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Actualites en Neurosciences
Les neurones miroirs : de l’anatomie aux implicationsphysiopathologiques et therapeutiques
Mirror neurons: From anatomy to pathophysiological and therapeuticimplications
B. Mathon a,*,b
a Service de neurochirurgie, groupe hospitalier universitaire La Pitie-Salpetriere, Assistance publique–Hopitaux de Paris, 47-83, boulevard de
l’Hopital, 75013 Paris, FrancebUniversite Paris VI - Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jussieu, 75005 Paris, France
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i n f o a r t i c l e
Historique de l’article :
Recu le 3 juin 2012
Recu sous la forme revisee le
23 septembre 2012
Accepte le 2 octobre 2012
Disponible sur Internet le
8 fevrier 2013
Mots cles :
Neurones miroirs
Schizophrenie
Autisme
Accident vasculaire cerebral
reeducation
Anatomie
Emotions
Chirurgie
Keywords:
Mirror neurons
Schizophrenia
Autism
Stroke rehabilitation
Anatomy
r e s u m e
Introduction. – Les neurones miroirs designent une categorie de neurones qui presentent
une activite aussi bien lorsqu’un individu execute une action que lorsqu’il observe un autre
individu executer la meme action. Ces neurones joueraient un ro le dans la physiopathologie
de certaines maladies neuropsychiatriques.
Etat des connaissances. – Le systeme miroir a ete identifie, chez l’homme, dans l’aire de Broca
et dans le cortex parietal inferieur. Il serait implique dans l’imitation et son apprentissage.
Par analogie, les circuits cerebraux des emotions et de l’empathie semblent aussi capables
de fonctionner en miroir.
Perspectives. – Les etudes actuelles tentent de confirmer l’hypothese du ro le des neurones
miroirs dans la physiopathologie des troubles du comportement social, notamment
l’autisme et la schizophrenie. Aussi, la comprehension de ce systeme miroir permet le
developpement d’une pratique psychotherapeutique basee sur la resonance empathique
entre le patient et le therapeute, ainsi que l’avenement d’une technique de reeducation
passive des patients ayant un deficit moteur, consecutif a un AVC, basee sur la stimulation
du systeme des neurones miroirs.
Conclusions. – Des travaux complementaires sont necessaires pour preciser le ro le exact de
ce systeme neuronal dans la cognition sociale et dans le developpement de certaines
pathologies neuropsychiatriques.
# 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.
a b s t r a c t
Introduction. – Mirror neurons are a special class of neurons discovered in the 1990s. They
respond when we perform an action and also when we see someone else perform that
action. They play a role in the pathophysiology of some neuropsychiatric diseases.
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
Emotions
SurgeryState of art. – Mirror neur
res
parietal cortex. Their* Auteur correspondant. Service de neurochirurgie, groupe hospitalier uParis, 47-83, boulevard de l’Ho pital, 75013 Paris, France.
Addresse e-mail : [email protected].
0035-3787/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous drodoi:10.1016/j.neurol.2012.10.008
ons have been identified in humans: in Broca’s area and the inferior
ponses are qualitative and selective depending on the observed
niversitaire La Pitie-Salpetriere, Assistance publique–Ho pitaux de
its reserves.
action. Emotions (including disgust) and empathy seem to operate according to a mirror
mechanism. Indeed, the mirror system allows us to encode the sensory experience and to
simulate the emotional state of others. This results in our improved identification of the
emotions in others. Additionally, mirror neurons can encode an observed action in motor
stimuli and allow its reproduction; thus, they are involved in imitation and learning.
Perspectives. – Current studies are assessing the role of mirror neurons in the pathopysio-
logy of social-behavior disorders, including autism and schizophrenia. Understanding this
mirror system will allow us to develop psychotherapy practices based on empathic reso-
nance between the patient and the therapist. Also, some authors report that a passive
rehabilitation technique, based on stimulation of the mirror-neuron system, has a beneficial
effect in the treatment of patients with post-stroke motor deficits.
Conclusions. – Mirror neurons are an anatomical entity that enables improved understand-
ing of behavior and emotions, and serves as a base for developing new cognitive therapies.
Additional studies are needed to clarify the exact role of this neuronal system in social
cognition and its role in the development of some neuropsychiatric diseases.
