façon plus tangible que les relations entre hommes, ces moeurs nouvelles ont
déjà migré vers la France, et les milieux courtisans les ont adoptées:
En nostre France, telles femmes sont assez communes; et si dit-on pourtant qu'il n'y a pas longtemps qu'elles s'en sont meslées, mesmes que la façon en a esté portée d'Italie par une dame de qualité que Je ne nommeray point. [437]
La genèse du phénomène s'éclaircit et deux groupes d'images du saphisme se
développent. La première, tout d'abord, vise à interdire le travestissement.
Pourtant, en rappelant Lucien, Brantôme affirme que l'élévation de la femme au
statut d'homme peut se défendre; le contraire ne dOit être toléré:
Toutesfois ,1 (Lucien) adJouste qu'il est bien meilleur qu'une femme soit adonnée à une libldmeuse affection de faire le masle. que n'est à l'homme de s'effeminer; tant il se monstre peu courageux et noble. La femme donc, selon cela, qui contrefait ainsi l'homme, peut avoir reputation d'estre plus valeureuse et lourageuse qu'une autre, ainsi que j'en ay cogneu aucunes, tant pour leur corps que pou r l'ame.[ 438]
147
Notons, dans cet extrait, le passage de la deSCription d'une pratique sexuelle
(libidineuse affection de faire le masle) à celle de qualités qui sont de l'ordre du
comportement (courageux et noble, valeureuse), puis aux déformations
anatomiques (tant pour leur corps que pour l'âme). Les phénomènes qui laissent
a priori présumer d'épistémès diverses se répondent donc. Que la femme
recherche le travestissement n'est pourtant pas vu d'un bon oeil. Même à la
mascarade, elle ne doit adopter le vêtement masculin·
D'une autre chose aussI se dOIt bien garder la dame, de ne deguiser son sexe et ne s'habiller en garçon, soit pour une mascarade ou autre chose ( ... ) [439]
Montaigne, dans son Journal de voyage, signale que des Jeunes filles furent
pendues près de Vitry-le-François parce qu'elles se vêtirent, d'un commun accord,
à l'image de l'homme:
( ... ) depuiS peu de JOllrs il avait été pendu à un heu nommé Montier-en-Der, voisin de là, pour telle occasIOn: sept ou huit filles d'autour de Chaumont en Bassigny complotèrent, il y a quelques années. de se vêtir en mâles et continuer ainsi leur vie par le monde.[440]
On qualifie bel et bien ces tentatives de complot: contre qui? Que leur sexe SOit
jugé inférieur semble leur octroyer un pOUVOir dangereux:
Et fut pendue pour des inventions illiCItes à supplir au défaut de son sexe.[441 ]
Un second groupe d'images se compose de scènes plus ou moms burlesques
jouées à la cour. Les écarts ne sont pas alors condamnés, mais ridiculisés. le
voyeur, de sexe masculin, fournit maints détails qUI sont repris par le narrateur·
( ... ) dans un autre cabinet, deux fort grandes dames, toutes retroussées et leurs callesons bas, se coucher l'une sur l'autre,
---------_. --- _ ... __ ...
1 s'entrebaiser en forme de colombes, se frotter, s'entrefnquer, bref se remuer fort, paillarder et Imiter les hommes ( ... ) [442]
148
Cette façon de faire, elles ne l'ont pas uniquement appns des hommes; les
belettes s'ébattent ainsi:
On dit que les belettes sont touchées de cet amour, et se plaisent de femelles à femelles à s'entre-conjoindre et habiter ensemble ( ... ) [443]
Plus les femmes s'acharnent à imiter l'accouplement, plus la scène est risible.
et le paroxysme de l'effet est atteint lorsqu'elles sont surprises par un voyeur.
L'un d'eux, probablement le roi Henri III, les force à s'exécuter devant lui, à rendre
pu blics ces actes du privé:
j'ay ouy conter qu'un grand prince, se doutant deux dames de sa cour qui s'en aydoient, leur fit faire le guet si bien qu'il les surprit, tellement que l'une se trouva saisie et accommodée d'un gros entre les jambes, gentiment attaché par de petites bandelettes à l'entou r du corps, qu'il sembloit un membre naturel. Elle en fut si surprise qu'elle n'eut loisir de l'oster; tellement que ce prince la contraignit de luy monstrer comment elles deux se le faisoyent.[ 444]
Pierre de L'Estoile confirme la popularité de tels instruments à la cour:
Les plus gros ne sont ies meilleurs! Charansonnet n'a plus ses fleurs: La bâtarde s'en est lassée; Serteau elle a dépucelée. Sapho et Sodome revit. Un gaudemichl et un vit.[44S]
Le ridicule affuble ces femmes et leur "vice" les conduit finalement à la mort,
ou dans les bras des hommes! Brantôme con naissait les complications
physiologiques qu'entraînait l'utilisation des "gaudemichls", de même que la
façon de les prévemr:
On dit que plusieurs femmes en sont mortes, pour engendrer en leurs matrices des apostumes faites par mouvemens et frottemens point naturels ( . .,) et mes mes que, pour la guerison de tel mal, comme j'ay ouy conter à aucuns chirurgiens, qu'il n'y a rien plus propre que de les faire bien nettoyer là-dedans par ces membres naturels des hommes ( ... )[446]
1 149
Les hommes ont le dernier mot; ces amours lesbiennes ne constituent-elles pas les
prémices d'une sexualité exacerbée? le témoignage de deux "belles et honnestes
damoiselles de bonne maison" le laisse croire:
( ... ) et confesserent aprés à leurs amoureux que nen ne les aVOIt tant desbauchées et esbranlées à cela que cette fricarelle, la de testa nt pour en avoir esté la seule cause de leur debauche.[447]
Finalement, comble de la grossièreté, les aventures des amoureuses se
confondent avec des propos scatologiques. le me consacre la frivolité du vice'
( ... ) et sur sa chaise percée se mirent à faire leur fricarelle si rudement et si impetueusement qu'elle en rompit sous elles, et la dame mariée, qui faisoit le dessous, tomba avec sa belle robbe de toille d'argent à la renverse, tout à plat sur l'ordure du bclssm ( ... ) et s'en aller à grande haste changer de robbe dans sa chambre, non sans pourtant avoir esté apperceue et bien sentie à la trace, tant elle puoit ( ... )[448]
Les frontières d'une imagerie du rire sillonnent la deSCriptIOn des amours
entre femmes. Les sodomites, nous le verrons, seront tour à tour condamnés,
raillés, puis ridiculisés par les auteurs de pasquils et de satires. Les disciples de
Sappho, dès la première forme de mise en texte, l'anecdote, provoquent le rire, à
moins qu'elles n'''infiltrent- l'univers masculin en se travestissant: elles sont alors
ni plus ni moins condamnées au même titre que l'hermaphrodite partiCipant
indifféremment des deux sexes. Certains groupes de femmes bénéfiCIent
néanmoins d'égards, comme les filles et les veuves. MaiS Brantôme n'ose OUVrir le
débat:
Encore excuse-on les filles et femmes veufves pour aymer ces plaisirs frivols et vains, aymans bien mieux s'y adonner et en passer leurs chaleurs que d'aller aux hommes et se faire engroisser et se deshonnorer, ( ... ) Je m'en rapporte à elles.[449]
* * * * *
Sectes d'hommes déins les pays méditerranéens, moeurs dissolues à Rome et
épisodes lesbiens de la cour de France, les allusions identifiées dans les oeuvres
1 150
des mémorialistes sont riches. Les groupes masculins, et les femmes, occupent
une place de choix: l'homme seul coupable d'un crime contre nature est fustigé;
le groupe, à mOinS qu'un complot ne perce, suscite le rire.
La description satirique fait son chemin, utilisant anecdotes et propos
scatologiques pour compléter son effet. Elle possède en revanche des frontières
déterminées: l'homme ne s'effémine pas, la femme ne se vêt pas de l'habit
masculin. Franchir ces limites entraîne dans un univers où comportement,
pratiques sexuelles et déformations anatomio.ues se confondent.
L'omniprésence du duc d'Alençon, dan~ l'analyse du recueil des Dames ne doit
pas être prise à la légère. Le parcours historique du dernier enfant mâle des
Valois peut effectivement servir de parfaite introduction à une étude plus
extensive des enjeux sociologiques, politiques et polémiques de la vie de cour en
cette fin de siècle. Les deux frères furent soupçonnés d'entretenir des relations
particulières avec leurs mignons respectifs. Pourtant, Ils ne s'entendaient pas et
leurs querelles étalent connues. Selon les historiens, c'est bien le duc d'Alençon, et
non le rOI, qui subissait le charme de favoris tel d'Avrilly: pourquoi alors accuser
un frère des actes de l'autre?
De nouveaux sentiments et affects se juignent peu à peu aux images que
nous analysons. L'activité polémique qUI influence à son tour certaines lignes de
force des réseaux en révélera de nouveaux al rangements.
1
Chapitre XVII
HENRI III ET SES MIGNONS; LA "REALITE HISTORIQUE"
Nous abordons, dans le présent chapitre, une pénode de l'histoire de France
qui a suscité bien des hypothèses contradictoires et la crystailisation d'une
légende: celle de Henri III et de ses mignons. Accusé des plus vils actes et de
moeurs dissolues, réhabilité par nos historiens contemporains, Henri III traine son
énigme comme un boulet. L'enjeu de notre étude consiste donc a poursUivre
l'analyse des allusions de sodomie dans la Jungle des pamphlets et des écrits
satiriques, en n'oubliant cependant pas l'écart eXistant entre les libelles et une
réalité historique dont la reconstitution fut longtemps effectuée à l'aide de
documents partiaux. Pour ce, nous allons d'abord tracer un panorama de la
situation politique française et de la vie à la cour du dep'Iier ValoIs.
La tolérance des écarts moraux à la cour s'explique de diverses façons.
L'hypothèse la plus vraisemblable consiste à réduire le phénomène à un
engouement passager, une mode. Maurice Lever crOit ainSI qu'
Avec la Renaissance, l'homosexualité devient un fait de culture. Elle apparaît comme un raffinement indispensable, ou peu s'en faut, à quiconque aspire à l'univers de la création littéraire ou artistique. [450]
La sodomie prend ainsi un visage différent selon la classe SOCiale vers laquelle
notre regard se porte. Pour les roturiers et certains clercs de bas étage, c'est le
Vice abominable que les confesseurs n'osent mentionner. Pour les nobles et a la
cour, la sodomie se confond avec un certain choix pratiqué par une élite
( ... ) d'un côté, la survivance du tabou Judéo-chrétien tel qu'II s'exprime à travers la rigueur des lois, de l'autre, la licence dont jouissent ceux qUI règnent sur les peuples, les arts ou la pensée. ICI,
- 1 51 -
1
,.,
Sodome et s~s bûchers; là, le "beau vice" magnifié par le génie, la naissance ou la fortune.[451]
152
Nous ne sommes évidemment pas très loin d'un dandysme avant la lettre.
Pourtant, la vie de cour sous Henri III, à bien des points de vue, favorise l'éclosion
d'une telle affectation.
Le fossé entre les conditions de vie du peuple et le train mené dans
l'entourage du roi s'élargissait au rythme des guerres et des Impôts:
Depuis près de trente ans, la guerre sévissait à l'état endémique, interrompue par des périodes de paix Instable et précaire. Suivant une expression du temps, le peuple ne cessait presque jamais d'être "foulé et oppressé".[ 452]
Pauline Smith décrit une situation économique semblable, qui s'empire avec la
succession des guerres de Religion:
The situation was to deteriorate still further however, as the civil wars dragged on, and as Henri'" succeeded Charles IX. The plight of the peasants was further aggravated by the endless battles which made cultivation difflcult and ail hope of harvests unrealistic. In addition, large sections of the population were hit by more and more new taxes exacted by an ailing administration.[453]
Il est raisonnable de croire que l'impopularité du roi allant croissant, ce sentiment,
jumelé à des comportements inhabituels pour un souverain, fut utilisé par ses
détracteurs à des fins politiques.
Henri '" se distinguait de ses prédécesseurs de plusieurs façons, toutes
tranchant d'avec l'idéal aristocratique de virilité. Le roi ne s'entourait pas
d'enfants naturels.[454] Son intérêt pour les exercices physiques était peu
développé, laissant croire à la mollesse et à l'efféminement. Selon Jacqueline
Boucher, tous ces soupçons s'enchaînaient et ouvraient la porte à la dénonciation
des moeurs:
( ... ) le roi s'est vu reprocher d'avoir des goûts de mollesse. L'accusation d'être efféminé s'ensuivait. On disait qu'il préférait une vie voluptueuse aux exercices physiques que la noblesse pratiquait alors ( ... ) Cette accusation était grave: elle menait tout droit à des soupçons sur les moeurs du roi.[455]
153
Des jeux captaient toute son attention le bllboquet,[456) le découpage de
canivets.[457) Des "modes étranges et changeantes"[458] s'emparaient de la cour,
qui le plus souvent s'avéraient éphémères animaux exotiques, mascarades,
travestissement. Nous avons retrouvé au moins deux témOignages quant à cette
dernière pratique dans le Journal de L'EstOile
Cependant le rOi faisait tournois, Joutes et ballets et force mascarades, où il se trouvait ordinairement habillé en femme, ouvrait son pourpoint et découvrait sa gorge, y portant un collier de perles et trOis collets de tOile, deux à fraise et un renversé, ainsi que lors portaient les dames de la cour ( ... )[459]
Simple fantaiSie? Utilisation à outrance de procédés carnavalesques? SOIf de
nouveauté?
Henri III introdUISit de nouveaux codes à la cour dans le but évident de
raffiner les moeu rs.[460] les Italiens étalent de plus très présents, et J. Boucher
parle même de "colonisation de la cour". Les ressentiments ne tardèrent pas a se
faire sentir"
L'hostilité envers les Italiens de la cour était très forte chez ceux qUi sympathisaient avec la Réforme ( ... )[461]
Nous savons déjà quels sont les vices dont on les accusait dans divers ouvrages.
De tels reproches ne pourront qu'être brandis contre, cette fOIS-CI, leurs hôtes et
mécènes en terre française.
Deux dernières transformations de la vie dans l'entourage royal ont SUSCité
des mécontentements. L'une fut reprochée amèrement au rOI par les
pamphlétaires, l'autre, en revanche, ne surgit que dans les commentaires des
historiens du XXe Siècle. Toutes deux touchent cependant des groupes menaçant
le pouvoir de la noblesse. D'abord, on ne pardonne pàS au rOI d'accorder ses
faveurs à un groupe restreint de Jeunes nobles, ses mignons. ,:alt symbolique,
personne ne peut pénétrer dans le cabinet du roi sans que ce dernier ne les y
appelle; sauf que:
1
....
( ... ) les ducs dE: Joyeuse et d'Epernon pouvaient pénétrer à leur gré dans cette plèce.[462]
154
Ce choIx politique a donc susCIté rapidement des ressentiments chez les
courtisans plus âgés écartés du pouvoir. Une querelle des anciens et des
nouveaux, certainement favorisée par une transformation des habitudes à la cour
et peut-être par l'extravagance du souverain, soulevait lentement une lame de
fond.[463]
les femmes de la cour constituent le second groupe menaçant. A l'époque,
elles ne semblent pas avoir été aussi directement visées que les mignons par les
polémistes dont nous avons lu les oeuvres. Ou peut-êtr€ dénonçaient-ils leur
emprise sur les moeurs du roi en l'affublant de l'épithète d'efféminé!
Contrairement à son père, Henri III n'a pas une maîtresse qui peut influencer son
jugement. Sa mère, Catherine de Médicis, ne joua vraisemblablement pas le rôle
primordial qu'elle avait su remplir sous Charles IX. C'est plutôt la structure
sociologique de la cour qui est ébranlée, de façon provisoire du mOins:
Autour des derniers Valois l'influence des femmes dans le domaine de la Civilisation s'affirma de plus en plus, mais cette évolution était-elle profonde et persisterait-elle? [464]
les femmes pouvaient participer aux réunions de l'Académie:
( ... ) la petite académie qui se réunit autour du roi à la fin ue la décennie 1580 regroupe, outre Sa Majesté, quelques bons esprits, parmi les plus distingués de l'époque: des hommes comme Pibrac, Baif, Pontus de Tyard, Ronsard; et aussi des dames (ta lignerolles, la maréchale de Retz), annonciatrices déjà d'u ne préCiosité quasi féministe qu'on verra se déployer au siècle suivant,[465]
Selon Emmanuel Le Roy Ladurie, la poussée du "féminisme" et la flambée des
accusations d'homosexualité contre le rOI participent d'un mouvement identique:
le premier engendre l'énergie qui déferlera sur l'ordre courtisan en empruntant la
forme du second:
En réalité, l'insistance nouvelle avec laquelle la polémique de ce temps, à partir de 1576, envisage (de façon hostile) les faits d'homosexualité et surtout de pseudo-homosexualité dans
1 l'entourage royal. cette insistance-là nous Importe beaucoup moins au plan de la réalité factuelle qu'au niveau des changements dans la culture: une poussée féministe se fait en effet sentir parmi les commensaux mtellectuels du rOi et parmi leurs compagnes ( ... ) Or, simultanément, l'homosexualité. autrement dit une composante partiellement "féminme de la masculinité attire les "attentions·, seraient-elles hostiles, de l'opinion publique. Est-II interdit de corréler ces deux ordres d'Idées (obsessions Vis-à-VIS de l'homosexualité, et crypto-féminisme) qUI littéralement, font éruption dans les sensibilités de l'élite à partir de 1575, date large ... [466]
155
Le portrait historique que nous traçons est fmalement constitué de plusieurs
pièces de qualités diverses: mentalités à la cour en transformation, particulantés
d'un souverain qui, dans la première partie de son règne, se plalt à l'exagération
et à l'excès. De plus, des réalités historiques incontournables particularisent Henri
III: impossibilité d'assurer sa descendance et le fait que, pour la première fois en
France, la personne royale est Victime d'un régicide. Nous ne négligeons pas non
plus les problèmes politiques et religieux aigus qu'a dû affronter le roi. PriS en
étau entre la ligue et les protestants, il n'a pu se railler la majorité des politiques.
Pierre de L'Estoile en est un exemple probant dénonçant les excès des Ligueurs et
sympathique aux réformés, il n'hésite pas à condamner les folles dépenses et
l'insouciance du monarque.
Accorder une importance trop grande à la dissolution des moeurs sous le
règne des ValOIS serait une erreur. Le miroir grossissant appliqué par les
polémistes implique un certain type de réfraction. Ainsi, les vices dont on affuble
les courtisans de la fin du siècle furent vraisemblablement plus présents à la cour
du premier Bou rbon:
Contrairement à ce que l'on a cru, la cour des derniers Valois ne se caractérisait pas par l'ampleur de ce comportement qui restait dissimulé et qui se manifesta plus ouvertement au temps de Henri IV.[467]
1 156
Un certain décalage en histOire littéraire laisserait d'ailleurs supposer un tel état
de fait. La ConfessIOn du Sieur de Sancy d'Agrippa d'Aubigné, réactivant des
épisodes des "Prlnces", fut vraisemblablement éCrite entre 1598 et 1600, quelque
dix ans après l'assassinat du roi. L'Isle des Hermaphrodites fut publiée pour la
première fOIs en 1607, sous le règne de Henri IV. Les écarts de la cour étalent-Ils
encore un pur objet de polémique dix ou vingt ans après sa dissolution7 Ne
sommes-nous pas plutôt en présence d'une revitalisation, en milieu coultisan, des
moeurs Infâmes soupçonnées au règne précédent?
* * * * *
A bien des points de vue, le règne de Henri III s'est déroulé en héritant ou en
créant des situations conflictuelles de tous niveaux, sans parvenir à les résoudre.
Peut-être, à nos yeux, lui revient-il l'honneur d'avoir introduit des moeurs plus
raffmées ou donné une plus juste place aux femmes. La violence des accusations
portées contre lui, qui sont à la mesure des bouleversements au niveau des
mentalités, montre sans doute qu'II a pu être l'inspirateur d'un modernisme avant
la lettre.
Les écrits polémiques que nous allons mamtenant analyser seront parcourus
d'exagérations qui sont en bonne part responsables de l'image amblgue qui nous
est restée de la vie du dernier des Valois. Même si aujourd'hui les histOriens
expliquent la destinée tragique du souverain par des facteurs socio-hlstoriques,
l'historiographie de l'époque attribuait sa perte à son "penchant pour la mollesse
et pour les plalslrs".(468) Défaut des plus redoutables, nous ne l'ignorons pas, et
qUI entraîne aux plus grands excès. Les qualités du souverain seront alors
condamnées à la précanté, comme:
( ... ) la libéralité. et cette vertu qui dans les autres Princes fait l'admiration des hommes, fut fatale à ce Monarque, qui ne sçut pas lUI donner des bornes ( ... ) [469]
1
"
157
le ton est maintenant donné. La polémique et la satire n'ont plus qu'à faire leur
oeuvre.
1
Chapitre XVIII
EN PRE-TEXTE, LA SATIRE RELIGIEUSE
Des accusations de sodomie apparaissent dans les écrit polémiques de
catholiques ou de protestants qui s'accusent mutuellement de tolérer, sinon
d'encourager, ce comportement.
Le style de vie des religieux catholiques récolte des satires mordantes. Les
monastères abntent ni plus ni mOins que des hordes de pervers:
En premier lieu les anciens Benedictins, Cisterciens, Autrement nommez Bernardins, Mathurins, mille noirs badins Cà et là, derriere et devant, Tant reverends, tant bas-devant, Sans qu'Ils craignent de tout gaster, Travaillent a rost enhaster, Monachalement sans reproche: Et tous jours quelqu'un d'eux embroche Ce que l'autre a lardé. Les hastes Beaux Novices a toutes hastes Branslent de mesure, et a pOlnct.[470]
Dans le chapitre Inutulé: "Du péché de sodomie et du péché contre naturt en
nostre temps"[471] de l'Apologie pour Hérodote. Henri Estienne illustre son
propos par plusieurs exemples choisis dans la haute hiérarchie de l'église
catholique. D'abord, il commente le contenu d'un livre de J~an de la Case,
archevêque de Bénévent, dans lequel il:
( ... ) est venu jusques à en escrire les louanges (de la sodomie), et pUiS les faire imprimer, pour estre leues par tout le monde.[ 472]
PUIS. Il s'en prend à Pierre-Louis Farnèse, le fils de Paul III, qui aurait abusé
Violemment de Cosmo Cherio, l'évêque de Fano.[473] Rome, toujours, permet au
narrateur de s'impliquer comme actant, témoin visuel d'un fait condamnable:
- 158 -
( ... ) mais cela sçay-je bien, que le Ganymedes du pape Jan Mana De Monté, dlct Jules troIsième, estOit de la taille de celuy de Jupiter, ( ... ) ce que Je di pour l'avoir veu et contemplé à lOISIr, et mesmement une fOIS qu'il estOit à table avec son Juplter.[4741
159
Les dieux romains tout-puissants n'ont pas à obéir aux règles morales. Estienne
ne s'étonne pas que des dispenses en ce sens pussent être octroyées aux prêtres
Tellement que Je croy que SI les prestres, après que le manage leur fut défendu, fussent venus d'un commun accord présenter une supplication à leurs salnctetez (en tenant la supplication en une main, et l'oblation en l'autre) pour aVOir recours au sexe masculin puisque on ne leur permettOlt user du femi",n, Ils n'eussent pOint esté esconduits.[475]
Bien sûr, une preuve appuie ses dires
( ... ) nous lisons en la vie du pape Sixte 1111, qu'il ottroya a toute la famille du cardinal de S. Luce d'aVOIr la compagnie charnelle des masles, durant troiS mOIS les plus chauds de l'année.[476]
L'Angleterre offre enfin l'exemple d'une terre où le souverain. par son action
politique, pUrifie les moeurs des congrégations. Un document en tèmOlgne et fait
état de découvertes surprenantes effectuées dans les couvents et monasteres
MaiS sans plus prendre la peme de recueillir de divers endroits ce qui sert à ce mien propos, Je me servlray de l'extralCt auquel cela est escnpt, tiré d'un livre AnglaiS, contenant le réCit des meschancetez qUI furent descouvertes en la VISitation des monastères, convents, églises collégiales, et autres du pays d'Angleterre, par le commandement du roi Henri V"1. Entre lesquelles meschancetez sont déclarée:; les paillardises. adulteres. incestes, bougrenes des prestres et mOines d'IceUX, ( ... )[477]
Un pamphlet un peu plus tardif s'attaque à toutes les :omposantes de l'Eglise
et s'mtitule: Le Cabinet du roi de France. Jean Hervez le déLrJt comme
Le plus violent pamphlet publié au XVIe Siècle contre l'Eglise séculière et régulière ( ... ) C'est une statistique un peu stupéfiante appuyée sur des chiffres empruntés à une certame Polygamie sacree que nous ne possédons pas. [478]
Et, effectivement, les différents niveaux de la hiérarchie du clergé y sont tour a
tour condamnés. Le type prinCIpal d'attaques consIste à dénoncer le nombre de
concubines, J'utilisation alors faite de l'argent des f.deles afm de les entretenir, et
l
1 160
les enfants issus de ces couples. De véritables statistiques corroborent les
affirmations. Les plus chastes d'entre les religieux ne sont pas épargnés, comme
ces mOines.
( ... ) mais ceux qUi sont si chastes que de n'avoir qu'une, ou deux paillardes, asseurez vous que dans leurs cahuets et haut de chausses vous y sentez la fumee de Sodomie à pleine gorge, entre eux mesmes vous n'entendez autre chose qu'à se taxer de Bougrerie, sinon qu'ils avent sept ou huict paillardes a commandement.[479]
Le lecteur est appelé à le constater lui-même: ou le mome est paillard, ou il est
sodomite. Le calcul s'applique à tous les ordres: Jacobins, Cordeliers, Carmes,
Augustins, Minimes, Célestins, Jésuites.[480]
L'image du monastère acquiert une dimension obsédante. L'angoiss,~ du
péché Inhérente à la vie monacale, déjà soulignée par Paul Veyne, mobilise
l'imaginaire des polémistes; le combat s'engage contre l'mstltution catholique et
contre la peur:
( ... ) car sion veut trouver des hommes adon nez à tous Vices, à luxure, bougre ne, sorcelerie, et telles autres mal-heurtez, Ja n'est besoin d'aller en Gomorrhe et Sodome, si nous ne voulons dire, que le soulphre qui sembrasa Sodome, est aujourd'huy dedans ces lieux reclus, qu'ils parent de telle sancteté.[ 481 ]
Dans le second livre de ce Cabinet, les Italiens et les courtisans sont accusés
de vICes "qu'on ne peut dire honnestement". Les satires anti-papales et
xénophobes procèdent donc d'un matériau semblable.
La solution à ces débordements est simple. II suffit que l'Eglise de France
permette le mariage des prêtres et religieux:
( ... ) vous previendrez par ce moyen chacun an trente ou quarante mil incestes en l'Eglise Gallicane, fyau reste de la Sodomie: car de vingt cinq ou trente mil personnes qui ont accoustumé d'y bardacher, se deporteront en leur Sodomie afm de se marier ( ... ) [482]
Lorsque les catholiques s'attaquent aux réformés, ils emplOient des
arguments semblables. Par exemple, dan~ l'Histoire de la vie, moeurs, actes,
161
doctrine, constance et mort de Jean Calvin, on accuse le réformateur d'avoir été
mêlé à une histOire de moeurs avant qU'II ne qUitte le clergé catholique:
( ... ) ledit Calvin pourveu d'une cure et d'une chappelle. fut surprins ou convaincu du peché de Sodomie ( ... ) l'Evesque de ladltte Ville par compassion felt modere laditte peine en une marque de fleur de lys chaude sur l'espaule ( ... )[483]
Cet épisode trouve son écho dans la sUite du commentaire. CalVin refuse alors
que l'on poursuive un Jeune voleur de Genève, l'empreinte du Vice persiste
( ... ) cela engendra grande suspicion que ledit CalVin ne abusast de ce jeune garson singullerement pour le cas qUi luy estolt advenu à Noyon ( ... )[484]
Ces quelques récits ne peuvent servir à la reconstruction de faits histOriques. Les
Images nous Intéressent cependant. pUisque certaines d'entre elles seront de
nouveau utilisées par les polémistes ligueurs. Retenons Simplement les themes
alimentaires de la nourriture et de la cuiSine. Henri Weber a déJa remarqué
l'association, dans certaines chanson5 spirituelles de 1555. de la richesse a la
nourriture. et de son accumulation au ventre.[4851 La CUIsine papale n'a d'ailleurs
pas hésité à entremêler obscénité et art culinaire l
* * * * *
Les attaques virulentes contre le clergé et la cour papale rappellent les
diatribes déjà rencontrées chez un Du Bellay ou de L'Estoile. La crainte des
rapprochements entre hommes. couvant dans les monastères. est exprimée et
amplifiée par les calvinistes. Des raisonnements Ir;glques englobent alors les
pratiques contre nature: un mOine trop chaste. qUi n'entretient pas nombre de
maîtresses, ne peut être que sodomite. Les réformés tiennent le célibat des
religieux responsable des luxures dénoncées. Le pamphlet antl-calvlnlste explore
de nouvelles associations, détachant la sodomie du célibat des prêtres
consciencieux, mais rappelant la profondeur de la flétrissure chez les religieux ne
respectant pas l'autorité catholique.
r
162
La parenthèse que nous avons ouverte afin d'explorer la satire religieuse nous
conduit maintenant à l'analyse des attaques politiques contre Henri III. Les deux
types de polémique ne sont pas détachés, puisque le conflit religieux fut au
centre des problèmes politiques du règne et que l'intérêt du roi pour la religion et
les manifestations publiques de pénitence attira la foudre des pamphlétaires
ligueurs, qUI récupérèrent dans une certaine mesure les images accusatrices des
réformés.
t
Chapitre XI X
HENRI III ET SES MIGNONS; LA MISE EN TEXTE
Notre étude du discours polémique va s'effectuer en deux temps. D'abord,
une série de textes formant une première vague. de 1576 à 1585 environ, seront
analysés; ils furent pour la plupart recueillis par Pierre de L'Estoile. Nous
consacrerons par la suite un chapitre entier aux pamphlets politiques des "années
tragiques".
Selon de L'EstOile. le choix des images reflétait une manipulation de la
situation politique; on faisait appel à des constructions manlchélstes
historiquement régressives. JI décrit ainsi les méthodes polémiques.
VOilà comme. par l'artifice de madame la Ligue. la première pOinte de l'amour du roi étant déjà tout émoussée au coeur du peuple. qUI ne parlait plus de lui qu'avec toute sorte de mépriS. et comme d'un Sardanapale et d'un prince fainéant. enivré de luxe. ouvrait la porte par ses pasqUils à cJes monopoles et conjurations contre le pnnce.[486]
Les pamphlets et libelles ne furent pas écrits par de Simples manants inspirés.
Jacqueline Boucher soutient au contraire que la propagande était savamment
orchestrée:
Les notables du rang ou de la culture étaient donc très maJoritaires. Le seul aspect des libelles confirme cette constatation: sur 870 écrits recensés à Paris par D. Pallier. 200 étaient rédigés en vers ou contenaient des poèmes. Le peuple ne se serait pas exprimé ainsi.[487]
Chevallier indique de façon encore plus précise l'origine probable de ces écrits. les
hôtels de Montpensier et de Guise:
JI est probable que ce fut pour une bonne part à l'hôtel de GUise et à celui de Montpensier que furent pensés et rédigés les écrits tendant à démontrer l'ascendance carolingienne des GUises. de
- 163 -
même que les IibeUes, pamphlets, pasqUils et textes de toute nature dans lesquels le roi et ses favoris, "les mignons H
, furent déchirés et vilipendés sans merci.[488]
164
Quant aux auteurs, le profil qu'il en donne est moins élogieux que celuI esquissé
par Boucher'
les auteurs. demeurés anonymes, des pasquils et des pamphlets pourraient bien avoir été--car enfin il fallait savoir manier la plume et pouvoir rlmer--des régents et des pédants de collèges imbus de grec, peut-être même adeptes de l'amour socratique et donc enclins à prêter à leurs adversaires leurs propres moeurs.[489]
Le duc d'Alençon et la reine Marguente, par leurs intrigues. ont probablement
aussi encouragé de telles productions:
Il est à peu près certain que les pamphlets, pasquils et libelles de toute sorte dlngés contre Henri III et ses favons à partir de 1576 provenaient en partie de l'entourage immédiat de la reine de Navarre et du duc FrançOls.[490]
Lt!s pamphlets dénonçaient l'Immoralité du rOi dans un but politique certain.
En fait, tout était bon pour ternir l'Image du souverain, même les vices de ses
détracteurs:
Ainsi, tout servait de prétexte pour discréditer Henri III. Si ses ennemis n'avaient voulu que défendre les bonnes moeurs, pourquoi ne trouve-t-on dans la collection de pasquils et de poéSies licencieuses si complaisamment recueillies par L'Estoile rien de relatif aux moeurs de Monsieur, dont pourtant l'orthodoxie parait bien avoir été plus que douteuse?[491]
Boucher souligne l'érudition des polémistes, leur emploi des figures antiques
(Sardanapale, Héliogabale, Néron), les allUSion bibliques ou patristiques (Zacharie,
Augustin, Clément), les emprunts aux éCrivains antiques (Platon, Aristote,
Tacite).[492] La culture de la cour y transparaît: pastiches des joutes oratoires de
l'Académie, anagrammes, tombeaux. Mais tout cet appareil polémique n'aurait
peut-être pas été suffisant SI les prêcheurs ne soutenaient la Ligue et soulevaient
l'ire du peuple'
les masses populaires avaient une conception collective de la foi, de la pratique religieuse et du salut; leur culture était orale et gestuelle. ( ... ) Partout l'éloquence de la chaire fut le moyen le plus efficace de Jeter les masses populaires dans la révolte.[493]
1 165
Dans l'exploration des thèmes développés devant les éI,udltOires populaires.
Jacqueline Boucher identifie les comparaisons biblique', l'utilisation de la
dichotomie du héros et de :'antl-héros. l'exaspération dl sentiments primitifs
(xénophobie et appel à la peur). et. finalement. l'incitation au tyrannlClde.[494]
les allusions à la sodomie ou à l'efféminement se remarquent prinCipalement
dans les passages utilisant des figures du héros et de l'antl-héros. ou lorsque des
commentaires xénophobes sont effectués.
Décadence et culture sont les attnbuts de Rome et de l'Italie. Les Ligueurs
éviteront cependant les Images xénophobes. car leur église est romaine et l'appUI
de l'Espagne sert leur polltlque.[495] Des pièces recueillies par L'EstOile. quelques
allusions apparaissent en 1574 et 1575. La première accuse deux Italiens de
s'être ennchis au profit du trésor français.
Quand ces bougres poltrons en France sont venus, Ils étalent élancés. maigres comme sardames; MaiS par leurs gras Impôts, Ils sont tous devenus Enflés et bien refaits. aussI gros
que baleines.[496]
Un épigramme traduit du latin fait allUSion non pas à la sodomie, mais à
l'efféminement. Catherine de MédICIS est alors accusée d'aVOir ni plus ni moins
châtré les hommes français, d'avoir affalbh leurs âmes. Des variations de ce
thème assoCient l'efféminement aux amours Interdites.
