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Identification du mot écrit et de son apprentissage Marie-Christine CAZALY Maitrise des langages 2018

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Page 1: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

Marie-Christine CAZALY

Maitrise des langages 2018

Sommaire Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

2 MC CAZALY CAPASH 2014

Sommaire

Introduction 5

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip7

A Lidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert lhypothegravese des deux voies de lecturehelliphelliphellip7

1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologiehelliphelliphelliphellip7

2 Le modegravele agrave deux voies de lecture Coltheart 1978helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip8

3 Evolution du modegravele agrave deux voies de lecturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip10

31 Le modegravele DRC de Coltheart et al 2001

32 Le modegravele connexionniste CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

4 Les diffeacuterents effets de lecturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip13

41 Les effets de freacutequence

42 Les effets de lexicaliteacute

43 Les effets de reacutegulariteacute

B Meacutecanismes dapprentissage didentification du mot eacutecrit et de ses difficulteacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17

1 Modegraveles deacuteveloppementauxhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17

11 Le modegravele en stades de Frith (1985)

12 Le modegravele agrave double fondation de Seymour (1997)

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique 22

3 La lecture par analogiehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip23

4 Comprendre certaines difficulteacutes didentification du mot eacutecrithelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip24

41 Lapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et complexiteacute

412 Effet de consistance

413 Theacuteorie de la granulariteacute

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

421 Leffet des voisins orthographiques

422 Leffet des voisins syllabiques

Sommaire Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

3 MC CAZALY CAPASH 2014

43 Les effets de familiariteacute

44 La situation du franccedilais langue seconde

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

452 La dyslexie phonologique

Reacutesumeacute Chapitre 1helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip31

Bibliographie

Introduction Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

4 MC CAZALY CAPASH 2014

Introduction

La lecture nrsquoest pas une activiteacute naturelle car le cerveau nrsquoest pas programmeacute pour lire

comme il peut lrsquoecirctre pour le langage oral Lrsquoeacutecrit est une invention de lrsquohomme tout comme

les activiteacutes de comptage et suppose qursquoil y ait apprentissage Certains chercheurs comme

Ludovic Ferrand ont qualifieacute la lecture de talent cognitif prodigieux automatique mais son

apprentissage peut devenir laborieux pour un certain nombre drsquoenfants Crsquoest le cas en

Nouvelle Caleacutedonie ougrave le nombre drsquoeacutelegraveves en difficulteacute de lecture repreacutesente plus de 20

de la population scolaire Parmi ceux-ci beaucoup ont des difficulteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit et nrsquoaccegravedent pas agrave une lecture fluide Le grand deacutefi de lrsquoeacutecole est alors de reacuteussir agrave

deacuteterminer ce qui peut ecirctre source de difficulteacute afin de concevoir des aides approprieacutees

Crsquoest notamment le rocircle des enseignants speacutecialiseacutes qui agrave partir drsquoinvestigations meneacutees

essaient drsquoen deacutegager des profils de lecteurs En effet plus lrsquoanalyse du profil de lecteur sera

fine plus les aides apporteacutees seront efficaces

Crsquoest pourquoi agrave travers la preacutesentation drsquoun ensemble de recherches les plus adapteacutees agrave la

lecture agrave voix haute cette eacutetude se proposera dans un premier temps de faire le point sur

les connaissances dont nous disposons sur les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit pour

le lecteur expert Puis drsquoeacutetudier lrsquoapprentissage de ces meacutecanismes tels qursquoils se

deacuteveloppent chez lrsquoenfant Et enfin nous nous inteacuteresserons particuliegraverement aux

diffeacuterentes sources explicatives des difficulteacutes de reconnaissance du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

5 MC CAZALY CAPASH 2014

Chapitre 1 Les modegraveles theacuteoriques de lrsquoidentification du mot eacutecrit et de son apprentissage

Que sait-on de la lecture experte

La finaliteacute de la lecture est avant tout la compreacutehension de ce qui vient drsquoecirctre lu Pour Ecalle

et Magnan 2010 cette finaliteacute reacutesulte de deux composantes essentielles lrsquoidentification du

mot eacutecrit et la compreacutehension de phrases ou de textes Ainsi la reconnaissance des mots

eacutecrits conditionne toute lrsquoactiviteacute de lecture car elle est un preacutealable agrave la compreacutehension

Pour ecirctre efficaces les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit doivent ecirctre automatiseacutes

Mais quels sont ces meacutecanismes Comment se traduisent-ils chez le lecteur expert Crsquoest

pourquoi avant de deacutecrire son apprentissage et ses difficulteacutes nous exposerons dans cette

premiegravere partie les theacuteories explicatives de la lecture experte

A Lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert Lrsquohypothegravese de deux

voies de lecture

1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologie

Deux voies de lecture ont eacuteteacute mises en eacutevidence par Marshall et Newcombe (19661973) agrave

partir de lrsquoanalyse des erreurs de patients ayant subi des leacutesions

Dans le cas de lrsquoalexie peacuteripheacuterique il existe des erreurs de substitution ou de

reacutearrangement des lettres APPLE qui est lu ABLE La personne change une ou plusieurs

lettres et commet une erreur de lecture Lrsquoalexie profonde correspond agrave des erreurs de

substitution seacutemantique Le patient remplace le mot laquo little raquo par un mot seacutemantiquement

correct comme laquo small raquo Enfin lrsquoalexie de surface qui srsquoexplique par des erreurs de lecture

de phonegravemes donc agrave une sur-reacutegularisation des mots lus telle que lsquolitersquo pour lsquolitrsquo Lrsquoalexie de

surface provoque de nombreux neacuteologismes au cours de la lecture

Ces observations deacutemontrent qursquoil existe certainement deux routes principales pour la

lecture Une qui conduit agrave une adresse phonologique et lrsquoautre agrave une adresse seacutemantique

les deux combineacutees permettent la prononciation du mot lu

Il existe diffeacuterentes cateacutegories de mots qui conduisent agrave lrsquoutilisation de voies diffeacuterentes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

