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EXPLOITATION DU BOIS TROPICAL ET DESTRUCTION DE LA FORÊT TROPICALE
Quelques faits à propos d’une controverse
DBS Dérivés du Bois Suisse Association professionnelle du négoce de bois
Impressum
Éditeur : Dérivés du Bois Suisse (DBS) Association professionnelle du négoce de bois Schönenbachstrasse 45, CH‐4153 Reinach www.boiscom.ch
Nouvelle édition remaniée et complétée, octobre 2016
Conception, rédaction et mise en page : © Jörg Reimer, Reinach
Traduction : Myriam Jung, Binningen
Illustrations : Page de titre : «Timidité des cimes» des arbres Kapur, Selangor, Malaisie Dernière page : Orang‐Outan au centre d’acceuil de Bukit Merah, Perak, Malaisie (photos : Jörg Reimer)
Les sources des autres illustrations et textes sont indiquées dans les rubriques.
Table des matières
Forêts tropicales et bois tropicaux 1
Causes de la destruction des forêts tropicales 2
Abattage mondial de bois 4
Le commerce international de bois tropical 5
Exploitation illégale des forêts et commerce de bois illégal 8
Mesures politiques visant à réglementer le commerce de bois 9
CITES 9
FLEGT (UE) 10
RBUE (UE) 10
Obligation de déclarer le bois et les produits en bois (Suisse) 11
Lacey Act (Etats‐Unis) 12
Illegal Logging Prohibition Act (Australie) 12
Certification du bois et label de durabilité 13
Le FSC en bref 13
Le PEFC en bref 13
Pénurie de bois tropicaux certifiés durables 14
Propriétés et utilisation du bois tropical 14
Comparaison de la masse volumique apparente de quelques bois tropicaux et bois indigènes 14
Exemples d’utilisation de bois tropical 15
Exemples de coloris et de textures de placages en bois tropical 15
Plaidoyer pour du bois tropical légal et durable 16
Quelles mesures pour protéger efficacement les forêts tropicales ? 16
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Forêts tropicales et bois tropicaux
Les forêts tropicales couvrent une superficie d’environ 1,66 milliard d’hectares et représentent près de
40 % du couvert forestier mondial. Elles sont situées entre le tropique du Cancer et le tropique du Capri‐
corne, et peuvent être schématiquement classées en forêts ombrophiles (forêts tropicales pluvieuses),
forêts tropicales décidues humides et forêts tropicales sèches. Selon l’Organisation internationale des bois
tropicaux OIBT (2011), les plus grandes superficies de forêts tropicales se trouvent au Brésil (520 millions
d’hectares), en République démocratique du Congo (154 millions d’hectares) et en Indonésie (94 millions
d’hectares). A titre de comparaison, le couvert forestier de la Suisse s’étend sur près de 1,3 million
d’hectares.
Parmi les forêts tropicales, on distingue les forêts primaires, les forêts secondaires et les plantations fores‐
tières. La forêt primaire, aussi appelée forêt vierge, désigne une forêt naturelle qui n’a jamais été exploitée
ni significativement modifiée par l’homme. La forêt secondaire, contrairement à la forêt primaire, est une
forêt qui s’est régénérée là où la forêt originelle (forêt primaire, forêt vierge) a été détruite. Sa structure
d’âge et la diversité de ses espèces divergent de celles des forêts primaires. Les causes de la destruction des
forêts primaires sont non seulement les activités humaines, mais aussi les catastrophes naturelles telles
que les incendies, les inondations ou les éruptions volcaniques. Quant aux plantations forestières, elles
désignent des peuplements forestiers établis par plantation et/ou semis, en partie aussi d’espèces intro‐
duites. Elles sont souvent créées après destruction par coupe rase ou brûlis des forêts naturelles et il s’agit
régulièrement de monocultures sur de grandes surfaces, constituées de peuplements équiennes (dont les
arbres ont plus ou moins le même âge). Ces plantations ne sauraient remplacer les forêts naturelles
puisqu’elles s’accompagnent toujours d’une perte de la biodiversité.
Le terme de bois tropical englobe le vaste groupe des essences provenant des formations boisées tropicales
ou subtropicales d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud et centrale, et plus particulièrement des forêts dites
ombrophiles. Le bois tropical se distingue par une incroyable diversité des essences, comme en témoigne la
banque de données de la Centrale suisse du commerce de bois qui a récensé plus de 1'200 essences de bois
tropicaux sous leurs noms scientifiques et leurs appellations commerciales (au nombre de quelque 5'350 !).
Illustration : Distribution géographique des forêts tropicales, en vert, les forêts tropicales pluvieuses (source : www.faszination‐regenwald.de)
2
Causes de la destruction des forêts tropicales
Dans son rapport sur la situation des forêts du monde 2012, l’Organisation des Nations Unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO) constate qu’au cours de la décennie écoulée, quelque 13 millions
d’hectares de forêts ont été détruits chaque année dans le monde. C’est l’équivalent de plus de trois fois la
taille de la Suisse. La FAO a cependant aussi relevé qu’entre 2000 et 2010, l’Europe, l’Amérique du Nord et
la Chine avaient enregistré un accroissement des superficies forestières, de sorte que les pertes nettes an‐
nuelles de forêts ne représentent plus que 5,2 millions d’hectares. Au‐delà de cette arithmétique, il con‐
vient de rappeler que les reforestations et plantations forestières ne sauraient toutefois compenser la
perte de forêts naturelles ou primaires, notamment du point de vue de la biodiversité. Le recul du couvert
forestier, dans les régions tropicales surtout, occasionne des dommages écologiques irréversibles et porte
atteinte non seulement aux espèces animales et végétales, mais aussi à l’équilibre climatique. La destruc‐
tion des forêts naturelles frappe surtout les pays et zones des régions tropicales. Selon la FAO, les plus
grandes pertes annuelles nettes de superficies forestières se sont produites au Brésil et en Indonésie. Les
causes de la destruction des forêts tropicales sont multiples et difficiles à quantifier dans le détail. De plus,
elles varient d’une région à l’autre.
Une part importante de la déforestation est à mettre au compte de l’explosion démographique dans les
pays tropicaux. Les petits agriculteurs qui pratiquent la culture sur brûlis empiètent de plus en plus sur
les forêts et les habitants des régions surpeuplées sont déplacés vers des zones de plus en plus reculées
des forêts tropicales.
Le Brésil, deuxième plus grand producteur de viande bovine du monde, défriche à grande échelle de
vastes étendues de forêts dans la région amazonienne pour les convertir en pâturages d’élevage bovin.
La conversion des forêts en terres d’élevage s’accompagne aussi d’un défrichement pour la culture de
soja, surtout utilisé comme fourrage pour le bétail.