Comment se fait-il que les âmes françaises, naguère tres courageuses, sOient aujourd'hui molles comme des coeurs de femme? Je l'expliquerai en peu de mots: une femme étrangère a châtré tous les coqs.[497]
* * *
Notons d'abord que Susanne Albrecht Hayme. après une analyse des
pamphlets anonymes écrits entre 1574 et 1589. a constaté que les mignons et le
roi n'étaient l'objet de satires reliées à leurs rapports que depUIS 1585
Far more serious are the charges leveled against the klng's cholce of counselors and companions. In these early years flve pamphleteers
1
1
,. \
had unpleasant things to say about Henry's favorites. Interestingly enough there are speciflc and hostile accusations agamst the mignons, but there are no hints of homosexual tles between Henry and them.[498]
166
Avant qU'II ne soit roi de France, Henri de Valois fut pourtant accusé de
pratiquer la sodomie. En Pologne, on le soupçonna d'entretenir des "moeurs
françaises". Un mécontentement issu de décISions maladroites du souverain dans
une affaire locale est à l'origine d'une campagne diffamatoire:
Plusieurs pièces satiriques furent même apposées sur les portes du château, elles dénonçaient les promesses mensongères de Monluc, le non-respect du serment, la persécution des hommes pieux ,Les Evangéliques), la corruption royale, mais aussi les "moeurs françaises· Les auteurs de libelles entendaient par là la sodomie. [499]
A peine était-il revenu de Pologne, le futur roi sut déplaire à son peuple. C'est
du moins ce que croit de Thou lorsqu'il commente l'entrée de Henri en France et
son séjour à Lyon:
( ... ) on ne retrouvoit plus dans ce Prince qu'on avoit vû élever, pour ainSI dire, dans le sein de la guerre, ce courage mâle et guerrier qu'on avoit tant admiré; ( ... ) il ne se montrait plus à ses peuples, comme faisoient ses prédécesseurs: on ne le voyait qu'enfermé avec quelques favoris dans un petit bateau peint, qui se promenolt sur la Saone (n.) Le faste et la mollesse avoient pris la place de la grandeur et de la Majesté qui auparavant distinguaient nos Rois ( ... )[500]
En France, nous savons comment le climat politique a peu à peu dégénéré.
Les attaques de la première vague visèrent de façon directe les mignons et les
penchants du rai à leur égard: c'est du moins ce que suggèrent les libelles et
pasquils sélectionnés par L'Estoile. Le mot même qUI les qualifie élargit son
lexème et englobe bientôt des notions péjoratives. Ainsi, "mignon" et son féminin
"mlgnonne" étaient le plus souvent utilisés comme synonymes de compagnon.
Ce sens est employé dans Gargantua:
-Hal (disoit l'archer) Monsieur le Priour, mon mignon, Monsieur le Priour, que Dieu vous face abbé! [50 J]
Le mot apparait également dans l'inSCription de la porte de Theleme:
Mes familiers serez et peculiers,
Frisques, gualliers, Joyeux, plalsans, mignons. En general tous gantllz compalgnons.[502]
167
Selon le dictionnaire de Huguet, d'autres sens s'appliquent également. O'abord.
une dimension religieuse peut s'ajouter à l'Idée de compagnonnage'
Oavld .. .fut le mignon de Dieu et l'homme selon son coeur.[503]
Des expressions telles Hmignon de couche" ou "mignon de couchette" désignent
l'amant (d'une dame).
En 1576, le peuple affuble les compagnons du roi de cette étiquette. qUi
signifie alors bien plus qu'un simple compagnonnage.
Le nom de mignons commença en ce temps à trotter par la bouche du peuple. auquel ils étaient fort odieux. tant pour leurs façons de faire qui étaient badmes et hautaines. que pour leurs fards et accoutrements effeminés et impudiques. mais surtout pour les dons immenses et libéralités que leur faisait le rOI, que le peuple avait opinion d'être la cause de leur rUine ( ... )[504]
Les vêtements et le comportement de ces favons ne soulevent que la
désapprobation.
Ces beaux mignons portaient leurs cheveux onguets, frisés et refrisés par artifices, remontant par dessus leurs petits bonnets de velours. comme font les putains du bordeau, et leurs fraises de chemises de toile d'atour empesées et longues de demi-pied, de façon qu'à vOIr leur tête dessus leu r fraise, il semblait que ce fût le chef saint-Jean dans un plat; le reste de leurs habillements fait de même; leurs exerCices étaient de Jouer, blasphémer. sauter. danser, volter. quereller et paillarder, et SUivre le roi partout et en toutes compagnies, ne faire, ne dire nen que pour lUi plaire ( ... )[505]
L'année SUivante, L'EstOile recueille un sonnet qUI catalogue chaque mignon
en deux vers tout au plus, et qUi prête à certains d'entre eux des comportements
obscènes:
Mais Caylus, dédaignant si pauvre marchandise, Ne trouve qu'en son cul tout son avancement. ( ... ) 0'0, cet archilarron, hardi, ne sais comment. Aime le jeu de main, craint aussI peu la pnse; ( ... ) Sagonne est un peu bougre et noble nullement,[506]
t
1
168
Leur empressement à plaire au rOI choque; dans un autre sonnet de la même
année, les courtisans n'hésitent pas à transgresser les lois naturelles afm de bien
paraître à la cour'
Etre toujours flatteur, ne faire que mentir, Se moquer de chacun, montrer en son langage, N'avouer ce qu'on dit, et, changeant son visage, A ce que le roi veut, soudain y consentir; (.,,) Passer outre Vénus, perdre ce qu'on labeure, Doubler Ganimédès, renverser la nature, (".) Voilà, mon cher StroZZI, comme on vit
à la cou r. [507]
Cette dernière pièce emprunte la forme de sonnets des Regrets de Du Bellay. Le
poète y dénonçait les comportements affectés et hypocrites des courtisans de la
ville éternelle. Le premier quatrain du sonnet 85 utilisait déjà le rythme binaire
d'un syntagme verbal par hémistiche, et la négation au troisième vers:
Flatter un crediteur, pour son terme alonger, Courtiser un banquier, donner bonne esperance, Ne suivre en son parler la liberté de France, Et pour respondre un mot, un quart
d'heure y songer[S08]
Le dernier tercet se terminait par un appel:
Voila, mon cher Morel (dont je rougis de honte) Tout le bien qu'en troIs ans à Rome
J'ayappris.[509]
Il faut comparer les thèmes traités dans ces oeuvres d'une même facture. Du
Bellay s'attaque aux préoccupations pécuniaires et aux manipulations diverses.
Les polémistes s'en prennent plutôt à l'hypocrisie, à la superficialité et à
l'immoralité des courtisans français. L'usure et la luxure sont d'ailleurs des
péchés qUI s'interpelleront dans le discours des pamphlétaires. D'autres sonnets
de Du Bellay--Ie son net 86 par exemple--pou rraient être rapprochés de la pièce
recueillie par L'Estoile. L'intertexte implique donc une distanciation de l'honnête
courtisan français par rapport à une cour qui ressemble de plus en plus à la Rome
de Jules III.
169
Henri Estienne, dans les Deux Dialogues du nouveau langage français
italianizé (publiés pour la première fois en 1578), adopte une position semblable
face aux écarts moraux banalisés par les courtisans. le nom de pantalons sans
braguette,[51O] les ·chausses à la bougnne", suscitent d'abord le débat.
Philausone prévient Celtophile que des mots jadis impudiques sont maintenant
employés sans vergogne à la cour:
(Philausone) Car les oreilles commancent fort à s'apprivoiser à tels mots, voire, desja plusieurs y sont apprivoisées. Vray est qu'aucuns usent de ces vilains mots sans sçavoir qu'ils disent. ( ... ) Mais Il y en a d'autres desquels on ne peut pas dire le mesme quand ils usent et de ce mot et de plusieurs autres qui appartiennent à ceste vllante execrable.[511]
lors du "duel des mignons" de 1578, on ne manque pas de rappeler leurs vices:
Son grand mignon, monsieur Culus[512]
Et qu'elle pût par le devant, Que ne la prend-il par derrière Comme l'on le prend bien souvent7 [513]
Saint-Mégrin fut bardache à Rome,l514]
la mort de Maugiron n'empêche pas un sonnet au goût douteux, donc voiCI les
deux tercets:
"Un si beau corps, dit-II à trois ne peut suffire Pour un ce serait trop; pour deux Il bâtera: Vènus son beau devant, et Priapus aura
le derrière pour soi, qui le devant n'empire." Mars, frustré de son droit, forcenait en son ire, Et qU'II aurait son âm,~ en partage Il jura! [515]
Il faut préciser que le roi fit montre d'une profonde tristesse face à ces morts,
qu'il fit énger en l'église Saint-Paul deux mausolées et qu'II commanda à Ronsard,
Passerat, Jamyn et Desportes des poèmes pour exprimer sa douleur. Selon
l'Estoile, ces démonstrations de deuil firent le plus mauvais effet·
Telles et semblables façons de faire, Indignes à la vénté d'un grand roi et magnanime comme il était, causèrent peu à peu le mépriS de ce prince, et le mal qu'on voulait à ses mignons qUi le possédaient donna un grand avantage à ceux de lorraine, pour corrompre le peuple ( ... )[516]
<l'
170
" ne seraIt peut-être pas entIèrement faux d'imaginer que des satIres s'inspirent
des oeuvres commandées par le roi attnsté de ces morts. nous serions alors en
présence d'Images Inversées, utilisées à rebours. Comparons simplement le
passage SUIvant de l'épitaphe du SIeur de Quélus écrite par Desportes, aux extraits
du libelle contre Maugiron présenté plus haut:
Quelus, que la nature avoit fait pour plaisir, ( ... ) Portoit Amour aux yeux, et Mars en la poitrine; Rien :i'egal, entre nous, ne se
pouvoit choisir.[517]
Si l'on se fie aux pièces sélection nées par l'Estoile, les attaques se poursuivent
à un rythme continu au cours des années qui suivent. Les mignons, toujours, sont
des cibles parfaites pour les polémistes, comme ici Saint-luc, dont l'épigramme
"Cats in cul" est tiré de son nom:
Car, avant d'être vieil, on dira de ton être
Que tu es bien plus qu'eux en grandeur parvenu, Pour être un bon couard, bougeron et cocu, Ayant été chéri d'un plus grand
bougre maitre.[518]
Le souvenir d'un tel anagramme fut vivace. D'Aubigné, dans sa Confession du
Sieur de Sancy, le reprend, mais cette fois-ci p,., . tblissant" les faIts:
Rochepot eut tort de fai re l'anagramm 1. :iamct luc, Cars ln cul. Ce pauvre garçon avoit en horreur cel.e vilenie, et fut forcé la premlere fois, le Roy lui faisant prendre un livre dans un coffre, duquel le grand Pneur et Camille lUi resserent le couvercle sur les reins, et cela s'appelloit parmy eux, prendre le flevre au collet.[519]
De nouvelles Images s'ajoutent parfois au Simple acte de sodomie, comme ce
"Pasqull courtisan" de 1581 dans lequel on accuse le roi d'épouser ses mignons,
de les attirer dans son lit pour en abuser:
Un homme à l'autre se marie, Et la femme à "autre s'allie. Brouillant ensemble les ordures De leurs deux semblables natures. Le rOI ayant répudié Saint-Luc, son premier marié Cherchant un nouvelle quête,
1 Et:
S'aille avecque la Valette.[520)
le roi estoque ses mignons, les fait de son lit compagnons, Et pUiS laisse cette manière Pour enfoncer sa belle-mère.[521 ]
La Mythologie sert à Imager \'unlver~ de plaisirs dont on entoure le roi
les dieux, les nymphes, les dryades, Satyres, tritons et naïades y ont visité notre roi Qui, avecque ses Ganlmèdes les a reçus en bel arrOl.[522]
171
Soulignons cependant que ce "PasqUlI" fut probablement écrit par un protestant.
Un tel emploI de figures mythiques le laisse présager, et une attaque en regle
contre les GUise) le confirme.
Monsieur le cardinal de GUise Su r Entraguet a fait sa pnse, Et Monsieur son frère sur IUi[523]
Des mises en scène représentent des mascarades perpétuelles dont les
courtisans les plus galants font les frais:
Je plaindrais volontiers Saint-lue Qui, tant au sOIr comme au déJuc T. ouve souvent en la ruelle Un mâle habillé en femelle.[524]
Finalement, le narrateur s'Introduit dans le réCit en y mettant fin, éVitant de
partiCiper contre son gré aux entreprises courtisanes:
Je m'en vais reprendre mon amble, Craignant de demeurer trop tard, Car s'on me trouvait à l'écart, On me ferait changer de VOIX. Adieu donc, Coq, car Je m'en vals.[525]
Il ya donc lieu d(' croire que l'Image de la cour se voulait celle d'un véritable
lieu de débz.uche où les femmes plus souvent qu'à leur tour se rév~lalent du sexe
masculin, et où les hommes devaient se méfier des appétits des Grands afin de ne
pas être travestis de force.
1 172
La dissolution des moeurs ne s'arrête pourtant pas là. les Individus du
"véritable" sexp féminin avalent déjà adopté les pratiques contre nature venant
d'Orient et d'Italie. Dans un dialogue nommé la "Frigarelle d
, Jeanne raconte
comment une femme qUI n'était ni hermaphrodite 01 issue d'un travestissement
natu rel l'a almée:
Sache que Je suis femme, et que je n'ai en moi Rien qUI SOit différent des femmes comme toi, Mais j'ai entièrement tout le désir
d'un homme.[526]
Contrairement aux extraits des Dames galantes que nous avons analysés, les
secrets de l'acte proprement dit sont étouffés:
[Jeanne] Tu me presses par trop, et m'étourdis la tête. Je n'en dirai plus mot. Cela n'est
point honnête.[527]
Divers types de satires ont donc surgi pendant ces années, s'alimentant des
inCIdents du temps afm de composer l'image de la cour de Sodome.
L'omniprésence de l'efféminement met la France en pénl. Un "Sonnet d'Etat",
datant de la flO des années soixante-dix et longtemps attribué à Ronsard, se
moque de j'impuissance du pouvoir royal en fémlOlsant les attributs:
Ceste masle vertu, qUi jadis estoit nee, Des le bers avec nous s'est toute effeminee, Ne nous restant pourtant que le nom de françois. ( ... ) On ne parle en la Cour que de Sa Majesté: Elle 'la, Elle Vient, Elle est, Elle a esté: N'est-ce faire tomber le Roiaume
en Quenouille7 [528]
Ronsard éCriVit pourtant bien des pièces traitant des mignons et de l'amour
entre hommes. Dans le discours "Sur une medaille d'Antlnous", le poète est
Inspiré par la passion amoureuse de l'Empereur Hadrien. Les propos ne sont
nullement accusateurs, mais la condamnation de certains sentiments est
mentionnée à quelques reprises:
Delice d'Adrian vertueux empereu r, S'II n'eust SOUillé son nom d'une
SI jeune erreur.[529]
Ou encore:
Tu pourras VOIr, Lecteur, en VOlant cest escnpt. Que toute amour pOIgnante aveugle nostre esprit. Ainsi que par le sens quelque fois nous fait croire Qu'une corne de buffle est une dent d'lvoire.[530]
J 73
La formulation du passage de l'amour à la mort de l'éphèbe est Intéressante. La
passion de l'Empereur est d'abord décrite
JI aimoit cest enfant d'une amitié SI forte Que des le pOint du Jour où l'Aube ouvre sa porte Au Soleil Jusqu'à l'heure où s'embrunit le SOIr, Il ne saoulOlt son coeur ni ses
yeux de le vOIr.[5 31]
Puis. une fièvre saisit le Jeune homme; passion dépersonnallsée7 Condamnation
divine? Les conséquences sont mortelles
La flevre ha! doucement. flevre trop ngoureuze. Admirant cest ephebe en deVient amoureuze. Elle entra dans son corps. le serra. l'embrassa Et lui baisant le sang tellement le sucça Qu'il mourut par les mains de sa
cruelle Amle.[532]
Ronsard s'est cependant élevé. dans troIs sonnets. contre les mignons et le rOI.
L'authentICité de ces oeuvres fut contestée, mais Raymond Lebègue soutient
qu'elle est Indiscutable[533] et que Ronsard en est bien l'auteur. Dans ces deux
tercets. le poète se venge ouvertement du dédain qu'II ressent· son étOile pâlit,
car Henri III ne l'aime pas. LaumoOier Interprète le parallèle avec les moeurs des
Médicis comme un clin d'oeil aux ViceS dont on accusait souvent les Italiens
Le Roi ne m'aime pOint pour estre trop barbu Il aime à semencer le champ qui n'est herbu. Et comme le castor chevaucher le derriere.
Lors qU'II foute les culs qUI sont cons estreCis Il tient du natu rel de ceux de MedlCls. Et prenant le devant Il Imite ')on pere.[534]
1
., , l
174
le passage suivant, toujours de Ronsard, établit une correspondance entre la
voracité des Mignons et l'usage de leur anus:
Ces culs devenus cons engouffrent plus de biens Que le gouffre de Scylle hay des Anciens,[535]
Finalement, Il prévient le rOI de la fragilité de son pouvoir, avertissement qui se
double d'un rappel de la stérilité du couple royal. la comparaison avec Jupiter est
curieuse; un rOI maintenant la paix et la prospérité du royaume tout en assurant
sa succession pourrait-il se permettre certains écarts de comportement?
Je sçai que vous dirés que le grand Juppiter Ne fait nen dans le Ciel, que culs et cons fouter, Et que pour tout cela Il ne perd sa couronne:
Il est plus fort là haut que vous n'estes ici: Il a des fils vaillans, vous n'estes pas amsi: Vostre semence chet en terre qui n'est bonne.[536]
Nous ne pourrions clore notre analyse de ces premières vagues d'écrits
polémiques sans aborder l'oeuvre de d'Aubigné. le second livre des Tro{jlques fut
composé à cette époque et d'Aubigné assura en quelque sorte la fortune de la
légende des Mignons.
Avec Les Tragiques, nous touchons à des attaques d'un autre ordre; ce n'est
plus la satire proprement dite qui s'exprime, mais la dénonCiation troublante d'un
tyran. Le roi et ses mignons ne sont vraiment plus des amuseurs publies ou de
jeunes gens en perpéwel carnaval:
Si bh'n qu'un Jour des ROIS ce douteux animal, Sans cervelle, sans front, parut tel en son bal. ( ... ) Son visage de blanc et de rouge empasté. Son chef tout empoudré nous monstrerent ridee, En la place d'un Roy, une putain fardee. ( ... ) Pour nouveau parement Il porta tout ce jour Cet habit monstrueux, pareil à son amou r: Si qu'au premier abord chacun estolt en peine S'II voyait un Roy femme ou bien
un homme Reyne.[537]
1 , 75
La lubricité du tyran n'a plus de bornes. Il s'attaque aux enfants, aux Jeunes
gens de la cour, et leurs vertus l'attisent d'autant plus. S'Ils tombent en ses
mains, ils sont menacés et tourmentés'
Si bien qu'à la royalle Il voile des enfants Pour s'eschauffer sur eux en la fleur de leurs ans, Incitant son amour autre que naturelle ( ... ) Et la vertu au vice haste ce lasche coeur. On a des noms nouveaux et des nouvelles formes Pou r crolstre et déguiser ces passetemps enormes, Promettre et menacer, biens et tourmens nouveaux Pressent, forcent,aprés les lasches
macquereaux. [5 38]
La ConfeSSIOn du Sieur de Sancy donne plus de détails et (évèle que le rOI se serait
acharné, en son cabinet, sur le pauvre Salnt-Sévenn
Je voy bien que vous estes trop galant homme, estant du pais d'où vous estes, pour faire compte des femmes, Je voy que vous n'estes pas ignorant de l'amour philosophique et sacree.[539]
De nouvrlles tentatives sont perpétrées: contre le courrier du duc de LongueVille
et son postillon, contre le courrier d'un connestable, etc.[540j
Quant au combat des mignons, Il trouve aussI son écho dans "Les Pnnces".
L'attitude du rOI ne confirme alors que la véritable nature des liens qU'II
entretient:
Nous avons veu cela, et avons veu encore Un Neron marié avec son Pytagore, Lequel, ayant fini ses faveu rs et ses jou rs, Traine encor au tombeau le coeur et les amours De nostre Royen duell, qUi, de ses aigres plaintes, TesmOlgne ses ardeurs n'avOIr pas
esté felntes.[541]
Finalement, lorsque Fortune prend la parole, un peu plus bas, elle provoque la
colère de Vertu en rappelant les intrigues des mignons.
"Je reviens à ce slecle où nos mignons Vieillis, A leur dernier mestier vouez et accueillis, Pipent les Jeunes gens, les gagnent, les courtisent, Eux, autresfOls prodUictS, à la fin les prodUisent, Faisans, plus advlsez, mOins glOrieux que toy, Par le cul d'un coquin chemin au
coeur d'un Roy."[542]
t 176
Cette Image doit êtr~ comparée à celle signalée chez Ronsard: la prospérité de la
France est engloutie dans le corps des mignons. D'Aubigné insiste sur les
fonctions procréatrices du vice que de telles pratiques entraînent: "Eux, autrefois
produicts, à la fin les produisent". Une seule chose peut sauver le courtisan
vertueux, la fUite:
Fuyez, Loths, de Sodome et Gomorrhe bruslantes, N'ensevelissez pas vos ames annocentes Avec ces reprouvez; car combien que vos yeux Ne froncent le sourcil encontre les hauts cieux, Combien qu'avec les Rois vous ne hochiez la teste Contre le ciel esmeu, armé de la tempeste, Pource que Jes tyrans le support vous tirez, Pource qu'ils sont de vous comme dieux adorez, Lors qu'ils veulent au pauvre et au juste mesfaire Vous estes compagnons du mesfaict
pour vous talre.[543]
La verve de l'exhortation acquiert un sens nouveau lorsqu'on l'éclaire d'un détail
de la vie de d'Aubigné. Ainsi, encore enfant, il s'enfuit précipitamment de Genève
alors qu'il vient d'être mêlé à une affaire de moeurs. Un de ses camarades sera
d'ailleurs exécuté. Selon Weber, l'auteur des Tragiques aurait témoigné devant la
cour, ce qui implique qu'al éprouva très tôt les affres de telles accusations'
Les archives ont révélé récemment un sinistre procès de moeurs, au cours duquel al fut longuement interrogé comme témoin, et qui aboutit à la condamnation à mort par noyade dans le Rhône, pour sodomie, d'un de ses camarades, un jeune Italien de qUinze ans. ( ... ) C'est donc probablement sous le coup d'un effrOI bien légitime que l'adolescent qUitte la Cité élue qui devait être cinquante ans plus tard le refuge glorieux de sa vlelllec;se.[544]
Cette histoire a-t-elle ainSI Influencé ses sentiments et sa fougue face à la cour de
Henri 1117 DOit-on également ajouter que d'Aubigné fut l'un des artisans de la
fUite du futur Hen ri IV hors de Paris en 1576, peu avant la première rédaction des
·Pnnces"? Mythe personnel, fait historique et polémique semblent participer
d'une même énergie anxiogène.
* * * * *
l
•
177
Les pièces que nous avons analysées dans le présent chapitre se composent
de courts libelles ou pasqUlls, et d'oeuvres plus élaborées comme les Deux
dIalogues en français Itallantzé. Ils constituent peu à peu la matière des
pamphlets proprement dits dont nous traiterons plus amplement dans le
prochain chapitre.
Il s'avère indispensable de saisir les déplacements d'énergie qUi provoquent
l'écriture de ces pièces, ainsi que la mécamque mtenextuelle qUI les organise. Les
satires ne sont pas toutes du même ordre. Dans nos premiers exemples, alors
qu'on assiste à la transformation du lexème "mlgnon", le ni\ ~au de satire
s'apparente à des accusations gratuites. Pourtant, après le duel, on encercle peu a
peu le roi, ses mignon~ et la cour dans un univers de débauche ou sont parfoIs
pris au piège de Jeunes mnocents. Il ne faut cependant Ignorer qu'un nombre
significatif d'allusions proviennent du Journal de L'Estoile et que ce dernier n'est
peut-être pas entièrement étranger au crescendo qUI se développe. Gilbert
5chrenck rappelle qu'à partir de 1580, l'auteur met en texte ses observations a la
manière d'un Montaigne
Bref, en cours de rédaction, le dlanste recopie, annote et enrichit son oeuvre à la façon dont Montalg ne, son modèle par excellence, élaborait ses E5sals.[545]
Il en découle que l'Image du souverain, lOin de faVOriser la mlmésls, S'inSCrit au
sein d'un procédé discursif de mise en scène pour lequel les choix du narrateur
correspondent à la vIsion du témOin des événements. L'"écho sonore" de cette fin
de siècle, pour emprunter l'expression de 5chrenck, tracera donc au coeur d'un
mélange indeSCriptible de VOIX le zénith d'un rOI, et la désagrégation de son
image:
Le Journal de L'Estoile souligne donc les vertus cardinales d'u n grand Pnnce de la Renaissance, qUI ont pour nom magnanimité, clémence, humamt~, patience. MaiS Il montre aUSSI, et c'est la son intérêt, la dégradation progressive de cette Image lumineuse et pleine de promesses. Prise sous le feu crOisé de la parole
1 pamphlétaire. l'image du roi s'effondre. puis finit par éclater. provoquant du coup une p~ofonde crise de l'identité monarchique. [546]
178
Agrippa d'Aubigné explOitera les ruines de l'image royale en réactivant les
mises en scène anxiogènes. la sodomie. à ce moment. double l'affect impliqué.
la France se transmue en un univers antithétique: la pauvreté sévit, les moeurs
de la cour sont perverties, le roi Qui se travestit de lUI-même lâche les rênes du
pouvoir. Le royaume tombe en quenouille. Au centre. la cour de Sodome fait la
loi. Pauline Smith note l'utilisation de canevas antiques afin de mieux rendre
l'effet pragmatique. Pensons simplement à la seconde satire de Juvénal et aux
motifs de fUite[547] et de condamnation des efféminés:
Ille supercillum madida fuligine tinctum obliqua produCit acu pmgltque trementis attollens oculos. ultreo blbit Ille priapo retlculumque comls auratum ingentibus Implet. caerulea indutus scutulata aut
gal bina rasa [548]
Les tirades xénophobes de la troisième satire n'ont certainement pas laissé
indifférents les polémistes protestants, l'Italien s'étant substitué au Grec:
Praeterea sanctum nlhll est neque ab inguine tutum. non matrona laris. non filla uirgo, neque ipse sponsus leuis adhuc. non filius
ante pudicus[549]
Finalement, il ne faut pas être dupe des manoeuvres de la ligue ou des
protestants qui tentaient, afin de soulever l'ire du peuple, d'aSSOCier l'allure du roi
à la santé du royaume. La misogynie des propos saute aux yeux, pUisqu'un roi
revêtant l'habit féminin ou androgyne ne pouvait plus, en cette fin de siècle,
diriger le pays. la sodomie n'est pourtant pas dlre(tement reliée à ce réseau,
même si elle partiCipe à son mouvement. Elle se greffe plutôt à une Violence
destructnce qUI provoque, bien entendu, la colère de Dieu, mais rend surtout
périlleuse l'ascension habituelle des jeunes nobles vers le pouvoir.
Chapitre XX
HENRI III ET SES MIGNONS; LES ANNEES TRAGIQUES
L'image du roi et de ses mignons se transforme pendant les dernières années
du règne de Henri III. Toujours les accusations d'efféminement et de sodomie
entre hommes vont se poursuivre. mais en s'assoCiant à d'autres réseaux:
sorcellerie. hérésie, sacrilège. La matière des libelles et pasqulls envahira au
même moment un autre genre le pamphlet.
Le mot "pamphlet" n'apparaît qu'au XVIIIe siècle. et la dénominatIOn que
nous employons relève d'une anachronle. Mais. comme le préCise Robert Aulotte.
le genre existe déjà à la Renaissance:
( ... ) car SI le "mot" pamphlet ne s'impose qu'au Y.Vllle slecle. la "chose" effectivement trouve ses lettres de créance, en France, au XVIe Siècle, autour de la cruciale année 1561, pUIS avec des oeuvres Importantes comme le Miroir des FrançOIs, la Satyre Mentppee et les écrits de combat de d'Aubigné.[550]
Si les chercheurs tentent d'en définir les premières expreSSions, Ils ne parviennent
qu'à le comparer à d'autres genres polémiques: diatribe, satire, libelle, et à
conclure qu'il'
( ... ) les envahit tous, tantôt en s'y inSinuant comme un pOison, tantôt en s'y Installant de vive force.[551]
Le polymorphisme du pamphlet n'est pas la seule caractéristique lUi donnant un
statut de genre liminal à la Renaissance. Michel Péronnet le situe a la frontière de
deux fonctions du discours social, la réception et l'émiSSion
Le pamphlet, dès lors, apparaît d'un côté comme un récepteur de rumeurs, de l'autre comme un émetteur. dans tous les cas, c'est un relais.[552]
- 179 -
l
t
1
180
Il ajoute de plus que son anonymat permet à l'historien d'accéder à un collectif
qUi est à même d'exprimer l'imaginaire d'une époque.
Denis Pailler crOit également que la ligue fit tout en son pouvoir afin
d'assurer la portée pragmatique du pamphlet, manipulant les émotions des
populaces, les susCIta nt par des appels divers:
La Ligue est aussi l'histoire d'une émotion. La vague d'hystérie collective de 1589, pour ainSI dire typographiquement figée, l'aspect sauvage des placards, le vocabulaire et la violence latente de tous les libelles le font bien sentir. Enfin les titres même..; des livrets ·Pleurs·, ·Complaintes", "Regrets", "Lamentations·, "Cruautez", témoignent d'une crise d'affectivlté( ... )[5531
Les pamphlets ne comportent plus que de simples moqueries. Ils construisent un
univers quasI mythique dans lequel les actes du rOI et de ses faVOriS sont
réinterprétés. Cette nouvelle ·Iecture" s'adresse aux masses; la Ligue tente de
soulever le peuple en réveillant des peurs et des angoisses que le dogme et la foi
catholiques préservaient. L'EstOile rapporte que les prêcheurs montraient aux
fidèles, après la fuite du roi, des chandeliers ayant servI à ses exerCices de
sorcellerie, et même qu'on utilisait des effigies afin d'attirer sur lUi la foudre
diVine. La polémique emprunte des titres trompeurs pour susCIter l'attention du
lecteur potentiel, le conviant à de nouvelles révélations: histOires véritables;
meurs, humeurs et comportemens; sorcelleries et signes merveilleux; etc. La fuite
du souverain et son assassinat ouvrent la porte à de nouveaux genres: la
confeSSion et le testament; le narrateur n'est alors nul autre que le roI.
Les accusations sont multiples: la sodomie ou l'efféminement disparaissent
souvent sous leur grand nombre. Par exemple, dans une confeSSion fICtive, Henri
de ValOIS avoue que:
J'ay esté adultere, fornicateur, paillard, Incestueux, sodomite, plein de faux tesmOignage: brief j'ay vescu en tout orgueil, pompe, avarice, vaine glOire, luxure, gourmandise, envie, yvrongnene, Ire et paresse ( ... )[5541
1 181
De façon constante, les relations avec ses mignons sont dénoncées. Pour eux,
Il méprisa la vieille noblesse du pays, avec eux, Il appauvrit le royaume. Le plaisir
qu'II éprouvait en leur compagnie se métamorphose en passIOn aveugle que ne
Justifie pas la raison d'Etat:
Il a indignement contemné les Princes. au prejudice et mespns desquels. contre le traitement FrançOIs. Il a don né les gouvernemens et dignitez du Royaume à de petits compagnons choIsIs à son plaiSir, et propres à ses dellces.[555]
Les mignons accaparaient toutes les faveurs. dont celles habituellement
réservées à la reine:
Quand moy (Epernon) qUi n'avOis fait acte au cu n de proesse Me suis veu tant aimé de luy que la caresse QU'II doit à sa moitié n'estOit riens en esgard A ses privez secrets dont Il me falsolt part[556]
Lorsque le rOi souhaite de nouveaux plaiSirS, Il se tourne vers les religieuses
Et s'il fallolt cacher quelques filles Religieuses dedans la lave, quand Il alloit en pelerinage à Maubulsson: toutesfOis il y en a eu d'attrapees et forcees cela est tout commun et on le sçalt de leur bouche. [5 5 7]
La sodomie et le sacrilège s'interpellent, comme l'Indique ce sonnet'
Violer les non nains et, Ô chose maudite, En bougre sodomlt' les hommes embrasser,[558]
Les comportements exacerbés Impliquent des comparaisons avec la nature
bestiale de l'homme. Un anagramme d'Henri de ValOIS est lancé: 0 Crudells
Hyena. Le symbolisme de l'hyène est tiré de Pline,
( ... ) Ils trouveront que ce Henry de Valoys est anagrammatlzé en langue la plus commune 0 crudells hyena, qUI est à dire en nostre patoIs. 0 cruelle hlene, par lequel anagramme en re seul mot hlene, signifiant une lettre beste que la descnpt Pline, est compris tout ce que l'homme peut excoglter de cruauté, variance, lubrtClté, simulation et meschanceté. speCialement à l'endroit des bons pasteurs et predicateurs ( ... ) [559]
Selon Pline. l'hyène adoptait alternativement les deux sexes
Le commun vulgaire estime les Hyenes avoir deux natures. et qu'elles servent le masle deux ans' et les autres deux ans apres. de femelle. tour par tou r et que mesmes elles conçoyvent sans masle,[560]
l
r l
182
L'animal possède dive. ses facultés: Il sait comment attirer les bergers et les
dévorer
On dit de cest animai des choses admirables. Car on tient qu'il contrefait le langage des Pasteurs, et que ayant apprins le nom de quelqu'u n dentr'eux, Il l'appelle par son nom: pour le faire sortir hors de la grange, et le devorer.[561]
Elle se repait de chiens, parvient à paralyser ses proies. Caractéristique plus
troublante cependant, l'hyène est nécrophage·
Item ce seul Animal va chercher les corps humains parmy les Sepulchres [562]
L'utilisation d'u ne telle association rappelle la vogue des bestiaires qui, au Moyen
Age, enrichirent "le langage symbolique de la religion". [563] L'hyène était sans
contredit un "immundum animai" qui provoquait la peur, à l'instar de plusieurs
animaux hybrides, de la femme et de l'enfer
Car quelle est la chose qUi susCIte la peur dans le bestiaire, outre la femme et l'enfer, synonymes selon certains"? Ce sont les animaux hybndes dont l'indécIsion, la multipliCité des formes inspirent la répulsion. Centaure, sirène ne sont rien de précis et tendent à être plusieurs choses à la fois. De même la hyène à la sexualité indéterminée.[564 ]
Lefèvre, l'auteur de ces lignes, n'hésite pas à établir un rapport, dans l'imaginaire
de l'époque, entre l'hyène et l'hermaphrodite. Tous deux ne correspondent pas
aux catégones bien établies du féminin et du masculin. Nous savons que la
fixation du sexe des hermaph rodites Importait aux médecins de la fin du XVIe
siècle: Lefèvre a découvert de semblables préoccupations chez Placides et conclut
que de tels êtres au statut liminal sont à la fOIs rejetés et objets d'une grande
fasCination dans le monde occidental.
L'animalité apparaît ici comme contraire à une culture de la différenciation, à une volonté de partage net entre les divers ordres d'existence: humain et animal, féminin et masculin. Et pourtant s'expnme aussi dans les bestiaires une fascination continuelle pour l'être qu 1 assu me et résume en lUi des réalités ailleu rs contradICtoires et inconCiliables ( ... ) [565]
183
Botanique et zoologie servent à qualifier les mignons. On les compare à des
champignons:
(.u) ne faisant aucuns bien-falcts à autres qu'à ces champignons venus en une nuict. desquels on n'avolt Jamais oui parler par cy devant ( ... ) [566]
A l'époque, cette image n'est pas nouvelle. Henn Estienne l'employait déjà dans
ses Dialogues du nouveau langage françols Itallamzé.
[Philal.] Car tels personnages, ce sont ceux qUI hayent plus ces mots qui sont creus en une nuict (comme champignons) lesquels on apporte le matin au roy à son lever, vOire par grande singularité, ou bien à la roine, ou à quelcun des princes, ou pour le moins à quelcun des plus grands seigneurs.[567]
Sous Henri IV, ce sont de nouveau les proches collaborateurs du roi qUI en sont
affublés:
Que si je jette l'oeil sur ceux de la finance. Ne vois-je pas qu'ils sont aUJourd'hui des Plutons, Venus en une nuit comme des champignons. Et, grands Dieux! disposer des trésors de
la France7 [5681
Finalement, l'aspect vampirique du comportement des mignons est
également exploité, pUisqu'Ils sont accusés de sucer le sang du royaume
(u.) il serait beSOin de r'entrer tousJours en pareille contention contre ses mignons, conll'e ses Conseillers, et contre autres telles sangsues qui ont fiché leur teste dedans sa peau tant avant, qu'Ils ne s'en retireront jamais, sinon ayant succé tout son sang, qUI est l'argent de la France.[5691
L'intérêt du rOI pour la religion et prmclpalement pour les groupes de
pénitents apparaît à ses détractalres comme fort douteux. Dès 1583, la Confrérie
des Pénitents est clairement aSSOCIée à un groupe de sodomites.