6 MC CAZALY CAPASH 2014

- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage

cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes

- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie

drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le

lexique mental

- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies

preacuteceacutedentes

Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la

lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude

(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous

semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le

plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978

2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978

Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des

proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux

voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de

nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur

expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux

proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La

voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage

Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

7 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation

phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans

avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est

eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la

freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les

mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence

montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est

impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le

lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la

prononciation du mot

La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique

par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi

appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour

les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-

dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la

correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier

comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit

agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte

au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire

la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les

pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees

Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est

facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies

srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en

prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et

de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps

de latence des reacuteponses correctes

Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de

modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et

drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

8 MC CAZALY CAPASH 2014

3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture

31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon

et Ziegler (2001)

Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une

modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle

Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant

Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun

niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres

niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se

reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction

constituent le modegravele DRC

- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)

- La route lexicale non seacutemantique

- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)

Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le

modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques

La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant

le suivant) (-gt = activation)

Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt

uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant

Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots

les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents

La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes

Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un

graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle

lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite

Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les

erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se

prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-

mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

9 MC CAZALY CAPASH 2014

pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo

homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et

les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et

phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la

compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits

Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)

Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec

masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des

langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais

(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au

principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

10 MC CAZALY CAPASH 2014

Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler

et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant

et prometteur

32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves

grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est

tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement

connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les

auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes

de lecture

Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs

aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la

voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non

preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale

Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC

Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 2: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Sommaire Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

2 MC CAZALY CAPASH 2014

Sommaire

Introduction 5

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip7

A Lidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert lhypothegravese des deux voies de lecturehelliphelliphellip7

1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologiehelliphelliphelliphellip7

2 Le modegravele agrave deux voies de lecture Coltheart 1978helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip8

3 Evolution du modegravele agrave deux voies de lecturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip10

31 Le modegravele DRC de Coltheart et al 2001

32 Le modegravele connexionniste CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

4 Les diffeacuterents effets de lecturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip13

41 Les effets de freacutequence

42 Les effets de lexicaliteacute

43 Les effets de reacutegulariteacute

B Meacutecanismes dapprentissage didentification du mot eacutecrit et de ses difficulteacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17

1 Modegraveles deacuteveloppementauxhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17

11 Le modegravele en stades de Frith (1985)

12 Le modegravele agrave double fondation de Seymour (1997)

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique 22

3 La lecture par analogiehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip23

4 Comprendre certaines difficulteacutes didentification du mot eacutecrithelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip24

41 Lapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et complexiteacute

412 Effet de consistance

413 Theacuteorie de la granulariteacute

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

421 Leffet des voisins orthographiques

422 Leffet des voisins syllabiques

Sommaire Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

3 MC CAZALY CAPASH 2014

43 Les effets de familiariteacute

44 La situation du franccedilais langue seconde

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

452 La dyslexie phonologique

Reacutesumeacute Chapitre 1helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip31

Bibliographie

Introduction Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

4 MC CAZALY CAPASH 2014

Introduction

La lecture nrsquoest pas une activiteacute naturelle car le cerveau nrsquoest pas programmeacute pour lire

comme il peut lrsquoecirctre pour le langage oral Lrsquoeacutecrit est une invention de lrsquohomme tout comme

les activiteacutes de comptage et suppose qursquoil y ait apprentissage Certains chercheurs comme

Ludovic Ferrand ont qualifieacute la lecture de talent cognitif prodigieux automatique mais son

apprentissage peut devenir laborieux pour un certain nombre drsquoenfants Crsquoest le cas en

Nouvelle Caleacutedonie ougrave le nombre drsquoeacutelegraveves en difficulteacute de lecture repreacutesente plus de 20

de la population scolaire Parmi ceux-ci beaucoup ont des difficulteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit et nrsquoaccegravedent pas agrave une lecture fluide Le grand deacutefi de lrsquoeacutecole est alors de reacuteussir agrave

deacuteterminer ce qui peut ecirctre source de difficulteacute afin de concevoir des aides approprieacutees

Crsquoest notamment le rocircle des enseignants speacutecialiseacutes qui agrave partir drsquoinvestigations meneacutees

essaient drsquoen deacutegager des profils de lecteurs En effet plus lrsquoanalyse du profil de lecteur sera

fine plus les aides apporteacutees seront efficaces

Crsquoest pourquoi agrave travers la preacutesentation drsquoun ensemble de recherches les plus adapteacutees agrave la

lecture agrave voix haute cette eacutetude se proposera dans un premier temps de faire le point sur

les connaissances dont nous disposons sur les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit pour

le lecteur expert Puis drsquoeacutetudier lrsquoapprentissage de ces meacutecanismes tels qursquoils se

deacuteveloppent chez lrsquoenfant Et enfin nous nous inteacuteresserons particuliegraverement aux

diffeacuterentes sources explicatives des difficulteacutes de reconnaissance du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

