Download - Thèse Complète Marie Peeters
-
FACULTE DES SCIENCES
Biologie des Organismes et Ecologie
Evaluation du niveau de stress du cheval
en comptition et en milieu hospitalier
Mesures comportementales, physiologiques et apprciation du temprament
Prof. M. Vandenheede (ULg - Promoteur) Prof. P. Poncin (ULg - Copromoteur) Prof. J-P Thom (ULg - Prsident) Prof. D. Serteyn (ULg) Prof. J-F Beckers (ULg) Prof. F.O. dberg (UGent) Dr L. Lansade (INRA)
Dissertation prsente par MARIE PEETERS
En vue de lobtention du grade de
Docteur en Sciences
2011-2012
-
FACULT DES SCIENCES
valuation du niveau de stress du
cheval en comptition et en milieu
hospitalier
Mesures comportementales, physiologiques et
apprciation du temprament
Thse de doctorat en Sciences Prsente par
MARIE PEETERS
Soutenue le 20 dcembre 2011 Lige
-
Thse ralise la Facult de Mdecine
Vtrinaire de
lUniversit de Lige (Belgique),
dans le Service dEthologie et
Bien-tre des Animaux (FMV-ULg),
en collaboration avec lUnit de Biologie
du Comportement
(Facult des Sciences ULg)
Thse finance par le Fonds pour la
formation la Recherche dans
l'Industrie et dans l'Agriculture
Photos Marie Peeters
-
FACULT DES SCIENCES
valuation du niveau de stress du
cheval en comptition et en milieu
hospitalier
Mesures comportementales, physiologiques et
apprciation du temprament
Thse de doctorat en Sciences Prsente par
MARIE PEETERS
Soutenue le 20 dcembre 2011 Lige
-
Table des matires
Prologue 7 Remerciements 9
Rsum 13
Abstract 17
Liste des publications 19
Introduction 23 1. Le concept de stress 25
2. Les lments stressants 27
3. Les rponses au stress 28
4. Le cot biologique du stress et son impact sur le
bien-tre animal 29
5. Les facteurs influenant les rponses au stress 34
6. Le temprament 38
7. La mesure du stress 46
8. La rponse comportementale au stress 50
9. La rponse neuroendocrine au stress 56
10. Les autres mesures du stress 72
11. Le stress et la comptition 73
12. Le stress en milieu hospitalier 79
13. Les objectifs de la thse 80
Rsultats et discussion 85 1. Validation de lutilisation de la salive pour mesurer
le taux de cortisol libre chez le cheval 87
2. Evaluation du niveau de stress en comptition 105
3. Evaluation du niveau de stress en clinique 141
Discussion gnrale, conclusions et
perspectives 175 Abrviations utilises 183
Tables et figures 185
Rfrences 187
-
PROLOGUE
-
PROLOGUE [9]
REMERCIEMENTS
Je tiens tout particulirement remercier le Professeur Marc Vandenheede qui na
jamais cess de mencourager et de me soutenir. Il ma aid { prparer mon projet et
ma entoure tout au long de cette aventure. Il ma toujours pousse { suivre les voies
de recherche qui me tenaient { cur. Ses capacits de rdaction mont
particulirement aide. Son respect et sa comprhension mont permis dvoluer de
faon sereine durant toutes ces annes.
Je tiens galement remercier le Professeur Pascal Poncin qui a toujours manifest
un grand intrt lvolution de mes recherches, prodiguant conseils et
encouragements.
Je tiens remercier tous les membres du Service de Physiologie de la Reproduction
(FMV ULg) pour leur accueil et plus particulirement le Professeur Jean-Franois
Beckers pour son soutien et ses conseils lors de la rdaction des publications. Toute
ma gratitude va galement au Docteur Joseph Sulon qui ma encadre, pas { pas, lors
des dosages radioimmunologiques. Son enseignement, sa rigueur , sa patience et sa
disponibilit, mme aprs son dpart { la retraite, mont t une aide essentielle.
Je remercie le Professeur Didier Serteyn de mavoir autoris { effectuer mes
recherches au sein du ple quin de la Clinique Vtrinaire Universitaire (FMV ULg).
Je suis galement extrmement reconnaissante du soutien apport par le personnel de
la clinique, savoir les Docteurs Denis Verwilghen, Charlotte Sandersen et Fabrice
Pters. Je tiens galement remercier chaleureusement Marc Coninx,
Catherine Strauven et Sylvie Mathonet pour leur aide. Je remercie galement
Jean Clment Bustin du Centre de Mdecine Sportive (CeMeSPo FMV ULg).
Je remercie le Professeur Baudouin Nicks, Aurlia Zizo, Edwin Dawans, et les
Docteurs, Jean-Franois Cabaraux et Franois-Xavier Philippe pour le matriel et
les locaux mis ma disposition ainsi que pour leur accueil chaleureux au sein du
service dEcologie et Ethologie Vtrinaire.
Ce travail ne serait rien sans laide prcieuse en statistique du Professeur
Frdric Farnir et de Messieurs les Docteurs Didier Ledoux et Laurent Massart.
Je tiens galement remercier le Professeur Marie-Claude Huynen, membre du
comit de lecture, pour ses nombreux conseils lors des sminaires organiss par
lUnit de Biologie du Comportement de la Facult des Sciences (ULg).
-
PROLOGUE [11]
Je remercie Mesdames Christiane et Anne Duchne de lEcole Provinciale dElevage
et dEquitation de Gesves (EPEEG) pour nous avoir autoriss { suivre les couples
cavaliers/chevaux au repos et en concours. Je remercie galement les lves pour
leur accueil et leur enthousiasme envers nos recherches, ainsi que les leveurs et
propritaires, qui nous ont permis dobserver leurs chevaux et qui ont accept de
rpondre nos questionnaires.
Je remercie toutes les personnes de mon entourage qui mont aide lors des
exprimentations : Sarah Gabriel, Coline Closson, Sandra Godfroid,
Latitia Nyssen, ainsi que Julie Dsirant pour le temps pass { amliorer langlais de
nos publications et Sophie Bricteux, pour les relectures minutieuses et les
corrections apportes mes manuscrits.
Je remercie les membres du jury extrieur, pour avoir accept de juger ce travail,
savoir le Docteur La Lansade et le Professeur Frank dberg. La lecture de leurs
travaux dans le domaine de lthologie quine ma t prcieuse.
Enfin, je tiens remercier chaleureusement mes parents, sans la prsence et le soutien
desquels tout ceci naurait simplement pas exist.
Un bon matre a ce souci constant : enseigner se passer de lui.
(Andr Gide)
Les meilleurs professeurs sont ceux qui savent se transformer en ponts, et
qui invitent leurs lves les franchir.
(Nikos Kazantzakis).
-
PROLOGUE [13]
RSUM
Chez lhomme comme chez lanimal, le stress peut parfois tre considr comme
favorable l'accomplissement de certaines tches, mais il peut galement inhiber les
capacits, devenir nfaste et avoir un impact non ngligeable sur la sant et le bien-
tre. Nous imposons souvent au cheval domestique un cadre de vie trs diffrent de
celui de son environnement naturel. Ds que nous interagissons avec cet animal, que
cela soit en comptition ou lors de manipulations vtrinaires, nous le confrontons
divers lments stressants. Le stress gnr peut avoir un impact sur sa sant et son
bien-tre, sur ses performances sportives mais galement sur la scurit des
personnes qui le manipulent (cavaliers, leveurs, personnel soignant, ).
Diverses mthodes indirectes existent pour mesurer le niveau de stress. Parmi les
rponses dveloppes par le cheval suite { la perception dun lment stressant, nous
nous sommes plus particulirement intresss la rponse comportementale ainsi
qu{ la rponse neuroendocrine, principalement la modification des concentrations en
cortisol circulant.
Notre premier objectif a t de valider lutilisation de la salive pour doser le cortisol
libre. Nous avons ensuite utilis cette approche pour suivre le niveau de stress de
couples cavalier-cheval en comptition via la cintique du cortisol salivaire. Nous
avons alors pu comparer les niveaux de stress du cavalier et du cheval et tudier
lventuelle relation entre ces niveaux de stress et les performances obtenues. Nos
rsultats montrent que les taux de cortisol augmentent significativement pendant la
comptition, chez le cheval (de 200% 360%) et chez le cavalier (de 140% 230%).
Les meilleures performances sont ralises par les cavaliers dont laugmentation en
cortisol est la plus faible et, de faon plus surprenante, par les chevaux dont
laugmentation en cortisol est la plus leve. Le stress des deux partenaires semble
donc exercer une influence oppose sur leurs performances en comptition, positive
dans le cas du cheval mais ngative chez le cavalier. Ces observations mriteraient
d'tre ralises dans d'autres conditions de comptition. Nous nous sommes
galement intresss aux liens potentiels entre traits de temprament de l'animal,
valus par le propritaire, niveaux de stress en comptition, et performances
obtenues. Il en est sorti quune plus forte augmentation du cortisol est lie une
certaine excitation, plutt qu'{ de l'anxit, et sest retrouve principalement chez des
animaux curieux, motivs et actifs. Ce suivi du stress en comptition devrait permettre
damliorer le bien-tre du cheval, du cavalier et vraisemblablement aussi les
performances ralises par le couple.
-
PROLOGUE [15]
Lors du suivi de chevaux hospitaliss, nous avons pu dterminer quels taient les
comportements associs au stress qui ont pour effet de diminuer la facilit avec
laquelle la manipulation est ralise. Nous avons galement test les liens entre une
valuation du temprament par les propritaires, par le personnel de la clinique et ces
comportements associs au stress. Nous avons notamment observ un effet prdictif
dun test simple de pese sur lapparition de ces comportements. Ce test permettrait
aux cliniciens d'anticiper dventuelles difficults lors des examens et de prendre ainsi
les mesures prventives ad hoc.
Lamlioration des techniques de mesure du stress et du temprament du cheval dans
le cadre dune hospitalisation ou dune comptition est essentielle aux tudes dans le
domaine du bien-tre du cheval domestique. Lutilisation de mthodes de mesure du
stress dites physiologiques, comme lutilisation de la salive pour doser le taux de
cortisol, sont trs utiles et sont dautant plus fiables quelles sont conjointement
utilises avec des mthodes thologiques.