# 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
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1. Introduction
Les neurones miroirs designent une categorie de neurones qui
presentent une activite aussi bien lorsqu’une personne execute
une action que lorsqu’elle observe une autre personne executer
la meme action. En neurosciences cognitives, ces neurones
miroirs sont supposes jouer un ro le dans des capacites
cognitives liees a la vie sociale (Rochat et al., 2008), notamment
dans l’apprentissage par imitation, mais aussi dans les
processus affectifs, tels que l’empathie. L’identification de
neurones miroirs au cours des annees 1990 est due a l’equipe de
Giacomo Rizzolatti. Ils ont d’abord ete observes dans le cortex
premoteur ventral du singe (aire F5) mais aussi, par la suite,
dans la partie rostrale du lobule parietal inferieur (Bonini et
Ferrari, 2011). Chez l’etre humain, il n’existe pas de preuve
directe de l’existence de neurones miroirs. Neanmoins, etant
donne les nombreuses homologies entre les cerveaux des
differents primates, il est admis que de tels neurones doivent
aussi exister dans l’espece humaine (Rizzolatti, 2005). Les
travaux scientifiques recents tendent a confirmer l’existence de
ces neurones, et a leur attribuer un ro le dans la physiopa-
thologie de certaines maladies neuropsychiatriques. Cet article
fait etat des connaissances actuelles et des perspectives
theoriques et therapeutiques concernant les neurones miroirs.
2. Etat des connaissances
2.1. Identification et localisation anatomique du systememiroir chez l’homme
Des etudes (Buccino et al., 2001 ; Molenberghs et al., 2012)
d’imagerie par resonance magnetique fonctionnelle (IRMf) ont
permis une localisation precise des aires impliquees dans le
systeme des neurones miroirs. Les aires constamment actives
lors de l’observation des actions d’autrui sont la portion
anterieure du lobe parietal inferieur (semblant correspondre a
l’aire 40 de Brodmann), le secteur inferieur du gyrus precentral
et le secteur posterieur du gyrus frontal inferieur (semblant
correspondre a la partie posterieure de l’aire 44 de Broca). Dans
certaines conditions experimentales, on a constate egalement
l’activation d’une region plus anterieure du gyrus frontal
inferieur et du cortex premoteur dorsal. Cependant, l’activa-
tion de cette derniere aire durant l’observation pourrait
indiquer davantage une preparation a agir qu’une « activation
miroir » proprement dite. Enfin, une meta-analyse recente
(Molenberghs et al., 2012) a egalement mis en evidence une
activite miroir dans des regions telles que le cortex visuel
primaire, le cervelet et une partie du systeme limbique. Ces
regions supplementaires seraient recrutees lors de taches qui
engagent des fonctions non motrices, a composantes auditi-
ves, somato-sensorielles et affectives.
2.2. Proprietes fonctionnelles des neurones miroirs
La particularite de ces neurones tient au fait qu’ils dechargent
des potentiels d’action pendant que l’homme execute un
mouvement ; mais aussi lorsqu’il est immobile et voit (ou
meme entend) une action similaire effectuee par un autre
homme, voire seulement quand il pense que ce dernier va
effectuer cette action. Les neurones miroirs sont donc definis
par deux proprietes :
� leur caractere « miroir » : le fait qu’ils reagissent aussi bien
aux actions de soi que d’autrui ;
� leur selectivite : chaque neurone ne repond qu’a un seul type
d’action, mais ne repond pas (ou peu) quand il s’agit d’un
autre geste.
Par ailleurs, il a ete montre que la vue d’actes executes par
un tiers induit une activite cerebrale differente selon les
competences motrices des sujets en question (Calvo-Merino
et al., 2005). Ainsi, l’activation du systeme moteur des
neurones miroirs est modulee, non par l’experience visuelle,
mais par la pratique motrice.
Egalement, Caggiano et al. (2012) ont montre que les
neurones miroirs dechargent differemment selon le but final
de l’action observee. Ce constat souleve l’hypothese selon
laquelle cette decharge differentielle permettrait a l’observa-
teur de comprendre l’intention motrice de la personne
observee. Cependant, la comprehension de l’objectif de
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l’action requiert l’acces a la semantique de l’objet (par
exemple, nourriture par opposition a un objet non comestible)
ainsi que des informations contextuelles. Ainsi, la valeur
subjective assignee a un objet est un element contribuant a la
comprehension des intentions d’autrui.
