fiscalite et choix de la forme juridique de l'ese - fayez chouayakh

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51 FISCALITE ET CHOIX DE LA FORME JURIDIQUE DE L’ENTREPRISE Fayez CHOYAKH Expert-comptable Titulaire du Mastère spécialisé en Droit fiscal Enseignant universitaire à l’ISG de Tunis L'exploitation d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale peut être envisagée dans le cadre de plusieurs formes de structures juridiques. En faisant l’inventaire de ces dernières, le choix de l’entrepreneur peut s’orienter vers deux options majeures : l’entreprise individuelle et la société qui elle-même peut prendre plusieurs formes. A ce dernier égard, la classification la plus usuelle distingue entre les sociétés civiles et les sociétés commerciales (SNC, SARL, SUARL, SA, société en commandite simple, société en commandite par actions et société en participation) 1 . 1 D’autres classifications sont toujours possibles. Dans leur ouvrage « Droit des sociétés », COZIAN et VIANDER évoquent les classifications des « juristes » suivantes : 1. Sociétés à risque illimité et sociétés à risque limité; le risque, c'est la responsabilité personnelle des associés, illimitée dans un cas, limitée au montant des apports dans l'autre; les premières comprennent les sociétés de personnes: société civile, société en nom collectif, société en participation, société créée de fait et groupement d'intérêt économique; les secondes rassemblent les SARL, les sociétés anonymes et les sociétés en commandite. 2. Sociétés civiles et sociétés commerciales. 3. Sociétés de personnes et sociétés de capitaux; dans les premières, l'élément essentiel réside dans la personne de l'associé ; dans les secondes, la personne de

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    FISCALITE ET CHOIX DE LA FORME JURIDIQUE DE LENTREPRISE

    Fayez CHOYAKH Expert-comptable

    Titulaire du Mastre spcialis en Droit fiscal Enseignant universitaire lISG de Tunis

    L'exploitation d'une activit commerciale, industrielle ou artisanale peut tre envisage dans le cadre de plusieurs formes de structures juridiques.

    En faisant linventaire de ces dernires, le choix de lentrepreneur peut sorienter vers deux options majeures : lentreprise individuelle et la socit qui elle-mme peut prendre plusieurs formes. A ce dernier gard, la classification la plus usuelle distingue entre les socits civiles et les socits commerciales (SNC, SARL, SUARL, SA, socit en commandite simple, socit en commandite par actions et socit en participation)1. 1 Dautres classifications sont toujours possibles. Dans leur ouvrage Droit des

    socits , COZIAN et VIANDER voquent les classifications des juristes suivantes : 1. Socits risque illimit et socits risque limit; le risque, c'est la responsabilit personnelle des associs, illimite dans un cas, limite au montant des apports dans l'autre; les premires comprennent les socits de personnes: socit civile, socit en nom collectif, socit en participation, socit cre de fait et groupement d'intrt conomique; les secondes rassemblent les SARL, les socits anonymes et les socits en commandite. 2. Socits civiles et socits commerciales. 3. Socits de personnes et socits de capitaux; dans les premires, l'lment essentiel rside dans la personne de l'associ ; dans les secondes, la personne de

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    l'associ compte moins que les capitaux qu'il apporte. Au vrai, seules les socits par actions faisant publiquement appel l'pargne mritent le qualificatif de socits de capitaux; l'intuitus person est primordial dans les SARL et mme dans les socits anonymes fermes ne faisant pas appel l'pargne publique, car elles comportent gnralement des clauses d'agrment permettant de filtrer l'entre de nouveaux arrivants; c'est un abus de langage, mais consacr par la pratique, que de qualifier les socits anonymes fermes et les SARL de socits de capitaux. 4. Socits par intrts et socits par actions; seules les socits anonymes et les commandites par actions peuvent mettre des actions, lesquelles sont des valeurs mobilires ngociables; dans les autres socits, y compris les SARL. Les droits des associs sont reprsents par des parts sociales, qui ne sont pas ngociables. 5. Socits avec ou sans personnalit morale: les socits en participation et les socits cres de fait sont dpourvues de la personnalit morale; les autres acquirent la personnalit juridique compter de leur immatriculation au registre du commerce et des socits; d'o l'opposition faite entre socits immatricules et socits non immatricules. 6. Socits de droit et socits cres de fait 7. Socits de droit priv et socits de droit public 8. Socits franaises et socits trangres 9. Socits de droit commun et socits statut spcial; il existe une multitude de socits statut spcial raison de la forme (coopratives) et surtout raison de l'objet (socits spcialises du monde agricole, financier, immobilier...). 10. Socits professionnelles et socits patrimoniales

    Choix de lentrepreneur

    Entreprise Socit

    Socit Socit

    SNC, SARL, SUARL, SA, socit en commandite simple, socit en commandite

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    Dans certaines hypothses, lentrepreneur est dmuni de toute facult de choix. Tel est le cas lorsque la forme juridique de lentreprise se trouve dicte par une disposition expresse du droit des affaires. A titre dexemple, la forme de lentreprise individuelle ou celle de la SUARL est exige lorsque lactivit sera exerce titre personnel sans le concours dassocis2. Inversement, lexercice titre individuel nest point possible et la forme de socit par actions ou de SARL est exige par exemple pour le concessionnaire bnficiaire dune concession3. La forme anonyme est exige pour les tablissements de crdit4, les OPCVM5, les socits dinvestissement

    2 Selon larticle 2 du CSC, la socit est un contrat par lequel deux ou plusieurs

    personnes conviennent d'affecter en commun leurs apports, en -vue de partager le bnfice ou de profiter de l'conomie qui pourraient rsulter de l'activit de la socit. Toutefois, dans la socit unipersonnelle responsabilit limite, la socit est constitue par un associ unique. Larticle 90 du CSC prcise que lorsque la socit responsabilit limite peut ne comporter qu'un seul associ elle est dnomme "socit unipersonnelle responsabilit limite". Selon larticle 23 du mme code et en cas de runion de toutes les parts sociales d'une socit de personnes ou d'une socit responsabilit limite entre les mains d'un seul associ, la socit se transforme en socit unipersonnelle responsabilit limite. Dans ce mme ordre dides, larticle 93 considre que si toutes les parts sociales d'une socit responsabilit limite se trouvent runies entre les mains d'une seule personne, celle- ci se transforme en une socit unipersonnelle responsabilit limite.

    3 Larticle 6 de la loi n 2008-23 du 1er avril 2008, relative au rgime des concessions dispose Sauf dans le cas o le concessionnaire est une personne publique, le concessionnaire est tenu de constituer une socit par actions ou responsabilit limite rgie par le droit tunisien conformment la lgislation en vigueur rgissant la constitution des socits. La socit doit avoir pour objet exclusif lexcution de lobjet du contrat .