En Asie du Sud‐Est, les forêts tropicales sont de plus en plus menacées par les plantations de palmiers à
huile. L’Indonésie et la Malaisie sont les deux plus grands producteurs d’huile de palme et assurent 85 %
de la production mondiale. En Indonésie, ces plantations s’étendent sur plus de 90'000 kilomètres carrés
et en Malaisie sur près de 50'000 kilomètres carrés. Les plantations de palmiers à huile gagnent désor‐
mais aussi du terrain en Afrique (Côte d’Ivoire, Ghana, Cameroun, Nigéria) ainsi qu’en Amérique du Sud
(Colombie, Brésil). (Source : IndexMundi).
*La catégorie « Autres » comprend des causes telles que l’urbanisation, le développement d’infrastructures, les incendies naturels, les projets hydroélectriques, la collecte de bois de feu
Source : rainforests mongabay.com
3
L’huile de palme est non seulement utilisée dans l’industrie agro‐alimentaire et cosmétique, mais connaît
aussi un véritable boom en tant que biocarburant. Cet engouement pour l’huile de palme a été encouragé
par l’Union européenne qui a adopté en 2009 une directive visant à promouvoir les énergies renouvelables
(Directive de l’UE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouve‐
lables). Celle‐ci prévoyait initialement d’augmenter d’ici à 2020 à 10 % la part de biocarburants dans la con‐
sommation totale d’essence et de gazole destinés au transport. Cet objectif – revu à la baisse en 2015 et
désormais fixé à 7 % – a entraîné au sein de l’UE une hausse des besoins en huile de palme de 456'000
tonnes en 2010 à 3,2 millions de tonnes en 2014, soit sept fois plus en quatre ans (chiffres selon la Fédéra‐
tion européenne pour le transport et l’environnement, mai 2016). Voilà de quoi motiver les pays produc‐
teurs des régions tropicales à défricher de nouvelles terres forestières pour les convertir en plantations de
palmiers à huile.
La culture illégale sur brûlis pratiquée sur l’île indonésienne de Sumatra pour étendre les plantations (de palmiers à huile surtout) dégage d’épaisses colonnes de fumée blanche propagée par le vent d’ouest en direction de la mer de Chine méridionale et provo‐quant une pollution de l’air record, nocive pour la santé de millions d’habitants, à Singapour et au sud de la péninsule malaisienne. (Photo : NASA, image satellite du 19 juin 2013).
Récolte de soja dans l’état brésilien du Matto Grosso (photo : GEO.de, Paulo Fridmann)
Récolte de soja dans l’Etat brésilien de Mato Grosso (photo : GEO.de, Paulo Fridmann)
Défrichement de la forêt tropicale pour la culture d’huile de palme dans l’Etat malaisien du Sarawak sur l’île de Bornéo (photo : Mattias Klum, National Geographic)
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Abattage mondial de bois (Source : FAO, Annuaire statistique 2014 et Produits forestiers mondiaux 2014)
Les statistiques de la FAO se fondent en premier lieu sur les données fournies par les pays au moyen de questionnaires ou grâce à des publications officielles. En l’absence de données officielles, la FAO procède à une estimation basée sur les meilleures informations disponibles.
Total
bois rond abattu
(1000 m3)
dont
bois rond industriel
(bois brut)
(1000 m3)
dont
bois de feu / d’énergie
(1000 m3) (en % de l‘abattage
total par région)
Mondial 3'700'368 1'836'542 1'863'826 50 %
Dont, par régions :
Afrique 728'485 71'565 656'920 90 %
Asie 1'118'695 381'704 736'991 66 %
Europe 722'064 572'409 149'655 21 %
Amérique latine 503'923 240'502 263'421 52 %
Amérique du Nord 552'952 506'746 46'206 8 %
Océanie 74'249 63'616 10'633 14 %
Des 3,7 milliards de m3 de bois ronds abattus dans le monde en 2014, 1,86 milliard de m3 était du bois de
feu/bois d’énergie (y compris le bois pour la production de charbon de bois) et 1,84 milliard de m3 du bois
rond industriel (grumes de sciage et de placage ainsi que d’autres types de bois ronds industriels destinés à
la fabrication de pâte et papier, de panneaux de particules et de panneaux de fibres).
Ces chiffres de la FAO n’incluent pas le bois abattu illégalement et il est donc à supposer que les vo‐
lumes extraits des forêts sont nettement plus importants. Concernant l’abattage et le commerce illégal,
voir la rubrique correspondante.
Près de la moitié des bois ronds abattus dans le monde sont utilisés comme bois de feu et bois
d’énergie. Cette part varie considérablement d’une région à l’autre. En Afrique, elle représente 90 % de
la production (les 10 % restants étant du bois rond industriel) et elle est aussi relativement importante
en Asie et en Amérique latine. Ces chiffres montrent que le bois tropical demeure la principale source
d’énergie pour la population des régions tropicales et d’un grand nombre de pays en voie de dévelop‐
pement !
Le gros des volumes de bois ronds industriels abattus est consommé et utilisé dans les régions mêmes et
les pays d’origine (à des fins de construction, pour la production de meubles, etc.). C’est ce qui ressort
des données 2014 de la FAO relatives à la consommation indigène (calculée sur la base de l’équation
suivante : production propre + importations ‐ exportations = consommation indigène).
Région Production propre
bois rond industriel
(1000 m3)
Importation
bois rond industriel
(1000 m3)
Exportation
bois rond industriel
(1000 m3)
Consommation
indigène bois rond
industriel (1000 m3)
Afrique 71'565 488 5'516 66'537
Asie 381'704 72'544 8'258 445'990
Amérique latine 240'502 313 1'515 239'300
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Dans les différents pays de forêts tropicales, le rapport entre exportation et consommation intérieure
est similaire : le gros du bois est consommé dans le pays d’origine et – même en tenant compte des
grumes que les pays d’origine transforment sur place en produits exportables tels que sciages, contre‐
plaqués, placages, etc. – les exportations demeurent modestes.
Le commerce international de bois tropical
Les bois tropicaux sont commercialisés dans le monde entier et une des seules organisations à disposer de
données concrètes sur la production et le commerce de bois tropicaux est l’Organisation internationale du
bois tropical (OIBT). Ses données n’étant pas toujours fiables en raison de l’insuffisance des chiffres com‐
muniqués par les Etats membres, il convient de les interpréter avec prudence. L’OIBT compte 72 membres,
dont 34 pays producteurs et 38 pays consommateurs qui représentent près de 80 % des forêts tropicales
du monde et détiennent 90 % du commerce mondial des bois tropicaux. Parmi les pays consommateurs
figurent l’Union européenne, avec ses 28 Etats membres, ainsi que les principales nations industrielles que
sont les Etats‐Unis, la Chine et le Japon. La Suisse est également membre de l’OIBT.