Ils sont accouplés deux à deux D'une assez dévote manière: Mais Je les trouve VICieux Quand ils s'enfilent par derrière.
Ils sont avisés et bien sages D'ainsi se couvrir les visages, Car on verrait, entre les bons, Les bougres et les bougerons.[5701
184
On soupçonne que les activités de ce groupe ne sont qu'un moyen de plus qUI
permet au roi et à ses mignons de se rapprocher'
Il a choisi la Bonne Dame Pour la patronne de ses voeux' Mais il aime mieux, sur mon âme, Un jeune fils aux blonds cheveux.
Il ne faut s'ébahir, si le grand roi des Gaules A du nom de ses fils ses mignons adopté: C'est bien raison, puisque ce père ils ont porté Comme Enée fit le sien, sur leurs dos
et épaules.[571]
Le couvent des Minimes, à Vincennes, deviendra un endroit d'ultime
perversion. Lieu clos, tout comme le cabinet, il est aisé d'y soupçonner les
pratiques les moins honnêtes:
Et quelquefoIs la chandelle esteinte, il tastoit ou bien faisolt tas ter sur le doz desdits Religieux ~'ils estoient nuds et S'Ils se testonnaient à bon escient. Là il tenoit son premier, plus seuet, et plus privé Conseil, assisté seulement de ceux qu'il avoit plus en teste, et là se faisoient les resCisions de tout ce qui avoit esté arresté en tout autre conseil et assemblee ( ... )[572]
On se souviendra de la riété du roi après sa mort. Les Ligueurs la comparent
zlors à l'hérésie albigeoise, he'Jreusement vaincue par un diSCIple de saint
(u.) par une particuliere providence et volonté de Dit::u, celuV qUi faisoit du sainct moine Pt hermite, et qui d'ailleurs en vouloit tout autre ilUX Prestres, aux moines, aux religieux, aux prescheurs, à toutes les gens d'Eglise, a esté chastié et punv par un mOine prestre de l'ordre des freres prescheurs, le fondateur desquels le bien-heureux S. Dominique, jadis suscita les bons Catholiques contre les heretiques AlbigeOIS et tous leurs adherants et fauteurs ( ... )[573]
Le parallèle avec l'erreur albigeOise se renforce lorsque le patronyme de d'Epernon
est rapproché de celui d'un hérétique:
Le Duc d'Espernon auroit changé son surnom de Valiette, et pnns celuy de Nogaret, pour avoir pour patron et parrall1 le plus grand ennemy et heretlcque de l'Eglise Catholicque qUI fut de son temps (.u) Le Pape luV dict. ( ... ) Ton ayeul estant atteint et convaincu de l'heresie des Albigeois, fut par le feu justement pu ny d'icelle, et receut envers Dieu et les hommes, digne guerdon de sa meschanceté ( ... )[574]
1
1
185
le souvenir du règne d'un roi anglais, Edouard Il, est également ravivé. Epris
de son favori Galvestor. (GavNswn selon l'orthographe des pamphlets), il le laissa
gouverner. Le parallèle devait se concevoir d'autant plus facilement que
l'anagramme de Perivre de Nogarets (Bernard de Nogaret, duc d'Epernon et de La
Valette) était, on le devine, Pierre de Gaverston. Au mOins deux versions de ce
pamphlet existent. Dans l'une, la narration est temporairement Interrompue par
la naissance du successeur d'Edouard Il et: par le retour du roi à la raison:
( ... ) l'amour du pere au fils commença à s'accroistre et la souvenance de Gaverston s'esvanouit, et le Roy s'accommoda à la volonté de ses Barons.[575]
Mais, dans une postface adressée au lecteur, la fin du roi est révélée: un autre
mignon, Hugues le Dépensier, succéda finalement à Gaverston, entraînant la
colère des Barons et le châtiment cruel:
Car apres avoir esté degradé et deposé de la dignité Royale, dont il s'estoit rendu ir.digne, les Seigneurs du pays le feirent mourir d'une broche rouge de feu, laquelle ils luy lancerent par le fondement.[S 76]
Finalement, le narrateur sert un avertissement au rOI de France:
Nous pouvons juger par ce petit discours, en quel estat estoit l'Angleterre durant le regne de ce fol et effeminé Edoùard. Il n'eust plus fallu, qu'une semence d'heresie y eust pris pied et racine, pour advancer sa totale ruyne.[577]
L'exemple du Gaverston illustre les moyens par lesquels on pouvait, à la
Renaissance, a~socier deux affaires de sodomie: c'est effectivement la préférence
accordée à des favoris au détriment de la noblesse en place qui demeure la (Ief
du rapprochement. Incapacité de mener à bien les affaires du royaume,
efféminement, appauvrissement du Trésor royal sont des attributs communs c,ui
complètent le tableau. Edouard Il et Henri III sont tous deux pris à partie à cause
de leur libido inassouvissable; les stéréotypes de 1'j1omosexuel moderne pointent
déjà:
1
..
( ... ) IIz estaient encore tant esclaves d'un amour infame vers certains hommes, que quand l'un leur estait osté. ils s'accostoient incontinent d'un autre mignon: car nous lisons que ce premier en a eu deux l'u n apres l'autre. mais cestui-cy plusieurs ensemble et à diverses fOis.[578]
186
La sorcellerie s'adjoint au réseau. L'origine de son apparition en est tracée et
les pratiques Impliquent principalement le roi et d'Epernon. Le recours au diable
fut motivé par l'insuffisance des ressources:
Et depuis Henry de Valois et d'Espernon ne trouvans plus de moyen aisé d'avoir des finances du peuple, voulurent avoir leurs recours à l'art Magique ( ... )[579]
Afin de mieux concré·iser leur projet, ils décident de construire un édifICe à l'écart
où:
( ... ) la commencerent en un jardin sur le derriere à faire leurs exorcismes ( ... )[580]
On y retrouve des objets ayant servI à leurs méfaits'
Les bahus plains de livres de sorcelleries qu'on y a trouvé font neantmoins bien ample foy de ce que dessus.[581]
L'amour vient à la rescousse de la sor::ellerie afin de rendre l'image plus
saisissante:
Qui eust jamais pensé qu'un Roy si valeureux Eust este comme vous, d'un sorcier amoureux[582]
Mais les plaisirs de la cour incriminent de nouveau le roi: n'y a-t-on pas accueilli
des magiciens et des sorciers?
Mais bien depuis qu'il a eu accez avecques Sainct-Megrin, autres et d'Espernon, qui luy on fait venir des Magiciens et SorCiers de diverses parties du monde.[583]
La situation de la France se dégrade. La prétendue sodomie du roi et son
efféminement ne constituent pourtant pas les seuls et uniques facteurs de la
détérioration. La politique de tolérance à l'égard des réformés provoque. dans la
logique des choses, la colère de la Ligue. Une fois de plus la nature Invoquée
exige un ordre univoque, rejetant les mariages contre nature:
Vous pensez composer dans le corps de la France
""1
Deux membres ennemiS, et faire liaison De ce qui ne se peut accoupler par raison. Vous voulez, Ô fureur par une fantasie Jomdre l'Eglise chaste à l'impure heresie, ( ... ) Et bref de ces estat, pur en religion. En faire une Comore, et une Babylon. Pensez vous d'un lien contraire à la nature, Assembler la chaleur avecques la froidure.[584]
187
L'opposition entre le pur et l'impur, et entre la vraie religion et l'hérésie, s'effectue
à l'aide d'u n vocabulaire de l'union physique: corps de la France, membres
ennemis, accoupler, chaste, impure, lien contraire à la nature, chaleur, froidure.
C'est l'hérésie protestante qui met ainsi en péril un équilibre naturel, et tout
sentiment de tolérance dont on fait preuve à son égard peut se comparer à
l'encouragement de pratiques comme la sodomie.
* * *
Quelques libelles et pamphlets tentèrent de repousser les offensives de la
Ligue. Pierre de L'Estoile a recueilli un inventaire de la bibliothèque--fic.tive--de
Mme de Montpensier où l'on retrouve des titres tels: Secrets pour dépuceler les
pages ou Du Péché contre nature.[585]
Le morceau de bravoure du parti du roi consiste cependant en un pamphlet
dénommé 1"'Antigav'erston". Il s'agit en fait d'une lettre qui est précédée d'un
avertissement adressé à Henri de Cuise. Ce dernier ainsi que l'archevêque de
Lyon, tenu pour l'auteur du Gaverston, y sont accusés d'inceste, et de sodomie:
Car l'on espargnera vos dernieres Amours ~odomiticques pOL!r le respect d'autruy dont l'on dit toutesfois ce que je ne veux croire, que vous faictes le galland, ( ... ) mais quant à vostre Archevesque de Lyon l'on ma asseuré qu'au lieu du chappeau de Cardinal qu'il pretend d'empourprer dans le sang du peuple François, on luy baillera bien tost ung qui le fera rougir de honte quand on mettra devant les yeux de toute la chrestiente sa detestable et abominable vie depuis le temps qu'il fut accuse de sodomye à Toulouze avec Meuret, et convaincu d'heresie ( ... )[586]
1 188
Il faut remarquer, dans ce passage, l'emploI de l'adjectif "sodomltlcques· qUI est
couplé avec "Amours". L'allusion est d'ailleurs repnse pour l'Archevêque de Lyon.
Cette fOIS-CI, l'influence de Mure.t est le pOint de départ d'une vu~ "detestable et
abominable", tant à l'égard des pratiques sexuelles que du non-conformisme
religieux. La sodomie emprunte donc à l'hérésie une dimension spirituelle qUI
transforme à son tour un simple acte en une philosophie du sentiment amoureux.
Une fois de plus, comme l'indiquent les derniers mots de l'extrait, les actes
contre nature sont liés à l'hérésie, mais également à la sorcellerie et a l'Inceste
( ... ) et pour courronner l'oeuvre l'on y adjouste la separation frauduleuse qU'II à falct de Mademoyselle de Gresolles sa soeur d'avec son mary pour en pouvoir abuser si scandalleusement comme il falct avec telle efronterye, et l'on y oublye pas les jalousies plaisantes qUI ont servI de farces à toute la France entre sadite msestueuse soeur et la belle soeur Madame Desplnars. et tout pour ce second Jupiter barbu, qUI à tousJours avec luy sa Junon avec laquelle Il se transforme souvent en ung bouquin satire ( ... ) (587]
Les allusions à des pratiques abominables s'arrêtent là. L'auteur s'applique alors a
nier la véndicité de l'histoire de Gaverston et à rectifier les comparaisons. ce n'est
plus d'Espernon, mais les Guises qUI sUivent les traces du prétendu mignon.
Touteffois que c'este histOIre soit veritable, ou une fable falCte à plai:5Ir, elle convient beaucoup mieux aus Chefz de la ligue, qua MonSieur le Duc D'Espernon ( ... )[588J
Les similitudes sont multiples: Gaverston et les Guises viennent de l'étranger,
tous ont vécu leur jeunesse auprès du monarque, tous calomnièrent les princes de
sang, etc.
Malgré la violence des accusations et les tentatives de rectifICatIOn des faits,
1'"Anti-Gaverston" fait figu re de parent pauvre auprès de l'arsenal ligueur. Le
dialogu~ se pourSUivra et le parti des Guises comparera d'Espernon à un "gentil
perroquet mignon".[589J
* * 1
l
1 189
Près de vingt ans après la dissolution de la cour des ValoIs et l'assassinat de
Henri III est vendu à Pans un bref récit de voyage imaginaire intitulé: L'Isle des
hermaphrodites.
Pour de nombreux historiens, cette oeuvre s'explique par un souci de louer les
vertus de Henri IV aux dépends du dernier des ValoIs:
( ... ) Thomas d'Embry, voulant flatter Henri IV, tourna en dérision les usages de la Cour d'Henri III en matière de toilette, de recours aux pommades et aux parfums et des soins de la coiffure, sans omettre de dénoncer le linge de luxe, les chaussures extravagantes et enfin l'habitude de se parer de bijoux.[590]
Et, effectivement, la lecture du libelle démontre que les thèmes comme
l'efféminement et l'arrivisme son ~xploités. le propos ne porte pas directement
sur l'hermaphrodisme anatomique, rappelons-le avec Atkinson; pourtant le
narrateur assiste à u ne opération de travestissement:
En une autre piece, je voyais ce mesme homme estendu tout nud sus une table, et plUSieurs à I\\ntour de luy qUI avoient diverses sortes de serremens, et faiSaient tcut ce qui leur estoit pOSSible pour le faire devenir femme: mais à ce que j'en pouvois juger par la suitte de l'histOire il demeurait du genre neutre.[591]
L'efféminement se veut le canon de la mode vestimentaire, et des moeurs y sont
rattachées:
Les accoustremens qUI approcheront plus de ceux de la femme, soit en l'estoffe ou en la façon, seront tenus parmy les nostres pour les plus riches et mieux seans, comme les plus convenables aux moeurs, Inclinations et coustumes de ceux de ceste Isle ( ... )[592]
Les règles morales offiCielles de la société sont transformées. les liens
familiaux sont aboliS car on ne saurait toujours identifier son père,[593] les
autorités s'assurent qu'une multitude de filles de joie suivent les armées pour
assurer une relève aux soldats, les amitiés "ne seront seulement qu'en bonne
mine, et seulement pour passer le temps, ou pour l'utilité ( ... )".[594] Nous
sommes donc en terrain connu; les Ligueurs dénonçaient de semblables
transformations dans les moeurs de leur temps. le narrateur livre cependant
190
quelques réflexions qui laissent croire au développement d'affectations
courtisanes propres au XVIIe siècle:
Comme Il achevOit de me dire ces choses Il Vint un page luy dire qu'II melst un linge à la fenestre pour vOIr S'II ne falsolt pOlOt de vent. Je luy demanday pourquoy s'observolt ceste ceremonie. Il me dit que c'estoit de peur que le hasle ne gastast la dellcatesse du teint ( ... )[595]
L'allure maniérée des hermaphrodites. qUI se doutJle d'un rejet de l'ordre
établi, laisse songeur quant à sa parenté avec le IIbertmage. L'épICurisme et le
libre choix occupent l'espace central de l'oeuvre.
SI l'on se fit à Pierre de L'Estoile. le rapprochement de cette oeuvre avec la
SOCIété courtisane du début du XVIIe siècle est de plus en plus éVident. VOICI
comment réagit Hen ri IV à la lecture de l'Isle:
Le roi .~ voulut vOir et se le fit lire. et. encore qu'II le trouvât un peu libre et trop hardi. Il se contenta néanmOinS d'en apprendre le nom de l'auteur, qUi était Arthus Thomas, lequel Il ne voulut qu'on recherchât. faisant consCience. disait-il. oe fâcher un homme pour avoir dit la vénlé.[596]
Le mémorialiste, dans son interprétation. est fort clair: Arthus Thomas décrit bel
et bien l'état de la cour en 1605.
Ce petit libelle (quI était assez bien fait), sous le nom de cette Ile imaginaire, découvrait les moeurs et façons de faite Impies et vicieuses de la cour, faisant voir clairement que la France est maintenant le repaire et l'asile de tout vice. volupté et Impudence, au lieu que jadis elle était une académie honorable et séminaire de vertu.[597]
Est-ce Simplement le temps qUi fit oublier à L'Estoile les extravagances du
défunt rOi? Ou encore une pomte d'ironie en bonne et due forme? La distortion
s'infiltre entre la polémique et la réalité.
* * * * *
Le second volet dl' notre analyse du discours polémique contre Henri III a
permis l'identification de réseaux d'Images que nous avons déjà rencontrés.
Pensons Simplement aux accusations de sorcellerie, aux associations a des entités
ou comportements hermaphrodites.
,1 191
Elles s'organisent au sem du pamphlet, genre nouveau et anonyme, 'leu
privilégié de fabulation: les comportements du roi y sont réinterprétés,
transfigurés en une contrée irréelle dont on ne cesse de condamner l'existence.
Notre analyse de l'Isle des Hermaphrodlts acquiert alors un sens nouveau: ce
pamphlet du XVIIe siècle n'est-il pas l'aboutissement de tentatives imaginaires
pour reconstituer un univers ignorant les frontières morales ou éthiques du
monde chrétien? lorsque ces fantasmes sont Juxtaposés, surgit la présence
gên;tnte de l'efféminement ou de l'hermaphrodisme.
Au-delà d'attaques haineuses, de l'hérésie, de la sorcellerie, de symboles
diaboliques, les relations amoureuses entre hommes servent d'exutoire à une
angoisse profonde. EVidemment, la déstabilisation du royaume par l'affirmation
d'une religion réformée, détruisant par là l'hégémonie de l'univers chrétien, ne fut
pas sans Jouer un rôle déterminant dans "accumulation des tensions.
les images du roi et de son entourage sont donc teintées de toutes les
allusions destructrices de l'équilibre de l'Etat. Des épisodes comme l'hérésie
albigeoise ou l'histOIre de Gaverston sont mises à profit car elles demeurent des
exemples historiques difficilement contestables. la sodomie s'inscrit dans cette
logique, mais lie également les protagonistes du maléfice. En cette période
Critique du règne, elle est assimilée au diabolisme de Sodome.
.,
Chapitre XXI
LA POESIE SATIRIQUE
Une forme de création purement satirique, indépendante de la polémique
politique, se développe à la fin du XVIe siècle en procédant d'une thématique de
l'obscène.
Michel Simonin constate que l'OcClden~ renaissant et baroque ne possède pas
d'ars erotlca semblable à ce qUI eXiste en Onent. Les histOriens se sont ainSI
heurtés à plus d'une reprise à l'impossible reconstitution d'une éplstéme. En
revanche, Simonin crOIt qu'un tel travail peut être envisagé en utilisant la
littérature et l'art, révélant l'ébauche d'un art érotique
( ... ) bâti de fragments, lieux communs toujours réCrits, mlYabll/a du sexe des\lnés plus à étonner qu'à instrUlre.[598]
La gémtahté est d'une importance centrale dans l'organisation structurelle du
phénomène.
( ... ) une pulsion quasi exclusive vers la génitalité, où les autres pratiques ne sont, quand elles sont, tout au plus que des préparations.[599]
Le monde de la satire homosexuelle offre peu de contraste d'avec la satire
proprement dite. 1/ possède beaucoup en commun avec l'obscénité, la misogynie
et la scatologie. Bref, les pièces que nous avons lues correspondent a la
thématrque établie par Yvon ne Bellenger dans son article: "Facétie et obscénité
dans la poésie française après 1550".[600]
Evidemment, plusieurs allusions visent à réprouver la sodomie. qu'elle
implique deux hommes ou un homme et une femme. Le poème "Contre la
- 192 -
t 193
nere-Venus· de Jodelle est une condamnation versifiée, comme l'atteste le passage
SUivant:
Puisque tu veux qU'Ici ta saincte ardeur, ô Muse, A detester un orde et sale ardeur s'amuse, Don l'mfete vapeur peut presque empuantir L'odeur du feu qu'en moy tu fais
du Ciel sortir, [60 1]
Jodelle utilise à plusieurs reprises des images, parfois olfactives, du cloaque afm
d'expnmer son mépris de la chose: "infete vapeur", "avoir pour but l'ordure" (p.
347), "non plus que l'air sortant des mares croupissantes· (p. 347), ''l'air
corrompu des cloaques puantes· (p. 348), etc. E. Balmas y décèle d'ailleurs des
réminiscences de la Dlvme Comédie de Dante.[602]
Ce poème machevé est vraisemblablement la dernière oeuvre à laquelle
Jodelle ait travaillé avant de mourir. Au-delà d'une Simple condamnation d'une
prdtlque infâme, cette pièce exploite également le prmcipe philosophlqut' de
"l'amour ordonnateur du chaos·.[603] L'acte contre nature sert alors de
repoussoir, au même titre que les créations pitoyables. Ainsi, le propos du poème
se modifie et l'intérêt pour un mode particulier d'acte sexuel s'estompe et se
métamorphose en la muse des mauvais artistes et de leurs oeuvres éphémères:
( ... ) non ceux dont on decoeuvre Avant la mort mourir les vers, l'amour et l'oeuvre, Bien qu'ils se vantent tous, singes de hauts esprits, D'eterniser leur nom, leur Dame et
leurs escflts.[604]
Jodelle affirmera alors en vainqueur la pérennité de son oeuvre et de ses amours:
Tant que de nostre cendre à la mort asservie, De siecle en siecle on voit renouveller la vie, Qui se rend par pareil et perpetuel cours De memoire aux deux noms, aux vers, aux amours: Ce qu'attendre je pUiS, ( ... ) [60S]
r
19·1
Au début du XVIIe siècle, la condamnation des sodomites dans les poèmes
satiriques se poursUit. On assiste cependant a la pnse de parole de la part de
libertins qUI traitent sans ambage du Vice abommable.
Sigogne, en 1609, dOIt répondre a des accusations lancées contre lUi
Pourceau le plus cher d'Eplcure, Qui, contre les 1015 de nature, Tournez vos pages à l'envers, Et qUI, pns aux chesnes du VICe, Vous plongez dedans le dellce,[606)
L'auteur s'adresse à des nobles ou à des bourgeOIs, qu'II accuse de corrompre les
moeurs de la France. c'est le spectre de Sodome qUi se déplOie,
Vallet aux gages de la pance, Vous r'amenez Sodome en France QUI en doubte, vous r3.ict grand tort.[607)
Tout comme pour les mignons, on inSiste sur ia lâcheté des VIlipendés
Vous tremblez au seul brUit des a~mes, Mourant de fraieur aux alarmes, Et vous bravez un homme mort.(608)
Dans un sonnet "Contre les sodomites", MathUrin Régnier les conSidère
cependant comme de vagues débauchés, peut-être amants des dames. Sur un ton
facétieux, c'est le respect d'une prostituée qUI est finalement solliCité
Sodomite enragé, ennemi de nature, Et vous, u mversels qu i çà et là foutez. (no) Ruffiens, et vous tous. qUi de foutre avez cure, Et qUI par les bordeaux desbauchez frequentez, ( ... ) Laissez la seurement et librement passer. ( ... ) Car vous obligerez u ne chose
publique.[609]
L"'Ode de l'invention grecque", de Pierre de Loyer. se veut un panorama des
types différents de "passetemps amcureux'" l'amour de la pucelle, de la femme
d'autrUI, des Jeunes garçons, des chambrières. Dans chaque cas, des obstacles
surgissent· mariage forcé, relations secretes. Indécence, trop grande laSCIVité de
195
l'almée, etc. L'amour des garçons est condamné en prenant à témoin le règne
animai:
Ceux-la de nature passent la borne en toutes façons, QUI lasCivement pourchassent l'amour des Jeunes garçons. Un deslr SI deshonneste, N'est pOint en aucune beste: Le Cheval SUit la Jument, le Taureau aime la Vache, Et le Belier ne s'attache Qu'à la BrebiS seulement.[61 0]
Nous Ignorons la date exacte de la composition de l'ode, mais le parallèle entre le
règne animai et le comportement de l'humain ne représente qu'une facette des
connaissances de l'époque à ce sujet. Montaigne, dans l'''Apologie de Raimond
Sebond", fait état de l'existence de rapports entre animaux du même sexe'
On VOid aussI certains animaux s'adonner à l'amour des mas les de leu r sexe ( ... ) [61 11
FrançoIs de Maynard met parfOIS en scène des sodomites. Il ne fait pas
l'apologie de ce "gout denaturé", mais Il y rattache des traits d'obscénités ou de
facétie. Par exemple, Il conseille à un sodomite de faire la paix avec les dames
pour une raison peu orthodoxe'
Bougre, sans comparaison, C'est offenser la raison Que leur declarer la guerre
Sois leur desormais plus doux: Elles ont mis sur la terre les beaux garçons que tu fous.[612]
Un épigramme du même auteur demeuré également à l'état de manuscrit verse
dans l'obscénité:
Sous la pierre de ce tombeau Repose le corps d'un Jeune homme, QUI fut, des bardaches de Rome, Le plus fameux et le pl'Js beau.
On fit une telle ouverture A son (u, qui de la nature Fut un ouvrage sans patron,
1 Qu'un jour ce mlserable infame, Insensiblement chia l'ame, Ne pensant chier qu'un estron.[613)
\96
TouJours. notons-le, les objets de désir décrits sont de jeunes hommes: valets.
garçons, écoliers.
L'Italie surgit une fOIs de plus parmi ces textes. Un sonnet attribué à Guy de
Tours tance une demoiselle de préférer l'Italien. En voici les deux tercets
Comment aymez-vous tant ces mfames poltrons Ces ords Italiens, ces amoUi eux d'estrons, Ces enfonceurs de culs, ces couilles deshonnestes7
Hé! ne vaut-il pas mieux suyvant l'honnesteté S'esbatre d'un beau zest, que d'un qUI ait esté Mille fOIs dans le cul des hommes
ou des bestes.[614]
Les propos scatologiques n'apparaissent cependant pas dans cette brève
allusion de Marc Papillon de Lasphrise. Le jeu Hà l'italienne" ne signifie pas que
l'acte se commet entre deux hommes:
Jouons assis, debout, à costé, par derriere (Non à l'Italienne) et tousJours babillant. "Ceste diversité est plaisante à Cythere'"[615]
Le ton s'élOIgne parfOiS de l'invective, même si les lieux communs de la
polémique courtisane de la fm du XVIe Siècle sont repris. La mythologie sert à
provoquer ce rare narquois:
Quand, d'une colere t!schaufee Les Dames tuerent Orphee, Elles avoient quelques raisons. "Quoy! (disoient-elles) SI les flammes Sodomites brusloient les ames On ne le fera qu'aux garçons, Et que feront les pauvres femmes?" [616]
DIvers motifs sont donc exploités: le plus commun conSiste en l'amour
pédérastique. Il y a cependant cette touche de xénophobie éveillée par l'Italien,
ou encore l'animosité entre les femmes et le "bougre" motivée par la concurrence
auprès du mâle. La gaillardise domine le tout
1 je croy que vous avez faict voeu D'aymer et parent et parente; Mais puis que vous aymez la tante Espargnez au moins le neveu![617]
197
Nous ne pouvons terminer le présent chapitre san; parler de Théophile de
Viau et du fameux sonnet que l'édition de 1622 du Parnasse des Poètes
satyriques lui attribue. En voici les premiers et derniers vers:
Philis, tout est foutu! je meurs de la vérole, Elle exerce sur moy sa dernière vigueur: Mon vit baisse la teste et n'a poin\. de vigueur, Un ulcère puant a gasté ma parole. ( ... ) Mon Dieu, je me repens d'avoir si mal vescu, Et SI vostre courroux à ce coup ne me tué, je fais voeu désormais de ne foutre
qu'en cul! [618]
le poème en soi n'utilise pas vraiment de nouvelles images. l'opposition entre
l'acte sexuel avec une prostituée infectée et la sodomie n'est finalement pas non
plus fort surprenante. la sodomie n'étant qu'une forme de luxure, l'ironie du
sonnet réSide Justement dans un voeu pieux d'une grande perversité. Il n'est pas
clair que "foutre qu'en cul" soit une profession de foi en une certaine
homosexualité. Garassus, au procès du poète, interprète néanmoins le vers
comme une abomination:
( ... ) jadis, lors qu'il y avoit encores un peu de sentiment et de piété dans les âmes des bons vieux François, au seul nom de Sodomie, on ne parloit que de brusler tout vif celuy qui en eust esté seulement sçoupçonné, et aujourd'huy on verra un livre qui se vend publiquement dans les galeries du Palais, qUI porte en front un sonnet exécrable, par lequell'Autheur, qui se dit le sieur Théophile, se repentant, à ce qu'il dit, d'avoir eu et contracté une maladie infame avec une prostituée, fait voeLt à Dieu d'estre sodomite tout le reste de ses jours, et ce par des parolles les plus exécrables qui soient jamais sorties de la bouche du plus abominable sodomite qui ait esté enveloppé dans les cendres de Gomorrhe. [619]
En ce début du XVIIe siècle, la verve des moralistes n'est pas fort différente de la
rhétorique des prêcheurs de la ligue. Considérons ce dernier extrait du procès:
-.
Dieu veuille que le mesme chastlment n'arrive et ne fonde sur la ville de Paris pour expier les Sodomies et brutalités d'une centame de vilains, qui sont capables d'attirer sur nous le feu du Ciel, et envelopper dans leur juste chastiment l'innocence de cent mille bonnes âmes. Obsecro ne irascatur furor tuus Domme.[620]
* * * * *
198
la poésie satirique fait appel à des images différentes de celles utilisées dans
les pamphlets. Sauf peut-être dans le poème "Contre la riere-Venus· qui exploite
des images de la noirceur et du cloaque, les poètes condamnent la pratique de la
sodomie, mais en la diluant dans un univers d'obscénité et de facétie. Michel
Simonin notait la génitalité des allusions sexuelles dans la littérature de la fin du
Siècle; la sodomie compose avec la génitalité et, pourrait-on dire, avec l'''anallté''.
Contrairement aux mignons, les sodomites mis en scène sont décrits avec
bien peu d'imagination. D'une manière générale, ils apparaissent comme des
aggresseurs de valets, de garçons, d'écoliers et de femmes.
L'efféminement semble à vrai dire absent. La femme Joue maintenant un rôle
bien déterminé. Parfois, elle doit être prévenue du mauvais sort que lui réservent
les 50domites; à d'autres moments, elle pourchasse Orphée, deVient l'ennemie du
"bougrew•
Dans la plupart des pièces poétiques que nous avons analysées, l'affect hé
aux accusations développées par la Ligue ou par les réformés se résorbe, et le
sodomite retrouve une sphère que nous avions déjà identifiée dans le discours
stigmatisant de la religion. Les allusions que les libertinS se permettent se
distancient à la fois de réseaux concomittants et de l'affect lié à la peur des
moeurs contre nature que Henri III avait dû affronter quelques années plus tôt.
Pourtant, l'Eglise impose sa censure de façon encore plus drastique. Les craintes
du châtiment divin seront néanmOinS peu à peu évacuées, ou plutôt reléguées
dans un univers du religieux.
1
Chapitre XXII
CONCLUSION DE LA QUATRIEME PARTIE
De nombreux réseaux d'images convergent en cette fin du XVIe siècle. Divers
affects entrent également en conjonction. l'incertitude face à des "curiositez" ou
des prodiges grandit, mais des angoisses bien enchâssées dans un fond chrétien
sont éveillées, et un sentiment de peur est exploité.
la "bougrerae" et la sodomie. dans tout ce réseau de recoupements, de
réfractions et d'amplifications n'occupent pas nécessairement une place centrale.
les faits historiques favorisent l'énonciation des allusions, sans laisser croire à
l'évidence d'une causalité particulière ou spécifique.
Mais remontons d'abord vers tes racines des réseaux. Elles courent jusqu'à
l'extérieur du pays, selon les schèmes des maladies épidémiques (la syphilis, la
peste). Rome et l'Italie sont à la fois sources du saphisme et de la sodomie
(homosexuelle et hétérosexuelle). Dans le cas des dames, les mémorialistes
établissent le hen avec les cultures orientales. Du côté des hommes, la
correspondance n'est pas clairement établie. De Rome à la cour de France, la
filiation s'effectue grâce aux échanges courtisans entre les deux pays, mais
également par les institutions religieuses. Politique et religion emploient le même
langage. la filière religieuse impose paradoxalement un réseau de dénonciation
du vice. La virulence de ces attaques, utilisées notamment en France par la ligue,
est indiscutable. le souverain, qui essaie d'imposer son autorité en se situant
au-delà des partis catholique et réformé, fera les frais des accusations.
- 199-
200
L'enjeu polémique consiste à ruiner la réputation--déJà grandement
entachée--du roi et de sa cour afin que les populations largement éprouvées par
les guerres de Religion sachent qui condamner et comment exprimer leurs peurs.
La mécanique est actionnée à la fois par le discours oral et écrit. Les prêcheurs
joueront un rôle déterminant, et les libelles et pamphlets, pour la plupart
anonymes ou faussement attribués, compléteront le tableau. L'empreinte laissée
par un telle décharge d'accusations et de dénonciations dans l'imagination du
peuple ne doit être sous-estimée. Jean Delumeau a reconstitué les difficultés
presque insurmontables que les autorités de l'Ancien Régime pouvaient
rencontrer à étouffer de fausses rumeurs:
Autrefois, en revanche, il était diffiCIle de désamorcer les rumeurs. Car elles obtenaient assez souvent créance à tous les niveaux de la société, y compris dans les sphères dirigeantes. Et, même si tel n'était pas le cas, les autorités ne disposaient ni des moyens d'information (journaux, radio, télévIsion) grâce auxquels on peut tenter d'apaiser une inquiétude collective par une sorte de "cllnlque de la rumeur", ni des moyens poliCIers suffisants pour empêcher les rassemblements et l'autoexcitatlon de la foule.[62']
Les typologies des attaques établies par les histOriens concordent. La Ligue
réveillait un fond ancien de peurs, marquant une régreSSion vers les topoi
médiévaux: hérésie, sorcellene, sacrilège, sodomie. L'univers de la cour reflétait
les moments les plus eff'lyants de l'histoire. L'hérésie des AlbigeoIs, Edouard Il
d'Angleterre, Sodome, tous ces lieux reprenaient vie en cette fin de Siècle. Le
procédé d'amplification s'appliquait sur un matériau déjà bien travaillé. Nous
n'exagérons pas le phénomène. car les histOriens des mentalités en viennent à de
semblables conclusions: le monde allait "à l'empire".
Mais bientôt autour de '572-' 575, devant l'mcessante avalanche de malheurs, face à leur virulence, que l'on imagma volontiers croissante, dans une situation en réalité "bloquée", se répandit l'idée que le monde se décomposait, éclatait, partait en lambeaux disparates et dérisoires; ce monde allait "à l'empire".[622]
•
Partie 5
TRAVESTISSEMENTS LITTERAIRES
- 201 -
202
Jusqu'à maintenant, l'analyse d'allUSIOns à la sodomie nous a condUit à
dégager une imagologie de la condamnation. Si quelques apologies ou Ironies
condescendantes détonnent parfOIS, elles sombrent le plus souvent dans
l'ambiguïté, sauf, peut-être, dans le cas des tribades.
La France redécouvre, pendant la Renaissance, bien des textes de l'Antiquité
qui, nous le savons, célébraient l'amour des garçons ou du mOins en véhiculaient
les motifs et les images. La question que nous posons est la sUivante comment
traduisait-on les passages le plus souvent tirés d'oeuvres grecques, faisant
l'apologie de la pédérastie?
Nous avons d'abord chOisi d'analyser le Banquet de Platon, dans la versIOn
latine de Marsile FiCln. l'interprétation qUi y est faite de l'art lOur entre hommes
oscille, selon les commentateurs-narrateurs des discours, entre une mise en relief
des condamnations qui n'apparaissent plus dans les traductions modernes des
textes grecs, et l'utilisation d'allégories.
La première allusion se retrouve dans le commentaire du deuxième discours,
celUI de Pausanias, prononcé par Giovam Cavalcanti. Il s'agit en fait de préCiser
quels sont les abus de l'amour dénoncé par Pausanias. Il faut d'ailleurs noter,
dans ce passage. le mode de l'interrogation rhétOrique, rare dans le reste du
Commentatre. et qui laisse supposer des tentatives d'interprétation antérieures
erronées:
Quid igitur in amore Pausanias improbat? Dicam eqUidem. SI qUIs generationis avidior contemplationem deserat aut generauonem preter modum cum femmis vel contra nature ordmem cum masculis prosequatur aut formam corpons pulchntudml amml preferat. is utique dl9mtate amoris abutitur. Hunc amons abusum vituperat PausaOlas.[623]
Nous n'avons pas retrouvé le passage auquel il est fait référence dans cet extrait.