    4 En application des dispositions de larticle 12 de la loi n2001-65 du 10 juillet 2001 (telle que modifie par la loi n2006-19 du 2 mai 2006, relative aux tablissements de crdits), tout tablissement de crdit soumis aux dispositions de la prsente loi ayant son sige social en Tunisie ne peut tre constitu que sous la forme de socit anonyme, sauf les cas prvus par la loi. Tout tablissement de crdit ayant son sige social l'tranger et exerant son activit en Tunisie par l'intermdiaire de succursales ou agences doit tre constitu sous forme de socit anonyme ou, le cas chant, sous un autre statut juridique accept lors de la dlivrance de l'agrment, condition qu'il soit conforme la lgislation en vigueur du pays d'origine.

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    (SICAF et SICAR)6, les socits mres7, les SARL dont le nombre dassocis dpasse les 508, etc.

    En dehors des situations o une forme dtermine serait exige par la loi, le choix entre la forme individuelle et socitaire peut savrer vident pour les crations de petites ou de trs grandes entreprises qui trouveront respectivement dans l'exploitation individuelle et dans la socit de capitaux des structures adaptes leur taille.

    Larticle premier de la loi n 85-108 du 6 dcembre 1985 portant encouragement d'organismes financiers et bancaires travaillant essentiellement avec les non-rsidents considre aussi que les personnes morales constitues en la forme de socits anonymes de droit tunisien ainsi que les tablissements en Tunisie des personnes morales ayant leur sige social l'tranger peuvent tre admis l'exercice de toute activit financire et bancaire dans les conditions fixes par la prsente loi.

    5 Selon larticle 2 du code des organismes de placement collectif, les socits d'investissement capital variable sont des socits anonymes ayant pour objet unique la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilires. Larticle 16 considre que le gestionnaire d'un fonds commun de placement en valeurs mobilires est soit une banque ou un intermdiaire en bourse ayant la forme de socit anonyme. Larticle 31 considre aussi que les socits de gestion sont des socits anonymes ayant pour objet unique la gestion des portefeuilles des organismes de placement collectif en valeurs mobilires

    6 Selon larticle premier de la loi n 88-92 du 2 aot 1988, sur les socits dinvestissement, les socits d'investissement sont des socits anonymes dont la mission concourt la promotion des investissements et au dveloppement du march financier.

    7 Selon larticle 462 du code des socits commerciales, la socit mre doit avoir la forme d'une socit anonyme. Dans lexpos des motifs de la loi n 2001-117 du 6 dcembre 2001, lexigence de la forme anonyme a t ainsi motive :

    " "

    " " . 8 Selon larticle 93 du CSC, le nombre des associs d'une SARL ne peut tre

    suprieur cinquante. Si la socit vient comprendre plus de cinquante associs, elle devra dans un dlai d'un an tre transforme en socit par action moins que le nombre des associs ne soit ramen cinquante ou moins dans le dlais sus - indiqu.

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    En revanche, entre ces deux extrmes, les petites et moyennes crations constituent chacune un cas particulier de sorte que le crateur ne peut oprer son choix qu'en fonction de l'ensemble des donnes conomiques, juridiques, fiscales et sociales correspondant son projet. Il serait en tout cas aussi prilleux de faire des choix juridiques en ngligeant les incidences fiscales que de faire des choix fiscaux sans penser aux incidences juridiques; un bon choix prend en compte toutes les donnes, lesquelles ne se limitent d'ailleurs pas, tant s'en faut, aux seuls aspects juridiques ou fiscaux9.

    Dans le prsent article, nous essayerons, dans une premire partie, de mettre en exergue les diffrents facteurs fiscaux susceptibles dimpacter le choix de lentrepreneur en lorientant vers la cration dune entreprise individuelle ou une socit (I). Si le crateur de lentreprise choisit la forme socitaire, nous analyserons, dans une seconde partie, les lments fiscaux qui peuvent dicter le choix dune forme particulire de socits (II). Dans ces deux parties, nous mettrons en relief les incidences du choix de lentrepreneur en matires de TVA, dimpts directs et de droits denregistrement.

    I- ENTREPRISE INDIVIDUELLE OU SOCIETE ? A- En matire de TVA Lanalyse des facteurs ayant trait la TVA pouvant orienter le

    choix de lentrepreneur vers la cration dune entreprise individuelle ou dune socits dgage deux lments :

    Le caractre libratoire de la TVA pour les entreprises individuelles soumises lIRPP sous le rgime forfaitaire La possibilit de bnficier de lavance de 35% du crdit de TVA.

    Le caractre libratoire de la TVA pour les entreprises individuelles soumises lIRPP sous le rgime forfaitaire

    Les impts indirects devraient tre dus raison de l'activit exerce, sans considration de la structure juridique de l'entreprise.

    Le principe de la neutralit de la TVA a t clairement rig par larticle premier du code de la TVA disposant que la taxe s'applique quels que soient : 9 Pratique de la cration dentreprises, Editions Francis Lefebvre, d. 2000, 50.

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    Le statut juridique des personnes qui interviennent pour la ralisation des oprations imposables ou leur situation au regard de tous autres impts ;

    La forme ou la nature de leur intervention et le caractre habituel ou occasionnel de celle-ci.

    Toutefois, cet idal de neutralit a t battu en brche depuis la loi n 92-122 portant loi de finances pour la gestion 1993 qui a libr les entreprises individuelles ralisant des bnfices industriels et commerciaux et payant limpt forfaitaire prvu au paragraphe IV de l'article 44 du code de l'impt sur le revenu des personnes physiques et de l'impt sur les socits10.

    En dehors de cette hypothse rserve aux forfaitaires, lentreprise ne peut tre libre de la TVA. Il en rsulte quen matire de TVA, les socits et les entreprises individuelles non imposes selon le rgime du forfait dimpt11 sont soumises aux mmes obligations lorsquelles exercent une mme activit entrant dans le champ dapplication de la TVA et non exonre.

    Autrement dit, le choix de lentrepreneur peut tre influ par cette facult dtre affranchi de la TVA. Le choix de lentreprise individuelle peut tre alors privilgi pour des considrations fiscales.

    10 A titre dexemple, la location dun fonds de commerce peut tre soumise la

    TVA lorsquelle est faite par une personne physique non forfaitaire alors que le rgime du forfait lgal libre la personne qui en bnficie du paiement de la TVA. Dans ce sens ; Prise de position DGCF 126 du 30 janvier 2003

    . 1 7

    18%

    .

    44- VI

    11 Ex. les professions librales, les entreprises ralisant des bnfices industriels et commerciaux et soumises lIRPP selon le rgime rel

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    En outre, cet aspect fiscal est intimement li la comptitivit de lentreprise dans la mesure o la neutralisation de la TVA peut rduire le prix offert au consommateur final. La possibilit de bnficier de lavance de 35% du crdit de TVA.