2.3. Role du systeme des neurones miroirs dans lecomportement : les emotions et l’empathie
2.3.1. DegoutOn a decouvert recemment que l’insula represente l’aire
corticale primaire non seulement pour l’exteroception chi-
mique (olfaction et gout), mais aussi pour l’interoception,
c’est-a-dire la reception des signaux relatifs aux etats
interieurs du corps. Apres etre passes par la moelle epiniere,
ces signaux rejoignent des secteurs specifiques du thalamus,
lesquels, a leur tour se projettent topographiquement vers
divers secteurs de l’insula (Craig, 2002). De nombreuses etudes
d’imagerie cerebrale ont montre une activation de sa partie
anterieure en reponse a des stimuli gustatifs et olfactifs (Zald
et Pardo, 2000 ; Royet et al., 2003). Des activations plus fortes
ont ete constatees dans l’hemisphere gauche (Royet et al.,
2003 ; Zald, 2003) et on a remarque que la selectivite des stimuli
etait independante de leur intensite (Small et al., 2003). Par
ailleurs, certaines experiences ont montre que la region
anterieure de l’insula est activee a la vue d’un homme faisant
une mimique de degout et que l’amplitude des activations du
cortex insulaire est liee au degre de degout exprime par le
visage observe (Phillips et al., 1997). Ainsi, la partie anterieure
du lobe de l’insula, est active aussi bien quand la personne
eprouve du degout que lorsqu’elle voit quelqu’un exprimant
du degout. Les applications cliniques de ces constatations
experimentales sont multiples et rapportees dans la littera-
ture (Calder et al., 2000 ; Adolphs et al., 2003) : des patients
presentant des lesions de l’insula gauche n’etaient plus
capables de reconnaıtre dans les expressions faciales d’autrui
les signes de degout, bien qu’ils purent encore reconnaıtre les
autres emotions. Egalement, il est interessant de constater le
caractere multimodal du deficit : les patients eprouvaient des
sensations de degout attenuees, tandis que cela ne se
produisait pas pour des emotions comme la peur ou la colere.
Ce deficit du degout a la premiere personne permettant meme
a ces patients de s’alimenter de maniere inconsideree en se
nourrissant d’aliments absolument immangeables.
Des travaux en IRMf ont permis de garantir que les regions
anterieures de l’insula et du cortex cingulaire de l’hemisphere
droit s’activent aussi bien lorsque nous eprouvons une
sensation de degout que lorsque nous percevons une mimique
de degout sur le visage d’autrui (Wicker et al., 2003).
2.3.2. EmpathieUn certain nombre d’etudes (Preston et de Waal, 2002 ; Decety,
2002) ont propose que le systeme miroir joue un ro le important
dans l’empathie, c’est-a-dire dans la capacite a percevoir et
reconnaıtre les emotions d’autrui, en partant du postulat
qu’un systeme miroir semble exister pour les emotions.
En effet, certains auteurs se sont interesses a l’etude des
emotions primaires telles que la douleur (Hutchison et al.,
1999) : l’enregistrement de l’activite neuronale a montre que,
dans la region anterieure du cortex cingulaire, certains
neurones repondaient aussi bien a l’application de stimuli
douloureux sur la main qu’a l’observation de ces memes
stimuli appliques sur d’autres personnes. Lors d’une autre
etude (Singer et al., 2004), l’IRMf a permis une nouvelle fois la
confirmation des resultats soupconnes en electrophysiologie :
dans un premier temps, les patients temoins recevaient un
stimulus electrique douloureux, delivre par des electrodes
placees sur leur main, tandis que dans un second temps, ils
voyaient la main d’un proche sur laquelle etait placee les
memes electrodes. On avait auparavant explique aux parti-
cipants que les personnes observees subiraient la meme
procedure a laquelle ils venaient d’etre soumis. Dans chacune
de ces deux conditions experimentales, on a constate une
activation des secteurs de l’insula anterieure et du cortex
cingulaire. Cela montre qu’aussi bien la perception directe de
la souffrance que son evocation sont mediatisees par un
mecanisme miroir analogue a celui constate dans le cas du
degout.
L’interpretation de ces donnees montre que le systeme
miroir des emotions permet, en codant l’experience senso-
rielle, de simuler l’etat emotionnel d’autrui dans notre cerveau
et donc de mieux identifier les emotions eprouvees par les
individus de notre entourage. Par analogie, il a ete prouve que
l’incapacite de comprendre les reactions emotionnelles des
autres est etroitement liee a l’incapacite de les eprouver a la
premiere personne. Neanmoins, ces interpretations sont
debattues car le systeme miroir mis en evidence pour les
emotions est tres different de celui qui a ete identifie chez le
singe, en utilisant des actions motrices (Baird et al., 2011).
Etablir un lien entre ces deux systemes reste donc speculatif.