Selon l’OIBT, la production de bois ronds industriels d’origine tropicale (grumes pour sciages, placages et
autres types de produits) a atteint en 2013 235,8 millions de m3. Les plus gros producteurs de grumes tro‐
picales sont l’Indonésie (62,4 millions de m3), suivie de l’Inde (43,4 millions de m3), du Brésil (30,8 millions
de m3) et de la Malaisie (20 millions de m3).
De ces 235,8 millions de m3 de bois ronds industriels, 13,2 millions de m3 (soit 5,6 %) sont directement ex‐
portés par les pays producteurs et près de 94 % transformés sur place en sciages, placages ou contrepla‐
qués, soit pour la consommation indigène, soit pour l’exportation. Pour 2013, le classement des principaux
exportateurs parmi les pays producteurs de bois tropicaux se présente comme suit :
Exportations de bois tropicaux des pays producteurs en 2013 (source : Revue biennale OIBT 2013‐2014 / Base de données statistiques))
Grumes Sciages
Quantité (m3) Quantité (m3)
Total pays producteurs OIBT 13'197'000 Total pays producteurs OIBT 9'258'000
‐ Papouasie‐Nouvelle‐Guinée 3'097'000 ‐ Malaisie 1'963'000
‐ Malaisie 3'097'000 ‐ Thaïlande (surtout du bois
d’hévéa issu de plantations)
1'936'000
‐ Myanmar 2'718'000 ‐ Indonésie 732'000
‐ Cameroun 802'000 ‐ Cameroun 626'000
Placages Contreplaqués
Quantité (m3) Quantité (m3)
Total pays producteurs OIBT 1'212'000 Total pays producteurs OIBT 6'397'000
‐ Viêtnam 651'000 ‐ Malaisie 3'032'000
‐ Malaisie 242'000 ‐ Indonésie 2'836'000
‐ Gabon 108'000 ‐ Viêtnam 163'000
‐ Côte d‘Ivoire 54'000 ‐ Équateur 61'000
6
Les présentes données sur le commerce international des bois tropicaux se limitent aux grumes, sciages,
placages et contreplaqués. Et ce pour cause : le système international harmonisé de désignation et de
codification des marchandises (nomenclature) qui sert de base aux tarifs douaniers nationaux et sur le‐
quel repose aussi la saisie des données économiques (statistiques du commerce extérieur) ne fait de dis‐
tinction entre bois tropical et non tropical que pour ces groupes de marchandises. Il existe d’autres pro‐
duits finis et semi‐finis en bois tropical commercialisés à l’international (par exemple produits rabotés,
bois lamellé‐collé, meubles et autres), mais dont les volumes ne peuvent être identifiés avec certitude.
Par conséquent, les aperçus ci‐dessous des importations de bois tropicaux pour l’année 2013 se limitent
par la force des choses aux groupes de marchandises susmentionnés. Le tableau indique pour chaque
groupe les deux pays qui ont importé les plus gros volumes, puis le volume total des importations de l’UE,
avec mention du principal importateur de l’espace européen. Quant aux importations de la Suisse, acteur
insignifiant sur le marché international des bois tropicaux, elles sont données à titre de comparaison.
Importations de bois tropicaux en 2013 (source : Revue biennale OIBT 2013‐2014)
Grumes Sciages
Les principaux
importateurs (pays)
Quantité (m3) Les principaux
importateurs (pays)
Quantité (m3)
Chine 9'342'189 Chine 4'199'633
Inde 4'355'870 Thaïlande 761'000
UE 320'000 UE 1'344'000
‐ France 127'302 ‐ France 324'767
Suisse * 389 Suisse * 11'433
Placages Contreplaqués
Les principaux
importateurs (pays)
Quantité (m3) Les principaux
importateurs (pays)
Quantité (m3)
Chine 525'691 Japon 2'602'653
Taïwan 159'919 États‐Unis 637'817
UE 197'000 UE 799'000
‐ France 68'183 ‐ Pays‐Bas 138'527
Suisse * 297 Suisse * 3'162
*Chiffres pour la Suisse : Administration fédérale des douanes, statistique du commerce extérieur, banque de données Swiss‐Impex
La majeure partie du commerce international de bois tropicaux s’opère au sein de l’espace asiatique. La
Chine, deuxième puissance économique mondiale, est aujourd’hui de loin le plus grand importateur de
bois tropicaux. Selon l’OIBT, la Chine a produit en 2013 près de 6 millions de m3 de contreplaqués tropi‐
caux fabriqués à partir de grumes importées. Cela fait de la Chine le plus grand producteur de contre‐
plaqués tropicaux, devant la Malaisie (avec près de 4 millions de m3). Avec un volume de 616'000 m3
(chiffre pour 2013), la Chine est également le troisième plus grand exportateur de contreplaqués tropi‐
caux, après la Malaisie et l’Indonésie. Ses propres ressources étant insuffisantes, la Chine a un besoin
énorme et croissant en bois, besoin qu’elle ne couvre pas seulement avec du bois tropical, mais aussi
avec des importations de grumes de Russie, d’Amérique du Nord et d’Europe.
7
Après avoir occupé jusqu’au milieu des années 1990 le premier rang des principaux pays importateurs
de bois tropicaux, le Japon a été supplanté par la Chine et n’a réussi à conforter sa position de leader
que pour les importations de contreplaqués tropicaux.
Sur les 2,659 millions de m3 de produits en bois (sans le bois d’énergie et le papier/carton) consommés
en Suisse en 2013 (source : Office fédéral de l’environnement OFEV), les importations de grumes, de
sciages, de placages et de contreplaqués tropicaux en 2013 ne représentaient que 15'281 m3, soit
quelque 0,6 %, de la consommation totale.
Les importations suisses de bois tropicaux ont fortement diminué au cours des 25 dernières années. Les
raisons de ce recul sont multiples :
La baisse des importations s’explique pour l’essentiel par la controverse sur l’utilisation des bois tropi‐
caux et la destruction des forêts tropicales. Diverses initiatives privées et organisations environnemen‐
tales telles que le WWF et Greenpeace se sont employées à sensibiliser le grand public et les consom‐
mateurs. Désormais, ces derniers n’acceptent que le bois tropical – si tant est qu’ils l’acceptent –qui a
été certifié légal et durable.
Entre 1990 et 2015, le volume total des grumes, sciages, placages et contreplaqués tropicaux importés
en Suisse a chuté de près de 75 %, passant de 33'726 tonnes à 8'470 tonnes.
En l’espace de 25 ans, les importations suisses de grumes tropicales se sont littéralement effondrées :
alors qu’elles totalisaient encore 47'450 tonnes en 1980, elles ne représentaient plus que 11'903 tonnes
en 1990 et 143 tonnes en 2015. Une des raisons pour ce recul massif est que la Suisse ne compte plus
qu’une ou deux scieries capables de débiter des grumes tropicales. A cela s’ajoute que les pays produc‐
teurs ont commencé, au cours des dernières décennies, à transformer eux‐mêmes sur place le bois tro‐
pical destiné à l’exportation (avec la production de sciages, de contreplaqués et de placages aussi). Les
politiques favorisant la transformation locale contribuent ainsi à accroître dans les pays producteurs la
valeur ajoutée de ce secteur d’activité.
