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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 59 (2011) 8–16 Article original Construction d’une cure : de la prise en compte de la place des différents intervenants comme nécessité fondamentale dans certaines prises en charge The elaboration of a treatment concerning the consideration of the places of the different actors as a fundamental necessity in certain clinical situations M. Tavares , M. Badi , J. Billon , G. Schmit Service de psychothérapie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital Robert-Debré, CHU de Reims, avenue du Général-Koenig, 51092 Reims cedex, France Rec ¸u le 11 juin 2009 ; accepté le 9 juillet 2010 Résumé Les auteurs exposent la particularité du montage d’une cure en pédopsychiatrie, dans certaines situations où il est nécessaire d’élargir le système thérapeutique au tiers envoyeur qui s’occupe déjà de l’enfant. Dans la vignette clinique présentée ici, l’enfant était déjà pris en charge par une institution pour déficients visuels. Il s’agissait de construire un cadre de soins sécurisant, prenant en compte les différents professionnels et les membres de la famille, permettant plusieurs espaces différenciés dans un cadre plus large, celui de la direction de cure pédopsychiatrique. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Construction de cure ; Enfant déficient visuel ; Troubles psychologiques chez l’enfant déficient visuel ; Cécité de l’enfance Abstract The authors expose the particularity of the elaboration of a cure in child psychiatry, in certain situations where it is necessary to broaden the therapeutic system to include the third party who already takes care of the child and who has sent him for treatment. In the clinical cases presented here, the child is still being followed by an institution for the visually deficient. It was necessary to build a therapeutic framework, providing security, taking into account the different professionals and the members of the family, leading to several differentiated spaces in a larger framework that of the orientation of child psychiatric treatment. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Elaboration of the treatment; Visually deficient child; Psychological disorders in visual deficient children; Blindness in childhood 1. Introduction Une des caractéristiques du travail dans un secteur de psychia- trie infanto-juvénile est de travailler en équipe pluridisciplinaire. Des réunions d’échanges sont, à ce titre, fondamentales pour mener à bien les prises en charge des enfants et de leurs familles. La consultation pédopsychiatrique est ainsi le pivot clinique qui va permettre le montage de la cure avec ses différents suivis (en orthophonie, psychomotricité, psychothérapie, hôpital de jour, groupe thérapeutique, etc.) [1]. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Tavares). Dans le cadre de la consultation pédopsychiatrique, il s’agit d’accueillir l’enfant et sa famille avec leurs difficultés, de faire un travail de diagnostic et de choisir les stratégies de soins adaptées. À travers ces rencontres, ces échanges, se créent des représenta- tions qui donnent du sens et mobilisent l’engagement des acteurs concernés. Cette co-construction avec la famille nécessite la cohérence du système thérapeutique. Le contexte institutionnel joue ici un rôle fondamental. Il définit les places, délimite des territoires et scande des temps différents : temps du diagnostic de la nature du problème, temps des orientations thérapeutiques et temps des thérapies spécifiques [2]. Créer un système, c’est co-créer le modèle d’une relation. Ce modèle est le support d’une permanence et conditionne l’histoire du système dans son avenir [3]. 0222-9617/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2010.07.003

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Construction d’une cure : de la prise en compte de la place des différentsintervenants comme nécessité fondamentale dans certaines prises en charge

he elaboration of a treatment concerning the consideration of the places of the different actors as afundamental necessity in certain clinical situations

M. Tavares ∗, M. Badi , J. Billon , G. SchmitService de psychothérapie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital Robert-Debré, CHU de Reims, avenue du Général-Koenig, 51092 Reims cedex, France

Recu le 11 juin 2009 ; accepté le 9 juillet 2010

ésumé

Les auteurs exposent la particularité du montage d’une cure en pédopsychiatrie, dans certaines situations où il est nécessaire d’élargir le systèmehérapeutique au tiers envoyeur qui s’occupe déjà de l’enfant. Dans la vignette clinique présentée ici, l’enfant était déjà pris en charge par unenstitution pour déficients visuels. Il s’agissait de construire un cadre de soins sécurisant, prenant en compte les différents professionnels et les

embres de la famille, permettant plusieurs espaces différenciés dans un cadre plus large, celui de la direction de cure pédopsychiatrique.2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : Construction de cure ; Enfant déficient visuel ; Troubles psychologiques chez l’enfant déficient visuel ; Cécité de l’enfance

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The authors expose the particularity of the elaboration of a cure in child psychiatry, in certain situations where it is necessary to broaden theherapeutic system to include the third party who already takes care of the child and who has sent him for treatment. In the clinical cases presented

ere, the child is still being followed by an institution for the visually deficient. It was necessary to build a therapeutic framework, providing security,aking into account the different professionals and the members of the family, leading to several differentiated spaces in a larger framework that ofhe orientation of child psychiatric treatment.

2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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eywords: Elaboration of the treatment; Visually deficient child; Psychologica

. Introduction

Une des caractéristiques du travail dans un secteur de psychia-rie infanto-juvénile est de travailler en équipe pluridisciplinaire.es réunions d’échanges sont, à ce titre, fondamentales pourener à bien les prises en charge des enfants et de leurs familles.a consultation pédopsychiatrique est ainsi le pivot clinique quia permettre le montage de la cure avec ses différents suivis (en

rthophonie, psychomotricité, psychothérapie, hôpital de jour,roupe thérapeutique, etc.) [1].

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Tavares).

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rders in visual deficient children; Blindness in childhood

Dans le cadre de la consultation pédopsychiatrique, il s’agit’accueillir l’enfant et sa famille avec leurs difficultés, de faire unravail de diagnostic et de choisir les stratégies de soins adaptées.

travers ces rencontres, ces échanges, se créent des représenta-ions qui donnent du sens et mobilisent l’engagement des acteursoncernés. Cette co-construction avec la famille nécessite laohérence du système thérapeutique. Le contexte institutionneloue ici un rôle fondamental. Il définit les places, délimite deserritoires et scande des temps différents : temps du diagnostice la nature du problème, temps des orientations thérapeutiques

t temps des thérapies spécifiques [2].

Créer un système, c’est co-créer le modèle d’une relation. Ceodèle est le support d’une permanence et conditionne l’histoire

u système dans son avenir [3].

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Dans certaines prises en charge, il est nécessaire d’élargir leystème thérapeutique aux tiers qui s’occupent aussi de l’enfant.n particulier si celui-ci est déjà pris en charge en institutiont surtout si l’institution est en difficulté avec cette prise enharge. C’est le cas dans la vignette clinique que nous présentonsci.

