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218 /Abstract/ The pavement in Constantinople’s Christ Pantocrator church is a particularly rich example of Byzantine medieval mosaic floor decoration. It was made around 1118 –1136 at the end of the construc- tion of the church commissioned by John ii Comne- nus. The iconography presents the feats of Samson, a cycle of zodiac signs, animals including a hunting scene and fishes, the seasons, and diverse vegetation. The iconography is characteristic of the medieval Romanesque mosaic pavements in the West. This study aempts to understand the cultural motives for these choices. /Keywords/ Constantinople, Pantokrator Church, Mosaic, Pavement, Incrustations, Romanic Art, Ico- nography, Cartography, Samson, Zodiac, Seasons, Animals, Medieval Bestiaries /Mots-clefs/ Constantinople, église du Pantocrator, mosaïque, pavement, incrustations, art roman, ico- nographie, cartographie, Samson, Zodiaque, saisons, animaux, bestiaires médiévaux Xavier Barral i Altet Université de Rennes 2 Università di Venezia Ca’ Foscari [email protected]

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Page 1: ii · 2020. 7. 2. · 218 /Abstract / The pavement in Constantinople’s Christ Pantocrator church is a particularly rich example of Byzantine medieval mosaic floor decoration. It

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/Abstract / The pavement in Constantinople’s Christ Pantocrator church is a particularly rich example of Byzantine medieval mosaic floor decoration. It was made around 1118 –1136 at the end of the construc-tion of the church commissioned by John ii Comne-nus. The iconography presents the feats of Samson, a cycle of zodiac signs, animals including a hunting scene and fishes, the seasons, and diverse vegetation. The iconography is characteristic of the medieval Romanesque mosaic pavements in the West. This study attempts to understand the cultural motives for these choices.

/Keywords/ Constantinople, Pantokrator Church, Mosaic, Pavement, Incrustations, Romanic Art, Ico-nography, Cartography, Samson, Zodiac, Seasons, Animals, Medieval Bestiaries

/Mots-clefs/ Constantinople, église du Pantocrator, mosaïque, pavement, incrustations, art roman, ico-nographie, cartographie, Samson, Zodiaque, saisons, animaux, bestiaires médiévaux

Xavier Barral i AltetUniversité de Rennes 2Università di Venezia Ca’ [email protected]

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Au cœur de la cité ancienne d’Istanbul, la triple église du monastère du Christ Pantocrator repré-sente une des entreprises architecturales les plus prestigieuses qui aient vu le jour dans la ville mé-diévale de Constantinople. L’actuelle mosquée Mol-la Zeyrek Camii est un ensemble bâti au cours du premier quart du xiie siècle, vers 1118 –1136, par Jean ii Comnène et Irène Comnène1. Le monastère primitif, construit par volonté de l’empereur et de l’impératrice, était constitué par l’actuelle église sud dédiée au Christ Pantocrator. Après la mort de l’impératrice, Jean ii fit ajouter une seconde église au nord, dédiée à Marie Éléousa, ouverte aux laïcs. Entre les deux on construisit une chapelle funé-raire ou herôon dédiée à saint Michel qui devien-dra mausolée impérial2. Les phases postérieures de l’ensemble sont connues. Aujourd’hui encore, cet ensemble architectural médiéval est un joyau de l’art monumental de l’époque centrale de l’art byzantin 3.

Pour honorer mon vieil ami Hans Belting, je vou-drais lui offrir une réflexion, murie au cours des an-nées, sur le pavement de l’église sud de l’ensemble monastique / Figs 1– 4 / 4. Celui-ci fut nettoyé et restauré sous la direction d’abord de Paul Atkins Underwood, puis de Arthur H. S. Megaw, avec le parrainage de l’Institut américain d’Istanbul et de

Un programme iconographique occidental pour le pavement médiéval de l’église du Christ Pantocrator de ConstantinopleXavier Barral i Altet

Opisanie Liturgičeskix Rukopisej, i Typika, Kiev 1895, pp. 656 –702 ; Alexander Van Millingen, Byzantine Churches of Constantinople, Lon-dres 1912, pp. 219 – 242 ; Jean Ebersolt, Adolphe Thiers, Les églises de Constantinople, Paris 1915, pp. 185 – 207 ; Eyice Semavi, Istanbul. Petit Guide à travers les Monuments Byzantins et Turcs, Istanbul 1955 ; Raymond Janin, La géographie ecclésiastique de l’Empire byzantin. i. Le siège de Constantinople et le patriarcat œcuménique, pt. 3. Les églises et les monastères, Paris 1969, p. 515 et suiv.; Çelik Gülersoy, A Guide to Istanbul, Istanbul 1976 ; Wolfgang Müller-Wienner, Bildlexikon zur Topographie Istanbuls : Byzantion-Konstantinupolis-Istanbul bis zum Beginn des 17. Jahrhunderts, Tübingen 1978, pp. 209 – 221; Raymond Le Coz, « L’hôpital du Pantocrator à Constantinople au xii e siècle », Bulletin du Centre d’étude d’histoire de la médecine de Toulouse, xxii (1997), pp. 30–34 ; John Freely, Ahmet S. Çakmak, Byzantine monuments of Istanbul, Cambridge 2004, (2e édition 2010), pp. 202 et suiv. ; Sophia Kotzabassi, The Pantokrator Monastery in Constantinople, Boston / Berlin 2013 ; Paul Magdalino, « The Foundation of the Pantokrator Monas-tery in its Urban Setting », in Ibidem, pp. 33 – 48. Au sujet du Typikon du monastère, voir Paul Gautier, « Le Typikon du Christ Sauveur Pan-tokrator », Revue des études byzantines, xxxii (1974), pp. 1–145 ; Eleanor A. Congdon, « Imperial Commemoration and Ritual in the typikon of the Monastery of Christ Pantokrator », Revue des études byzantines, liv (1996), pp. 161–199 ; Robert Jordan, « Pantokrator : Typikon of Emperor John ii Komnenos for the Monastery of Christ Pantokrator in Constantinople », in Byzantine Monastic Foundation Documents. A Complete Translation of the Surviving Founders’ Typika and Testaments, John Philip Thomas, Angela Constantinides Hero éds, Washington 2000, pp. 725 – 781.

2 Cyril Mango, « Notes on Byzantine Monuments : Tomb of Manuel i Comnenus », DOP, xxiii–xxiv (1969–1970), pp. 372 – 375.

3 Thomas F. Mathews, The Byzantine Churches of Istanbul: A Photographic Survey, University Park 1976, figs 10 –18, p. 85, figs 10 – 24, p. 88, figs 10 –25, p. 89 (avec bibliographie) ; Cyril Mango, Architecture byzantine, Paris 1981, pp. 235 – 238 ; Richard Krautheimer, Architettura paleocristiana e bizantina, Turin 1986.

4 Au début des années quatre-vingt du siècle dernier, lors de séjours répétés a Dumbarton Oaks, j’avais étudié et conçu, en collaboration avec Ernst Kitzinger, le projet de publication de certains de ces pave-ments orientaux ; publication qui, à la fin, ne vit pas le jour, voir Xavier Barral i Altet, « Gli inserti figurativi nel mosaico pavimentale della Martorana come indicatori culturali », in L’officina dello sguardo. Scritti in onore di Maria Andaloro. i. I luoghi dell’arte. Immagine, memoria, materia, Giulia Bordi [et al.] éds, Rome 2014, pp. 63 – 68.

1 Adolphe Hergès, « Le monastère du Pantocrator à Constantino-ple », Echos d’Orient, ii/3 (1898), pp. 70 – 88 ; Aleksej A. Dmitrievskij,

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Dumbarton Oaks, au milieu des années cinquante, à partir de juin 1954 5, et au début des années soixante du xx e siècle, lorsque seul le bâtiment central était utilisé comme mosquée 6. D’excellents relevés et photographies de cette période permettent d’étudier et de commenter ce pavement exceptionnel. Depuis, l’édifice méridional ayant retrouvé sa fonction de mosquée, le pavement en mosaïque est à nouveau couvert et caché sous un sol en bois et sous les tapis de la mosquée. A la fin des années quatre-vingt-dix, des nouvelles campagnes d’étude et de restauration du complexe ont été entreprises sous la direction de Robert Ousterhout 7.