A moyen et à plus long terme, les mesures politiques visant à combattre l’exploitation et le commerce
illégal pourraient aussi se solder par un recul des importations de bois tropicaux, notamment dans les
pays industrialisés occidentaux. Par ailleurs, les réglementations de l’UE en la matière vont certainement
aussi avoir des répercussions en Suisse, puisqu’une part notable des importations suisses de bois tropi‐
caux transite par des Etats de l’Union européenne tels que l’Allemagne, la France ou les Pays‐Bas.
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Abattage illégal de bois découvert par l’armée brésilienne (photo : Exército Brasileiro)
Exploitation illégale des forêts et commerce de bois illégal
On entend par exploitation illégale des forêts et commerce de bois illégal la récolte, le transport, la vente
ou l’achat de bois en violation des lois nationales applicables. Cette définition couvre un large éventail
d’infractions dont :
Infractions liées à l’exploitation illégale des forêts :
‐ La corruption dans l’attribution des permis d’exploitation et l’obtention frauduleuse des licences
‐ L’exploitation des forêts sans permis
‐ La surexploitation dans une zone sous licence ‐ L’abattage d’espèces d’arbres protégées ‐ La récolte de bois dans des aires protégées ‐ La violation des droits fonciers des populations locales et autochtones.
Infractions liées au commerce de bois illégal :
‐ La violation des réglementations d’exportation
‐ La falsification des documents douaniers
‐ Le non‐paiement des impôts, redevances (droits de douane) ou taxes.
D’après les estimations de l’Organisation pour la
coopération et le développement économiques
OCDE (Illegal Trade in Environmentally Sensitive
Goods, 2012), l’exploitation illégale des forêts et le
commerce de bois illégal représentent une perte
annuelle en revenus et taxes de 5 milliards de dol‐
lars américains pour les gouvernements des pays
producteurs. A ces pertes s’ajoutent des dom‐
mages pour l’ensemble de la filière légale du bois
estimés à 10 milliards de dollars américains. De
plus, avec l’effondrement des prix du bois et des
produits en bois sur le marché international de 7 à
16 %, la compétitivité des entreprises de la filière
légale du bois est fortement mise à mal, tant dans
les pays exportateurs qu’importateurs.
L’exploitation illégale du bois est un problème global qui concerne surtout les pays avec les plus grandes
étendues forestières. Ce phénomène ne touche pas seulement les régions tropicales, mais également des
pays telles que la Russie ou les Etats de l’ancien bloc soviétique. La déforestation et l’exploitation illégale se
produisent majoritairement dans les forêts tropicales d’Amazonie, d’Afrique centrale et d’Asie du Sud‐Est.
Les estimations quant à l’étendue de l’exploitation illégale varient selon les sources. L’organisation interna‐
tionale de police criminelle INTERPOL estime que 15 à 30 % du bois commercialisé à l’international est de
source illégale. Et selon une étude de l’institut britannique renommée Chatham House publiée en 2010, 40
à 61 % du bois récolté en Indonésie et 35 à 72 % du bois extrait au Brésil proviennent de coupes illégales
(voir le site www.illegal‐logging.info). Probablement, la Chine est le principal importateur de bois illégal.
Une grande partie du bois d’origine illégale provient non pas de l’abattage sélectif traditionnel, mais du
défrichement par coupe rase à des fins d’agriculture commerciale pour des plantations agro‐industrielles.
Selon l’analyse de Sam Lawson (Consumer Goods and Deforestation, 2014), l’agriculture commerciale est à
l’origine de plus de 70 % de la déforestation survenue dans les zones tropicales entre 2002 et 2012, et près
de la moitié des terres forestières tropicales converties en surfaces agricoles proviennent du défrichement
illégal, lequel produit à son tour du bois illégal.
9
Mesures politiques visant à réglementer le commerce de bois
A ce jour, différentes mesures politiques ont été prises aux niveaux international et national pour lutter
contre le commerce de bois illégal.
CITES
La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore
sauvages menacées d’extinction (CITES, aussi connue sous le nom de Convention
de Washington) est un accord commercial international. Entrée en vigueur en
1975, la convention compte présentement 182 Etats membres, dont la Suisse qui a
été un des premiers pays signataires. CITES vise à protéger contre la surexploitation par suite du commerce
international les espèces animales et végétales figurant sur une liste régulièrement mise à jour, appelée
liste des espèces CITES. La convention est l’unique instrument international à régler le commerce de bois.
Par commerce au sens de la CITES, on entend toute importation, exportation, réexportation de spécimens
des espèces couvertes par la convention.
La liste des espèces CITES recense actuellement quelque 180 espèces d’arbres et de bois, dont près de 90 %
sont d’origine tropicale.
Les espèces protégées sont classées en trois catégories définies en fonction du degré de menace pesant sur
elles et désignées sous le nom d’Annexes I, II et III. Celles‐ci établissent les régimes de réglementation du
commerce international applicables à chacune des espèces.
Annexe I : L’annexe I regroupe les espèces de bois les plus menacées et dont le commerce international
est strictement interdit, sauf en ce qui concerne les produits issus d’espèces acquis avant
l’entrée en vigueur de la convention.
Exemple : bois de rose brésilien (nom scientifique : Dalbergia nigra)
Annexe II : L’annexe II comprend toutes les espèces de bois qui ne sont pas nécessairement menacées
d’extinction, mais dont le commerce doit être réglementé pour éviter une exploitation incom‐
patible avec leur survie. Le commerce international de ces espèces est autorisé, mais stricte‐
ment contrôlé au moyen de permis d’exportation CITES du pays d’origine ou d’une attestation
de réexportation du pays de provenance.
Exemple : bois de gaïac (nom scientifique : Guaiacum spp.)
Annexe III : Les espèces de bois visées à l’annexe III sont des espèces inscrites sur la liste CITES à la de‐
mande d’un Etat signataire de la convention. Le commerce international des produits en ques‐
tion nécessite la présentation d’un permis d’exportation CITES uniquement pour les pays
d’origine cités à l’Annexe III. Un certificat d’origine établi par l’organe de gestion CITES de l’Etat
d’exportation suffit pour les marchandises à destination des autres pays signataires. Lors de
réexportations, la marchandise doit être accompagnée d’une attestation de réexportation.
Exemple : palissandre du Nicaragua (nom scientifique : Dalbergia tucurensis). Seules les popu‐
lations du Guatemala et du Nicaragua sont protégées.
Par ailleurs, les essences ne sont pas toutes protégées dans leur intégralité : pour certains bois, toutes les
parties ainsi que les produits finis sont soumis à l’obligation de produire un certificat, alors que pour
d’autres, seuls certains produits ou parties (grumes, bois sciés, placages ou contreplaqués) sont soumis aux
dispositions CITES.