À un moment donné de la cure est apparu le besoin d’élargire cadre thérapeutique aux référents de l’enfant (membres de’équipe de l’institution qui le prenait en charge depuis un certainombre d’années), et cela d’autant plus que cet enfant était venuonsulter en pédopsychiatrie sur les conseils de cette équipe quiencontrait des difficultés dans la prise en charge de l’enfant.

Il nous a semblé important de construire un système thé-apeutique qui permette de décoder le jeu transactionnel quious-tendait la demande, de manière à ne pas entrer dans deslliances compromettantes ou accusatrices, afin d’obtenir de laamille et des autres partenaires un engagement nécessaire, etout cela dans un processus de coopération où chacun est à salace, où chacun est reconnu par les autres, tout en reconnaissanta place des autres. C’est, nous semble-t-il, la condition sine quaon pour construire un système thérapeutique sécurisant pourous, thérapeutes et familles.

Il s’agissait aussi de construire un cadre de soins, permettantlusieurs espaces différenciés, dans un espace plus large, celuie la direction de cure.

. Des regards différents. . . un certain regard

À travers la vignette clinique concernant Adrien, nous allonsssayer de partager avec vous les questions que nous nousommes posées à certains moments clés de la prise en charge deet enfant. Pour être au plus près de la clinique et mieux fairepparaître l’implication de chacun de nous, nous écrirons à laremière personne, en employant le « je ». Chacun, depuis salace spécifique, dans le cadre thérapeutique proposé, va portern regard différent sur ce qui fait problème pour l’ensemble oues parties du groupe demandeur (enfant, parents et référents de’équipe de l’institution qui adresse l’enfant), en explorant de laacon la plus vaste possible les différents domaines touchés para problématique telle qu’elle est formulée.

Pour se faire, nous allons vous présenter une partition enrois mouvements, selon l’ordre chronologique de la prise enharge. Méri Badi, psychothérapeute consultante (directeur deure), va d’abord présenter son regard sur l’histoire de la cure,u’elle a appelée « Adrien ou l’enfant sans regard ». Ensuite,uliette Billon, psychomotricienne, présentera sa vision qu’elleintitulée ainsi : « Au-delà de l’aveuglement, des objets ». Enfin,anuel Tavares, pédopsychiatre, fera part de son point de vue,

u’il a nommé « Entre cécité et aveuglement, comment s’enortir ? ».

. Histoire d’une cure : Adrien ou l’enfant sans regard

.1. Son histoire

Je vais essayer de rapporter brièvement l’histoire de cetteure, qui se poursuit depuis plusieurs années. En effet, la mère

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’Adrien est venue consulter avec son fils en septembre 2001,lors qu’il venait d’avoir huit ans.

Les problèmes de comportement que posait cet enfant, dans’institution spécialisée où il était accueilli dans la journée (insti-ut pour déficients visuels) depuis sa toute petite enfance, étaiente motif de la demande de consultation.

Adrien est aveugle de naissance. Ses parents à l’époque deotre rencontre étaient déjà séparés. Le couple parental avaitompu après une longue période de mariage. La mère se retrou-ait seule avec deux enfants.

À sa naissance, Adrien avait été condamné à une vie végéta-ive par la médecine, et c’est grâce à l’étayage et l’investissementarental et aussi à sa propre énergie vitale qu’il a pu rester enie, se développer et accéder au langage.

Dans sa toute petite enfance, les parents encore unis, s’étaientattus ensemble pour l’aider à avoir une vie décente. Ils le fai-aient participer à toutes leurs activités sociales et le traitaientomme un enfant normal. Leur désir fut probablement un moteuruissant pour cet enfant qui s’est construit à travers le regard de’autre [4].

.2. La cure

Après la lune de miel avec la famille, arrive la période oùe suis mise en balance avec les soignants de l’institution deéférence. En effet, Adrien paraissait prendre un malin plaisir

casser le cadre proposé par ce lieu d’accueil, qui devait leupporter à longueur de journée. Ainsi, « qui arrivera à calmerdrien », semblait être la question de la mère, non sans une

ertaine jouissance. Pourrait-on faire mieux qu’elle ?Pour poursuivre l’histoire de la cure, à part les consultations

vec la famille (c’est-à-dire, la mère, Adrien et sa petite sœur, leère étant rarement présent à cette première période), je devaisussi servir de médiateur auprès de l’institution de référence,ui m’assaillait de ses plaintes.

Il y eut de nombreuses réunions communes pour essayer’apporter un point de vue un peu différent, permettant’inaugurer une approche nouvelle auprès d’Adrien, qui expri-ait à travers son comportement agressif et asocial des angoisses

rchaïques, que l’on pouvait chercher à comprendre et apai-er. Mais l’intolérance vis-à-vis d’Adrien devenait par momentsxcessive et non seulement j’étais prise à partie comme l’estne mère au sujet de son enfant, mais j’étais également disqua-ifiée.

Ainsi, le pédiatre de l’institution de référence s’adressa direc-ement à des médecins de notre service pour obtenir l’admission’Adrien à l’hôpital de jour et ensuite à la Maison des adoles-ents, sans demander mon avis.

L’insistance de la part de l’institution d’accueil pouru’Adrien soit accueilli ailleurs ressemblait fort au désir de sedébarrasser » d’un enfant encombrant, renvoyant ses éduca-

eurs et soignants à leur impuissance. On prétexta également leroblème du traitement médicamenteux pour chercher à me faire

outer et forcer mon cadre. Néanmoins, j’ai essayé de tenir bon.

J’avais très tôt pensé, dès décembre 2001, adresser Adrien enhérapie individuelle, pour lui donner la possibilité de construiren espace psychique [5]. Juliette Billon a pu, à partir d’avril

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002, recevoir Adrien régulièrement. J’ai fait également appelun pédopsychiatre, Manuel Tavares, avec qui nous avons puener ponctuellement, à deux, cette direction de cure, dès juillet

005.La participation de Manuel Tavares a permis de redonner

a place au père, qui désormais est présent aux entretiens.ors d’une période de crise avec l’institution de référence,ette présence a également permis d’élargir le cadre, en fai-ant participer leur médecin à nos rencontres avec la famille.’introduction d’un tiers favorisera la prise de distance,ettant un terme au corps à corps Adrien–Institution de réfé-

ence.Finalement, Adrien fut accueilli à partir d’octobre 2006 dans

n IME spécialisé. L’institution de référence non seulement fites recherches pour trouver ce nouveau lieu d’accueil, mais, enlus, accompagna la famille dans ses premiers pas.

.3. Observation d’Adrien, son évolution

Je voudrais revenir sur l’observation de cet enfant. Adrien’intéressa d’emblée. Très vite, j’admirai sa force vitale, me

entant en empathie avec ce jeune garcon si malmené par leasard, comprenant la rage narcissique, par laquelle il exprimaita révolte contre ses conditions d’existence.

