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Page 1: Discours d'Edouard de Lépine

Meeting d’EPMN au Robert le 18 juillet 2015 1

Discours d’Edouard de Lépine

Monsieur le président du Conseil régional, cher Serge, Monsieur le Maire du Robert, cher Fred, Mesdames et Messieurs les élus de EPMN, Camarades et amis de l’extérieur venus nous aider, Camarades et amis du Robert,

À part le fait d’être un ami de Serge Letchimy, je n’avais ni mission spéciale ni aucune qualité pour présider un comité de soutien à sa candidature. Si, après l’avoir refusé j’ai finalement cédé aux sollicitations dont j’étais l’objet de quelques camarades progressistes, c’est qu’il m’a semblé que je ne pouvais pas en même temps reprocher à d’autres de se comporter en spectateurs et me dérober.

Pour des raisons évidentes, pour éviter les quiproquo, il me semblait qu’il fallait commencer par contacter et consulter les camarades ou anciens camarades PPM, ou sympathisants du PPM, autrement dit ceux qui étaient ou qui avaient été les plus proches de nous, idéologiquement et politiquement, y compris, par conséquent ceux qui, pour une raison ou pour une autre, avaient abandonné le Parti et suivi, par exemple, Claude Lise ou n’importe quel autre groupe politique.

Le rapprochement de Chantal Maignan, qui m’a agréablement surpris et très sincèrement réjoui, est venu entre temps conforter un sentiment déjà très ancien que notre commune pouvait être la première ou l’une des premières à concrétiser le vieux rêve césairien après lequel nous courrons vainement depuis tant d’années, d’ouvrir la voie à un rassemblement du peuple martiniquais tout entier.

Bien entendu, nous n’attendons de personne ni reniement, ni abjuration, ni apostasie. Simplement de prendre conscience de ce que nous vivons un moment très particulier de notre histoire et un moment très difficile.

Je crois de plus en plus qu’il nous faut tenter d’aller jusqu’au bout de l’initiative prise en 2010 par le PPM : de tenter un large rassemblement de toutes les forces vives de notre pays pour l’élaboration et la mise en pratique d’un programme de travail fondé sur le respect de notre identité de Martiniquais, sur la reconnaissance de la personnalité collective de notre peuple et de notre droit à l’initiative historique c’est-à-dire à la responsabilité dans la gestion des affaires de notre pays.

Le mérite historique de EPMN - et ce n’est pas faire injure à nos alliés que d’en attribuer le mérite pour une part essentielle à Serge Letchimy - ce n’est pas seulement d’avoir tenu ces cinq dernières années, avec les résultats que vient de vous rappeler la première

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vice-présidente, Catherine Conconne, mais d’avoir montré, qu’au bout d’un demi-siècle d’efforts ininterrompus pour améliorer notre situation générale mais aussi d’échecs cuisants, qu’il fallait faire autrement que nous avions fait jusqu’à maintenant, avec beaucoup de courage, d’abnégation et de détermination, mais avec des résultats limités.

Il n’est pas sans intérêt de jeter un coup d’œil rapide, même très rapide sur l’histoire des rendez-vous manqués de la gauche au cours du dernier demi-siècle, de la fin de la guerre de sept ans (1956-1963) entre deux de ses principales forces, les communistes et les progressistes, et la mise en place de EPMN en 2010.

Nous l’avons vu,

avec la Conférence de la Table Ronde de décembre 1963, à Paris, au lendemain du procès de l’OJAM,

avec l’échec de l’Assemblée Préparatoire du Congrès du Peuple Martiniquais pour l’autonomie de mai à septembre en 1967,

avec la Convention Morne Rouge (en août1971),

avec la fausse couche de Trénelle (janvier 1972) entre autonomistes et indépendantistes,

avec le Bloc de mai en 1974 et son prolongement de Sainte Anne (Guadeloupe) en 1977 puis avec le Fiasco du Front National pour l’autonomie en 1978,

avec l’échec du Pacte Global d’Unité (1986-1990) qui nous a permis de faire élire 4 députés de gauche en 1988 mais n’a pas tenu 4 ans.

Nous l’avons vécu enfin avec le drame de la scission du PPM en 2006, et la division de la gauche sur les consultations de 2010, touchant les modifications institutionnelles ayant abouti à la Collectivité territoriale pour laquelle vous êtes appelés à voter en décembre prochain.

Il me semble que s’il y a quelque chose à retenir de la dernière décennie c’est la nécessité d’un changement profond dans la manière d’aborder les problèmes de notre pays.

Le mérite historique de Serge est d’avoir compris ce que Césaire nous avait toujours invités à faire : sortir des sentiers battus, éviter les formules toutes faites, imaginer, inventer, pour réaliser ce dont il avait toujours rêvé c’est à dire :

« d'un grand sursaut salvateur,

d'un grand sursaut martiniquais balayant toutes les divisions,

tous les sectarismes, toutes les querelles intestines,

toutes les controverses subalternes de sectes, de clans ou de chapelles,

toutes les petites revendications plus ou moins étroitement catégorielles,

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un grand mouvement qui mettrait tous les Martiniquais - je dis bien tous - : intellectuels, ouvriers, syndicalistes, entrepreneurs, artisans, commerçants,

tous ceux qui pensent,

tous ceux qui produisent,

un sursaut qui les mettrait tous au service de la Martinique,

qui les mobiliserait tous au service du pays,

avec un seul objectif, un objectif commun : sauver la Martinique,

lui refaire une économie viable,

lui assurer un nouveau départ et jeter les bases d'une nouvelle société martiniquaise. »

Les choses ont beaucoup changé depuis cet appel vieux de 32 ans déjà.