5 MC CAZALY CAPASH 2014

Chapitre 1 Les modegraveles theacuteoriques de lrsquoidentification du mot eacutecrit et de son apprentissage

Que sait-on de la lecture experte

La finaliteacute de la lecture est avant tout la compreacutehension de ce qui vient drsquoecirctre lu Pour Ecalle

et Magnan 2010 cette finaliteacute reacutesulte de deux composantes essentielles lrsquoidentification du

mot eacutecrit et la compreacutehension de phrases ou de textes Ainsi la reconnaissance des mots

eacutecrits conditionne toute lrsquoactiviteacute de lecture car elle est un preacutealable agrave la compreacutehension

Pour ecirctre efficaces les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit doivent ecirctre automatiseacutes

Mais quels sont ces meacutecanismes Comment se traduisent-ils chez le lecteur expert Crsquoest

pourquoi avant de deacutecrire son apprentissage et ses difficulteacutes nous exposerons dans cette

premiegravere partie les theacuteories explicatives de la lecture experte

A Lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert Lrsquohypothegravese de deux

voies de lecture

1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologie

Deux voies de lecture ont eacuteteacute mises en eacutevidence par Marshall et Newcombe (19661973) agrave

partir de lrsquoanalyse des erreurs de patients ayant subi des leacutesions

Dans le cas de lrsquoalexie peacuteripheacuterique il existe des erreurs de substitution ou de

reacutearrangement des lettres APPLE qui est lu ABLE La personne change une ou plusieurs

lettres et commet une erreur de lecture Lrsquoalexie profonde correspond agrave des erreurs de

substitution seacutemantique Le patient remplace le mot laquo little raquo par un mot seacutemantiquement

correct comme laquo small raquo Enfin lrsquoalexie de surface qui srsquoexplique par des erreurs de lecture

de phonegravemes donc agrave une sur-reacutegularisation des mots lus telle que lsquolitersquo pour lsquolitrsquo Lrsquoalexie de

surface provoque de nombreux neacuteologismes au cours de la lecture

Ces observations deacutemontrent qursquoil existe certainement deux routes principales pour la

lecture Une qui conduit agrave une adresse phonologique et lrsquoautre agrave une adresse seacutemantique

les deux combineacutees permettent la prononciation du mot lu

Il existe diffeacuterentes cateacutegories de mots qui conduisent agrave lrsquoutilisation de voies diffeacuterentes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

6 MC CAZALY CAPASH 2014

- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage

cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes

- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie

drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le

lexique mental

- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies

preacuteceacutedentes

Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la

lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude

(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous

semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le

plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978

2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978

Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des

proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux

voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de

nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur

expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux

proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La

voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage

Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

7 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation

phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans

avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est

eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la

freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les

mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence

montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est

impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le

lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la

prononciation du mot

La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique

par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi

appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour

les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-

dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la

correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier

comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit

agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte

au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire

la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les

pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees

Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est

facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies

srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en

prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et

de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps

de latence des reacuteponses correctes

Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de

modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et

drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

8 MC CAZALY CAPASH 2014

3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture

31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon

et Ziegler (2001)

Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une

modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle

Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant

Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun

niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres

niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se

reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction

constituent le modegravele DRC

- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)

- La route lexicale non seacutemantique

- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)

Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le

modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques

La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant

le suivant) (-gt = activation)

Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt

uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant

Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots

les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents

La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes

Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un

graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle

lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite

Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les

erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se

prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-

mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

9 MC CAZALY CAPASH 2014

pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo

homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et

les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et

phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la

compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits

Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)

Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec

masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des

langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais

(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au

principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

10 MC CAZALY CAPASH 2014

Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler

et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant

et prometteur

32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves

grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est

tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement

connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les

auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes

de lecture

Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs

aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la

voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non

preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale

Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC

Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 3: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Sommaire Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

3 MC CAZALY CAPASH 2014

43 Les effets de familiariteacute

44 La situation du franccedilais langue seconde

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

452 La dyslexie phonologique

Reacutesumeacute Chapitre 1helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip31

Bibliographie

Introduction Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

4 MC CAZALY CAPASH 2014

Introduction

La lecture nrsquoest pas une activiteacute naturelle car le cerveau nrsquoest pas programmeacute pour lire

comme il peut lrsquoecirctre pour le langage oral Lrsquoeacutecrit est une invention de lrsquohomme tout comme

les activiteacutes de comptage et suppose qursquoil y ait apprentissage Certains chercheurs comme

Ludovic Ferrand ont qualifieacute la lecture de talent cognitif prodigieux automatique mais son

apprentissage peut devenir laborieux pour un certain nombre drsquoenfants Crsquoest le cas en

Nouvelle Caleacutedonie ougrave le nombre drsquoeacutelegraveves en difficulteacute de lecture repreacutesente plus de 20

de la population scolaire Parmi ceux-ci beaucoup ont des difficulteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit et nrsquoaccegravedent pas agrave une lecture fluide Le grand deacutefi de lrsquoeacutecole est alors de reacuteussir agrave

deacuteterminer ce qui peut ecirctre source de difficulteacute afin de concevoir des aides approprieacutees