Néanmoins, il n’était pas aisé d’entrer en relation avec lui.insi, en entretien familial, il était incapable de rester assis, seettant à explorer la salle dans laquelle je le recevais, cherchantappréhender ses limites, ne se sentant pas concerné par les

changes dont il était l’objet.Adrien était peu précautionneux, se heurtant aux meubles, ne

edoutant pas de se faire mal.Derrière ces agirs, il y avait sans doute de l’impulsivité, du

ésir d’inquiéter l’entourage, une facon de faire appel à l’autre.ais il me semble aussi qu’Adrien cherchait, tout en appréhen-

ant le monde des objets, à se différencier d’eux. En effet, j’aie sentiment qu’il se sentait vaguement confondu avec eux. Enxplorant à sa manière l’environnement, il cherchait à établirne délimitation avec l’extérieur, comme si la première enve-oppe psychique n’était pas complètement constituée et étanche6].

De même, à cette étape de la cure, quand il parlait de lui, ileprenait ce qu’il entendait dire à son propos. Ainsi, avec sa voixrès particulière et une délectation certaine dans le ton, Adrienisait tout de go : « je dis des gros mots, je fais des colères »,omme s’il s’agissait d’un exploit. Et quand je l’interrogeais sure pourquoi, il me répondait : « j’aime bien m’amuser avec lesolères, j’aime bien embêter le monde, balancer une assiette etur quelqu’un c’est encore mieux ».

Adrien s’identifiait à ce qu’on disait de lui et collait à l’imageue l’on projetait sur lui, même si elle était négative, car elle luiermettait d’exister. Il se faisait ainsi une certaine représentatione lui-même, et c’est mieux que rien. Il était content d’avoir une

ensée à saisir même s’il s’agissait d’un emprunt. J’entendaisussi l’omnipotence et la satisfaction dans son propos, comme’il venait d’emporter une victoire sur le sentiment de vide et lesffects dépressifs.

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Par ses crises de rage, il obligeait aussi l’entourage à se mobi-iser pour lui, entourage qui luttait de concert avec lui contre’impuissance, si difficile à admettre. Adrien se rendait aussiompte de son pouvoir sur l’autre, ce qui lui permettait de sortire la position passive. Il existait donc de cette manière.

Adrien appréhendait le monde par le toucher et l’odorat. Enonsultation, il a longtemps montré son intérêt pour les serrures,e vissage et dévissage, les jeux d’emboîtement. Les petits objetsurs ou en peluche, qu’il enfermait dans ses poches, me faisaientenser à une recherche de contenant, la poche étant un réceptaclees personnages auxquels il s’identifiait.

Adrien était isolé des autres. Il ne s’intéressait qu’à lausique servant d’enveloppe sonore. La musique lui apportait

’apaisement que les autres avaient tant de mal à lui procurer.écemment, en présence de ses parents, il a remarqué que saoix muait, témoignant ainsi de son intérêt pour ce qui vient deon intériorité.

Dans les moments de rage paroxystique, Adrien peut encoree taper contre les murs ou mettre à sac un lieu en un clin d’œil.l y a déjà quelque temps, refusant de partir, réalisant fort bienombien il nous contrariait par son refus, il se laissa traîner para mère furieuse. Il semble à ces moments là, déléguer sa ragel’autre, ce qui a un effet calmant sur lui.

Au summum d’une crise dans l’institution de référence,l cherchait à se contenir lui-même à défaut de pouvoir êtreontenu par les autres, en se répétant les mises en garde et lesappels à l’ordre de ses parents. Ce qui pourrait faire penserux procédés autocalmants. Que faire, en effet, avec le troplein pulsionnel, quand les moyens psychiques dont on dis-ose font défaut ? Adrien paraissait, en effet, en prise avec ceéfi.

Ce qui me permit de poursuivre avec plaisir le travail de direc-ion de cure avec cette famille, c’est bien sûr la confiance que

’accordaient le service, mais aussi la famille. D’abord la mère,t ensuite le père également, m’ont reconnue dans mes capacitése pouvoir leur venir en aide. Par ailleurs, avec Adrien, nous noustions en quelque sorte adoptés, et les parents ont probablemententi que leur fils était pleinement accueilli. Je compatissais aveces parents, défendant leur fils, sa singularité, tout en cherchant’appui des institutions qui l’avaient en charge.

Quant aux parents, en m’acceptant, ils m’ont permis par leurttitude, de naviguer entre les deux, me donnant la possibilitée m’identifier à la mère, dévouée et aimante ainsi qu’au pèreespectueux vis-à-vis de son ex-femme, se sentant, lui, gratifiéar son fils qui lui ressemble et auquel il s’identifie, même àravers certaines de ses frasques.

.4. Quelles conclusions tirer de cette rencontre ?

Les difficultés que j’ai eues moi-même avec l’institution deéférence semblent être en écho avec celles d’Adrien. En effet,’ai ressenti la pesanteur d’un groupe qui obéit à sa logiquenterne. Certes un groupe bien intentionné et qualifié, mais

onsidérant que le profil d’Adrien ne correspondait pas à sonomaine de compétence. Les angoisses, par lesquelles Adrien’exprimait, devenaient un prétexte pour mettre en avant sonnadéquation.
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En effet, comment exister sans exprimer ses éprouvés ?drien cherchait désespérément à donner corps et forme à saétresse. Mais l’expression de ses angoisses affolait l’entourageducatif, qui les prenait au pied de la lettre, comme par exemplee désir de mourir qu’il se mit à verbaliser à une certaine période.

Mais au fond qu’est-ce qui m’intéresse le plus dans ce suivi ?’est sans aucun doute de voir comment Adrien cherche à cons-

ruire un espace pour penser.Juliette Billon vous livrera des exemples permettant de se

aire une idée sur le travail de construction psychique.J’ai eu, quant à moi, l’occasion, lors de quelques consulta-

ions, de saisir des moments où Adrien me donna à voir commentn se met à penser. Ainsi, lors d’un entretien en mars 2004,drien, dans un dialogue avec sa mère, cherchait à faire la diffé-

ence entre un fil et une ficelle. Et il comprit à quoi ressemblaitne ficelle en se référant au fil de bobine avec lequel la mèreousait les étiquettes sur ses vêtements. Ce qui le conduisit aul de son baladeur. . . [7].