Ce qui semble s'en rapprocher serait la condamnation, par Pausanias, des
pandémiens abusant des enfants.[624] Ficin, par la VOIX de son narrateur, occulte
1 203
donc le texte précédant immédiatement 181 e[625] alors que Pausanias fait
l'apologie de l'amour qui se rattache à l'Aphrodite uranienne·-par opposition à
l'Aphrodite pandémlenne-·, amour principalement éprouvé par l'homme envers
les Jeunes garçons:
( ... ) après que ceux·ci ont déjà commencé à faire preuve d'intelligence, c'est·à·dire proche le temps où la barbe leur pousse au menton. C'est, à mon avis, que l'intention de ceux qUI ont attendu ce moment pour commencer d'aimer est d'être, pour leur vie tout entière, inséparables de leurs aimés et de vivre avec eux en communauté ( ... )[626]
Cavalcanti, au premier discours, présentait deux exemples de couples d'amoureux
mtrodults par Phèdre (Alceste et Admète, Orphée et Eurydice), comme des réalités
ayant la portée d'histoires vécues, laissant cependant sous-entendre que l'amour
de Patrocle pour Achille ne répondait pas à un même raisonnement:
Tertium amoris masculi ad masculum, ut Pat roc!! ad Achillem. Ubi ostendit nihll fortlores homines reddere quam amorem. Allegoriam vero vel Alcestis vel Orphel in presentia perscruptan non est consilium. Vehementius enim ista vim amoris et imperium expnmunt, si tamquam historia gesta narrentur, quam si per allegonam dicta putentur.[627]
Le sixième discours, celui de Socrate, est commenté par Thomas Benci et
traite de nouveau de ces questions de l'amour que l'on dira ou céleste ou vulgaire.
Ceux qui recherchent l'amour céleste et qui aiment les hommes et les adolescents
plutôt que les femmes et les enfants sont épris de l'intelligence de ceux-ci:
lUi natura iccirco mares et illos qUidem iam pene adultos potius quam feminas aut pueros amant quoniam in eis magis admodum viget mentis acumen, quod ad disciplinam, quam iIIi generatun sunt, propter excellentiorem sui pulchritudinem est aptisslmum.[628]
En revanche, ceux qui recherchent l'amour vulgaire s'unissent parfOiS à d'autres
hommes, car les puisions procréatrices ignorent les différences entre les
sexes.[629] Un tel comportement est évidemment condamné, en évoquant les
Lois de Platon.l630] Le commentateur expliquera néanmoins l'eXistence de tels
êtres par les conjonctures planétaires:
-----~ -~---------------.
Hi presertim in quorum genes, Venus '" sig no mascuhno et cum Saturno fuent, vel in Saturnl flnlbus vel Saturno opposlta.[63 1 ]
204
Ces pratiques seront par la sUite de nouveau condamnées et associées à des
meurtres d'enfants avant leur naissance. InfantiCide et amours désordonnées
s'Interpellent.
Dans le discours conclusif du philosophe Guido Cavalcanti figurent encore des
descriptions de types d'amour vulgaire (Phèdre et Lysias au chapitre IV. par
exemple). Ce n'est pourtant qu'au chapitre six que Cavalcanti posera clairement
la problématique de l'amour charnel entre le vieillard et le jeune homme. Une
fois de plus, l'interrogatton rhétorique est employée, par laquelle se révèle
l'hésitation à aborder la question:
Dicamne, 0 vlri castissimi, quod sequltur, an pOtlUS pretermictam7
Dlcam certe postquam res Ipsa postulat, et si dlCtu vldetur absurdum. At enim qUIs turpla non turpiter dixerit?[632]
Une explication physIOlogique de l'interpénétration des corps et du partage du
sang est proposée, mais l'orateur affirme que les femmes au caractère masculin
séduiront plus facilement les hommes, et que les hommes sanguins et colériques
auront plus de succès tant auprès des hommes qu'auprès des femmes.[633]
le Commentaire de Fletn semble démontrer des hésitations lorsque les
caractéristiques de l'amour entre hommes sont abordées" Ainsi, l'amour doit
parfois devenir un sentiment procédant des âmes et non des corps. Pourtant, et
nous l'avons démontré, ces orateurs savent qu'II pouvait en être autrement dans
la pensée des Grecs. La portée du discours platonicien n'est donc pas occultée,
mais condamnée ou corngée. La pédérastie occupe un espace particulier dans
l'Imaginaire, surtout dans une SOCIété pour laquelle la séduction appartient au
genre masculin. Cette tension, en fait, le néoplatonisme la détourne vers un être
plus noble que l'homme: Dieu. La spiritualisation transforme et sublime ,'amour
pour un homme
Amorem vero divinum, bonorum omnium largitorem non amare non possumus. Nos autem amorem hune adeo nobis propltlUm ea mente colemus, ut veneremur saplentam et poten{~-~ m ammlremur, ut amore duce totum, ut ita loquar. Deum habeamus propltlum, ae totum amons flagrantla dlligentf's toto etiam Deo amore perpetuo perfruamur.[634]
205
Avant de clore l'analyse du Commentaire, considérons quelques aspects du
mythe de l'androgyne, qui, au quatrième discours, est rapporté puis rapidement
transformé par l'interprétatlol' qui en est donnée.
les âmes des hommes sont éclairées par deux lumières, innée et infuse.[635]
Après avoir voulu se faire égales à Dieu en se tournant vers la lumière innée, elles
la perdirent et tombèrent dans les corps:
Splendorem infusum amiserunt, quando ad solum ingenltum sunt converse statimque in corpora cecidere(636]
Les sexes étaient au nombre de trois: masculin (force), féminin (tempérance) et
mixte (justice): à la fois en nous et en Dieu, ils tenteront de s'unir.[637]
Ce n'est là bien entp.ndu qu'un bref aperçu de la subtilité de la nouvelle
interprétation. Il faudrait aussi rappeler la fortL: ne littéraire de ce mythe qui bien
que spiritualisé sous l'influence du néoplatonisme, garde un complément ambigu:
l'hermaph rodite.
Selon Carla freccE'ro, une certaine différenciation des deux mythes s'est
établie à partir des Métamorphoses d'Ovide, et dès le Moyen Age l'hermaphrodite
est devenu symbole de luxure:
Versions of the "moralized Ovidw tend to interpret the hermaphrodite as a symbol of lust and concupiscence ( ... ) [638]
Une fois de plus, la frontière entre les deux symboliques demeure fragile, comme
le démontre le passage suivant tiré d'un ouvrage du XVIIe Siècle traitant de la
Maladie d'Amour:
( ... ) Platon, qui sous la personne d'Aristophanes, rapporte qu'au temps passé il y avoit trois sortes d'hommes: masle, femelle. et androgyne, (duquel il ne reste à present que le nom infame) ( ... )[639]
1 206
Des traductions françaIses du CommentaYlum fu rent effectuées au XVIe sIècle.
Nous allons analyser troIS publications du texte en langue vulgaIre l'une est
offerte à la reine Marguerite de Navarre. est datée de 1546 et fut effectuée par
Symon Sllvlus dIt de La Haye. Deux autres sont dédiées à Marguerite de France
(de Valois) et furent réalisées par Guy Le Fevre de La Boderte et donc publiées plus
tard dans le sIècle, en 1578 et 1588. Même SI la composItIOn typographIque de
ces deux dernIères versions diffère, le texte est Identique, du mOIns pour les
passages qUI nous intéressent. L'Epitre de l'éditIon de 1588 porte la date de
1578.
Une étude comparative des passages que nous avons déjà étudiés dans les
deux versions françaises de 1 546 et de 1578-88 ne révèle que peu de
vanantes.[640]
Au chapitre V de la septième oraison de l'édition de 1546, pendant la
description de la passion amoureuse. le traducteur Silvlus insère une remarque. en
caractères différents du texte:
Lucrece Poe te, avoit escnt aucuns vers, en cest endrOIt, et autres lieux cy apres: que n'ay voulu traduire, parce qu'ils m'ont semblé par trop larifs.[641]
En 1588, le passage tiré de Lucrèce est effectivement traduit'
De la douce Venus la goute et la liqueur Distillant soeufvement au centre de ton coeur Laisse encor apres soy une ennuyeuse cure.[642)
Quelques lignes plus bas. des vers de Lucrèce apparaissent de nouveau dans
l'édition de 1588 et sont passés sous silence dans celle de 1546. Ils se lisent
comme suit:
A l'objet nous attrait la chair et corps vainqueur Dont fut navré d'amour et l'esprit et le coeur: Car tous le plus souvent tombent en ceste playe, Et le sang celle part surparOlst, flambe et raye, Dont l'ulcere et le coup nous venons recevOIr: Et si bien pres de nous l'ennemy se fait VOl( Le sang et rouge humeur vers luy court,
et l'occupe.[6431
--
1 207
Un second passage[644] présent dans les deux éditions fait état d'hésitations
semblables à celles déjà identifiées dans le Commentatre de Flcin:
DOlbs je dire (hommes treschastes) ce qu'ensuyt, ou si meilleur est que le taise? VentablE'ment puis que la chose le requiert, je le diray, encores que semble chose sotte et lourde a dire. Mais qui est ce qui ne dirolt deshonnestement choses vilalnes7 [645]
ou encore:
Dirai-je maintenant, Ô tre-honnestes amys, un effect estrange qui s'en en fuit. ou bien si je le passeray sous silence? Certes je le diray puis que la matiere le requiert, bien que ce semble estre chose deshonneste. Mais qui est celuy qui pUisse en tout honnestement reciter les choses deshonnestes?[646]
Le Commentatre du Banquet interprète donc des passages relatifs à l'amour
entre hommes dont Il sublime parfois le sens (rappelons-nous le mythe de
l'androgyne). Les précautions oratOires démontrent clairement que certams
comportements sont condamnés et ne sont rapportés qu'avec honte (amour de
l'éraste pour l'éromène), ou sont tues à cause d'allusions trop lascives. Pourtant.
ne sont-elles pas révélatrices par leur unique présence d'un lieu imaginaire qui ne
peut disparaître entièrement? Pourquoi ne retranchait-on simplement les
passages censurés? Souhaitait-on perpétuer une zone dont la connaissance
n'était possible qu'à un cercle d'Initiés, non pas grâce à la langue sacrée. système
adopté par les traités de confession. mais par le commerce des textes de
l'Antiquité?
Des traductions des Amours de Lucien de Samosate furent également
publiées au XVIe siècle. Nous avons consulté deux éditions de cette oeuvre, l'une
datant de 1585 et l'autre de 1606. Dans la seconde, une partie du discours de
Callierat--Ie partisan de l'amour des jeunes hommes--manque; des feuillets ont
vraisemblablement été retlrés.[647] Pourtant. l'édition de 1585 se voulait déjà
expurgée de certains passages, comme l'indique le sous-titre:
Repurgees de parolles impudiques et profanes qUI sont redulttes en propos plus honnestes [648]
208
Mais il faudrait établir une étude comparative d'exemplaires afin d'être mieux
renseigné sur ce qui advint des pages manquantes. QUOI qU'II en SOit, l'Issue du
dialogue de LUCIen sert la doctrine chrétienne de l'amour, comme le préCIse le
sommaire.
En ce dialogue Lucian discourt des amours et de leurs voluptez Introduisant Carlcle et Callicrat, pour notter quelques anCIens Philosophes prinCIpalement ausquels Il en veut tousJours à cause de leurs vices.[649]
* * *
Délaissant la philosophie, abordons les oeuvres de deux poètes de l'Antiquité
grecque, Anacréon et Sappho. Quelques vers étalent déjà connus grâce a des
fragments présents dans la littérature latine, mais c'est en mars 1554 que Henri
Estienne fit paraître à Pans le premier recueil des odes d'Anacréon Anacreontts
Tell Odae ab Hennco 5tephano luce et Latlmtate nunc prtmum donatae.[650]
Rapidement, l'oeuvre acqUiert une grande popularité et la Pléiade subit son
charme'
Elle [La Pléiade] lUi fit un accueil enthousiaste et Henn Estienne devint, bientôt, comme l'éCrit M. Marcel Raymond, le favon des poètes, pour avoir révélé à ses compatriotes l'Anacréon "retrouvé".[651]
L'effet fit boule de neige et Ronsard, Belleau, Dorat, Baïf, Tahureau, Passerat,
OliVier de Magny, tradUisent cette oeuvre ou s'en Insplrent,[652] Robert Aulotte
assure qu'.
Il n'est guère, à vrai dire, de poète contemporain chez qUI n'affleure alors, peu ou prou, la veine ancréontlque ou pseudo-anacréontique. [653]
\1 va même plus lOIn, comparant la portée de l'Influence de cette oeuvre à celle de
Pétrarque:
L'influence de cette traduction, JOinte à celle des adaptations de Ronsard fut telle que l'on a pu dire fort Justement que l'Imitation
1 ..
d'Anacréon. fut. avec celle de Pétrarque. l'un des faits les plus marquants de notre poésie au XVIe slècle.[654]
209
Le parallélisme s'achève lorsque nous comparons l'objet du sentiment
amoureux. Par exemple. vOICi le "Pourtralt de Bathylle" qUI se retrouve dans les
éditions de 1556 et de 1585 des Odes d'Anacreon Te/en tradu ites par Remi
Belleau. La première strophe se lit comme SUit:
Fal moi d'une façon gentille, Peintre. en ce tableau mon Bathylle. Mon mignon, fal lui le poil blond. Parfumé, norcissant au fond, Le bout, Jaunissant en la sorte Que le pOIl d'or que Phebus porte.[655]
Henn Estienne, deux ans plus tôt, avait traduit:
MEOS Bathyllum amores, Ut te docebo, pinge. Nltidas comas faCllli, Intus qUldem nigrantes, At aureas superné.[6561
De ces extraits, retenons la transformation du vers "Meo~ Bathyllum amores" en
"mon Bathylle,l Mon mignon". le sens du mot mignon doit être bien compris;
Belleau suggérait alors certainement une amitié profonde entre deux
compagnons.
Le poème "L'Arondelle" livre un exemple intéressant de transformation, non
pas des sentiments, mais des objets d'amour. D'abord, l'oiseau qui éveille le
couple au petit matin annonce le début de la journée et la séparation:
Et de son importun babil, M'arrache du sein mon BathyJ.[6571
La version latine de Henri Estienne correspond cette fois~ci:
E somniis beatis Mlhi rapis Bathyllum?[658]
En revanche. comme le démontrent les extraits chOisis par A. Delboulle dans
Anacréon et les poèmes anacréontiques, Bathylle se travestit en Cassandre dans le
second livre des Odes de Ronsard:
1 210
Et ne m'oste quand je sommeille, Ma Cassandre d'entre mes bras.[6591
Baif retouche le même poème et en fait une chansonnette dont le songe
remplace Cassandre et Bathylle:
Ne sois envieuse sur moi Qui ne pUiS jouir que dormant Et ne suis heureux qu'en songeant. Babillarde aronde, tais-toi,[660]
C'est vraisemblablement une fille de la campagne ou une servante [661] qUI, dans
les Gayetez amoureuses de Gilles Durant, s'insinue entre les bras de l'amant:
Ores avant ta venue, Heureux, J'avoy toute nue Entre mes bras ma Catin, Je tatonnay son tetin. Bruslant d'une douce envie De laisser couler ma vie Languissant€: entre ses bras.[662]
Un mécanisme semblable du travestissement et de l'allégorie sera appliqué à
d'autres odes, dont celle dédiée à Vulcain:
Insculpe, cumque Baccho Vuas simul prementes Cupidinem & Bathyllum.[663]
Belleau reprend:
Taille moi dessus le bor' Une vigne, aux raisins d'or, Et d'or un Bacchus qui pille Avec Amour, et Bathylle,[664]
Dans les Odes de Ronsard, un ivrogne est ajouté à l'évocation. Une variation
remplace Cupidon et Amour par Vénus, et Bathylle. de nouveau. par Cassandre:
Peins-y V~nus et Cassandre, Laisse de Bacchus espandre Le lierre tout autour; Peins-y la Grace et l'Amour. Le nez et la rouge trongne D'un Silene ou d'un yvrongne[665]
t 211
Oelboulle a de plus retrouvé un texte de Baïf où la bien-aimée, Vénus et ses
mignons sont gravés,[666] et une ode mise en musique par Richar RenvOisy où
Bacchus, m'Amye et l'Amour forment le trio bienheureux.[667]
Finalement, un dernier exemple de ces transformations peut être isolé dans le
poème intItulé "La (olombelle et le Passant",
Que t'en chaut! je suis l'aimée D'Anacreon envoyée A Bathyl son grand mignon,[668]
Dans l'oeuvre de Ronsard, une colombelle vole vers Cassandre:
Tu m'en croiras, car il m'envoye De Vendomois, et parmi l'air Jusques icy m'a fait voler Avec ces vers qu'au bec j'apporte; [669]
Mode du temps'? Le lecteur retrouve, à la suite des Odes d'Anacréon et de
Sappho, dans les traductions de Belleau de 1556 et 1585, de petItes inventions
dont l'une est dédiée à Ronsard et porte le titre: "Le Papillon". Voici quel
message·-nocturne-·porte le lépidoptère:
Et SI tu fais que la nuit sombre Te pUisse tirer de l'encomhre Des enfans, encor qU'II fust tard Va-te n, mignon, à mon Ronsard Que j'aime mieus que la lumiere De mes yeux, et dont se tient fiere Ma muse, car il daigne bien Llrt! mes vers qui ne sont rien. Tu le troûvras dessus Nicandre, Sur Callimach, ou sur la cendre D'Anacreon, qui reste encor Plus precieuse que n'est l'or,[670]
Ce ·Pdpillon", comme le précise dans les vers suivants Belleau, s'adresse en
remE'rciement d'un "Fourmi", d'un ·Crenouillew et d'un "Frellon". Quel raffinement
représente ce message porté et la mention d'Anacréon? DOIt-on y voir
uniquement le rappel d'un poète admiré au même titre que les autres écrivains
antiques] Belleau répond quelques vers plus bas, toujours décrivant le travail de
Ronsard:
r 1 Sur le patron des plus segrés
Poettes Romains, et poettes Grées Pour nous reclarcir leur vieil age:[671]
212
Il semble donc que l'Anacréon ait servi de support artistique et psychologique
à des sentiments amoureux particuliers. Bien entendu, sa qualité d'c~uvre
antique contribua à sa fortune. Introduites dans la httérature française par les
traductions d'Estienne et de Belleau, les Odes anacréontIques furent très tôt
travesties, leurs destinataires transformés en bien-aimées. SI l'opération n'est pas
toujours jugée nécessaire, alors ce sont les sentiments mis en texte qUi se
modifient: l'amour devient tendresse ou amitié, ou compagnonnage.
Faire renaitre l'Anacréon a impliqué des mises au point et une certaine
prudence. Ainsi, dans l'édition de 1585 des oeuvres poétiques de Belleau, une
dédicace en tête des Odes d'Anacréon s'adresse à Jules Gassot, secrétaire du roÏ
Elle rappelle la genèse d'Anacréon en France[672] et distanCie doublement le
poète--du point de vue du livre personnifié et de son propre pOint de
vue--d"'inventions· présentes dans le recueil:
( ... ) moyen ce mesme temps, essayant à rendre en nostre langue. la naïveté, et mignardise des Grecs, pour coup d'essay, Je fiS chOIS de cest Autheur, qui servit lors d'avantcoureur aux labeurs de ma premiere jeunesse: maintenant il revient au monde, m'asseurant qu'il ne me sçauroit recognoistre au pOIl que Je porte moymesme si j'osois, le desavouerois volontiers, pour une infinité de folles et jeunes inventions mal seantes à l'âge où je suis, sans l'asseurance que j'ay au sain et entier jugement que vous avez en la lecture ordinaire des mieux approuvez autheurs Grecs et latinS, et recherche de l'antiquité.[673]
Une telle apologie, nécessaire en 1585 et non en 1556, prouve bien que les temps
ont changé. 1\ s'avère donc que l'oeuvre ne peut désormais être publiée sans tenir
compte des principes moraux des réformes religieuses.
* * *
la première version française de l'Ode à L'Aimée de Sappho est traduite par
Belleau et publiée à la suite des Odes d'Anacréon en 1556. la même année.
1
1 213
Estienne offrait une version latine composée à l'aide d'une adaptation de Catulle.
suivie de quatre vers traduits par Helias Andreas.[6741 l'ode était fort peu connue
avant cette date:
Avant 1556, en effet, l'Ode à l'Aimée ne pénètre dans notre poésie que sous forme de vagues réminiscences ou de larges adaptations qui, toutes, procèdent de la version de Catulle.[675]
En revanche, elle acquiert rapidement une popularité qui fut longtemps ignorée
par les historiens de la littérature:
De ce relevé forcément incomplet des traductions de l'Ode à l'Aimée au XVIe siècle se dégage la conviction que la présence de Sappho dans notre poésie de la Renaissance est peut-être plus importante qu'on ne le croit généralement.[676]
Du Bellay, Baïf, Ronsard, Amyot,[677] Garnier,[678] s'inspirèrent de Sappho ou du
moins des versions catulliennes de ses odes. Un phénomène semblable à celui
rencontré pour l'Anacréon se reproduit donc.
Robert Aulotte a remarqué une transformation de l'Ode à l'Aimée dans deux
versions de Jean-Antoine de Baïf:
la deuxième pièce des Chansonnettes, la 33e du 3e cahier, est plus curieuse encore. Si elle a la même structure métrique que la première, si les réminiscences de Belleau s'y retrouvent et même plus abondantes, il est frappant surtout de voir que Baïf ajoute aux quatre strophes de la traduction de Sappho une cinquième strophe qui n'est autre que celle par laquelle Catulle avait remplacé la strophe finale de la poétesse aux bouches de Violettes.[679]
Voici quelques vers de cette seconde version, transcrite par Robert Aulotte. Ils
nous permettent de comprendre la condamnation exprimée par l'introduction
d'un narrateur qui commente la lascivité de la poétesse:
o désir forçant qui épris dedans moi Jusques en mon coeur égara mes esprits! Car t'ayant vue, rien de ma voix au gosier
lors ne venoit plus. ( ... ) En sueur fondant toute froide et tremblant Plus fenée que l'herbe du pré, je blémis S'en falant bien peu que Je meure, sans pouls
Morte. je semblois.
l'aise t'ennuie trop, délicate Sappho
1
-.'
L'aise trop te plaît, tu t'y baignes par trop L'aise les grands rois et cités détruira
L'aise te perdra[680]
214
La rectification de l'image poétique ne laisse aucun doute quant aux intentions du
traducteur. Pour Aulotte, cet exemple n'est pas isolé et demeure le reflet d'un
"itinéraire spirituel commun" que presque tous les poètes traduisant des oeuvres
de l'Antiquité ont suivi:
( ... ) mûs d'abord par des soucis d'ordre exclusivement esthétique, Ils finissent presque toujours par se laisser guider par des considérations d'ordre moral et religieux.[681 ]
François Rigolot a révélé que la figure de Sappho fut assoCIée, à la
Renaissance--et ce vraisemblablement par l'humaniste Henri Estienne--à la
poétesse Louise Labé. Une ode écrite en grec fut placée à la sUite de ses Euvres
dès 1555, et compare l'impact des poésies des deux artistes:
Les odes de l'harmonieuse Sappho avaient été détruites
par la violence du Temps qui dévore tout;
mais Louise Labé, nourrie dans le sein emmiellé de Vénus et des Amours, nous les a restituées. ( ... ) Abandonnée par lui (Phaon), elle s'est mise,
la malheureuse, à mcouler un chant pénétrant sur les cordes de
sa lyre:
et, par ses poésies mêmes, la voilà qui enfonce fortement
l'aiguillon de la passion dans les jeunes coeurs rebelles.[682]
Rigolot conclut que la passion pour Phaon est réinvestie, par l'auteur de la
louange, et projetée sur les lecteurs des Euvres. La fonction phatique de l'acte
poétique recouvre alors sa pUissance:
Le chant de Louise Labé ( ... ) n'est pas réputé pénétrant par métaphore ( ... ); c'est littéralement '.Je le poète "enfonce l'aiguillon de la passion" ( ... ) dans le coeur des jeunes gens les plus rebelles à l'amour ( ... ) [683]
215
De la passion premiè,'e de la poétesse lesbienne, point mot. Seuls ses vers et
Phaon survivront.
Le survol de la fortune des odes d'Anacréon et de Sappho permet d'identifier
un brouillage effectué par les traductions des textes grecs ou des versions latines,
parfois en travestissant les genres, parfois en exprimant une contingence morale.
Le désir de respecter l'art des Anciens demeure cependant bien vivant. L'intérêt
pour l'Antiquité a probablement assuré l'existence de versions peu censurées qui
ont survécu en s'affublant d'un mea cu/pa ou de quelques ajouts moralisateurs.
Les odes anacréontiques et saphiques Influencèrent un plus grand nombre
d'oeuvres de la Renaissance qu'on ne le présumait. L'expression littéraire du désir
et de l'amour entre individus du même sexe n'interdisait donc pas, au contraire,
sa récupération par les poètes de la Renaissance. Correction de la symbolique de
certains mythes, travestissemt:nt des destinataires, excuses directement adressées
au lecteur de s'être penché sur des passages "deshonnestes", ce sont là des
procédés qui facilitèrent leur passage au monde littéraire chrétien.
* * *
La littérature latine offre aussi des images qui ne purent vraisemblablement
être traduites sans nécessiter des transformations. Nous analyserons un de ces
exemples, soit la seconde églogue des Bucoliques.
L\!: premiers vers de Virgile présentent la passion du berger Corydon:
Formosum pastor Corydon ardebat Alexim, delicias domini: nec quid speraret habebat.(684]
Une édition de 1543 publiée par Lois Grandin donne:
L'humble bergier corydon aimoit fort Un Alexis, bel enfant, le confort, De son Seigneur: son soulas, sa plaisance: Sans nul espoir d'en avoir joissance.(685]
En 1555,on tradUit ainsi:
t
.'
Le pastoureau Corydon ardamment Alexis beau aimoit, l'ebatement De son signeur, jaçoit qu'il n'avait pOint, Dont espérast Jouir d'amour a pOlnt.[6861
216
Puis, en 1621, Pierre de Marcassus choisit l'image baroque du feu de la passion.
Le berger Coridon souspirOit dans la flame, Dont le bel AlexIs allOit bruslant son ame Alexis le mignon, et l'unique plaisir Dont son malstre flatOit son plus
ardent desir.[687]
Donc, si des variantes apparaissent, le sens n'est pas résolument modifié.
Nous pouvons identifier des clefs qui favorisent l'ambiguïté. Le terme "mignon",
en 1621, fait basculer le sens du côté de l'amitié. Mais comparons un autre
passage:
Torua leaena lupum seqUitur, lupus ipse capellam; florentem cytisum sequitur lasciva capella, te Corydon, 0 Alexi: trahit sua quemque
uoluptas.[688]
D'abord, l'édition de 1543:
La lionne aspre, et de felonne face Chasse le loup: le loup mesme pourchasse La chievre saffre: et la chlevre aime, et suit Le treffle en fleur: Corydon te poursuit o AlexIs' et rien plus ne desire. Sa volupté chascun requiert, et tire.[6891
celle de 1555:
Leonne aiant' iëus tors, le lou poursuit, Le lou la chiévre, et chévre petulante Du Cytison SUit la fleur odorante: Et Corydon te suyt, ô AleXIS: Chaque est tiré, ou son coeur est assis. [690]
et, finalement, celle de 1621.
Tousjours apres le Loup la Lyonne est ardente, Pour la Chèvre le Loup, sans cesse se tourmente; La Chevre suit sans fm le f1eury Cityson: Coridon d'un desir qUi charme sa raison, Court apres Alexis pour sa blancheur extreme, Chascun est entreiné par le subJect
qu'II ayme.[691]
t 217
Les images de la .:»assion amoureuse ne varient donc que peu d'urie version à
l'autre. Evidemment, voluptas n'est pas traduit de façon identique, et l'amour ou
le coeur laissent croire à une amitié profonde.
La fin de l'églogue, autre morceau de bravoure, est semblable dans les quatre
cas: Corydon se console en pensant que d'autres Alexis existent. L'édition de
162' inverse cependant les rôles (actif/passif) et "promet" au sujet de devenir un
jour l'objet d'amour d'un AleXIS:
Si tu es d'Alexis maintenant mesprisé, Tu seras quelque jour d'un autre courtisé.[692)
Les Bucoliques ne subissent donc pas le phénomène de travestissement déjà
rencontré dans les poéSies d'Anacréon ou de Sappho. En fait, l'oeuvre latine avait
liés tôt engendré un mode de lecture allégorique issu d'une vulgate et des
interprétations d'humanistes italiens:
Les commentaires aux bucoliques virglliennes qui ont pour source la vulgate de Servius et, plus encore, les gloses des humanistes italiens répandent la conception de l'églogue allégorique où la fable pastorale se superpose à des affaires concernant les citadins.[693]
Dans le cas bien précis de la seconde églogue, u ne traduction de 1516
effectuée par Michel Guillaume livre un "Virgile à clé":
( ... ) si Corydon cache Virgile, Alexis pourrait figurer plusieurs personnages au choix: César (Auguste), l'esclave Alexandre, Lerias, ou Sebetes. Mais Guillaume Michel pense qu'en réalité cette complainte amoureuse ne serait qu'une supplique de l'auteur à Auguste pour qu'on lui rende ses terres.[694]
Virgile n'était évidemment pas un auteur de second ordre: on le lisait et le
commentait dans les collèges, et les multiples éditions le rendaient accessible à
un grand nombre d'mdividus. Le "Virgile à clé" devenait alors un moyen efficace
de canaliser les interprétations d'un texte largement diffusé. D'ailleurs, si nous
regardons de plus près les traductions que nous avons consultées, une certaine
lecture allégonque est proposée:
:
Allégoriquement par Corydon ICI nous entendons Virgile, qUI éperdument aimoit un Jeune enfant nommé Alexander. Alexis selon aucuns signifie, sans diction, c'est a dire, sans response" plutost toutefois est dit du verbe Grec ( ... ) qUI signifie, reslster.
Lés amoureus sont tant Inconstans, qU'Ils contemnet lés choses presentes, et desirent celles, qu'ils ne peuvent obtemr Pourtant dit Ausomus. hanc volo, quae non vult, quae vult ego nolo: Je vuell celle, qui ne me veut: je ne vueil celle, qUI me veut.[695]
218
Le traducteur n'est pas embarrassé par la relation de Virgile et du jeune
Alexandre. Les leçons qu'il tire de l'églogue s'appliquent néanmOinS au couple
composé d'un homme et d'une femme comme si, par magie, le temps séparant
Virgile du monde chrétien de la révélation impliquait une transformation des lois
amou reuses.
Un second commentaire va dans le même sens, alors que le sUjet lyrique
tente de se raisonner: "A, Corydon, Corydon, quell' folie/ D'Amour te prend, et en
sés retz te lie". L'Interprétation évoque ni plus ni moins un heu commun du mal
d'amour:
Parce qu'il montre, que le labeur est un remede contre Amour.[696]
* * *
Quelques oeuvres poétiques de la Renaissance ont abordé les thèmes des
amours entre individus de sexe identique. Pontus de Tyard a écnt 1'"Elégie pour
une dame enamourée d'une autre dame". Sous le couvert d'une passion qu'elle
sait impossible, le sujet lyrique expose les vertus de son sentiment. Deux
pnncipes la guident: l'Amour et l'honneur. L'homme ne salt s'aventurer sur ce
chemin, car son amour se moque le plus souvent de l'honneur de la dame:
L'homme aime la beauté et de l'honneur se nt, Plus la beauté luy plait, plus tast
l'honneur perit.[697]
Fuir l'homme afin de préserver l'honneur oriente la dame vers une forme nouvelle
et privilégiée d'amour:
Un Hercule à Nestor, Cherephon à Socrate, Un Hoppie à Dimante, ont seurement monstré,
Que l'Amour d'homme à homme entIer s'est rencontré: De l'Amou r d'homme à femme est la preuve si ample Qu'il ne m'est ja besoin d'en alleguer exemple: Mais d'une femme à femme, il ne se trouve encor Souz l'empire d'Amour un si
riche thresor[698]
219
Pourtant, le trésor recèle un grand désespOIr, puisque l'aimée ne répond pas aux
attentes amoureuses. Une rage saisit finalement le sujet lyrique qui, plutôt que
de se consumer de chagrin, fustige l'objet de ses désirs:
Tu puisses, d'un suject indigne consumée, Aimer languissamment, et n'estre point aimée.[699]
Il ne faut cependant pas crOIre que le thème abordé impliquait
nécessairement un ton plutôt sarcastique. Ronsard, en 1565, choisit la noblesse
des sentiments afin de mettre en scène une semblable passion:
Ce bien me vient (pour pOint n'en abuser) De la faveur dont il vous plaist m'user, Me cognoissant de beaucoup estre moindre: Mais vous daignez votre hautesse joindre A moy plus basse, affin que ce bon heur Me rendre egalle à vous par la faveur: C'est la raison pourquoy je vous dedie Mon sang, mon coeur, ma peinture,
et ma vie.[700]
Théodore de Bèze, dans un autre registre, exprime une affection partagée
entre son ami Audebert et son aimée Candide:
At est Candida sic avara, novi. Ut totum cu piat tenere Bezam; Sic Bezae est cupidus SUI Audebertus, Beza ut gestiat integro potiri: Amplector quoque si~ et hune et iIIam, Ut totus cupiam videre utrumque, Integrisque frui integer duobus. [70 1]
Certains critiques crurent parfois déceler dans cet épigramme l'expression d'une
préférence pour un jeune homme. L'éditeur Machard, au XIXe siècle, repousse
cette hypothèse et y voit plutôt l'expression vive d'un sentiment qu'il compare à
celui de Mme de Sévigné pour sa fille.
t 220
Un poète plus tardif fut également soupçonné d'être amant de Jeunes
hommes. Marc Papillon de Lasphrise, selon Jacqueline Boucher, expnmalt en
décrivant l'amant parfait ses propres goûts en matière amou reuse. [702] Nous
sommes un peu sceptique face au point de vue de J. Boucher. Pour nous. ces vers
complétaient le portrait de l'amante par celuI de l'amant, sans nécessairement
être révélateurs des sentiments de l'auteur. Michel LarlVlère, dans son anthologie
de l'homosexualité dans la littérature, Cite également des stances de la Délice
d'amour qUI auraient été publiées après la mort du poète, dans l'édition de 1599
des Premières oeuvres poétIques.
Je veux qu'en plUSieurs lieux mon ami soit ombré D'un beau poil crépelu que je tiens pour sacré, Comme m'avant-courant le doux fruit que je cueille, Et principalement Je veux que son menton Aie un petit duvet d'un
blondoyant coton.[7031
Nous n'avons pas consulté cette seconde édition des PremIères oeuvres poétIques,
mais notre hésitation quant à l'interprétation Vient de l'ambiguïté du statut du
sujet lyrique. Il n'était pas rare, dans la poésie satirique, que le poète masculin se
masque ou laisse délibérément planer un doute sur la signification de ses propos.
Que dire alors d'une énigme comme la suivante, dont le Capitaine Lasphnse offre
plusieurs exemples?
Quand le long instrument entre en mon trou barbu, En langottant je souffle, et le remuant dru Je lasche quelque flux avec rumeur si doulce Que ,'on s'en resjouyst encores que
j'en tousse.[704]
L'explication, donnée par l'auteur, se lit comme suit:
C'est un homme qUI met une fluste dans sa bouche barbue tout autour, et faut que pour en bien joüer il remue soudainement les doigts, et ne se peut faire ainSI qu'en soufflant et langottant Il ne lasche de la salive. quiconque entend le doulx brUit et doulx son, se rejouyst· mais de la peine qu'a le Joüeur Il en tousse ordinairement. [705]
1
'.-"
221
Si nous poursuivons maintenant la lecture de la pièce choIsie par Larivière, alors
les images invoquées paraissent moins explicitement homosexuelles--et
notamment la figure du four qui désignait, dans la poésie priapique, les organes
génitaux féminins:
Oserai-Je oublier ce que Je veux surtout, Le fregon de mon four, bâton qui n'a qu'un bout, Mon mignon boute-feu de ma flamme amiable, L'ithyphalle gaillard qu'II ne faut amorcer, Qui sans caresse peut un monde caresser, De grandeur naturelle et de grosseur
semblable.[706]
Finalement, malgré nos doutes et le silence de Nerina Clerici Balmas [707] à ce
sujet, il se pourrait bien que le Capitaine SOit un des précurseurs des libertins.