-
PROLOGUE [17]
ABSTRACT
Both in humans and in animals, stress is sometimes considered as useful for the
accomplishment of certain tasks. But it might also have a negative influence on health,
welfare or safety. We often impose on our domestic horses a lifestyle very different
from their natural one. As soon as we interact with this animal, either during
manipulations or in competition, we face him to various stressors. This stress can
affect their health, their well-being as well as their sportive performances. Horses
stress might also lead to a lack of safety for people handling them (horsemen, riders,
breeders, veterinarian,...).
Stress can be assessed by various indirect ways. Among all responses possibly shown
by horses submitted to a stressor, we mainly focused on behavioural responses and
on a physiological response: changes in cortisol secretion.
Our first goal was to validate the use of saliva for free cortisol level determination.
Secondly, we used this technique to assess stress level of both horses and riders
during equestrian competitions. We compared riders and horses stress levels and we
examined the potential relationship between the stress levels and the competition
performances. The results showed that cortisol levels significantly increased during
competition, both in horses and riders. The best performances were achieved by
riders with the smallest increase in cortisol during competition. And, more
surprisingly, the best performances were achieved by horses with highest cortisol
increase. In this study, stress of both partners seems to have an opposite influence on
their performances during competition: positive effects for horses (eustress) but
negative effects for riders (distress). It would be interesting to test these
measurements under other competition conditions. We also have tested the
relationship between the horses temperament (scored by the owner), the stress
levels in competition and the obtained performances. It came out that a higher
increase in cortisol is more related to some excitement rather than anxiety, and was
mainly found in curious, motivated and active horses. This stress follow-up in
competition should improve the welfare of the horse and his rider, and should
probably also enhance performances achieved by the pair.
In clinical settings, we identified the stress-related behaviours, that use to lead to a
low easiness of manipulation. We also tested the relationship between temperament
assessed by the owners, by the clinic staff and the stress-related behaviours. More
particularly, we observed a predictive effect of a simple test (weigh scale test) on the
appearance of these stress-related behaviours. This test would allow clinicians to
anticipate potential difficulties during examinations and to prevent deriving injuries.
Improving the stress measurement techniques and horses temperament assessment
is essential for domestic horse welfare studies, as they occur in hospital, during
competition, or in other stressful situations. Using physiological stress measurements,
as salivary cortisol, is very useful and more reliable if they are used in conjunction
with ethological methods.
-
PROLOGUE [19]
LISTE DES PUBLICATIONS
PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES SOUMISES COMIT DE LECTURE
M. PEETERS, J. SULON, J.-F. BECKERS, D. LEDOUX and M. VANDENHEEDE (2011)
Comparison between blood serum and salivary cortisol concentrations in horses using
an adrenocorticotropic hormone challenge. Equine Veterinary Journal. 43, (4), 487-
493. (Voir thse, p.91)
M. PEETERS, D. VERWILGHEN, D. SERTEYN and M. VANDENHEEDE. Relationships
between young stallions' temperament and their behavioral reactions during
standardized veterinary examinations. Accepted for publication (27 oct 2011) in
Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research. (Voir thse, p.155)
M. PEETERS, C. CLOSSON, J-F BECKERS, M. VANDENHEEDE. Rider and horse salivary
cortisol levels during competition and impact on performance. Accepted for
publication (28 sept 2011) in Journal of Equine Veterinary Science. (Voir thse, p.121)
COMMUNICATIONS SCIENTIFIQUES
M. PEETERS, F. PETERS, J. SULON, C. SANDERSEN, P. PONCIN, D. SERTEYN and M.
VANDENHEEDE (2008) Behavioural and physiological assessment of stress level in
hospitalized horses: correlation between parameters. 42nd Congress of the
International Society for Applied Ethology, 5-9th August, Dublin (Ireland).
M. PEETERS, F. PETERS, J. SULON, C. SANDERSEN, P. PONCIN, D. SERTEYN and M.
VANDENHEEDE (2008) Assessment of stress level in horses (Equus caballus):
Behavioural and physiological measurements in hospital. 15th Benelux Congress of
Zoology. 30-31 October. Lige (Belgium).
M. PEETERS, J. SULON, J-F BECKERS, D. LEDOUX and M. VANDENHEEDE (2009)
Comparison between blood and salivary cortisol levels in horses (Equus caballus)
using an ACTH challenge. 43rd Congress of the International Society for Applied
Ethology, 6-10th July, Cairns (Australia).
M. PEETERS, J. SULON, D. SERTEYN and M. VANDENHEEDE (2009) Assessment of
stress level in horses during competition using salivary cortisol: preliminary studies.
15th International Equitation Science Conference. 12-14th July. Sydney (Australia)
M. PEETERS, S. GODEFROID, J. SULON, J-F BECKERS, D. SERTEYN and M.
VANDENHEEDE (2010) Can we predict troubles during horse clinical examinations by
a simple test? 44th Congress of the International Society for Applied Ethology. 31st July-
2nd August. Uppsala (Sweden).
-
PROLOGUE [21]
M. PEETERS, D. VERWILGHEN, D. SERTEYN, J-F BECKERS and M. VANDENHEEDE
(2010) Impact of the temperament of young stallions on their stress reactions when
subjected to a standardised veterinary examination. 16th International Equitation
Science Conference. 4-7th August. Uppsala (Sweden).
M. PEETERS, C. CLOSSON, J-F BECKERS and M. VANDENHEEDE (2011) Le stress du
cavalier et du cheval en comptition: apprciation, cintique et impact sur les
performances - Stress of riders and horses in competition: assessment, kinetics and
effect on performance. 37me Journe de la Recherche Equine. Jeudi 24 fvrier, Paris
(France).
MMOIRES DE LICENCE/MASTER EN SCIENCES
M. PEETERS, F. PETERS, D. SERTEYN, P. PONCIN et M. VANDENHEEDE
Apprciation comportementale et physiologique du niveau de stress chez les chevaux
domestiques (Equus caballus) hospitaliss - Impact sur la qualit de linduction et du
rveil, tapes balisant une anesthsie gnrale. Mmoire prsent en vue de lobtention
du diplme de Licencie en Sciences biologiques, anne acadmique 2005-2006,
Universit de Lige Belgique
S. GODFROID, M. PEETERS, P. PONCIN, M. VANDENHEEDE
Le stress du cheval en milieu hospitalier : approche thologique, par questionnaire et
physiologique. Relation avec la qualit des soins. Mmoire prsent par Sandra
Godfroid, en vue de lobtention du diplme de Master en Biologie des organismes et
cologie, anne acadmique 2008-2009, Universit de Lige Belgique
C. CLOSSON, M. PEETERS, J-F BECKERS, M. VANDENHEEDE
Influence du temprament du cheval et du cavalier sur leur niveau de stress et les
performances en comptition questre : approches thologique, physiologique et
psychologique. Mmoire prsent par Coline Closson, en vue de lobtention du diplme
de Master en Biologie des organismes et cologie, anne acadmique 2009-2010,
Universit de Lige Belgique
-
INTRODUCTION
-
Figure 1 : Diagramme schmatisant les principales interactions entre les facteurs
internes et externes de lindividu et de son environnement, les rponses mise en
place lors de la prsence dlments stressants et les impacts sur le bien-tre de
lindividu
-
INTRODUCTION [25]
1. LE CONCEPT DE STRESS
Pour lhomme contemporain, le stress peut { la fois tre considr comme favorable
aux performances socioprofessionnelles, mais il peut galement inhiber ses capacits
et devenir lennemi quil faut combattre pour maintenir son bien-tre. Lorigine latine
du mot stress est stringere , qui signifie rendre raide , serrer , presser .
Le terme stress est tout dabord utilis en physique mtallurgique avec la loi de
Hooke qui stipule qu'une force extrieure agissant sur un corps, provoque une tension
de ce corps (en anglais stress ) qui peut se transformer en dformation mcanique.
Cette utilisation du mot stress cre dj un lien avec une certaine forme
d'adaptation mais o l'excs de stress rendrait le matriau plus vulnrable.
En 1865, le mdecin physiologiste franais Claude Bernard crit que tous les
mcanismes vitaux quelque varis quils soient, nont toujours quun seul but, celui de
maintenir lunit des conditions de la vie dans le milieu intrieur (Bernard, 1865). Ce
maintien de lquilibre interne sera dcrit par Cannon, 50 ans plus tard, et appel
homostasie . Claude Bernard est un des premiers, en 1868, interprter les
ractions provoques par le stress sur le comportement humain comme des ractions
servant { maintenir lquilibre de lorganisme. En 1878, il montrera que, lorsque la
stabilit intrieure est perturbe, un organisme est plus vulnrable la maladie. Ce
drangement de lquilibre est un facteur fragilisant, rendant lorganisme plus
sensible { la prsence dun germe et au dveloppement dune maladie (Bernard, 1878)
in (Wikipdia, 2011).
Cest en 1915 que Walter Bradford Cannon (1871-1945), physiologiste amricain,
utilise le nom dhomostasie (homoios : gal ; stasis : tat) et y inclut la notion de
stress. Il sintresse aux ractions de lorganisme lors de ractions motionnelles
fortes (frayeur, crainte, fureur) et observe leffet dun stress sur le systme nerveux
autonome de lorganisme (drglement de la digestion, acclration du rythme
cardiaque, production dadrnaline) (Cannon, 1915, 1932). Il est un des premiers
sintresser { la mdullosurrnale, productrice dadrnaline et { dcrire comment elle
permet de faire face des changements de temprature, des nouveaux besoins
nergtiques ou des variations de pression partielle doxygne dans lair
(Cannon, 1935). Cannon associe donc le stress { son concept dhomostasie. Il conoit
que lhomostasie a certaines limites dont la transgression provoque un stress. Il
dfinit le stress comme un stimulus endogne ou exogne provenant du dsquilibre
trop important de lhomostasie (Wikipdia, 2011). Pendant tout le 20me sicle,
lapproche biologique du stress va lier les termes stress , homostasie et
adaptation et engendrer une littrature abondante et fconde.
Lendocrinologue Hans Selye (1907-1982) fut un des premiers chercheurs
sintresser au stress et { employer ce terme en mdecine humaine, au dbut du 20me
sicle (Selye, 1935). Il dcrit le stress comme tant la rponse de lorganisme face {
-
[26] INTRODUCTION
des pathognes ou des conditions environnementales svres (telles que la
scheresse, le froid, un choc lectrique) (Veissier et al., 2007). Selon lui, lorganisme
soumis un stress et qui veut maintenir son homostasie, ragit toujours par une
double rponse. La premire est spcifique et varie selon llment stressant et la
situation. La seconde est non-spcifique car identique dans toutes les situations. Que
llment dclencheur soit plaisant ou dsagrable importe peu ; cest lintensit de la
demande de rajustement ou dadaptation qui compte.
