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Examen Classant National / Programme Officiel (2013) Question N° 351. Appendicite de lʼEnfant - Diagnostiquer une appendicite chez lʼenfant - Identifier les situations dʼurgence et planifier leur prise en charge Dr Isabelle LACREUSE (Chirurgie Pédiatrique, Strasbourg) Pr Jean BREAUD (Chirurgie Pédiatrique, Nice) Pr Nicolas KALFA (Chirurgie Pédiatrique, Montpellier) Novembre 2014 1. Définition et physiopathologie Inflammation brutale de l’appendice iléocæcal. L’obstruction de la lumière digestive au niveau de l’appendice (par des matières fécales, par un corps étranger ou encore par compression extrinsèque) va favoriser la pullulation bactérienne et l’inflammation. Cette pullulation spontanément irréversible va aboutir à une inflammation progressive de toute la paroi appendiculaire, à une translocation bactérienne puis à une perforation appendiculaire avec issue de matières fécales dans sa forme la plus évoluée. La survenue d’une translocation bactérienne sera responsable d’une inflammation péritonéale (péritonite) localisée et/ou généralisée. Selon la localisation de l’appendice (qui est dans 2/3 des cas latero-cæcal interne mais qui peut aussi être pelvien, retro-cæcal, sous hépatique ou méso-cœliaque), les signes cliniques initiaux (douleur spontanée ou sensibilité en regard de l’appendice) peuvent varier. Dans les localisations ectopiques, il faudra rechercher des signes indirects témoignant de l’inflammation de l’appendice. 2. Epidémiologie Elle atteint 0,3% des enfants entre 0 et 15 ans avec un pic de fréquence entre 8 et 13 ans. Le taux de morbidité est de 8% et de mortalité inférieur à 0,1%. Cela reste donc une pathologie potentiellement grave au diagnostic difficile du fait de la variabilité clinique. 3. Diagnostic Clinique A noter une absence de parallélisme anatomo-clinique et le danger de l’antibiothérapie à l’aveugle en cas d’erreur de diagnostic (symptômes décapités).

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Page 1: Examen Classant National / Programme Officiel (2013) · 2018-01-28 · d’appendicite peut être écarté le plus souvent et le traitement sera symptomatique (antalgique) uniquement

Examen Classant National / Programme Officiel (2013)

Question N° 351. Appendicite de lʼEnfant

- Diagnostiquer une appendicite chez lʼenfant - Identifier les situations dʼurgence et planifier leur prise en charge

Dr Isabelle LACREUSE (Chirurgie Pédiatrique, Strasbourg) Pr Jean BREAUD (Chirurgie Pédiatrique, Nice)

Pr Nicolas KALFA (Chirurgie Pédiatrique, Montpellier)

Novembre 2014 1. Définition et physiopathologie

Inflammation brutale de l’appendice iléocæcal. L’obstruction de la lumière digestive au niveau de l’appendice (par des matières fécales, par un corps étranger ou encore par compression extrinsèque) va favoriser la pullulation bactérienne et l’inflammation. Cette pullulation spontanément irréversible va aboutir à une inflammation progressive de toute la paroi appendiculaire, à une translocation bactérienne puis à une perforation appendiculaire avec issue de matières fécales dans sa forme la plus évoluée. La survenue d’une translocation bactérienne sera responsable d’une inflammation péritonéale (péritonite) localisée et/ou généralisée. Selon la localisation de l’appendice (qui est dans 2/3 des cas latero-cæcal interne mais qui peut aussi être pelvien, retro-cæcal, sous hépatique ou méso-cœliaque), les signes cliniques initiaux (douleur spontanée ou sensibilité en regard de l’appendice) peuvent varier. Dans les localisations ectopiques, il faudra rechercher des signes indirects témoignant de l’inflammation de l’appendice. 2. Epidémiologie

Elle atteint 0,3% des enfants entre 0 et 15 ans avec un pic de fréquence entre 8 et 13 ans. Le taux de morbidité est de 8% et de mortalité inférieur à 0,1%. Cela reste donc une pathologie potentiellement grave au diagnostic difficile du fait de la variabilité clinique. 3. Diagnostic Clinique A noter une absence de parallélisme anatomo-clinique et le danger de l’antibiothérapie à l’aveugle en cas d’erreur de diagnostic (symptômes décapités).