2.4. Role du systeme miroir dans l’imitation
Des experiences de magnetoencephalographie (MEG) (Heiser
et al., 2003) ont montre que le systeme miroir joue un ro le
fondamental dans l’imitation, en codant l’action observee en
termes moteurs et en permettant ainsi sa reproduction. De
plus, il a ete remarque que l’activation, au cours de l’imitation,
de l’aire de la partie anterieure du sillon temporal superieur
(STS), anatomiquement connectee au lobe parietal inferieur et
a certains secteurs du lobe prefrontal, semble legerement
superieure par rapport a celle enregistree durant la simple
observation. Par ailleurs, d’autres travaux (Koski et al., 2003)
ont montre que lorsqu’un homme se limite a observer une
action, il prevaut une congruence anatomique (ipsilateralite
de l’activation) tandis que lorsqu’il imite l’action observee,
celle-ci est codee selon la congruence spatiale (controlateralite
de l’activation). Il est probable que cette inversion dans
l’activation des neurones visuels du STS, lors de l’imitation,
soit due a l’influence des neurones miroirs fronto-parietaux,
lesquels favoriseraient la selection de ces types moteurs
spatialement congruents avec ceux observes.
Il convient desormais d’etudier les cas lors desquels
l’imitation ne se reduit pas a la simple repetition d’un acte
appartenant au patrimoine moteur de l’observateur, mais
necessite l’apprentissage d’un nouveau type d’action. Ainsi, il
a ete mis en evidence par Buccino et al. (2004), que, lors du
moment precedant l’imitation, on constatait une activation
intense et etendue d’une region du cortex frontal correspon-
dant a l’aire 46 de Brodmann et de certaines aires du cortex
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mesial anterieur. Egalement, pendant l’execution du mouve-
ment, les aires motrices s’activent independamment de la
nature imitative ou non de la tache.
Ainsi, il apparaıt evident qu’une transformation de
l’information visuelle en reponse motrice appropriee se
produit dans le systeme miroir. Plus precisement, le systeme
miroir, localise dans le lobe parietal inferieur et dans le lobe
frontal, traduit en termes moteurs les actes elementaires qui
caracterisent l’action observee. Toutefois, la capacite d’imita-
tion n’est determinee ni par la richesse du patrimoine moteur,
ni par la simple presence du systeme des neurones miroirs. Ce
systeme est une condition necessaire mais non suffisante
pour proceder a une imitation. Cela vaut non seulement pour
la capacite d’apprentissage par imitation qui necessite
l’intervention d’aires corticales exterieures au systeme des
neurones miroirs, mais aussi pour la capacite de repeter des
actes executes par un tiers et qui appartiennent a notre
patrimoine moteur.
Il ne peut y avoir d’imitation sans un systeme de contro le
des neurones miroirs. Cela est atteste par de nombreuses
donnees cliniques. Ainsi, certains patients presentant de
vastes lesions du lobe frontal ne peuvent s’empecher de
reproduire les mouvements executes par une autre personne
(echopraxie). Les lesions du lobe frontal semblent donc
eliminer ce systeme de regulation qui bloque la transforma-
tion des actions potentielles codees par les circuits parieto-
frontaux en actes imitatifs. Ce blocage se produirait par
inhibition des aires mesiales anterieures (pre-aire motrice
supplementaire), lesquelles en revanche apparaissent avoir
un ro le facilitateur sur le circuit parieto-frontal. Il est
probables que ces aires mesiales soient responsables de
l’apparition des actes imitatifs lorsque une personne consi-
dere opportun ou utile d’imiter les actions d’autrui. Des
resultats electrophysiologiques ont montre que les aires
corticales mesiales s’activent 800 ms avant le declenchement
d’une action, ce qui suggere que leur activation reflete la
decision de l’individu d’agir.
3. Perspectives
3.1. Implication des neurones miroirs en pathologie.
Ainsi, l’existence d’un systeme de neurones miroirs chez
l’homme apparaıt comme une certitude au vue des preuves
scientifiques apportees depuis leur identification chez le singe.
Les travaux de ces dernieres annees supposent une implica-
tion de cette population de neurones dans la physiopathologie
de maladies neuropsychiatriques comme l’autisme et la
schizophrenie.