    Le crdit de TVA qui apparat sur les dclarations mensuelles durant six mois conscutifs fait lobjet dune avance de 15% de restitution sans vrification pralable. Le taux de lavance est relev 35% pour les entreprises dont les comptes sont lgalement soumis laudit dun commissaire aux comptes.

    Selon la note commune n18/2005, lavance ne bnficie pas aux entreprises qui dsignent un commissaire aux comptes sans quelles en soient lgalement tenues.

    Il en rsulte que lentreprise individuelle ne peut en aucun prtendre lavance de 35% dans la mesure o elle nest nullement concerne par linstitution de commissariat aux comptes (v. infra 2.1).

    B- En matire dimpts directs En matire dimpts directs, plusieurs critres peuvent tre

    lorigine de la dcision dun lentrepreneur confront choisir entre un projet exerc titre individuel ou dans le cadre dune socit :

    Lligibilit aux rgimes forfaitaires. Le taux de limpt. Les rinvestissements fiscaux. La rmunration de lentrepreneur et de ses comptes courants. La transmission de lentreprise. Lligibilit aux rgimes forfaitaires.

    Les entreprises individuelles sont passibles de lIRPP assis sur un revenu global gal la somme des revenus nets catgoriels12.

    12 Il sagit des revenus suivants prvus par le code de lIRPP et de lIS : - les bnfices industriels et commerciaux (articles 9 15 & larticle 44-IV) ; - les bnfices des professions non commerciales (articles 21 & 22) ; - les bnfices de lexploitation agricole et de pche (articles 23 & 24) ; - les traitements, salaires, indemnits, pensions et rentes viagres (articles 25 & 26) ; - les revenus fonciers (articles 27 & 28) ; - les revenus des valeurs mobilires (articles 29 33) ; - les revenus des capitaux mobiliers (articles 34 & 35) ; - les autres revenus (articles 36 & 37).

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    La dtermination de ces revenus catgoriels peut tre envisage selon le mode rel et parfois selon des modes forfaitaires13.

    13 Tableau synthtique des rgimes forfaitaires de dtermination des revenus

    catgoriels. Catgorie Conditions dligibilit L'impt forfaitaire BIC (forfait lgal)

    Peuvent tre imposes selon le rgime forfaitaire d'imposition, les petits exploitants qui ralisent des revenus dans la catgorie des bnfices industriels et commerciaux lorsqu'il s'agit d'entreprises individuelles tablissement unique et activit unique ; non importatrices, non exportatrices ; non rmunres par des commissions; n'exerant pas l'activit de commerce de gros et ne fabricant pas de produits base d'alcool ; ne possdant pas plus d'un vhicule de transport en commun de personnes ou de transport de marchandises dont la charge utile ne dpasse pas 3 tonnes et demi ; non soumises la taxe sur la valeur ajoute selon le rgime rel ; dont le chiffre d'affaires n'excde pas 30.000D ; qui n'ont pas t soumises l'impt sur le revenu des personnes physiques selon le rgime rel suite un contrle fiscal et dont les exploitants ne ralisent pas d'autres catgories de revenus, autre que les revenus de valeurs mobilires et de capitaux mobiliers.

    L'impt forfaitaire est tabli sur la base du chiffre d'affaires annuel conformment ce barme :

    IRPP 0 3000 15

    3000,001 6000 45 6000,001 9000 75 9000,001 12000 120

    12000,001 15000 180 15000,001 18000 260 18000,001 21000 360 21000,001 24000 460 24000,001 27000 580 27000,001 30000 700

    En plus dudit forfait, les forfaitaires l'exception des artisans, sont soumis au paiement de trois acomptes provisionnels dfinitifs et non imputables sur l'impt d ultrieurement ni restituables, gal chacun 30% de l'impt forfaitaire d au titre de l'anne prcdente.

    BIC (forfait optionnel)

    Les personnes forfaitaires susviss peuvent opter pour le paiement d'un impt forfaitaire annuel. Cet impt est dfinitif et ne peut faire l'objet d'une augmentation qu'en cas de ralisation d'un chiffre d'affaires annuel suprieur 100.000 dinars.

    Limpt forfaitaire annuel gal 1500 dinars au titre de l'activit relevant de la catgorie des bnfices industriels et commerciaux. Dans ce cas, les acomptes provisionnels ne sont pas dus.

    Bnfices des professions non commerciales (BNC)

    Aucune condition particulire. Toutefois, dans le cas o les

    intresss ont t soumis au titre dune anne donne limpt sur le revenu selon le rgime rel, ledit rgime demeure dfinitif et ne peut faire lobjet de renonciation

    Les personnes physiques ralisant des BNC peuvent opter, l'occasion du dpt de leur dclaration de l'impt sur le revenu, pour leur imposition sur la base d'un bnfice forfaitaire gal 70% de leurs recettes brutes ralises.

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    En revanche, le rgime dimposition des socits qui ne reconnat aucune forme de forfait, sappuie toujours sur la comptabilit pour dgager un rsultat fiscal rel .

    Lentrepreneur peut toujours trouver dans les rgimes forfaitaires des niches lui permettant non seulement dattnuer considrablement sa charge fiscale directe, mais galement dallger ses obligations comptables et administratives, dtre affranchi de lobligation de retenue la source, voire mme dans le cas particulier du forfait BIC, dtre libr de la TVA (supra 1.1.1)14.

    Dailleurs, lexamen des statistiques relatives au nombre dentreprises en Tunisie dnote dune manire incontestable, de lattractivit des rgimes forfaitaires :

    Bnfices de

    lexploitation agricole et de pche

    Aucune condition particulire.

    En l'absence de tenue de comptabilit, les agriculteurs et les pcheurs sont soumis l'impt sur la base d'une valuation forfaitaire dtermine aprs consultation des experts du domaine et tenant compte de la nature des spculations selon les rgions.

    Revenus fonciers (proprits bties)

    Aucune condition particulire.

    Le revenu catgoriel peut tre dtermin selon le rgime du forfait partiel comme suit :

    Recettes TTC A dduire 30% des recettes TTC (cet abattement forfaitaire correspond aux charges de gestion, rmunrations de concierge, assurances et amortissements), Frais de rparation et dentretien justifis par des pices TTC et Taxe sur les immeubles btis acquitte

    Revenus fonciers (proprits non bties)

    Aucune condition particulire. Le revenu catgoriel est dtermin comme suit :

    Recettes TTC A dduire Dpenses ncessites par la production de ce revenu et justifies par des pices TTC et Taxe sur les terrains non btis acquitte

    14 En revanche, ladhsion aux rgimes forfaitaires prive lentreprise de la possibilit de reporter les dficits.

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    En milliers Total Rel Forfait

    Personnes Morales 69 69

    Personnes physiques BIC 429 94 335

    Personnes physiques BNC 30 11 19 (source : RCF n78)

    1) Le taux de limpt a- La progressivit du barme de lIRPP Le choix de la forme juridique de lentreprise peut rsulter

    dun arbitrage entre la progressivit du barme de lIRPP et le taux fixe de lIS. En effet, lexercice sous forme dune entreprise individuelle peut savrer pnalisant partir dun seuil qui conduit imposer les bnfices 35% (dernire tranche du barme) alors que le taux de lIS est de 30% (taux de droit commun).