Cest dans les annes 1920 que Hans Selye se rend compte de cette non-spcificit. Il
tudie alors la mdecine lUniversit de Prague et observe des patients prsentant
des symptmes qui ne sont pas lis { leur maladie mais plutt au fait dtre malade
(Selye, 1935). Cest en 1950 quil dveloppera cette ide avec la thorie du syndrome
gnral dadaptation (SGA). Il dcrit ce syndrome gnral dadaptation comme
lensemble des modifications qui permettent { un organisme de supporter les
consquences dun traumatisme naturel ou opratoire (Selye, 1956). Ce syndrome
reprend tout les symptmes non spcifiques qui apparaissent quelle que soit la nature
de llment stressant. Chaque personne possde un SGA plus ou moins fort et ainsi a
une capacit dadaptation diffrente. Le syndrome du stress volue en suivant 3 stades
successifs : la raction dalarme (mobilisation des dfenses), le stade de rsistance
(adaptation { llment stressant) et le stade dpuisement (si llment stressant est
puissant et/ou agit longtemps). Par la suite, il trouvera des rsultats similaires lors
dexprimentations sur des rats auxquels il injecte diverses substances nocives. Peu
importe la substance injecte, il observe les mmes symptmes chez les rats :
agrandissement de la surrnale, atrophie du thymus et des ganglions lymphatiques et
ulcres gastriques (Selye, 1973). Cette rponse ne dpend donc pas de la nature de
llment stressant. Non seulement il fut un des premier { parler de stress, mais il fut
galement un des premiers { dmontrer le rle des glucocorticodes et de laxe
hypothalamo-hypophyso-surrnalien lors de la rponse au stress (voir La rponse
neuroendocrine au stress , p. 56). Il dcrit galement la diffrence entre eustress et
distress (Selye, 1975) (voir le chapitre Quand stress devient distress, impact sur le
bien-tre de lanimal , p.32).
Dautres chercheurs (Mason et al. 1976 et Levine 1989 in Wiepkema, 1993) ont
galement mis en vidence le fait que diffrents lments stressants provoquaient une
raction spcifique (comportementale et physiologique) ainsi quune rponse non
spcifique. Wiepkema (1993) dcrit le stress comme tant ltat dun organisme qui
est dtermin par lapparition de rponses au stress et qui est provoqu par un ou
plusieurs lments stressants (stressors). Alors que ces auteurs dcrivent le stress
comme ltat dun organisme, Moberg lui le dfinit comme tant la rponse
biologique induite quand un individu peroit une menace pour son homostasie . Il
dcrit la rponse biologique de lanimal face au stress en trois tapes : la
reconnaissance de llment stressant, la dfense biologique contre cet lment
stressant et la consquence de cette rponse (Moberg, 2000).
-
INTRODUCTION [27]
Nous considrons quun stress est un tat de lorganisme, induit par des lments
stressants (voir ci-aprs, p.27), provoquant des rponses biologiques (p.28). Ces
rponses au stress ont un cot biologique (p.29), qui aura ou non un impact sur le
bien-tre (p.29) de lanimal (eustress ou distress, p.32). Nous allons ci-dessous dfinir
ces diverses notions.
2. LES LMENTS STRESSANTS
La rponse biologique au stress commence lorsque lorganisme peroit, via son
systme nerveux central, un lment potentiellement menaant pour son
homostasie. Ces lments stressants sont trs varis. Il peut sagir dune agression
directe de lorganisme, comme une blessure, une diminution de la temprature
corporelle, ou dun changement de lenvironnement comme la modification de la
routine, une sparation sociale, la dtrioration de lhabitat, une restriction de laccs
{ la nourriture, une pathologie Les lments stressants loignent lorganisme dun
environnement idal (Veissier et al., 2007). Llment stressant peut galement ntre
quun sentiment de danger peru par lindividu, comme une menace de prdation ou
le fait de se trouver dans situation risque (Wiepkema, 1993). Le fait que cet lment
soit rellement dangereux ou non importe peu, cest limpression de menace, ressentie
par lanimal, qui engage la rponse biologique (Moberg, 2000; Veissier et al., 2007).
Cest la raison pour laquelle certains stress psychologiques peuvent tre dvastateurs.
Chez les animaux domestiques, les interactions avec lhomme peuvent provoquer du
stress. Lorsque les contacts avec lhomme sont intrusifs et frquents, la qualit de
linteraction peut avoir des consquences non ngligeables pour les 2 partenaires
(Hemsworth et al., 2000). Le stress provoqu par lhomme peut avoir un impact sur la
productivit, la reproductivit et le bien-tre des animaux domestiques
(Rushen et al., 1999). De nombreuses tudes se sont intresses au stress de lanimal
induit par lhomme (Rushen et al., 1999; Hemsworth et al., 2000;
de Passille et al., 2005), principalement chez des animaux de production, comme les
bovins (Rushen et al., 2001; Breuer et al., 2003) ou les porcs (Hemsworth et al., 1987),
mais galement chez le cheval (Lansade et al., 2004; Lansade et al., 2005;
Hausberger et al., 2008; Lansade et al., 2008a).
Le facteur nouveaut dun stimulus ou dune situation aura galement un impact sur la
raction induite. Le fait de perdre le contrle, ou de ne plus pouvoir prvoir les
vnements de son environnement, quils soient { caractre positif ou ngatif, peut
galement entraner un stress psychologique important (Wiepkema, 1993). Llment
stressant peut tre ponctuel, intermittent ou continu et induire un stress aigu ou
chronique.
-
[28] INTRODUCTION
3. LES RPONSES AU STRESS
La dfense biologique engage lors de la perception de llment stressant est une
combinaison de quatre rponses : (1) la rponse comportementale, (2) la rponse du
systme nerveux autonome, (3) la rponse neuroendocrine et (4) la rponse
immunitaire (Moberg, 2000). Ces rponses modifient les fonctions biologiques de
lorganisme.
Dans la plupart des cas, la premire rponse est la rponse comportementale.
Lanimal gagne { viter llment stressant en sen loignant simplement. Par exemple
en fuyant un prdateur ou en se dplaant vers un point dombre pour rguler sa
temprature. La rponse comportementale nest pas approprie { tous les lments
stressants : les animaux peuvent se retrouver dans des situations o leur choix de
ractions comportementales sera limit ou contrecarr. Cela sera particulirement le
cas lorsque lanimal est confin.
Une seconde dfense face un lment stressant est enclenche via le systme
nerveux autonome. Le SN autonome est compos de deux parties ayant des rles
opposs : le systme nerveux parasympathique et le systme nerveux sympathique. Le
SN parasympathique rgule les fonctions telles que la croissance, la digestion, il
ralentit la respiration et la frquence cardiaque. Il est stimul lors du sommeil ou
aprs un repas copieux et sera inhib lors dun stress. [ loppos, le SN sympathique
est stimul par lexcitation, la vigilance ou lors dune situation stressante. Lors dun
stress, il va dilater les pupilles, acclrer la frquence cardiaque et respiratoire,
inhiber le systme digestif Le stockage de lnergie est suspendu et lnergie stocke
sera remise disposition. La concentration sanguine en glucose augmente. Pour que
ce glucose et loxygne atteignent rapidement et prfrentiellement les muscles utiles
pour la rponse au stress (par exemple la fuite en prsence dun prdateur), les
frquences cardiaque et respiratoire ainsi que la pression sanguine augmentent, leau
est retenue dans la circulation pour augmenter le volume sanguin, et certaines parties
du systme circulatoire sont dvies (Sapolsky, 2002).
Via ses relais prsents dans la corde spinale, le systme nerveux autonome transmet
linflux nerveux jusqu'{ la surrnale. La zone mdullaire de la surrnale scrte
ladrnaline. La transmission de cet influx ne prend que quelques secondes. Dautres
organes sont galement stimuls et scrtent la noradrnaline. Ladrnaline et la
noradrnaline appartiennent toutes les deux au groupe des catcholamines. Le zone
corticale de la surrnale scrte les glucocorticodes. Les glucocorticodes et les
catcholamines sont les principaux mdiateurs des changements provoqus par la
rponse au stress (Sapolsky, 2002).
Les hormones scrtes par le systme neuroendocrine ont un vaste et durable effet
sur lindividu. Les fonctions biologiques qui sont affectes par le stress sont souvent
rgules par des hormones. La scrtion de ces hormones est altre de faon directe
ou indirecte lors dun stress (Matteri et al., 2000). Dans la plupart des tudes sur le
-
INTRODUCTION [29]
stress, lactivit de laxe hypothalamo-hypophyso-surrnalien, que nous appellerons
ensuite, pour plus de clart, axe HPA (hypothalamo-pituitary-adrenal) est la premire
mesure neuroendocrine effectue (voir La rponse neuroendocrine au stress ,
p. 56). Laugmentation des glucocorticostrodes surrnaliens circulants (cortisol et
corticostrone) est depuis longtemps assimile au stress. La scrtion de prolactine et
de somatotropine (ou hormone de croissance) est galement sensible au stress. La
TSH (thyroid stimulating hormone) et les gonadotrophines, LH (luteinizing hormone)
et FSH (follicle-stimulating hormone) sont directement ou indirectement modifies
par le stress (Moberg, 2000).