10
FLEGT (UE)
L’UE a adopté en 2003 le Plan d’action communautaire sur l’application des ré‐
glementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT).
Ce plan d’action vise à promouvoir la gestion légale des forêts et la mise en œuvre
d’accords de partenariat volontaires (APV) avec les Etats producteurs.
Dans le cadre du régime d’autorisation prévu par le plan d’action, les Etats partenaires s’engagent à mettre
en place un système de vérification de la légalité du bois (SVLB). Une fois ce système en place, seuls les bois
couverts par une autorisation FLEGT pourront être importés dans l’UE. En délivrant les autorisations con‐
formes au FLEGT, les autorités compétentes des Etats partenaires confirment que les bois et les produits en
bois exportés vers l’UE sont d’origine légale.
A ce jour (juin 2016), l’UE a conclu des accords de partenariat volontaires avec le Ghana, l’Indonésie, le
Cameroun, le Libéria, la République du Congo et la République centrafricaine. Cependant, aucun de ces
pays n’a encore définitivement finalisé ses travaux de mise en œuvre du système de vérification. Seule
l’Indonésie est sur le point de parachever le processus et les premières livraisons de bois indonésien sous
license FLEGT sont attendues avant la fin de l’année 2016. D’autres accords de partenariat sont en cours de
négociation avec plusieurs Etats, dont la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le
Guyana, le Honduras, le Laos, la Malaisie, la Thaïlande et le Viêtnam.
RBUE (UE)
Sous la pression des organisations environnementales déplorant la lenteur du processus FLEGT, l’UE a
adopté en 2010, en complément du plan d’action FLEGT, le RBUE (Règlement Bois de l’Union européenne)
qui est entré en vigueur en mars 2013.
Le RBUE interdit la mise sur le marché de bois issus d’une récolte illégale ou de produits dérivés de ces bois.
L’interdiction s’applique pratiquement à tous les produits : du bois de chauffage en passant par les bois
bruts, les bois sciés, les feuilles pour placage, les produits dérivés du bois et les cadres en bois jusqu’aux
ouvrages de menuiserie et pièces de charpente pour construction. Le RBUE couvre aussi bien le bois abattu
au sein de l’UE que le bois et les produits en bois importés d’Etats tiers. Et il va sans dire que l’interdiction
porte aussi sur le bois tropical et ses produits dérivés.
Pour autant qu’il soit mis en œuvre de manière conséquente, le RBUE constitue un instrument efficace
pour lutter contre le commerce de bois illégal. Il vise à responsabiliser tous les opérateurs qui mettent pour
la première fois sur le marché intérieur de l’UE du bois et des produits dérivés. Les opérateurs (et plus par‐
ticulièrement les importateurs) doivent s’assurer de la légalité du bois et des produits en bois, et sont tenus
de faire preuve de « diligence raisonnée » afin de limiter le plus possible le risque de commercialiser du
bois ou des produits dérivés contenant du bois récolté illégalement. Le système de diligence comporte trois
éléments inhérents à la gestion du risque : l’accès à l’information, l’évaluation du risque et l’atténuation du
risque identifié. Le système doit notamment donner accès aux informations concernant le produit,
l’essence forestière, le pays de récolte, le fournisseur, y compris les informations pertinentes portant sur le
respect de la législation nationale du pays producteur. Sur la base de ces informations, les opérateurs doi‐
vent procéder à une évaluation du risque. Si cette évaluation révèle le risque que du bois ou des produits
dérivés issus d’une récolte illégale soient mis sur le marché (notamment en cas de prévalence de la récolte
illégale de certaines essences forestières ou de la prévalence de conflits armés ou de corruption dans le
pays de provenance), les opérateurs sont tenus d’appliquer des mesures et procédures adéquates pour
réduire le plus possible ledit risque. Ces mesures peuvent inclure l’exigence d’informations ou de docu‐
ments complémentaires et/ou l’exigence d’une vérification par une tierce partie dans le pays où le bois a
été abattu.
11
Le RBUE ne s’applique pas seulement aux opérateurs, mais aussi aux commerçants en aval qui, dans le
cadre d’une activité commerciale, vendent ou achètent sur le marché intérieur du bois ou des produits
dérivés. Ces derniers sont tenus de livrer des informations de base sur leurs fournisseurs et acheteurs pour
que soit assurée la traçabilité du bois et des produits dérivés.
Le RBUE admet expressément que les bois couverts par une autorisation FLEGT ou un permis CITES répon‐
dent à priori aux exigences de légalité du RBUE. Tel n’est pas automatiquement le cas avec les bois certifiés
FSC et PEFC. Ces labels de certification garantissent certes la légalité de l’exploitation des forêts, mais font
abstraction de la chaîne d’approvisionnement et ne fournissent pas les informations exigées par le RBUE
sur la provenance exacte ou l’essence des bois vendus. De plus, les labels FSC et PEFC ne garantissent pas
aux opérateurs de l’UE que le producteur du pays de récolte s’est dûment acquitté des impôts, taxes ou
droits de douane avant et lors de l’exportation.
Chaque Etat membre désigne une ou plusieurs autorités chargées du contrôle et de la bonne application du
RBUE. Il doit par ailleurs veiller à ce que les infractions au RBUE soient passibles de sanctions effectives et
dissuasives, pouvant aller jusqu’à des amendes substantielles ou la saisie du bois et des produits dérivés du
bois. Pour l’heure, les Etats membres de l’UE n’appliquent pas encore tous scrupuleusement le RBUE.
L’Allemagne peut être considérée comme exemplaire. En 2015, elle a contrôlé 154 entreprises et constaté,
entre autres, des infractions à l’obligation de déclarer les essences et la provenance du bois. Cependant,
aucun élément n’a permis de prouver l’illégalité du bois mis sur le marché allemand.
Obligation de déclarer le bois et les produits en bois (Suisse)
En Suisse, les obligations des opérateurs sont régies par l’Ordonnance sur la dé‐
claration concernant le bois et les produits en bois. Celle‐ci a été édictée par le
Conseil fédéral le 1er octobre 2010 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2012, soit
plus d’un an avant le RBUE. L’adoption de cette ordonnance fait suite à une péti‐
tion du WWF de 2005 qui demandait non seulement une obligation de déclarer, mais une interdiction gé‐
nérale d’importer du bois issu de sources illégales. Lors des délibérations aux Chambres fédérales, la propo‐
sition d’interdire l’importation et le commerce de bois issus d’une récolte illégale a été rejetée par une
majorité des députés, lesquels estimaient qu’une interdiction générale n’était pas compatible avec les obli‐
gations commerciales internationales de la Suisse. Dès lors, le législateur s’est contenté d’une obligation de
déclarer, censée créer une plus grande transparence pour les consommateurs.