    En ignorant les dductions communes et les possibilits dimputation des dficits au niveau du revenu global dune personne physique, ce seuil qui se calcule partir de lquation suivante : 13.02515 + (R16-50.000) x 35% > R x 30%, est gal 89.500 DT.

    b- Le taux dIS rduit de 10% Certaines activits sont imposables 10% lorsquelles sont

    exerces dans le cadre dune socit soumise lIS17. Les mmes

    15 13.025 reprsente la charge dIRPP due au titre dun revenu gal 50.000 DT.

    Au-del de ce montant, le taux de la tranche dIRPP bascule de 30% 35%. 16 O R dsigne le seuil de bnfices partir du quel la progressivit du barme

    alourdit la charge fiscale de lentreprise 17 Le taux de lIS est fix 10% pour : - les entreprises exerant une activit artisanale, agricole, de pche ou d'armement de

    bateaux de pche ; - les centrales d'achat des entreprises de vente au dtail organises sous forme de

    coopratives de services rgies par le statut gnral de la coopration ; les coopratives de services constitues entre les producteurs pour la vente en gros de

    leur production ; - les coopratives de consommation rgies par la statut gnral de la coopration ; - les bnfices raliss dans le cadre de projets caractre industriel ou commercial

    bnficiant du programme de l'emploi des jeunes ou du fonds national de la promotion de l'artisanat et des petits mtiers.

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    activits seraient passibles de lIRPP selon le barme progressif lorsquelles sont exerces dans le cadre dune entreprise individuelle.

    Lentrepreneur gagnera opter pour la cration dune socit sil entend raliser des bnfices suprieurs 1.500 DT (corres-pondant la premire tranche du barme au-del de laquelle, le taux de lIRPP grimpe progressivement de 15% 35%).

    c- Limpact des avantages fiscaux Limpt sur les bnfices est une variable neutre dans le choix

    du crateur dun projet ligible la dduction intgrale des revenus et bnfices sous lgide du droit commun ou des incitations linvestissement.

    Parce que la charge fiscale de lentreprise individuelle et celle de la socit sont identiques, le crateur du projet choisira la forme de son entreprise en sappuyant sur dautres critres non fiscaux.

    2) Les rinvestissements fiscaux a- Le dgrvement financier Contrairement lentreprise individuelle, la cration dune

    socit peut offrir lentrepreneur la possibilit de bnficier dun dgrvement financier au titre des sommes souscrites18.

    A titre dexemple, le dgrvement financier peut se prsenter comme un facteur dterminant dans le choix de la forme de lentre-prise constituer pour un contribuable exerant plusieurs activits, envisageant de crer un nouveau projet ligible au dgrvement fiscal et bnficiant de la dduction intgrale des bnfices dexploitation. La cration dune socit et les augmentations du capital lui succdant lui permettront doptimiser sa situation fiscale densemble.

    b- Le dgrvement physique En optant pour la cration dune socit exerant une activit

    rgie par le CII, le bnfice du dgrvement physique devient possible. Lentreprise cre sous la forme de socit bnficiera non seulement de la possibilit de dduire les sommes rinvesties au sein

    18 La possibilit doprer un tel dgrvement stend aux augmentations de

    capital de la socit ralises aprs la constitution.

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    delle-mme de ses bnfices imposables, mais aussi de la possibilit damortir les actifs objet du rinvestissement.

    En revanche, lentreprise individuelle et mme celle exerant une activit rgie par le CII ne peut pas bnficier de cet avantage fiscal19. 19 Nanmoins, les personnes physiques qui rinvestissent des revenus dans la

    ralisation des projets d'hbergement ou de restauration au profit des tudiants, conformment au cahier des charges tabli par le Ministre de tutelle peuvent dduire les revenus ainsi rinvestis de leur revenu global net soumis l'IR. Les revenus admis en dduction au titre d'une anne donne sont ceux qui correspondent aux dpenses effectivement engages au titre de la mme anne et ce, sur la base de pices justificatives sans que la dduction des revenus rinvestis au titre d'un exercice donn n'aboutisse un impt qui soit infrieur au minimum d'IR prvu par l'article 12 bis de la loi n 89-114 du 30 dcembre 1989. La loi de finances pour la gestion de 2007 a prvu galement la dduction des revenus et bnfices rinvestis dans le cadre des oprations dacquisition totale des lments de lactif ou acquisition partielle des lments des actifs constituant une unit conomique indpendante et autonome lorsque ces acquisitions interviennent suite latteinte du propritaire de lentreprise de lge de la retraite ou suite lincapacit du propritaire de lentreprise de poursuivre la gestion de lentreprise. De mme, cette loi de finances la dduction des revenus et bnfices rinvestis dans le cadre des oprations dacquisition des entreprises en difficults conomiques dans le cadre du rglement judiciaire ou acquisition dune branche dactivit ou dun ensemble de branches complmentaires de lentreprise en difficults. Le rinvestissement physique est envisageable pour une personne physique grce au mcanisme fiscal du compte pargne pour l'investissement a t cr par l'article 21 de la loi de finances pour l'anne 2003. Il s'agit d'un compte destin recevoir les dpts des personnes physiques en vue d'tre utiliss exclusivement dans la ralisation de projets individuels nouveaux ligibles aux avantages fiscaux, ou dans la souscription au capital initial de socits ouvrant droit la dduction des revenus ou bnfices rinvestis conformment la lgislation fiscale en vigueur. Les modalits d'ouverture et de fonctionnement desdits comptes ont t fixes par l'arrt du ministre des finances du 24 avril 2003. En vertu des dispositions de l'article 21 de la loi n2002-101 du 17 dcembre 2002 les sommes dposes dans les comptes pargne pour l'Investissement sont dductibles de l'assiette de l'IR d au titre de l'anne du dpt. Les montants dposs par les personnes physiques dans les comptes pargne pour l'investissement sont dductibles dans la limite de 20.000D par an. La dduction des sommes dposes dans les comptes pargne pour l'investissement ne doit pas aboutir un impt infrieur au minimum d'impt

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    3) La rmunration de lentrepreneur et de ses comptes courants a- La rmunration de lentrepreneur En vertu des dispositions du point 7 de larticle 14 du code de

    lIRPP et de lIS, le salaire de l'exploitant nest pas admis en dduction pour la dtermination du bnfice imposable.