Les scientifiques, ds le dbut de la mdecine moderne, sintressent aux liens entre
symptmes psychiatriques et fonction immunitaire. Au milieu du 20me sicle, des
tudes sur des patients psychotiques rapportent une diminution du nombre de
lymphocytes (Freeman et al., 1947) et une rponse la vaccination plus faible que les
patients non psychotiques (Vaughan et al., 1949). En 1964 est invent le terme de
psychoimmunology (Solomon et al., 1964) et en 1975 la notion de
psychoneuroimmunology est avance (Ader et al., 1975). Ces auteurs sont les
premiers dmontrer les liens entre le systme nerveux et le systme immunitaire,
lors dexprimentations avec des rats en laboratoire. Les scientifiques saccordent
donc pour dire quil y a des interactions bidirectionnelles entre le systme nerveux et
le systme immunitaire. La majorit de ces interactions seraient relayes par les
cytokines, qui jouent un rle dans la rponse au stress. Lactivation de laxe HPA
influencerait galement limmunit (Blecha, 2000). Ce lien entre stress et altration du
systme immunitaire est appuy par le nombre croissant de cas de maladies observ
chez des animaux soumis { des stress intenses. Lexemple le plus souvent utilis est
celui du dveloppement de maladies respiratoires chez les bovins transports par
bateaux (Blecha, 2000). En situation stressante, divers facteurs physiologiques
(systme neuroendocrinien) et comportementaux interagissent pour influencer le
systme immunitaire (Blecha, 2000). Dautres tudes plus rcentes confirment ces
liens, chez lhomme (Burns et al., 2003), chez les bovins (Sporer et al., 2008) et chez
les chevaux (Malinowski et al., 2006). Lapprciation des comptences immunitaires
pourrait ds lors tre un outil intressant pour tudier le stress.
4. LE COT BIOLOGIQUE DU STRESS ET SON IMPACT
SUR LE BIEN-TRE ANIMAL
LE BIEN-TRE ANIMAL
Historiquement, lhomme a dabord considr lanimal comme une ressource prleve
dans la nature (homme prdateur). Avec la domestication animale, lhomme se rend
compte des nombreuses utilits quil apporte pour le transport, llevage, les
divertissements, les cultes Le regard de lhomme sur lanimal volue selon les
poques, les civilisations, selon les animaux (Janet, 2007). Au 17me sicle, Descartes,
-
[30] INTRODUCTION
avec sa conception mcaniciste, considre lanimal comme une machine. Au
18me sicle, la thorie de Descartes est critique et les thories rapprochent lhomme
de lanimal. Au 19mesicle, Darwin et sa thorie de lvolution montre une parent
entre lhomme et lanimal. Cest au dbut des annes 1800 que sont apparues les
premiers groupes se proccupant du bien-tre animal, comme la Society for the
Prevention of Cruelty to Animal (1824). Elle se composait dinspecteurs chargs
didentifier les abus et de les dnoncer aux autorits. Toutefois, les rels progrs au
niveau du bien-tre animal ne sont apparus qu{ la fin du 20me sicle (Phillips, 2009).
En 1967, le gouvernement anglais cre le Farm Animal Welfare Advisory Committee
qui volue en 1979 vers le Farm Animal Welfare Council . Leurs premires
recommandations, bases sur le rapport du professeur Brambell (en 1965), sont que
lanimal dlevage doit avoir la possibilit de se lever, se coucher, se retourner, faire sa
toilette (groom themselves) et tirer ses membres (stretch their limbs). Ces
recommandations ont ensuite volu vers ce que lon appelle les 5 liberts
(five freedoms). Ces 5 besoins fondamentaux sont rdigs dans un rapport datant du 5
dcembre 1979 (FAWC, 1979). 40 ans plus tard, ils se prsentent toujours selon 5
liberts (FAWC, 2009) (voir Table 1).
FAWC 1979 FAWC 2009
Freedom from thirst, hunger or malnutrition ;
Freedom from hunger and thirst ;
Appropriate comfort and shelter ; Freedom from discomfort ;
Prevention, or rapid diagnosis and treatment, of injury and disease ;
Freedom from pain, Injury or Disease ;
Freedom to display most normal patterns of behaviour ;
Freedom to express normal behaviour ;
Freedom from fear. Freedom from fear and distress.
Table 1 : Table reprenant les 5 liberts selon le rapport de la FAWC datant du
5 dcembre 1979 et celui de 2009
On retrouve souvent un lien entre le bien-tre et la notion dadaptation dun individu {
son environnement. Selon Broom (1991), le bien-tre dun animal correspond { ltat
dans lequel il se trouve lorsquil doit sadapter { un nouvel environnement. Lors quil
sadapte sans trop defforts, { faible cot (Broom, 1991), ou sans souffrance
(Carpenter 1980 in Veissier and Boissy, 2007), ltat de bien-tre est prserv. Le
mal-tre dcoulerait donc dun problme dadaptation { lenvironnement.
Le bien-tre est dfini comme un tat dquilibre dynamique (homostasie) entre
lanimal et son environnement (interne ou externe) et lauteur dajouter que Les
efforts quil doit consentir pour maintenir ou retrouver cet quilibre peuvent provoquer
-
INTRODUCTION [31]
des souffrances physiques et mentales ventuellement prjudiciables tant au point de vue
de sa sant que de la productivit (Vandenheede, 2003).
Le bien-tre de lanimal dlevage est apprci en utilisant 4 types de mesures,
complmentaires et indissociables : zootechniques, smiologiques, physiologiques et
thologiques. Ces dernires comportent de nombreux avantages et sont de plus en plus
utilises : tude des capacits dadaptation, des troubles du comportement, ou des
motivations et prfrences des animaux (Vandenheede, 2003). Les mesures
zootechniques (p.72), bases sur la productivit dun ensemble danimaux (croissance,
production viandeuse ou laitire, reproduction), et les mesures smiologiques
(prsence de lsions, pathologie) sont des approches indispensables mais non
suffisantes pour apprcier le bien-tre. Les mthodes physiologiques permettant
dvaluer le bien-tre animal sont trs proches de celles utilises pour mesurer le
stress. Certains scientifiques considrent dailleurs que le stress et le bien-tre sont les
versions opposes dun mme processus (Veissier et al., 2007). On retrouve le dosage
des hormones surrnaliennes (voir ci-aprs, p.56), la frquence cardiaque (p.72), la
frquence respiratoire (p.72) et dtection daltrations du systme immunitaire. Les
mesures thologiques, galement utilises pour mesurer le stress, se basent sur
lobservation de comportements exprims par lanimal dans le milieu. Pour apprcier
le stress ou le bien-tre { laide dobservations comportementales, il est important de
bien connaitre lthogramme des espces concernes, de comprendre les mcanismes
dadaptation que la domestication leur impose et les mcanismes sous-jacents qui font
natre ces comportements (causes, fonction, ontogense, phylogense)
(Rushen, 2000; Vandenheede, 2003). Nous dveloppons cette mthode dapprciation
comportementale du stress et lapparition de comportement anormaux dans le
chapitre La rponse comportementale au stress (voir p.50).
NOTION DE COT BIOLOGIQUE DU STRESS
Les rponses provoques par un stress modifient des fonctions biologiques. Ces
changements apports aux fonctions biologiques impliquent un dplacement des
ressources biologiques, ce qui va directement affecter le bien-tre de lindividu. Cette
nergie dtourne est appele le cot biologique du stress (Moberg, 2000). Le
stress affecte le mtabolisme et lutilisation des nutriments. Des stress lgers vont
simplement modifier des comportements et provoquer par exemple une
augmentation du temps pass { salimenter ainsi quune amlioration de lassimilation
des nutriments. Des stress plus aigus ou prolongs vont avoir des effets plus
important sur le mtabolisme. Pour plus de dtails sur les consquences mtaboliques
du stress, voir (Elsasser et al., 2000).
-
[32] INTRODUCTION
QUAND STRESS DEVIENT DISTRESS, IMPACT SUR LE BIEN-TRE DE
LANIMAL
En 1975, Selye publie un modle sparant leustress du distress (Selye, 1975). Il
explique que lorsquun stress amliore des fonctions biologiques en augmentant par
exemple les capacits physiques ou mentales de lindividu, il peut tre considr
comme positif et est appel eustress (prfixe eu- = bon, bien). Dans le cas dun
animal qui schappe face { un prdateur, cest la survie qui compte. Lnergie
dtourne des fonctions biologiques pour permettre la fuite est faible compare
lissue mortelle que pourrait avoir la non fuite. Le cot biologique de ce type de stress
est donc ngligeable car il est de courte dure et lanimal possde les ressources
ncessaires pour lui faire face. Une fois que le stress est pass, lanimal peut
rapidement renouveler les ressources utilises. Cette rponse adapte est donc
favorable en termes de slection naturelle. Ce type de stress naturel est ncessaire
l'individu pour se maintenir en interaction avec son environnement, mais aussi pour
mobiliser ses ressources, pour sa motivation, pour ses performances
Lorsquun stress persiste et que lindividu ne peut sadapter, on se trouve dans une
situation appele distress , qui peut mener { des comportements danxit ou de
dpression (Selye, 1975) in (Wikipdia, 2011). Ce stress sera alors associ la
diminution du bien-tre. Plus rcemment, Moberg dcrit galement les 2 situations en
lien avec la notion de cot biologique du stress. Si un stress est peu intense et de trs
courte dure, son cot biologique sera faible et limpact sur le bien-tre ngligeable.
Lorsque le stress se prolonge, le cot biologique devient significatif. Suite de tels
stress, lanimal entre dans des tats pr-pathologiques et/ou pathologiques. Le stade
pr-pathologique est atteint lorsque la rponse au stress altre les fonctions
biologiques de telle sorte que lindividu peut dvelopper des pathologies. Lexemple le
plus vident est la maladie infectieuse. Les modifications des fonctions biologiques
provoques par un stress peuvent rduire les comptences immunologiques, rendant
lanimal vulnrable aux pathognes prsents dans son environnement. Si les
pathognes atteignent lanimal et sy dveloppent, celui-ci entre dans un stade
pathologique. Plus longtemps lanimal sera en prsence dun stress, plus longtemps
durera son tat pr-pathologique et plus il aura de risques de dvelopper une
pathologie (Moberg, 2000).
Actuellement, il y a consensus sur le fait que le stress peut avoir des effets dltres
sur les individus et quil peut galement entraner chez lanimal des pathologies
similaires celles des humains. Le distress peut donc provoquer des problmes de
sant physique en altrant des fonctions biologiques. Le stress peut favoriser des
ulcres gastriques et des coliques/diarrhes (Covalesky et al., 1992). Il peut courter
la digestion, inhiber linflammation, suspendre la cicatrisation ou la rparation de
tissus lss. Le stress peut galement provoquer des drglements immunitaires
(Blecha, 2000). Il peut induire une diminution de la productivit, traduite par des
troubles de la reproduction (Hjollund et al., 1999), une diminution de la fertilit, une
diminution des performances, de la croissance, de la production de lait ou de viande.