Certains d'entre eux laissent ainsi penser que des courtisans faisaient bel et bien
profeSSion d'être -bougres· et sodomites. Dans "Contre un courtisan, satyre",
Berthelot ne semble néanmoins faire la différence entre un "bougre" passif, et le
sodomite qui abuse indifféremment des hommes et des femmes:
Je suis brave ganimède, QUI pUIS blesser sans remède Des ames un million; Roy des villes abysmées, J'ay les fesses couronnées De fleurs de satyricon.
Au lit, ainsi qu'à la guerre, D'une pique l'on m'enferre, Et si j'av cela de bon, Qu'en l'un ny en l'autre usage Jamais ne tourne visage Vers l'ennemy, ce dit-on. ( ... ) Fi d'honneur, fi de la guerre! Bacchus couronné d'un hierre, Venus tournée à l'envers, Sont les dieux que je veux suivre; Dessous leu rs loix je veux vivre, Les honorant dans mes vers.[708]
L
-,
222
Les passages de Bèze et de lasphnse inVitent à des hypothèses diverses. 1\ va
de soi que l'ambiguïté des allusions est favorisée par le genre satirique les
épigrammes de l'un et les stances de l'autre se prêtent bien à la polysémie.
l'interprétation homosexuelle parfOIs possible constitue une composante d'un Jeu
d'associations étonnantes.
"le "le -Ir * "le
Nous n'avons fait qu'aborder, dans la présente partie, une matière qUI
pourrait faire l'objet de recherches beaucoup plus approfondies. Nous nous
proposons d'ailleurs de poursUivre nos travaux en ce sens. Ainsi, les
travestissements de motifs amoureux antiques et les Interprétations allégonques
d'oeuvres largement diffusées devraient être comparés. La mise en texte ou
l'allégorie répondent certainement à des lOIs qUi structurent l'amitié et l'Eros à la
Renaissance. En amère-fond se profile une Imagologie fémmlne codifiée par la
poésie pétrarquiste et subissant de multiples Influences dont l'Anacréon et la
poésie saphique. Plus tard dans le Siècle, c'est la poéSie religieuse baroque qUi
ravivera un enjeu comparable au travestissement ou à l'esthétlsation en
sublimant les acquIs des symboliques amoureuses.
CONCLUSION
- 223 -
1 Grâce à l'imagologle, nous avons pu détermmer la nature des champs
lexicaux du sodomite et du "bougeron" à la Renaissance. Le sodomite, par
exemple, habitant d'un "lieu-fantasme", n'est pas nécessairement impliqué dans
un rapport homosexuel. le "bougre" accumule les sens: Il sera l'hérétique
(bulgare) ou le sodomite, parfois les deux à la fOIs. La "bougre rie" pou rra être
commise entre deux femmes selon Papon, et Soman a relevé son utilisation
comme synonyme de la bestialité. Les images que nous avons rencontrées,
procédant d'un même vocabulaire, possédaient également diverses charges
affectives.
l'étude du discours stigmatisant a révélé l'existence de constellations
d'images. Bien entendu, la sodomie et la bestialité conduisaient au bûcher. Nous
pourrions aSSimiler cet état de fait aux cas d'agression brutale contre des enfants
rapportés par l'Estoile. la condamnation en bonne et due forme s'atcompagne
cependant d'hésitations de la justice; la jUrisprudence Italienne était ainSI
beaucoup plus tolérante envers les Jeunes adultes ou certames catégOries de
citoyens. D'ailleurs, si l'on se fie aux procès tenus dans les pays méditerranéens,
un adoucissement possible du châtiment impliquait des interrogatoires très
élaborés: les circonstances du crime--à quel endroit le sperme avait-II été émiS? y
avait-il eu résistance de la part du patlent?··pouvaient sauver la vie de l'accusé.
La morale religieuse dictait un même ordre des choses. Attachés à organiser en
systèmes les péchés de luxure, les Pénitentiels se transformèrent peu à peu en
Manuels de confession. Il fallait traquer les actes et les pensées dangereuses qui
grouillaient sous l'appellation vague de mollit/es, en espérant que les ~
abominations décrites en latin n'avaient pas encore envahi le monde chrétien. les
traités catholiques de la fin du siècle font un large usage de procédés rhétOriques
afin de rendre les Images encore plus saiSissantes; l'oeuvre de BenedlCtl est
remarquable à cet égard.
. 224 -
Pourtant, les discours religieux et juridique, même s'ils brandissent
périodiquement la menace du châtiment des villes de la plaine, ne déterminent
pas entièrement l'utilisation des images d'actes et de vices contre nature. Ils
étaient bien ~iit(lndu à l'origine de scénariOS discursifs qui furent repris tout au
cours du siècle, mais les découvertes historiques nous laissent croire que la réalité
ne se résumait pas aussi simplement. En Italie, par exemple, certains groupe~
homosexuels ont pu survivre assez longtemps pour établir des codes sOCiaux.
Quant aux stéréotypes qui auraient alors pu se former, Montaigne et Léon
l'Africain en hvrent un assez vaste éventail--allant de l'efféminement à la
stigmatisation sociale--qui prouve leur possible mise en imaginaire à la
Renaissance.
L'affect dont parle Daniel-Henri pageaux et qui doit nous permettre d'isoler
les images suggestives s'est principalement manifesté dans les récits de voyage,
et dans ies libelles et pamphlets. La présence de catégories d'émotions surprend
néanmoins. D'abord, des images de ~marquage" apparaissent dans les récits de
voyage en Amérique: on note au passage que la sodomie est pratiquée dans telle
ou telle tribu. Les allusions effectuées par les libellistes dans les premières années
du règne de Henri 11\ procèdent d'un principe semblable, car le mode satirique
provoque le rire, et jette le ridicule. Le ton et l'effet se sont modifiés
diamétralement lorsque nous avons abordé les récits de voyage en Orient ou les
pamphlets des anrlées '587-9. 1\ faut préciser bien entendu que l'enjeu de ces
derniers écrits n'était pas le même. Oeuvres de combat, elles visaient à dénoncer
et à condamner les peuples musulmans trop belliqueux, ou à détrôner un
monarque. Par unp étrange coïncidence. ces sommets de la polémique recèlent
des caractéristiques du personnage homosexuel moderne: efféminement,
vêtements et particularités comportementales.
- 225 -
1
;
l'organisation des images recueillies dans les récits de voyage en Orient a
révélé de véritables complexes. l'allusion à la sodomie signifie alors bien plus
qu'une simple aCGlsation dénonçant une pratique sexuelle inhabituelle. Le rejet
par l'Occident chrétien de l'héritage gréco-romain s'exprime par cette vOIe. Nous
avons signalé à plusieurs reprises les ressemblances entre l'Eros des deux époques.
A la Renaissance, procès, jUrisprudence et écrits polémiques laissent croire à la
prédominance du modèle pédérastique. le lien conjugal répondait à une même
règle: l'homme était habituellement plus âgé que son épouse. Que dire
maintenant des amitiés profondes qui Unissaient les hommes, et dont l'âme des
femmes "( ... ) ne semble assez ferme pour soustenlr l'estreinte d'un neud SI presse
et si durable"?[709] la recherche de la noblesse du sentiment ne contraignait-elle
pas l'homme à se tourner vers un compagnon du même sexe? Paradoxe ou cause
profonde, la portion gênante des rapports intimes entre hommes est rejetée sur
les disciples de Mahomet. Ce déplacement s'avère symptomatique d'une
inquiétude,' Nous pénétrons maintenant dans l'envers du décor. où se situe la
fonction SOCiale de l'image. De nombreuses hypothèses peuvent alors expliquer
la mise en imaginaire: fermeté plus grande de la morale chrétienne qUI s'exprime
notamment par certaines condamnations des moeurs antiques, crainte de
l'assimilation aux nations païennes ou difficultés à discipliner les jeunes adultes.
Cette dernière source de malaise n'est pas la moindre, car nous savons que les
hommes, dans la plupart des pays européens, ne pouvaient fonder une famille
qu'à un âge relativement avancé et que la prostitution féminine était encouragée
dans certaines villes italiennes. Ternir l'Image de l'Autre aux moeurs
désordonnées permettait alors de contenir le SOI.
la polémique contre Henri III ne se développe pas différemment. Cette fOIS-CI
cependant, le jeu de repoussOIr de l'altérité se déroule à l'intérieur même du
- 226 -
1
"
royaume de Fran.:e. Les libellistes et pamphlétaires tenteïOflt donc de
transformer l'image du roi et de la cour de façon cette fois-ci à susciter un
sentiment populaire de rejet. Les racines italiennes et antiques des Images
tracées sont encore bien vivaces et l'enjeu consiste à Isoler le roi et son entourage
en les associant à des abominations. les condamnations amsi dingées contre le
pouvoir utilisent la dichotomie manichéenne du bien et du mal: les luttes
religieuses, les crises économiques qui secouent le royaume ne peuvent
s'expliquer que par les écarts moraux du souverai.,. Cette première étape
franchie, il ne s'agit alors que d'associer le plus grand nombre d'images du mal au
complexe. Des agglomérats de sens sont composés: le mignon en demeure le
plus bel exemple. L'efféminement du roi, la sodomie et les amours masculines se
superposent. La polémique se développe en empruntant à l'histoire des scénarios
hérétiques: la sorcellerie, dont on accuse Henri III et d'Espernon, l'histoire de
Gaverston ou encore l'hérésie albigeoise. Tous ces rapprochements se recoupent
selon le~ thèmes du non-conformisme religieux, des pratiques sataniques et des
actes contre nature. L'expression de la polémique laisse présager que l'affect est
moins lié à des tensions Issues d'une structure sociale problématique qu'à des
raisons politiques. L'impact laissé par de telles images s'est pourtant perpétué
au-delà de ces moments de trouble; son écho se retrouve dans certains écrits de
d'Aubigné et dans l'Isle des Hermaphrodites. Il faudrait certainement croire à une
crise plus globale touchant l'image du souverain et un mode de gouvernement,
ou, encore, à une transformation du privé qui s'effectue à l'exemple de
changements des moeurs aristocratiques italiennes. E. Le Roy Ladurie n'hésite
cependant pas à rappeler la ·poussée féministe" qui s'effectuait à la cour et les
tensions qu'elle suscita. Les attaques dirigées contre l'efféminement et contre la
"mollesse" de Henri III seraient le résultat du mécontentement provoqué chez les
tenants de l'ordre des choses issu du "Mâle Moyen Age".
- 227-
1
.,
Les premières générations de représentations du rOI et des miltnons ne
procédaient pas d'une émotion tragique aussI intense. Ainsi, des Images au ton
ironique qualifient de façon semblable les mignons, les tribades et les habitudes
peu honnêtes de certains Italiens. A la frontière des deux Siècles, elles côtOient la
facétie et l'obscénité. Le caractère pernicieux de~ pOintes d'ironte ne dOit
cependant être sous-estimé. Brantôme salt qu'un homme d'honneur risque gros
s'il est soupçonné. L'équilibre entre le me et la condamnation demeure donc
précaire, et des figures satellites de la sodomie héritent de l'ambiguïté la plus
totale. L'hermaphrodisme, l'androgynie et le travestissement, parfOIS gages de
prodiges ou de synthèse cosmique, cachent ou symbolisent le vice, le complot,
l'effritement des moeurs. L'anthropophagie analysée par Frank Lestnngant tombe
également sous les restrictions religieuses, mais la violence avec laquelle elle
s'exprime rappelle les valeurs de l'aristocratie. En revanche, l'hermaphrodisme
tend à se confondre avec une féminisation des rapports entre hommes que les
mentalités condamnent désormais. Son entrée dans l'univers médical ne
constitue qu'une nouvelle tentative de contrôler les frontières du masculin et du
féminin, de la CUriosité et du monstrueux. La femme et la tribade partagent cette
situation liminale, f~ntre la satire et la condamnation. SI l'oeil de l'homme
s'attache à décrire la wfricarelle~, il s'y emplOiera avec minutie. Objet de
voyeurisme si elles s'ébattent comme des "belettes", les femmes qUI se
travestissent seront cependant sévèrement punies.
L'imagologie nous a donc permis de saisir les principes ordonnateurs des
allusions homosexuelles dans la seconde moitié du XVIe siècle et au début du
XVIIe siècle. Bien plus qu'un simple répertOire d'Images, nous avons finalement
recueilli les manifestations de stéréotypes et de scénarios, s'organisant parfOIS
autour de mots et de lieux-fantasmes. En recherchant les réseaux qUI
- 228 -
-1
r
Impliquaient les afftcts les plus grands, nous avons également décol.lvert que les
associations des images du "sodomicque" et du "bougeron" à l'hérésie, à la
cruauté ou à des pratiques diaboliques cachaient des angOisses profondes de la
société chrétienne. la vigueur des discours religieux et juridique de l'époque, qui
tire sa puissance des préoccupations des Réformes protestante et post-tridentine,
a provoqué l'accélération des mises en image de la sodomie. le discours médical
du XVIIe siècle a repris à son compte cette volonté de surveiller, de rendre justice.
les images, les réseaux et les scénarios dont nous avons traité dans la
présente thèse ne c:onstituent évidemment pas la totalité des procédés de mise en
texte qui ont pu s'effectuer. la nouvelle et le roman, par exemple, pourraient
nous permettre de parfaire nos hypothèses. Finalement, la poursuite de nos
analyses des lectures allégoriques et des travestissements d'oeuvres littéraires de
l'Antiquité fournira de nouveaux indices quant au rôle des thèmes et des motifs
de la pédérastie et du saphisme dans le discours amoureux et la perception de
l'aimée à la Renaissance.
- 229 -
•
-"
NOTES
- 230-
[1] Mary Mclntosh, "The Homosexual Role", in The Making of the Modern
Homosexual, Totowa, N.J.: Barnes & Noble Books, 1981, p. 30-43. La version
originale fut publiée en 1968.
[2] David Greenberg, The Construction of Homosexuality, Chicago & London:
University of Chicago Press, 1988, p. 3.
[3] Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique. Paris: Gallimard, 1972,
p.l02.
[4] Félix Buffière, Eros adolescent, La Pédérastie dans la Grèce antique, Paris: Les
Belles Lettres, 1980, p. 555.
[5] Ibid., p. 50.
[6] Ibid., p. 198.
[7] Ibid., p. 617.
[8] Bernard Sergent, L'Homosexualité initiatique dans l'Europe ancienne, Paris:
payot, 1986, p. 9.
[9] Ibid., p. 22.
[10] Geneviève Pastre, Athènes et "Ie péril saphique", homosexualité femmine et
Grèce ancienne, tome l, Paris: Les Mots à la bouche, (les Octaviennes),
1987, p. 95.
[11] K.J Dover, Greek Homosexuality, London: Duckworth, 1978, p. 198.
[12] Bernard Sergent, L'Homosexualité initiatique dans l'Europe antique, p. 104.
[13] Ibid., p. 72.
[14] K.j. Dover, Greek Homosexuality, p. 73.
[15] Bernard Sergent, L'Homosexualité initiatique, p. 102.
[16] Ibid., p. 132.
[17] Dover, Greek Homosexuality, p. 162.
[18] Paul Veyne, "L'Empire romain", in Histoire de la vie privée, t. l, Paris: Seuil,
1985, p. 89.
- 231 -
[19] Paul Veyne, "L'Homosexualité à Rome", CommunicatIOns no 35, SexualItes
OCCIdentales, Paris: Seuil (POints), 1982, p. 45.
[20] John Boswell, ChYlstlanlty, Social Tolerance, and Homosexuality, ChICago et
Londres: The University of Chicago Press, 1980, p. 74.
[21] Paul Veyne, "L'Homosexuallté à Rome", p. 45.
[22] Paul Veyne, "L'Empire romain", in HistOire de la vie privee, p. 176.
[23] Ibid., p. 176. (C'est-à-dire à ne rien se refuser et à se croire tout permis.)
[24] Ibid., p. 176.
[25] Ibid., p. 197.
[26] Ibid., p. 197.
[27] Paul Veyne, "L'Homosexualité à Rome", p. 44.
[28] Philippe Ariès, "Saint Paul et la chair''', Communications 35, Sexualités
occidentales, Paris: Seuil, (Coll. Points), 1982, p. 52.
[29] Ibid., p. 53.
[30] Ibid., p. 53.
[31] Ibid., p. 54.
[32] Peter Brown, "Antiquité tardive", Histoire de la vie pYlvée, t. l, p. 254.
[33] Ibid., p. 252.
[34] Philippe Ariès, "Saint Paul et la chair", p. 55.
[35] Gerald Herman, "The 'Sin against nature' and its echoes in Medieval French
Literatu re", Annale Medievale, 17, 1976, p. 87.
[36] John Boswell, Christianity, Social Tolerance, and Homosexuallty, Chicago et
Londres: The University of Chicago Press, 1980, p. 251.
[37] Michel Rey, "Histoire: la fin des mythes", Masques, no spécial 25/26,
printemps-été 1985, p. 169-70.
[38] Georges Duby, "Convivialité, la vie pnvée dans les maisonnées
aristocratiques de la France féodale", ln Histoire de la vie privée, t. Il, Pans
- 232 -
(
(
[39]
[40]
[41 ]
[42]
[43]
[ 44]
(45]
[46]
Il47]
[48]
[49]
(50]
[51]
(52]
l'53]
154]
Seuil, 1985, p. 68.
Michael Goodich, The Unmentionable Vice' Homosexuality in the Later
Medieval Perlod, Santa Barbara, Oxford: ABC-Clio, 1979, p. XV.
John Boswell, Christlanity, Homosexualitv, and SOCIal Tolerance, p. 329.
Ibid., p. 269-70.
Michael Goodich, The Unmentionable Vice: Homosexuallty in the Later
Medieval Period, p. 7.
Jean Duvernoy, Le Catharisme, t. l, wla religion des Cathares", Toulouse:
Pnvat, 1986, p. 254.
Michael Goodich, The Unmentionable Vice, p. 9.
Claude Courouve, Vocabulaire de l'homosexualité, Paris: Payot, 1985, p. 70.
Vladimir Topentcharov, Bou/gres et Cathares. Deux brasiers une même
flamme, Paris: Seghers, 1971, p. 14.
François Rabelais, Gargantua, (édition Screech), Genève: Droz, 1970, p. 128
et 364.
FrançoIs Rabelais, Le Quart Livre, (édition Robert Maréchal), Genève. Droz,
1967, p. 293.
J. P. Couliano, Eros et magie à la Renaissance 1484, Paris: Flammarion,
1984, p. 36.
Robert lafont, "Catharisme et littérature occitane: la marque par
l'absence", in Les Cathares en Occitanie, Paris: Fayard, 1982, p. 370.
Denis de Rougemont, L'Amour et l'Occident, Paris: U.G.E., 1962, p. 91.
Ibid., p. 83.
Ibid., note 44, p. 83.
Christiane Marchello-Nizia, "Amour courtois, société masculine et figures du
pouvoir", Annales Economies, SOCiétés, Civilisations, no 6, nov.-déc. 1981, p.
977.
- 233 .
[55] Ibid., p.980.
[56] Ibid., p. 980.
[57] Georges Duby, "Que sait-on de l'amour en France au XIIe siècler, in Mâle
Moyen Age, Paris: Flammarion, 1988, p. 47.
[58) Ibid., p. 47-8.
[59] Pierre Guiraud, Le Jargon de Villon ou le Gai savoir de la coqUIlle, Paris.
Gallimard, 1968, p. 8.
[60] Ibid., p. 197.
[61] Pierre Guiraud, Le Testament de Villon ou le gai savoir de la Basoche. Pans:
Gallimard, 1970, p. 71.
[62] Claude Courouve, Vocabulaire de l'homosexualité masculine, p. 191.
[63] Ibid., p. 193.
[64] Ibid., p. 195.
[65] Maurice Lever, Les Bûchers de Sodome, Paris: Fayard, 1985, p. 17.
[66) Le Brun de la Rochette, Le Procès civil et criminel, Rouen: Calles, 1611.
[67] Maurice Lever, Les Bûchers de Sodome. p. 19.
[68] Arthur N. Gilbert, "Conceptions of Homosexuality and sodomy ln Western
History", The Gay Pa st, New York, Binghamton: Harnngton Park Press,
1985, p. 64 à 66.
[69] Jean Delumeau, La CiVIlIsation de la Renaissance, Paris: Arthaud, '967, p.
448-9.
[70] Jean-Louis Flandrin, Le Sexe et l'Occident, Paris: Seuil, 1981, p. 256.
[71] Jean-Louis Flandrin, Les Amours paysannes XVie-XVIIe siècles, Pans
Gallimard, 1975, p. 81.
[72] Philippe Ariès, "Réflexions sur l'histoire de l'homosexualité",
CommunicatIOns no 35. Sexualités occidentales, Paris: Seuil, (coll. POints),
1982, p.91-2.
- 234 -
[73] Guido Ruggierù, The Bounderies of Eros, Sex Crime and Sexua/ity in
Renaissance Venice, N.Y., Oxford: Oxford University Press, 1985, p. 137-8.
[74] Ibid., p. 127.
[75] Charles de la Roncière, "La Vie privée des notables toscans au seuil de la
Renaissance" in Histoire de la vie privée, t. Il, Paris: Seuil, 1985, p. 297.
[76] Ibid., p. 297.
[77] Richard C. Trexler, "la Prostitution florentine au XVe siècle", Annales
Economies, Sociétés, Civilisations, 36e année, no 6, nov-déc. 1981, p. 983.
[78]
( ... ) C'est pour mieux séduire les hommes que les femmes coupaient leurs cheveux à la mode masculine, le transvestisme féminin n'était qu'une autre forme de "sodomie".
Ibid., p. 995.
[79] Ibid., p. 995.
[80] Stephen O. Murray, "Homosexual Acts & Selves in Early Modern Europe",
Journal of Homosexuality, vol. 16, no 112, 1988, p.464.
[81] Alan Bray, Homosexuality in Renaissance England, London: Gaymen's Press,
1982, p. 1 14.
[82] Stephen O. Murray. "Homosexual Acts and Selves in Early Modern Europe",
p.465.
[83] James Saslow, "Homosexuality in the Renaissance: behavior, identity, and
artlstie expression" in Hidden from History, reclaiming the Gay and Lesbian
Post, New York: NAL Books, 1989, p. 91.
[84] Ibid., p. 99.
[85] Chaumeey, Dubermen, Vicinus, "Introduction", in Hidden from Hlstory,
reclalming the Gay and Lesbian Post, New York: NAL Books, 1989, p.S.
[86] Ibid., p.S.
- 235 -
--~----------
[87] John Boswell, "Revolutions, Universals, and Sexual Categories", m Hidden
(rom Hlst(}ry, p. 18.
[88] Ibid., p. 19.
[89] David Halperin, "Sex before Sexuality: Pederasty, Pohtics, and Power in
classical Athens", in Hidden (rom Hlstory, p. 52.
[90] Jean Mesnard, "Genèse d'une modernité", ln L'Automne de la Renaissance.
Paris: Vrin, 1981, p. 8.
[91] Charles Dejob, De l'influence du Concile de Trente. (Pans, 1884), Genève:
Slatkine Reprints, 1969, p. 198.
[92] Cf. Michel François, "La Réception du Concile en France sous Henn 111", m 1/
Concilia di Trento e la riforma tridentma, t. l, Rome: Herder, 1965, p.
[93]
383-401.
Dans l'optique de la Renaissance, il n'y a pas de profondeu r ou de plénitude sans obscurité. ( ... ) Ce prinCipe a plus ou moins été suivi, mais bien des oeuvres s'en inspirent Jusqu'en 1630: la Renaissance allait naturellement dans le sens de l'he rmétisme.
Jean Mesnard, "Genèse d'une modernité", m L'Automne de la Renaissance.
p.14.
[94] Daniel-Henri Pageaux, "Une Perspective d'études en littérature comparée:
l'imagene culturelle", Synthesis, no VIII, 1981, p. 169.
[95] Daniel-Henri pageaux, "Dix ans de recherches en littérature comparée"
L'Information littéraire, 32e année, no 4, 1980, p. 154.
[96] Daniel-Henri pageaux, "Une Perspective d'études en littérature comparée:
l'imagerie culturelle", p. 170.
[97] Claude Courouve, Vocabulaire de l'homosexualité, p. 59.
[98] Daniel-Henri Pageaux, "De l'imagene culturelle à l'imagmalre", ln Brunei et
Chevrel (pd.), Précis de littérature comparée, Pans P.U.F., 1989, p. 137.
- 236 -
t
l
[99} Colette GuillaulTlin, L'idéologie raciste, la Haye: Mouton, 1972, p. 25.
[100] Jean-Claude Margolin, "l'Europe dans le miroir du Nouveau Monde", ln La
ConsCIence européenne au XVe et au XVIe siècle, Paris: Ecole normale
supéneure deJeunes filles, no 22,1982, p. 237.
[10l} Tzvetan Todorov, La Conquête de l'Amérique, Paris: SeUil, 1982, p. 54.
(102) Daniel-Henri pageaux, "De l'imagerie culturelle à l'imaginaire", in Précis de
littérature comparée, p. 137.
[103] Daniel-Henri pageaux, "Une Perspective d'études en littérature comparée:
l'imagerie culturelle", p. 171.
[104] Daniel-Henri pageaux, "Image/imaglnaire", Europa und das nationale
Selbstverstandnis. /magologlsche Probleme in Llteratur, Kunst und Ku/tur
des 19. und 20. jahrhunderts, Bon n: Bouvier, 1988, p. 370.
[105] Ibid., p. 371.
[106] Ibid., p. 372.
[107) Ibid., p. 372.
[108] Ibid., p. 373.
[109] Ibid., p. 373.
[110] Ibid., p. 375.
[ 111] Ibid., p. 376.
[112} Ibid., p. 377.
[113] Metuchen, N.J.: The American Theological Library Association & The
Scarecrow Press Inc, 1981.
[114] 81hlia Sacra, cum Argumentis ad singula capita praefixis. & additionihus
marginariis, lugduni, 1540.
Sacra Vu/gata Editionis, Sixti V Pont. max. jussu recognita Et. Clementis VI/I
auctoritate edita, Albinum: loanis Theobaldi Schon Wetten & lacobi
Fischeri, 1609.
- 237 -
La Samcte Bible, en Francoys translatee selon la pure et entlere traduction
de samct Hierome, Anvers: Martin l'Empereur, 1530.
La Bible, QUI est toute la saincte EscYlptu re, contenant le vieil et le nouveau
Testament, s.1.. Robert Estienne, 1560.
La Saincte Bible selon l'Eaition vulgaire: Reveue par le commandement de
N.S. Père le Pape, Sixte V. Et impY/mée de /'authoYlté de Clement VIII, Lyon:
Claude Monllon, 1613.
[115] La Bible de Jérusalem, Paris: Cerf-Desclée de Brouwer, 1979, p. 29.
[116] Ibid., p. 28.
[11 7] La Samcte Bible, 1530, f. XCI vo.
[118] La Bible (Robert Estienne), 1560, f. 92 ro. et La Sainte Bible, 1613, p. 238.
[119] Blblla Sacra, 1540, f. LXI vo.
[120] Biblla Sacra, 1540, f. XLVII ro.
[121] Bible de Jérusalem, p. 255.
[122] La Bible, (Robert Estienne), f. 70 vo.
[123] La Bible, (Rober~ Estienne), f. 70 vo.
[124] La Bible, (Robert Estienne), 1560, f. 70 vo.
[12 S] Cf. La Bible de Jérusalem, 1979, p. 453, 454, 466 et 498.
[126] Sacra Vu Iga ta, 1609, p. 221.
[127] La Saincte Bible, 1530, f. LVIII ro.
[128] La Sainte Bible, 1613, p. 155. La version réformée donne a peu près la
même chose:
A cause de qûoy di-je Dieu les a abandonnez a leurs affections vilaines: car mesmes leurs femmes ont change l'usage naturel en celuy qui est contre nature. Et semblablement aussi les masles, delalssans le naturel usage de la femme, se sont eschauffez en leur concupiscence l'un envers l'autre, faisans masle avec masle choses mfames, et
- 238 -
1 recevans en eulx-mesmes la recompense d~ leur erreur telle qu'il fallolt.
La Bible. Robert Estienne. 1560, f. 57 ro.
[129] Cf. Première partie, chapitre 3.
[' 30] S. Thomas de Aquino, Summa theologiae, tomus tertius (11.1\), Ottawa:
Commissio piana. 1953, p. 2184b.
[ 1 31] Ibid., p. 21 84b.
[1 32] Ibid., p. 2185a.
[133] Ibid., p. 21 86a.
[134] Ibid., p. 2186a.
[135] Saint Augustin, Les Confessions, (Livre III), (labriolle, éd.), Paris: Les Belles
Lettres, 1977, p. 57. ~a traduction française donne:
Quand même tous les peuples imiteraient Sodome, ils tomberaient tous sous le coup de la même culpabilité, en vertu de la loi divine qui n'a pas fait les hommes pour user ainsi d'eux-mêmes.( ... ) Mais quand Dieu donne quelque ordre qui heurte des moeurs ou un pacte quelconque, la chose n'eût-elle jamais été faite en cet endroit, il faut la faire, et la renouveler si elle est tombée ~n désuétude. et l'instituer si elle ne l'a été déjà.
Ibid., p. 57.
[1 36] S. Thomas de Aquino. Summa theologiae, p. 2186a.
[137] Ibid., p. 2186a.
[1 38] Ibid., p. 2186a.
(139] Cf. Dictionnaire de théologie catholique, tome XII, première partie, article
·Pénitentiels· de G. le Bras, Paris: Letouzey et Ané, 1933, p. 1160-1179.
[140] Cf. CYrille Vogel, Le Pécheur et la pénitence au Moyen Age, Paris: Cerf, 1969.
[141] Ibid., p. 52.
[142] TOI enta: The University of Toronto Press, 1984.
[1431 Pierre J. Payer, Sex and the Penitenti.:J/s. The Deve/opment of a Sexual Code
550-1150, Toronto: University of Toronto Press, 1984, p.41.
- 239 -
[144] Ibid., "Appendix D", p. 136.
[145] Ibid., "Appendix D", p. 136.
[146] Pierre Mlchaud-Quantin, Sommes de casuistique et manuels de confessIOn
au Moyen Age (XII-XVI Siècles), louvain: Nauwelaerts, 1962, p. 69.
[147] jean Gerson, Tra/cte des dix commandemens de la loy fait par feu maistre
lehan Gerson, s.l., 1492, f. b.l ro et vo.
[ 1 48] Ibid., f. b.l vo.
[1 49] Ibid., f. b.l, vo.
[1 50] Ibid., f. b.ii, ro.
[1 51] jean Gerson, Le Confessional appele le directoire des confesseurs, Poictiers,
s.d., f. a.iii, ro.
[1 52] Ibid., f. a.iv, ro.
[153] Ibid., f. a.iv, ro.
[154] jean Gerson, L'Instruction des curez, Paris. André Roffet libraire, 1557, f. Il
vo et 12 ro.
[155] Ibid., f. 24 vo et 25 ro.
[1561 Cf. Pierre Michaud-Quantin, Sommes de casuistique et manuels de
confession au Moyen Age (XII-XVie Siècles), p. 106.
[157] Caietani, Peccatis Summula, Pans: Ex officina Claudij ChevalloniJ, ; 526, f.
272 ra.
[1 58] Ibid., f.. 526 ro.
{159] Terence Cave, Oevotlonal Poetry ln France c. 1570-1613, Cambridge' at the
University Press, 1969, p. 38.
[1601 Louys de Grenade, La Grande Guide des pecheurs, pour les acheminer a
vertu. En laquelle est tralcté fort amplement des beautez et grandes
richesse de la vertu, et ensemble du chemin qu'il faut suyvre pour l'obtenir,
Lyon: Pierre Rigaud, 1609, p. 754 à 757.
- 240-
[161] Ibid., p. 758.
[162] Ibid., p. 762 à 766.
[163] Emondo Augerio, Catechismus id est Catholica Christianae Inventutis
tnstltutlO, Pans: apud S. Nivellium, 1568, p. 120.
[164] Emond Auger, La Maniere d'ouir la Messe, avec devotion et fruict spirituel.
Ensemble la maniere de bien confesser ses pechez: et se disposer à recevoir
le corps de nostre SeIgneur, Paris: Nicolas Chesneau, 1571, f. E.i vo.
[165] Philippes Bosquier, Le foüet de /'academie des pecheurs, bastie sur la
famine du prodigue Evangelic, Arras: GUillaume de la Riviere, 1597, p.220.
[166} Azorio, Institutionum moralium, Rome: apud A. Zannettu m, 1611, p. 197.
[167] Ibid., p. 199.
[168] Ibid., p. 199.
[169] Benedicti, Traicte tres-utile aux ecclesiastiques, aux Prestres, Curez,
Confesseurs, Predicateurs et Penitens, Paris: Claude Chappelet, 1601, p.
141.
[170] Ibid., p. 160.
[171] Albert Gauthier, "La Sodomie dans le droit canonique médiéval", in
L'ErotIsme au Moyen Age, Montréal: Aurore, 1977, p. 121.
[172] Benedlcti, Traicte tres-utile aux ecclesiastiques, p. 160.
[173] Ibid., p. 160.
[174] Ibid.,p.160.
[175] Ibid., p. '60-161.
[176] Ibid., p. 161.
[177] Ibid., p. 1 54.
[178] Ibid. p. 154-5. l'astérisque renvoie aux épigrammes de Théodore de Bèze
en ces mots. "Theodor. Beza in Epigramma oestro libidinis percitus,
dimissa Candida, in Audeberti pueri amplexus impotenter rUIt."
- 241 -
• [179] Ibid., p. 392.
[180] 1 bid., p. 34.
[181] Cf. Michel Simonin, "Eros aux XVIe et XVIIe siècles: les limites du savoIr", lt1
Eros in Francia nel seicento, Paris: Nizet, 1987.
[i 82] Jean Eudes, Avertissemens aux confesseurs missIOnnaires, Caen: Pierre
Poisson, 1648, p. 128.
[183] Ibic!., p. 143 à 145.
[184] Ibid., p. 148.
[185] Ibid., p. 151-2.
[186] Daniel-Henri pageaux, "De l'Image rte culturelle à l'Imaginaire", ln Brunei et
Chevrel, Précis de littérature comparée. Paris: PUF. 1989, p. 138.
[187] Pseudonyme de Fernand Fleuret et lOUIS Perceau.
[188] Paris: Bibliothèque des cu rieux, 1920.
[189] Paris: Bibliothèque des cu rieux, 1920.
[190] Alfred Soman, "Pathologie hIstorique: le témOIgnage des procès de
bestialité aux XVie-XVIIe SIècles", ln La Faute, la répreSSIon et le pardon
Actes du IOle congrès national des SOCIétés savantes, Brest, 1982, Pans:
C.T.H.s., (section philologie et histoire jusqu'à 1610, tome 1). 1984, p. 152.
[191] Ibid., p. 161.
[192] Paris: Seuil, 1980.
[193] Alfred Soman, "les Procès de sorcellerte au Parlement de Pans
(1565-1640)", Annales E.S.C, no 4, JUIllet-août 1977, p. 791.
[194] Robert Mandrou, MagIstrats et sorcIers en France au XVIIe Siècle, Pans'
SeUIl, 1980, p. 152.
[195] Alfred Soman, '"Les Procès de sorcellerie au Parlement de Pans", p. 791.
[196] Ibid., p. 791.
[197] Ibid., p. 798.
- 242 -
[198] Ibid., p. 812.
[199] Ibid., p. 796.
[200] Environ 120 cas de sorcellerie pour une vingtaine de sodomie.
[201] Alfred Soman, "Pathologie historique: le témoignage des procès de
bestialité aux XVie-XVIIe siècles", p. 154.
[202] Ibid., p. 154.
[203] Ibid., p. 155.
[204] Ibid., p. 155.
[205] Ibid., p. 156.
[206] "Prosecution for homosexuality focused on two themes: anal intercourse
and its external simulation between the thighs of a passive partner", Guido
Ruggiero, The Boundanes of Eros. Sex Crime and Sexuality in Renaissance
Venice, N.Y., Oxford: Oxford University Press. 1985, p. 137.
[207] Cf. Partie l, chapitre 4.
[2081 Bartolomé Bennassar, "Le Modèle sexuel' L'Inquisition d'Aragon et la
répression des péchés "Abominables", in L'Inquisition espagnole XVe-XIXe
siècles, Paris: Hachette, 1979, p. 339-369.