    Sil opte pour la cration dune socit, la rmunration du dirigeant peut, dans certains cas, tre dductible.

    b- La rmunration des comptes courants A linstar des salaires, les intrts servis l'exploitant raison

    des sommes verses dans la caisse de l'entreprise ne sont pas dductibles.

    Pour certaines formes de socits, la rmunration des comptes courants associs peut venir en dduction de lassiette imposable lIS.

    4) La transmission de lentreprise La transmission dune entreprise individuelle ne peut tre

    envisage que par une cession de ses actifs corporels et incorporels. La plus value ainsi ralise est impose lIRPP calcul selon le

    prvu par l'article 12 bis de la loi n89-114 du 30 dcembre 1989 portant promulgation du code de l'IRPP et de l'IS fix 60% de l'IR d sur le revenu global soit avant dduction des sommes dposes dans le compte pargne pour l'investissement. Conformment l'article 21 de la loi de finances pour l'anne 2003, les montants dposs dans les comptes pargne pour l'investissement ainsi que les intrts y affrents doivent tre exclusivement employs dans: - La ralisation de projets individuels nouveaux, ligibles aux avantages fiscaux prvus par la lgislation fiscale en vigueur et ce, au nom du titulaire du compte ou au nom de l'un de ses enfants - La souscription au nom du titulaire du compte ou au nom de l'un de ses enfants au capital initial des socits ouvrant droit la dduction des revenus ou bnfices rinvestis conformment la lgislation en vigueur relative l'incitation l'investis-sement, telle que notamment la souscription au capital.

  • Fiscalit et choix de la forme juridique de lentreprise

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    barme progressif, ce mme dans le cas dun exploitant individuel soumis lIRPP selon le forfait lgal20.

    Nanmoins, une exception limposition de la globalit de la plus value et au taux plein a t apporte par la loi de finances pour la gestion de lanne 2007 qui a tendu le rgime fiscal des fusions aux oprations dapport des entreprises individuelles dans le capital de socits soumises limpt sur les socits en matire de plus value dapport21.

    20 L'article 72 de la loi n 2001-123 du 28 dcembre 2001, portant loi de finances

    pour l'anne 2002 a tendu l'imposition de la plus-value de cession des fonds de commerce aux forfaitaires. L'article 72 de la loi de finances pour l'anne 2002 prvoit que le rsultat net de l'exploitation dtermin compte tenu de la plus-value de cession du fonds de commerce est soumis l'impt sur la base du barme prvu par le paragraphe I de l'article 44 du code de l'IRPP et de l'IS. Dans ce cas, l'IR est liquid sur la base d'un revenu net et tenant compte des abattements et des dductions accords en vertu de la lgislation fiscale en vigueur. Toutefois et selon la doctrine administrative (BODI - Texte DGI n 2002/24 - Note commune n 11/2002), aucune dduction n'est admise au titre des rinvestissements car de telles dductions exigent la tenue d'une comptabilit conforme la lgislation comptable des entreprises (revenus rinvestis dans le capital de socits ouvrant droit dgrvement, revenus dposs dans des comptes pargne en action, ...).

    21 Ce rgime consiste principalement en lexonration de la plus value dapport des lments dactif autres que les marchandises, les biens et valeurs faisant lobjet de lexploitation. Toutefois, la plus-value en question est rintgre aux rsultats imposables de la socit ayant reu les actifs dans la limite de 50% de son montant, et ce, raison du cinquime par anne. Etant prcis que le rgime fiscal relatif aux oprations de fusion de socits ne sapplique pas aux oprations dapport dentreprise individuelle, et ce en ce qui concerne les provisions, les amortissements diffrs et les dficits enregistrs au niveau de lentreprise objet de lapport, le dlai de dpt de la dclaration de cessation dactivit de lentreprise objet de lapport. Il sensuit selon la note commune n 32 de lanne 2007 que les provisions constitues et dduites pour la dtermination des rsultats imposables des exercices prcdents celui de lapport par lentreprise individuelle apporteuse sont rintgres aux rsultats imposables de lanne de lapport, les dficits et les amortissements rputs diffrs en priodes dficitaires enregistrs au niveau de lentreprise individuelle apporteuse et qui nont pas pu tre dduits ne sont pas reportables au niveau de la socit bnficiaire de lapport, lentreprise individuelle apporteuse doit dposer la dclaration de cessation dactivit dans les quinze jours de la date de lapport.

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    La transmission dune socit peut, toutefois, tre effectue au moyen dune cession de ses actifs ou bien des titres composant son capital.

    Les consquences fiscales sont diffrentes : Alors que la plus value sur la cession des actifs est passible de lIS (20%, 30% ou 35%), la plus-value ralise par les personnes physiques rsidentes en Tunisie et provenant de la cession des actions et des parts sociales non rattaches un bilan professionnel paie lIRPP au taux de 10% de son montant22.

    Il est aussi remarqu que les plus-values provenant de la cession des entreprises en difficults conomiques dans le cadre du rglement judiciaire, les plus-values de cession dune branche dactivit ou dun ensemble de branches complmentaires de lentreprise en difficults et les plus-values provenant de la cession partielle des lments des actifs constituant une unit conomique indpendante et autonome et ce lorsque les oprations de cession

    22 La plus-value imposable est dtermine en dduisant du montant des plus-

    values ralises sur les oprations de cession des actions et des parts sociales telle que dtermine ci-dessus et ayant eu lieu au cours de l'anne prcdant celle de l'imposition la moins-value enregistre au titre des oprations de cession de la mme anne, et un montant de 10.000D sur le reliquat. Est situe en dehors du champ dapplication de limpt sur la plus value sur cession dactions et de parts sociales : - la plus value ralise sur les titres inscrits parmi les actifs du bilan dune exploitation individuelle soumise lIRPP selon le rgime rel (BIC, BNC, BA) ; -la plus value ralise au titre de la cession des titres des crances tels que les bons de trsor, les obligations, les titres participatifs ; ainsi que la plus value sur cession des parts des fonds communs de placement en valeurs mobilires, parts de fonds d'amorage et des parts des fonds communs de placement risque ;

    - la plus value sur cession de titres ralise par les personnes morale. Est exonre de l'impt sur le revenu, la plus-value ralise de :

    - la cession des actions admises la cte de la Bourse des Valeurs Mobilires de Tunis ; - la cession des actions dans le cadre d'une opration d'introduction en bourse ; - la cession des actions des socits d'investissement capital variable;

    - la cession des actions et des parts sociales ralise par les SICAR pour le compte des tiers personnes physiques, - lapport dactions ou de parts sociales au capital de la socit mre ou de la socit holding dans le cadre des oprations de restructuration des entreprises ayant pour objet lintroduction en bourse de la socit mre ou de la socit holding ayant bnfici de lapport ; - la cession des actions et des parts sociales ralise dans le cadre du rgime prfrentiel de transmission des entreprises suite latteinte par le propritaire de lge de retraite.