Jusqu’à nouvel ordre, seuls les bois ronds, les bois bruts, le bois de chauffage et le charbon de bois ainsi que
certains produits en bois massif (sciages, bois rabotés, lames à parquet, cadres en bois pour tableaux, etc.
ainsi que les meubles ayant des composants principaux en bois massif) sont soumis à déclaration. Il était
initialement prévu d’étendre l’obligation à d’autres produits en bois tels que les dérivés, placages, etc.,
mais à ce jour, cela ne s’est pas encore fait. L’obligation de déclarer se limite au devoir d’informer les con‐
sommateurs finaux sur l’essence et la provenance du bois et des produits en bois. Sont soumis à
l’obligation de déclarer les personnes (physiques et morales) qui remettent du bois et des produits en bois
aux consommateurs finaux. L’ordonnance vise donc – en plus des menuisiers, charpentiers et constructeurs
en bois – les points de vente tels que les magasins de meubles et les grandes surfaces et centres de brico‐
lage. L’essence et la provenance du bois doivent être indiquées de manière adéquate, c’est‐à‐dire apposées
sur le produit lui‐même, sur l’emballage, à proximité immédiate du produit dans les étalages ou les cata‐
logues de vente. Le négoce de bois qui ne remet pas de bois ou des produits en bois à des consommateurs
finaux n’est pas soumis à l’obligation de déclarer ; ceci dit, le négoce doit être en mesure de fournir aux
revendeurs proches des consommateurs les informations concernant l’essence et la provenance du bois
afin de permettre à ces derniers de s’acquitter de leurs obligations légales envers les consommateurs.
12
Le contrôle de l’obligation de déclarer incombe au Bureau fédéral de la consommation (BFC). Pour faciliter
aux commerçants et consommateurs l’identification des bois, le BFC propose sur son site
(www.konsum.admin.ch) une banque de données qui fournit tous les renseignements utiles concernant les
essences, les noms scientifiques et appellations commerciales.
Rétrospectivement, force est de constater que le Parlement et le Conseil fédéral auraient été bien avisés
d’attendre les résultats des travaux de l’UE avant d’adopter à la va‐vite une solution propre à la Suisse. Et
ce d’autant plus que l’ordonnance suisse ne répond pas aux attentes initiales des auteurs de l’initiative qui
voulaient exclure le bois illégal de la chaîne commerciale. L’essence et la provenance des bois s’avèrent des
aides décisionnelles peu pertinentes pour juger de la légalité du bois mis sur le marché suisse et il eût été
souhaitable que la Suisse se dote d’un instrument plus efficace pour combattre le commerce de bois illégal.
Elle aurait eu amplement le temps d’édicter, pratiquement en même temps que l’UE, une ordonnance
suisse sur le bois analogue au RBUE et compatible avec le règlement européen. Cela lui aurait évité de de‐
voir subir des entraves techniques au commerce et d’être mise au rang d’Etat tiers soumis au système de
diligence raisonnée. Désormais, la Suisse cherche une solution lui permettant d’introduire – quoiqu’avec un
certain retard – une réglementation analogue à celle du RBUE.
Pour la Suisse, le RBUE a au moins pour effet positif immédiat de réduire le risque de voir arriver sur le
marché indigène du bois et des produits en bois issus de récoltes illégales, puisque 95 % des importations
suisses de bois et produits en bois soumis au régime de diligence raisonnée du RBUE proviennent des Etats
membres de l’UE et pour l’essentiel d’Allemagne. Et cela vaut aussi pour le bois tropical !
Lacey Act (Etats‐Unis)
Les Etats‐Unis ont été les premiers à adopter une loi interdisant le commerce de
bois illégal. Dans le but d’enrayer l’exploitation et le commerce de bois de sources
illégales, les Etats‐Unis ont amendé en 2008 la « Lacey Act » (loi de 1900 relative à
la protection des ressources naturelles), érigeant en infraction l’importation,
l’exportation, le transport, la vente, l’obtention et l’acquisition de bois et produits à base de bois d’origine
illégale. La loi américaine, entrée en vigueur au 1er avril 2009, vise plus ou moins les mêmes catégories de
produits que le RBUE et requiert que les bois et produits à base de bois importés aux Etats‐Unis soient ré‐
coltés, produits et exportés dans le respect des législations des pays de provenance. Toute personne ou
entreprise qui importe du bois ou des produits du bois doit fournir pour chaque importation une déclara‐
tion spécifiant, entre autres, le nom scientifique des essences et le pays d’origine. Les autorités chargées de
la bonne application de la loi ont la compétence de vérifier l’exactitude des données figurant dans la décla‐
ration et en cas d’infraction à la Lacey Act, elles peuvent engager des poursuites judiciaires. Le cas du fabri‐
cant de guitares Gibson, condamné à une peine pécuniaire de 300‘000 dollars américains pour avoir impor‐
té du bois d’origine illégale venant de Madagascar et d’Inde, témoigne de l’efficacité de cet instrument de
lutte contre l’exploitation et le commerce de bois illégal.
Illegal Logging Prohibition Act (Australie)
L’Australie s’est également dotée d’une loi visant à combattre l’exploitation illé‐
gale des forêts. La loi (connue sous le nom d’Illegal Logging Prohibition Act) est
entrée en vigueur en novembre 2012 et tout comme la Lacey Act et le RBUE, elle
interdit à la fois l’importation et la transformation de bois illégalement coupé et
de produits dérivés de ce bois. Les produits auxquels s’applique la loi (produits largement identiques à ceux
du RBUE) ainsi que les obligations de diligence raisonnée des importateurs et des transformateurs sont
définies dans un règlement qui a pris effet fin novembre 2014 (règlement modificatif interdisant
l’exploitation illégale).
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Certification du bois et label de durabilité
Diverses initiatives de certification du bois se sont dédiées à la protection des forêts et prônent leur gestion
durable. Une forêt est considérée comme gérée durablement lorsqu’elle maintient sa capacité à satisfaire
ses fonctions écologiques, économiques et sociales, pour le bien des générations présentes et futures. Les
forêts exploitées légalement ne sont pas nécessairement des forêts gérées de manière durable : l’assurance
de la légalité est un concept beaucoup moins large que celui de la durabilité et ne prend pas en compte les
questions plus complexes relatives à l’exploitation durable dans ses diverses dimensions relevant des do‐
maines économique, social et environnemental. En d’autres termes : dans les législations nationales, cer‐
taines exigences essentielles pour garantir une gestion durable des ressources naturelles font souvent dé‐
faut.
Il existe aujourd’hui une multitude de systèmes de certification du bois. Pour la plupart, il s’agit
d’instruments à initiative non gouvernementale, basés sur le volontariat. Parmi les systèmes qui se sont
imposés au niveau international figurent le « Forest Stewardship Council » (FSC), pionnier de la certification
forestière, fondé en 1993 ainsi que le « Programme for the Endorsement of Forest Certification Schemes »
(PEFC), crée en 1999. Ces deux initiatives de certification se livrent une âpre concurrence et refusent
jusqu’à ce jour de se reconnaître mutuellement.