Tout dernièrement, il a pu donner une couleur à l’angoisseui l’assaille la nuit quand il se retrouve seul, le mettant dansne furie destructrice, lui faisant tout casser dans sa chambre.nterrogé par moi sur ce qui le pousse à faire tout cela, il incri-inera le noir dans lequel il est enfermé : « je suis dans le noir »

sous-entendu quand je suis tout seul).Adrien a aussi eu le mérite d’avoir réuni ses parents, qui

ésormais s’impliquent conjointement pour l’aider dans son che-inement. Il a eu le pouvoir de nous pousser, nous ses soignants,nous interroger pour comprendre.

. Au-delà de l’aveuglement, les objets

.1. Première séance, mars 2002

« Laisse-moi découvrir ! ». C’est par cette phrase, adressée àa mère, qu’Adrien, huit ans, fait son entrée dans le bureau.

Adrien est aveugle de naissance. C’est pourtant une grandenergie qui irradie de lui et semble le guider dans ce premieremps de la rencontre.

Il explore et commente ce qu’il fait. Il se veut indépendant,ais établit d’emblée la relation avec moi par l’intermédiaire

’objets d’échange (ballons, instruments de musique) qu’il arouvés dans le placard.

« C’est un bon jour, il communique bien avec vous ! », dit laère.Adrien exprime beaucoup de plaisir à être là, tout simplement.Il cherche aussi à laisser des traces sur le grand tableau,

’appuyant alors sur les descriptions que je peux en faire. Sonisance corporelle, la qualité de l’échange me font oublier sontteinte somatique. Je propose de le rencontrer seul la semaineuivante.

Il arrive, très joyeux. Nous entrons dans un autreegistre où l’imaginaire nous conduit au-delà des sensationst perceptions de la première séance. L’histoire racontée

nsemble (il est le méchant éléphant), ce qu’il éprouve à’entendre, fait disparaître la réalité. Il n’est plus Adrien, ne

’entend plus quand je comprends qu’il est temps de calmere jeu.

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Je suis alors face au débordement pulsionnel qui conduit cetnfant hors de lui, hors du sens, hors d’atteinte. La baguette duylophone qu’il a décapitée avant de la projeter dans l’espace meonne brusquement la représentation de cet enfant, toute entièreontenue dans l’objet. Je suis saisie par l’évidence d’une telleision comme si une vérité de l’être était ici exposée.

Winnicott décrit combien dans un premier temps, le bébé et’objet sont confondus puis comme, secondairement, cet objetera répudié, réaccepté et objectivement percu. « Ce processusomplexe dépend largement du fait qu’une mère ou une figureaternelle est là, prête à participer et à redonner ce qui lui est

emis [. . .]. C’est à partir de cette expérience d’omnipotence quee bébé peut faire l’expérience du réel » [8]. Mais ici que faire ?

C’est par l’intermédiaire d’un cerceau dont je l’entoure,u’Adrien pourra alors se « retrouver » dans la manipulation deetits objets, comme autant de morceaux de corps qu’il lui fautassembler.

Gisela Pankow décrit l’univers morcelé du psychotique oùchaque fragment est ressenti comme un monde séparé et ayanterdu toute connexion interne avec les autres fragments » [9].

Elle insiste aussi sur l’aspect fragile et changeant des liens,algré tout possibles, entre certains éléments. Ces auteurs’apporteront ici quelques outils conceptuels pour m’engager

ans un travail avec Adrien.Pourtant à la séance suivante, Adrien recherche une com-

licité, une proximité qu’il n’avait jusque-là pas demandée. Ilvoque son père avec insistance et joue à enfiler des perles surn lacet avec beaucoup de patience, me disant qu’il fait un joliessin. Nous pouvons nous rassurer sur notre capacité à êtrensemble, dans un certain apaisement. Il est temps pour moi’instaurer le cadre de la prise en charge individuelle, afin deonstituer une permanence au travers de repères qu’Adrien metapidement en place : il cache différents objets pour les retrou-er d’une séance sur l’autre. Pour lui, la plus grande difficulté seejoue à chaque fin de séance, au moment de se quitter. Il y a àâcher une part de lui-même, mais la part et le tout ne semblentas très différenciés.

Nous décidons d’enregistrer les séances. Ce travail favoriserane permanence du son qui, c’est mon hypothèse, viendra seubstituer à l’absence de construction d’une permanence par’image visuelle. C’est aussi l’occasion de différencier le tempsu dire du temps de l’écoute, de créer un écart entre ce qui seraa production et la mienne. Selon Olivier Moyano « l’espaceu double est l’espace du même, un espace dans lequel le sujetnclut l’objet qui l’inclut à son tour. L’identification qui est en jeuci est absolue, ne laissant de distance possible entre l’enfant et leisage maternel » ([10], p. 218). « Le stade du double témoigneu passage obligé du nourrisson dans cet espace symbiotique,’où, pour pouvoir émerger dans sa subjectivité propre, il auraallu préalablement ne faire qu’un avec l’autre » ([10], p. 248).ous allons constituer un espace du double sonore où il n’y auraans un premier temps ni je, ni tu mais « on ».

En effet, que nous dit Adrien : « On va chercher des choses

ans le placard. Trouver quoi ? Chercher dans un autre placard,rouver quelque chose de particulier. . . Qui l’intéressera peut-tre. . . Autre chose. . . On se demande bien. . . Qu’est-ce qu’il yencore dans ce placard ? Et ca, c’est quoi, peut-être ? ».
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.2. Deuxième temps du travail, le temps des présentations

Adrien se fait disparaître dans le magnétophone, d’une voixhuchotée de plus en plus faible puis il affirme haut et fort :c’est moi ! ». Viendront ensuite les premières paroles sur lui-ême : son problème avec les yeux qu’il ne peut dire que d’unj’ai mal aux yeux ! » en appuyant sur les orbites. Qu’est-ce queour lui l’absence de la vue ? Je lui indique : « ce sont tes yeuxui ne voient pas, tu vois avec tes mains et tu comprends ce queu vois avec les mots ».

Adrien vient avec de nouveaux objets à enregistrer. Il y an carillon, il dit : « On va bien retenir. On va bien écouter, caestera dans la cassette ». Et il commente des évènements de saie quotidienne. Tentative de description, formulation au plusrès de ce qu’il vit.

Il veut aussi immortaliser des moments de plaisir : « On vaaconter que j’ai un petit truc. On se demande ce que c’est. C’estn papier. On se demande. . . Je vais l’ouvrir, je mange ce qu’il ydedans, c’est bon ! » (Il mange le bonbon). Encore autre chose :Je suis venu avec pour que tu regardes ce que c’est » (il sortlein de trésors de ses poches). Ici, je regarde pour lui.