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3.1. Forme typique

3.1.1. Signes fonctionnels :

Ils ne sont pas tous présent mais doivent faire évoquer l’appendicite lorsqu’au moins un d’entre eux est retrouvé à l’anamnèse. L’association de plusieurs de ces signes augmente leur valeur prédictive positive et renforce la suspicion d’appendicite aigue.

- douleur abdominale aigue, - initialement épigastrique ou péri-ombilicale, - puis migrant en Fosse Iliaque Droite (FID), - évoluant depuis moins de 72h, - parfois discontinue mais le plus souvent, fixe, continue, sans irradiation, - exacerbée par la toux, la mobilisation de la cuisse (psoïtis droit), - accompagnées souvent de nausées, parfois de vomissements alimentaires, - fièvre à 38°C, rarement >39°C

3.1.2. Etat Général :

- conservé au début, - inappétence et haleine parfois fétide - ”patraquerie“, malaise général

3.1.3. Examen physique : 3.1.3.1. Inspection :

- boiterie ou psoïtis, - absence de cicatrice d’appendicectomie, - langue saburrale, - pommettes roses - respiration abdominale (l’enfant est-il capable de rentrer ou de gonfler son ventre sans

difficulté, en cas d’appendicite cette respiration abdominale déclenche une douleur en regard de l’appendice)

3.1.3.2. Palpation :

- douleur provoquée en FID (sensibilité), - parfois défense de la FID (Mac Burney +) - rarement contracture abdominale (péritonite), - douleur de la FID à la décompression brutale de la FIG (Blumberg +), - TR peu informatif, ne doit pas être réalisé de façon systématique. On recherche une

douleur à la palpation du cul de sac de Douglas (cri du Douglas) ou un bombement de celui-ci. Il est toujours douloureux chez l’enfant du fait de la distension anale et présente de fait peu d’intérêt.

Les testicules et les orifices herniaires doivent être vérifiés. Il faut savoir répéter les examens cliniques sur 24h : l’évolution des signes (vers l’apparition d’une défense) est le meilleur argument diagnostic de l’appendicite.

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Evolution de la douleur en cas d’appendicite, de gastro-enterite avec adénite mésentérique

La percussion n’apporte pas d’argument particulier. Dans sa forme typique, l’auscultation abdominale est normale avec des bruits hydro-aériques inchangés.

3.1.4. Examens complémentaires : 3.1.4.1. Biologie :

Aucun examen de certitude. Ces examens peuvent être normaux en début d’évolution des signes

- hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, - CRP augmentée avec un retard de 48h par rapport au début des symptômes, - BU négative (avec parfois une simple leucocyturie dans l’appendicite pelvienne)

3.1.4.2. Radiologie :

- Echographie : Elle doit être faite par un opérateur entrainé à la pédiatrie, et réalisée vessie pleine chez la fille pour visualiser les annexes. Elle est en faveur d’une appendicite si elle révèle : une appendice à parois épaisses, absence de visualisation de la lumière appendiculaire, appendice non compressible, douleur au passage de la sonde (Mac Burney échographique), stercolithe appendiculaire échographique, graisse périappendiculaire hyperémiée, épanchement en FID. Elle contribue au diagnostic différentiel en visualisant une inflammation iléo-cæcale diffuse en cas d’iléite (qui peut s’accompagner d’une augmentation transitoire du diamètre de l’appendice), la présence d’adénopathies mésentériques centimétriques en cas d’adénite mésentérique, une pathologie annexielle. Pour infirmer le diagnostic d’appendicite, l’appendice doit avoir été vu sur toute sa longueur. L’échographie a une sensibilité et une spécificité aux alentours de 95%. Elle ne sera réalisée qu’en cas de doute diagnostic, plus particulièrement chez la jeune fille pour éliminer une pathologie ovarienne.

- ASP debout de face : Elle n’est plus recommander par la Haute Autorité de Santé dans la prise en charge d’une douleur abdominale aigue de l’enfant. Elle peut montrer : un signe direct (stercolithe appendiculaire, photo 1), deux signes indirects (anse sentinelle en FID, inclinaison antalgique du rachis à concavité droite, photo 2). Elle

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n’est pas réalisée de principe (peu sensible et peu spécifique) mais peut orienter en cas de doute diagnostic, en l’absence d’échographie.