[209] Ibid., p. 343.
[210] Bartolomé Bennassar, L 'Homme espagnol. Attitudes et mentalttés, Paris:
Hachette, 1975, p. 162.
[211] Ibid., p. 163-4.
[212] Ibid., p. 164.
[213] IBartolomé Bennassar, "Le Modèle sexuel: L'Inquisition d'Aragon et la
répression des péché "Abominables", p. 349.
[214] Ibid., p. 354.
[215] Ibid., p. 356.
[216] Le Saint-Office de Saragosse n'a jamais condamné à mort, en 1540 et 1580,
- 243 -
,-,
ni en 1595, un jeune homme de moins de v,"gt·c,"~ ans. Cf. Bennassar. "le
Modèle sexuel ( ... )", p. 361.
[217] Bartolomeo Bennassar, L 'Homme espagnol, p. J 66.
[218] Bennassar, "Le Modèle sexuel ( ... y, p. 349.
[219) Ibid., p. 363.
[220] Rafael Carrasco, InquislCÎon y represion sexual en Valencta. Historia de los
sodomitas (1565-1785), Barcelona: Laertes, 1985, p. 22-26.
[221 ] Ibid., p. 37.
[222] Ibid., p. 42.
[223] Ibid., p. 42.
[224] Ibid., p. 44.
[225] Ibid., p. 107.
[226] Bartolomé Bennassar, L'Homme espagnol, p. 159.
[227] Rafael Carrasco, Inquisicion y represion sexual en ValenCia, p.225.
[228] The Chaucer Review, vol. 6, no l, 1971, p. 44-63.
[229] Annales E.S.C, 2ge année, no 4, juillet-août 1974, p. 1023-1033.
[230] Ibid., p. 1024.
[231] Ibid., p. 1024.
[232] Ibid., p. 1024.
[233] Ibid., p. 1025.
[234] Ibid., p. 1030.
[235] Ibid., p. 1028.
[236] Maurice Lever, Les Bûchers de Sodome, Paris: Fayard. 1985, p. 35-36.
[237] M. Jousse, Traité de la Justice crtminelle de France, tome quatnème, Pans.
Debure, 1771, p. 118-9.
[238] Jean Papon, Recueil d'arrests notables des cours souveraines de France,
Genève: Jacques Stoer, 1648, p. J 256-7 .
. 244 -
1
" ..
[239] Ibid., p. 1257.
[240] Ibid., p. 1257.
[241 ] Ibid., p. 1258.
[242] Ibid., p. 1257.
[243] Ibid., p. 1 336.
[244] Ms. fr. 3952, f. 79 vo.
[245] "Arrest de la Cour de ParlementW, B.N.P. ms. fr. 3952, f. 79 vo.
[246] Jean de Coras, Resolutions de droiet, Paris: Jean Houzé, 1610, p. 299.
[247] Ibid., p. 302.
[248] Ibid., p. 303.
[249] Ibid., p. 131-2.
[250] Pierre Ayrault, L'Ordre, formalité et instruction judiciaire, dont les Anciens
Grecs et Romains ont usé és accusations publiques, Paris: Laurens Sonnius,
2e édition, 1598, p. 603.
[251) Josse de Damhoudere. La Practique et enchiridon des causes criminelles,
Louvain: Wauters et Bathen, 1555, p. 208.
[252] Ibid., p. 208.
[253] Le Brun de La Rochette, Pro ces civil et criminel, Rouen: Calle s, 1611, p. 13.
[254] Ibid., p. 39-40.
[255] Laurens Bouchel, La Bibliotheque ou thresor du droict francois, Paris: Denys
Langlois, 161 5, p. 498.
[256] Claude le Brun de la Rochette, Le Proces civil et crimmel, p. 40.
[257] Laurens Bouchel, La Bibliotheque ou thresor du droict francois, p. 1032.
[258] Damhoudere, La Practicque et ench",dion des causes criminelles, p. 209.
[259) Le Brun de la Rochette, Le Proces civil et criminel, p. 43.
[260] Ibid., p. 43 .
[261] Damhoudere, La Practieque des causes crlmmelles, p. 208-9.
- 245 -
[262] Ibid., p. 210.
[263] Bouchel, La BlbllOtheque cu thresor du drolct francois, p. 1032.
[264] Pans, Lyon: A. Storck et Cie, 1902
[265] Pauli Zacchiae, Questiones medico-Iegales, editio tertia, Amstelaedaml:
Joannis Blaeu, 1651, p. 260.
[266] Jean Delumeau, Le Péché et la peur, la culpabilisation en DcC/dent, Pans'
Fayard, 1983, p. 522-6.
[267] jean LiblS, Le Mythe de l'androgyne, Paris: Berg, 1980, p. 169.
[268] Ibid., p. '72.
[269) L'Histoire du Monde de C. Pline Second, livre l, Lyon: Claude Senneton, 1562,
p.197.
[270] Claude de Tesserant, HistOires prodigieuses de Claude de Tesserant
Parisien, ln HistOire prodigieuses de plusieurs fameux autheurs ( ... ), livre 2,
Anvers: Guislain lanssens, 1594, p. 294.
[271) Riolan, Discours sur les hermaphrodits, Paris: Pierre Ramier, 1614, p. 9.
[272] jean Céard, La Nature et les prodiges. l'insolite au XVIe siècle, Genève: Droz,
1977, p. XII.
[273] Ibid., p. 67.
[274] Ibid., p. 295.
[275] Ambroise Paré, Des Monstres et prodiges, édition critique de jean Céard,
Genève: Droz, 1971, p. 5.
[276] Ibid., p. 3.
[277] Ibid., p. 3.
[278] Ibid., p. 4.
[279] Ibid., p. 4.
[280] Ibid., p. 6.
[281] Ibid., p. 7-8.
- 246 -
1 [282] Boaistuau. Histoites prodigieuses. in Histoires prodigieuses de plUSieurs
fameux autheurs ( ... ) p. 275.
[283] Ambroise Paré, Des Monstres et prodiges, p. 153, (note de Jean Céard).
[284] Ibid., p. 25.
[285] Tesserant, Histoires prodigieuses, livre 2, p.289.
[286] Pline l'AnCien, L"llsto;re du Monde de C. Pline Second, premier tome, Lyon:
Claude Senneton, 1562, p. 253.
[287] Le Paulmler, Ambroise Paré d'après de nouveaux documents, Paris:
Charavay Frères, 1884, p. 230-l.
[288] Ambroise Paré, Des Monstres et prodiges, p. 30.
[289] Ibid., p. 26.
[290] Le Paulmier, Ambroise Paré d'après de nouveaux documents descouverts
[291]
aux archives nationales, p. 232.
Deux femmes se corrompans l' I.me l'autre ensemble sans mas le, sont punissables à la mort: et est ce delict bougrene. et contre nature. 1. foedissimam. in princip. selon l'une des lectures d'Accurs. C. de adulter. Cyn. tient ceste interpretation, et dit qu'il se trouve femmes tant abominables que elles suyvent de chaleur autres femmes, tout ainsi, ou plus, que l'homme la femme. Et de ce furent accusees Françoise de l'Estage, et Catherine de la Maniere. Contre elles y eust tesmoings: mais pour autant qu'ils estoyent valablement reprochés, l'on ne peut sur leur deposition les condamner à mort. Et seulement pour la graVité du dehct furent prinses les depositions pour indices, et sur ce lesdites femmes condamnees à la question par le Seneschal de Landes, et par arrest depuis eslargies.
Ambroise Paré. Des Monstres et prodiges. p. 163.
[292] Ibid., p. 68.
(293) Pline l'Ancien, L'Histoire du Monde de C. Pline Second, tome l, p. 256.
[294] Pierre Ronzeaud, L'Utopie hermaphrodite, la Terre australe connue, de
GabY/el de FOigny, Marseille: C.M.R., 1982, p. 32-3.
- 247-
[295] Riolan, Discours sur les Hermaphrodlts où Il est demonstré contre l'opmlOn
commune, qu'il n'y a point de vrays Hermaphrodits, Paris: Pierre Ramier,
1 6 1 4, p. 100.
[296] Jacques Duval, Des Hermaphrodits, Rouen: David Geuffroy, 1612, p. 65.
[297] Ibid., p. 67-8.
[298] Riolan, Discours sur les Hermaphrodites, p. 87.
[299] Ibid., p. 79-86.
[300] Ibid., p. 79.
[301 ] Ibid., p. 5.
[302] Ibid., p. 130.
[303] Ibid., p. 106.
[304] Ibid., p. 106.
[305] Ibid., p. 72.
[306] Ronzeaud, L'Utopie hermaphrodite, p. 22-3.
[307] Ceoffrey Atkinson, Les Nouveaux Horizons de la Renaissance française.
Paris: Droz, 1927. p. 11.
[308] Colette Guillaumin, L'Idéologie raciste, La Haye: Mouton, 1972, p. 15.
[309] Tzvetan Todorov, La Conquête de l'Amérique, Paris' SeUil, '982, p. 54.
[310] Ibid., p. 103.
[311] Jean-Claude Margolin, "l'Europe dans le miroir du Nouveau Monde", ln La
Conscience européenne au XVe et au XVIe siècle, Pans: Ecole Normale
Supérieure de Jeunes Filles, no 22, 1982. p. 237.
[312] Paulmier de Gonneville, Compagne du navire l'EspOIr de Honfleur, Genève:
Slatkine, 1971, p. 104.
[313] André Thevet, Les Smgularltez de la France Antarctique. (édition de 1558),
Paris: Le Temps, 1982, f. 31 vo et 32 ro.
[314] Geoffrey Atkinson, Les Nouveaux Hortzons de la Renaissance française, p.
- 248 -
("
63.
[315] Jean de Léry, Histoire d'un voyage faIt en terre du Brésil, (édition de j.-c.
Morisot), Paris: Droz, 1976, p. 1 14.
[316] André Thevet, Les SingulaYltez de la France Antarctique, f. 77 vo.
[31 7) Ibid., f. 145 vo.
[318} Ibid., f. 157 vo.
[319] Ibid., f. 1 19 vo.
[320] Jean de Léry, Histoire d'un voyage fait en terre du Brésil, p. 211 et 212.
[321] Ibid., p. 216.
[322) Ibid., p. 218.
[323) Ibid., p. 230.
[324) Jean de Léry, Au lendemain de la Saint-Barthélemy, Guerre civile et famine:
Histoire mémorable du Siège de Sancerre (1573) de Jean de Léry, (édition
de Géralde Nakam). Paris: Editions anthropos. 1975. p. 99.
[325) Ibid., p. 291.
[326] Frank Lestringant, "Calvinistes et cannibales; les Ecrits protestants sur le
Brésil français (1555-1560)", première partie. Bulletin de la Société de
l'histoire du protestantisme françaIs. tome CXXVI. avril, mai et juin 1980, p.
17.
[3271 Jean de Léry. Histoire d'un voyage .... p. 264 et 437.
[328) Ibid .• p. 264.
[329) André Thevet, La Cosmographie universelle, Paris: P. L'Huilier, 1 575. f. 933
ro.
[330) Ibid .• f. 954 vo.
[33 Il Ibid., f. 970 vo.
[332) Ibid., f. 974 ro.
[333) Ibid., f. 988 vo.
- 249 -
,-.
[334] Ibid., f. 997 ro.
[335] Ibid., f. 1003 ro.
[336] René de Laudonnière, L'histOire notable de la FloY/de située es Indes
Occidentales, s.l.: Conseil historique et héraldique de France, (réimpression
de ,'éditIOn de Paris de 1586), 1945, f. 5 ro.
[337] Marc Lescarbot, HistOire de la Nouvelle-France, livre 6. (édltlon de Pans,
1617), in Grant et Biggar, éd., The History of New France, vol. 3, Toronto:
The Champlain Society, 1914, p. 390.
[338] René de Laudonnière, L'Histoire notable de la FloY/de, f. 5 ra.
[339] Ibid., f. 69 vo.
[340] Marc Lescarbot, Histoire de la Nouvelle-France, p. 273.
[341] René de Laudonnière, L'Histoire notable de la FloY/de. f. 87 vo.
[342] Ibid., f. 44 vo.
[343] Cf. Walther von Wartburg, Franzosisches Etymologisches Worterbuch. t. 4,
Base\: Helbing et lichtenhahn, 1952, p.415.
[344] Cf. Edmond Huguet. Dictionnaire de la langue française du seiZième Siècle.
t. 2, Paris: Champion, 1932, p. 565.
[345] Illustrations en taille-douce par Théodore de Bry, d'après les dessins de
Jacques Le Moyne, qui a tout vu par lU/-même, m Voyages en Vlrgmie et en
Floride, (traduits du latin par l. Nmgler), Pans' Duchartre et van
Buggenhoudt, 1927.
[346] Theodora de Bry, Indorum floridam provinClam mhabotanvum elcones,
primùm ibidem ad Vlvum expressae à lacobo Le Moyne CUI cognomen De
Morgues. addita ad smgulas brevi earum dec/aratlOne. Francofortl ad
Moenum: Typis loannis Wecheli, Symtibus vero Theodori de Bry, 159',
planche XVII, f. C6.
La traduction française de Ningler donne:
- 250 -
1 Il Y a dans ce pays de nombreux hermaphrodites, participant des deux sexes et nés des Indiens eux-mêmes.
(Voyages en Virginie et en Floride, p. 261.)
[347] Alvar Nunes Cabeza de Vaca, La Re/acion 0 Naufraç}/os, (Favata et
Fernandez, ed.), Potomac, Maryland' Scripta Humanlstlca, 1986, p.98-9.
[348] FrançoIs Lopez de Gomara, HistOire generalle des Indes occidentales, et
terres neuves, Paris: Michel Sonnius, 1584, f. 61 vo.
[349] Barthelemy de Las Casas, Tyrannies et cruautez des Espagnols, Anvers:
François de Ravelenghlen, 1579, p. 153.
[350] Jean de Léry, HistOIre d'un voyage fait en la terre du Brésil. p. 234.
[351] André Thevet, La Cosmographie universelle, f. 932 vo.
[352] André Thevet, Les Slngularitez de la France Antarctique. f. 87 ra.
[353] Roger Lemome. L'Amérique et les Poètes français de la Renaissance,
Ottawa: Ed. de l'Université d'Ottawa, 1972, p. 21.
[354] Pierre de Ronsard, "Complainte contre fortune", Second livre des meslanges,
ln Oeuvres complètes, (Laumonnier), t. X, Paris: Oroz, 1939, p. 34.
[355] Michel de Montaigne, "Oes Coches', Les Essais, livre III. chap. VI, (Villey), t.
Il, Paris: PUF, 1978, p. 908-909.
[356] Frank Lestnngant, "Rage, fureur. folie cannibales: le Scythe et le Brésilien",
ln La Folie et le corps, Paris' Presses de l'Ecole normale supérieu re. 1985. p.
78.
[357] Guy Turbet-Delof, L'Afnque barbaresque dans la littérature française aux
XVIe et XVIIe siècles, Genève: Oroz. 1973. p. 40.
[358] Ibid., p. 90 à 99.
[359] Ibid .. p. 91.
[360] Rouillard, The Turk in French History thought and Literature (1520-1660),
Pans' Boivin et cie, 1941, p. 216-217.
[361] Ibid., p. 139.
- 251 -
1 [362] Pans: Claude de Manstr'oell et Jean Rlcher.
[363] Jacques de Villamant, Les Voyages du Seigneur de Vil/amont, Paris Claude
de Montr'aeil et Jean Richer, 1595, f. 28 ro.
[364] Ibid., f. 58 va et 59 ro.
[365] Ibid., f. 233 ro.
[3661 Ibid., f. 242 va.
[3671 Ibid., f. 243 ra.
[368] Guy Turbet-Delaf, L'Afrique barbaresque dans la littérature française. p.
92.
[369] Ibid., p. 93.
[370] Ibid., p. 95.
[371 ] Ibid., p. 97.
[372] Ibid., p. 98.
[373] Ibid., p. 98.
[374] Belleforest, L'Histoire universel/e, Paris' Gervais Mallot, 1570, f. tt.i ro.
[375] Mû nster, La Cosmographie universelle de tout le monde, (trad. de
Belleforest), Paris: Michel Sonnius, 1575, p. 25.
[376] Artus Thomas, "Le Triomphe et victOIre de la croix, contre les erreurs de
Mahomet", ln L'HistOire de la décadence de l'Empire grec et establissement
de celuy des Turcs, Paris: Veusve l'Angelier, 1620, p. 11.
[377] Ibid., p. 18.
[378] La Genealogie du grand turc, Lyon: Benoist Rigaud, 1570, f. 78 ra et vo.
[379] Chalcondyle l'Athénien, L'HistOire de la decadence de l'Empire grec, p. 270.
[380] Georgiewltz, Discours parenetique sur les choses turques, Lyon: Pierre
Rigaud, 1606, p. '0.
[381] Guillaume Postel, Des HistOires orientales, Paris: Hierasme de Marnef et
Guillaume Cavellat, 1575, p. 283-4.
·252 -
1 [382] Mùnster, Cosmographie Universelle, Bâle: Henry Pierre, 1556, p. 1209.
[383] Montaigne, Les Essais,!. III, chap. III, p. 826-7.
[384] Munster, Cosmographie, (Belleforest), p. 600.
[385] Guillaume Postel, De la Republique des Turcs, Poitiers: Enguilbert de
Mannef, '560, p.67.
[386] Guillaume Postel, Des Histoires orientales, p. 173.
[387] Belleforest, L'histoire universelle, f. 22 rOt
[388] Ibid., f. 65 rot
[389] Münster, La Cosmographie universelle, (Belleforest), p. 1730.
[390] Ibid., p. 1711.
[391] Nicolas de Nicolay, Les Navigations peregrinations et voyages, Anvers: G.
Silvius, 1576, p. 180.
[392] Chalcondyle Athénien, L'Histoire de la decadence de l'Empire grec,
commentaire de la planche no 22.
[393] Nicolas de NlColay, Les Navigations et voyages faiets en la Turquie, p. 191.
[394] Léon l'Africain, Hlstoriale description de l'Afrique, Lyon: Temporal, 1556, p.
157.
!395] Ibid., p. 166.
[396) Ibid., p. 135·6.
[397) L. Marmol, L'Afrique, (trad. de Nicolas Penot), Paris: louis Billaine, 1667, p.
161.
[398] Léon l'Africain, Historiale description de l'Afrique, p. 136.
[399] Ibid., p. 136.
[400] Mu nster, La Cosmographie universelle, (traduction de Belleforest), p.
1830-1.
[401] Nicolas de Nicolay, Les Navigations peregrinations et voyages, p. 110-1 11.
[402] Pierre de Bourdeille seigneur de Brantôme, Les Dames galantes, Paris:
- 253 -
Gallimard, (Folio), 1981, p. 191.
[403] Pierre de L'Estoile, "Introduction" de Louis-Raymond Lefèvre. Jouynal de
L'Estoile pour le règne de HenY/ III, (édition Lefèvre), Paris, Gallimard, 1943,
[404]
p.23.
En ces registres que j'appelle le magasin de mes cUriosités, on m'y verra, comme dit le sieur de Montaigne, en ses EssaiS. parlant de soi, tout nu, et tel que je suis, mon natu rel au Jour. mon âme libre et toute mienne, accoutumée à se condUIre a sa mode, non toutefois méchante ni maligne, mais trop portée à lJ .... ~ vaine cUriosité et liberté (dont je SUIS marri).
Ibid., p. 31.
[405] Ibid., p. 444, (févner 1586).
[406] Ibid., p. 576, (novembre 1588).
[407] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de HenY/ IV, (1601-1609), tome 2,
Paris: Gallimard, 1958, p. 64.
[408] Ibid., p. 45-6.
[409] Ibid., p. 62.
[410] Ibid., p. 62.
[41 1] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de HenY/ IV, (1 589-1600), tome l,
Paris: Gallimard, 1948, p. 547.
[ 4 1 2] 1 b Id., p. 558.
[413] Ibid., p. 200.
L'éditeur précise que le dicton signifie le prononcé de l'arrêt. Le plu~
souvent, la cour demandait au bourreau d'étrangler la victime avant qu'elle
ne sente le feu; ce ne fut vraisemblablement pas le cas ICI.
[414] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henri IV, t. Il, p. 34.
[415] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henri 11/, (Pie ces diverses, 1577),
p. 173 et 177.
- 254 -
•
.,'
(416] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henri IV, (1610-' 611), t. III,
Paris: Gallimard, 1960, p. 35.
[417] Michel de Montaigne, Journal de voyage, Pans: Gallimard, [coll. Folio], 1983,
p.220.
(41 8] Ibid., p. 220.
[419] Joachim Du Bellay, (sonnet 105) Les Regrets, (Screech) Paris: Droz, 1966, p.
178.
[420] Henri Estienne, Apologie pour Hérodote. (Paris, 1879), Genève: Slatkine
Reprints, 1969, p. 175.
(421] La France-Turquie, Orléans: Thibaut des Murs, '576, p. 40.
[422] Etienne Jodeile, "Sur Rome", Oeuvres complètes, t. 1 , (éd. de Enea Balmas),
Paris: Gallimard, 1965, p. 264.
[423] Brantôme, Les Dames galantes, [édition Lalanne], Paris: Gallimard, [coll.
Folio], 1981, p. 174.
[424] Ibid., p. 173.
[425] Ibid., p. 175.
[426] Brantôme, Discours sur les duels, in Oeuvres complètes, t. VI, Paris: Jules
Renouard, 1873, p. 289.
[427] Anne-Marie Cocula-Vaillières, Brantôme, amour et gloire au temps des
ValoIs, Paris' Albin Michel, 1986, p. 372-3.
[428] Brantôme, Oeuvres complètes, t. IV, (édition Lalanne), Paris: Jules
Renouard, 1868, p. 370.
[429] Ibid., p. 370.
[430) Brantôme, "Regrets sur la mort du duc d'Alençon", Les Dame5 galantes, p.
25.
[431] Ibid., p. 446 .
[432] Ibid .• p. 446.
- 255 -
A [ 433] Ibid., p. 174.
[434] Ibid., p. 188.
[435] Cf. Récits de voyage en Orient.
[436] Brantôme. Les Dames galantes. p. 188.
[437] Ibid .. p. 191.
[438] Ibid., p. 190.
[439] Ibid., p. 295.
[440] Michel de Montaigne, Journal de voyage en italie, p. 77.
[441] Ibid., p. 77.
[4421 Brantôme, Les Dames galantes, p. 192.
[443] Ibid., p. 195.
[444] Ibid., p. 195.
[445] Pierre de L'EstOIle, Journal pour le règne de HenYlIII, (Pièces diverses. 1585),
p.435.
[446] Brantôme, Les Dames galantes, p. 195-6.
[447] Ibid .. p. 193-4.
[448] Ibid., p. 197.
[449] Ibid., p. 197.
[450] Maunce Lever, Les Bûchers de Sodome, Paris: Fayard, 1985, p. 67.
[451] Ibid .• p. 98.
[452] Pierre Chevallier, HenYi III, rOI shakespearten, Pans' Fayard, 1985. p. 621.
[453] Pauline Smith, The Antl-Courtler Trend ln Sixteenth Century French
Llterature, Genève: Droz. 1966, p. 153.
[454) Jacqueline Boucher, "SoCIété et mentalités autour de Henri III", these,
Université de Lyon, 1977, p. 23.
[455] Ibid., p. 77.
[456] Ibid., p. 90.
- 256 -
t Et aussi Pierre de L'EstOile:
En ce temps, le roi commença de porter un bilboquet à la main, même allant par les rues, et s'en Jouait comme font les petits enfants.
Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henn III, p. 388. (août 1585)
[457] Jacqueline Boucher, "Société et mentalités autour de Henri III", p. 91.
[458] Ibid., p. 99.
[459] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henri III, p. 142. (février 1577)
[460] Jacqueline Boucher, ·Société et mentalités autour de Henri III", p. 100.
[461] Ibid., p. 616.
[462] Ibid., p. 200.
[463] Cf. Chevallier, Henri III, p. 421.
[464] Jacqueline Boucher, ·Sociétés et mentalités autour de Henri III", p. 1264.
[465] Emmanuel Le Roy Ladurie, L'Etat royal, Paris: Hachette, 1987, p. 236.
[466] Ibid., p. 239.
[467] Jacqueline Boucher, La Cour de HenY/ III, s.l.: Ouest-France. 1986, p. 169.
[4681 Jacque-Auguste de Thou, HIstoire universelle, t. X, Londres, 1734, 1. 96, p.
674.
[469] Ibid., p. 674.
[470] Satyres chrestlennes de la cuisine papale (Lyon: Conrad Badius, 1560),
Genève: Gustave Revilliod, 1857, p. 26.
[471] Henri Estienne entend. par péché contre nature, la bestialité.
[472] Henri Estienne, Apologie pour Hérodote. [édition de Paris, 1869], Genève:
Slatkine Reprints, 1969, p. 174. (La première édition de l'Apologie date de
1566).
Une note de l'éditeur fait observer que Casa, auteur d'un Capltolo dei
Forno dans lequel Il utilise l'allégorie du four afin de représenter l'acte
sexuel, ne fait qu'observer:
- 257 -
1 ( ... ) que certains mauvais garçons commencent à mépriser le four ordinaire, mais ne les loue pas ni ne se loue de les avoir quelquefois Imités. (Ibid.)
[473] Ibid., p. 176-177.
[474] Ibid., t. Il, p. 383.
[475] Ibid., t. Il, p. 383.
[476] Ibid., t. Il, p. 383-384.
[477] Ibid., t. Il, p. 27.
[478] Jean Hel'vez, Le BaIser, mIgnons et courtisanes au XVIe sIècle, Paris:
Bibliothèque des Curieux, 1924, p. 247.
[479] Le Cabinet du Roy de France, 5.1., 1581, p. 88.
[480] Ibid.,p.101 et 107.
[481] Ibid., p. 161.
[482] Ibid., p. 378.
[483] Hierosme Hermes Boisee, HIstoire de la vie. moeurs. actes. doctnne,
constance et mort de Jean Calvin. Jadis ministre de Genève, Lyon: Jean
Patrasson, 1577, p. 25 et 26.
[484] Ibid., p. 48.
[485] Henri Weber, "PoéSie polémique et satirique de la Réforme", ln A travers le
XVIe siècle, t. l, Paris: Nizet, 1985, p. 164.
[486] Pierre de L'Estoile, Journal po, fr te règne de Henri III, p. 455. OUlllet 1586)
[487] Jacqueline Boucher, "Culture des notables et mentalité populaire dans la
propagande qUI entraîna la chute de Henri III", ln Mouvements populaires
et conscience SOCiale, Paris: Maloine, 1985, p. 341.
[488] Pierre Chevallier, Henri III, p. 339.
[489] Ibid., p. 421.
[490] Ibid., p. 454.
[491] Ibid., p. 438.
- 258 -
1 [4921 Jacqueline Boucher, "Culture des notables et mentalité populaire dans la
propagande qUi entraîna la chute de Henri III", p. 341.
[4931 Ibid., p. 344.
[4941 Ibid., p. 347 et 348.
[495] Ibid., p. 346.
[496] Pierre de L'EstOile, journal pour le règne de Henri III, p. 45-6. (août 1574)
[497] Ibid., p. 89-90. (Pièces diverses, 1575). Cette pièce, traduite du latin dans le
texte de L'Estoile, comportait un jeu de mot: Gallos, en latin, signifie à la
fois coq et Français.
[498] Susanne Elizabeth Albrecht Haynie, "The image of Henry '" in
Contemporary French Pamphlets", thèse de doctorat, University of
Michigan, 1971, p. 44-45.
[499] Pierre Chevallier, Henri III, p. 219.
[500] Jacque-Auguc:;te de Thou, Histoire universelle, t. VII, Londres, 1734, 1. 64, p.
134.
[501] François Rabelais, Gargantua, Genève: Droz, 1970, p. 248.
[5021 Ibid., p. 292.
[503] Edmond Huguet, Dictionnaire de la langue française du seizième siècie, t. V,
Paris Didier, 1961, p. 265. (Extrait de Montchrestien, David, Avis au
lecteur, var., p. 304.
[504] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henri III, p. 122, (juillet 1576).
[SOS] Ibid., p. 122.
[506] Ibid., p. 154-5, "Les Mignons de l'an 1577", (octobre 1577).
[507] Ibid., p. 162, "Sonnet", (pièces diverses, 1577).
[508] Joachim Du Bellay, Les Regrets, Genève: Droz, 1966, p. 157.
[509] Ibid., p. 157.
[510] La mode des braguettes disparue pendant le règne de Henri III.
- 259 -
·,
[511] Henri Estienne. Deux DIalogues du nouveau langage françaIs Italian/le.
Genève. Slatkine. 1980, p. 207.
[512] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henri III. p. 200. ("Vaudeville sur
le combat des mignons', 1578, pièce 1).
[513] IbId., p. 201, (pièce V).
[514] Ibid., p. 201. (pièce V).
[515] Ibid., p. 202. (pièces diverses, 1578).
[516] Ibid., p. 187. (avril 1578).
[517] Desportes, Cartels et Masquarades, (édition V. Graham), Genève' Droz,
1958, p. 77.
[518] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henri III, p. 236. rA Salnt·Luc".
pièces diverses, 1 579).
[519] Agrippa d'Aubigné. Confession catholique du SIeur de Sancy, ln Oeuvres
complètes, (Weber), Paris: Gallimard, [coll. Pléiade], 1969, p. 605.
[520] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henrt 1/1. p. 284, (pièces
diverses, 1581).
[521] Ibid., p. 284, (pièces diverses, 1581)
[522] Ibid., p. 287, rPasquil courtisan·, pièces diverses, 1581).
[523] Ibid., p. 284.
[524] Ibid., p. 286, (pièces diverses, 158\).
[525] Ibid., p. 289.
[526] Ibid., p. 290, rla Frigarelle", 1581).
[527] Ibid., p. 290.
[528] Pierre de Ronsard, La Bouqutnade et autres gaIllardIses, (Fleuret et
Perceau), Paris Bibliothèque des Cuneux, 1921, [Pièce faussement attnbuée
à Ronsard, "Sonnets d'Estat" publiez à la cour en 1577·8J.
[529] Pierre de Ronsard, "Sur une médaille d'Antlnous", ln Oeuvres complètes, t.
. 260·
, 18, ptie 2, (laumonnier), Paris: Gallimard, 1967, p. 412.
[530] Ibid., p. 414.
[531] Ibid., p. 412-3.
[532] Ibid., p. 413.
[533] Pierre de Ronsard, "Trois sonnets de Ronsard", in Oeuvres complètes, t. 18,
ptie 2, p. 415, note 1.
[534] Ibid., p. 417.
[535] Ibid., p. 416.
[536] Ibid., p. 416-7.
[537] Agrippa d'Aubigné, "Princes", Les Tragiques, in Oeuvres, Paris: Gallimard,
[la Pléiade], 1969, p. 72.
[538] Ibid., p. 73.
[539] Agrippa d'Aubigné, Confession du Sieur de Sancy, in Oeuvres, p. 606.
[540] Ibid., p. 607.
[541] Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques, in Oeuvres, p. 73.
[542] Ibid., p. 85.
[543] Ibid., p. 89.
[544] Ibid., [introduction de Henri Weber], p. XIII.
[545] Gilbert Schrenck, 8L'lmage du Prince dans le Journal de Henri III de Pierre de
L'Estoile, ou l'enjeu d'une écriture", Travaux de linguistique et de
littérature, XXII, 2, 1981, p. 1 7.
[546] Ibid., p. 22.
[547]
Ultra Sauromatas fugere hinc libet et glacialem Oceanum, quotiens aliquid de moribus audent qui Curios simulant et Bacchanalia uiuunt
la traduction française donne.
Il me prend envie de m'enfuir d'ici par delà les Sarmates et l'Océan glaCial, toutes les fois qu'ils osent un mot sur les
- 261 -
moeurs. ceux qUI jouent Il, Curius et dont la vie est une bacchanale.
Juvénal, "Satura Il''. Satires. (Labnolle. Villeneuve et Gérard). Paris Les Belles
Lettres. 1983. p. 1 5.
[548] Ibid .• p. 18.
La version française donne:
Celui-là. à l'aide d'une aigUille oblique, allonge son sourCIl teint de noir de fumée humide. et il le peint en levant des yeux clignotants. Cet autre bOit dans un priape de verre et remplit, de ses cheveux énormes, une résille d'or, vêtu d'une étoffe à carreaux azurée ou d'un tissu lisse vert pâle. ( ... )
[549] Ibid, p. 28. (Satura III)
Traduction française
Ajoutez qu'II n'y a pour eux nen de sacré. rien qui SOit à l'abri de leur lubnClté, ni la mère de famille, ni la fille vierge encore, ni le fiancé Imberbe, nt le fils jusqu'alors mtact.
[550] Le Pamphlet en France au XVIe Siècle, (présentation de Robert Aulotte),
Pans' Ecole normale supéneure de Jeunes filles, 1983, p. 8.
[551] Ibid., (conclUSion de H. Carrier), p. 125.
[552] Ibid., Michel Péronnet, "Réactions d'un historien", p. 1 18.
[553] Denis Pallier, Recherches sur /'Imprtmerie à PartS pendant la LIgue
(1585-1594), Genève. Droz, 1976, p. 166.
[554] Les Propos lamentables de Henry de ValOIS, tirez de sa confessIon, par un
remords de conscience, qUI tousJours tourmente les mlserables, s.l., 1589,
(no 1612 du répertoire de Lindsay & Neu), p. 10.
[555] AvertIssement des nouvelles cruautés & Inhumanités, desse,gnees par le
Tyran de la France, s.l., 1589, (Lindsay & Neu, no 1391), p. 4.
[556] Les Regrets et complamtes de jean Vallette dIt Nogaret par la garce du Roy
Duc d'Espernon, grand ammal de France et bourgeoIs d'Angoulesme sur
son departement de la court, s.l., 1589, (Lindsay & Neu, no 1619), p. 4.
- 262 -
.. ' 1
(5571 Les Meurs humeurs et comportemens de Henry de Valois representez au
vray depuis sa naissance, s.l., 1589, (Newberry Library, no * 160), p. 89.
[558] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de /-IenYl 1/1, p. 657, (pièces
diverses, 1589).
[559] Les Meurs humeurs et comportemens de Henry de Valois, p. 4-5.
[560] Pline, L'Histoire du monde de C. Plme Second, t. \, Lyon: Claude Senneton,
1 562, p. 31 3.
[561] Ibid., p. 313.
[562] Ibid., p. 313.
(563] Introduction au facsimilé du manuscrit du Bestiarum Ashmole, Paris: Club
du livre, 1984, p. 72.
[564] Sylvain Lefèvre, nPolymorphisme et métamorphose, les mythes de la
naissance dans les bestiaires", Paris: collection de l'E.N.S.J.F., 1985, p. 240.
[565] Ibid.,p. 240.
[566] HistOire veYltoble de 10 plus grande partie de la vie de Henry de Valois,
jadis Roy de France, 5.1., 1589, (Lindsay & Neu, no 1542), p. 18.
[567] Henri Estienne, Deux Dialogues du nouveau langage françois italtanizé, p.
420.
[568] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henri IV, t. III, p. 504,
("Remonstrances aux Français sur les misères qu'ils souffrent").
[569] Les Meurs humeurs et comportemens de Henry de Valois. p. 120.
[570] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de HenYl 11/, p. 345. (pièces
dive rses, 1 583).
[571] Ibid.,p.345.
[572] Les Meurs humeurs et comportemens de Henry de Valois, p. 18.
[573] Effets espouventables de l'excommunication de Henry de Valois, et de
Henry de Navarre, s.l., 1589. (Lindsay & Neu, no 1479), p. 9-10.
- 263 -
(574] Repltque à /'antlgaverston, ou responce falcte à l'hIstoIre de Gaverston, par
le Duc d'Espernon, s.I., 1589, (Newberry Llbrary, no 180), p. 31.
[575] Histoire tragIque et memorable de PIerre de Gaverston, s.I., 1588,
(Newberry Library, no 183), p. 23.
[576] IbId., p. 30.
(577] Ibid., p. 30.
[578] Les Meurs humeurs et comportemens de Henry de ValOIs, p. 117.