3.1.1. AutismeL’hypothese d’un dysfonctionnement du systeme miroir etant
a l’origine d’un trouble dans les interactions sociales a ete
soulevee et exploree afin d’etablir un eventuel lien avec la
maladie autistique. En effet, il a ete mis en evidence une
mauvaise activation du systeme miroir lors de l’observation
des actions d’autrui, traduite en electroencephalographie par
l’absence de suppression physiologique du rythme mu lors de
l’observation, par une personne autiste, d’un mouvement de la
main chez un tiers (Perkins et al., 2010 ; Rizzolatti et Fabbri-
Destro, 2010). D’autres etudes (Dapretto et al., 2006) ont
montre un defaut d’activation en IRMf de la pars opercularis du
gyrus frontal inferieur lors de l’imitation d’emotions faciales et
ce, d’autant plus que les sympto mes autistiques sont severes.
De meme, Hadjikhani et al. ont observe, en 2006, une minceur
anormale de la substance grise une minceur anormale de la
substance grise au niveau des regions du systeme miroir et
d’autres regions impliquees dans la reconnaissance et
l’imitation des expressions faciales et ce, correle a la severite
symptomatique de l’autisme.
Egalement, il apparaıt que les neurones pyramidaux des
aires 44 et 45 de Brodmann, ont une taille significativement
inferieure chez les patients autistes que chez les sujets sains,
bien que leurs nombres soit equivalent dans les deux
populations (Jacot-Descombes et al., 2012). Cela suggere une
dysfonction de ces aires corticales, impliquees dans le
systeme miroir, pouvant jouer un ro le dans la physiopa-
thologie de l’autisme. Cette derniere hypothese prete cepen-
dant a controverse puisque seulement environ 10 % des
neurones sont consideres comme des neurones miroirs dans
les zones 44 et 45 (Gallese et al., 1996).
3.1.2. SchizophrenieL’hypothese d’un dysfonctionnement du systeme miroir
comme origine possible de certains sympto mes de la
schizophrenie a ete soulevee. En effet, les distorsions dans
la cognition sociale (idees d’influence, idees paranoıdes) ainsi
que les comportements d’imitation (echolalie, echopraxie)
pourrait resulter d’une alteration de ce systeme miroir. Des
etudes en IRMf (Gur et al., 2002) ont ete realisees chez des
patients atteints de schizophrenie paranoıde et ont mis en
evidence, lors de la presentation de stimuli menacants, une
hyperactivation du systeme autonome et une hypoactivite de
l’amygdale et des regions prefrontales. Ces anomalies
pouvant e tre liees a certaines cognitions paranoıdes comme
l’attribution d’etats mentaux propres a d’autres personnes. A
partir de la me me hypothese, Kato et al. (2011) ont montre, en
MEG, que les patients non traites atteints de schizophrenie
presentent une aberration de fonctionnement des neurones
du cortex parietal inferieur droit, qui est caracterisee par un
dysfonctionnement de la gamma-synchronisation lors de
l’observation d’un stimulus visuel biologique (mouvement de
la ma choire d’un autre individu). L’electroencephalographie
a permis de corroborer ces resultats, en montrant une
suppression du rythme mu de ces me mes neurones, chez
des patients schizophrenes en phase psychotique active
(McCormick et al., 2012). Ces alterations electrophysiologi-
ques seraient proportionnelles a la severite de la psychose.
Enfin, une diminution de l’activite des neurones du systeme
miroir a ete observee, par stimulation magnetique trans-
cra nienne, dans une population de patients schizophrenes
lors de l’observation d’une action, par rapport a un groupe
temoin (Enticott et al., 2008).
3.2. Perspectives therapeutiques
La comprehension du fonctionnement des neurones du
systeme miroir peut s’averer etre un tournant dans le
traitement de certaines pathologies, puisque plusieurs voies
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de recherche, basees sur l’utilisation du systeme miroir,
s’ouvrent actuellement.
La tentative de comprendre la pensee d’autrui est au cœur
de la demarche psychotherapeutique. Kohut (1984) decrit le
concept de resonance empathique et montre que l’experience
repetee du patient en therapie et sa comprehension empa-
thique par le therapeute servent a reparer les deficits du
patient. A partir de ce postulat, on peut supposer une
implication du systeme miroir dans l’approche psychothera-
peutique (Schermer, 2010). En effet, gra ce a ce systeme, la
reponse ajustee du therapeute au patient serait internalisee a
son tour par le patient, rehaussant son sens de connectivite a
l’autre, contribuant au sentiment d’integrite de soi. Egale-
ment, le systeme miroir aiderait le patient a « voir » son etat
emotionnel au travers de la reponse du therapeute, et aiderait
le patient non seulement a sa propre decouverte mais aussi a
la decouverte de soi dans l’esprit de l’autre. Cette interaction
circulaire de simulations internalisees entre patient et
therapeute confere un ro le majeur aux neurones miroirs dans
la theorie psychotherapeutique.