Nous nous connaissons depuis maintenant un an. Je fais partieu voyage, il me fait une place. J’en éprouve une certaine fatigue.es mots peuvent nous emporter où bon leur semble, difficilee résister. . . Il suffit de dire et c’est. Adrien croit le mondeur parole. Il est assujetti à celle-ci, comme s’il n’y avait unechappatoire que dans la folie.

.3. Vient alors l’étape des déformations, troisième temps

Adrien chante, il chante très juste des comptines classiquesue nous accompagnons à la flûte ou au xylophone. Je chanteussi mais progressivement je me décale de la mélodie, la trans-osant quelques tons au-dessus, je me libère aussi du texte, de’attendu. Adrien est étonné, comme s’il n’avait jamais envisagée jeu possible. Alors pourquoi ne pas oser d’autres transforma-ions ? Il se lance. . . Il veut chanter le carillon, petit objet qu’ilapporté, « Le carillon, ion, ion, madame Billon, ion, ion, ma,a, ma, maillot de bain, la piscine ».Il jubile. Une expérience de déformation du signifiant va pro-

ressivement s’inventer à deux. Je suis là, qui veille à ne pas leaisser perdre pied.

Progressivement quelques signifiants seront envahis par unruitage hors-sens. Adrien saute sur lui-même et crache lesons dans une excitation très forte. J’assiste à l’attaque du mot,omme s’il tentait d’en desserrer l’emprise. . . [11].

Adrien tourne sur lui-même. Mais, il ne se perd pas : il y ane création, une déconstruction en œuvre. Il me dit : « on vaabriquer quoi ? Chuinzé ! C’est quoi ? Quelque chose qui seange. De sucré et de salé. Aussi de bon et de pas bon » !Puis ca se transforme encore, devenant le cumbuizié. Je tra-

aille à associer à son invention, à ce signifiant étrange, une vraieistoire qu’il peut finir en disant : « ca se termine comme ca » !

D’autres séances seront consacrées à cette expérience, jeuxe mots distordus, triturage de sens. Une difficulté persiste, quiourrait se définir chez lui par l’énigme de la localisation duiroir : où est le vrai, où est le faux ? « Est-ce que tu enregistres

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à ? On écoute ? Est-ce qu’on entendra là ? Et ce bruit, c’est toiu c’est moi » ?

Une année a passé, Adrien entre dans une période difficile.

.4. Dépression, révolte. Quatrième temps, celui de’absence

Adrien se confronte à l’épreuve des limites qu’il dira ainsi :je cherche un truc que je ne trouve pas ». Ce jour là, il meemande : « c’est quoi une ficelle » ? Je lui réponds : « ca sertattacher ». Alors il dit : « donne-moi-s’en une » ! Il faut dire

ue nous avons depuis plusieurs mois pris l’habitude de cer-aines transactions d’objets : il m’apporte des choses qu’il laissen dépôt ou bien à mon tour je lui prête certains objets, je lesui confie. Il sait qu’il doit me les rapporter s’il veut pouvoiroursuivre l’échange. Donc, il veut une ficelle mais ce jour là,uelque chose me dit de le lui refuser. Peut-être s’agit-il de neas tout donner.

D’abord, la ficelle, je n’en ai pas. Cordié cite Lacan qui nousndique que l’objet transitionnel de Winnicott n’est pas petita ». Il apparaît quand petit « a » est perdu [12].

Je le lui dis : « je n’en ai pas, pas ici dans ce bureau ». Il meemande alors : « et dans le magnétophone » ?

Je mesure ici l’ampleur du travail à parcourir, lorsque sous’effet de la frustration, de l’absence, le mot et la chose sonti peu décollés. Je lui dis qu’on peut entendre le mot dans leagnétophone, le mot ficelle mais qu’il ne peut pas lui don-

er l’objet. Adrien entrevoit alors combien le mot n’est pas toutuand madame Billon, elle, n’a pas tout ! Adrien perd une cer-aine insouciance joyeuse. Il vide les caisses du bureau sansouvoir s’arrêter sur quelque chose qui puisse le satisfaire.

À l’extérieur, tout va mal. Il pique des crises de colèrepectaculaire dans l’institution qui l’accueille, refusant touteontrainte. À la maison aussi c’est très difficile, il agresse saère qui, elle aussi, ne lui donne pas ce qu’il veut. Ce sont tout

e même ses petits trucs, tous ces machins qui ne le quittent pas,ui vont l’aider à passer le cap. Il les met en scène. Ce sont lelus souvent des petits animaux auxquels il donne un nom. Iles anime, leur prête des intentions pas toujours très avouables.’est alors qu’il me présente Grimaud, son copain vert. Il est

out vert. Ouvert ? Il a des doigts, des jambes, une tête, il n’a pas’œil. « Je les ai arrachés. . . j’avais envie ». Peut-être voulait-l qu’il lui ressemble ? Il m’explique : « je voulais lui faire unearce. . . sans les yeux ». Puis il ajoute : « il est handicapé. Il estalheureux, ca le rend triste, ca le rend aveugle ».Une autre fois, il portait des lunettes de soleil et m’avait

xpliqué : « avec mes lunettes, je vois mes oreilles » !Adrien se sent aveugle. Mais que dit-il quand il dit cela ?Il a maintenant 12 ans et l’institution qui l’accueille, depuis la

etite enfance, semble à bout de force. Ici aussi, à la consultation,’est difficile, surtout dans la salle d’attente qu’il sait pouvoirtre la scène de ses conflits avec la mère (il se jette par exempleu sol, disant qu’il ne bougera pas de là ; et il peut effectivement

rester longtemps. . .).Il parle de la mort, mais à sa facon. Tout le monde s’inquiète,

ourtant il m’explique : « tu bouges, t’es mort » ! En fait, il antendu ca à la télé. Alors il voudrait comprendre de quoi il

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st question. Nous expérimentons en séance une facon de bou-er, mais sans être mort. . . Il cherche, se dégage de la touteuissance d’un signifié coupé de son contexte. Mais surtout,l cherche à comprendre dans ce retournement de sens, ce queeut dire le mot par les réactions qu’il suscite autour de lui à ceropos.