Dans les pays tropicaux, on trouve par ailleurs des systèmes nationaux de certification, dont le « Lembaga
Ekolabel Indonesia » (LEI) ainsi que le « Malaysian Timber Certification Scheme » (MTCS). Ces deux sys‐
tèmes sont toutefois loin de faire l’unanimité des organisations environnementales. Bien que garantissant
la légalité de l’exploitation forestière, ils suscitent des points d’interrogation quant à la gestion durable.
Ainsi, en Indonésie, 90 % des forêts certifiées LEI sont des plantations forestières (état août 2016), dont une
part non négligeable a probablement été créée après destruction par coupe rase ou brûlis des forêts natu‐
relles. Aussi longtemps que les forêts tropicales naturelles sont converties en plantations forestières com‐
merciales, ces systèmes de certification demeurent discutables.
Les systèmes FSC et PEFC font tous deux une distinction entre la certification de la gestion forestière (Fo‐
rest Management, FM) et la certification des entreprises qui commercialisent et transforment le bois issu
des forêts certifiées (Chain of Custody, CoC). Alors que le certificat FM confirme qu’une forêt a été exploi‐
tée selon les principes et critères de gestion durable, le certificat CoC garantit que le bois ou les produits en
bois certifiés sont documentés et traçables tout au long de la chaîne de transformation, depuis la forêt
jusqu’aux consommateurs. Les bois et produits en bois portent des labels distincts selon qu’ils sont certifiés
FSC ou PEFC (voir les logos ci‐après).
FSC en bref (état juillet 2016)
Surface forestière certifiée FSC à l’échelle mondiale (hectares) 191‘023‘790
Total des certificats de gestion forestière Nombre de pays avec certificats de gestion forestière
1'402
81
Total des certificats Chain of Custody 30‘750
Nombre de pays avec certificats Chain of Custody 118
PEFC en bref (état juin 2016)
Surface forestière certifiée PEFC à l’échelle mondiale (hectares) 300‘749‘838
Total des certificats de gestion forestière Nombre de pays avec certificats de gestion forestière
1'651
33
Total des certificats Chain of Custody 10‘909
Nombre de pays avec certificats Chain of Custody 68
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En Suisse, près de la moitié des membres de la filière organisée du négoce de bois sont certifiés FSC CoC,
dont un tiers est également en possession du certificat PEFC CoC.
Pénurie de bois tropicaux certifiés durables
La FAO chiffre la superficie totale des forêts de la planète à un peu plus de 4 milliards d’hectares (état
2015), dont près de 490 millions d’hectares sont certifiés FSC ou PEFC (état juillet 2016). Cela correspond à
quelque 12 % de la superficie forestière mondiale totale. De ces 490 millions d’hectares certifiés, seuls près
de 28 millions d’hectares ou 6 % appartiennent aux forêts situées entre le tropique du Cancer et le tropique
du Capricorne. Ces chiffres révèlent la faible percée de la certification forestière dans les régions tropicales,
avec pour conséquence que le marché international est confronté à une pénurie de bois tropicaux et pro‐
duits en bois tropical avec certification crédible, validée au niveau international et attestant d’une gestion
forestière durable.
Propriétés et utilisation du bois tropical
La plupart des feuillus tropicaux se distinguent par des propriétés technologiques particulières. Leur masse
volumique apparente leur confère une résistance à la compression (dureté) nettement supérieure à celle
de la plupart des feuillus des zones tempérées. De nombreux bois tropicaux contiennent par ailleurs des
substances qui les rendent plus durables et plus résistantes aux intempéries. Enfin, les bois tropicaux sont
fort appréciés pour la richesse de leurs coloris qui rehaussent leur attrait visuel.
Comparaison de la masse volumique apparente de bois tropicaux et de bois locaux sélectionnés
La masse volumique apparente du bois en kg/m3 ou en g/cm3 (aussi désignée comme poids spécifique) dépend de la teneur en eau du bois. Le bois à l’état frais est nettement plus lourd que le bois à l’état sec. Les valeurs ci‐dessus se réfèrent à l’état sec. Par ailleurs, la masse volumique apparente des essences indiquées dans le graphique ci‐dessus (exprimée en g/cm3) peut varier considérablement d’une station à l’autre selon les conditions climatiques et la nature du sol. Dans le présent tableau, les valeurs correspondent à des moyennes.
Plus la valeur de la masse volumique apparente est élevée, plus le bois est difficile à usiner et plus l’effort
imposé aux outils et machines de traitement du bois est important, avec un risque d’usure prématurée.
Certains bois tropicaux affichent une masse volumique apparente comparable à celle des essences indi‐
gènes (hêtre ou chêne). Tel est notamment le cas de l’iroko ou du sipo dont la masse volumique apparente
est identique, voire inférieure à celle du chêne et du hêtre. A l’inverse, certains bois tropicaux tels que l’ipé
ou le jatoba ont une masse volumique apparente supérieure à 1g/cm3 et sont tellement lourds, même à
l’état sec, qu’ils ne flottent pas.
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Arbre de Meranti dans le parc national de Pulau Pinang, Malaisie (photo : Jörg Reimer)
Exemples d’utilisation des bois tropicaux
En Suisse, on trouve dans le commerce un large assortiment de
bois tropicaux sous de multiples formes et employés à de mul‐
tiples usages. Ci‐après une liste (non‐exhaustive) de quelques‐uns
des domaines d’utilisation :
Terrasses en bangkiraï, ipé, jatoba ou sipo Parquet avec couche d’usure en iroko, wengé ou jatoba Contreplaqué en okoumé pour la construction et
l’aménagement intérieur, contreplaqué pour la construction
de bateaux en sapelli
Contreplaqué latté (panneau fort) pour la confection de meubles et l’aménagement intérieur, avec placages des faces
en limba
Portes avec cadres ou chants en abachi, sapelli ou sipo, portes intérieures avec placages en limba ou makoré
Plinthes en doussié, koto ou ramin
Bandes de chant en placage pour la confection de meubles
en anègre, doussié, koto, limba, makoré, wengé ou zébrano
Panneaux de particules pour la confection de meubles et
l’aménagement intérieur, avec placages des faces en sapelli,
wengé ou zébrano.
La Suisse ne compte plus que quelques rares négociants de bois tropicaux avec un large assortiment
d’essences. Et rares sont aussi les commerçants spécialisés dans les placages de bois tropicaux, les placages
étant – soit dit en passant – l’emploi le plus efficace et économe du bois tropical.