- Autres examens radiologiques : La radiographie du thorax peut être réalisée en cas de signes fonctionnels respiratoires afin d’éliminer une pneumopathie basale droite. Le scanner abdominal est réservé aux formes compliquées et/ou en cas de difficultés diagnostiques chez des enfants obèses où l’examen clinique est difficile et l’échographie peu contributive. Les examens complémentaires sont un complément de l’examen clinique en cas de doute persistant. Leur normalité n’élimine pas formellement le diagnostic. Ils peuvent contribuer au diagnostic et parfois permettent d’éliminer certains diagnostics différentiels

3.2. Autres formes cliniques 3.2.1. Selon la topographie

- appendicite rétro-cæcale : douleur plus haute et postérieure, psoïtis. Examen plus

contributif en décubitus latéral gauche - appendicite méso-cœliaque : tableau d’occlusion aigue fébrile dominé par les nausées et

vomissements. - Appendicite pelvienne : tableau de cystite fébrile. Importance de la symptomatologie

fonctionnelle urinaire avec douleurs pelviennes en fin de mictions. Parfois signes rectaux à type de faux besoins.

3.2.2. Selon l’âge

- Nourrisson et petit enfant : rare et de diagnostic souvent retardé. Elle doit être évoquée

devant une gastroentérite trainante avec altération de l’état général. L’examen clinique est peu contributif, l’échographie quant à elle est très performante. L’évolution est rapide chez le petit enfant et la morbidité reste élevée avec une mortalité potentielle qui doit rendre très vigilant.

3.2.3. Formes compliquées

- Péritonite généralisée d’origine appendiculaire : c’est une appendicite accompagnée d’un

épanchement purulent de la cavité abdominale avec réaction inflammatoire du péritoine pariétale et des viscères. Elle est marquée par des signes généraux prédominant avec une altération de l’état générale, une asthénie et une forte fièvre.

- Abcès appendiculaire avec plastron : c’est une péritonite localisée ou l’appendice se perfore au sein d’une coque réactionnelle formée par l’épiploon et les anses intestinales adjacentes. Cliniquement marqué par une fièvre parfois un peu plus élevée, un syndrome de masse de la FID.

4. Diagnostic différentiels : autres causes de douleurs abdominales aigues

- Adenolymphite mésentérique : elle peut accompagner tout tableau viral extradigestif (ORL..) ou une virose digestive (gastrite, entérite). Il n’y a pas de défense, abdomen douloureux en FID mais souple, fièvre souvent >39°c, douleurs plutôt par paroxysmes, CRP souvent <50, adénopathies mésentériques à l’échographie.

- Gastroentérite aigue : pour les formes méso-cœliaques et du petit enfant.

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- Pneumopathie de la base droite. - Pyélonéphrite aigue droite : éliminée par la bandelette urinaire. - Pathologie annexielle chez la fille quel que soit l’âge : motive l’échographie chez la

jeune fille en cas de doute diagnostique (torsion d’annexe, kyste hémorragique). - Torsion du testicule : TOUJOURS vérifier les organes génitaux externes chez le garçon. - Purpura rhumatoïde : vérifier les membres inférieurs : il peut donner un tableau

abdominal pseudo chirurgical par l’inflammation digestive ou la survenue d’une invagination intestinale.

5. Prise en charge En cas de doute diagnostic persistant après examen clinique, parfois aidé d’examens complémentaires orientés, une surveillance clinique sera proposée avec répétition de la palpation abdominale sur 24H. En cas d’amélioration ou de stabilisation le diagnostic d’appendicite peut être écarté le plus souvent et le traitement sera symptomatique (antalgique) uniquement. En cas d’appendicite aigue, le traitement est médical et chirurgical.

5.1. Traitement médical

- hospitalisation et identitovigilance - pose d’une voie veineuse périphérique - réhydratation intraveineuse adaptée au poids et à l’âge - mise à jeun strict - antalgiques adaptés à l’échelle visuelle analogique (EVA)

5.2. Traitement chirurgical

C’est une urgence chirurgicale.