  • Fiscalit et choix de la forme juridique de lentreprise

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    interviennent suite latteinte du propritaire de lentreprise de lge de la retraite ou lincapacit du propritaire de lentreprise de poursuivre la gestion de lentreprise sont toutes dfiscalises quelles concernent une exploitation individuelle ou une socit.

    C- En matire de droits denregistrement Alors que la cration de lentreprise individuelle nimplique

    pas le paiement des droits denregistrement, la constitution dune socit implique gnralement le paiement des droits dus au moment de la constitution. En dehors des cas dapport titre onreux de biens immeubles ou de fonds de commerce, les droits dus lors de la constitution sont fixes et ninfluent gnralement pas sur le choix de linvestisseur hsitant entre la cration dune entreprise individuelle et dune socit.

    II- QUELLE FORME POUR LA SOCIETE ? A- En matire de TVA Le seul facteur qui peut diffrencier le rgime fiscal des

    socits en matire de TVA est la possibilit de bnficier de lavance de 35% du crdit de TVA octroye sans contrle fiscal. En effet, seules les socits dont les comptes sont lgalement soumis laudit dun commissaire aux comptes23 et pour lesquels la certification est intervenue au titre de la dernire anne financire clture pour laquelle le dlai de la dclaration de limpt sur les socits au titre de

    23 Les SA et les socits en commandite par actions sont soumises, en toutes hypothses,

    lobligation de nommer un commissaire aux comptes. En revanche, les autres socits commerciales peuvent tre dispenses de lobligation de dsignation dun commissaire aux comptes dans trois hypothses : - au titre du premier exercice comptable de leur activit - si elles ne remplissent pas deux des limites chiffres relatives au total du bilan, au total des produits hors taxes et au nombre moyen des employs. - ou si elles ne remplissent plus durant les deux derniers exercices comptables du mandat du commissaire aux comptes deux des limites chiffres susvises. Larticle premier du dcret n 2006-1546 du 6 juin 2006, portant application des dispositions des articles 13, 13 bis, 13 ter, 13 quater et 256 bis du code des socits commerciales a fix les limites chiffres en question comme suit :

    * Total bilan : 100.000 dinars * Total des produits hors taxes : 300.000 dinars * Nombre moyen des employs : 10

  • Fiscalit et choix de la forme juridique de lentreprise

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    ses rsultats est chu la date du dpt de la demande de restitution du crdit de TVA.

    Il en rsulte titre dexemples que les socits civiles et les socits qui ne remplissent pas deux des limites chiffres relatives au total du bilan, au total des produits hors taxes et au nombre moyen des employs ne peuvent pas prtendre lavance de 35%.

    B- En matire dimpts directs En optant pour une forme particulire de socits,

    lentrepreneur gagnera prendre en considration plusieurs facteurs fiscaux :

    Le rgime dimposition des socits Le taux de lIS Rgime de lintgration fiscale La rmunration des dirigeants et associs La rmunration des comptes courants associs Le rgime dimposition des socits

    Il existe deux rgimes dimposition des socits. Dune part, les socits fiscalement transparentes qui nont pas la qualit de contribuable, en ce sens que ce ne sont pas elles qui paieront l'impt24. Ce dernier est d par chaque associ raison de sa quote part dans les bnfices fiscaux de la socit transparente.

    Dautre part, les socits de capitaux paient elles mmes lIS et leur associs peroivent des dividendes exonrs de limpt.

    Dans lessentiel, il est possible de recenser quatre facteurs fiscaux pouvant inciter le fondateur dune socit choisir lun ou lautre de ces deux rgimes dimposition. Le premier se rapporte la progressivit du barme et le second la possibilit de transfert des dficits fiscaux, le troisime au taux de lIS et le dernier au risque daccumulation des crdits dimpts directs chez la socit transparente.

    24 Les socits en nom collectif, les socits de fait, les socits en commandite

    simple, les socits en participation et les groupements dintrt conomique, les socits civiles qui ne revtent pas en fait les caractristiques des socits de capitaux...

  • Fiscalit et choix de la forme juridique de lentreprise

    68

    a- La progressivit du barme Les associs personnes physiques dune socit fiscalement

    transparentes peuvent bnficier de la progressivit du barme au titre de leur quote part dans les bnfices fiscaux de cette socit. Toutefois, le barme progressif peut savrer pnalisant au dessus dun seuil qui conduit imposer la quote part dun associ dans la tranche de 35% alors que le taux de droit commun de lIS est de 30%.

    b-Le transfert des dficits fiscaux Le rgime de la transparence fiscale permet le transfert,

    lassoci, de sa quote part dans les dficits fiscaux de la socit transparente. La situation fiscale densemble peut alors tre optimise dans la mesure o les dficits transmis attnuent la charge fiscale directe dudit associ.

    Les socits transparentes fiscalement sont dailleurs un excellent mode dorganisation des filiales dficitaires au sein dun groupe de socit. Une telle organisation permet, en effet, une intgration fiscale de fait , sans sexposer aux contraintes du rgime de lintgration introduit par larticle 30 de la loi de finances n 2000-98 du 25/12/2000.

    A linstar de lentreprise individuelle, la cration dune socit transparente qui exerce lune des activits vises larticle 49 du code de lIRPP et de lIS et passibles de lIS au taux de 10% occasionnera une charge fiscale plus leve que la cration dune socit de capitaux25.

    c- Laccumulation des crdits dimpts dans les socits transparentes En optant pour la cration dune socit transparente

    fiscalement, il importe de tenir compte du rgime fiscal particulier dimputation des retenues la source et des avances supportes et payes par cette socit.

    25 A moins que la quote part de chaque associ personne physique dans les

    bnfices fiscaux annuels ne soit infrieure 1.500 DT (tranche 0% dans le barme de lIRPP).

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    69

    En effet, les socits fiscalement transparentes sont tenues de payer une avance au taux de 25% sur la base des bnfices fiscaux raliss au titre de l'anne prcdente. Elles peuvent aussi imputer les retenues la source au titre des sommes leur revenant ainsi que l'avance qu'elles ont paye au titre de l'importation des produits de consommation sur l'avance dont elles sont redevables au taux de 25% au titre des bnfices raliss.

    Toutefois et en cas de non imputation de toutes les retenues la source ou de toute l'avance au titre de l'importation des produits de consommation, l'excdent desdites retenues la source ainsi que l'excdent de l'avance au titre des importations des produits de consommation est imputable sur les avances dues au titre des bnfices ultrieurs. Il peut galement, faire l'objet d'une demande en restitution conformment la lgislation en vigueur.