[579] La Vie et faits notables de Henry de ValOIs, 5.1., 1589, (Lindsay & Neu, no
1663), p. 52.
[580] Ibid.
[581] Ibid.
[582] Complainte de la France sur les demeYltes de Jean Louys de Nogaret, s.I.,
1588, (Lindsay & Neu, no 1231), p. 3.
[583] Les SorceleYies de Henry de Valois, et les oblatIOns qu'il faisolt au dIable
dans le bois de Vincennes, s.I., 1589, (Lmdsay & Neu, no 1653), p. 6.
[584] DescriptIon de l'homme politIque de ce temps avec sa {oy et reIifJlOn, 5.1.,
1588, (Lindsay & Neu, no 1237), p. 8-9.
[585] Pierre de L'Estoile, Journal pour le règne de Henri III, ·Plèces diverses",
"Bibliothèque de Madame de Montpensier", (1587), p. 534-6.
[5861 Lettre d'un gentil-homme Cathollcque Apostollcque et Romain et vray
FrançoIs et fldelle serviteur du Roy à ung sien Amy sur /'hlsto/Ye de Pierre
de Gaverston nouvellement mis en lumlere par l'Archevesque de Lyon à la
Requeste de ceux de la ligue, s.I., 1588, (Lindsay & Neu, no 1328), f. A.IV.
[587] Ibid., f. A.v.
[588] Ibid., f. S.li.
[589] Repltque à l'Antlgaverston, ou responce falcte à l'hIstoire de Gaverston, par
le Duc d'Espernon, s.l., J 588, (Newberry Library, no 180), p. 7.
- 264 -
r
(590] Pierre Chevallie:-, Henri III, p. 416. Pauline Smith est du même aVIS, cf. The
Antl-Courtler Trend in S,xteenth Century French Literature, p. 193.
[591] L'Isle des Hermaphrodites, s.d. n.l., p.36. (Nous citons l'exemplaire de la
B.N.P. catalogué: lb 34 806.)
[592] Ibid., p. 88.
[593] Ibid., p. 58.
[594] Ibid., p. 103.
[595] Ibid., p. 1 76-7.
[596] Pierre de l'Estoile, Journal pour le règne de Henri IV, t.lI, p. 165, (avnl
1605).
[597] Ibid., p. 165.
[598] Michel Simonin, "Eros aux XVIe et XVIIe siècles: les limites du savoir", in
Quaderni dei Seicento Francese, no 8. Paris: Nizet, 1987, p. 29.
[599] Ibid., p. 29.
[600] Réforme, Humamsme et Renaissance, no 7,1978, p. 97-103.
[601] Etienne Jodelle, "Contre la Riere-VenusN, Oeuvres complètes, t. Il, Paris:
Gallimard, 1968, p. 345.
[602] Ibid., p. 481.
[603] Ibid., p. 482.
[604] Ibid., p. 350.
[605] Ibid., p. 350.
[606] Sigogne, "Mespris", Les Oeuvres satyriques du Sieur de Sigogne, (Fleuret et
Perceau), Paris: Bibliothèque des Curieux, 1920, p. 73. (On retrouve la
première mention anonyme de cette pièce dans les Muses gaillardes,
1609.)
[607] Ibid., p. 74.
[608] Ibid., p. 74.
- 265 -
[609] Mathurin Régnier. "Contre les sodomites". Le Cabinet secret du Parnasse.
(LouIs Perceau), Paris Au Cabinet du livre. 1930. p. 36. L'éditeur indIque
que le sonnet fut publié en 1622 dans la QUintessence Satynque.
[610] Pierre de Loyer. "Ode de l'Invention grecque". In Les Amoureu>.
Passe-temps. Paris: éditions Montaigne, '925, p. 99.
[6' 1] Michel de Montaigne, "Apologie de Raimond Sebond". Les EssaIS. (pIerre
Villey), livre Il, chap. XII, Paris' PUF, '978, p. 472.
[6' 2] F. de Maynard, Priapées, XXII! (1), in Cabinet secret du Parnasse, Pans
Cabinet du livre, 1928, p. 129-' 30. (Tiré d'un Ms. de l'Arsenal; n.d.I'é.)
[6' 31 Ibid., "Priapées médites", p. '73, (Tiré d'un manuscrit de Toulouse; n.d.l'é.).
[614] liA une damoiselle françoise qui aymolt un Italien". Les Muses Incognues,
Paris: Jules Gay, 1862, p. 49. (Tiré d'un manuscrit de l'Arsenal. n.d.l'é.)
[6' 5] Marc Papillon de Lasphrise, L'Amour paSSIOnnée de NoémIe. In Les Amours
de Théophile et l'Amour passionnée de NoémIe, (édition critique de
M.M.Callaghan), Genève: Oroz, '979, p. 403. (Le poème était Cité par
Marcel Coulon, La Poésie priapique au XVIe SIècle, Pans éd. du Trianon,
'933, p. 156.)
[6' 6] Sieur de B., "Epigramme\ Le Cabinet sa tynque, t. l, (Fleuret et Perceau),
[reproduction de t'édition de 1618], Paris: Librairie du Bon Vieux Temps,
'924. p.223.
[617] Régnier, "Epigramme", Le Cabinet satyrique, p. 226.
[618] Frédéric Lachèvre, Le Procès du poète Théophile de VIau, t. Il, Pans' Honoré
Champion, 1909, p. 393-4.
[619] Frédénc Lachèvre, Le Procès du poète ThéophIle de VIau. t. 1. Pans: Honoré
Champion, '909, p. '76-7.
[620] Ibid., p. '77.
[621] Jean Delumeau, La Peur en Occident, Paris. Fayard, 1978, p. 171.
- 266 -
1
[622] Jean Céard et Hugues Neveux. "Le Monde à l'empire", chap. XIV de: Les
Malheurs du temps. (Delumeau et Lequln. éd.). Pans: Larousse, 1987, p.
273.
[623] Marslle Ficin, CommentaIre sur le Banquet de Platon, (Marcel Raymond,
éd.), Paris: Les Belles lettres, 1978, p. 155.
La traduction française se lit comme suit:
Dès lors, qu'est-ce que Pausanias critique dans l'Amour? Eh bien! Je vais vous le dire. 5\ quelqu'un plus porté à la génération abandonne la contemplation, s'II cherche cette génération avec des femmes par des moyens anormaux ou avec des hommes contre l'ordre de la natu re, s'il préfère la beauté du corps à la beauté de l'âme, celui-là, en vérité, abuse de la dignité de l'Amour. VOilà l'abus de l'Amour que condamne Pausanias. (p. 155)
[624] Platon, Le Banquet, ln Oeuvres complètes, t. IV, 2e partie, Pans: Les Belles
lettres, 1962, p. 16, 181 e.
[625] C'est-à-dire 181b à 181e.
[626] Platon, Le Banquet, !'l. 16, 181 d.
[627] FiCln, CommentaIre sur le Banquet de Platon, p. 144.
Traduction française:
( ... ) le troisième, celuI d'un homme pour un autre homme, comme 1 de Patrocle pour Achille, nous montrant ainsi que .~n ne peut rendre les hommes plus courageux que l'ArT'our. MaiS il n'est pas présentement de notre intention de rechercher le sens de l'allégOrie d'Alceste ou d'Orphée. De tels faits montrent encore plus brutalement la force et l'empire de l'Amour quand ils sont rapportés comme des histOires vécues, que lorsqu'on les traite comme des allégories. (p. 144)
[628] Ibid .. p. 229.
La traduction française
Les premiers aiment naturellement les hommes encore adolescents. plutôt que les femmes ou les enfants, parce qu'en eux domine la pénétration de l'Intelligence qUI, en raison de l'excellence de sa beauté, est beaucoup plus apte à recevOIr la diSCipline qu'ils désirent engendrer. (p. 229)
[629] Ibid., p. 229.
- 267 -
(6301 LOIS 1. 636 b-d.
[631] Ficin. Commentaire sur le Banquet de Platon. p.229-230.
Traduction française
Ce sont surtout ceux qUI sont nés quand Vénus se trouvait sous un signe masculin. unie à Saturne. soit dans ses limites. soit à l'opposé.
Ibid., p. 229.
[632] Ibid., p. 251.
Traduction française.
Vous dirais-Je, très chastes amis, ce qUi suit ou le passerai-Je sous silence? OUI. Je le dirai, pUisque le sUjet l'exige, bien que cela paraisse absurde. Mais qui pourrait parler de choses honteuses sans appeler les choses par leur nom. (p. 251).
[633] Ibid., p. 253.
[6341 Ibid., p. 263.
Voici la traduction française de ce passage
Honorons donc cet Amo'lr qUI nous est SI propICe dans le même esprit que nous vénérons sa sagesse et admirons sa pUissance, afin que sous la conduite de l'Amour. Dieu nous soit propICe, pour ainSI dire tout entier, et que, l'aimant tout entier d'un amour ardent, nous puiSSIOns aussI Jouir de lUi tout entier d'un éternel amour. (p. 263)
[635] "ingenlto et infuso" et. en note. "naturale e sopranaturale", FICln,
Commentaire. p. 169.
[636] Ibid., p. 169.
La traduction française donne:
( ... ) elles perdirent la lumière Infuse en se tournant uniquement vers la lumière mnée et aussitôt tombèrent dans des corps.(p. 169)
[637] Ibid., p. 169.
[638] Carla Freccero. "The Other and the Same The Image of the Hermaphrodite
in RabelaiS", ln ReWriting the Renm~5ance. ChICago and London rhe
UniverSity of ChICago Press. 1986. p. 150.
- 268-
l [639] Jacques Ferrand Agenois, De la maladie d'amour ou melancholre erotlque,
ParIS. Dems Moreau, 1623, p. 58.
[640] Les références que nous indiquerons se rapportent au texte de 1588.
[641] Marslle FICln, Le Commentaire du Banquet, (Symon Silvlus trad.) POItiers:
"A l'enseigne du Pelican", 1546, f. Cil vo.
{642] Marslle FiCln, Le Commentaire du Banquet, (Guy Le Fevre de la Boderie,
trad.), Pans· Abel l'Angeller, 1588, f. 170 ro.
[643] Marslle FiCln, Le Commentaire, Paris, 1588, f. 170 vo,
[644] L'Introduction du chapitre six du septième discours, alors que le narrateur
s'excuse de devoir aborder un sUjet aussi délicat que l'amour
vulgaire--physlque--entre un vieillard et un jeune homme.
[645] Marslle FiCln, Le Commentaire du Banquet, Pans, 1 546, f. CIII VO.
[646] Marsile FiCln, Le CommentaIre du Banquet, Paris, 1588, f. 171 vo.
r647] La page 409 vient après la page 405.
{648] Lucien de Samosate, Les Oeuvres, Paris: Abell'Angeller, 1582, page titre.
[6491 LUCIen de Samosate, Les Oeuvres, Paris· Abell'Angelier, 1606, p. 390.
[650] Robert Aulotte, "Sur quelques traductions d'une ode de Sappho au XVIe
siècle", Lettres d'humamté, tome XVII, déc. 1958, p. 107. Cette édnion
comprend le texte grec et une traduction latine.
[651] Ibid., p. 107.
[652] Ibid., p. 107.
[653] Ibid., p. 107-8.
[654] Ibid., p. 108.
[655] Remi Belleau, Les Odes d'Anacreon Telen, traduites du Grec en FrançoIs, ( ... )
ensemble quelques petites hymnes de son Invention, Paris: André Wechel,
1556, p. 35.
[656] Henri EstIenne, Anacreontls Teii Odae ab Henrico Stephano luce et
- 269 -
-' Latimtate nuc primum donatoe, Pans Henn Estienne, 1554, p. 99.
[657] Belleau, Les Odes d'Anacreon, p. 22.
[658] Henri Estienne, Anacreontls Tell Odae, p. 92.
[659] Pierre de Ronsard, "Ode", Oeuvres completes, (Laumonler), t. VI, Pans
Alphonse Lemerre, 1914-1919, p. 231. (L'édlteu r indique que l'ode fut
retranchée de l'éditIOn de 1 567).
[660] Jean-Antoine de Baïf, Chansonnettes, (1 er livre, chanson no LXIX),
Vancouver: University of Bntish Columbia, 1964, p. 51.
[661] Catin signifierait iCi fille de campagne, servante ou prostituée. C'est du
mOins ce qu'indiql'e Pierre GUiraud
( ... ) catm, catou, gothon, jeanneton. margot qUi déSignent des fIlles de la campagne et donc des servantes. et souvent des servantes de comédie. Or c'est un sémantlsme tres anCien que l'asSimilation de la servante à la putain. le passage de la ferme à l'office bourgeoIs, pUIS au trottoir, est l'un des thèmes--hélas trop souvent vérlflé·-de notre littérature.
Pierre Guiraud, DictIOnnaire des étymologies obscures. Pans Payot, 1982, p.
202.
[662] A Delboulle, Anacreon et les poèmes anacreontlques, Le Havre Lemale et
cie, 1891, p. 45.
[663] Henri Estienne, Anacreontis Tell Odae Ab Hennco 5tephano, 1554, p. 95.
[664] Rémi Belleau, "La Façon d'un vase d'argent", Les Odes d'Anacreon Telen,
1556, p. 25.
[665] Pierre de Ronsard, "Ode, a Remy Belleau".(quatrleme livre) Oeuvres
complètes, (Blanchemam), Pans Jannet. 1857, p. 277. (Laumonler
n'indique pas cette vanante. Les quatre premiers vers n'apparaissent pas
dans l'édition qu'il donne de cette ode. Cf. Oeuvres complète'), t. Il, Pans
Alphonse Lemerre, 1914-1919, p. 349.)
[666]
M'amour y SOit gravée
- 270 -
•
1
·r
[667]
En argent élevée Et la belle Venus Et ses mignons tout nus
Delboulle, Anacréon, p. 58-9.
Et savent sur une cuve Tous nuds comme en une estuve, Bachus, m'Amve et l'Amour Foullants le vin tour à tour
Richard RenvOlsy, Odes d'Anacréon mises en musique, in Delboulle,
Anacréon, p. 60.
[668] Remi Belleau. Les Odes d'Anacréon, 1556, p. 18.
[669] Delboulle, Anacréon, p.31.
Laumomer Cite une vanante
Tu m'en croiras, car Il m'envoie De VandomOls, volant par l'air Jusques !Cy. pour te bailler Une lettre, que Je t'aporte, Ronsard, "Odes de la Colombe Ile, en dialogue", Mes/anges de 1555, ln Oeuvres complètes, t. VI, (Laumonier), Paris: Hachette, 1930, p. 222.
[670] Remi Belleau, Les Odes d'Anacreon Teien, 1556, p. 70.
[671] Ibid., p. 70
[672]
Car ne restant de luy que quelques petits fragmens espandus çà et là, Il V a dlxhuit ans, qu'apporté d'Italie, il commença à prendre l'air de la France: (n.)
Remi Belleau, "Au Seigneur Jules Gassot, secrétaire du roi", Les Oeuvres
d'Anacréon Telen, in Les Oeuvres poétiques de Remy Belleau, t. 2, Paris:
Mamert Patlsson, 1 585, f. 2 vo.
[673] Ibid .. f. 2 vo et 3 ro.
[674] Cf. Robert Aulotte, "Sur quelques traductions d'une ode de Sappho", p. 109.
[675] Ibid .. p. Ill.
[676] Ibid., p. 122.
- 271 -
1 [677] Ibid., p. 122.
[678] Robert Aulotte, "L'Ode à l'Almee de Sappho chez Robert Garnier", Bulletin
de l'AssociatIOn GUIllaume Budé, IVe séne, 1965, p. 1 12-B.
[679] Robert Aulotte, "Sur quelques traductions d'une ode de Sappho", p. 116.
[680) Ibid., p. 117.
[681) Ibid., p. 117.
[682] Traduction Citée par FrançOIs Rlgolot dans' "LoUIse Labé et la redecouverte
de Sappho", Nouvelle Revue du XVIe siècle, no l, 1983, p. 26.
[683] Ibid., p. 31.
[684] Virgile, Bucoliques, (E. de Saint-Denis, éd.), Pans. Les Belles Lettres, 1956, p.
29.
[685] Virgile, La Seconde Eglogue de Virgile, Pans' LOIS Grandln, 1543, f. a.ll ro.
[686] Virgile, Les Eglogues de Virgile, (traduction par Richard le Blanc), Pans
Charles L'Angeller, 1555, f. 5 ro et vo.
[687] Virgile, Les Bucoliques de Virgile Prince aes poètes, (traduction par Pierre
de Marcassus), Pans. Antoine Estienne, 1621, p. 8.
[688] Virgile, Bucoliques, (E. de Saint-Denis, éd.), p. 31.
[689] Virgile, La Seconde Eglogue, 1543, f. IV vo et V ra.
[690] Virgile, Les Eglogues, 1555, f. 7 ro.
[69\] Vlrgilt:', Les Bucoliques, \621, p. 12.
[692] Ibid., p. 13.
[693] Alice Hulubei, L'E~1Iogue en France au XVIe siècle, Paris Droz, 1938, p. 55.
[694] Ibid., p. 52.
[695] Virgile, Les Eglogues, 1555, f. K.lil vo et K.iv ro.
[696] Ibid., f. K.iv vo.
[697] Pontus de Tyard, "Elégie pour une dame enamourée d'une autre dame",
Oeuvres poétiques complètes, Uohn C. Lapp), Pans: Marcel Didier, 1966, p.
- 272 -
247.
[698] Ibid., p. 248-9.
[699] Ibid., p. 250.
[700] Pierre de Ronsard, "Elégie", Oeuvres complètes, (Laumonier), t. XIII, Paris:
Marcel Didier, '948, p. 175.
[701] Théodore de Beze, Les juvenal1a, (édition d'Alexandre Machard, 1879),
Genève: Slatkine Reprints, 1970, p. 235. L'éditeur donne la traduction
suivante de ces vers·
Mais Candide est si avare, Je le sais, Qu'elle veut tenir tout Bèze; Et de son Bèze Audebert est SI cupide, Qu'il brûle de posséder Bèze tout entier: Aussi j'embrasse l'un et l'autre, Désireux de les vOIr tout entier, tous les deux, Et de JOUir, dans mon intégrité, de la leur.
[702] J. Boucher ("Société et mentalités autour de Henri III", p. 1326) cite ces
lignes tirées des "Stances de la délice d'amour", ln Capitaine Lasphrise, Les
Premières Oeuvres poétiques, Pans, 1597. p. 271-272.
Le Garçon volontaire encore plus m'enflame ... Je ne le veux mignard ni fardé nullement. Un homme féminin ne plaist aucunement, Il n'est point valeureux en ce que je
souhaltte.
[703] Vers Cités par MIC;,el Larivlère dans Les Amours masculines, Paris: Lieu
Commun, 1984, p. 101.
[704] Marc Papillon de Lasphrise, Les Premieres Oeuvres poetiques du Capitaine
LasphYlse. Paris: Jean Gesselln, 1597, p. 327.
[705] Ibid., p. 327.
[7061 Michellarivière, Les amours masculines, p. 10l.
[707] Un Poète du XVIe siècle: Marc Papillon de Lasphrise, Paris: Nizet, 1983.
[708] Sieur Berthelot, ·Contre un courtisan", ln Le Parnasse satyrique du Sieur
Theoph1le. s.l.n.d., 1864, p.38-39.
- 273 -
l , 1
l
[709] Michel de Montaigne. Les EssaIs. 1. 1. c. XXVIII. (Villey). t. 1. Paris PUF. 1978.
p. 186.
- 274 -
---------------------- -----------------------------
BIBLIOGRAPHIE
- 275 -
"
Historiographie
Ouvrages généraux
1. Ariès, Philippe et Georges Duby. (éd.). H,sto,re de la vIe privee. Pans Seuil.
1985, t. l, Il et III.
2. L'Automne de la RenaIssance. Paris: Vrin, 198!.
3. Bailey, Derrick Sherwin. Homosexualtty and the Western Christian
TradItion. London, N.Y., Toronto: Longmans, Green and co., 1955.
4. Bauml Duberman, Martin, Martha VlCinus et George Chauncey. HIdden
from Hlstory, Reclalmmg the Gay and Lesblan Pasto New York: NAL Books,
1989.
5. Bonnet, Mane-Jo. Un ChoIx sans éqUivoque. Pans. Denoel, 1981.
6. Boswell, John. Redlscovenng Gay Hlstory. London. Gay Chrastian
Movement, 1985.
7. Corraze, Jacques. L 'Homosexualité. Paris' PUF, "Que sais-je?". 1982.
8. Cou rouve, Claude. Vocabulaire de l'homosexualité. Pans Payot, 1985.
9. Delumeau, Jean, et Yves Lequin (éd.). Les Malheurs des Temps. Pans
Larousse, 1987.
10. Delumeau, Jean. Le Péché et la peur, la culpabIlisation en Occident
(XIIIe-XVIIIe s.). Paris' Fayard, 1983.
11. _______ . La Peur en OccIdent (XVie-XVIIIe SIècles). Pans' Fayard, 1978.
12. Dynes, Wayne R. Homosexualtty: a research gUIde. New York. Garland
Pub., 1987.
13. Ellis, Havelock. Studles in the psychology of Sexe (Part 4 Sexual inversion).
N.Y.: Random House, 1942, 2 vol.
14. Flandrin, Jean-LouIs. Les Amours paysannes. Amour et sexualité dans les
campagnes de l'anCIenne France (XVle-XIXe SIècle). Paras Gallimard, 1975.
- 276 -
,
1 15. __________ . f-am/lles. Parentés, maison, sexualité dans l'ancienne soc/été.
Paris: Hachette, 1976.
16. __________ . Le Sexe et l'Occident. Evolut/on des attitudes et des
comportements. Paris' Seuil, 1981.
17. Foucault, Michel. HIstoire de la folle lÀ l'âge classique. Paris: Gallimard,
1972.
18. _______ . Histoire de la sexualité. Paris: Gallimard, 1976-84, 3 vol.
19. Greenberg, David. The Construction of Homosexuality. Chicago et London:
University of Chicago Press, 1988.
20. Guiraud, Pierre. Sémiologie de la Sexualité. Paris: Pavot, 1978.
21. Larivière, Michel. Les Amours masculines anthologie de l'homosexualité
dans la littérature. Pans: Lieu commun, 1984.
22. Lever, Maurier. Les Bûchers de Sodome. Paris: Fayard, 1985.
23. Nora, PIerre (éd.). Les Lieux de mémoire. Paris: Gallimard, 1984.
24. Plummer, Kenneth (éd.). The Making of the Modern Homosexual. Totowa,
N.J.: Barnes & Noble Books, 1981.
25. Rowse, A.L. Homosexuals ln history: a study of ambivalence in society,
literature and the arts. London: Weidenfeld and Nicholson, 1977.
Articles
1. Ariès, Philippe. "Réflexlons su r l'histoire de l'homosexualité",
Communications 35. sexualités occidentales. Paris: Seuil, (coll. Points),
1982, p. 81-96.
2. Rey, Michel. "HistOire: la fin des mythes·. Masques. No spécial 25/26,
prmtemps-été 1985, p. 169-171.
3. Simonm, Michel. "Eros aux XVIe et XVIIe siècles: les limites du savoir", in
Eros ln FranCia nel Selcento. Paris: Nizet, 1987, p. 11-29.
- 277-
4. Walker, Steven F. "Quantltatlve History, Mannensm, and the Crisis of
Aristocratic Hedonism". In Actes du Xe congrès de l'A./.L.e.. New York
Garland Publications, 1985, p. 256-260.
La Grèce antique
1. Bufflère, Félix. Eros adolescent, la pédérastie dans la Grèce antique. Pans.
Les Belles Lettres, 1980.
2. Dover, K.J. Greek Homosexuality. London: Duckworth, 1978.
3. Pastre, Geneviève. Athènes et le "pértl saphIque", homosexualité femlntne et
Grèœ ancienne. Tome 1. Pans: Les Mots à la bouche, (Les Octaviennes),
1987.
4. Sergent, Bernard. L'Homosexualité dans la mythologie grecque. Pans
Pavot, 1984.
5. L'Homosexualité initiatique dans l'Europe ancienne. Pans
Pavot, 1986.
Rome
1. Veyne, Paul. L'Elégie érotique romaine. L'Amour, la poéSie et l'Occident.
Paris: Seuil, 1983.
Articles
1. Ariès. Philippe. "Saint Paul et la chair", ln CommunicatIOns 35, sexualités
occidentales. Paris: Seuil, (coll. POints), 1982, p. 52-55.
2. Veyne, Paul. "L'Homosexualité à Rome", ln CommunicatIOns no 35,
sexualités occidentales. Paris: Seuil, (coll. Points), 1982, p. 41-51.
- 278-
1 Le Moyen Age
1. Boswell, John. Chnstlanity, Social Tolerance, and Homosexualtty. Chicago
et Londres: The University of Chicago Press, 1980.
2. Cazenave, Michel. La Subversion de l'âme, mythanalyse de l'histoire de
Tristan et Iseut. Paris: Seghers, 1981.
3. Duvernoy, Jean. Le Catharisme. Toulouse. Privat, 1986, 2 vol.
4. Guiraud, Pierre. Le jargon de Villon ou le gai savoir de la coquille. Paris:
Gallimard, 1968.
5. ______ . Le Testament de Villon ou le gai savoir de la Basoche. Paris:
Gallimard, 1970.
6. Goodich, Michael. The Unmentionable Vice: Homosexuality ln the later
Medieval Period. Santa Barbara, Oxford: ABC-Clio, 1979,
7. Rougemont, Denis de. L'Amour et l'Occident Paris: U.G.E., 1962.
8. ________ , Les Mythes de l'amour. Paris Gallimard, 1961.
9. Topentcharov, Vladimir. Bou/gres et Cathares. Deux brasiers, une même
flamme. Paris: Seghers, 1971.
Articles
1. Duby, Georges. "Que sait-on de l'amour en France au XIIe siècle?", in Mâle
Moyen Age. Paris: Flammarion, 1988, p, 34-49.
2. Herman, Gerald. "The 'Sin against Nature' and its Echoes in Medieval
French literature", Annale Médiévale. No 17, 1976, p. 70-87.
3. Lafont, Robert. ·Catharisme et littérature occitane: la marque par
l'absence", ln Les Cathares en Dcci ta nt'!. Paris: Fayard, 1982, p. 339-403.
4. Marchello-Nizia, Christiane. "Amour courtois, société masculine et figures
du pouvoir", Annales économies, sociétés, ciVilisations. No 6, nov.-déc.
1981, p. 969-983.
- 279 -
La Renaissance
1. Bray, Alan. Homosexuallty ln Renaissance England. Londres: Gaymen's
Press, 1982.
2. Brown, Judith C. Immodest Acts, the "fe of a Lesb/an Nun ln Renals~ance
/ta/y. N.Y.: Oxford University Press, 1986.
3. Constant, Jean-Mane. La Vie quotidienne de la noblesse française aux XVIe
et XVIIe siècles. Paris Hachette, 1985.
4. Couliano, 1. P. Eros et magie à la Renaissance, 1484. Pans: Flammarion,
1984.
5. Delumeau, Jean. La CivIlisation de la Renaissance. Pans Arthaud, 1967.
6. Lazard, Madeleine. Images littéraires de la femme à la Renaissance. Pans:
PUF, 1985.
7. Ruggiero, Guido. The Boundenes of Eros. Sex Crime and Sexuallty ln
Renaissance Ventce. N.Y., Oxford. Oxford University Press, 1985.
8. Saslow, James. Ganymede in the Renaissance, Homosexuallty ln Art and
Society. New Haven et Londres: Yale University Press, 1986.
Articles
1. Gilbert, Arthur. "Conceptions of Homosexuahty and Sodomy ln Western
History", in The Gay Past. New York, Binghamton' Harnngton Park Press,
1985, p. 57-68.
2. Murray, Stephen. "Homosexual Acts & Selves in Early Modern Europe",
Journal of Homosexuallty. Vol. 16, no 2, 1988, p. 457-478.
3. Trexler, Richard. "La Prostitution florentine au XVe Siècle", Annales E.S.c..
36e année, nov.-déc. 1981, p. 983-1015.
- 280 -
Imagologie
1. Pageaux, Daniel-Henri. "De l'imagene culturelle à l'Imaginaire", ln PrecIs de
littérature comparée. Paris: PUF, 1989.
2. __________ . "Dix ans de recherches en littérature générale et comparée".
Information IIttéra/re. No XXXII, 1980, p. 152-4.
3. __________ ."Image/lmaginaire", Europa und das nationale
Selbstverstaandms. Imagologische Probleme ln Lt te ra tur. Bonn' Bouvier.
1988, p. 367-379.
4. ________ . "L'imagerie culturelle. De la littérature comparée à
l'anthropologie culturelle", Synthesis. No X, 1983. p. 79-88.
5. . "Une perspective d'études en littérature comparée: l'imagene
littéraire", Synthesis. No VIII, 1981, p. 164-185.
Les i'~'escriptions religieuses
Textes
1. Auaer, Emond. Catechismus id est Catholica ChnstJanae Inventut/s
Institutio. Paris: S. Nivellium, 1568.
2. _________ . La Maniere d'ouir la messe, avec devot/Cn et frU/ct splrttuel.
Ensemble la maniere de bien confesser ses pechez. Pans, NIColas Chesneau,
1571.
3. J. Azorio. InstitutlOnum moralium. Rome: A. Zanr.etum, 161 1.
4. Benedicti. Tralcte tres-utile aux eccles/astiques, aux prestres, curez,
confesseurs. predicateurs et penitens. Paris: Claud€:: Chappelet, 1601.
5. La Bible, qUi est toute la samcte escnpture, contenant le v/ell et le nouveau
Testament. s.l.: Robert Estienne, 1560.
- 281 -
1
-1
...
6. Blhl/a Sacra, cum argumentis ad singula cap/ta prae fixis, & nddltionrbus
margmams. Ly!)n, 1540.
7. Bosquler, Philippes. Le fouet de l'academle des pecheurs, hastie sur la
famme du prodigue Evangelic. Arras: GUillaume de La Rivière, 1597.
8. Eudes, Jean. Avertissemens aux confesseurs mis!'ionnalYes. Caen: Pierre
Poisson, 1648.
9. Gerson, Jean. Le Confessional appele le directoire des confesseurs.
Poictiers: s.d.
10. . L'Instruction des curez. Paris: André Roffet, : 557.
1 1. Tralcte des dix commandemens de la loy fait par feu maistre
jehan Gerson. sol., 1492.
12. Grenade, Louys de. La Grande Guide des pecheurs, pour les acheminer a
vertu, en laquelle est traicté fort amplement des beautez et grandes
richesses de la vertu, et ensemble du chemin qu'il faut suyvre pour
l'obtenir. Lyon: Pierre Rigaud, 1609.
13. Sacra Vulgata Edltloms, Sixti V Pont. mas jussu recogmta Et. Clementts VIII
auctoritate edita. Albinum: loanis Theobaldi Schon Wetteri & lacobi
Fischori, 1609.
14. La Saincte Bible, en franeoys translatee selon la pure et entiere traduction
de sainet Hierome. Anvers: Martin l'Empereur, 1530.
'j S. La Saincte Bible selon /'edltion vulgalYe, reveue par le commandement de
N.S. Père le Pape, Sixte V, et imprtmée de f'authorité de Clement VIII. Lyon:
Claude Morilhn, 1613.
16. Thomas d'Aquin. Summa Theologiae. Tome 3, (11,11), Ottawa: Commissio
piana, 1953.
- 282 -
"
Etudes
1. Cave, Terence. Devotlonal Poetrv in France c. 1570-1613. Cambndge, at
the University Press, 1969.
2. Horner, Tom. Homosexuality & the judeo Christian Tradition. Metuchen,
N.j.: The American TheologlCal Llbrary AssoCiation & the Scarecrow Press
Inc, 1981.
3. Michaud-Quantin, Pierre. Sommes de casUistique et manuels de confeSSIOn
au Moyen Age (XIIe-XVie siècles). Louvain: Nauwelaerts, 1962.
4. Payer, Pierre J. Sex and the Penitentlals. The Development of a Sexual Code
550-1150. Toronto: University of Toronto Press, \984.
5. Vogel, Cyrille. Le Pécheur et la pénitence au Moyen Age. Pans: Cerf. : 969.
Procès et jurisprudence
Textes
\. Arrest de la Cour de Parlement, 1586. (Manuscrit). Bibliothèque Nationale
de Paris, rns.fr. 3952.
2. Ayrault. Pierre. L'Ordre, formalité et instruction judiciaire, dont les ancIens
Crecs et Romains ont usé és accusations publiques. Seconde édition. Pans:
Laurens Sonnius, 1598.
3. Bodin, jean. De la Demonomante des sorciers. Quatrième édition. Lyon
Antoine de Harsy, 1 598.
4. Bouchel. Laurens. La Bibllotheque ou thresor du drolct francois. Paris:
Denys Langlois, 161 5.
5. Coras, Jean de. Arrest memorable du Parlement de Tolose. Lyon:
Barthelemi Vincent, 1596.
6. ______ . ResolutIOns de droict. Paris: Jean Houzé, 1610.
- 283 -
7. Damhoudere, Josse de. La Practique et enchiridon des causes cYlmrnelles.
Louvain: Wauters et Bathen, 1555.
8. Du Vair. Arrests sur quelques questions notables prononcez au Parlement
de Provence .. Paris: Abel l'Angelier, 1610.
9. Hernandez, Ludovico. (Pseud. de Fernand Fleuret et LouIs Perceau). Les
Procès de bestialité aux XVIe et XVIIe SIècles. Pans: Bibliothèque des
Curieux, 1920.
10. _______ . Les Procès de sodomie aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Paris:
Bibliothèque des Cu rieux, 1920.
1 1. jousse, M. Traité de la justice criminelle de France. T.lV, Paris: Debure,
1771.
12. Le Brun de La Rochette, Claude. Le Procès civil et criminel. Rouen: Calles,
1611.
13. Papan, jean. Recueil d'arrests notables des courts souveraines de France.
Paris: Nicolas Chesneau, 1565.
14. _________ . Recueil d'arrests notables des cours souveraines de France.
Genève. Jacques Stoer, 1648.
15. Zacchlae, Pauli. Questiones medico~/egales. Editio tertia. Amstelaedami:
joannis Blat:u, 1651.
Etudes
1. Carrasco, Rafael. Inquisicion y represion sexual en Valencia, historia de los
sodomitas (1565~ 1785). Barcelone: Laertes, 1985.
2. Crimes et crtmina/ité en France, 17e~ 18e siècles. Paris: Armand Colin,
(Cahier des Annales, no 33), 1971.
3. Dubois-Desaulle. Etude sur la bestialité au point de vue historique, médical
et jUYldlque. Pans: Charles Carrington, 1905.
- 284 ~
;
4. Locard. Edmond. Le XVIIe siècle médlcojudlctalre. Pans, Lyon Storck et CIe.
1902.
5. Mandrou, Robert. Magistrats et sorCIers en France au XVIIe siècle. Pans
Seuil, 1980.
Articles
1. Bennassar, Bartolomé. "Le Modèle sexuel. l'Inquisition d'Aragon et la
répression des péché "abommables", ln L'InquisItIOn espagnole XVe-XIXe
siècles. Paris: Hachette, 1979, p. 339-369.
2. Crompton, Louis. "The My th of Lesblan Impunlty, Capltallaws from
1270-1791 ", ln The Gay Pasto N.Y., Bmghamton: Harrmgton Park Press,
1985, p. 11-27.
3. Febvre, Lucien. "Sorcellerie, sottise ou révolution mentale?", ln Au c.Jeur
religieux du XVIe siècle. Paris Bibliothèque générale de l'Ecole des Hautes
Etudes en Sciences Sociales, 1983, p. 401-412.
4. Karlen, Arno. "The Homosexual Heresy", The Chaucer Revlew. Vol. 6, no l,
1971, p. 44-63.
5. Monter, William. "La Sodomie à l'époque moderne en SUisse romande",
Annales E.5.c.. 2ge année, no 4, juillet-août 1974, p. 1023-1033.
6. Schnapper, B. "La Justice criminelle rendue par le Parlement de Pans sous
le règne de Françoi~ 1 er", Revue hlstonque de droit français et étranger. T.
52, avril-juin 1974, p. 252-284.