- autorisation parentale à l’intervention, - consultation pré-anesthésie en présence des responsables légaux de l’enfant - bracelet d’identité, - consentement éclairé signé après information des parents, - appendicectomie sous anesthésie générale par voie ouverte (voie de Mac Burney) ou

laparoscopique selon les équipes (photo 3). En postopératoire, le traitement antalgique est poursuivi par voie intraveineuse, la réalimentation est proposée le jour même et l’antibiothérapie selon les constations peropératoires. La durée du séjour hospitalier est en moyenne de 2 à 5 jours, la dispense scolaire d’une semaine et la dispense d’activité sportive de 15 jours.

5.3. Cas particulier des formes compliquées

5.3.1. Péritonite appendiculaire Dans ce cas, la déshydratation est constante et le remplissage vasculaire doit être débuté au plus vite et adapté aux résultats du bilan biologique. L’appendicectomie est accompagnée d’une toilette péritonéale par lavage aspiration de sérum physiologique réchauffé. Un prélèvement péritonéal à visée bactériologique peut être proposé. L’antibiothérapie sera poursuivie en postopératoire au moins 48h et sera secondairement adaptée aux résultats des prélèvements peropératoires.

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5.3.2. Abcès appendiculaire avec plastron Dans ce cas un peu particulier où la chirurgie est complexe et accompagnée d’une morbidité plus importante, le traitement peut être en deux temps chez un enfant peu symptomatique et en bon état général :

- antibiothérapie première intraveineuse probabiliste puis relais par voie orale après 48h si amélioration clinique et biologique

- antibiothérapie orale durant 3 semaines généralement jusqu’à normalisation clinique et biologique.

- suivi d’une appendicectomie secondaire au décours du traitement antibiotique. - en cas de mauvaise tolérance clinique ou non amélioration biologique à 48h,

l’appendicectomie sera réalisée immédiatement parfois accompagnée d’un drainage de la collection.

5.4. Complications postopératoires 5.5.

5.5.1. Complications infectieuses A évoquer systématiquement devant la persistance d’une fièvre et un état général qui ne se normalise pas.

- Abcès de paroi : inflammation de la paroi en regard de la cicatrice. Traité par évacuation de la collection par désunion de la cicatrice.

- Abcès profond : persistance d’un état général septique au-delà de 48h, reprise du transit non franche avec persistance de syndrome subocclusif ou diarrhées. L’échographie retrouve une collection profonde. L’antibiothérapie intraveineuse doit être poursuivie ou élargie. Selon la tolérance clinique et la taille de la collection, cela peut être complété par une toilette péritonéale ou une ponction drainage de la collection.

- Péritonite secondaire : par lâchage de moignon appendiculaire, nécrose de moignon ou nécrose d’un bas fond caecal sphacélé. Le tableau est dominé par une altération de l’état générale marquée, la fièvre et le tableau subocclusif et/ou des diarrhées. La reprise chirurgicale est indispensable et ne souffre aucun retard, associée à l’antibiothérapie intraveineuse et un remplissage vasculaire adapté.

5.5.2. Complications mécaniques Il s’agit essentiellement de syndromes occlusifs

- Précoces : o soit l’iléus réflexe prolongé directement lié à l’inflammation digestive (péritonite,

appendicite méso-cœliaque) retardant la reprise du transit, o soit dû à des adhérences aux niveaux des foyers inflammatoires persistants.

- Tardives : il s’agit alors d’occlusion sur brides imposant le plus souvent une reprise chirurgicale pour section des brides.

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6. Conclusion, points clés

- L’appendicite aigue est la première urgence chirurgicale chez l’enfant - C’est une douleur abdominale localisée en FID avec fébricule, évoluant depuis moins de

72h - Le diagnostic est clinique - Les examens complémentaires sont une aide aux diagnostics différentiels en cas de doute - Ne pas hésiter à répéter l’examen clinique sur 24h pour confirmer le diagnostic - Le traitement est médical et chirurgical

PHOTOS

Photo 1 : ASP : Stercolithe

Photo 2 : ASP : inclinaison latérale du rachis

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Photo 3 : pièce d’appendicectomie et stercolithe

Photo 4 : aspect échographique d’appendicite