-
INTRODUCTION [33]
Cest la raison pour laquelle le stress peut avoir un impact plus important sur les
jeunes en croissance ou chez les femelles en priode de reproduction
(Sapolsky, 2002). Le stress a galement un impact sur la sant mentale : troubles du
comportement (Rushen, 2000), strotypies, dpression (voir chapitre La rponse
comportementale au stress , p.50). Le stress et peut parfois diminuer la perception
de la douleur. Cette action savre essentielle lorsque par exemple, un animal bless
doit continuer de fuir son prdateur (Sapolsky, 2002).
STRESS AIGU OU STRESS CHRONIQUE
Un distress peut rsulter dun stress aigu ou dun stress chronique. La diffrence entre
ces deux stress sexprime dans leur dure : un stress aigu est considr comme une
exposition brve un lment fort stressant. Les stress aigus deviennent nfastes
lorsquils altrent des fonctions biologiques qui dpendent dun timing prcis. Quand
le timing est perturb, la fonction normale peut tre perdue. Cest le cas pour
lovulation ; son succs dpend dun parfait timing entre la scrtion dhormones de
pr-ovulation et lexpression des comportements dstrus. Si le timing est perturb,
lopportunit de se reproduire sera perdue (Moberg, 2000). Un stress aigu peut
galement mener au distress par le dtournement des ressources biologiques lors de
la phase de croissance rapide des animaux et fortement perturber le dveloppement
de lanimal.
Un stress chronique est communment considr comme un stress continu, de longue
dure. Il est cependant difficile de concevoir quun individu soit confront { un seul
stress chronique et ce en continu. La plupart du temps, le stress chronique rsulte en
une srie de stress aigus qui voient leurs cots biologiques sadditionner et mener
lindividu vers un tat pr-pathologique qui peut devenir pathologique
(Moberg, 2000). Si lanimal est confront de faon successive un stress aigu, et que
ces successions sont trop proches pour lui laisser le temps de reformer les ressources
utilises, les cots biologiques accumuls auront un effet dltre sur son organisme.
Mme si ce stress seul est non-menaant, son accumulation provoque un tat de
distress. Ce concept daddition des cots biologiques nous permet denvisager leffet
quun second stress aigu peut avoir sur un animal dj{ sous linfluence dun premier
stress. Laddition des cots biologiques de ces deux lments stressants peut avoir des
effets dltres sur lorganisme de lanimal. La priode de distress durera jusqu' ce
que lindividu ait rcupr les ressources dtournes pour faire face { cette addition
de cots biologiques et quil ait restaur les fonctions biologiques (physiques et
mentales) qui ont t altres (Moberg, 1999).
Pour tudier les rponses dun organisme soumis { un stress chronique, il ne faut pas
considrer ce stress comme un tat constant, invariable. Lors dun stress chronique,
les rponses vont varier. Par exemple, certaines rponses comportementales vont
diminuer, en rponse une adaptation cognitive aux lments stressants. Des
rponses physiologiques vont cesser, revenir la normale (concentration en cortisol
-
[34] INTRODUCTION
sanguin) ou augmenter (sensibilisation de laxe HP) (Ladewig, 2000) (voir chapitre
La rponse neuroendocrine au stress , p.56).
CONCLUSION SUR LA GESTION DU STRESS ET DU BIEN-TRE
Labsence totale de stress pour atteindre le bien-tre absolu est utopique. Parce que le
stress fait partie inhrente de la vie, une situation dans laquelle nous tiendrions
lanimal hors de porte de tout stress nest pas imaginable. Le stress est prsent en
levage, dans les zoos, chez nos animaux de compagnie et lors de lutilisation
danimaux en laboratoire. Des mthodes de gestion du stress dans ces conditions
dexploitation animale font lobjet de nombreuses tudes pour amliorer le bien-tre
animal. Le bien-tre animal est la principale proccupation de lthologie applique.
Les techniques dlevage sont tudies et adaptes pour viter, voire interdire, les
situations qui entrainent lapparition de stress au point de mener lanimal en distress.
Ces mthodes tentent de rduire les cots biologiques engendrs par les stress tels
que lhbergement, les manipulations, les contacts avec les humains, lisolement Et
lorsque le stress est invitable, on peut tenter dapprendre { lanimal quil ny a pas de
menace, ou dtourner son attention du stimulus stressant. On peut galement amener
lanimal { excuter dautres comportements pendant un stress, comme par exemple
en proposant un objet-jeu lors dun moment de frustration alimentaire
(Moberg, 2000).
Une autre approche de la gestion du stress est de tirer profit des facteurs influenant
la perception ou la rponse au stress. La gntique et lexprience passe sont des
outils intressants pour moduler la rponse de lanimal au stress. La slection
gntique permettrait de rendre des animaux domestiques moins sensibles au
confinement ou au stress en gnral (Pottinger, 2000). Habituer des animaux aux
manipulations, aux contacts avec les humains et au confinement, permettrait de
diminuer les ressources ncessaires aux rponses biologiques induites par les
conditions dlevage. Ces facteurs modulant la rponse au stress sont dvelopps dans
le chapitre Les facteurs influenant les rponses au stress ci-dessous.
5. LES FACTEURS INFLUENANT LES RPONSES AU
STRESS
La perception de llment stressant et le transfert des informations via le systme
nerveux central enclenchent la rponse au stress. Une partie de la variabilit de la
rponse est donc lie cette perception. Un mme lment ne sera pas peru de la
mme faon par diverses espces, ni par divers individus dune mme espce. Cette
variabilit inter-individus dpend de facteurs qui influencent lintensit avec laquelle
lanimal peroit le stimulus comme une menace envers son homostasie. Aux facteurs
modifiant la perception du stimulus sajoutent dautres facteurs qui dterminent la
sensibilit de la rponse mais galement sa nature.
-
INTRODUCTION [35]
Ces facteurs sont notamment lenvironnement interne (pathologie) et externe (social
et physique), lge, les motions, lexprience passe, la gntique, le temprament.
LENVIRONNEMENT INTERNE ET EXTERNE
Comme expliqu dans le chapitre Le cot biologique du stress et son impact sur le
bien-tre animal (p.29), le fait dtre en prsence dlments stressants augmente la
sensibilit un nouvel lment stressant. Lorsquune partie des ressources dun
animal est dj{ mobilise pour lutter contre une pathologie, lanimal sera plus sensible
au stress. La sensibilit face un stress aigu ou chronique va donc tre augmente si
lanimal nest pas en bonne sant.
Lenvironnement physique a galement sont importance. Chez le cheval domestique et
chez le cheval de Przewalski, des conditions climatiques extrmes (tempratures et
humidit relative leves) peuvent provoquer une lvation du niveau du stress
(Mayes et al., 1986; Berger et al., 1999; Werhahn et al., 2011).
Lenvironnement dans lequel lanimal se trouve lorsquil est confront { un lment
stressant a un impact sur le type de rponse quil va exhiber et sur lintensit de
celle-ci. Lenvironnement social, les relations que lindividu entretient avec ses
congnres au moment de la mise en contact avec llment stressant influencent les
rponses au stress. Lenrichissement de lenvironnement ainsi que des contacts avec
des adultes rduisent le stress du sevrage chez le jeune porc (Oostindjer et al., 2011).
Une tude rcente a galement dmontr que les poulains hbergs dans un
environnement enrichis, socialement et physiquement, taient moins motifs et plus
proche de lhomme (Lansade et al., 2011). Ils expriment galement moins de postures
de vigilance et de comportements de dfense. Vivre dans un environnement loign
de lenvironnement naturel de lanimal peut tre considr comme un stress
chronique, mettant lanimal dans un tat de vulnrabilit avanc (Morgan et al., 2007)
(voir chapitre Stress aigu ou stress chronique , p.33), qui le rendra plus sensible au
stress et pourra influencer la rponse attribue { larrive dun nouvel lment
stressant. Pour les animaux domestiques, quils soient de compagnie ou dlevage, les
interactions homme-animal ont galement leur importance (Hemsworth et al., 2000;
Fureix et al., 2009a; Fureix et al., 2009b) (voir chapitre Les lments stressants ,
p.27).
LGE
Alors que les mcanismes homostatiques sont gnralement considrs comme
dclinant avec lge, les tudes sur laxe HPA ne semblent pas si claires. En mdecine
humaine, les rsultats sur des individus gs montrent des concentrations en cortisol
plus leves, plus basses ou inchanges en comparaison avec des individus dge
moyen. Chez le rat, un dlai de rcupration du taux de glucocorticodes normal plus
long a t observ chez les individus plus gs (Nicolson et al., 1997). Dans ltude de
Malinowski et al. (2006), les chevaux les plus gs semblent avoir un taux de cortisol
-
[36] INTRODUCTION
sanguin anormalement bas en rponse un effort intense. Cette diffrence pourrait
avoir un impact en terme de bien-tre et de sant, provoqu par une rcupration plus
lente aprs leffort : plus lente rparation des tissus, inflammation persistante,
douleurs (Malinowski et al., 2006). Pardon et al. (2008) expliquent que chez
lhomme, lesprance et la qualit de vie peuvent tre dtermines par des gnes de
tolrance au stress. Lge et le stress sont donc lis, mais de faon assez mystrieuse,
surtout chez lhomme o le stress peut faire vieillir, mais vieillir provoque galement
du stress (Pardon et al., 2008).
LES MOTIONS
La perception de llment stressant comme menace ou non { lhomostasie est
dtermine par linterprtation que lanimal fait de la situation. La reprsentation
mentale de cet lment stressant a donc toute son importance pour comprendre la
rponse au stress qui va suivre. Les tudes de Mason en 1971, dans
(Dsir et al., 2002) ont montr que des singes privs de nourriture ont un taux de
cortisol lev lorsque leurs voisins sont nourris. Leur taux de cortisol reste toutefois
normal lorsquils sont isols des voisins ou lorsquils ont accs { des aliments non
nutritifs. Ce n'est pas tant l'absence de nourriture que la perception d'une privation
qui provoque le stress. Idem lorsque des vaches sont soumises une augmentation
soudaine ou progressive de temprature. Quand la temprature ambiante augmente
progressivement, le cortisol sanguin diminue (ce qui rduit la propre production de
chaleur corporelle), tandis que lorsque la temprature augmente brusquement, le taux
de cortisol commence par augmenter pour ensuite diminuer. Cette augmentation
serait la rponse psychologique { la situation. Elle nest pas lie { la nature de la
situation, mais { son apparition soudaine, perue par lanimal comme une agression.
