traitement d’une atteinte osseuse sarcoïdosique bifocale associant calcanéite et dactylite

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Page 1: Traitement d’une atteinte osseuse sarcoïdosique bifocale associant calcanéite et dactylite

FAIT CLINIQUE

Traitement d’une atteinte osseuse sarcoïdosiquebifocale associant calcanéite et dactylite

Yannick Allanore, Serge Perrot, Charles-Joël Menkès, André Kahan*Service de rhumatologie A, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France

(Reçu le 17 août 2000 ; accepté le 4 octobre 2000)

Résumé – Un patient souffrant de sarcoïdose cutanéopulmonaire non traitée, a développé une atteinteosseuse associant dactylite et calcanéite. Les radiographies montraient une lacune de la deuxième phalangedu médius gauche. Les clichés des pieds étaient normaux ; cependant une imagerie par résonancemagnétique nucléaire objectivait une lacune du calcanéum gauche. L’instauration de méthylprednisolone (1g, trois jours consécutifs) a permis une amélioration spectaculaire en 48 heures ; elle a été relayée par unefaible corticothérapie orale. Une rechute digitale, 12 mois plus tard, a été, à nouveau, rapidement contrôléepar le même protocole de corticothérapie associé à un traitement de fond, sans rechute pendant quatre ans.La sarcoïdose osseuse est rare, elle touche préférentiellement les petits os des mains et des pieds ; l’atteintedu calcanéum est exceptionnelle, son traitement n’est pas codifié. Dans notre observation, une corticothé-rapie associée au méthotrexate et à l’hydroxychloroquine a permis un contrôle satisfaisant de la maladie.© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

calcanéum / sarcoïdose osseuse / thérapeutique

Summary – Management of a patient with sarcoid calcaneitis and dactylitis. Dactylitis and calcaneitisdeveloped in a patient with untreated sarcoidosis of the skin and lungs. Radiographs showed a defect in thesecond phalanx of the left middle finger. Radiographs of the feet were normal, but magnetic resonanceimaging demonstrated a defect in the left calcaneus. Methylprednisolone therapy (1 g per day for threeconsecutive days) induced a dramatic improvement within 48 hours. Low-dose oral glucocorticoid therapywas given subsequently. One year later, a recurrent episode of dactylitis responded promptly to the sameregimen. Maintenance therapy was given, and no further recurrences were noted during the four-yearfollow-up. Sarcoid bone lesions are uncommon and arise selectively in the small bones of the hands andfeet. Involvement of the calcaneus is exceedingly rare, and its treatment is not standardized. In our patient,glucocorticoid therapy combined with methotrexate and hydroxychloroquine were effective in controllingthe disease. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

calcaneus / management / sarcoid bone lesions

*Correspondance et tirés à part.Adresse e-mail : [email protected] (A. Kahan).

Rev Rhum [Ed Fr] 2001 ; 68 : 273-6Management of a patients with sarcoid calcaneitis and dactylitis – Joint Bone Spine 2001 ; 68 : 175-7© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1169833000000648/SCO

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L’atteinte osseuse de la sarcoïdose est rare. Elle toucheessentiellement les petits os tubulaires des mains etpieds, la forme la plus fréquente étant la dactylite. Elles’intègre dans les formes chroniques de la maladie et letraitement en est le plus souvent délicat. Nous rappor-tons un cas d’atteinte bifocale avec association de calca-néite et dactylite, traité par bolus de corticoïdes,méthotrexate et hydroxychloroquine.

OBSERVATION

Un patient âgé de 29 ans, d’origine vietnamienne, a étéhospitalisé dans le service pour douleurs digitales etd’un talon dans le cadre d’une sarcoïdose. Ce diagnosticavait été révélé six mois auparavant par l’associationd’asthénie, de nodules sous-cutanés et d’adénopathiesmédiastinales. Une médiastinoscopie avait permisl’étude histologique des adénopathies, montrant ungranulome épithélioïde gigantocellulaire sans nécrosecaséeuse évocateur de sarcoïdose. Des explorations fonc-tionnelles respiratoires étaient normales et l’abstentionthérapeutique avait été décidée.