    Autrement dit, les associs des entits fiscalement transparentes ne peuvent pas dduire ni les retenues la source ni l'avance au titre de l'importation de 10% de leur impt exigible. L'imputation leur niveau se limite l'avance paye par les socits et groupements au taux de 25% au titre des bnfices raliss, chacun raison de ses droits dans la socit ou dans le groupement.

    Il en rsulte que les entits fiscalement transparentes peuvent devenir des boites de crdits dimpts non susceptibles de transfert aux associs. Dans certains cas, il est mme envisageable quaussi bien la socit transparente que ses associs tombent dans des situations de crdits chroniques dimpts en raison des retenues la source et des avances supportes et non imputes. Ces situations placent la socit transparente et ses associs sous la menace du contrle fiscal quasi-permanent.

    d- Le taux de lIS Seules les socits par actions cotes la BVMT peuvent

    prtendre la possibilit de rduire le taux de lIS 20%. En effet, le taux de lIS est rduit 20%, et ce, pendant 5 ans pour les socits qui procdent ladmission de leurs actions ordinaires la cte de la

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    70

    bourse des valeurs mobilires de Tunis un taux douverture au public dau moins 30%26.

    La mme rduction sapplique aux socits dont les actions ordinaires sont inscrites la cte de la bourse avec un taux douverture au public infrieur 30% et qui procdent louverture de leur capital au public un taux additionnel au moins gal 20% avec un taux global dau moins 30%27.

    e- Rgime de lintgration fiscale Seule une socit par actions cote la BVMT peut opter en

    sa qualit de socit mre pour son imposition limpt sur les socits sur la base de lensemble des rsultats raliss par elle et par les autres socits28. Il en rsulte quau-del des contraintes prvues par le droit des socits29, une socit dont le capital nest pas divis en actions (ex. SARL) ne peut pas bnficier du rgime dintgration fiscale.

    26 La proportion de l'ouverture du capital au public de 30% s'applique au montant global

    du capital. C'est ainsi que dans le cas d'une introduction accompagne d'augmentation de capital, le taux de 30% s'apprcie par rapport : - au montant global du capital, y compris celui augment, - au nombre total des droits de vote existants dans la socit. En vertu du rglement gnral de la bourse des valeurs mobilires de Tunis approuv par l'arrt du ministre des finances du 13 fvrier 1997 tel que modifi par l'arrt du 9 septembre 1999, le terme public dsigne les actionnaires dtenant individuellement au plus 0,1% du capital.

    27 Cette rduction sapplique aux oprations douverture du capital au public ralises au cours de la priode allant du 1er fvrier 1999 jusquau 31 dcembre 2009.

    28 Le bnfice du rgime de lintgration des rsultats est subordonn la satisfaction des conditions suivantes :

    - la socit mre doit tre cote la Bourse des Valeurs Mobilires de Tunis ; - les socits concernes par lintgration des rsultats doivent tre tablies en Tunisie ;

    - les socits concernes par lintgration des rsultats doivent tre soumises limpt sur les socits ; - les socits concernes par lintgration des rsultats doivent avoir les mmes dates douverture et de clture de l'exercice. Le rgime de lintgration des rsultats est accord sur autorisation du Ministre des Finances.

    29 Selon larticle 462 du code des socits commerciales, la socit mre doit avoir la forme d'une socit anonyme (v. supra).

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    71

    f- La rmunration des dirigeants et associs Le choix de la forme de la socit peut tre dict par des

    considrations se rapportant au rgime fiscal des rmunrations alloues aux dirigeants et associs.

    Au-del des conditions de dductibilit communes toutes les rmunrations (travail effectif et salaire non excessif30), le droit fiscal est intervenu pour dcrter la non dductibilit des rmunrations servies certains dirigeants et associs des socits.

    Sont, en effet, exclues du droit dduction, les rmunrations servies aux grants majoritaires des SARL et aux associs en nom.

    Le fondateur dune SARL doit tenir compte du fait que les rmunrations alloues aux associs grants ne sont pas admises en dduction pour la dtermination de lIS, lorsque la majorit des parts sociales est possde par lensemble des grants.

    30 Le tribunal administratif a eu loccasion de se prononcer sur la question de la

    dductibilit des rmunrations servies aux dirigeants. A cet effet, il a mis deux conditions pour bnficier de la dductibilit de ces rmunrations: lexercice dun travail effectif et le caractre non excessif de la rmunration. La haute juridiction prcise, galement, que la charge de la preuve incombe au contribuable, qui dans lespce, na pas russi prouver ni la ralit du travail exerc, ni le caractre excessif de la rmunration. A ce dernier propos, le caractre non excessif peut tre prouv, selon le tribunal administratif, en se rfrant aux rmunrations des dirigeants dentreprises similaires, limportance des fonctions occupes par le dirigeant, lvolution du chiffre daffaires par rapport celle des rmunrations, ou encore lvolution de lensemble des rmunrations comparativement celle du dirigeant. Tribunal Administratif. Requtes n 34518 et 34167 du 26 janvier 2004.

    / 34158 34167 / 26 2004

    .

    .

    .

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    Pour lapplication de cette disposition, les grants qui nont pas personnellement la proprit des parts sociales sont considrs comme associs si leur conjoint ou leurs enfants non mancips sont des associs. Dans ce cas, comme dans celui o le grant est associ, les parts, appartenant en toute proprit ou en usufruit au conjoint et aux enfants non mancips du grant, sont ajoutes celles de ce dernier.

    Selon la doctrine administrative :

    La rmunration servie un grant d'une SARL qui dtient 50% des parts sociales (Grance galitaire) est considre fiscalement comme salaire et est par consquent dductible de l'assiette de l'IS.

    Si la socit a plusieurs grants, il convient de considrer le collge de la grance compos dassocis pour apprcier sa nature majoritaire ou non. De mme, il convient dadditionner toutes les parts dtenues par chaque grant, son conjoint et ses enfants non mancips pour le calcul de sa participation dans le capital.

    Pour apprcier le caractre majoritaire du grant, une doctrine administrative contestable considre quil y a lieu d'additionner toutes les parts dtenues par chaque grant soit directement soit indirectement c'est dire par l'intermdiaire de socits dtenant des parts sociales dans ladite SARL, son conjoint et ses enfants non mancips31. A ce propos, il importe de prciser que cette inter-prtation administrative a t rcemment censure par le tribunal administratif qui, dans larrt n 38974 du 19 mai 2008, a rejet linterprtation extensive des dispositions du paragraphe V de larticle 48 du CIRPPIS, le tribunal administratif considrant que

    31 Prise de position DGELF (531) du 6 Avril 2004.

    50% .

    . " " 20 .

    .

    .