A l’origine, le pavement décoré couvrait tout le sol de la basilique, l’espace central sous la coupole, les entrecolonnements, les nefs latérales, celle de l’entrée et les surfaces précédant l’abside / Fig. 1/ 8. Il présente de grandes compositions en opus sectile, avec l’intégration d’animaux et d’éléments figurés,

découpés dans des plaques de marbre incrustées dans le pavement. S’y déploie un cycle de Samson, avec divers épisodes dont certains sont assez bien conservés comme celui de la tuerie des Philistins, ou de la démolition des portes de Gaza / Figs 2– 4 /. Un Zodiaque est également présent dans cette grande et luxueuse composition formée de schémas circulaires inscrits dans des carrés.

Le pavement est d’abord intéressant par l’associa-tion de techniques diverses sur un même sol unitaire. Les bordures extérieures et les bordures en général sont en opus sectile, ainsi que les structures qui or-ganisent la composition. Les espaces triangulaires générés par le passage du carré au cercle sont rem-plis par des incrustations. Deux autres techniques sont présentes, la juxtaposition de plaquettes et la mosaïque de tesselles. Ces diverses techniques, aux-quelles il convient d’ajouter la présence de plaques de marbre, sont parfaitement imbriquées entre elles.

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La présence de diverses techniques dans un même sol représente une des principales caractéristiques des pavements médiévaux en Occident et des pave-ments médiévaux en général. Dans le sol de l’église du Pantocrator, l’effet est splendide et les sujets fi-gures se détachent sur le fond avec intensité, ac-compagnés de motifs végétaux formés également de plaquettes de marbre taillées et juxtaposées. La bordure extérieure en vert antique délimite l’espace

2001, pp. 19 – 27 ; Idem, « The Pantokrator Monastery and Architec-tural Interchanges in the Thirteenth Century », in Quarta Crociata: Venezia-Bizanzio-Impero Latino, Gherardo Ortalli, Giorgio Ravegnani, Peter Schreiner éds, Venise 2006, vol. ii, pp. 749 – 770 ; Umut Almaç, « Preliminary Observations on Structural Condition of a Byzantine Monument in Historic Peninsula of Istanbul: Pantokrator Church (Zeyrek Camii) », Advanced Materials Research, cxxxiii– cxxxiv (2008), pp. 555 – 560 ; Historical Earthquakes and Conservation of Monuments and Sites in the Eastern Mediterranean Region, colloque internation-al, (Istanbul, 10 –12 septembre 2009), Tunkay Taymaz éd., Istanbul 2009 ; Robert Ousterhout, « Sacred Geographies and Holy Cities: Constantinople as Jerusalem », in Hierotopy. The Creation of Sacred Space in Byzantium and Medieval Russia, Aleksei Lidov éd., Moscou 2006, pp. 98 –116 ; Idem, « The Decoration of the Pantokrator (Zeyrek Camii): Evidence Old and New », in Third International Sevgi Gönül Byzantine Studies Symposium (Istanbul, 24 – 27 Juin 2013), Ayla Ödekan, Engin Akyürek, Nevra Necipoğlu éds, Istanbul 2010, pp. 432– 439 ; Idem, « Architecture, art and Komnenian Ideology at the Pantokrator monastery », in Byzantine Constantinople: Monuments, Topography and Everyday Life, Papers from the International Workshop (Boğaziçi University, Istanbul, 7–10 Avril 1999), Nevra Necipoğlu éd., Leyde 2001, pp. 133 –150 ; Metim Ahunbay, Zeynep Ahunbay, « Restoration work at the Zeyrek Camii, 1997–1998 », in Ibidem, pp. 117–132.

8 Philipp Schweinfurth, « Istanbul’da Komnenos’lar devrine ait bir mo-saik. Ein Mosaik aus der Komnenenzeit in Istanbul dans Bellenten », Türk Tarih Kurumu, xvii (1953), pp. 489 – 500, figs 1– 5 ; Idem, « Der Mosaikfussboden der komnenischen Pantokratorkirche in Istanbul », Jahrbuch des Deutschen Archäologischen Instituts. Archäologischer Anzei-ger, lxix (1954), pp. 253 – 260.

5 Paul A. Underwood, « Notes on the Work of the Byzantine Institute in Istanbul : 1954 », DOP, ix – x (1956), pp. 291– 300.

6 Arthur H. S. Megaw, « Notes on the Recent Work of the Byzantine Institute in Istanbul », DOP, xvii (1963), pp. 335 – 364.

7 Robert Ousterhout, Zeynep Ahunbay, Metin Ahunbay, « Study and restoration of the Zeyrek Camii in Istanbul: First report 1997 », DOP, liv (2000), pp. 265 – 270 ; Robert Ousterhout, « Contextualizing the Later Churches of Constantinople. Suggested Methodologies and a Few Examples », DOP, liv (2000), pp. 241– 250 ; Idem, « Study and Restoration of the Zeyrek Camii in Istanbul: Second Report, 2001– 2005 », DOP, lxiii (2009), pp. 235 – 256 ; Robert Ousterhout, « Interpreting the Construction History of the Zeyrek Camii in Is-tanbul (Monastery of Christ Pantokrator) », in Studies in Ancient Structures. Proceedings of the Second International Conference, Istanbul

1 / Partie centrale du pavement, Eglise du Pantocrator, Constantinople, xii e siècle

2 / Samson et le lion, détail du pavement, Eglise du Pantocrator, Constantinople, xii e siècle

3 / Samson et les Philistins, détail du pavement, Eglise du Pantocrator, Constantinople, xii e siècle

4 / Samson et les portes de Gaza, Eglise du Pantocrator, Constantinople, xii e siècle

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occupé par le grand panneau central sous la coupole. Le marbre utilise est blanc et jaune et est accompagné de disques de porphyre et vert antique, en grande partie manquants.

Dans la surface principale, sous la coupole / Fig. 1/, la composition générale, à l’intérieur d’un carré, détermine des cercles et des rectangles enlacés en alternance : un cercle au centre et quatre aux angles séparés par quatre rectangles qui dessinent une croix aux bras égaux. Neuf unités groupées par séries de trois sont ainsi déterminées. En réalité, la composi-tion générale peut être également comprise comme un quadrillage de neuf cases dont celles situées au centre et aux quatre angles inscrivent un cercle, le tout enlacé. Les parties qui intéressent le plus mon propos se situent dans les trapèzes triangulaires au côté intérieur courbe délimités par le passage du rectangle au cercle. À l’intérieur de chacun d’entre eux un rinceau couvrant peuplé d’oiseaux ou de petits personnages, comme deux guerriers portant des écus, enveloppe des figures d’animaux isolés ou en lutte comme un griffon ou un lion dévorant un serpent, le tout exécuté à l’aide d’incrustations de pierre dure blanche. Tous les éléments figures ont été mis en place pour être vus de l’ouest. Ils étaient incisés, comme des gravures, pour en sou-ligner des détails, mais ces dessins sont en grande partie effacés.

Les panneaux rectangulaires qui décorent le sol des entrecolonnements offrent une alternance de rectangles et cercles enlacés / Fig. 1/. Des animaux en opus sectile peuplent le pavement de l’entrecolon-nement occidental. Les nefs transversales situées à l’entrée et devant l’abside étaient également dotées de pavements décorés, ici particulièrement riches. Le pavement de la nef/transept orientale, précédant l’abside, est moins bien conservé. Des bordures de tesselles accompagnent un décor de poissons taillés dans des plaquettes de marbre blanc sur fond noir évoquant un paysage marin. Autour du disque cen-tral en vert antique se situent divers épisodes d’un cycle de Samson faits avec des plaquettes incrustées et disposées dans des rinceaux. On peut encore re-connaitre trois épisodes, Samson enlevant les portes de Gaza / Fig. 4 /, Samson tuant des Philistins avec la mâchoire d’âne / Fig. 3 / et probablement Samson et le lion / Fig. 2 /. Un quatrième épisode a disparu. Il ne s’agit pas d’un cycle continu mais d’épisodes

isoles pour évoquer l’histoire de Samson selon le livre des Juges, 13 –16. D’autres figures effacées ac-compagnaient les épisodes principaux / Fig. 13 /.

De la nef transversale située à l’entrée seule la partie centrale est connue. Elle était ornée d’un disque de porphyre et de quatre bustes situés aux angles qui évoqueraient les saisons. Au centre, les signes du Zodiaque sont présentés dans une roue par quatre groupes de trois signes alternativement noirs et rouges. Des rinceaux enferment des figures effacées parmi lesquelles on a individualisé deux cavaliers en lutte et peut-être des fragments d’une scène de chasse / Fig. 14 /.

On a observé que, sur le plan technique, le décor du pavement de toute la partie centrale de l’édifice, entre l’entrée et l’abside, était fortement unitaire. En revanche, les pavements des nefs latérales étaient de moins bonne qualité, ils sont moins bien conservés et probablement exclusivement géométriques.