Les douleurs ostéoarticulaires avaient débuté parl’atteinte digitale du médius gauche. Elles siégeaient enregard de la deuxième phalange ; l’horaire était inflam-matoire, il n’y avait pas de signes locaux. Les amplitudesarticulaires étaient conservées mais la palpation de ladeuxième phalange était douloureuse. Quelques semai-nes plus tard, apparaissait brutalement une très vivedouleur du talon gauche empêchant la marche et toutappui. La palpation du calcanéum était douloureusedans son ensemble ; il n’y avait pas de modificationcutanée en regard. L’examen général trouvait une hépa-tomégalie de 16 cm et des nodules sous-cutanés de laface antérieure des membres supérieurs évocateurs desarcoïdes à petits nodules. Les explorations biologiquesmontraient une vitesse de sédimentation à 12 mm à lapremière heure, une protéine C-réactive à 5 mg/L, unecalcémie à 2,38 mmol/L et une calciurie à 8,7 mmol/24heures. Le bilan hépatique était normal. L’enzyme deconversion de l’angiotensine était à 109 U/L (nor-male < 100). Les recherches de facteurs rhumatoïdes etde facteurs antinucléaires étaient négatives. Sur les radio-graphies standard, on notait une lacune de la deuxièmephalange du médius gauche (figure 1) ; les clichés destalons étaient normaux. Une scintigraphie au galliumobjectivait de multiples fixations osseuses : des mains(médius gauche, index droit), des talons droit et gaucheet de plusieurs orteils ; mais aussi lacrymales, paroti-diennes, médiastinales. Une imagerie par résonance

magnétique nucléaire des pieds mettait en évidence deslésions de la partie postérieure du calcanéum gauche enhyposignal T1 et hypersignal T2, sans lésion articulaireni tendineuse (figure 2). Une tomodensitométrie dutalon gauche montrait une lacune de 1 cm de diamètresans rupture de la corticale. Un traitement par bolus deméthylprednisolone, 1 gramme trois jours de suite,permettait une amélioration spectaculaire. Dès ledeuxième bolus réalisé, on constatait une améliorationde 80 % de l’ensemble des douleurs permettant lareprise de l’appui plantaire et de la marche. Ce traite-ment d’attaque a été relayé par 10 mg de prednisone parjour pendant six mois. Il fut ensuite arrêté étant donnéle maintien de l’amélioration clinique osseuse et extraos-seuse. Une rechute limitée aux deux médius et à unepoussée évolutive cutanée se produisit six mois aprèsl’interruption du traitement. Les radiographies desmains montraient une aggravation de l’atteinte dumédius gauche avec apparition d’une lacune controla-térale. De nouveau, trois bolus de méthylprednisolone(1 g/j) ont été réalisés puis relayés par 10 mg/j deprednisone avec 15 mg/semaine de méthotrexate et400 mg/j d’hydroxychloroquine. L’amélioration futimmédiate avec, sous traitement, une rémission la foisosseuse et extraosseuse de quatre ans, durée du reculactuel.

Figure 1. Radiographie des deux mains de face : lacune amputant lebord interne de P2 du medius gauche.

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DISCUSSION

L’atteinte articulaire de la sarcoïdose la plus fréquentese présente comme une polyarthrite aiguë symétriquenon destructrice localisée aux chevilles, genoux et poi-gnets, intégrée dans le cadre du syndrome de Löfgren[1]. Dans les formes chroniques, les atteintes peuventparfois devenir destructrices [2]. Le traitement reposehabituellement sur les anti-inflammatoires non stéroï-diens ou de faibles doses de prednisone ; le pronostic esthabituellement bon [2]. Dans les rares cas réfractaires,le méthotrexate, l’hydroxychloroquine, voire la cyclos-porine peuvent être proposés [1, 2].

L’atteinte osseuse a été décrite par Perthes en 1920 etJungling en 1928 sous le terme initial « d’ostéite tuber-culoïde ». Elle est rare, évaluée entre 1 et 15 % des cas desarcoïdose [3, 4], et le plus souvent asymptomatique.Les petits os tubulaires des mains et des pieds sontélectivement touchés (90 % des cas) [1]. Il est impor-tant de bien distinguer ces formes osseuses des atteintesbénignes articulaires aiguës. La dactylite surviendraitchez 0,2 % de l’ensemble des patients atteints de sar-coïdose [5]. Elle est le plus souvent associée à unemaladie systémique active avec atteinte de plusieursorganes. Elle prédomine chez les sujets jeunes [6]. Dansla dactylite, les parties molles des phalanges sont habi-tuellement envahies par un granulome puis les piècesosseuses sont le siège d’une résorption [7]. Cependantnotre observation illustre l’éventualité de la discrétion

des signes inflammatoires locaux malgré l’atteinteosseuse. Même si des rémissions spontanées ont étérapportées, l’évolution est chronique et peut parfoisconduire à des destructions et à un retentissementfonctionnel dramatiques [5]. Des cas d’amputation ontainsi été rapportés [5, 8].