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    le paragraphe V ne vise que deux situations : la premire concerne les grants qui ont personnellement la proprit des parts sociales et la seconde concerne les grants qui n'ont pas personnellement la proprit des parts sociales, mais qui sont considrs comme associs si leur conjoint ou leurs enfants non mancips sont des associs32.

    Etant prcis galement que les rmunrations verses au grant majoritaire constituent, selon la doctrine de ladministration33, des revenus de valeurs mobilires.

    Ajoutons enfin que ne sont pas admis en dduction du rsultat fiscal, les salaires de lassoci dans la SNC.

    g- La rmunration des comptes courants associs Alors que les intrts servis l'exploitant ou aux associs des

    socits de personnes ou des associations en participation au titre de leur compte courant actionnaire ne sont pas dductibles du rsultat fiscal, les comptes courants associs dans les autres formes de socits peuvent donner lieu rmunration fiscalement dductible dans les conditions suivantes :

    Le capital social doit tre au pralable, intgralement libr Le montant ouvrant droit rmunration est plafonn pour

    lensemble des associs pris globalement 50% du capital social.

    32 La position du tribunal administratif censure donc la doctrine administrative

    qui, pour apprcier la nature majoritaire ou non du grant, additionne toutes les parts dtenues par chaque grant soit directement soit indirectement c'est dire par l'intermdiaire de socits dtenant des parts sociales dans ladite SARL, son conjoint et ses enfants non mancips. Tribunal Administratif, Requte n 38974, du 19 mai 2008.

    - :38974 - :19 2008.

    48) V (

    . 48) V (

    33 TEXTE DGI 1995/23 - Note commune n 16 (commentant des dispositions des

    articles 50, 51, 52 et 53 de la loi n 94-127 du 26 dcembre 1994 relatifs au rgime fiscal des jetons de prsence)

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    Le taux dintrt ne dpasse pas 8% lan34 (pour les entreprises autres que bancaires35).

    Tout intrt nouvre pas droit dduction si le capital nest pas intgralement libr et tout intrt vers en dpassement des deux derniers plafonds nest pas dductible36.

    C- En matire de droits denregistrement A la diffrence des autres formes de socits, la cration dune

    socit par actions implique la souscription dune dclaration de souscription et de versement et le paiement dun droit de souscription.

    Hormis cette particularit, les droits denregistrement dus au moment de la constitution dune socit sont quasiment identiques et

    34 Selon la doctrine de ladministration (BODI - Texte n DGI 2004/22 - Note

    commune n 18/2004), le fait que les associs ne dcomptent pas d'intrts au titre des sommes qu'ils mettent la disposition de la socit, ne met pas obstacle l'imposition des intrts non dcompts entre les mains des associs et ce, sur la base de 8% des sommes mises la disposition de la socit. Dans ce cas, l'imposition a lieu mme dans le cas o le capital de la socit n'est pas totalement libr et dans le cas o les sommes gnratrices des intrts dpassent 50% du capital. Etant entendu galement qu'aucune dduction n'est admise ce titre au niveau de la socit emprunteuse pour le cas des intrts non dcompts et ce pour dfaut de comptabilisation des intrts.

    35 L'article 75 de la loi des finances pour l'anne 2004 prvoit que les dispositions relatives aux sommes mises par la socit la disposition des associs ainsi que celles relatives aux sommes mises par les associs la disposition de la socit ne s'appliquent pas lorsqu'il s'agit d'un tablissement de crdit ayant la qualit de banque. Dans ce cas, le taux des intrts pratiqu par ledit tablissement au titre des crdits avec les tiers sera pris en considration. En effet l'tablissement de crdit est considr dans ce cas agir dans le cadre de son activit ordinaire. Il y a lieu de prciser par ailleurs que les intrts servis l'tablissement bancaire en contrepartie des sommes qu'il a mises la disposition de la socit sont admis en dduction mme dans le cas o les conditions exigibles pour la dduction des intrts et relatives la libration du capital et la limite de la dduction des intrts au titre des sommes ne dpassant pas 50% du capital ne sont pas remplies.

    36 Seront rintgrs aux rsultats imposables : - la quote-part des intrts qui dpasse 8% calcule sur la base d'un montant n'excdant

    pas 50% du capital. - la quote-part des intrts relatifs aux sommes mises la disposition de la socit par

    les associs qui dpasse 50% du capital et ce, quelque soit le taux d'intrt dcompt.

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    ne reprsentent pas un facteur dcisif dans le choix de la forme de la socit.

    Conclusion En dehors des situations o le choix de la forme de

    lentreprise serait dict par des considrations conomiques ou serait impos par une disposition expresse du droit des affaires, le crateur de lentreprise peut tre amen choisir la forme de celle-ci en basant sa dcision sur des motifs purement fiscaux. A travers cette dcision, le crateur de lentreprise cherchera placer son entreprise, ses dirigeants voire mme sa propre personne dans la situation fiscale la plus favorable possible. Cette optimisation ou habilet fiscale qui, selon le professeur COZIAN, est une qualit, une vertu, un comportement normal et recommandable37 rsulte des diffrences dans les rgimes fiscaux de chaque entreprise en matires dimpts directs et indirects.

    Dans la pratique, les professionnels accompagnant la cration des entreprises (comptables, experts comptables, avocats) recommandent aux investisseurs une forme particulire sur la base dun dtail fiscal . A titre dexemple, la forme dune socit anonyme est bien souvent privilgie pour permettre au dirigeant majoritaire de prtendre une rmunration dductible fiscalement, alors mme que cette forme anonyme, destine fondamentalement drainer lpargne en vue de monter des grands projets, serait inappro-prie en raison de la petite taille de linvestissement ou du caractre familial du projet ne ncessitant aucunement une gestion collgiale

    Dvidence, un effort lgislatif de neutralisation de la dcision de lentrepreneur et dharmonisation entre les diffrents rgimes fiscaux des entreprises devrait tre entrepris dans un contexte o linitiative conomique a t rige en priorit nationale38. 37 M. COZIAN, La gestion fiscale et labus de droit, Revue franaise de

    comptabilit, n 229, dcembre 1991, p. 19 38 Larticle premier de la loi n 2007-69 du 27 dcembre 2007, relative

    l'initiative conomique considre que l'initiative conomique constitue une priorit nationale la conscration de laquelle oeuvrent tous les acteurs conomiques et sociaux dans le cadre de la garantie du principe dgalit des chances et sur la base de la libert comme principe et de l'autorisation comme exception.

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    Plus urgents, mon sens, sont lassujettissement la TVA des personnes physiques forfaitaires, la rduction du taux de la dernire tranche du barme progressif de lIRPP de 35% 30%, lacceptation parmi les charges dductibles fiscalement de la rmunration du grant majoritaire de la SARL et lallgement du poids des crdits dimpts dans les entits fiscalement transparentes.