Heureusement, nous pouvons continuer à chercher ensemble,u fil des rendez-vous. Adrien cherche un nouveau truc, un gros.n cherche tous les deux. Je lui ai dit que j’étais là pour chercher

vec lui. Même si je n’en ai pas. Il refuse : « Si ! T’en as » ! C’est’époque où nous constituons une boîte à son nom dans laquellel met ses trouvailles, petits objets hétéroclites ramassés ici etilleurs, qu’il retrouve. De cette facon, j’essaie de mieux fermeres espaces, celui du bureau et les autres lieux de vie d’Adrien.l y a bien encore certains objets très privilégiés qui circulent. . .ais ils reviennent vite, ou alors, ils disparaissent tout à fait et

’est la catastrophe.Gentis [13] nous rappelle que Freud pense que l’enfant est

nimé d’un désir de vengeance dans l’histoire de la bobine : saère le laisse tomber, il se venge symboliquement, se fait sujet

e son absence et entre ainsi dans la symbolisation. C’est ceu’Adrien va tenter. Mais il lutte seul et sans bobine car celle-i n’est pas reliée à la ficelle et ne revient pas. . . À certaineséances me vient parfois l’impression qu’il risque de perdre’investissement de l’objet, ce qui veut dire pour lui de s’y perdre.’est alors qu’un jour il me demande presque timidement unetit truc, avec une expression sérieuse et désabusée. Il dit : « jeherche un truc de difficile à trouver ». Enfin, il trouve ! Ouf ! Auond d’une caisse, c’est un bébé minuscule ! Et il affirme : « jee prends en charge pour retrouver l’objet ».

.5. Je situerai ici la cinquième étape

Du temps a encore passé. . . l’orientation d’Adrien, devenudolescent, est prévue dans un établissement de la région pari-ienne. Il y sera interne mais pourra continuer à me rencontrere mercredi.

Ce jour là, il a repris sa boîte, a sorti tous les élémentsu’il nomme chacun leur tour en les posant sur la table. Ileut les reconnaître très rapidement, d’un léger effleurementu doigt. À ce moment précis, quelque chose est tombé. Il’a entendu et me demande ce que c’est. Je lui réponds :devine » ! Il sort alors à nouveau un à un chaque objet, ilen a une quinzaine, et nomme sans hésitation celui quianque. Je suis épatée, je lui propose pour jouer de renou-

eler l’expérience. Je cache à nouveau un objet de la liste, ile retrouve toujours avec la même facilité. J’ai ici la preuveue son fonctionnement cognitif peut le soutenir, l’aider à éta-lir une continuité, une permanence. Nous comptons les objetsnsemble.

Je fais entrer la mère dans le bureau afin qu’il lui en fassea démonstration. Adrien est très fier. La mère s’exclame, sur-rise : « mais alors, il peut apprendre le braille » ! Malgré son

tteinte cérébrale ? Pourtant cette expérience ne se renouvelleraas comme si la continuité qu’il avait établie ce jour-là étaitiée à notre échange à ce moment précis et qu’il ne pouvait seontraindre par la répétition à l’épreuve de l’apprentissage.

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Adrien aura bientôt 14 ans, il a quitté ceux qu’il a tou-ours connus dans l’institution de Reims, pour aller dans unME de la région parisienne accueillant des déficients visuels.ne nouvelle vie commence. Il me raconte le nouveau lieu,

’organisation du temps, les trajets. Il explose de temps en temps.eureusement, ses petits amis en poche lui donnent du cou-

age.Que dire du chemin parcouru depuis la vision inaugurale pour

oi de cet enfant en quête d’objet, mais confondu avec celui-ci,t, paradoxalement toujours condamné à le perdre avant mêmee le posséder.

Adrien connaîtra d’abord en séance un espace de compli-ité où mon regard soutiendra son désir, le confortant dans sonllusion de pouvoir combler ce qui lui fait défaut.

À cette époque, il veut retenir, conserver, construire une per-anence. Mais alors, il s’enferme. Il construit de l’immuable

on a vu par la suite combien ca reste difficile).La question de la mort se pose, qu’il ne formulera que plus

ard.C’est ensuite, dans l’attaque du signifiant par ses trouvailles,

t au travers d’une représentation de l’absence dans l’histoire dea ficelle, que pourra se préciser pour lui combien il n’est pasout, combien il est manquant.

Mais ca se rejoue dans le réel du corps, de son corps mutilé etl va s’en défendre, tentant de rendre l’autre, et en premier lieua mère, responsable de ce drame.

Ici se produit la rencontre avec de l’autre. . . Petit à petit, ila s’adresser à moi autrement, puis adressera à lui-même cettearole venue d’ailleurs : « je me prends en charge pour retrouver’objet ».

Jusqu’à aujourd’hui, je dirai que ces expériences restent tri-utaires du moment agi, ici et maintenant. Adrien continue àrivilégier l’émotionnel face au savoir.

Face à la pathologie, dans ce cas microcéphalie avec atteinteotale de la vision, nous ne pouvons d’emblée faire une équiva-ence entre le symptôme, la souffrance du sujet et une éventuelleonduite à tenir.

Adrien exprimera progressivement un questionnement, duens pourra se dégager dans l’après-coup autour de sa formula-ion : « je cherche un truc que je ne trouve pas ».

Car ici la question du manque reste posée. Il se sait déficientisuel et intellectuel par ce qui lui est dit mais il ne l’éprouveas dans ce registre instrumental.

Son manque à lui est sans objet et il tente avec acharnemente le localiser pour pouvoir le nommer.

Le soin aura pour fonction de reconnaître avec lui cette dif-culté à contenir ce qui lui fait défaut. En tout cas, il y a duésir, toujours à éprouver, à inaugurer, comme si Adrien étaitondamné à réinventer à chaque fois son existence.

. Entre cécité et aveuglement, comment s’en sortir ?

.1. Une demande peut en cacher une autre

En juillet 2005, le médecin pédiatre de l’institution où étaitccueilli Adrien a demandé qu’un pédopsychiatre prenne enharge le traitement médicamenteux, en regard de l’agressivité

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roissante d’Adrien. C’est ainsi que Méri Badi, psychothéra-eute consultante et directeur de cure de cet enfant, a fait appelmoi.

Rappelons qu’Adrien était médiqué jusqu’alors par le méde-in de l’institution qu’il fréquentait. On peut comprendre quee pédiatre ait recours à un spécialiste pour le traitement. Maiserrière cette demande, il y avait implicitement la demande quea pédopsychiatrie prenne Adrien totalement en charge. Le para-oxe c’était : « soignez-le (calmez-le) mais de toute facon vouse pourrez pas le soigner tant qu’il est chez nous ».

C’est ce que me demandait aussi la mère : « soignez-le,renez-le, mais de toute facon vous n’y arriverez pas ». Si jeouvais y arriver ce serait une disqualification de ses compé-ences de mère. Comment pouvais-je y arriver, alors que je leonnaissais à peine, alors qu’elle (sa mère) qui l’avait fait et quiui avait consacré toute sa vie, n’y arrivait pas ?

La mère se plaignait aussi du père qui ne prenait jamais sonls en week-end. Par ailleurs, elle disait qu’il lui était insuppor-

able que le père « mette son nez » dans les affaires de son fils. Learadoxe que chacun exprimait, mère et institution, était : « on’y arrive pas, personne d’autre ne pourra y arriver, et en mêmeemps on vous demande de vous en charger. . . ».