Mais ces 32 ans, avec la décentralisation qui a constitué un formidable CFPA, un Centre de Formation Politique Accélérée, ont été d’une richesse exceptionnelle.

Je suis convaincu qu’il y a, aujourd’hui, très peu de Martiniquais qui contestent, quant au fond, notre identité de Martiniquais.

Je suis également persuadé que très peu de Martiniquais sont fondamentalement opposés à l’élargissement de nos libertés, de toutes nos libertés, y compris celles de diriger nous-mêmes nos affaires, c’est-à-dire de disposer de plus de pouvoirs pour nos assemblées locales, pour notre nouvelle collectivité territoriale comme pour nos communes.

Que les uns et les autres n’aient pas la même conception que nous de ces libertés, y compris parfois au sein d’un même parti, c’est l’évidence même. C’est naturel et c’est tant mieux. C’est cela, entre autres, la démocratie. Rien ne serait plus dangereux aujourd’hui pour nous qu’un PPU un Parti de la Pensée Unique.

Nous devons tenter simultanément de clarifier, c’est-à-dire de distinguer et par conséquent d’admettre nos différences et chercher à élargir sans cesse le consensus à l’ensemble des forces politiques intervenant dans notre pays. Autrement dit, nous ne devons plus différer le moment de cet indispensable compromis historique que certains d’entre nous ont évoqué dans leur lettre d’adhésion au PPM, il y a 33 ans.

De ce point de vue, moi qui, par principe, ne crois guère au hasard en politique, je vais vous avouer une chose. Le hasard peut parfois faire beaucoup et même faire beaucoup de bien. Je n’étais pas passé au Vert-Pré, dont j’avais pourtant régulièrement fréquenté l’Église depuis novembre 1990, depuis une bonne vingtaine d’années.

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Le Vert-Pré m’a fait faire davantage de progrès au cours de ces huit derniers jours qu’au cours des 30 dernières années.

Quand j’y suis allé, la semaine dernière, distribuer des tracts appelant à notre meeting de ce soir, avec un camarade, Valère Seguin-Cadiche, qui m’avait souvent accompagné autrefois dans les quartiers environnants, j’ai été plus qu’agréablement surpris, véritablement émerveillé par ce petit mur, à l’entrée de la rue qui mène à l’Église, un petit mur sur lequel s’affichent, au-dessous et haut dessus d’un portrait d’Aimé Césaire, deux extraits de deux de ses oeuvres majeures, le Discours sur le colonialisme et le Cahier d’un retour au Pays Natal, aussi bien choisis l’un que l’autre, mais dont l’un a particulièrement retenu mon attention :

« Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : embrassez-moi sans crainte et si je ne sais que parler ; c’est pour vous que je parlerai… »

J’ai tourné autour pendant 5 bonnes minutes, essayant de faire la photo moi-même avec mon IPhone. N’y arrivant pas ou y arrivant fort mal, j’ai demandé à Fred Miram Marthe Rose de me faire la photo et de me l’adresser par mail et surtout d’essayer de savoir qui avait eu l’idée de ces extraits et encore plus l’idée de les afficher à cet endroit… juste en face du buste du Général de Gaulle de l’autre côté de la place.

C’est le maire, m’a-t-il dit, qui a eu l’idée de ce mur et choisi cette citation. Fred ne savait peut-être pas que des générations de jeunes martiniquais et parmi eux un ou deux Robertins avaient appris par coeur, parfois très tôt à l’âge de 14 ou 15 ans, cette tirade célèbre :

Partir… Mon coeur bruissait de générosités emphatiques.

Partir ... j'arriverais lisse et jeune dans ce pays mien

et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair :

« J'ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ».

Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais :

« Embrassez-moi sans crainte ... Et si je ne sais que parler, c'est pour vous que je parlerai. »

Et je lui dirais encore :

« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir.»

Alors, monsieur le maire, je regrette très sincèrement que vous ayez été obligé de nous laisser plus tôt que prévu, car je n’entendais pas seulement vous féliciter de vive voix de cette géniale trouvaille, mais j’espère que vos adjoints et conseillers que j’ai aperçus dans cette salle, ne manqueront pas de vous rapporter en même temps que mes très

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chaleureuses félicitations, mon voeu de vous voir aller au bout de cet extrait du Cahier si judicieusement choisi.

Allez, monsieur le maire et répétez à chacun de vos adjoints et conseillers ce que vous n’avez pas pu ne pas entendre de Césaire :

Et venant je me dirais à moi-même :

« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse. »

Allez, monsieur le maire,

Allez, amis du conseil municipal du Robert

Allez camarades et amis du Robert

Allez avec la conviction qu’avec Serge Letchimy, EPMN a fait le bon choix,

Le choix du plus large contre le plus étroit,

Le choix de la dignité martiniquaise

Le choix du respect de notre identité

Le choix de la reconnaissance de la personnalité collective du peuple martiniquais

Allez camarades et amis du Robert

Et faites en sorte que notre choix du 6 décembre prochain soit très nettement au-dessus de celui du 21 mars 2010.

Pour l’honneur de la ville du Robert !

Pour l’honneur de la section du Centre Atlantique !

Edouard de Lépine

Président du Comité Robertin de soutien de la liste EPMN

conduite par SERGE LETCHIMY