Un autre axe de recherche porte sur la possibilite de
reeduquer les patients atteints d’accidents vasculaires cere-
braux (AVC) par l’observation d’actions motrices afin de
stimuler le systeme miroir (Garrison et al., 2010 ; Sale et
Franceschini, 2012). Etant donne que les neurones des cortex
premoteur et parietal ont la capacite de s’activer non
seulement lors de l’execution d’une action, mais aussi lors
de l’observation de celle-ci executee par d’autres, le systeme
moteur peut donc etre active sans mouvement manifeste.
Chez des patients atteints de deficits moteurs importants avec
une faible reserve fonctionnelle, ces auteurs preconisent une
readaptation basee sur la stimulation du systeme des
neurones miroirs, grace a des exercices d’observation de
l’action et d’imitation, permettant de reconstruire la fonction
motrice de maniere passive. Small et al. (2012) proposent aussi
un recours systematique a une sequence d’observation–
execution, basee sur le systeme miroir, pour aider les patients
aphasiques apres un AVC a recouvrer la parole. Ces techniques
de reeducation peuvent intervenir en complement ou en
remplacement de la therapie physique.
Enfin, le dysfonctionnement des neurones miroirs, sup-
pose etre a l’origine de certains sympto mes de la schizo-
phrenie ou de l’autisme, pourrait devenir, une visee
therapeutique neurochirurgicale, dans les annees a venir.
L’hypoactivite des regions cerebrales impliquees dans le
systeme miroir, observee dans ces pathologies, pourrait etre,
lors de protocoles de recherche, une cible de la stimulation
cerebrale.
4. Conclusions
La decouverte recente chez l’homme, du systeme miroir,
situe dans l’aire de Broca et dans le cortex parietal inferieur, a
abouti a de nombreuses recherches en neurosciences
cognitives. Ce systeme serait responsable de nombreuses
proprietes fonctionnelles motrices : il code des actes moteurs
transitifs et intransitifs, il est capable de selectionner aussi
bien le type d’acte que la sequence des mouvements qui le
composent ; enfin, il ne requiert pas une interaction effective
avec les objets, il s’active aussi quand l’action est simplement
mimee.
Egalement, il existe de plus en plus d’indices que l’activite
miroir decouverte pour les actions est ubiquitaire dans le
cerveau. Les circuits cerebraux des emotions, des perceptions,
et aussi de l’apprentissage par renforcement, semblent aussi
capables de fonctionner ‘‘en miroir’’ ; en s’activant quand
hommes ou singes observent un autre ressentir, percevoir, ou
apprendre ; comme le circuit parieto-premoteur le fait pour les
actions. Ce fonctionnement miroir des emotions serait
explique par un circuit anatomique complexe : les informa-
tions provenant des aires visuelles qui decrivent des visages
ou des corps exprimant une emotion arrivent directement a
l’insula, ou elles activent un mecanisme miroir autonome et
specifique, capable de les coder dans les formats emotionnels
correspondants. L’insula est le centre de ce mecanisme miroir,
car non seulement elle est la region corticale ou sont
representes les etats interieurs du corps, mais elle constitue
un centre d’integration viscero-moteur dont l’activation induit
la transformation des stimuli sensoriels en reactions viscera-
les. Il a par ailleurs ete mis en evidence l’implication des
neurones du systeme miroir dans l’imitation et son appren-
tissage, ainsi que l’existence d’un systeme de contro le situe
dans le lobe frontal, afin d’eviter un comportement imitatif
anarchique.
Ces dernieres annees ont souleve l’hypothese du ro le des
neurones miroirs dans les troubles du comportement social,
notamment l’autisme et la schizophrenie. Les travaux actuels
tentent de determiner le ro le joue par ce systeme neuronal,
defini en des termes neurobiologiques, dans les aspects
complexes de la cognition sociale et dans le developpement
de certaines pathologies neuropsychiatriques.
Enfin, la comprehension de ce systeme de neurones miroirs
permet actuellement le developpement de deux axes
therapeutiques : l’un concernant la pratique psychotherapeu-
tique, l’autre la reeducation passive des patients presentant
un deficit neurologique moteur suite a un AVC.
Declaration d’interets
L’auteur declare ne pas avoir de conflits d’interets en relation
avec cet article.
r e f e r e n c e s
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