Si je médiquais mieux que le médecin de l’institution, jeisqualifiais ce médecin (qui par ailleurs est très compétent)t si je ne le faisais pas, c’était dans une disqualification deoi-même (et de tout le service) : « vous ne vous intéres-

ez pas, vous êtes nuls, vous ne nous aidez pas, vous nousbandonnez. . . ». J’ai éprouvé moi-même ces paradoxes, dansa consultation même, lors des prescriptions. Si j’interrogeaisa mère sur la relation avec Adrien, elle ne pouvait que meire que c’était toujours insupportable. Je pouvais changer lesoses, les molécules, etc. aucun effet, si ce n’est pire. Idemn ce qui concerne les relations avec l’établissement lors deséunions cliniques avec eux. Quand on leur posait des questionsur l’évolution d’Adrien dans l’institution, ca ne pouvait êtreue pire. C’est-à-dire : plus on essayait de les aider en proposantes pistes de solutions, plus c’était de la même chose, voire pire.insi, Juliette Billon, psychomotricienne, se déplaca même dans

’institution.On était pris dans un jeu de disqualifications qui s’amplifiait

utuellement. Les places et territoires des uns et des autres’étaient plus respectés.

Le paroxysme est advenu lors d’une consultation, en février006, quand il était question de convenir d’un prochain rendez-ous et qu’aucune date ne convenait à la mère. Adrien aommencé alors à s’angoisser, ce qui s’est traduit par une cer-aine agitation. Afin de le calmer et comme d’habitude à l’issuee chaque entretien, au moment de la séparation, je lui ai parléoucement pour tenter de l’apaiser. C’est alors que la mère inter-int : « de toutes facons vous n’y arriverez pas. . . ». Cela eut pourffet d’activer la colère et l’agitation de son fils. Pour soustrairedrien de cette excitation, j’ai demandé à sa mère de sortir duureau et d’aller dans la salle d’attente. Après qu’Adrien se soit

almé au bout d’un certain temps, je l’accompagne dans la salle’attente, pour le « confier » à sa mère.

C’est alors qu’elle s’adressa à son fils : « Comment ca seait que tu es calme, tu vas réserver cela pour moi. . . » et en

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’interpellant, elle me dit : « restez-là, il va faire sa crise deouveau !. . . ».

.2. Un moment de décision

C’est à l’issue de cet épisode que je me suis rendu compte dea situation impossible où la mère me mettait. J’ai alors décidée regagner mon bureau et de laisser Adrien à sa mère en meisant que je ne pouvais pas trouver une solution à leur placet que la meilleure facon de les aider était d’en faire le moinsossible, à ce moment là [14].

Dans la salle d’attente, Adrien crie, se roule par terre, ameu-ant tout le service, chacun essayant d’intervenir, allant jusqu’àaisir Adrien et le porter jusqu’à la voiture. . . la mère regardantaire. . . »

.3. Éprouver. . . ca peut servir à quoi ?

J’éprouve alors un sentiment fort de disqualification,’incompétence, d’impuissance, provoquant en moi un fort sen-iment de culpabilité.

C’est à partir de ces éprouvés que j’ai compris ce que pou-aient ressentir les autres intervenants. Cela a donné un sensux jeux et enjeux en place, au dysfonctionnement tout azimut,ù chacun prenait la place de l’autre, dans un agir frénétiqueue ce soit dans la famille, dans l’institution ou dans notreervice. Ce sont ces éléments qui ont fait « crise » chez moi,rise qui m’a amené à proposer un changement dans le contextehérapeutique.

.4. Une source de proposition qui fait la différence

Cela m’a poussé, comme une évidence, à proposer quelquehose d’autre, à envisager une rencontre de tous les intervenantsvec la famille : réunissons tout le monde et parlons ensemble.

Ce dispositif s’est mis en place « afin que les liens entrees professionnels servent de levier thérapeutique plutôt que deaisse de résonance aux problématiques intrapsychiques et rela-ionnelles entre le jeune enfant et ses parents [. . .]. Cela danse but de construire un projet commun, dans une confiance par-agée, où les émotions, les savoirs et les pratiques peuvent êtreartagées. » [15].

. Discussion

Après cette présentation en trois mouvements, nous allonsaintenant partager avec vous sous forme de discussion, ce que

ous avons compris du fonctionnement de cette famille et de laacon dont le dispositif de cure à plusieurs a permis, à traverses expériences partagées et l’analyse du vécu, non seulemente dépasser la situation d’impasse dans laquelle se trouvaientamille et intervenants, mais aussi d’ouvrir sur d’autres pers-

ectives.

Méri Badi : la construction de la cure d’Adrien, orchestréetrois, a eu sans doute le mérite, par la mise en commun des

uestionnements, de bâtir un contenant psychique.

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Les plaintes et récriminations concernant Adrien purent seransformer en pensées, donnant ainsi sens à ce qu’Adrien cher-hait à exprimer par sa conduite désordonnée, vécue comme unenigme par l’entourage [16]. Cette recherche de sens ne nous aamais quittés.

En tant que directeur de cure, j’ai été longtemps prise à partiear tous : l’institution de référence accueillant Adrien, la famille,a propre institution et mes co-équipiers. Ce qui me fit vivre,

robablement dans un mouvement d’identification à Adrien, lesejets, les jugements et l’impuissance. J’ai pu expérimenter danse lien contre-transférentiel, l’impasse dans laquelle se trouvaitdrien, qui n’avait eu d’autre issue que la révolte. Comprendre

ela a permis de passer du rejet à l’acceptation, tout autant pourdrien que pour tous les acteurs du système.Les liens que nous avons tissés ensuite entre collègues, tout au

ong d’expériences partagées autour des enfants et leurs familles,ous ont appris à nous apprécier par-devers nos sensibilités etéférences théoriques. C’est cela que nous essayons de tricoternsemble dans le souci d’être au plus près de la clinique de laencontre avec l’autre. Notre dialogue s’est nourri des apportse chacun d’entre nous, au bénéfice d’Adrien.

Juliette Billon : on ne peut pas modifier une approche théra-eutique si on pense détenir un savoir clos.

En tant que psychomotricienne, je suis bien avertie du fait queout mouvement implique un moment de déséquilibre entraînantes réajustements toniques et musculaires. C’est dans ses réajus-ements et au travers de notre complémentarité que le risque du

ouvement a pu être pris. C’est bien ainsi que devrait se définire travail en équipe.

Dans le cas contraire, on peut se trouver figé dans un immo-ilisme, par crainte de perdre une place souvent imaginaire quiidère la pensée.