Les talalgies sont exceptionnelles dans la sarcoïdose :dix cas seulement sont rapportés dans la littérature [9].Une atteinte enthésopathique est parfois discutée. Seulsquatre cas d’ostéite du calcanéum sont documentés [9].Parmi ceux-ci, l’atteinte est le plus souvent infraradio-graphique, et comme dans notre observation, c’est l’ima-gerie par résonance magnétique nucléaire qui permetd’objectiver les lésions.

Le traitement des formes osseuses est délicat [10]. Lacorticothérapie prolongée à forte dose est souvent néces-saire, c’est pourquoi il a été préconisé d’utiliser desbolus de méthylprednisolone pour bloquer l’activité dela maladie et tenter de limiter la dose totale de corticoï-des nécessaire [11]. L’observation rapportée ici illustrel’intérêt de ce type de traitement ; l’amélioration de lacalcanéite ayant été particulièrement spectaculaire. Lebénéfice obtenu a ensuite été maintenu avec une faiblecorticothérapie associée à un traitement combiné asso-ciant méthotrexate et hydroxychloroquine proposé enraison d’une rechute cutanée et osseuse avec nouvellelésion destructrice.

CONCLUSION

L’atteinte osseuse sarcoïdosique s’intègre dans les for-mes chroniques de la maladie ; l’évolution peut êtredéfavorable et le traitement est délicat. Nous rappor-tons un cas d’atteinte bifocale avec calcanéite et dacty-lite. Dans notre observation, l’emploi de bolus deméthylprednisolone puis d’un traitement de fond parméthotrexate et hydroxychloroquine associé à une fai-ble dose de prednisone ont permis un contrôle satisfai-sant de la maladie.

REFERENCES

1 Mathur A, Kremer JM. Immunopathology, rheumatic features,and therapy of sarcoidosis. Curr Opin Rheumatol 1992 ; 4 :76-80.

2 Job-Deslandre C, Feldmann JL, Prieur AM, Menkès CJ. Lesmanifestations articulaires chroniques de la sarcoïdose. AnnMed Interne 1984 ; 135 : 139-43.

3 James DG, Neville E, Carstairs LS. Bone and joint sarcoidosis.Semin Arthritis Rheum 1976 ; 6 : 53-81.

4 Sartoris DJ, Resnick D, Resnick C, Yaghmai I. Musculoskeletalmanifestations of sarcoïdosis. Semin Roentgenol 1985 ; 20 :376-86.

Figure 2. IRM pied gauche : lésion lacunaire du calcanéum, enhyposignal T1, sans atteinte articulaire ni tendineuse.

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5 Neville E, Castairs LS, James DG. Sarcoidosis of bone. Q J Med1977 ; 46 : 215-27.

6 Gumpel JM, Johns CJ, Schulman LE. The joint disease ofsarcoidosis. Ann Rheum Dis 1967 ; 26 : 194-250.

7 Abelaar RS. Sarcoidosis of the upper extremity : case presenta-tion and literature review. J Hand Surg 1983 ; 8 : 492-6.

8 Landi A, Brooks D, De Santis G. Sarcoidosis of the hand. Areport of two cases. J Hand Surg 1983 ; 8 : 197-200.

9 Grados F, Lechevalier D, Plantin P, Magnin J, Eulry F. Talalgieau cours de la sarcoïdose. Med Chir Pied 1996 ; 12 : 228-30.

10 Pitt P, Hamilton EBD, Innes EH, Morley KD, Monk BE,Hughes GRV. Sarcoid dactylitis. Ann Rheum Dis 1983 ; 42 :634-9.

11 Menkès CJ, Carter H. Traitement de la dactylite sarcoïdosiquepar perfusion intra-veineuse brève de méthylprednisolone àforte dose. Ann Med Interne 1987 ; 138 : 26-9.

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