Exemples de coloris et de textures de placages en bois tropical :
Amarante Bois d’ébène de Macassar Palissandre de Santos Wengé (Peltogyne venosa) (Diospyros celebica) (Machaerium scleroxylon) (Millettia laurentii) Amérique centrale / du Sud Asie du Sud‐Est Amérique du Sud Afrique centrale
(Images : Jörg Reimer)
Considérées comme particulièrement nobles, les essences tropicales servent à la confection de mobilier et
produits (haut de gamme et de tous les jours), tels que des meubles de jardin (en teck, presque exclusive‐
ment issu de plantations forestières), des boîtes à cigares (en okoumé), des accessoires de bricolage (en
balsa, presque exclusivement issu de plantations forestières) ou des instruments de musique (divers bois
tropicaux pour les corps de résonance et manches de guitares).
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Plaidoyer pour du bois tropical légal et durable
Les appels au boycott des années 1980 n’ont pas réussi à stopper la destruction des forêts tropicales.
L’exploitation commerciale s’est poursuivie à un rythme soutenu et a certainement aussi affecté les forêts.
Le principal facteur de la déforestation demeure cependant la conversion des forêts en surfaces agricoles
commerciales. Et une grande partie de ce déboisement a lieu dans l’illégalité.
Il est illusoire de penser pouvoir stopper la déforestation et préserver les forêts tropicales en renonçant à
importer, acheter ou utiliser du bois tropical. Et les initiatives qui continuent à prôner une telle approche
omettent de voir que le boycott ne constitue pas une réponse appropriée au problème de la déforestation.
D’une part, les volumes auxquels renonceraient les pays industriels occidentaux trouveraient facilement
d’autres débouchés, notamment en Asie et plus particulièrement en Chine, pays peu sensibilisé aux pro‐
blèmes de l’exploitation du bois tropical et à la protection des forêts vierges. D’autre part, renoncer au bois
tropical peut aussi engendrer l’effet inverse : lors de la Journée du commerce extérieur de la Fédération
allemande du négoce de bois, Sheam Satkuru‐Granzella, représentante du Malaysian Timber Council, a
souligné que les plantations de palmiers à huile qui ne couvrent présentement que 11 % du territoire rap‐
portaient à l’économie malaisienne quatre fois plus que les forêts tropicales qui occupent 56 % du terri‐
toire. D’où une pression économique de plus en plus forte pour convertir les forêts tropicales en planta‐
tions d’huile de palme (Holz‐Zentralblatt du 24 avril 2015, page 371). Dès lors, si le bois tropical est mis au
ban de la communauté internationale, l’exploitation commerciale de ces forêts ne serait plus rentable et il
deviendrait financièrement plus intéressant de défricher et convertir les forêts tropicales en plantations de
palmiers à huile ou plantations pour la production de cellulose.
L’utilisation de bois tropicaux issus de récoltes légales reconnues comme durables est non seulement
légitime, mais soutient aussi les efforts des pays tropicaux qui tentent de tirer profit de l’exploitation
des forêts tropicales, tout en les préservant.
Selon les domaines d’utilisation, le bois tropical ne se laisse pas toujours remplacer par des essences
domestiques. Là où les propriétés techniques particulières et les avantages esthétiques du bois tropical
l’emportent sur le bois indigène, son utilisation peut certainement se justifier.
Quelles mesures pour protéger efficacement les forêts tropicales ?
Différentes mesures peuvent contribuer à protéger les forêts tropicales et préserver leurs fonctions écolo‐
giques et sociales. La mise en œuvre de ces mesures suppose toutefois une étroite collaboration au niveau
international. Aux fins d’une protection efficace des forêts, il convient notamment de recourir aux mesures
suivantes :
Il faut renforcer et appliquer de manière conséquente les mesures politiques visant à endiguer le com‐
merce de bois illégal. La Suisse devrait suivre l’exemple de l’Union européenne et adopter une régle‐
mentation analogue au RBUE. Et il faut avant tout que les pays qui importent et transforment de gros
volumes de bois tropical, dont la Chine, l’Inde et le Japon, prennent à leur tour des mesures efficaces
pour prohiber le commerce de bois illégal. La communauté internationale est appelée à signaler haut et
fort aux pays producteurs de bois tropicaux qu’elle ne saurait tolérer plus longtemps l’abattage illégal de
ces bois.
La responsabilité de protéger les forêts tropicales incombe en premier lieu aux pays des régions tropi‐
cales. Au‐delà de la lutte contre l’abattage illégal, ces derniers sont appelés à adopter des standards de
gestion durable reconnus à l’échelle internationale ainsi que des systèmes indépendants de certification
forestière analogues à ceux pratiqués dans les pays industrialisés occidentaux.
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Un autre instrument important pour préserver les dernières forêts tropicales naturelles intactes est la
création de vastes aires protégées.
Les pays industrialisés sont par ailleurs appelés à apporter un soutien financier aux pays des forêts tropicales. La déforestation participe notablement au changement climatique et aux émissions de gaz à
effet de serre. Sachant que les forêts ont la capacité de séquestrer et de stocker le carbone de
l’atmosphère, il faut absolument les protéger en tant que puits de carbone et réserves de CO2. Protéger
les forêts, c’est protéger le climat. Pour inciter les pays tropicaux à préserver leurs forêts, la communau‐
té internationale a initié un programme de financement novateur pour réduire les émissions résultant
du déboisement et de la dégradation des forêts. Ce programme du nom de REDD+ (Reduced Emissions
from Deforestation and Forest Degradation) prévoit que les pays industrialisés versent des aides finan‐
cières aux pays des forêts tropicales qui s’engagent à promouvoir la préservation et la gestion durable
de leurs forêts et à renoncer à défricher les forêts pour l’agriculture commerciale (plantations d’huile de
palme, de soja, etc.). Ces aides sont destinées, entre autres, à compenser les pertes économiques et fi‐
nancières que les pays tropicaux subiraient du fait qu’ils renoncent à défricher leurs forêts à des fins
agricoles. Les mécanismes du programme REDD+ sont ancrés dans la nouvelle Convention‐cadre des Na‐
tions unies sur les changements climatiques, adoptée mi‐décembre 2015 à Paris.
Pour atténuer la pression sur les essences de bois tropicaux surexploitées et menacées de disparation, il
convient de promouvoir l’exploitation et l’écoulement d’essences moins connues. Beaucoup d’entre
elles présentent des propriétés identiques ou similaires aux essences tropicales traditionnelles. Citons à
titre d’exemples les bois d’Amérique du Sud jatoba et massaranduba qui ont trouvé un créneau sur le
marché des parquets et des terrasses.
De manière générale, les investisseurs et instituts financiers devraient aussi veiller à ne soutenir que des
projets de gestion durable et légale des forêts tropicales.
La filière organisée du négoce de bois en Suisse
affirme son attachement à la protection des forêts tropicales et
à l’exploitation durable des bois tropicaux.
Elle condamne l’exploitation illégale des forêts et le commerce de bois illégal.