Bouger, penser, inventer, laisser venir du sens et se laisserurprendre pour continuer à faire partie d’un monde vivant,’est aussi ce qu’Adrien tente de faire au risque de le faire tropruyamment.

Manuel Tavares : trois ou quatre séances nous réunissant avece pédiatre de l’institution, Adrien et sa mère ont permis la recon-aissance des différentes places et points de vue de chacun, ceui a eu comme effet, en miroir, la reconnaissance des fonctionst rôles des membres de la famille. C’est ainsi que le père a putre réintroduit, non seulement dans les entretiens, mais aussiuprès d’Adrien.

C’est ce dialogue, dans l’ici et maintenant, entre tous lesrotagonistes, à travers la reconnaissance et la requalificationes uns et des autres, qui a été utile pour que chacun puisserendre et/ou reprendre sa place avec ses différences.

« Cette différenciation des places au sein d’un réseau arti-ulé va permettre aux membres de la famille d’expérimenter uneouvelle facon d’être en relation et favoriser chez les parents unvènement de leur propre rôle et de leur propre fonction » [15].

Nous avons pu constituer ainsi un système « porteur », enéveloppant une cohérence thérapeutique, dans une interdépen-

ance et non pas dans une collusion, une confusion, une symétrieu un clivage.

On pourrait faire l’hypothèse de l’impossible des différencesans cette famille (impossibilité de faire couple, impossibilité

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’accepter cet enfant si différent) ; famille où la différence pour-ait signifier étrangeté ce qu’équivaudrait, alors, à l’impossibilitée liens.

Peut-être la construction d’une cohérence à partir et avecos différences dans le dispositif de soins a aidé cette famillerésoudre cette énigme : comment faire famille avec nos diffé-

ences ?Adrien s’est beaucoup apaisé par la suite. Les triangulations

eviennent possibles. Il peut prendre une place de fils auprès dees deux parents. Sa place dans l’institution devient plus sup-ortable. Une séparation (et non une rupture) a pu alors êtrenvisagée, tant en ce qui concerne l’institution que la famille.drien a pu ainsi aller dans une autre institution, près de Paris,

nstitution avec laquelle nous continuons à collaborer.

. Conclusion

Il faut « bouger » quelque chose de nos places respectives dehérapeutes et dans les jeux relationnels (clivage, disqualification

utuelle) pour que la famille puisse à son tour agir la modifica-ion de la dynamique des places et des relations à l’intérieur dea famille.

Dit autrement : il faut que quelque chose bouge autour dea famille, dans le système des intervenants pour que, à sonour, quelque chose bouge à l’intérieur de la famille. Sinon,l y a risque que se produise une amplification en miroir,amille/intervenants, à trois niveaux (à l’intérieur, à l’extérieur etans la relation interne–externe), amplification des jeux symé-riques, de la disqualification, du rejet qui amène tout le monde

la paralysie, à l’impuissance. Il y a alors un fonctionne-ent à « croche pieds » où chaque intervention annule celle

e l’autre, bien évidemment de facon non intentionnelle, unonctionnement qui met tout le monde à égalité dans l’échect l’impuissance.

Nous venons de voir comment il a été essentiel à la fois dearder chacun notre spécificité, étant donné nos différences deormation et d’outils de travail, et nos différences théoriques,out en travaillant ensemble.

En paraphrasant Courtois, nous disons qu’en appréhendanta personne par de multiples éclairages, sans qu’aucun modèle,ucune théorie ne l’emporte sur l’autre, nous permettons que laersonne résiste à une saisie totale et, à son tour, qu’elle nousenvoie à notre propre incomplétude [17]. Caillé nous rappelleue dans tout travail thérapeutique, le thérapeute et le demandeur’aide évoluent parallèlement, tout en conservant leur identitéropre. Ainsi, ils peuvent ensuite se séparer dans une estimeéciproque [18].

Malgré nos différences ou plutôt grâce à nos différences, nousvons pu porter des regards différents, en élargissant ainsi notrehamp de vision, en nourrissant réciproquement notre pensée,ouvant ainsi mieux participer au processus de co-constructionn œuvre dans tout système thérapeutique.

onflit d’intérêt

Pas de conflit d’intérêt.

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6 M. Tavares et al. / Neuropsychiatrie de l

éférences

[1] Schmit G, Hincky MO. Partenariat interprofessionnel dans la pratique dela direction de cure, en pédopsychiatrie. Neuropsychiatr Enfance Adolesc2009;5(1):55–9.

[2] Tavares M, Khelifa O, Schmit G. Consultation et thérapie familiale enpédopsychiatrie : d’un accueil ouvert à une approche spécifique. Ther Fam2008;29(3):375–85.

[3] Caillé P. Familles et thérapeutes – lecture systémique d’une interaction. 2e

édition Paris: Éditions ESF; 1985 [1991, p. 100].[4] Aulagnier P. La violence de l’interprétation. Paris: Éditions PUF; 1975.[5] Winnicot DW. Jeu et réalité l’espace potentiel. Paris: Éditions Gallimard;

1971 [1975].[6] Anzieu D. Le moi peau. Paris: Éditions Dunod; 1985.[7] Freud S. Essais de psychanalyse. Paris: Éditions Payot; 1920 [1963].[8] Winnicott DW. Jeu et réalité, l’espace potentiel. Paris: Éditions Gallimard;

1971 [1975, p. 66–67].

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[

nce et de l’adolescence 59 (2011) 8–16

[9] Pankov G. L’homme et sa psychose. Paris: Éditions Aubier Montaigne;1969, p. 271–272.

10] Moyano O [Sous la direction de J.M. Gauthier] Le corps de l’enfant psy-chotique. Paris: Éditions Dunod; 1999.

11] Anzieu O. Le corps de l’œuvre. Paris: Éditions Gallimard; 1981, p. 344.12] Cordié A. Un enfant psychotique. Paris: Éditions du Seuil; 1993, p. 154.13] Gentis R. Lecons du corps. Paris: Éditions Flammarion; 1980, p. 188–189.14] Elkaïm M. Si tu m’aimes, ne m’aime pas – approche systémique et psy-

chothérapie. Paris: Éditions du Seuil; 2001 [collection Points Essais].15] Blondeau H, Frankard AC, Picart E. Le réseau, partenaire et ressource de

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17] Courtois A, Mertens de Wilmars S. La pratique « plusieurs » : matrice

de résilience pour les thérapeutes et les patients. Thérapie familiale2004;3(25):303–22.

18] Caillé P. Voyage en systémique. In: L’intervenant, les demandeurs d’aide,la formation. Paris: Éditions Fabert; 2007. p. 24.