LEXPRIENCE PASSE
Lexprience du stress lors du dveloppement du ftus semble avoir un impact sur la
sensibilit future des individus. Beaucoup dtudes se concentrent sur le stress
prnatal ou le stress des nouveaux-ns et sur son influence sur le dveloppement des
jeunes et les rponses au stress chez ladulte (Braastad, 1998; Lay Jr, 2000;
Mason, 2000; Espmark et al., 2008; Mesquita et al., 2009; Charil et al., 2010;
Oostindjer et al., 2010; Parker et al., 2011). Les animaux ayant subi un stress prnatal
(stress subi par la mre lors de la gestation) montrent des retards de dveloppement
moteur, une diminution des comportements dexploration et de jeux ainsi que des
troubles de lapprentissage, des comportements sociaux, sexuels et maternels
(Braastad, 1998). De manire gnrale, le stress subi par une femelle gestante peut
modifier les capacits de raction ultrieure de ses jeunes. Le stress prnatal et lexcs
de corticostrodes plasmatiques maternelles et ftales entrainement un
dysfonctionnement du rtrocontrle de laxe HPA (Weinstock 2005 in
(Crozatier, 2005)). La priode prinatale, la petite enfance, lenfance et ladolescence
sont des priodes daccroissement de la plasticit du systme li au stress et sont par
-
INTRODUCTION [37]
consquent particulirement sensibles aux stress. Un environnement stimulant et
donc lgrement stressant pour des animaux juvniles favorisera leurs capacits
d'adaptation. Tandis quun environnement trs stressant survenant aprs la naissance
peut avoir des consquences neurobiologiques { long terme. Cest le cas chez les rats
nouveaux-ns isols de leur mre qui sont plus vulnrable au stress { lge adulte
(plus anxieux et hyperactifs lors de test, taux de corticostrones et dACTH plus
levs) (Crozatier, 2005).
Le systme hormonal, des stades prcoces de la vie, peut avoir un impact structurant
et des effets { long terme souvent pour la vie entire de lindividu. Le dveloppement
du systme nerveux central est trs dpendant des interactions entre lorganisme et son
environnement. Il est bien tabli que pendant la grossesse, de nombreux facteurs comme
des virus,[]ou le stress peuvent conduire { des malformations physiques et des
dysfonctionnements comportementaux (Crozatier, 2005). Lexprience dun individu,
tout au long de sa vie pourra moduler la rponses au stress (Pardon et al., 2008).
Des scientifiques se sont intresss aux facteurs impliqus dans les ractions des
chevaux domestiques envers l'homme, en prenant notamment en compte leur tat de
bien-tre. Ils ont dmontr que la perception de lhumain par le cheval dpend de son
exprience avec ce dernier (Fureix et al., 2009a; Fureix et al., 2009b).
LA GNTIQUE
Dans une population, la variabilit de la rponse au stress est en partie explique par
le gnotype des individus. Lampleur de la rponse au stress caractrise un individu
durant toute sa vie (Pottinger, 2000). Des comportements tels que les flight or
fight response et le freezing ainsi que la ractivit motionnelle sont
gntiquement dtermins. Une slection artificielle de lignes sur base de ces
comportements est possible. Par exemple des lignes de rats ont t slectionnes
selon les comportements exhibs lors dun stress (trs ractifs ou peu ractifs).
Cette slection a un impact sur le bien-tre. On observe par exemple significativement
plus dulcres gastriques chez les rats les plus ractifs (Ramos et al., 1998;
Pottinger, 2000) ou une augmentation plus importante du taux dACTH sanguin chez
une ligne de rats hypersensibles lors dun stress de type contrainte
(Ramos et al.,1998).
Lorsquil est impossible dliminer un lment stressant, pour des raisons
conomiques et pratiques, comme par exemple le confinement des animaux dans les
systmes de production intensive, il est propos de diminuer la rponse au stress
pour limiter limpact sur le bien-tre. Les espces domestiques depuis des
millnaires ont volu et se sont adaptes plus ou moins bien la vie que leur propose
llevage (Pottinger, 2000). La slection gntique des espces est une solution pour
acclrer le processus de domestication. La rduction de la sensibilit des espces au
stress a pour avantage une augmentation de la production (viande, lait,) et de la
reproduction, une diminution des maladies et une amlioration de la qualit de vie et
-
[38] INTRODUCTION
du bien-tre ces animaux en captivit. Le porc a t bien tudi car sa sensibilit au
stress est un problme majeur, souvent rencontr en levage intensif. Les rponses au
stress des porcs sont trs variables selon les individus. Les porc sont donc
slectionns pour liminer les individus porteurs du gne associ une grande
sensibilit au stress (porcine stress syndrome, halothane stress gene). Lors de stress
importants, les porcs porteurs de ce gne sont moins aptes { contrler lexcs dacide
lactique, ce qui a des effets ngatifs sur le bien-tre et la sant du porc
(Bkstrm and Kauffman (1995) in (Pottinger, 2000)). Pottinger (2000) conclut
lvidence quune grande partie de la sensibilit au stress dun individu est hrditaire.
De manire plus globale, on peut dire que la gntique et lenvironnement prcoce
influencent le temprament des animaux (Lansade, 2005). Le temprament est plus
largement dvelopp dans le chapitre Le temprament (p.38).
CONCLUSIONS
Un grand nombre de facteurs influencent la perception dun lment stressant, ltat
de stress ainsi que les rponses qui en dcoulent. En conditions de laboratoire, ces
facteurs sont pour la plupart identifiables et il est possible de mesurer leur influence
sur la rponse au stress. Mais sur le terrain, il est plus difficile destimer les variations
inter-individus. Lors de lvaluation du stress dun troupeau de vaches ou dune
population danimaux sauvages, nous navons pas la possibilit de connaitre
lexprience passe de chaque individu, ses relations sociales avec ses congnres, ou
ses prdispositions gntiques davoir une rponse vive au stress. Il faut donc rester
vigilant et standardiser au mieux la population tudie.
6. LE TEMPRAMENT
LE TEMPRAMENT DE LANIMAL
Les animaux peroivent en permanence des stimuli de leur environnement, externe et
interne. Ces stimuli sont trs varis et engendrent des rponses qui le sont galement.
Cette variabilit des rponses sexplique notamment par des facteurs gntiques
(espces, race, sexe,) et par la diversit des situations rencontres, de ltat
motionnel de lindividu qui peroit les stimuli, de son exprience passe, Au sein
dune mme espce, lors dune situation semblable, des individus gntiquement
proches et dexpriences passes voisines peuvent encore ragir de faon diffrente {
un stimulus identique. Le temprament de lindividu peut tre envisag comme
responsable de cette variabilit. Cette notion de temprament nest utilise pour
dcrire lanimal que depuis les annes 1930, alors que les tudes rellement bases
sur cette question ne se dveloppent qu{ partir des annes 1990. Lhomme
sintresse au temprament de lanimal parce que celui-ci peut servir de modle aux
thories de personnalit humaine. Ltude comparative du temprament chez
diverses espces aide galement comprendre les mcanismes de lvolution
-
INTRODUCTION [39]
(Gosling et al., 1999). Ltude du temprament de lanimal peut de surcrot avoir des
implications pratiques en permettant de prdire ses comportements, de slectionner
les individus selon leurs aptitudes et dorienter leur utilisation future. Ces tudes se
dveloppent dans le domaine des animaux dits de production, comme les bovins
(Muller et al., 2006) ou les porcs (Melotti et al., 2011) et des animaux dits de
compagnie comme le chien (Hennessy et al., 2001; Jones et al., 2005;
Gosling et al., 2009) ou le cheval (Seaman et al., 2002; Lansade, 2005;
Lloyd et al., 2008).
Nous prfrons utiliser le terme temprament plutt que personnalit dans le
cadre dtudes sur le cheval, car comme le suggrent Jones et Gosling (2005) le terme
anglo-saxon temperament est plus souvent utilis lors dtudes concernant des
animaux ou des nouveaux-ns, alors que le terme personality est rserv aux
tudes sur les enfants ou les adultes (Jones et al., 2005). Le temprament peut tre
dfini comme un concept global, compos de plusieurs dimensions. Les dimensions
sont dfinies comme des caractristiques comportementales stables dans le temps et
entre les situations (Lansade et al., 2010).
LA STRUCTURE DU TEMPRAMENT ET LES QUESTIONNAIRES
Le modle thorique du temprament le dcompose en dimensions, qui elles-mmes
se dcomposent en traits, exprims par des tats (comportements) (modle
hirarchique propos par Eysenck (1967) dans (Lansade, 2005)). Le trait dsigne
une propension { manifester un type dtat dans des situations similaires et la
dimension se dfinit partir de la corrlation de plusieurs traits entre eux . Les
dimensions sont thoriquement indpendantes entre elles (Lansade, 2005).
Les dimensions et les traits dont est compos le temprament ou la personnalit ont
fait lobjet de nombreuses tudes, dabord dans le domaine de la psychologie humaine.
La composition de la structure de la personnalit la plus largement accepte chez
lhumain est le modle des cinq facteurs (FFM) (Costa et al., 1992;
Plaisant et al., 2005). Les cinq grandes dimensions de ce modle sont acceptes
comme la taxonomie empiriquement stable et efficace des traits de la personnalit
humaine (hors pathologie psychologique). Ces cinq dimensions sont : l'Extraversion
(nergie, enthousiasme, vs introversion), l'Agrabilit (altruisme, affection, vs hostile),
la Conscience (caractre consciencieux, capacit se contraindre, contrle de soi,
vs impulsivit), l'Ouverture (originalit, ouverture desprit, vs ferm { lexprience,
troitesse desprit) et le Nvrosisme (nervosit, affectivit ngative, vs stabilit
motionnelle positive) (Gosling et al., 1999). Les dfinitions de ces 5 dimensions sont
proposes par John et Srivastava (1999) in (Plaisant et al., 2005) : L'extraversion
implique une approche enthousiaste du monde matriel et social incluant des traits
comme la sociabilit, l'action, l'affirmation de soi et les motions positives. L'agrabilit
oppose une approche communautaire et sociale tourne vers les autres avec son
contraire. [] La conscience dcrit le contrle socialement autoris des impulsions qui
-
[40] INTRODUCTION
facilitent un comportement orient vers une tche ou un but. [] Le nvrosisme oppose
une stabilit motionnelle et une humeur gale avec des motions ngatives. []
L'ouverture dcrit la largeur, la profondeur, l'originalit et la complexit de la vie
mentale et des expriences de l'individu . Le temprament ne peut tre rduit ces 5
dimensions, mais elles reprsentent toutefois une gnralisation de la structure du
temprament et sont utilises dans beaucoup de recherches empiriques. Ces 5
dimensions ont une base gntique et sont stable chez ladulte (Plaisant et al., 2005).