Crsquoest notamment le rocircle des enseignants speacutecialiseacutes qui agrave partir drsquoinvestigations meneacutees

essaient drsquoen deacutegager des profils de lecteurs En effet plus lrsquoanalyse du profil de lecteur sera

fine plus les aides apporteacutees seront efficaces

Crsquoest pourquoi agrave travers la preacutesentation drsquoun ensemble de recherches les plus adapteacutees agrave la

lecture agrave voix haute cette eacutetude se proposera dans un premier temps de faire le point sur

les connaissances dont nous disposons sur les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit pour

le lecteur expert Puis drsquoeacutetudier lrsquoapprentissage de ces meacutecanismes tels qursquoils se

deacuteveloppent chez lrsquoenfant Et enfin nous nous inteacuteresserons particuliegraverement aux

diffeacuterentes sources explicatives des difficulteacutes de reconnaissance du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

5 MC CAZALY CAPASH 2014

Chapitre 1 Les modegraveles theacuteoriques de lrsquoidentification du mot eacutecrit et de son apprentissage

Que sait-on de la lecture experte

La finaliteacute de la lecture est avant tout la compreacutehension de ce qui vient drsquoecirctre lu Pour Ecalle

et Magnan 2010 cette finaliteacute reacutesulte de deux composantes essentielles lrsquoidentification du

mot eacutecrit et la compreacutehension de phrases ou de textes Ainsi la reconnaissance des mots

eacutecrits conditionne toute lrsquoactiviteacute de lecture car elle est un preacutealable agrave la compreacutehension

Pour ecirctre efficaces les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit doivent ecirctre automatiseacutes

Mais quels sont ces meacutecanismes Comment se traduisent-ils chez le lecteur expert Crsquoest

pourquoi avant de deacutecrire son apprentissage et ses difficulteacutes nous exposerons dans cette

premiegravere partie les theacuteories explicatives de la lecture experte

A Lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert Lrsquohypothegravese de deux

voies de lecture

1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologie

Deux voies de lecture ont eacuteteacute mises en eacutevidence par Marshall et Newcombe (19661973) agrave

partir de lrsquoanalyse des erreurs de patients ayant subi des leacutesions

Dans le cas de lrsquoalexie peacuteripheacuterique il existe des erreurs de substitution ou de

reacutearrangement des lettres APPLE qui est lu ABLE La personne change une ou plusieurs

lettres et commet une erreur de lecture Lrsquoalexie profonde correspond agrave des erreurs de

substitution seacutemantique Le patient remplace le mot laquo little raquo par un mot seacutemantiquement

correct comme laquo small raquo Enfin lrsquoalexie de surface qui srsquoexplique par des erreurs de lecture

de phonegravemes donc agrave une sur-reacutegularisation des mots lus telle que lsquolitersquo pour lsquolitrsquo Lrsquoalexie de

surface provoque de nombreux neacuteologismes au cours de la lecture

Ces observations deacutemontrent qursquoil existe certainement deux routes principales pour la

lecture Une qui conduit agrave une adresse phonologique et lrsquoautre agrave une adresse seacutemantique

les deux combineacutees permettent la prononciation du mot lu

Il existe diffeacuterentes cateacutegories de mots qui conduisent agrave lrsquoutilisation de voies diffeacuterentes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

6 MC CAZALY CAPASH 2014

- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage

cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes

- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie

drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le

lexique mental

- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies

preacuteceacutedentes

Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la

lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude

(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous

semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le

plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978

2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978

Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des

proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux

voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de

nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur

expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux

proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La

voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage

Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

7 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation

phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans

avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est

eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la

freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les

mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence

montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est

impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le

lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la

prononciation du mot

La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique

par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi

appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour

les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-

dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la

correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier

comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit

agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte

au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire

la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les

pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees

Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est

facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies

srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en

prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et

de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps

de latence des reacuteponses correctes

Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de

modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et

drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

8 MC CAZALY CAPASH 2014

3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture

31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon

et Ziegler (2001)

Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une

modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle

Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant

Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun

niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres

niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se

reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction

constituent le modegravele DRC

- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)

- La route lexicale non seacutemantique

- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)

Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le

modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques

La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant

le suivant) (-gt = activation)

Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt

uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant

Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots

les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents

La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes

Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un

graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle

lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite

Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les

erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se

prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-

mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

9 MC CAZALY CAPASH 2014

pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo

homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et

les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et

phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la

compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits

Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)

Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec

masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des

langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais

(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au

principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

10 MC CAZALY CAPASH 2014

Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler

et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant

et prometteur

32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves

grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est

tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement

connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les

auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes

de lecture

Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs

aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la

voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non

preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale

Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC

Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 4: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Introduction Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

4 MC CAZALY CAPASH 2014

Introduction

La lecture nrsquoest pas une activiteacute naturelle car le cerveau nrsquoest pas programmeacute pour lire

comme il peut lrsquoecirctre pour le langage oral Lrsquoeacutecrit est une invention de lrsquohomme tout comme

les activiteacutes de comptage et suppose qursquoil y ait apprentissage Certains chercheurs comme

Ludovic Ferrand ont qualifieacute la lecture de talent cognitif prodigieux automatique mais son

apprentissage peut devenir laborieux pour un certain nombre drsquoenfants Crsquoest le cas en

Nouvelle Caleacutedonie ougrave le nombre drsquoeacutelegraveves en difficulteacute de lecture repreacutesente plus de 20

de la population scolaire Parmi ceux-ci beaucoup ont des difficulteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit et nrsquoaccegravedent pas agrave une lecture fluide Le grand deacutefi de lrsquoeacutecole est alors de reacuteussir agrave

deacuteterminer ce qui peut ecirctre source de difficulteacute afin de concevoir des aides approprieacutees