7. Soman, Alfred et Elizabeth Labrousse. "La "censure" à la fm du XVIe Siècle
et au début du XVIIe", Annuaire de l'Ecole des Hautes Etudes. IVe section,
science histonque et philologie, 108e année, 1976, p. 765-771 et 1977, p.
805-807.
- 285 -
8. Soman, Alfred. "La Oécnml nalisatlon de la sorcellerie", Histoire, économIe,
société. 1985, no 2, p. 179-203.
9. _______ . "Deux grandes sources d'archives encore inexploitées pour
J'étude de la censure au XVIe Siècle en France", Bulletin philologIque et
histoYlque du comité des travaux hlstonques et SCIentifiques. f\nnée 1974;
Pans: B.N., 1976, p. 81-89.
10. ______ . "L'infra-Justice à Paris, d'après les archives notanales",
Histoire, économie, sOCiété. 1982, no 3, p. 369-75.
Il. ______ . "Pathologle hL )rique' le témoignage des procès de bestialité
aux XVie-XVIIe siècles", ln La Faute, la répressIOn et le pardon. Actes du
IOle congrès national des SOCiétés savantes, Brest, 1982. Pans: C.T.H.s.,
(section philologie et histoire Jusqu'à 1610, t. 1), 1984, p. 149-161.
12. . "Les Procès de sorcelleiie au Parlement de Paris (J 565-1640)",
Annales E.S.c.. 32e année, juillet-août 1977, no 4, p. 790-814.
13. _______ . "La Sorcellerie vue du Parlement de Paris au début du XVIIe
siècle", ln 1 04e Congrès des SOCiétés savantes. Bordeaux 1979. Section
histoire moderne, t.2, 1981, p. 393-405.
Insolite et altérité
Textes
1. Boaistuau, Pierre. Histoires prodigieuses de plusieurs fameux autheurs.
Anvers: Guislain lanssens, 1594.
2. Duval, Jacques. Des Hermaphrodits, accouchemens des femmes, et
traitement ( ... ) pour les relever en santé. Rouen: DaVid Geuffroy, 1612.
3. Responce au discours fait par le sieur Riolan. Rouen: Julian
Courant, s.d.
- 286 -
1 4. Paré, AmbrOIse. Des Monstres et prodIges. (Edition de jean Céard).
Genève: Droz, 1971.
5. Pline l'Ancien. L'Histoire du Monde de C. Pline Second. T. l, Lyon Claude
Senneton, 1562.
6. Riolan. DIscours sur les hermaphrodlts, où Il est dl::monstre contre l'opinIOn
commune, qU'II n'y a pomt de vrays Hermaphrodlts. Pans. Pierre Ramier,
1614.
7. Tesserant, Claude de. HIstoires prodIgieuses de Claude de Tesserant,
parisien, ln HistOires prodigieuses de plusieurs fameux autheurs ( ... ). Livre
2. Anvers Guislam lanssens, 1594.
Etudes
1. Busquet, Gérard et Carns Beaune. Les HermaphrodItes. Pans jean-Claude
Simoen, 1978.
2. Céard, jean. La Nature et les prodiges, l'msolite au XVIe sIècle. Genève
Droz, 1977.
3. Halley des Fontaines, Jean"Charles-Louls. ContributIOn à ;'étude de
f'androgynie, la notIon d'androgynte dans quelques mythes et quelques
rites. Pans. éditions Hippocrate, 1938.
4. Le Paulmler, Dr. Ambroise Paré d'après de nouveaux documents aux
archIves natIOnales. Pans: Charavay Frères, 1884.
5. Libis, jean. L~ Mvthe de l'androgyne. Pans Berg, 1980.
6. Ronzeaud, Pierre. L'Utopie hermaphrodIte, "La Terre australe connue", de
GabY/el de FOlgny. Marseille: C.M.R., 1982.
7. ihorndike, Lynn. A Hlstory of MagIC and Expenmental SCIence. T. V et VI,
("The Sixteenth Centu ry"). New York: Columbia University Press, 1941.
- 287 -
les Récits de voyage en Amérique
Textes
1. Bry, Theodore de. IlllAstratlons en taille-douce, d'après les dessins de
2.
Jacques Le Moyne, qui a tout vu par lU/-même, ln Voyages en Virginie et en
Floride. Paris: Duchartre et van Buggenhoudt, 1927.
____ . Jndorum floYidam provlnciam tnhabotantlum elcones, primùm
ibidem ad vivum expressae à Jacoba Le Moyne CUI cognomen De Morgues'
addlta ad singulas brevi earum declaratione. Froncoforti ad Moenum:
Typls loannis Wecheli, Symtlbus vero Theodori de Bry, 1591.
3. Las Casas, Bartelemy de. Tvranmes et cruautez des Espagnols, perpetrees
es Indes occidentales. (Traduction par Jaques de Miggrode). Anvers:
FrançoIs de Ravelenghien, 1579.
4. Laudonnlère, René de. L'HistOire notable de la Floride située es Indes
Occidentales. (Réimpression de l'édition de Pans de 1586). s.l.: Conseil
historique et héraldique de France, 1945.
5. Léry, Jean de. Histoire mémorable du Siège de Sancerre (1573) ln
(Géralde Nakam) Au lendemam de la Saint-Barthélémy, guerre civile et
famme. Paris: éditions Anthropos, 1975.
6. ______ . Histoire d'un voyage fOlt en terre de Brésil. (Edition critique
par Jean-Claude Morisot). Paris: Droz, 1976.
7. Lescarbot, Marc. Histoires de la Nouvelle-France, livre 6, (édition de Paris,
1617), ln The History of New France. (Ed. par Grant et Biggar). T. 3.
Toronto: The Champlain Society, 1914.
8. Lopez de Gomara, François. Histoire generalle des Indes occidentales, et
terres neuves. Paris: Michel Sonnlus, 1584.
- 288 -
9. Nunez Cabeza de Vaca, Alvar. La RelaC/on 0 Naufragios. (Ed. Favata et
Fernandez). Potomac, Maryland: Scripta Humanlstlca, 1986.
10. Paulmier de Gon neville. Campagne du navIre l'EspoIr de Honfleur. Geneve
Slatkine, 1971.
11. Thevet. André. La CosmographIe umverselle. Paris. P. L'Huilier, 1575.
12. ________ . Les Singulantez de la France antarctIque. (Edition de 1558).
Pans: Le Temps, 1982.
Etudes
1. Atkinson, Geoffrey. La Littérature géographique française de la
Renaissance. Palis: Droz, 1927.
2. ----_. Les Nouveaux Horizons de la RenaIssance française. Paris'
Oroz, 1927.
3. Baudry, René. Marc Lescarbot. Montréal: Fides, 1968.
4. Berthiaume, André. La Découverte amblgue. Montréal. Pierre Tisseyre,
1976.
5. Chinard, Gilbert. L'ExotIsme américain dans la lIttérature françaIse au XVIe
siècle. Paris: Hachette, 1911.
6. Ouchet, Michèle. Le Partage des savolYS, dIscours hlstortque, dIscours
ethnologIque. Pans. La Découverte, 1985.
7. Ouvlols, Jean-Paul. L'Aménque espagnole vue et rêvée, les Itvres de
voyages de Chnstophe Colomb à BougainVIlle. Pans Promodls, 1985.
8. _______ . Voyageurs françaIs en Amértque (colomes espagnoles et
portugaIses). Paris Bordas, 1978.
9. Guillaumin, Colette. L'IdéologIe raC/ste. La Haye. Mouton, 1972.
10. Jouanna, Arlette. L'Idée de race en France au 16e siècle et au début du Ile
siècle, /498·1614. Montpellier Université Paul Valéry, 1981, 2 vol.
- 289 -
1
l
1 1. Lemome, Roger. L'Aménque et les poètes français de la Renaissance.
Ottawa' éditions de l'Université d'Ottawa, 1972.
12. LévI-Strauss, Claude. Tnstes Tropiques. Pans Plon, 1955.
13. Mahn-Lot, Marianne. La Découverte de l'Amérique. Paris Flammarion,
1970.
14. Todorov, Tzvetan. La Conquête de l'Amérique_ Pans: SeUil, 1982.
Articles
1. Callender, Charles, et Lee M. Kochems. "The North American Berdache",
Current Anthropolog'f: Vol. 24, no 4, août.-oet. 1983, p. 443-471.
2. Céard, Jean. "L'Image de l'Europe dans la littérature cosmographique de la
Renaissance", ln La Conscience européenne au XVe et au XVIe Siècles. Paris:
Ecole Normale Supérieure de Jeunes Filles, no 22, 1982, p. 49-65.
3. Defaux, Gérard. "Un Cannibale en haut de chausses: Montaigne, la
différence et la logique de l'identité", Modern Language Notes. Vol. 97,
1982, p. 919-957.
4. Désy, Pierrette. "L'Homme-femme. Les Berdaches en Amérique du Nord",
Libre 3. 1978, p. 57-102.
5. Jeanneret, Michel. "Léry et Thevet. Comment parler d'un monde
nouveau?", in Mélanges à la mémoire de Franco Simone, IV. Genève:
Slatkine, 1983, p. 227-245.
6. Lestnngant, Frank. ·Calvinistes et cannibales; les Ecrits protestants sur le
Brésil français (1555-1560)", Bulletin de la Société de l'histoire du
protestantisme français. Tome (XXVI, avril-mai-Jum 1980, p. 9-27 et
167-192.
7. __________ . "Le Cannibalisme des cannibales, 1 et 11", Bulletin de la Société
des amis de Montaigne. No VI. 9-10, janv.-juin 82, p. 27-40; et no VI, 11-12,
Juil-déc. 1982, p. 19-38.
- 290 -
8. . "L'Excursion brésIlien ne. Notes sur les troIs premieres éditions
de l'Histoire d'un voyage de LerV', ln Melanges sur la Ittterature de la
Renaissance à la mémOIre de V.L Saulmer. Geneve Oraz, 1984, p. 53-73.
9. ______ . "Mlllénansme et âge d'or réformation et expenences
coloniales au Brésil et en Floride (1555-1565)", ln Les Reformes,
enracmement soC/o-culturel. (Colloque de Tours, 1982). Pans' éd. de la
Maisnie, 1985, p. 25-43.
10. . "Notes complémentaires ~ur les Séquelles littéraires de la
Floride française", BiblIOthèque d'humamsme et de Renaissance. No XLV,
1983, p. 331-341.
J 1. _____ . "Les Représentations du sauvage dans l'IConographie relative
aux ouvrages du cosmographe Thevet", BiblIOthèque d'humamsme et de
Renaissance. No XL, 1978, p. 583-595.
12. _____ . "Rhétorique et dispositif d'autorité dans le texte
cosmographique de la Renaissance", Littérature, VIII, 32, déc. 1978, p. 3-26.
13. Margolin, Jean-Claude. "L'Eu rope dans le mirOIr du Nouveau Monde" ln La
ConsCience européenne au XVe et au XVIe Siècle. Pans E.N.5.J.F., no 22,
1982, p. 235-265.
Récits de voyage en Orient
Textes
1. Apian, Pierre. La Cosmographie de Pierre Aplan. (Traduite du latin par
Gemma Frison). Anvers Gregoire Bonte, 1544.
2. Aranda, Emanuel d'. RelatIOn de la captivite et Ilberte du Sieur Emanuel
D'Aranda. Pans. Gervais Clousler, 1657.
·291 .
l 3. AVit y, Pierre d'. Description generale de l'Afrique. Pans Claude Sonnius,
1637.
4. Baudler. Inventaire de l'histoire generale des Turcs. Rouen: Malassls,
Oursel, Besongne, 1641.
5. Belleforest, FrançoIs de. L'HistOire universelle du monde. Pans. Gervais
Mallot, 1 570.
6. Belon, Pierre. Les Observations de plusieurs smgulantez et choses
memorables trouvées en Creee, ASie, Judée, Egypte, Arable, et autres pays
estranges. Pans Gilles Ccrozet, 1553.
7. Chalcondile Athenien. L'Histoire de la décadence de l'empire grec et
establlssment de celuy des Turcs. (Traduction de Biaise de Vigenère, texte
poursuivI par Artus Thomas). Pans veufve Abel L'Angelier, 1620.
8. Chesneau, Jean et André Thevet. Voyages en Egypte des années
1549-1552. (Présentation et notes de Frank Lestringant). Caire: Institut
français d'archéologie orientale du Caire, 1984.
9. Dan, Pierre. HistOire de Barbarie et de ses corsaires. Paris: Pierre Rocolet,
1637.
10. La France-TurqUie, ( ... ) conseil et moyens tenus ( ... ) pour reduire le
royaume en tel estat que la Tyrame Turquesque. Orléans: Thibaut des
Murs, 1576.
Il. François Xavier. Lettres de S. FrançOis XaVIer, de la Compagme de Jésus,
Apostre du Japon. Paris Georges Josse, 1660.
12. La Genealogie du grand turc, et la dignité des offices et ordre de sa court.
Lyon Benoist Rigaud, 1570.
13. Georgewltz, B. DIscours parenetlque sur les choses turques. Lyon: Pierre
Rigaud, 1606.
-292-
14. Haedo, Diego de. TopographlO, e historia general de Arget. Valladolid
Diego Fernandez de Cordovay Nuiedo, 1612.
15. Léon l'Africain, Jean. Historlate DescriptIOn de l'Afnque. Lyon' Temporal.
1556.
16. Marmol, L. L'AfY/que de Marmol. (Trad. de Nicolas Penot). Paris' LouIs
Billaine, 1667.
17. Mu nster. La Cosmographie universelle. Bâle' Henry Pierre, 1556.
18. . La Cosmographie universelle. ("beaucoup plus augmentée,
ornée et ennchie, par François de Belleforest"). Pans: Michel Sonnlus, 1575.
19. Nicolay, Nicolas de. Les Navigations peregnnatlOns et voyages (atets en la
Turquie. An';ers. G. Silvius, 1576.
20. Postel, Guillaume. De la Republique des Turcs. Poitiers EngUilbert de
Mannef, 1560.
21. _______ . Des HistOires Orientales et pnnClpa/ement des Turkes ou
Turchlkes et Schitlques ou Tartaresques et au/tres qUi en sont descendues.
Pal is: Hierosme de Marnef et GUillaume Cavellat, 1575.
22. Villamont, Jacques de. Les Voyages du SeIgneur de Vlllamont. Pans
Claude de Monstr'oell et Jean Richer, 1595.
Etudes
l. Rouillard, Clarence. The Turk ln French Hlstory thought and L,terature
(1520-1660). Pans' BOIvm et CIe, 1941.
2. Turbet-Delof, Guy. L'Afrique barbaresque dans la littérature françaIse aux
XVIe et XVIIe SIècles. Genève Droz, 1973.
- 293 -
(
Autour de Henri III
Etudes historiques et littéraires
1. Boucher, Jacqueline. La Cour de Henri III. s.l.: Ouest-France, 1986.
2. . 'Société et mentalités autour de Henri III". Thèse, Université
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
de Lyon, 1977.
Champion, Pierre. La Jeunesse de Henri III. Paris: Grasset, 1942.
____ . Paris au temps de Henn III. Pans: Editions c.-L., 1942.
Chevallier, Pierre. Henri III, roi shakes~earien. Paris: Fayard, 1985.
Dufour, Pierre. Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde
depuis l'Antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours. T. VI. Paris: Seré, 1851.
Erlanger, Philippe. Henri III. Paris: Gallimard, (Folio), 1988.
----_. La Jeunesse d'HenYi 11/. Paris: Emile-Paul Frères, 1933.
Hervez, Jean. Le Baiser, mignons et courtisans au XVIe siècle. Paris:
Bibliothèque des curieux, 1924.
Le Roy Ladurie, Emmanuel. L'Etat royal. Paris: Hachette, 1987.
Robin, Gilbert. L'Enigme sexuelle d'Henri 111, étude psycho-sexuelle du
trans-sexualisme. Paris: Wesmael-Charlier, 1964.
12. Smith, Pauline. The Anti-Courtier Trend ln Sixteenth Century French
Literature. Genève: Droz, 1966.
13. Tiger, lionel. Men ln Groups. London: Nelson, 1970.
14. Yardeni, Myriam. La Conscience nationale en France pendant les guerres
de Religion (1559-1598). Paris, Louvain: Nauwelaerts, 1971.
- 294-
Articles
1. Boucher, Jacqueline. "Culture des notables et mentalité populaire dans la
propagande qui entraîna la chute de Henri III", in Mouvements populalre~
et conscience sociale, XVle-XIXe siècles. (Colloque de Paris, 1984). Pans:
Maloine, 1985, p. 339-349.
2. Champion, Pierre. "La Légende des mignons", Humanisme et Renaissance.
T. VI, 1939, p. 494-528.
3. Lauvergnat-Gagniere, C. "Snobs et lettrés à la cour d'Henri III", Réforme,
Humamsme, Renaissance. Vol. 15, no 2, déc. 1982, p. 48-55.
4. Richet, Denis. "Aspects socio-culturels des conflits religieux ~ Paris dans la
deuxième mOitié du XVIe siècle", Annales E.S.c.. Juillet-août 1977, p.
764-789.
Mémorialistes
Textes
1. Brantôme, Pierre de Bourdeille seigneur de. Les Dames galantes. (Edition
Lalanne). Pans: Gallimard, (coll. Folio), 1981.
2. L'Estoile, Pierre de. Journal pour le règne de Henri III. (Ed. Lefèvre). Paris:
Gallimard, 1943.
3. . Journal pour le règne de Henri IV. Paris: Gallimard.
1948-1960. 3 vol.
4. Thou, Jacque-Auguste de. Histoire universelle. (Traduite sur l'édition latine
de Londres). Londres. 1734. 16 vol.
- 295 -
Articles
J. Bailbé, Jacques. "L'image d'Henri IV chez d'Aubigné". in L'Image du
souverain dans les Lettres françaises des guerres de Religion à la
révocation de l'Edit de Nantes. (Colloque de Strasbourg, 1983). Paris:
Klincksleck, 1985, p. 27-41.
2. Ménager, Daniel. "L'image du Prince dans la Ménippée". in L'Image du
souverain dans les Lettres françaises des guerres de Religion à la
révocation de l'Edit de Nantes. (Colloque de Strasbourg, 1983). Paris:
Klincksleck, 1985, p. 201-211.
3. Schrenck, Gilbert. "L'image du Prince dans le Journal de Henri 11/ de Pierre
de L'Estoile, ou l'enjeu d'une écriture", Travaux de linguistique et de
littérature. No XXII, 2, 1981, p. 1 5-25.
Les Satires religieuse et politique
Textes
1. Boisee, Hierosme Hermes. Histoire de la vie, moeurs, actes, doctrine,
constance et mort de Jean Calvin, jadis ministre de Genève. Lyon: Jean
Patrasson, 1577.
2. Le Cabinet du Roy de France. s.l., 1581.
3. D'Aubigné, Agrippa. Oeuvres complètes. (Ed. Weber). Paris: Gallimard,
(coll. Pléiade), 1969.
4. Du Bellay, Joachim. Les Regrets et autres oeuvres poétiques. (Ed. critique
de MA Screech). Genève: Droz, 1966.
5. Estienne, Henri. Deux DIalogues du nouveau langage françois itallanizé.
(Edition critIque de P.M. Smith). Genève: Slatkine, 1980.
- 296 -
6. . Apologie pour Hérodote. (Pans, 1869). Genève' Slatkme
Reprints, 1969.
7. L'Isle des Hermaphrodites. s.d.n.l. (B.N.P., cote Lb 34 806).
8. Satyre Ménippée de la Vertu du Catholicon d'Espagne et de la tenue des
estatz de PaY/s. (Edition d'Edouard Tncotel, 1877-1881, reproduisant
l'édition de 1594). Genève, SlatklOe Reprints, 1971.
9. Satyres chrestiennes de la cuisine papale. (Ed. de Lyon, 1560). Genève:
Gustave Reviliiod, 1857.
Articles
1. Lestringant, Frank. "Catholiques et cannibales, le thème du cannibalisme
dans le discours protestant au temps des guerres de Religion", ln Pratiques
et discours alimentaires à la Renaissance. (Colloque de Tours, 1979).
Paris: Maisonneuve et Larose, 1982, p. 233-245.
2. Weber, Henri. "Poésie polémique et satirique de la Réforme", m A travers le
XVIe siècle. T. 1. Paris: Nizet, 1985, p. 161 188.
Pamphlets anonymes
Textes
Avant 1588:
1. Discours d'un vertueux Catholtque qUi est une juste et vraye deffense de la
Majesté tres-Chrestlenne, et ample responce contre ses capitaux ennemis,
des heretiques du jOI.Jrd'huy, leurs grandes et atroces Injures, calommes,
maldisances, trahisons, machmations, et conjuratIOns tres Iniques et
desseins fort à cramdre et à redouter s.l., 1587, daté de 1585. (Collection
de la Newberry Llbrary, no 143).
Les HIstoires véritables:
- 297 -
1. L'Atheisme de Henry de Valoys. où Il est monstré le vray but de ses
dissimulations et cruautez. s.l., 1589. (Répertoire Lindsay et Neu, no
1403.)
2. Advertissement des nouvelles cruautez et inhumanitez, desseignees par le
Tyran de la France. 5.1., J 589. (Lindsay et Neu, no 1391)
3. Description de l'homme politique de ce temps avec sa Foy et religion. sol.,
1588. (Lindsay et Neu, no l '23 7)
4. La Detestation des cruoutez sanguinaires et abominables de Henry Devalé,
en forme de regrets sur la mort et cruel assasinat luy commis et perpetré
en la personne de tres-haut et puissant Prince Henry de Lorraine, Duc ae
Cuise, ( ... ). s.l., 1589. (Lindsay et Neu, no 1454)
5. Discours sur les calomnies imposees, aux princes et seigneurs catholiques,
par les politiques de notre temps. s.l., 1588. (Newberry Library, no *123)
6. Effects espouventables de l'excommunication de Henry de Valois, et de
Henry de Navarre. s.l., 1589. (Lindsay et Neu, 1479)
7. Le Faux-visage descouvert du fm Renard de la France. Ensemble quelques
anagrammes et sonnets propres pour la saison du jourdh'huy. 5.1., 1589.
(Newberry, no 211)
8. HistOire memoroble recltant la vie de Henry de Valois, et la louange de
(rue Jacques Clement, comprise en clnquante-cmq quatrains fort
Catholiques, et pleins de belles sentences tres-utiles, et tres-propres à tout
le peuple FrançOiS. 5.1., 1586. (Lindsay et Neu, no 1640)
9. HistOire veritable de la plus salncte partie de la vie de Henry de Vola ys,
Jadis Roy de France. 5.1., 1589. (Lmdsayet Neu, no 1542)
10. Veritable ReCit, ou vrave histOire, de la mort subIte, de Henry de ValOIS, Roy
de France, trolslesme de ce nom, advenue le pyemler Jour d'Aougst, a Pont
- 298 -
S. Clou, estant assigee la ville de Paris. s.1. 1 589. (Lindsay et Neu, no
1661)
] 1. La Vie et faits notables de Henry de Valois... Où sont contenues les
trahisons, perfidies ... et hontes de cet ... ennemy de la religion Catholique.
Edition seconde, reveuë et augmentee.... s.1. 1589. (Lindsay et Neu, no
1663)
"Les meurs, humeurs et comportemens":
1. Les Meurs humeurs et comportemens de Henry de ValOIS representez au
vray depuis sa nQlssance. s.1. 1 589. (Newberry library, no * 160)
Gaverston:
1. Complainte de la France sur les demerites, de Jean Louys de Nogaret, de la
Valette Duc d'Espernon presentée au koy. s.l., 1588. (Lindsay et Neu, no
1231 )
2. Histoire admirable a la postente des faits et gestes de Henry de ValOIS.
Comparez en tous poincts avec ceux de Loys Faineant. et la mlserable fm
de l'un et l'autre. s.l., 1589. (Newberry Library, no 227)
3. HistOIre tragique et memorable de Pierre de Gaverston Gentil-homme
gascon, jadis le mignon d'Edouard 2. Roy d'Angleterre, tirée des Chroniques
de Thomas Valsinghan, et tournée de Latin en FrançOIs. s.l., 1588.
(Newberry lIbrary, no 183)
4. Lettre d'un Gentil-homme CathoITcque Apostollcque et Romam et vray
FrançOIs et fldelle SerViteur du Roy à ung sien Amy sur l'histOire de Pierre
de Gaverston nouvellement mis en lumlere par l'Archevesque de Lyon à la
Requeste de ceux de la ligue. s.l., 1588. (Lindsay et Neu, no 1328)
5. Replique à l'antlgaverston, ou responce fQlcte à l'histOire de Caverston, par
le Duc d'Espernon. s.l., 1588. (Newberry Llbrary, no 180)
- 299 -
l Sorcellerie et signes merveilleux
1
1. Les Choses horY/bles. contenues en une lettre envoyee à Henry de ValoIs.
par un enfant de Pa Y/S. le vmghUitiesme de Janvier 1589. 5.1., 1589.
(Newberry Library, no 194)
2. Les Propheties merveilleuses advenues à ,'endroit de Henry de Valois, 3. de
ce nom. jadis Roy de France. 5.1., 1589. (Newberry Llbrary, no * 157)
3. SIgnes merveilleux aparuz sur la ville et Chastau de Bloys. en la presence
du Roy: et lasslstance du peuple. Ensamble les signes et Comette aparuz
pres de Parts. le douzlesme de janvier, 1589. 5.1., 1589. (Lindsay et Neu,
no 1648)
4. Les Sorceleries de Henry de Valois, et les oblations qU'II falsolt au diable
dans le bois de Vincennes. 5.1., 1589. (Lindsay et Neu, no 1653)
Confessions et Testaments
1. Declarations par laquelle Henry de Valois, confesse estre Tyran et ennemy
de l'Eglise Catholique Apostolique et Romame. 5.1., 1589. (Lindsay et Neu,
no 1447)
2. Les Propos lamentables de Henry de Valois, tirez de sa confession. par un
remords de conscience, qUi tousJours tourmente les mlserables. 5.1., 1589.
(Lindsay et Neu, no 1612)
3. Les Regrets et complamtes de jean Vallette dit de Nogaret par la grace du
Roy Duc d'Espernon, grand AnimaI de France et bourgeOIs d'Angoulesme
sur son departement de la court. s.l., 1589. (Lindsay et Neu, no 1619)
4. Le Testament de Henry de Valoys, recommande a son orny jean
d'Espernon. 5.1., 1589. (Lindsay et Neu, no 1655)
Autres pamphlets:
- 300 -
f 1. Discours sur les comp/alntes et doleances des mlseres et calamltez de ce
temps. Avecque un pour parler tant de la France que d'Espagne. s.l., 1589.
(LI ndsay et Neu, no 1 467.1 )
2. La Fulminante pour feu tres-grand et tres-chrestlen prince Henry III, roy de
France et de Pologne. Contre Sixte V, soy disant Pape de Rome, et les
rebelles de France. s.l .• 1590. (Lindsay et Neu, no 1 710)
3. Responce falcte à la declaratlOn de Henry de Valois sur l'Innocence par luy
pretendue de /0 mort de messeigneurs de Guyse. s.l .• 1589. (Lindsay et
Neu, no 1634)
4. Responce aux JustificatIOns pretendues par Henry de Va 10 ys 3, du nom. Sur
les meurtres et assasinats, de feu messeigneurs le cardinal, et duc de
Guyse, contenues en sa declaration par luy faite, contre messeigneurs le
duc de Mayenne, duc et chevalier d'Aumalle. 5.1., 1589. (Lindsay et Neu, no
1631 )
Etudes et bibliographies
1. Albrecht Haynie, Susanne Elizabeth. "The Image of Henry III ln
Contemporary French Pamphlets". Thèse de doctorat, UniverSity of
Michigan, 1971.
2. Angenot, Marc. La Parole pamphlétatre. Pans' payot, 1982.
3. Berkley Wells, Latimer. "Pamphletenng in France dunng the Wars of
Religion: Aspects of ephemeral and occaslOnal publications, 1562-1598".
Thèse. Duke University. 1975.
4. Le DIscours polémique. (Georg Rollenbleck, éd.). Paris' Ed. Place, 1985.
5. Lenlent, C. La Sattre en France ou la littérature militante au XVIe Siècle.
Pans: L. Hachette, 1866.
- 301 -
,f
6. Lindsay, Robert, et John Neu. French Political Pamphlr'.' s, 1547-1648. a
catalog of major collections m Amer~(an Libranes. Madison: University of
Wlsconsi n Press, 1969.
7. _________ . French Political Pamphlets, 1547-7648: a supplement.
Woodbridge, CT: Research Publications, '981.
8. Pallier, Denis. Recherches sur l'imprimene à Paris pendant la Ligue
(1585-1594). Genève: Droz, 1976.
9. Le Pamphlet en France au XVIe siècle. Paris: Ecole normale supérieure de
jeunes filles, 1983.
10. Traditions polémiques. Cahiers Saulnier, no 2. Paris: E.N.S.J.F., 1984.
1 ,. Welsh, D.V. A Checklist of French political Pamphlets ( ... ) in the Newberry
LI brary. Chicago: Newberry library, 1950-1955, 2 vol.
Articles
1. Angenot, Marc. "La Parole pamphlétaire", Etudes littéraires. Vol. II, no 2,
août 1978, p. 255-266.
2. __________ . "Présupposé, topos, idéologème", Etudes francaises. No 13/
1 et 2, 1977, p. 11-34.
Poésie satirique
Textes
1. Les Amoureux Passe-temps. (Ed. Fleuret). Paris: éditions Montaigne, 1925.
2. Le Cabmet satyrique. (Ed. Fleuret et Perceau; tome 1 d'après l'édition de
1618). Pans: Librairie du Bon Vieux Temps, 1924, 2 vol.
3. Le Cabmet secret du Parnasse, Mathunn Régnier et les satyriques. (Ed.
LOUIS Percedu). Paris: Au Cabinet du livre, 1930.
·302 -
4. Dufay, Pierre. L'Enfer des Classiques. (AnthologIe). Paris. Ed. de la
Nouvelle France, J 942.
5. L'Espadon satyrique de Claude d'Esternod. (Ed. Fleuret et Perceau). Pans'
J. Fort, 1922.
6. Les Gaillardises du SIeur de Mont-GaIllard. (Ed. A.D. van Bever, d'après
l'édition de 1606). Paris: E. Sansot et CIe. 1905.
7. Jodelle, Etienne. Oeuvres complètes. (EdItion cntlque d'Enéa Balmas).
Paris: Gallimard, 1968.
8. Les Muses gaillardes. Pans_ Anthoine du Brueil, \ 609.
9. Les Muses incognues ou la SeIlle aux bourY/ers plaine de deslrs et
imagtnations d'amour. Pans: Jules Gay, 1862.
10. Ronsard, Pierre de. La Bouqutnade et autres gaIllardises (Ed. Fleuret et
Perceau). Pans: Bibliothèque des cuneux, 1921.
1 \. Les Satires françaises du XVIIe sIècle. (Ed. Fleuret et Perceau). Pans:
Garnier, 1923, 2 vol.
12. Sigogne. Les Oeuvres satyrIques du Sieur de SIgogne. (Ed. Fleuret et
Perceau). Pans: Bibliothèque des Cuneux. 1920.
Etudes
1. Alexandrian. H,sto,re de la Ittt,. ature érotIque. Pans. Seghers. J 989.
2. Pia, Pascal. Les Livres de l'Enfer du XVIe sIècle à nos Jours. Pans. Coulet et
Faure, \ 978, 2 vol.
Articles
1. Bellenger, Yvonne. "Facétie et obscénité dans la poésie française apres
1550", Réforme, Humamsme, Renatssance. No 7. 1978. p. 97-103.
- 303 -
2. SOZZI, Lionel/o. "Les Facéties du Pogge et leur influence en France",
Réforme, Humamsme, Renatssance. No 7, 1978, p. 31-35.
Travestissements littéraires
Textes
1. Anacréon. AnacreontlS Tell Odae. (Traduction de Henri Estienne). Paris:
Henn Estienne, 1554.
2. _____ . Sappho et Anacréon, oeuvres connues sUivies des
"Anacréontiques". Plan de la Tour: Editions d'aujourd'hui, 1982.
3. Baif, Jean-Antoine de. Chansonnettes. (G.c. Bird). Vancouver: The
University of British Columbia, 1964.
4. Belleau, Remy. Les Odes d'Anacréon Teien. Paris: André Wechel, 1556.
5. ______ . Les Oeuvres poétiques de Remy Belleau. Paris: Mamert
Patisson, 1585.
6. Bèze, Theodore de. Les juvenalla. (Paris, 1879), Genève: Slatkine Reprints,
1970.
7. Ficin, Marslle. Le Commentaire de Marsille FiCin Florentin sur le banquet
d'Amour de Platon. (TradUit par Symon silvius, dit 1. De La Haye). Poitiers:
HA l'enseigne du Pelican", 1546.
8. ________ . Discours de /'honneste amour, sur le Banquet de Platon.
(Traduit par Guy Le Fevre de la Bodene). Paris: Abell'Angeher, 1588.
9. ________ . Commentatre sur le "Banquet" de Platon. (Edition critique de
Raymond Marcel). Pans les Belles lettres, 1978.
10. Papillon de Lasphrise, Marc. Diverses PoéSIes. (Ed. critique de Nerina
Clenci Balmas). Genève. Droz, 1988.
- 304 -
1 J. _______ . Les Premieres Oeuvres poetiques du CapltoJt7e Lasphnsc.
Paris. Jean Gessehn, 1597.
12. Platon. Le Banquet Jt7 Oeuvres complètes. (Traduit par Léon Robin). T.
VI, 2e partie. Paris les Belles lettres, 1966.
13. _______ . Les LOIs ln Les Oeuvres complètes. T. XI et XII. Pans les
Belles Lettres, 1951-76.
14. Tyard, Pontus de. Oeuvres poètlques complètes. (John C. Lapp). Pans
Marcel Didier, 1966.
15. Virgile. La Seconde Eglogue de Virgile. Pans' lOIS Grandln, 1543.
16. _______ . Les Eglogues de Vlrglfe. (Traduit par Clément Marot et
Richard le Blanc). Paris Charles l'Angeller, 1555.
17. __________ . Les "Bucoflques" de Virgile Pnnce des poètes. (Traduit par
Pierre de Marcassus). Pans Antome Estienne, 1621.
18. Bucoliques. (Traduit par E. de Saint-Dents). Pans Les Belles
Lettres, 1967.
Etudes
J. Balmas, Nenna Clerici. Un poète du XVIe Siècle. Marc Papillon de Lasphnse.
Pans: Nlzet, 1983.
2. Delboulle, A. Anacréon et les poèmes anacreontlques. Le Havre Lemale et
cie, 1891.
3. Hulubel. Alice. L'Eglogue en France au XVIe siecle. Pans Oraz, 1938.
4. Lachèvre, Frédéric. Le Procès de Théophile de ViaU. T. 1 et Il. Pans Honoré
Champlon, 1909.
- 305 -
"
Articles
1. Aulotte, Robert. "L'Ode à l'almée de Sappho chez Robert Garnier". Bulletin
de l'AssoCIation GUIllaume Budé. IVe série, ] 965, p. 112-1 17.
2. _______ . "Sur quelques traductions d'une ode de Sappho au XVIe
siècle", Lettres d'Humanité. Tome XVII, déc. 1958, p. 107-123.
Autres oeuvres
1. Montaigne, Michel de. Les Essais. (Ed. Villey).3e éd. Paris: PUF, 1978.
2. Rabelais, FrançOIs. Gargantua. (Edition critique de M.A. Screech). Genève:
Oroz, 1970.
3. Pantagruel. (Edition cntique de V.L. Saulnier). Genève: Droz,
1965.
4. . Le Quart Livre. (Edition critique de Robert Marichal).
Genève: Droz, 1947.
5. Le Tiers Livre. (Edition critique de M.A. Screech). Genève:
Oroz, 1964.
6. Ronsard, Pierre de. Oeuvres complètes. (Edition critique de Laumonier). T.
Il, VI, X, XIII et XVIII. Paris: Lemerre, Marcel Didier, Gallimard, Droz,
1914-1967.
7. Schmidt, Albert-Marie. Poètes du XVIe Siècle. Paris: Gallimard, 1953.
·306 -