En Grèce et au Moyen Orient, dans ce que l’on peut appeler les rives orientales de la Méditerranée, existait au haut Moyen Âge une tradition de la mo-saïque de pavement de l’Antiquité tardive peut-être plus forte encore qu’en Occident9. Une tradition qui va connaître une continuité dans deux directions, celle des pavements figurés d’une part et celle des pavements géométriques à composition de plaques de l’autre. Cette dernière, avec ses imbrications de ro-saces ou cercles enlacés semble avoir eu une certaine répercussion en Occident, en Sicile ou à Venise 10.

Les pavements des xi e et xii e siècles de la Méditer-ranée orientale attendent un corpus d’ensemble qui permette de fixer avec certitude les chronologies et les étapes de diffusion de la technique et du style. Un certain nombre de ces pavements introduisent des motifs géométriques et animaliers dans des grands décors en opus sectile à espaces carrés ou circulaires enlacés. On connait en Grèce plusieurs églises qui comportent des représentations animalières dans des pavements géométriques organisés avec des carrés ou des rectangles et des disques ou cercles enlacés, parfois avec l’insertion d’animaux comme à Sagmata ou dans les églises de Tarsinon et Lehovas 11. Pour les pavements de la Turquie byzantine 12, les choses sont similaires mais encore plus riches d’in-térêt pour les questions que je soulève, avec des pavements en opus sectile, comme à Sainte-Sophie ou à la Kalenderhane Camii de Constantinople13, et des

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sols en opus sectile géométriques avec des animaux, dans l’église de Saint-Jean Studios à Constantinople / Fig. 5 / 14. Mais c’est surtout le pavement de la Zeyrek Camii, l’église du Pantocrator qui est le plus riche et le mieux conservé / Figs 1– 4 /.

C’est concrètement sur la présence de ces élé-ments figurés sous forme d’opus tessellatum ou de marbres taillés et incrustés que je souhaite attirer l’attention. Les pavements des églises du Moyen Âge byzantin ont une histoire et des traditions propres jusqu’à une date même tardive, mais la réputation que devaient avoir au sein des élites religieuses les pavements des églises d’Occident au cours des xi e et xii e siècles, n’aurait pas laissé indifférents les commanditaires byzantins. Rappelons qu’au même

Athos-Klöstern, Leipzig 1891, pp. 38 – 40. Le monastère de Sagmata (Béo-tie), le plus important des pavements médiévaux de la Grèce, dans les trois nefs de l’église ; panneaux en opus sectile et opus tessellatum ; animaux ; décor géométriques et végétal ; serpent comparable à ceux d’Italie du sud (Saint Adriano à San Demetrio Corone), deuxième moitié du xii e siècle : Anastasios K. Orlandos, « Le monastère de Sagmata en Béotie », Archeion, vii (1951), pp. 72–110, figs 16 – 35 ; Tar-sinon et Lehovas, églises, dans la première subsiste la représentation d’un oiseau dévorant un serpent ; dans la seconde, pavement en opus sectile et opus tessellatum dans les trois nefs, décor géométrique et animalier, grue, oiseau, serpent ; on remarque juste devant l’entrée, à un endroit privilégié, un oiseau blanc au long cou représenté dans un champ rouge ; deuxième moitié du xi e, début xii e siècle, voir Idem, « Les églises de Tarsinon et Lehovas », Archeion, i (1935), pp. 91– 98, figs 1– 9 ; Zoodochu Pigis (Kitheron), monastère de la Vierge, panneau en opus sectile dans l’église ; motifs géométriques, xe au xive siècle, voir Idem, « Le monastère de la Vierge Zoodochu Pigis dans le Kitheron », Archeion, i (1935), pp. 161–178, figs 1–19. Voir aussi pour les pavements en Grèce, Ormonde Maddock Dalton, Byzantine Art and Archeology, Oxford 1911, pp. 426 – 426 ; Anastasios K. Orlandos, « Paralaurion de la Vierge », Archeion, v (1939 –1940), pp. 107 et suiv. (pavement en opus sectile à décor géométrique, milieu du xii e siècle). Les découvertes sont signalées principalement dans Archeologicon Deltion, Athènes ; complément de bibliographie dans les dépouillements des Bulletins d’information de l’aiema, Paris.

12 Mathews, The Byzantine Churches (n. 3), pour les illustrations de la plupart des pavements et bibliographie pour les églises qui les abritent. Sur les plaques émaillées employées parallèlement à la mosaïque, à Byzance, voir Elisabeth S. Ettinghausen, « Byzantine Tiles from the Basilica in the Topkapu Sarayi and Saint John of Studios », Cahiers archéologiques, vii (1954), pp. 79 – 88. Quelques pavements dont la date varie de la fin de l’Antiquité au Moyen Âge permettent de comprendre le développement des pavements ultérieurs, ceux des xie et xiie siècles, à Byzance, voir Semavi Eyice, « Two Mosaics Pavements from Bithyn-ia », DOP, xvii (1963), pp. 373 – 383, pls 1–19. Voir aussi Urs Peschlow, « Neue Beobachtungen zur Architektur und Ausstattung der Koime-siskirche in Iznik », Istanbuler Mitteilungen, xxii (1972), pp. 145 –187, pls 38 – 44 ; Ernest J. W. Hawkins, Marlia C. Mundell, « The Mosaics of the Monastery of Màr Samuel, Màr Simeon, and Màr Gabriel near Kart-min », DOP, xxvii (1973), pp. 279 – 295, figs 47– 49. Pour les pavements postérieurs au Moyen Âge, voir Ara Altun, « Mardin’ deki Artuklu me-dresesi », Sanat Tarihi Yıllığı, iii (1969 –1970), pp. 253 – 263 ; Metin Sözen, « Eine Moschee von seltenem Typ in Anatolien : Die Seyh Fethullah Moschee in Gaziantep », Anatolica, iii (1969 –1970), pp. 177–187, pl. 13. Pour la période des Paléologues, voir Alessandra Guiglia Guidobaldi, « La decorazione pavimentale bizantina in età paleologa », in L’arte di Bisanzio e l’Italia al tempo dei Paleologi 1261–1453, Antonio Iacobini, Mauro Della Valle éds, Rome 1999, pp. 321– 358.

13 Pour Sainte-Sophie, dans la nef principale, grande composition cir-culaire inscrite dans un carré, opus sectile ; dans le sanctuaire, dallage en marbre polychrome, voir Eckhard Unger, « Das Weltbild-Mosaik der Sophienkirche in Konstantinopel », Forschungen und Fortschritte, xi (1935), pp. 35 –36, 445 – 447 ; Mathews, The Byzantine Churches (n. 3), pp. 302 – 303, figs 31– 63, 65 ; pour la Kalenderhane Camii : travaux de restauration entrepris par l’Institut américain de Istanbul entre 1968 et 1974 ; découverte d’un pavement en opus sectile à décor géométrique, voir Cecil L. Striker, Y. Dogan Kuban, « Work at Kalenderhane Camii in Istanbul : First Preliminary Report », DOP, xxi (1967), pp. 267– 271, fig. 1– 7; Idem, « Work at Kalenderhane Camii in Istanbul : Third and Fourth Preliminary Report », Ibidem, xxv (1971), pp. 251– 258, figs 1–15 ; Idem, « Work at Kalenderhane Camii in Istanbul: Third and Fourth Preliminary Report (1970–1974)”, Ibidem, xxix (1975), p. 307 et suiv., figs 1– 3.

14 Pavement de la nef centrale de l’église en opus sectile, avec décor d’an-imaux, en grande partie perdu, mais connu par des photographies anciennes, xii e siècle, voir « Otchit o dviatelnokti Ruskavo arche-ologitcheskavo Instituta v Konstantinopol v 1910 godu », Bulletin de l’Institut archéologique russe à Constantinople, xv (1911), pp. 240 – 258, 259 – 289 ; Mathews, The Byzantine Churches (n. 3), p. 144 ; Cyril Mango, « The date of the Studius Basilica at Istanbul », Byzantine and Modern Greek Studies, iv (1978), pp. 115 –122; Ken R. Dark, Anthony Littlewood, « New evidence for the Byzantine pavement of St. John Studios in Istanbul from an English Parish Church », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinischen Gesellschaft, lv (2005), pp. 121–128.