Diverses tudes ont test ces 5 dimensions chez les animaux (Gosling et al., 1999;
Gosling, 2001; Gosling et al., 2002; Gosling et al., 2007; Mehta et al., 2008). Ces
questionnaires ont t adapts et tests pour valuer le temprament du cheval
(Morris et al., 2002a; Morris et al., 2002b). Chez le cheval domestique, les dimensions
les plus reprsentatives du temprament sont le nvrosisme (anxit, nervosit,
propension { la peur, sentiment dinscurit,...) et lextraversion (sociable, gai,
participatif, intrpide, comptitif, fier, intelligent, meneur,...) (Morris et al., 2002a;
Momozawa et al., 2005; McGrogan et al., 2008).
Dautres tudes sur le temprament des animaux existent :
Stevenson Hinde et al. (1978 et 1980) dans (Lloyd et al., 2007) nous proposent une
approche du temprament base sur des traits dfinis par adjectifs comportementaux
(BDAs : behaviourally defined adjectives). Cette mthode a t initialement propose
pour les macaques rhsus et a ensuite t adapte pour lvaluation du temprament
dautres espces. Cette approche est flexible car elle utilise des adjectifs qui peuvent
tre facilement adapts diverses espces. Lloyd et al. (2007) ont utilis ces BDAs
pour valuer le temprament des chevaux domestiques. Leurs rsultats dcomposent
la structure du temprament du cheval en 6 dimensions. Parmi les 30 BDAs, ils nen
valident que 25 pour les chevaux. Cinq BDAs ont t rejets du questionnaire car ils
sont difficilement apprciables chez le cheval, soit parce que le vocabulaire est non
adapt { lespce quine, soit parce que la situation dans laquelle les chevaux sont
observs ne permet pas dobserver les comportements lis { ces BDAs. Une analyse en
composante principale de leurs rsultats permet de montrer que les 6 dimensions
expliquent 79,3% de la variance totale du temprament. Ces 6 dimensions, utilises
dans ce questionnaire HPQ (Horse Personality Questionnaire), valid pour le cheval
par Lloyd et al. (2007), sont appeles : la dominance, lanxit, lexcitabilit, la
protection, la sociabilit et la curiosit. Les dimension se dfinissent selon des traits
de temprament. La dimension dominance est dfinie par les traits agressif (+),
excentrique (+), indpendant (+), quilibr (-), irritable (+), subalterne (-), fiable (-) et
obstin (+). La dimension anxit est dfinie par les traits craintif (+), peureux (+),
manque dassurance (+), crisp (+) et mfiant (+). La dimension excitabilit est
dfinie par les traits actif (+), lent, calme (-), nerveux (+) et intelligent (+). La
dimension protection est dfinie par les traits maternel (+), comprhensif (+) et
protecteur (+). La dimension sociabilit est dfinie par les traits taquin (+), populaire
(+) et social (+). Et enfin la dimension curiosit est dfinie par les traits curieux (+) et
opportuniste (+).
-
INTRODUCTION [41]
Il y a des points communs entre la mthode drive des big five (Morris et al., 2002b)
et celle du HPQ (Lloyd et al., 2007). Le facteur nvrosisme de la premire mthode
correspond { lanxit de la seconde (items relatifs { la peur et { linscurit). Le
facteur extraversion est proche de la sociabilit, le facteur agrabilit proche de
celui de dominance et louverture est proche de la curiosit. Le questionnaire HPQ,
dvelopp pour les chevaux par Lloyd et al. (2007), est fiable et les termes utiliss
dans les items sont dfinis par des comportements qui sont faciles comprendre et
interprter par les propritaires et les personnes soccupant de chevaux
(Lloyd et al., 2007).
Toutefois, que cela soit avec la mthode drive de Stevensen-Hinde et al. (1980) ou
celle drive des big five (Costa, 1992), les auteurs saccordent sur le fait que certains
facteurs ne sont pas applicables aux chevaux. En effet, certains traits du temprament
adapts { lhumain ou aux macaques rhsus sont intressants mais difficiles {
apprcier chez un cheval. Cest le cas de louverture desprit ou de la conscience .
Les termes utiliss pour dterminer ces traits sont difficilement applicables au cheval
(rveur, sens moral, questionnement au sujet de la nature de lunivers, bien
organis). Le trait concernant le caractre agrable du cheval est galement
difficilement valu car ils dpendent des liens existant entre lvaluateur et le cheval
(Lloyd et al., 2007).
Les premires valuations du temprament des quids par des questionnaires ont
t ralises pour dterminer le temprament dnes (French, 1993), puis des
chevaux (Le Scolan et al., 1997; Anderson et al., 1999; Morris et al., 2002a;
Morris et al., 2002b; Seaman et al., 2002; Momozawa et al., 2003; Momozawa et al.,
2005; Momozawa et al., 2007). Les questionnaires de ces tudes sont remplis par des
personnes familires ou non du cheval, selon les comportements habituels du cheval
ou selon les comportements observs lors dun test, par une ou plusieurs personnes
Les mthodes sont trs varies, les rsultats obtenus galement.
Lavantage des questionnaires dcrits ci-dessus, remplis par les propritaires, est
quils se basent sur des observations { long terme. Ils permettent galement dvaluer
simultanment plusieurs traits de temprament. Les inconvnients sont quils sont
soumis la subjectivit des personnes qui les remplissent. Pour une valuation
complte et globale du temprament, la personne questionne doit avoir
suffisamment ctoy le cheval (Lansade, 2005). Les questionnaires peuvent
cependant tre adapts pour mesurer divers traits de temprament, selon le degr de
familiarit de la personne et du cheval (propritaire, palefrenier, vtrinaire,
observateur tranger,) et galement selon la situation observe (milieu naturel,
hospitalisation, comptition).
-
[42] INTRODUCTION
LE TEMPRAMENT DTERMIN PAR LOBSERVATION DE
COMPORTEMENTS
Les animaux peuvent tre observs dans leur milieu de vie, quil soit naturel, semi-
naturel ou artificiel. On peut galement observer lanimal dans des situations
particulires. Les comportements exhibs lors de ces tests aident dterminer les
tendances du temprament du cheval. Ces tests sont nombreux et les comportements
observs, ainsi que les traits de temprament quils permettent didentifier varient
selon les espces. Certains de ces tests sont adapts au cheval et permettent dvaluer
un ou plusieurs traits de temprament. En gnral les tudes utilisent un ou plusieurs
tests comportementaux et ils se droulent lun { la suite de lautre ou combins
(McCann et al., 1988; Le Scolan et al., 1997; Visser et al., 2001; Visser et al., 2003a;
Forkman et al., 2007; Lesimple et al., 2011) .
Les tests les plus utiliss chez le cheval sont le test open-field , le test de lobjet
nouveau , les tests de mise en prsence dun humain passif ou actif, les tests de
manipulation, de vigilance, de sensibilit tactile,... Ils permettent de dterminer des
traits de temprament tels que la propension la peur, la ractivit motionnelle, la
curiosit, Aucun de ces tests ne peut cependant dfinir lensemble des traits qui
composent le temprament du cheval. Et selon Seaman et al. (2002), ils ne peuvent
pas non plus prdire la raction quun cheval aura dans une autre situation
(Seaman et al., 2002).
LE TEST DE LOPEN-FIELD
Le test de lopen-field est conu au dpart pour mesurer des comportements chez le
rat tels que la peur ou la ractivit motionnelle. La ractivit motionnelle est une
caractristique propre { lindividu qui dcrit sa raction face { des vnements perus
comme menaants pour son intgrit, elle dcrit la propension manifester des
ractions de peur (Lansade, 2005). Cest la disposition ressentir des motions, ou
diffrencier les individus ragissant plus rapidement et plus intensment un stimulus
effrayant des individus ractions plus lentes et moins intenses (Vandenheede, 1996).
Lors du test de lopen-field, lanimal est plac dans un espace nouveau, de grande taille.
Les ractions du rat, augmentation des dfcations et de lactivit, sont interprtes
comme tant des mesures de la peur de lanimal face { la nouveaut ou { la grandeur
de lespace propos. Des recherches plus rcentes suggrent que les comportements
exhibs par le rat varient selon les motivations, ractions telles que le freezing
(immobilisation) provoqu par la peur, lexploration, lenvie de schapper et
lisolement social (Rushen, 2000). Le test de lopen-field est souvent utilis pour
valuer le stress des animaux domestiques. Linterprtation des rsultats de ce test
reste toutefois dlicate. Certains auteurs attribueront au degr dactivit lors du test
de lopen-field de la nervosit , alors que dautres auteurs y mesureront la
motivation locomotrice . Les comportements exhibs lors de ces tests, que cela soit
chez les rongeurs ou chez les animaux domestiques, semblent en fait plutt rsulter
-
INTRODUCTION [43]
dun mlange de plusieurs motivations telles que la tendance { se dplacer, { explorer
et/ou avoir peur (Rushen, 2000).
Le test est initialement prvu pour des rongeurs, habitus vivre en cage ou dans des
espaces rduits : il naura donc pas le mme effet sur le cheval, plus habitu aux
grands espaces (mange, pture). Cette confrontation { un grand espace, lment
stressant pour un animal-proie habitu fuir dans le sous-sol (rongeurs), permet bien
de mesurer la peur. Ce ne sera donc pas le cas pour un grand herbivore comme le
cheval, qui lui exprimera davantage des comportement de stress et de peur lors dun
test de confinement. Le test de lopen-field nest donc pas valide pour valuer la peur
chez le cheval (Forkman et al., 2007). Nous garderons le nom de test open-field pour
dcrire un test ralis dans un endroit o le cheval une relative libert de
mouvement (davantage que lorsquil est confin dans une stalle). Le lieu dans lequel
le cheval est test peut tre connu ou inconnu. Dans le cas du lieu inconnu, le test
value galement la raction la nouveaut du lieu (Lansade, 2005). Ces tests sont
nomm test en libert (Hausberger et al., 2002) ou arena test
(Forkman et al., 2007) dans dautres tudes. Pour le cheval domestique, ils valuent
donc plutt la motivation locomotrice et la motivation sociale que rellement la peur ou
la nervosit (Mal et al., 1991; Bagshaw et al., 1994).