Crsquoest notamment le rocircle des enseignants speacutecialiseacutes qui agrave partir drsquoinvestigations meneacutees

essaient drsquoen deacutegager des profils de lecteurs En effet plus lrsquoanalyse du profil de lecteur sera

fine plus les aides apporteacutees seront efficaces

Crsquoest pourquoi agrave travers la preacutesentation drsquoun ensemble de recherches les plus adapteacutees agrave la

lecture agrave voix haute cette eacutetude se proposera dans un premier temps de faire le point sur

les connaissances dont nous disposons sur les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit pour

le lecteur expert Puis drsquoeacutetudier lrsquoapprentissage de ces meacutecanismes tels qursquoils se

deacuteveloppent chez lrsquoenfant Et enfin nous nous inteacuteresserons particuliegraverement aux

diffeacuterentes sources explicatives des difficulteacutes de reconnaissance du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

5 MC CAZALY CAPASH 2014

Chapitre 1 Les modegraveles theacuteoriques de lrsquoidentification du mot eacutecrit et de son apprentissage

Que sait-on de la lecture experte

La finaliteacute de la lecture est avant tout la compreacutehension de ce qui vient drsquoecirctre lu Pour Ecalle

et Magnan 2010 cette finaliteacute reacutesulte de deux composantes essentielles lrsquoidentification du

mot eacutecrit et la compreacutehension de phrases ou de textes Ainsi la reconnaissance des mots

eacutecrits conditionne toute lrsquoactiviteacute de lecture car elle est un preacutealable agrave la compreacutehension

Pour ecirctre efficaces les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit doivent ecirctre automatiseacutes

Mais quels sont ces meacutecanismes Comment se traduisent-ils chez le lecteur expert Crsquoest

pourquoi avant de deacutecrire son apprentissage et ses difficulteacutes nous exposerons dans cette

premiegravere partie les theacuteories explicatives de la lecture experte

A Lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert Lrsquohypothegravese de deux

voies de lecture

1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologie

Deux voies de lecture ont eacuteteacute mises en eacutevidence par Marshall et Newcombe (19661973) agrave

partir de lrsquoanalyse des erreurs de patients ayant subi des leacutesions

Dans le cas de lrsquoalexie peacuteripheacuterique il existe des erreurs de substitution ou de

reacutearrangement des lettres APPLE qui est lu ABLE La personne change une ou plusieurs

lettres et commet une erreur de lecture Lrsquoalexie profonde correspond agrave des erreurs de

substitution seacutemantique Le patient remplace le mot laquo little raquo par un mot seacutemantiquement

correct comme laquo small raquo Enfin lrsquoalexie de surface qui srsquoexplique par des erreurs de lecture

de phonegravemes donc agrave une sur-reacutegularisation des mots lus telle que lsquolitersquo pour lsquolitrsquo Lrsquoalexie de

surface provoque de nombreux neacuteologismes au cours de la lecture

Ces observations deacutemontrent qursquoil existe certainement deux routes principales pour la

lecture Une qui conduit agrave une adresse phonologique et lrsquoautre agrave une adresse seacutemantique

les deux combineacutees permettent la prononciation du mot lu

Il existe diffeacuterentes cateacutegories de mots qui conduisent agrave lrsquoutilisation de voies diffeacuterentes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

6 MC CAZALY CAPASH 2014

- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage

cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes

- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie

drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le

lexique mental

- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies

preacuteceacutedentes

Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la

lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude

(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous

semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le

plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978

2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978

Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des

proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux

voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de

nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur

expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux

proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La

voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage

Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

7 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation

phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans

avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est

eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la

freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les

mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence

montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est

impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le

lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la

prononciation du mot

La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique

par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi

appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour

les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-

dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la

correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier

comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit

agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte

au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire

la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les

pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees

Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est

facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies

srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en

prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et

de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps

de latence des reacuteponses correctes

Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de

modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et

drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

8 MC CAZALY CAPASH 2014

3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture

31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon

et Ziegler (2001)

Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une

modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle

Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant

Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun

niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres

niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se

reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction

constituent le modegravele DRC

- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)

- La route lexicale non seacutemantique

- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)

Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le

modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques

La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant

le suivant) (-gt = activation)

Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt

uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant

Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots

les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents

La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes

Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un

graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle

lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite

Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les

erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se

prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-

mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

9 MC CAZALY CAPASH 2014

pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo

homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et

les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et

phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la

compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits

Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)

Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec

masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des

langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais

(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au

principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

10 MC CAZALY CAPASH 2014

Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler

et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant

et prometteur

32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves

grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est

tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement

connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les

auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes

de lecture

Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs

aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la

voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non

preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale

Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC

Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 5: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

5 MC CAZALY CAPASH 2014

Chapitre 1 Les modegraveles theacuteoriques de lrsquoidentification du mot eacutecrit et de son apprentissage

Que sait-on de la lecture experte

La finaliteacute de la lecture est avant tout la compreacutehension de ce qui vient drsquoecirctre lu Pour Ecalle

et Magnan 2010 cette finaliteacute reacutesulte de deux composantes essentielles lrsquoidentification du

mot eacutecrit et la compreacutehension de phrases ou de textes Ainsi la reconnaissance des mots

eacutecrits conditionne toute lrsquoactiviteacute de lecture car elle est un preacutealable agrave la compreacutehension

Pour ecirctre efficaces les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit doivent ecirctre automatiseacutes