9 Doro Levi, Antioch Mosaic Pavements, Princeton 1947 ; Ernst Kitzinger, « Mosaic Pavements in the Greek East and the Question of a “Renais-sance” under Justinian », in Actes du vi e Congrès international d’études Byzantines, vol. ii, Paris 1948, pp. 209 – 222 ; Janine Balty, Philippe Delvaux, Cecile Duliere, Mosaïques de l’église de Herbet Muqa, Brux-elles 1969 ; Janine Balty, Mosaïques antiques de Syrie, Bruxelles 1977 ; Pauline Donceel-Voute, Le viie siècle dans les mosaïques du Proche Ori-ent, in vi e coloquio internacional sobre mosaico antigo, (Palencia / Mérida, octobre 1990), Guadalajara 1994, pp. 207– 220 ; Sandro Rizzi, « Ipotesi ricostruttiva della Chiesa di S. Maria Théothòkos di Terreti », in Atti del iv Colloquio dell’Associazione Italiana per lo Studio e la Conservazione del Mosaico, (Palermo, 9 –13 dicembre 1996), Rosa Maria Carra Bonaca-sa, Federico Guidobaldi éds, Ravenne 1997, pp. 459 – 461. Pour les mosaïques omeyyades, voir Richard W. Hamilton, Khirbat al-Mafar. An Arabian Mansion in the Jordan Valley, Oxford 1959, pp. 327 et suiv., fig. lxxvii–lxxxv; Raffaella Farioli Campanati, « Il mosaico pavimentale d’epoca umayyade della chiesa di S. Giorgio nel Deir Al-Adas (Siria) », in Arte profana e arte sacra a Bisanzio, Antonio Iacobini, Enrico Zanini éds, Rome 1995, pp. 257–269 ; voir également I mosaici di Giordania, catalogue de l’exposition, Michele Piccirillo, Janine Balty éds, Rome 1986, p. 160 ; Andrea Paribeni, « Osservazioni sui mosaici pavimentali dei palazzi omayyadi », in Medioevo : arte lombarda, Atti del convegno internazionale di studi (Parma, 26 – 29 settembre 2001), Arturo Carlo Quintavalle éd., Milan 2004, pp. 634 – 642.

10 Quelques exemples : Antonio Marcello Villucci [et al.], La cattedrale di Sessa Aurunca, Sessa Aurunca 1983 ; Irene Gallucci, « Resti pavimentali in opus sectile nella cripta della cattedrale di Benevento », in Atti del iv Colloquio dell’Associazione Italiana, Rosa Maria Bonacasa Carra éd., pp. 665 – 674 ; Mariarosaria Salvatore, « I mosaici nell’Area del comp-lesso episcopale della SS. Trinità a Venosa », in Ibidem, pp. 473 – 490.

11 Arta, église Sainte-Théodora, pavement en opus sectile et tessellatum dans la nef centrale ; motifs géométriques, fin xii e, début xiv e siècle, voir Anastasios K. Orlandos, « Sainte-Théodora à Arta », Archeion, ii (1936), pp. 87 et suiv. ; Arta, monastère de Vlahernon, pavement en opus sectile et opus tessellatum dans l’église la plus ancienne de la région ; motifs géométriques et animaliers dont un aigle à deux têtes dans le disque central, milieu xii e, début xiii e : Idem, « Le monastère de Vlahernon à Arta », Ibidem, pp. 3 – 50, figs 1– 44 ; Hosios Meletios, panneau en opus sectile à incrustation dans le narthex de l’église. Décor géométrique : Idem, « Le monastère de Hosios Meletios et le Paralavria de ce monastère », Ibidem, v (1939 –1940), pp. 35 et suiv. ; Léondari, église des Saints-Apôtres ; le pavement de l’église détruit et remplacé par un carrelage en ciment au début du siècle était décoré de motifs géométriques et végétaux ; oiseaux ; dragon ailé dans le collatéral gauche : Idem, « L’église byzantine des Saints-apôtres à Léondari », Revue des études grecques, xxxiv (1921), pp. 163 –176, sp. p. 175. Les monastères du Mont-Athos, les pavements des églises du monastère du Mont-Athos en opus sectile sont décorés de motifs polychromes, souvent en forme de croix, voir Heinrich Brockhaus, Die Kunst in den

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Arrêtons-nous d’abord sur les représentations de Samson et le lion, caractéristiques de la sculpture romane et présentes dans de nombreuses mosaïques de pavement romanes à Layrac 17, Saint-Apollinaire de Valence18, Otrante, Asti19, Saint-Ours d’Aoste / Fig. 6 / 20 ou Saint-Géréon de Cologne (très restaurée, / Fig. 7/ )21 entre autres. À Layrac, avec une composi-tion très proche de celles de Moissac, Saint-Sever et Sorde et des motifs végétaux analogues, la mosaïque met en scène l’épisode de la lutte entre Samson et le lion dans lequel Samson n’affronte pas l’animal de face, mais le chevauche. À Otrante, Samson saisissant les mâchoires du lion se trouve isolé et, comme à Lay-rac, il est situé près de l’autel, à gauche de l’abside.

Le cycle par épisodes de l’église du Pantocrator n’appartient pas à la tradition byzantine du cycle his-torique continu déployé en frise qu’Ernst Kitzinger avait étudié à propos du pavement de Mopsueste 22. Ce dernier se situe dans la lignée des peintures de Doura Europos, d’El Bagawat et des manuscrits Cotton et Vienne de la Genèse, semble particulière-ment proche comme concept des manuscrits qui se déployaient en rouleaux. Une tradition qui connaitra un développement autonome au cours du premier Moyen Âge. Les épisodes de Samson de l’église du Pantocrator doivent être mis en relation avec les systèmes cycliques par images isolées, comme par exemple celui de la crypte de l’église de Saint-Géréon de Cologne / Figs 2– 4, 7, 8 /.

Au Moyen Âge, les différents épisodes de l’his-toire de Samson ont été mis en parallèle, par les exégètes chrétiens, avec ceux de la vie du Christ 23. La figure de Samson, héritier de l’Hercule antique 24, déjà louée par Paul dans son épître aux Hébreux est, pour les commentateurs médiévaux, une pré-fi guration biblique de celle du Christ. De saint Ambroise à Alain de Lille, en passant par Jérôme, Augustin, Paulin de Nole, Grégoire le Grand,

5 / Pavement, Saint-Jean Studios (et détail), Constantinople, xii e siècle

moment arrivait dans ces régions l’art roman en provenance de France et d’Italie15. Dans le cas des mosaïques de pavement romanes, j’aurais tendance à voir, comme dans tant d’aspects de l’histoire ou de l’économie médiévale, un certain apport de l’Occi-dent vers l’Orient. Il y a, en Grèce et dans l’Orient byzantin, à Constantinople même, un certain nombre de pavements, des xi e, xii e et xiii e siècles, exécutés en opus sectile ou tessellatum, qui intègrent un décor figuré de source occidentale au sein de sols exécutés il est vrai, dans les techniques issues de la créativité locale, de cercles et de compositions enlacées ou centrées / Fig. 5 /.

Revenons donc au pavement en mosaïque de l’église du Pantocrator de Constantinople, en atten-dant qu’une étude approfondie puisse un jour être entreprise avec de nouveaux relevés et observations sur place. On peut résumer le programme icono-graphique du sol de la manière suivante. À l’entrée de l’édifice, le Zodiaque et les saisons évoquent le cycle cosmologique et terrestre du temps qui est souvent accompagné dans ce type de pavements de la personnification des travaux des mois de l’année. Sous la coupole, au centre de l’édifice, animaux, monstres et flore végétale évoquent la géographie et les bestiaires. Avant de pénétrer dans l’abside, le cycle biblique de Samson est la préfiguration du nouveau testament représenté par le mystère de l’autel et l’image visionnaire de la calotte absidale.

Il s’agit d’un programme iconographique carac-téristique des pavements en mosaïque d’époque romane en Occident / Figs 6 –12 /. On trouve chacun de ces trois groupes d’images dans de nombreux pavements occidentaux. Les trois sont réunis, par exemple, au sein d’un programme bien plus vaste, dans la mosaïque de pavement de la nef centrale et l’abside principale de l’ancienne cathédrale d’Otrante dans les Pouilles16.

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Isidore de Séville, Raban Maur et Hugues de Saint-Victor, la lutte de Samson avec le lion est comparée à la mort et à la victoire du Christ. Au xii e siècle, Hugues de Saint-Victor précise : « Sam-son significat Christum » ou encore « Samson leonem interfecit, et Christus diabolum occidit » 25. Une image déjà très ancienne de la lutte de Samson et du lion est peinte sur le mur de droite de la salle L de la catacombe de la Via Latina à Rome ou Samson, portant la tunique et le pallium, affronte le fauve de face, alors que celui-ci, dressé sur son arrière-train, bondit sur lui 26. Cette image, connaîtra un dévelop-pement paral lèle au Samson chevauchant le lion des mosaïques du Pantocrator, de Layrac ou d’Otrante. À l’époque romane, l’épisode est parfois illustré avec quel ques variantes : Samson chevauche le lion en cava lier, ou, pour mieux lui déchirer la mâchoire, il prend appui avec son pied ou son genou sur le dos de la bête. Parfois, il l’étrangle en même temps, serrant ses jambes autour du cou de l’animal. L’épi-sode de Samson et le lion fait partie, parfois, d’un cycle de sa légende, d’après le livre des Juges, il arrive au contraire que dans un cycle de l’histoire de Samson l’épi so de du lion manque, mais cela

(Parma, 21–25 settembre 2004), Arturo Carlo Quintavalle éd., Milano 2007, pp. 590–693.

17 Pierre Dubourg-Noves, « L’art roman en Agenais », Congrès Archéologique de France, cxxvii (1969), pp. 320 et suiv. ; Idem, « L’église Saint-Martin de Layrac », Ibidem, pp. 279 – 294 ; Michel Mastorakis, « Notes de chantier, église de Layrac (Lot-et-Garonne) », Monuments Historiques de la France, xv (1969), pp. 106 –107 ; Robert-Henri Bautier, « Les origines du prieuré de Layrac et l’expansion clunisienne », Bulletin de la Société des Antiquaires de France, (1970), pp. 28 – 65 ; Henri Stern, « Une mosaïque de pavement romane de Layrac (Lot-et-Garonne) », Cahiers archéologiques, xx (1970), pp. 81– 98.

18 Henri Lavagne, Recueil géneral des mosaïques de la Gaule, iii, 1, Paris 1979, no 9, p. 169.

19 Alberto Crosetto, « Chiesa cattedrale di S. Maria. Scheda prelimin-are », Quaderni della Soprintendenza Archeologica del Piemonte, v (1986), pp. 111–113.

20 Roberto Perinetti, « I mosaici medievali di Aosta », in Atti del vi Collo-quio dell’Associazione Italiana per lo Studio e la Conservazione del Mosaico (Venezia, 20–23 Gennaio 1999), Federico Guidobaldi, Andrea Paribeni éds, Ravenne 2000, pp. 161–174 ; Charles Bonnet, Roberto Perinetti, « La collegiata di Sant’Orso dalle origini al xiii secolo », in Sant’Orso. Il complesso monumentale, Bruno Orlandoni, Elena Rossetti Brezzi éds, Aoste 2001, pp. 9 – 48 ; Paolo Papone, Viviana Maria Vallet, « Il mosaico del coro », Ibidem, p. 35 – 48 ; Gianni Romano, Piemonte romanico, Turin 1994, pp. 393 – 420, pls 90 – 92.

21 Ernst Aus’m Weerth, Der Mosaikboden in Sankt Gereon zu Cöln, nebst den damit verwandten Mosaikböden Italiens, Bonn 1873. Voyez aussi, à la suite de ce livre, les notes réunies dans les Jahrbücher des Vereins von Altertumsfreunden im Rheinlande, lv – lvi (1875), pp. 253 – 263 ; Paul Clemen, Die romanische Monumentalmalerei in den Rheinlanden, Düssel-dorf 1916, pp. 139 –155; Hiltrud Kier, Mittelalterliche Schmuckfussboden unter besonderer Berücksichtigung des Rheinlandes, Düsseldorf 1970, pp. 110 –115, figs 86, 87 ; Ute Verstegen, St. Gereon in Köln in römischer und frühmittelalterlicher Zeit, Cologne 2003, pp. 258 – 262.

22 Ernst Kitzinger, « Observations on the Samson Floor at Mopsuestia », DOP, xxvii (1973), pp. 135 –144. Auparavant, Ludwig Budde, « Die frühchristlichen Mosaiken von Misis-Mopsuestia in Kilikien », Pan-theon, xviii (1960), pp. 116 et suiv. ; Idem, Antike Mosaiken in Kilikien. i. Frühchristkichen Mosaiken in Misis-Mopsuestia, Recklinghausen 1969, pp. 67 et suiv., pl. 143 et suiv., notamment pl. 144.

23 Paul Carus, The story of Samson and its Place in the Religious Development of Mankind, Chicago 1907.

24 La filiation iconographique entre le groupe du Samson et le lion médiéval et celui de l’Hercule antique a été notamment soutenue par Erwin Panofsky, Fritz Saxl, « Classical Mythology in Medieval Art », Metropolitan Museum Studies, iv (1933), pp. 228 – 230, puis par Kurt Weitzmann, « The Survival of Mythological Representations in Early Christian and Byzantine Art and their Impact on Christian Iconogra-phy », DOP, xiv (1960), pp. 57 et suiv. Voir également, Kirk Ambrose, « Samson, David or Hercules? Ambiguous Identities in some Roman-esque Sculptures of Lion Fighters », Konsthistorisk tidskrift, lxxiv (2005), pp. 131–147 ; Manuel Castiñeiras, « Hércules, Sansón y Constantino: el Tapiz de la Creación de Girona como speculum principis », in L’officina dello sguardo (n. 4), pp. 209 – 214.

25 Par rapport aux problématiques cartographiques dont il sera question plus loin, voir Patrick Gautier Dalché, La « Descriptio Mappe Mundi » de Hugues de Saint-Victor, Paris 1988.

26 Antonio Ferrua, Le pitture della nuova catacomba di Via Latina, Vatican 1960, p. 73, pl. cix.

15 Dont il conviendrait d’étudier les pavements. Deux exemples d’églises croisées : la cathédrale de Tortose et Sainte-Marie-latine à Jérusalem, voir Camille Enlart, Les monuments des croisés dans le royaume de Jérusa-lem, Paris 1925 –1928, vol. ii, p. 425 ; Karel Vriezen, « Jérusalem : quartier du Mauristan », Revue biblique, lxxxiv (1977), pp. 275 – 278, pl. xiia. Dans la tribune de la rotonde du Saint-Sépulcre on signale une mosaïque de sol ornée d’un poisson, voir Charles Couasnon, « La restauration du Saint-Sépulcre », Bible et Terre Sainte, cxl (1972), pp. 8 –17. Un exem-ple d’étude pour la sculpture, voir Mosche Barasch, Crusader Figural Sculpture in the Holy Land. Twelfth Century Examples from Acre, Nazareth and Belvoir Castle, New Brunswick nj 1971.

16 Chiara Settis Frugoni, « Per la lettura del mosaico pavimentale della cattedrale di Otranto », Bolletino dell’Istituto Italiano per il Medioevo e Archivio Muratoriano, lxxxii (1970), pp. 243 –270 ; Grazio Gianfreda, Il mosaico di Otranto. Biblioteca Medievale in immagini, Lecce 1996 (8 e édition 2002) ; Maria Augusta Coppola, « Il pavimento musivo della Cattedrale di Otranto : in margine a pubblicazioni più o meno recenti », Studi medievali, xlvi (2005), pp. 343–384 ; Manuel Castiñeiras, « L’Oriente immaginato nel mosaico di Otranto », in Medioevo mediterraneo : l’Oc-cidente, Bisanzio e l’Islam, Atti del convegno internazionale di studi

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est assez rare 27. L’épisode est cependant considé-ré comme suffisamment important par lui-même pour occuper une place de choix dans un vitrail, au sol de l’abside d’une église, comme à Layrac ou à Otrante, ou pour figurer à l’entrée de l’église, sur un tympan 28. La diffusion géographique des représen-tations d’épisodes de la vie de Samson est vaste en Occident, et sa répartition est très généralisée, aussi bien sur des chapiteaux 29 que sur des tympans30. Parmi ces derniers, ceux de Saint-Pierre-Toirac (Lot) et de Mauriac (Cantal) sont très caractéristiques 31.

L’épisode des portes de Gaza que l’on voit au sol au Pantocrator / Fig. 4 /, à Cologne (très restau-ré, / Fig.8 / ) et à Valence, a également été fréquem-ment représenté dans l’art médiéval. Le sens qu’il convient de lui donner dans le jeu des correspon-dances typologiques entre l’Ancien et le Nouveau Testament est éclairé par les images de l’autel por-tatif de Stavelot, que l’on situe vers 1160, et par celle exécutée par Nicolas de Verdun pour l’ambon de Klosterneuburg 32. Dans ces dernières, l’épisode de la vie de Samson est mis en parallèle avec la Résurrection ou, dans un sens plus large, avec la Passion du Christ. Dans le pavement de la crypte de Saint-Géréon à Cologne, où plusieurs épisodes très restaurés de la légende apparaissent / Figs 7, 8 /, Samson, identifié par une inscription, chevauche le lion dans une position des bras et des jambes fort proche de celles des mosaïques de Layrac et d’Otrante ou Samson saisissant la mâchoire du lion se trouve isolé au milieu d’images sans rapport avec sa légende. On peut rapprocher de ces exemples occidentaux les représentations de Samson de l’église du Pantocrator, où, dans le pavement du bras oriental de l’église, devant l’iconostase, dans chaque écoinçon d’une composition circulaire ins-crite dans un carré, il y avait à l’origine une petite scène figurée inscrite dans un cercle / Figs 2 – 4 /. Deux épisodes de la vie de Samson ont pu être identifiés, celui des portes de Gaza et celui de la lutte contre les Philistins. Un troisième est perdu. Le quatrième après nettoyage, pourrait représenter la lutte avec le fauve. Malgré l’état de conservation de ce fragment, on y distingue un quadrupède et une figure humaine, dont au moins une jambe est conservée. L’intérêt de ces images résiderait dans leur appartenance à l’iconographie occidentale et romane.

Les signes du Zodiaque appartiennent bien aux figurations habituelles des pavements en mosaïque de la fin de l’Antiquité en Orient ainsi qu’à ceux de l’époque romane occidentale / Figs 11, 12 a – b / 33. Accompagnés souvent des personnifications des travaux des mois, ils sont présents sur de nombreuses mosaïques romanes d’Italie mais aussi de Bourgogne ou de la Vallée du Rhône, comme par exemple a Otrante / Fig. 11/, Plaisance, Bobbio, Autun, Vézelay, Tournus ou Lyon34. Il s’agit de représentations qui

27 Georg Swarzenski, « Samson Killing the Lion. A Medieval Bronze Group », Bulletin of the Museum of Fine Arts. Boston, xxxviii (1940), pp. 67– 74 ; Wolfgang Born, « Samson and the Lion. A Scottish Re-lief with Iranian Affiliations », Gazette des Beaux-Arts, xxv (1944), pp. 257– 264.

28 Christine Hediger, « Samson: “Typus Christi” oder Verkörperung des durch das Fleisch verführten Verstandes? Das Samsonfenster der Kathedrale von Auxerre und das Richterfenster der Sainte-Chapelle in Paris », in La Sainte-Chapelle de Paris. Royaume de France ou Jérusalem cé-leste?, Christine Hediger éd., Turnhout 2007, pp. 315 – 343; Erik Eynikel, Samson: Hero or Fool ? The Many Faces of Samson, Leyde 2013 ; Santiaga Hidalgo Sánchez, « Samson, les jongleurs et le Seigneur des animaux: images bibliques et images profanes au seuil d’un portail gothique », in Thèmes religieux et thèmes profanes dans l’image médiévale : transferts, emprunts, oppositions, Christian Heck éd., Turnhout 2014, pp. 153 –164 ; Xenia Ressos, Samson und Delila in der Kunst von Mittelalter und Fruher Neuzeit, Petersberg 2014.

29 Par exemple en Bourgogne ou dans la Vallée du Rhone, à Anzy le Duc, Autun, Vézelay, Cluny, Moûtiers-Saint-Jean, Saint-Laurent-en-Brion-nais, Saint-André-le-Bas à Vienne, cathédrale Saint-Maurice à Vienne, Anneyron, Die, Valence, Avignon, Saint-Gilles ou Saint-Trophime d’Arles. Dans le nord de la Péninsule Ibérique, par exemple, on le trouve trois fois à Saint-Isidore de Léon, deux dans la cathédrale romane de Salamanque, deux à Zamora, sur le tympan de l’église de Toboada dos Freires en Galice et fréquemment dans les provinces de Soria, Burgos et Palencia, à Carrión de los Condes, Moarves ou Aguilar de Campoo, voir José Ramon y Fernandez Oxea, « El tema iconográfico de Sanson y el león en el arte románico », Actas do Congresso historico de Portugal medievo, iii, Bracara Augusta, xviii – xix (1965), pp. 76 – 82 ; Segundo Perez Queiro, « Tímpano románico de San Miguel de Oleiros con la lucha de Sansón y el león », Cuadernos de estudios gallegos, xxxvi (1971), pp. 82 – 86.

30 Myla Perraymond, Il ciclo di Sansone (Gd. 14, 15, 16): genesi e diffusione di un tema iconografico, Domum tuam dilexi. Miscellanea in onore di Aldo Nestori, Vatican 1988, pp. 643 – 667 ; Carlo Tosco, « Sansone vittorioso sul portale di Nonantola : ricerche sulle funzioni dell’iconografia medioevale », Arte Cristiana, dccxlviii (1992), lxxx, pp. 3 – 8 ; Gian Andrea Caduff, « Zur Bildsprache des sogenannten “Samson-Stoffes” im Churcher Domschatz », Zeitschrift für Schweizerische Archäologie und Kunstgeschichte, lx (2003), pp. 297– 304.

31 Charles Samaran, « Le Samson de Saint-Pierre-Toirac (xii e siècle) », Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, iv (1968 –1969), pp. 155 –160 ; Jacques Bousquet, « Trois tympans sculptés des environs de Figeac : Saint-Félix et Saint-Jean de Mirable, Saint-Pierre-Toirac », in Figeac et le Quercy. Actes du xxiiie Congrès d’études régionales, Bullettin de la Société des études litteraires, scientifiques et artistiques, xcii (1971), pp. 249 – 266, sp. p. 256.

32 Hans R. Hahnloser, « Nicolas de Verdun, la reconstitution de son ambon de Klosterneubourg et sa place dans l’histoire de l’art », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, xcvi (1952), pp. 448 – 456.

33 Wolfgang Hübner, Zodiacus Christianus. Jüdisch-christliche Adaptatio-nen des Tierkreises von der Antike bis zur Gegenwart, Königstein 1983 ; Giuliana Guidoni Guidi, « La rappresentazione dello Zodiaco sui mosaici pavimentali del Vicino Oriente », in iii Colloquio internazionale sul mosaico Antico (Ravenna 6 –10 settembre 1980), Raffaella Farioli Campanati éd., Ravenne 1983, pp. 253 – 262.

34 Xavier Barral i Altet, Le décor du pavement au Moyen Âge : les mosaïques de France et d’Italie, Rome 2010.

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6 / Samson et le lion, mosaïque romane, Saint-Ours, Aoste, xii e siècle

7 / Samson et le lion, mosaïque romane, basi-lique Saint-Géréon, Cologne, xiie siècle avec lourdes restaurations au xix e siècle

8 / Samson et le portes de Gaza, mosaïque romane, basilique Saint-Géréon, Cologne, xii e siècle avec lourdes restaurations au xix e siècle

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tendaient à satisfaire la curiosité médiévale pour la géographie et la cosmologie, mais aussi pour les sciences de la nature 35. Parallèlement, les représen-tations d’animaux / Fig. 9 / ou d’êtres fabuleux sont liées à une certaine vision médiévale du merveilleux qui accompagne souvent les programmes iconogra-phiques avec présence du zodiaque 36. Le tout s’insère dans la représentation de l’Imago Mundi, au sein de laquelle les Bestiaires en mosaïque appartiennent à une sorte de cartographie du monde médiéval 37.

Dans la mosaïque de l’ancienne église du Saint-Sauveur de Turin, une composition circulaire est inscrite dans un carré dont les vents garnissent les écoinçons 38. Le grand cercle représente l’océan, avec ses îles, qui sont identifiables par des inscrip-tions. À l’intérieur, à la place des continents, on voit une série de huit grands cercles enlacés enfer-mant des animaux, dont des oiseaux, des griffons, des lions, un taureau, un éléphant et, au centre du pavement, une représentation de la roue de la Fortune qui évoque le contexte cosmique et géo-graphique de la roue de la vie dans une mise en scène identique à celle de l’Année et des mois 39. Des animaux de différentes espèces, même fantastiques,

sont fréquemment déployés dans les cartes géogra-phiques médiévales pour signifier la faune des dif-férents pays : ce sont des symboles cartographiques déguisés. Les fleuves du Paradis sont souvent re-présentés aux quatre angles d’une composition de ce type 40 qui devient facilement quadripartite avec les quatre évangélistes, les quatre points cardinaux, les quatre vertus les quatre éléments ou les quatre saisons 41, comme dans l’église du Pantocrator.