En pratique, lopen-field consiste isoler un cheval dans un endroit connu ou inconnu
(par exemple un mange, une piste). Les comportements nots seront : lactivit
locomotrice (immobile, marche, trot, exploration), la position de la queue, les
comportements dlimination (dfcations et mictions) et les vocalisations. Le temps
pass dans larne varie entre 5 et 20 minutes selon les cas (Forkman et al., 2007).
LE TEST DE LOBJET NOUVEAU
Ce test est ralis dans une arne, inconnue ou aprs habituation pralable du cheval
au lieu (un jour prcdant ou quelques minutes avant apparition de lobjet). Le
stimulus propos au cheval est un objet qui varie selon les tudes (parapluie,
ballon). Comme dans le test de lopen-field, le cheval est test seul. Les
comportements encods sont ceux du test de lopen-field (locomotion, position du
corps) additionns de comportements relatifs { lintrt que le cheval porte {
lobjet : latence de contact, distance de lobjet, frquence et dure des contacts,
comportements dexploration(Forkman et al., 2007). Diverses tudes ont utilis ces
tests avec des mthodologies diffrentes, lieu connu ou inconnu, objet statique ou
apparition soudaine (Le Scolan et al., 1997; Wolff et al., 1997; Visser et al., 2001;
Seaman et al., 2002; Momozawa et al., 2003; Grecka et al., 2007; Visser et al., 2008a).
Ces tests visent principalement mesurer la propension du cheval ragir la
nouveaut.
Le principal problme dinterprtation de ce test est quen plus de mesurer la
propension ragir la nouveaut, il mesure galement la raction { lisolement et la
motivation locomotrice. Il faut galement noter que des comportements actifs tels que
-
[44] INTRODUCTION
les interactions avec lobjet sont assez clairs, tandis que les comportement passifs
peuvent tre plus difficiles interprter : un cheval indiffrent, peu curieux et un
cheval peureux mettront tous les deux beaucoup de temps { approcher lobjet
(Forkman et al., 2007). Dautres comportements peuvent cependant aider {
diffrencier ces 2 traits de temprament. Des mesures physiologiques peuvent
galement aider { discerner lindiffrence de la peur.
LE TEST DE MANIPULATION
Tous les tests de manipulation impliquent la prsence dun humain et donc
combinent leffet de la manipulation { celui de la peur de lhomme (Forkman et
al., 2007). Ces tests sont trs varis. Ils sinspirent la plupart du temps de
manipulations classiquement rencontres en levage, telles que les manipulations
vtrinaires, la pause dun tord-nez, le passage sur une balance, la monte dans un
camion Les variables enregistres lors de ces tests sont relatives la facilit avec
laquelle ces manipulations se droulent : nombre de tentatives, dure des essais
ainsi que les ractions du cheval envers la contrainte : mouvements du corps (tte,
pieds), tensions musculaires, et ventuelles vocalisations, dfcations. Ces tests
peuvent tre intressants et apporter beaucoup { ltude du temprament mais les
rsultats varient fortement selon le type de manipulation, limplication de lhomme
dans la procdure (Forkman et al., 2007), la relation prexistante entre lhomme et le
cheval ainsi que la rponse de lhomme aux ractions exprimes par le cheval pendant
le test. Plus les tests sont complexes, plus leur standardisation demande de lattention.
Contraindre un animal-proie comme un cheval peut tre associ { lattaque dun
prdateur, ou du moins la rduction de sa possibilit de fuir. Les rsultats peuvent
varier fortement selon le niveau de contention durant la manipulation mais galement
selon lexprience que le cheval a des manipulations.
LES TESTS COMPORTEMENTAUX ET LA MOTIVATION SOCIALE DU
CHEVAL
Lors des tests comportementaux, les chevaux sont tests seuls, avec possibilit ou non
davoir des contacts visuels, auditifs ou olfactifs avec leurs congnres. Ces situations
peuvent influencer fortement les rsultats des tests. Le cheval tant un animal
grgaire, il faudra tenir compte de sa motivation sociale. Lenvie que le cheval aura de
rejoindre ses congnres va modifier ses comportements. Par exemple, un cheval
forte motivation sociale, isol dans une arne, passera beaucoup de temps hennir,
explorer larne et/ou { attendre devant la porte qui mne vers les autres chevaux. Si,
dans lendroit dans lequel le cheval est test, persiste lodeur de ces congnres, le
cheval passera beaucoup de temps { flairer le sol. Lors du test de lobjet nouveau, les
comportements sociaux vont interfrer avec les comportements de curiosit,
dexploration de lobjet. Donc, lors de tests valuant des traits autres que lattraction
sociale, il faudra essayer de limiter la motivation sociale ou de standardiser la
situation dans laquelle se droulent les tests.
-
INTRODUCTION [45]
CORRLATIONS ENTRE QUESTIONNAIRES ET TESTS
COMPORTEMENTAUX
Les traits du temprament dtermins par les questionnaires correspondent-ils aux
comportements que le cheval exprime lors des tests ? Les questionnaires utiliss lors
des tudes sont souvent diffrents et la faon dont les tests sont raliss varie
galement. Cest pourquoi il nest pas tonnant de voir que les rsultats divergent et
sont mme parfois contradictoires. Alors que certaines tudes ne trouvent pas de
corrlation entre comportement lors des tests et scores obtenus dans les
questionnaires (Seaman et al., 2002; Visser et al., 2003a), dautres mettent en
vidence certaines relations entre des traits de temprament et des comportements
observs (Momozawa et al., 2003; Visser et al., 2003a; Grecka-Bruzda et al., 2011).
Lloyd et al. (2007) trouvent galement des corrlations significatives entre les
composantes du temprament values par le HPQ et des observations
comportementales.
Dans leur tude, Anderson et al. (1999) nobtiennent pas de corrlation fiable entre la
ractivit, le temprament et les concentrations en cortisol sanguin. Par contre,
lanalyse plus profonde de leurs rsultats indique quil y aurait une possibilit de
prdire le temprament grce la ractivit et les concentrations en cortisol sanguin.
Une seule relation est significative : celle entre la ractivit et le taux dhormones dans
le sang. Les chevaux ayant un score de ractivit lev ont un taux de cortisol sanguin
plus lev que ceux qui obtiennent un score de ractivit faible.
CONCLUSIONS SUR LAPPRCIATION DU TEMPRAMENT
Ltude du temprament pourrait nous aider { anticiper les ractions des chevaux
lorsquils sont confronts { des lments stressants, tels que la nouveaut ou certaines
manipulations (Visser et al., 2001; Visser et al., 2003a). Certains auteurs sintressent
au temprament pour chercher les causes du dveloppement de comportements
anormaux apparaissant en captivit, comme les frquentes strotypies
(Nagy et al., 2010). Le temprament du cheval est galement un facteur dterminant
en quitation. Les performances ralises en comptition de saut dobstacles seraient
lies { la condition physique, { lentranement du cheval, mais galement { son
temprament ; valuer le temprament des chevaux permettrait donc de prdire les
capacits dapprentissage (Lansade et al., 2010) et les performances futures
(Visser et al., 2001; Visser et al., 2003b). Ces liens entre performances en comptition
et temprament ont galement t dmontrs chez les humains
(Egloff and Gruhn 1996 dans (Lloyd et al., 2007)). En comptition, les cavaliers de
haut niveau sont unanimes pour dire que le temprament de leur cheval est un facteur
important de russite. Lamlioration des performances en comptition est un but en
soi mais il est galement intressant de permettre aux responsables de centre
questre (de loisirs ou dhippothrapie) de choisir leurs chevaux selon leur
temprament, ce qui est dj le cas dans certains centres questres. Ceci viterait
-
[46] INTRODUCTION
dutiliser des chevaux trop peureux ou trop nerveux avec des cavaliers
dbutants (Lansade, 2005), situations { lorigine de nombreux accidents. Vu les liens
troits entre temprament et comportements exhibs, il est possible de tester la
valeur prdictive du temprament sur les comportements futurs des chevaux. Des
questionnaires et/ou des tests comportementaux pourraient tre utiliss pour choisir
les chevaux et les orienter vers diverses disciplines et ce ds leur plus jeune ge
(Lansade, 2005). La slection des chevaux selon leur temprament rduirait les cots
pour les entraneurs et augmenterait le bien-tre des chevaux, en vitant de leur
infliger des entranements qui ne leur conviendraient pas (Lloyd et al., 2007). Le fait
de pouvoir prdire lintensit de la raction comportementale face { une situation
stressante, en comptition ou en clinique, et ce grce une apprciation pralable du
temprament prsente donc un grand intrt car cela devrait permettre de rduire le
nombre daccidents et daugmenter le bien-tre des cavaliers et de leur montures, et
aussi de toute personne amene manipuler les chevaux.
7. LA MESURE DU STRESS
Un des objectifs des tudes sur la biologie du stress est de dvelopper des mesures
cliniques du stress et du distress. Il faut donc essayer de mesurer les rponses au
stress. Le principal challenge technique va tre de prlever les chantillons
ncessaires ces mesures sans induire un stress supplmentaire chez le sujet.
Ensuite, ltre humain ou lanimal dispose de quatre systmes de dfense au stress,
mais il ne va pas ncessairement les utiliser tous les quatre (voir chapitre Les
rponses au stress , p.28). Il nexiste pas de rponse non-spcifique applicable
nimporte quel lment stressant, comme le pensait Selye (1907-1982) lorsquil a
tudi leffet du stress sur des rats de laboratoire. Divers lments stressants vont
provoquer des rponses biologiques trs varies. Ds lors, si nous utilisons ces
diffrents systmes pour diagnostiquer la prsence dun stress, nous devons utiliser
des mesures spcifiques pour chaque lment stressant. Il est difficile dvaluer quels
systmes de dfense sont mis en place lors dun stress. Mais nous devons nous
rappeler que ce qui est important en terme de bien