Mais quels sont ces meacutecanismes Comment se traduisent-ils chez le lecteur expert Crsquoest

pourquoi avant de deacutecrire son apprentissage et ses difficulteacutes nous exposerons dans cette

premiegravere partie les theacuteories explicatives de la lecture experte

A Lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert Lrsquohypothegravese de deux

voies de lecture

1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologie

Deux voies de lecture ont eacuteteacute mises en eacutevidence par Marshall et Newcombe (19661973) agrave

partir de lrsquoanalyse des erreurs de patients ayant subi des leacutesions

Dans le cas de lrsquoalexie peacuteripheacuterique il existe des erreurs de substitution ou de

reacutearrangement des lettres APPLE qui est lu ABLE La personne change une ou plusieurs

lettres et commet une erreur de lecture Lrsquoalexie profonde correspond agrave des erreurs de

substitution seacutemantique Le patient remplace le mot laquo little raquo par un mot seacutemantiquement

correct comme laquo small raquo Enfin lrsquoalexie de surface qui srsquoexplique par des erreurs de lecture

de phonegravemes donc agrave une sur-reacutegularisation des mots lus telle que lsquolitersquo pour lsquolitrsquo Lrsquoalexie de

surface provoque de nombreux neacuteologismes au cours de la lecture

Ces observations deacutemontrent qursquoil existe certainement deux routes principales pour la

lecture Une qui conduit agrave une adresse phonologique et lrsquoautre agrave une adresse seacutemantique

les deux combineacutees permettent la prononciation du mot lu

Il existe diffeacuterentes cateacutegories de mots qui conduisent agrave lrsquoutilisation de voies diffeacuterentes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

6 MC CAZALY CAPASH 2014

- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage

cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes

- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie

drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le

lexique mental

- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies

preacuteceacutedentes

Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la

lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude

(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous

semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le

plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978

2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978

Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des

proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux

voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de

nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur

expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux

proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La

voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage

Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

7 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation

phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans

avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est

eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la

freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les

mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence

montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est

impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le

lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la

prononciation du mot

La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique

par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi

appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour

les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-

dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la

correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier

comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit

agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte

au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire

la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les

pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees

Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est

facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies

srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en

prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et

de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps

de latence des reacuteponses correctes

Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de

modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et

drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

8 MC CAZALY CAPASH 2014

3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture

31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon

et Ziegler (2001)

Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une

modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle

Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant

Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun

niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres

niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se

reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction

constituent le modegravele DRC

- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)

- La route lexicale non seacutemantique

- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)

Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le

modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques

La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant

le suivant) (-gt = activation)

Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt

uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant

Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots

les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents

La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes

Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un

graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle

lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite

Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les

erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se

prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-

mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

9 MC CAZALY CAPASH 2014

pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo

homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et

les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et

phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la

compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits

Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)

Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec

masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des

langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais

(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au

principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

10 MC CAZALY CAPASH 2014

Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler

et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant

et prometteur

32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves

grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est

tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement

connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les

auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes

de lecture

Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs

aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la

voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non

preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale

Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC

Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 6: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

6 MC CAZALY CAPASH 2014

- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage

cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes

- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie

drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le

lexique mental

- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies

preacuteceacutedentes

Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la

lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude

(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous

semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le

plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978

2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978

Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des

proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux

voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de

nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur

expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux

proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La

voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage

Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

7 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation

phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans

avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est

eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la

freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les

mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence

montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est

impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le

lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la

prononciation du mot

La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique

par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi

appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour

les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-

dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la

correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier

comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit

agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte

au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire

la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les

pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees

Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est

facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies

srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en

prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et

de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps

de latence des reacuteponses correctes

Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de

modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et

drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

8 MC CAZALY CAPASH 2014

3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture

31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon

et Ziegler (2001)

Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une

modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle

Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant

Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun

niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres

niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se

reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction

constituent le modegravele DRC

- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)

- La route lexicale non seacutemantique

- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)

Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le

modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques

La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant

le suivant) (-gt = activation)

Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt

uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant

Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots

les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents

La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes

Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un

graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle

lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite

Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les

erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se

prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-

mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

9 MC CAZALY CAPASH 2014

pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo

homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et

les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et

phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la

compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits

Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)

Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec

masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des

langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais

(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au

principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

10 MC CAZALY CAPASH 2014

Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler

et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant

et prometteur

32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves

grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est

tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement

connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les

auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes

de lecture

Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs

aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la

voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non

preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale

Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC

Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 7: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

7 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation

phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans

avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est

eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la

freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les

mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence

montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est

impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le

lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la

prononciation du mot

La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique

par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi

appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour

les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-

dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la

correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier

comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit

agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte

au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire

la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les

pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees

Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est

facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies

srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en

prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et

de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps

de latence des reacuteponses correctes

Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de

modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et

drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

8 MC CAZALY CAPASH 2014

3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture

31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon

et Ziegler (2001)

Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une

modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle

Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant

Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun

niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres

niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se

reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction

constituent le modegravele DRC

- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)

- La route lexicale non seacutemantique

- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)

Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le

modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques

La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant

le suivant) (-gt = activation)

Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt

uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant

Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots

les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents

La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes

Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un

graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle

lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite

Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les

erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se

prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-

mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

9 MC CAZALY CAPASH 2014

pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo

homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et

les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et

phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la

compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits

Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)

Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec

masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des

langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais

(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au

principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

10 MC CAZALY CAPASH 2014

Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler

et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant

et prometteur

32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves

grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est

tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement

connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les

auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes

de lecture

Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs

aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la

voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non

preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale

Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC

Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 8: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

8 MC CAZALY CAPASH 2014

3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture

31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon

et Ziegler (2001)

Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une

modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle

Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant

Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun

niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres

niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se

reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction

constituent le modegravele DRC

- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)

- La route lexicale non seacutemantique

- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)

Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le

modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques

La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant

le suivant) (-gt = activation)

Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt

uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant

Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots

les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents

La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes

Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un

graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle

lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite

Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les

erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se

prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-

mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

9 MC CAZALY CAPASH 2014

pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo

homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et

les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et

phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la

compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits

Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)

Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec

masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des

langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais

(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au

principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

10 MC CAZALY CAPASH 2014

Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler

et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant

et prometteur

32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves

grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est

tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement

connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les

auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes

de lecture

Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs

aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la

voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non

preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale

Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC

Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

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Page 9: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

9 MC CAZALY CAPASH 2014

pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo

homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et

les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et

phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la

compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits

Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)

Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec

masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des

langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais

(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au

principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

10 MC CAZALY CAPASH 2014

Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler

et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant

et prometteur

32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves

grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est

tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement

connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les

auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes

de lecture

Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs

aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la

voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non

preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale

Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC

Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 10: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

10 MC CAZALY CAPASH 2014

Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler

et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant

et prometteur

32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)

Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves

grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est

tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement

connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les

auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes

de lecture

Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs

aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la

voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non

preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale

Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC

Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 11: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

11 MC CAZALY CAPASH 2014

La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux

niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui

nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en

entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer

gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de

preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de

neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC

Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de

mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes

et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme

de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-

syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-

syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement

attendue

Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain

La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)

reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix

haute

4 Les diffeacuterents effets de lecture

Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des

meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement

des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les

principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert

Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans

la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses

difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

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Page 12: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

12 MC CAZALY CAPASH 2014

Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture

agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)

Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)

Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC

Modegravele CDP+

Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)

Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence

+ +

Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)

Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots

+ +

Freacutequence X reacutegulariteacute

Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)

Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)

+ +

Consistance (mots)

Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis

- +

Consistance (non-mots)

Andrews amp Scarrat (1998)

La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes

- +

Longueur X reacutegulariteacute

Weekes (1997) Ziegler et al (2001)

Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle

+ +

Position de lrsquoirreacutegulariteacute

Rastle amp Coltheart (1999)

La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position

+ +

Voisinage Rime

Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes

- +

Amorccedilage Onset

Forster amp Davis (1991)

Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees

+ +

Avantage pseudo-homophonique

McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)

Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques

+ +

Dyslexie de surface

Patterson amp Behrmann (1997)

Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots

- +

Dyslexie phonologique

Derouesneacute amp Beauvois (1985)

Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement

+ +

Large bases de Donneacutees

Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)

Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems

- +

41 Les effets de freacutequence

La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute

linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 13: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

13 MC CAZALY CAPASH 2014

lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un

large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet

de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si

un mot est plus ou moins freacutequent

En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par

rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand

nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute

Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des

tacircches

- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)

- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)

- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)

- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)

- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)

De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le

franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse

en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la

route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui

ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la

voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere

Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font

lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation

orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et

seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite

que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe

42 Effet de lexicaliteacute

Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot

La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un

non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 14: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

14 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs

fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide

43 Effet de reacutegulariteacute

Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique

donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute

normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot

laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves

exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus

rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier

En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que

nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit

deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite

drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la

voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot

comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee

par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes

(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-

ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques

qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues

directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de

simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la

reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces

proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la

lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest

pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des

meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 15: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

15 MC CAZALY CAPASH 2014

B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit

Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est

lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau

Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce

qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour

ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave

une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart

drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en

stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)

1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale

thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet

Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement

inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese

que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental

Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit

srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants

Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith

(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la

lecture et de ses difficulteacutes

11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)

Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui

se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois

grandes eacutetapes

Le stade Logographique ou pictural

Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices

contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee

gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 16: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

16 MC CAZALY CAPASH 2014

montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot

ulteacuterieurement

La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas

pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par

lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale

sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce

stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture

Le stade Phonologique ou alphabeacutetique

Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion

graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et

dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite

de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon

explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et

les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir

inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes

analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple

lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la

fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place

de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets

de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court

Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes

complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand

nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par

rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la

complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase

alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave

des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet

de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement

mieux lus que les pseudo-mots

Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun

apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 17: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

17 MC CAZALY CAPASH 2014

enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses

travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale

Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant

Le stade orthographique

Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation

et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de

conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les

effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles

1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les

mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate

eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une

certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place

Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la

voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)

Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement

agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de

lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes

Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de

lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus

exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des

effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves

Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)

____________________________________________________________________________

Etape Lecture Ecriture

____________________________________________________________________________

1a logographique 1 (symbolique)

1b logographique 2 _____________ logographique 2

2a logographique 3 alphabeacutetique 1

2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2

3a orthographique 1 alphabeacutetique 3

3b orthographique 2 _____________ orthographique 2

____________________________________________________________________________

Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 18: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