Une mosaïque romane, malheureusement dispa-rue, réunissait tous ces divers éléments. Le décor du sol du chœur monastique de Saint-Remi de Reims, était divisé en trois larges bandes longitudinales d’images à l’intérieur desquelles apparaissaient les saisons et le zodiaque. À l’entrée, on voyait une figuration du roi David jouant de la harpe. La partie centrale du pavement était occupée par une composition monumentale groupant, autour de la figuration de Jérôme, les évangélistes, les apôtres et les prophètes. La bande de droite était divisée en quatre grands panneaux séparés par des bordures dans lesquelles on voyait des personnifications de la terre et de l’eau, des quatre Fleuves du Paradis et des sept arts libéraux. Au milieu du troisième

9 / Bestiaire, mosaïque romane, cathédrale de Brindisi, xii e siècle

10 / L’année et le cycle des mois, mosaïque romane (et dètail), cathédrale d’Aoste, xii e siècle

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panneau on trouvait un homme assis sur un fleuve accompagné de l’inscription orbis terrae, avec, aux angles du panneau, les figurations des quatre sai-sons avec leurs noms. Deux grandes compositions circulaires juxtaposées étaient formées chacune de douze petits médaillons garnis des douze mois et des douze signes du zodiaque avec les vertus car-dinales et les points cardinaux 42.

La mosaïque de Saint-Remi de Reims permet de mieux comprendre l’importance des associations d’images du pavement du Pantocrator entre elles : David pour Samson, les saisons et les animaux. La mosaïque de Reims associe les quatre Vertus car-dinales aux quatre Points cardinaux, suivant une habitude fort répandue liée à la symbolique des nombres. Les quatre Vertus seront disposées à l’em-placement des quatre points cardinaux, comme les quatre évangélistes, les quatre prophètes majeurs, les quatre éléments, les quatre Fleuves du Para-dis ou les quatre saisons. À Saint-Remi de Reims, c’est un véritable programme iconographique chré-tien qui a été déployé. Ce n’est pas un cas unique, puisque bien d’autres pavements en mosaïque de l’Occident médiéval, comme ceux de San Prospero

de Reggio Emilia, d’Otrante, ou de Saint-Irénée de Lyon, présentaient des programmes d’une sem-blable complexité 43. De tels programmes vont aussi se développer sur les façades des grandes basiliques, comme on le voit à la porte sud du portail royal de

35 Lynn White Jr, « Natural Science and Naturalistic Art in the Middle Ages », The American Historical Review, iii (1947), pp. 421– 435.

36 Hannes Kästner, « Kosmographisches Weltbild und sakrale Bildwelt : Meerwunder und Wendervölker in mittelalterlicher Kirchenraum », in Mein ganzer körper ist Gesicht : groteske Darstellungen in der europäischen Kunst und Literatur des Mittelalter, Katrin Kröll, Hugo Steger éds, Fri-bourg 1994, pp. 215 –237.

37 Chiara Frugoni, « La figurazione bassomedioevale dell’Imago mundi », in Convegni del Centro di Studi sulla spiritualità Medioevale xxii : “Imago Mundi” : la coscienza scientifica nel pensiero basso medioevale, (Todi, 11–14 ottobre 1981), Todi 1983, pp. 225 – 269 ; Barral i Altet, Le décor du pave-ment (n. 34).

38 Ernst Kitzinger, « World Map and Fortune’s Wheel: A Medieval Mosaic Floor in Turin », Proceedings of the American Philosophical Society, cxvii (1973), pp. 344 – 373; voir mon compte-rendu dans Bulletin monumental, cxxxii (1974), pp. 307– 312.

39 Giulia Orofino, « Calcolo e Fortuna. I disegni del codice 189 dell’Ar-chivio dell’Abbazia di Montecassino », in Immagine e Ideologia. Studi in onore di Arturo Carlo Quintavalle, Arturo Calzona [et al.], Milan 2007, pp. 126 –137.

40 Ernst Schlee, Die Ikonographie des Paradiesesflüss, Leipzig 1937.41 En général, sur les sources de ces images et leur symbolisme, voir Otto

Karl Werckmeister, Irish-northumbrische Buchmalerei des 8. Jahrhunderts und monastische Spiritualität, Berlin 1967, pp. 157 et suiv.

42 Xavier Barral i Altet, « Les mosaïques de pavement médiévales de la ville de Reims », Congrès archéologique de France, cxxxv (1977), Paris 1980, pp. 79 –108.

43 Barral i Altet, Le décor du pavement (n. 34).

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à Novare, la nef de la cathédrale était autrefois or-née d’une immense théorie d’animaux fantastiques, accompagnés chacun de leur nom, dans la cathé-drale de Casal Montferrat, une partie du pavement était ornée d’hommes en lutte contre des animaux, d’un antipodes et d’un acefalus 47. Le double aspect cavaliers-animaux fantastiques de Ganagobie est comparable aux décors des pavements de Bobbio et de Pavie. Dans l’église de Saint-Colomban à Bob-bio, à côté d’images de guerre parmi lesquelles une reprise d’Antioche par les cavaliers, on voit la lutte d’un onocentaure contre la chimère et d’un acefalus contre le dragon48. Ces dernières images occupent sur le pavement autant de place que les scènes de bataille. Dans l’église du Pantocrator nous décou-vrons ce même univers d’animaux, monstres et ca-valiers, entouré d’une surface d’eau évoquée par les poissons. Ce dernier aspect confirme que le décor du pavement veut évoquer une certaine image du Monde associée à une idée géographique 49, comme sur la mosaïque déjà évoquée de l’ancienne église Saint-Sauveur de Turin où on voit, à l’intérieur d’une représentation des vents et de l’océan avec ses îles, des médaillons avec des animaux fantas-tiques et réels 50.

Chartres 44. À Saint-Remi, l’image monumentale du monde est figurée dans le cadre de la réflexion en-cyclopédique du moment, dans laquelle la culture antique, l’élévation du savoir vers la connaissance de Dieu et l’image du monde sont des notions qui deviennent interchangeables 45. La curiosité géo-graphique, le symbolisme des nombres et surtout le parallélisme entre l’Ancienne Loi et la Nouvelle dominent l’iconographie du pavement. Les repré-sentations de l’Ancien Testament en tant que pré-figurations de celles du Nouveau, placées près de l’autel, sont habituelles sur les pavements romans ; on les trouve, par exemple, à Otrante, Layrac ou Saint-Apollinaire de Valence. On regroupe alors arts profanes et histoire biblique en une concep-tion véritablement encyclopédique du Monde. Le pavement de l’église du Pantocrator développe un programme analogue.

On trouve également dans le pavement du Pantocrator une forte présence animalière réelle ou fantastique. Des mondes fabuleux apparentés à ceux si souvent figurés dans les mosaïques ro-manes d’Occident 46. À Ganagobie les animaux sont enfermés dans des cercles, ailleurs ils envahissent le pavement comme à Otrante ou Brindisi / Fig. 9/,

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Le sens global du pavement de l’église du Pan-tocrator tient en trois idées principales 51. L’an-cien testament est présent par le cycle de Samson / Figs 6 – 8, 13 /. Il est accompagné d’images tirées des recueils de Bestiaires / Fig. 9/ gr âce auxquelles la fascination pour le merveilleux cache une certaine vision du monde lointain, de la géographie et de la cosmologie, avec les monstres, le zodiaque et les saisons / Figs 10 –12 a–b, 14 / 52. L’évocation de la littérature, de la mythologie et du quotidien est ici évoquée per les éléments végétaux et les scènes de chasse. Le monde marin des poissons accom-pagne le monde terrestre des animaux. Toute l’ico-nographie des pavements en mosaïque des églises romanes d’Occident se trouve condensée dans le programme iconographique du pavement de l’église du Pantocrator de Constantinople.

Cette conclusion ne porte que sur la conception du programme iconographique du pavement, sur

du calendrier et des saisons du portail de l’église abbatiale de Vézelay », Gesta, xxxvii (1998), pp. 74 – 87.

45 Anne Dorothee von den Brincken, « …Ut describeretur Universus orbis. Zur Universal Kartographie des Mittelalters », in Methoden in Wissenschaft und Kunst des Mittelalters, Albert Zimmermann, Rudolf Hoffmann éds, Berlin 1970, pp. 249 – 278 ; Simone Viarre, « Le com-mentaire ordonné du monde dans quelques sommes scientifiques des xii e et xiii e siècles », in Classical Influences on European Culture a. d. 500 –1500. Proceedings of an International Conference Held at King’s College, R. R. Bolgar éd., Cambridge 1971, pp. 203 – 215.

46 Barral i Altet, Le décor du pavement (n. 34).47 Xavier Barral i Altet, « Il mosaico pavimentale del duomo romanico

di Casale Monferrato : osservazioni sull’iconografia », in Arte e carte nella diocesi di Casale, Alessandro Casagrande, Gabriella Parodi Travaglia éds, Alexandrie IT 2007, pp. 156 –173.

48 Giovanna Niebler, Kriegs- und Kreuzzugsdarstellungen auf der Mosaik in San Colombiano in Bobbio: ein theologisch-heilgeschichtliches Bildpro-gramm, Sarrebruck 2008.

49 Voir, par exemple, sur ces questions, Wilma B. George, Animals and Maps, Londres 1969, pp. 26 – 55 ; Konrad Miller, Mappamundi. Die ältesten Weltkarten, Stuttgart 1895.

50 Kitzinger, « World Map and Fortune’s Wheel » (n. 38).51 Xavier Barral i Altet, « Nuevas sensibilidades artísticas en el románico

del siglo xii », in Renovación intelectual del Occidente europeo (siglo xii), 24 Semana de estudios medievales (Estella, 14 –18 juillet 1997), Pampelune 1998, pp. 219 –247.

52 George C. Druce, « The Mediaeval Bestiaries and their Influence on Ecclesiastical Decorative Art », The Journal of the British Archae-ological Association, xxv (1919), pp. 41– 82 et xxvi (1920), pp. 35 – 79 ; Nikolaus Henkel, Studien zum Physiologus im Mittelalter, Tübingen 1976, pp. 207–219 ; Le monde animal et ses représentations au Moyen Âge (xi e–xv e siècles), Actes du xv e Congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public (Toulouse, 25–26 mai 1984), Toulouse 1985 ; Jacqueline Leclercq-Marx, « La sirène et l’(ono)centaure dans le Physiologus grec et latin et dans quelques Bestiaires. Le texte et l’image », in Bestiaires médiévaux. Nouvelles perspectives sur les manuscrits et les traditions textuelles, Baudouin van den Abeele éd., Louvain-la-Neuve 2005, pp. 169 –188.

44 Sur ces questions, Adolf Katzenellenbogen, « The central tympa-num at Vézelay, its encyclopedic meaning and its relation to the first Crusade », Art Bulletin, iii (1944), pp. 141–151 ; Idem, The Sculptural Programs of Chartres Cathedral, New York 1964 ; Marcello Angheben, « Apocalypse xxi–xxii et l’iconographie du portail central de la nef de Vézelay », Cahiers de Civilisation Médiévale, xli (1998), pp. 209 – 240 ; Véronique Frandon, « Du multiple à l’un : approche iconographique

11 / Personnifications des mois et signes du zodiaque, mosaïque romane, cathédrale d’Otrante, xii e siècle avec lourdes restaurations au xx e siècle

12 / Zodique circulaire, pavement roman tardif (et détail), San Miniato al Monte, Florence, début du xiii e siècle

12 a – b / Zodique circulaire, pavement roman tardif (et détail), San Miniato al Monte, Florence, début du xiii e siècle

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la culture et sur la volonté du commanditaire 53 ou de celui qui fut chargé de faire la proposition du programme 54. Le canevas de composition est bien byzantin et la technique, bien qu’elle ne soit pas ignorée en Occident 55, apparait, comme les maté-riaux de remploi, essentiellement dépendante des goûts locaux 56.

53 Une tentative d’explication de l’iconographie du pavement par rap-port à l’idéologie Comnène a été tentée par Ousterhout, « Architec-ture, art and Komnenian Ideology » (n. 7).

54 On ne peut tout de même pas ignorer la présence de vitraux du Moyen Age dans cette église, fait courant en Occident mais moins fréquent dans l’Orient byzantin, voir Jean Lafond, « Les vitraux historiés du Moyen Âge découverts récemment a Constantinople », Bullettin de la Société Nationale des Antiquaires de France, (1964), pp. 164 –166 ; Idem, « Découverte de vitraux historiés du Moyen Âge à Constantinople », Cahiers archéologiques, xviii (1968), pp. 231–238 ; J. Henderson, Marlia Mundell Mango, « Glass at Medieval Constantinople: Preliminary Scientific Evidence », in Constantinople and its Hinterland, Cyril Mango, Gilbert Dagron éds, Aldershot 1995, pp. 346 et suiv. ; Robert H. Brill, « Chemical Analyses of the Zeyrek Camii and Kariye Camii Glasses », DOP, lix (2005), pp. 213 – 230.

55 Différents exemples de pavements d’incrustations dans Barral i Altet, Le décor du pavement (n. 34), passim. Voir également, Maryse Bideault, Claudine Lautier, « Le pavement de l’ancienne abbatiale Saint-Nicaise de Reims », Revue de l’Art, xxxi (1976), pp. 9 – 20 ; Guy Barruol, Jean Ulysse, « Les mosaïques romanes de la priorale Saint-André-de-Rosans », in Saint-André-de-Rosans. Millénaire de la fondation du prieuré, Actes du colloque (13–14 mai 1988), Saint-André-de-Rosans 1989, pp. 220 – 221, figs 19 – 20 ; Fabio Coden, Corpus della scultura ad incrostazione di mastice nella penisola italiana (xi–xii sec.), Padoue 2006 ; Xavier Barral i Altet, « Un pavement (clunisien?) du xii e siècle à Saint-Menoux (Allier) », in Ars auro gemmisque prior. Mélanges en hommage à Jean-Pierre Caillet, Miljenko Jurkovic éd., Zagreb 2013, pp. 215 – 222.

56 Henri Maguire, à propos des pavements médiévaux du Grand Palais de Constantinople, a observé que les pavements changent localement après le vii e siècle et qu’au cours des viii e et ix e siècles on abandonne l’opus tessellatum pour adopter l’opus sectile, parfois figuré, voir Henry Maguire « The Medieval Floors of the Great Palace », in Byzantine Constantinople: Monuments, Topography and Everyday Life, Papers from the International Workshop (Istanbul, Boğaziçi University, 7–10 April 1999), Nevra Necipoğlu éd., Leyde 2001, pp. 153 –174. Maguire a également constaté des points de contact avec les iconographies occidentales des pavements romans, fort postérieurs aux pavements du Grand Palais. Sur un plan plus général, voir Urs Peschlow, « Zum byzantinischen opus sectile-Boden », in Beiträge zur Altertumskunde Kleinasiens : Festschrift für Kurt Bittel, R. M. Boehmer, H. Hauptmann éds, Mayence 1983, pp. 435 – 447 ; Alessandra Guiglia Guidobaldi, « L’opus sectile pavimentale in area bizantina », in Atti del i colloquio dell’Associazione italiana per lo studio e la conservazione del mosaico, Ravenne 1993, pp. 643 – 663.

13 / Panneau avec le cycle de Samson, vue d’ensemble du pavement, Eglise du Pantocrator, Constantinople, xii e siècle

14 / Panneau avec la roue du zodique, vue d’ensemble du pavement, Eglise du Pantocrator, Constantinople, xii e siècle

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Trojitý kostel kláštera Krista Pantokratora v cen-tru starého města v Istanbulu představuje jeden z nejprestižnějších architektonických počinů, které se zrodily ve středověké Konstantinopoli. Současná mešita Molla Zeyrek Camii je komplex postavený bě-hem první čtvrtiny 12. století Janem II. Komnenem a Irenou Komnenou. Na dlažbě, jež je jednou z nejza-jímavějších v byzantském středověku, jsou tech ni kou opus sectile provedeny velké kompozice zobrazující zvířata a figurální prvky, vyřezané z mramorových desek a vsazené do podlahy. Odvíjí se zde Samsonův cyklus s různými epizodami, z nichž některé jsou poměrně dobře zachované, jako například scéna Pobití Pelištejců, scéna se lvem nebo Zničení dveří Gazy. V přepychové kompozici složené z kruhových schémat vepsaných do čtverců je přítomen také zvě-rokruh doprovázený ročními obdobími.

Tento ikonografický program je charakteristický pro západní mozaiky románského období. Na mno-hých západních podlahách také nacházíme výše zmíněné typy obrazů, jako například na podlahové mozaice hlavní lodi a apsidy v bývalé katedrále měs-ta Otranto v Apulii. Podlaha kostela Pantokratora v Konstantinopoli nabízí syntézu ikonografických motivů podlahových mozaik ze západních román-ských kostelů.

V závěru článek pojednává o zrození tohoto ikonografického programu, o kulturním rozhledu a o záměru objednavatele.

Summary / Západní ikono­grafický program středověké dlažby kostela Krista Pantokratora v Konstantinopoli