18 MC CAZALY CAPASH 2014

de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser

preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-

monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)

Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)

bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence

CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence

Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la

lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005

Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture

mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de

Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de

lecture tout au long de lrsquoapprentissage

12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)

Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui

repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique

- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique

La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur

alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre

orthographique

La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant

sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le

processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement

Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui

lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre

clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 19: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

19 MC CAZALY CAPASH 2014

Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites

uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo

avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui

permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis

atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes

Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)

Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1

Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait

quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre

en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes

porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend

des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances

morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques

Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques

Les uns nourrissant les autres

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 20: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

20 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves

Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute

Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances

morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de

la lecture agrave lrsquoeacutecole

De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans

lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest

eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et

coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique

nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable

En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement

de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on

perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez

lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par

assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle

teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet

exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement

2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique

Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie

indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de

lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots

irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo

lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration

infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral

On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical

orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999

Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui

obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui

progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 21: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

21 MC CAZALY CAPASH 2014

Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les

lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots

irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En

effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte

pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du

deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave

petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave

lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du

stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions

constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces

recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions

graphegravemes-phonegravemes

Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave

lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement

solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture

3 La lecture par analogie

Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de

la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la

rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience

phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme

la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau

Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une

correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau

pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le

deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de

plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute

entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie

avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte

quel autre mot

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 22: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

22 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus

larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du

modegravele agrave double fondation de Seymour 1997

En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture

et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique

efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil

puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire

Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des

phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave

lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute

particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la

compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant

que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous

essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de

mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves

4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit

La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes

drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes

comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et

peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de

lecture

41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues

411 Transparence et Complexiteacute

Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur

un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-

phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion

graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 23: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

23 MC CAZALY CAPASH 2014

en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la

rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo

Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes

beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un

phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit

transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)

Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le

manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour

les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire

dans une langue dite reacuteguliegravere

Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots

correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats

sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de

diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots

mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques

Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun

systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des

correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la

complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle

lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais

non de la phonologie

En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130

graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais

il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes

Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement

opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent

consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et

dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent

ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type

morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face

au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise

mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 24: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

24 MC CAZALY CAPASH 2014

graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses

recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques

412 Effet de consistance

Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet

dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance

Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit

toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire

de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots

inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement

drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les

temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants

Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le

mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)

Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les

difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave

drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute

413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)

Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes

orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les

phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues

Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi

(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent

alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour

lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins

comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres

donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest

pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes

et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les

mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour

conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 25: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

25 MC CAZALY CAPASH 2014

Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait

permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins

bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture

En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage

de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de

lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant

en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire

42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique

Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques

421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques

Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une

lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin

orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo

Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification

drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins

orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots

se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente

De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse

freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible

seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot

rendant sa lecture plus difficile et plus lente

422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques

Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par

exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo

De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle

inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques

plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre

exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors

un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en

deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 26: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

26 MC CAZALY CAPASH 2014

mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci

nrsquoest pas freacutequent

Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de

lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots

43 Les effets de familiariteacute

Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la

parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants

Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la

langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave

lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute

des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle

Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot

nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots

freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave

lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse

freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple

le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)

Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet

de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant

Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des

difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de

scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui

sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un

peu cette situation particuliegravere

44 La situation du franccedilais langue seconde

Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans

un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est

importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la

premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

27 MC CAZALY CAPASH 2014

drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques

insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde

De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans

un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky

Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une

influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot

eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants

Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme

le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a

lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc

preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences

acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere

Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots

permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie

indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais

rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les

enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte

dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais

malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue

Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain

ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee

mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee

drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en

neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage

cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du

manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par

un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes

(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un

ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement

en meacutemoire lexical

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

Page 28: Identification du mot écrit et de son apprentissage · Introduction Identification du mot écrit et de son apprentissage 4 MC CAZALY CAPASH 2014 Introduction La lectu e n’est pas

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

28 MC CAZALY CAPASH 2014

Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que

laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)

Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti

lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire

Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques

45 La dyslexie

451 La dyslexie de surface

La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la

voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la

preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la

lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour

Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui

entraverait lrsquoaccession au stade orthographique

452 La dyslexie phonologique

Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet

la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le

modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique

drsquoassemblage

Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et

J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et

meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave

lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage

de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le

deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des

troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave

lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

30 MC CAZALY CAPASH 2014

Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

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Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

29 MC CAZALY CAPASH 2014

Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les

reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en

lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et

dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)

Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE

(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une

anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la

reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions

culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de

notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions

ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes

ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique

laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les

reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de

caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral

et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent

ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en

parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se

met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de

lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez

lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo

Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une

origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont

expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur

la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez

lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot

laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo

Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

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Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

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Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

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Reacutesumeacute de la partie theacuteorique

Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur

expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un

deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du

mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont

clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire

la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet

drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un

eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En

effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela

srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport

avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des

voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme

notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise

est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant

lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux

montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere

lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont

paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants

Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

31 MC CAZALY CAPASH 2014

Bibliographie

Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

32 MC CAZALY CAPASH 2014

Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

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Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage

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Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie

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Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo

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Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo