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Bulletin de l’Association Syndicale des Magistrats N° 19 – décembre 2007 destinataire Éditeur responsable : Jean-Marie Quairiat B-1120 – Bruxelles – sentier du Verger 10 Association syndicale des magistrats asbl Centre Universitaire de Charleroi Avenue Général Michel 1b – B-6000 Charleroi Tél : 071 328 623 – fax : 071 328 676 [email protected] www.asm-be.be “ …les infortunes de la vertu… ” Sommaire Composition du Conseil d'administration élu par l'assemblée générale du 16 mars 2007 – couverture II Editorial – p. 1 Le classement sans suite par la police : pour demain ? par Paul Dhaeyer – p. 2 ASM : demain j’enlève le –S- ? par Bénédicte Inghels – p. 5 ASM : deamin j’enlève le –S- ! par Christine Matray – p. 8 Le CSJ a sept ans. L’âge de raison ? par Jacqueline Devreux – p. 12

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Page 1: Bulletin de l’Association Syndicale des Magistrats...Association syndicale des magistrats asbl Centre Universitaire de Charleroi Avenue Général Michel 1b – B-6000 Charleroi Tél

Bulletin de l’Association Syndicale des Magistrats

N° 19 – décembre 2007

destinataire

Éditeur responsable : Jean-Marie QuairiatB-1120 – Bruxelles – sentier du Verger 10

Association syndicale des magistratsasbl

Centre Universitaire de CharleroiAvenue Général Michel 1b – B-6000 Charleroi

Tél : 071 328 623 – fax : 071 328 [email protected]

“ …les infortunes de la vertu… ”

Sommaire

Composition du Conseil d'administrationélu par l'assemblée générale du 16 mars 2007 – couverture II

Editorial – p. 1

Le classement sans suite par la police : pour demain ?par Paul Dhaeyer – p. 2

ASM : demain j’enlève le –S- ?par Bénédicte Inghels – p. 5

ASM : deamin j’enlève le –S- !par Christine Matray – p. 8

Le CSJ a sept ans. L’âge de raison ?par Jacqueline Devreux – p. 12

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Composition du conseil d'administration élupar l’assemblée générale du 16 mars 2007

Président Jean-Marie Quairiat

[email protected]

Président duTribunal du Travail Mons

Membres Maïté De Rue

[email protected]

de l'auditeur du travail Bruxelles

Paul Dhaeyer

[email protected] du

procureur du Roi Bruxelles

Laure du Castillon

[email protected] du

procureur du Roi Bruxelles

Pascale France

[email protected] substitut

du procureur du Roi Bruxelles

Jean-François Funck

[email protected] au

Tribunal du Travail Nivelles

Bénédicte Inghels

[email protected] au

Tribunal de Commerce Namur

ContactsPrésident : Jean-Marie Quairiat

Sentier du Verger 101120 Bruxelles

courriel : [email protected]

Secrétariat : Robert Graetzc/o CUNICavenue Général Michel 1b6000 Charleroi

Courriel : [email protected]

Site : www.asm-be.be

Page 3: Bulletin de l’Association Syndicale des Magistrats...Association syndicale des magistrats asbl Centre Universitaire de Charleroi Avenue Général Michel 1b – B-6000 Charleroi Tél

Mais si on crève la surface lisse de cetteréponse toute faite, on entre dans deseaux qui peuvent causer l'ivresse desprofondeurs : rapports entre le Ministreet le collège des procureurs généraux,pouvoir de l'exécutif sur les juridictionset parquets par le biais du budget, desbâtiments et du matériel, influence dansles nominations et désignations au tra-vers des membres non magistrats duCSJ et, dans le pire des cas, interven-tion directe des politiques dans le déli-béré (affaire Lizin) ou espionnage pur etsimple (affaire du SISMI en Italie).Sans perdre de vue l'interaction inver-se : poursuites pénales à l'égard desresponsables politiques, censure desactes de l'exécutif par la Conseil d'Etatet par les juridictions ordinaires,condamnation du législatif suite aux len-teurs de la justice, censure législativepar la Cour constitutionnelle ou par lesjuridictions internationales, interpréta-tion des textes non désirée par le légi-slatif ou l'exécutif ...

Il ne suffit donc pas au magistrat de sedraper dans sa dignité en invoquant laséparation des pouvoirs : nier la réaliténe la fait pas disparaître. Judiciaire, lé-gislatif et exécutif sont amenés à sefrotter les uns aux autres, autant à l'oc-casion d'affaires retentissantes et mé-diatiques que dans le quotidien, pourune question d'annulation d'arrêté royaladopté dans une fausse urgence ou mê-me pour le prix d'un tapis. Et il n'estpas certain que le moins spectaculairesoit le plus négligeable.

Dans ce jeu à trois, le législatif et l'exé-

cutif disposent de moyens dont ilscontrôlent sinon le volume, du moinsl'affectation, alors que le judiciaire de-meure cantonné en perpétuelle positionde quémandeur. Si les deux premierspouvoirs se caractérisent par une struc-ture forte orientée par un programmegouvernemental [1], le troisième, loinde la pyramide stable et cohérente cen-sée le symboliser, s'apparente plus àune nébuleuse dont les éléments dépen-sent beaucoup d'énergie à se distancier,se distinguer les uns des autres.

Pour certains politiques cependant, cettestructure faible paraît encore trop dé-rangeante. Ils voudraient, lorsqu'ils re-gardent le pouvoir judiciaire, ne voirqu'une seule tête et sont capablesd'écrire, sans rire, "la séparation despouvoirs, c'est comme conduire avec lefrein à main serré: ça va mieuxsans" [2].

Le moment est peut-être venu d'inven-ter une Justice plus contemporaine,mieux à même de faire face à de nou-velles règles du jeu institutionnel. Si onne veut pas faire perdre à cette Justiceson rôle de contre-pouvoir démocrati-que, c'est donc également le momentde réinventer le rapport politique/judiciaire.

C'est sur ces questions et sur des ré-ponses formulées sans tabou, que l'ASMdevrait se pencher lors d'un prochaincolloque.

Jean-Marie QuairiatPrésident de l'ASM

Editorial

[1] qui parfois se fait attendre…

[2] R. LANDUYT, Pro justitia, Borgerhof & Lamberigts, 2007, p. 95.

La démocratie est un luxe, comme la justice est un luxe.La démocratie est un état instable, non spontané, non natu-rel, en équilibre sur le tranchant d'une lame de couteau.La démocratie est un effort et une vigilance.

François Cavanna - Les pensées

e pouvoir judiciaire est-il politique?Evidemment non :les pouvoirs constitutionnels sont indépendants.

Justine n°19 — décembre 2007

Dans ce numéro :

Editorial 1

Le classement sanssuite par la police :pour demain ?par Paul Dhaeyer

2

ASM : demainj’enlève le –S- ?parBénédicte Inghels

5

ASM : demainj’enlève le –S- !parChristine Matray

8

Le CSJ a sept ans.L’âge de raison ?parJacqueline Devreux

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Editorial

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L’idée dedécaler une

partie desprérogatives du

Parquet,organe

judiciaire, versla police,

organeexécutif, au

nom del’efficacité est

selon nousrévélatrice

d’une tendancepersistante aunord du pays.

Page 2 Justine n°19 — décembre 2007

Le classement sans suite par la police :pour demain ?

Paul Dhaeyer

A l’origine, le formateur annonçaitdans une première version de sa notevouloir mettre l’accent sur la délin-quance urbaine et vouloir concentrerl’action des parquets sur la criminalitégrave.

Il proposait pour ce faire, dans uneformulation ambiguë, de faire déter-miner au niveau de la police ce qu’ilconvient de classer ou ce qui pourraitfaire l’objet d’une transaction. Ceclassement policier serait exercé sousla responsabilité du Parquet.

Dans une deuxième version de sa no-te, légèrement amendée, il laissaitentendre que la police pourrait déci-der de "dispatcher" les procès-verbaux vers le parquet.

Toutefois cette partie de note a étéamendée, à la suite de l’accord inter-venu, de sorte qu’il ne serait, en prin-cipe, plus question du classementsans suite par les services de policequi avait été envisagé dans la pre-mière note du formateur. En l’espè-ce, c’est le ministère public quiconservera le monopole du classe-ment sans suite, mais en outre c’estau parquet qu’il appartiendra d'établirla nomenclature des infractions dontles constats ne seront plus systémati-quement envoyés au Parquet. En cesens il s’agit d’une amélioration parrapport à la première version, puis-que l’on sauvegarde ainsi le monopo-le du judicaire sur la poursuite et l’ex-tinction de l’action publique.

Il fallait éviter de porter atteinte auprescrit de l’article 29 du code d’ins-truction criminelle qui est la clef devoûte de l’édifice pénal : sans l’obli-

gation pour tout fonctionnaire publicde faire connaître au procureur du Roiles infractions dont il a connaissance,la transmission de l’information seraitcaduque. La liberté d’action et doncl’indépendance des parquets en auraitété affectée.

Par contre, il conviendra de restervigilant quant à la traduction législati-ve de l’accord, tant la formulation decelui-ci peut paraître à certainségards ambiguë voire contradictoireavec les (nouvelles) garanties évo-quées ci-dessus. En effet, selon letexte de l’accord, il reviendra à l’offi-cier de police désigné à cet effet parle Procureur du Roi de "mentionnerconcrètement au parquet les affairesà classer, les affaires pour lesquellesune transaction sera proposée et lesdossiers qui seront renvoyés au par-quet pour y être traités."

Ceci paraît difficilement conciliableavec la volonté de laisser au ministè-re public un pouvoir de décisionquant au cadre dans lequel la policeexercera ses compétences et de ré-server, en toute hypothèse au Par-quet l’opportunité des poursuites.Cette expression "mentionner concrè-tement" au parquet est sans doute unreliquat de l’esprit premier de la notedu formateur.

Toutefois, l’idée de décaler une partiedes prérogatives du Parquet, organejudiciaire, vers la police, organe exé-cutif, au nom de l’efficacité est selonnous révélatrice d’une tendance per-sistante au nord du pays. Il nous pa-rait donc intéressant de nous penchersur les origines de ce classementsans suite policier.

’accord sur la justice qui intervint au courant du mois d’octobreentre les partis dits de "l’orange bleue" prévoit des modifications

dans les rôles respectifs de la police et de la justice dans le traite-ment de la délinquance urbaine.

Le classementsans suite par

la police :pour demain ?

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Le systèmepréconisé,d’inspirationhollandaise, duclassementpolicier, aconnu auxPays-Bas desmises au pointet desgaranties bienplusimportantesque cellesproposées parla note duformateur.

Page 3Justine n°19 — décembre 2007

Une origineexclusivement hollandaise.

Ce classement policier n’est en vi-gueur sur le continent européenqu’aux Pays-Bas. Il y existe depuislongtemps et revêt en réalité deuxformes :

La police néerlandaise est autorisée,conformément aux directives du mi-nistère public, à ne pas établir de PVpour certaines infractions mineures,ce qui revient en définitive à classerle dossier sans suite. Toutefois, lapolice tient une liste des faits quin’ont pas fait l’objet d’un PV de sor-te que l’information demeure dispo-nible.

Depuis 1958, la police néerlandaisepeut également proposer le paie-ment d’une transaction pour unnombre restreint d’infractions.

Il convient de noter que ce systèmes’inscrit davantage dans une visionmanagériale visant essentiellementà réguler les flux entrant de dos-siers. En outre, le ministère publicnéerlandais bénéficie d’une indépen-dance bien moins importante quecelle dont jouissent les autres minis-tères publics continentaux.

Enfin, l’autonomie de gestion relati-vement large a été sévèrement criti-quée aux Pays-Bas de sorte qu’unecommission d’enquête parlementai-re dite "Van Traa" a conclu en 1991à divers abus dans la manière dontla police néerlandaise usait de sonautonomie. Depuis cette date, c’estun mouvement de reprise en maindes services de polices par le judi-caire qui se fait jour aux Pays-Bas.La commission "Van Traa" insistaitsur le fait que l’Officier van Justitiedevait pouvoir intervenir à chaquestade de l’enquête.

Force est de constater que le systè-me préconisé, d’inspiration hollan-daise, du classement policier, aconnu aux Pays-Bas des mises aupoint et des garanties bien plus im-portantes que celles proposées parla note du formateur.

Les limites à l’action de la policeen Belgiqueet ses impératifs légaux.

Selon l’article 28bis § 1er, alinéa 3du CICr, l’information est conduitesous la direction et l’autorité du pro-cureur du Roi compétent. Il en as-sume la responsabilité.

Rappelons que ces deux dispositionsont été insérées dans le code suiteaux recommandations de la com-mission "Dutroux" qui avait mis ledoigt sur l’absence de contrôle ef-fectif par les autorités judicaires surl’activité des services de police.

Cette commission avait relevé quetrop souvent c’était la police qui dé-terminait le flux entrant réellementdans la chaîne pénale, parce qu’elledisposait de l’information de pre-mière ligne, ce qui avait pour effetde renverser le rapport de force en-tre la police et la justice. La com-mission d’enquête avait qualifié cerenversement de "malsain" (Doc.Parl., 1996-1997 p. 120 à 123).

Enfin, sous peine de violer l’article151 de la constitution, il aurait été àce stade exclu d’étendre le champd’action de la police au classementsans suite ou à la transaction.

L’article 151 garantit l’indépendancedu ministère public dans l’exercicedes poursuites individuelles, ceciexclut pour l’exécutif la possibilitéd’interdire, fut-ce indirectement,l’intentement des poursuites.

La police relevant exclusivement del’exécutif, il parait dès lors inconsti-tutionnel de lui confier le pouvoird’entraver l’exercice de l’action pu-blique ou, a fortiori, de l’éteindrepar la voie de la transaction. Cepouvoir appartient, en vertu de laconstitution et de l’article 28quaterqui en découle, au seul ministèrepublic.

Or l’article 151 de la constitution n’apas été déclaré ouvert à révision.

** *

Le classementsans suite par

la police :pour demain ?

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Donner à unofficier de

policel’opportunité dene pas porter àla connaissance

du parquet uncertain nombre

de faitsreviendrait à

créer unedistorsion et

une inégalité dedevoirs entre

fonctionnaires.

Page 4 Justine n°19 — décembre 2007

L’enquête policière d’office.

Le code d’instruction criminelle a ce-pendant laissé une marge de manœu-vre en précisant que les principes gé-néraux selon lesquels les services depolice peuvent agir de manière auto-nome sont établis par la loi et selonles modalités fixées par les directivesdes parquets.

Les services de police disposent au-jourd’hui d’une possibilité de posercertains actes d’information de ma-nière autonome dans les conditions etselon les modalités fixées par les di-rectives des parquets. Il s’agit del’Enquête policière d’office (EPO).Notons qu’il ne s’agit à l’heure actuel-le que d’actes d’information, limitésaux infractions déterminées par lesdirectives du ministère public. L’En-quête policière d’office est limitéedans le temps puisque ces enquêtesdoivent impérativement être transmi-ses au parquet au terme d’un délai decinq mois. Lorsque la police traite undossier selon les modalités de l’EPO,elle est tenue d’en aviser le Parquet.Ces restrictions légales sont en effetnécessaires afin de répondre au pres-crit de l’article 12 de la constitution.

Cette disposition prévoit en effet quenul ne peut être poursuivi que dansles cas prévus par la loi et selon lesformes qu’elle prescrit. Les formesdes poursuites englobent à notre sensla procédure pénale en ce compris lesactes d’information.

En outre, l’EPO ne porte que sur desactes d’information, accomplis sousl’autorité du Parquet. Notons à cetégard que le projet de gouvernementprévoit d’étendre "le plus possible" laprocédure EPO.

L’article 29du code d’instruction criminelle.

La deuxième version de la note duformateur prévoyait de laisser à unofficier de police le soin de"dispatcher" les procès verbaux au

parquet. Ceci aurait bouleversé laportée de l’article 29 du code d’ins-truction criminelle qui impose à toutagent public de porter à la connais-sance du procureur du Roi sans délailes faits délictueux qu’il est amené àdécouvrir à l’occasion de l’exercice deses fonctions.

Donner à un officier de police l’oppor-tunité de ne pas porter à la connais-sance du parquet un certain nombrede faits reviendrait à créer une distor-sion et une inégalité de devoirs entrefonctionnaires : seuls les fonctionnai-res de police seraient autorisés à nepas rapporter certains faits au minis-tère public alors que tous les autresofficiers publics y seraient par contretenus.

Rappelons enfin que c’est précisé-ment sur l’amélioration du flux d’in-formations et de la lutte contre la ré-tention de ces dernières que les tra-vaux de la commission "Dutroux" ontinsisté. La réforme des polices qui endécoula avait notamment pour but delutter contre l’opacité des enquêtespolicières à l’égard des magistrats.

Conclusion

L’accord intervenu au mois d’octobretraduit, nous semble-t-il, une dispari-té profonde dans l’approche desquestions de sécurité et de justice enBelgique. Pour faire bref, disons quela recherche, au nord de la frontièrelinguistique, d’une efficacité maxima-le de la "machine" judiciaire s’opposeaux objections, essentiellement"sudistes" et non moins louables, depréserver l’indépendance des magis-trats, tant cette indépendance estindissociable de la qualité du servicequ’ils rendent à la population.

L’accord intervenu est bien entenduun compromis entre ces deux visions,mais nous devons rester vigilants entant que magistrats à ne pas nouslaisser enfermer dans une logiqueantagoniste que nous proposent cer-tains politiques.

La préservation des équilibres consti-tutionnels de l’Etat de droit, au pre-

Le classementsans suite par

la police :pour demain ?

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L’Associationsyndicale desmagistrats veutplacer lecitoyen aucentre despréoccupationsdu servicepublic de lajustice ...

Page 5Justine n°19 — décembre 2007

mier rang desquels figure l’indépen-dance des magistrats, n’exclut enrien un travail efficace et de qualité.Au contraire. A l’époque de la mé-diatisation de la justice où la "bonne"justice est présentée comme étantcelle ayant résorbé son arriéré et où,a l ’ i n v e r s e , l a j u s t i c e"dysfonctionnante" ne peut être quecelle ayant accumulé des "retards",au demeurant souvent bien relatifs, ilconvient de rappeler que la qualitéde l’œuvre de justice passe surtout

par la certitude qu’a le justiciable des’adresser à un magistrat objectif etindépendant en ce compris par rap-port aux exigences de la maximalisa-tion du profit et de la productivité.

Paul Dhaeyersubstitut du procureur du Roi

près le tribunal de 1ère instancede Bruxelles

ASM : demain j’enlève le –S- ?

Bénédicte Inghels

eau débat que celui qui s’esttenu à l’Association syndicale

des magistrats le samedi 10 no-vembre 2007, à Nivelles.

L’Association syndicale des magis-trats a été fondée en 1979 par ungroupe de magistrats. Comme notreprésentation l’indique, l’Associationsyndicale des magistrats veut placerle citoyen au centre des préoccupa-tions du service public de la justice,assurer un fonctionnement démocra-tique des juridictions et des par-quets, garantir l’indépendance desjuges envers tous les pouvoirs, re-créer des liens et restaurer laconfiance des citoyens en étant àl’écoute des mouvements et desidées qui traversent la société …

Mais l’ASM comporte un –S- qui, de-puis longtemps déjà, fait débat.

Jean-Marie Quairiat rappelait ainsique le rôle syndical – ou pas – denotre association a fait l’objet dequestions, interprétations, variationsdès les premiers temps. Certainesoccasions récentes ont montré qu’iln’était pas toujours aisé pour leconseil d’administration de l’ASM decerner précisément le type d’actionespéré par nos membres : la nonparticipation à la procédure relative àl’octroi de la prime Copernic en futl’illustration, notre attitude étantlouée par les uns, dénoncée par les

autres.

Le débat est récurrent, certes, maisil convenait de le porter à un niveausupérieur, de poser la question à nosmembres, de donner des pistes d’o-rientation aux conseils d’administra-tion d’aujourd’hui et de demain.

Deux conceptions cohabitent depuistoujours, étant entendu qu’il existedes points de convergence entre lesdeux : la première voit en l’ASM uneorganisation de défense des intérêtsdes magistrats, dont la missionconsiste à répondre aux questionspratiques, générales relatives à laprofession et à son statut en particu-lier ; la seconde défend une ASMchargée d’étudier le rôle de la Justiceau sein de la société, sans pour au-tant se désintéresser du statut desmagistrats, vu comme un outil desti-né à l’amélioration du fonctionne-ment général de l’ordre judiciaire.

Pour lancer le débat, deux orateursétaient invités à nous faire part deleurs suggestions. Ce fut l’occasionnon d’un duel, mais d’une joute ora-toire de qualité où les points deconvergence étaient finalement pos-sibles.

Figure emblématique de l’Associationsyndicale des magistrats, ChristineMatray a énoncé, en vers , sa visionde notre association. "Avons-nous

ASM :demainj’enlèvele –S- ?

Page 8: Bulletin de l’Association Syndicale des Magistrats...Association syndicale des magistrats asbl Centre Universitaire de Charleroi Avenue Général Michel 1b – B-6000 Charleroi Tél

La discussionen concertation

sociale secaractérise parune souplesse

et une capacitéde négociation

qu’auront lesassociationsmais que ne

peut avoir uneinstitution

Page 6 Justine n°19 — décembre 2007

une âme syndicale ou sommes nousun pouvoir juché sur son piédestal ?"lançait-elle d’emblée. Et de souli-gner combien, dès sa création, l’ASMavait eu le souci du "service public" :au service des gens, d’une manièrenouvelle, les juges doivent être ra-menés au sens de leur mission, fai-sant fi du corporatisme. Et l’étuded’un statut professionnel s’analysecomme un inventaire des problèmesmais non comme un cahier de reven-dication à usage personnel.

D’ou vient alors ce nom, ASM, provo-cateur et maladroit ? Pas si mala-droit que cela, concluront les partici-pants à la journée d’ailleurs … A l’o-rigine, Christine Matray nous rappe-lait qu’il se voulait provocateur, com-batif dans le sens noble du terme.Le syndicalisme conçu comme unoutil de rébellion contre la hiérarchieou l’immobilisme, et non comme leporte drapeau de droits acquis ou àacquérir.

Et Christine de conclure : pourquoiconserver ce nom archaïque, nousqui ne sommes ni assoiffés de pou-voirs, ni majoritaires dans les institu-tions et devons davantage mettrenos énergies dans les idées à distillersans modération dans les ouvrages,les colloques, les conférences à orga-niser ? Il faut mobiliser la jeune gé-nération, autour d’un projet bouscu-lant les voies toutes tracées et ou-vrant de nouvelles pistes de réflexionà la magistrature.

Christine ne nous dira toutefois passes suggestions pour une nouvelleappellation forte, laissant d’abord laplace au débat.

Jean-Paul Janssens a, quant à lui,résolument choisi l’action comme co-rollaire de sa réflexion, et sa richeexpérience professionnelle nous leconfirme.

Rappelant que dans une autre vie, ila beaucoup fréquenté le monde syn-dical, il s’étonne de l’absence deconcertation sociale dans le mondejudiciaire. Son expérience profes-sionnelle variée l’a amené à ren-contrer différentes catégories profes-sionnelles et il fait le constat d’une

absence totale de lieu de discussion,de concertation pour les quelques5.000 membres, juges, procureurs,stagiaires, juristes, référendaires,travailleurs de l’ordre judiciaire.

"Syndical" n’est pas péjoratif, souli-gne-t-il avec conviction. Les rela-tions sociales sont organisées, dansnotre pays, dans un cadre structuré.Les relations sociales sont, dans cecadre, le lieu d’échanges et de dé-bats d’une grande richesse. S’en dé-sintéresser pose le problème de l’ef-ficacité de notre action : les idées del’ASM, aussi bonnes soient-elles, doi-vent à un moment être relayéesdans les lieux où se prennent les dé-cisions. Lorsqu’une structure deconcertation sera mise en place pourla magistrature, l’association recon-nue devra obligatoirement être asso-ciée aux discussions. Et ce ne serapas le Conseil Consultatif de la Ma-gistrature, qui n’est pas une organi-sation syndicale et n’a qu’une com-pétence d’avis. Par ailleurs, la dis-cussion en concertation sociale secaractérise par une souplesse et unecapacité de négociation qu’auront lesassociations mais que ne peut avoirune institution. Il est donc indispen-sable d’anticiper cette évolution.

D’un point de vue individuel, le ma-gistrat a une série de droits, commetout autre travailleur. D’un point devue sociologique, la fonction a fortévolué, la carrière est de plus en pluslongue et de nouvelles questionsémergent. Par ailleurs, la perceptionde la magistrature a changé et lesrapports avec le politique ont étébouleversés, ainsi la procédure rela-tive à l’octroi de la prime Copernic aclairement positionné le rapport enun lien "employeur-travailleur".Dans cette nouvelle conception, lemagistrat a un droit à revendiquerune assistance syndicale.

C’est le choix politique qu’il offre ànotre association, en soulignantcombien le rôle plus syndical n’estévidemment pas élisif du rôle de ré-flexion et d’impulsion générale vantépar ailleurs.

* **

ASM :demainj’enlèvele –S- ?

Page 9: Bulletin de l’Association Syndicale des Magistrats...Association syndicale des magistrats asbl Centre Universitaire de Charleroi Avenue Général Michel 1b – B-6000 Charleroi Tél

Bien sûr, laréflexion nepeut aboutirsans l’action.Bien sûr,l’action n’a desens sans laréflexion.Commenttoutefoisconcilier lesdeux points devue avec leprincipe deréalité ?

Page 7Justine n°19 — décembre 2007

Le décor est planté et le débat lan-cé. Autant dire que les argumentsde chacun ont séduit, convaincu, etque tous les participants présentsont sans doute voulu d’abord mettreen évidence les points de conver-gence entre les deux orateurs.

Bien sûr, la réflexion ne peut aboutirsans l’action. Bien sûr, l’action n’ade sens sans la réflexion. Commenttoutefois concilier les deux points devue avec le principe de réalité souli-gné par une participante : avons-nous les moyens et l’énergie suffi-sante pour embrasser les deux pis-tes offertes ?

Et sans doute le premier intervenantau débat a-t-il résumé à lui seull’impression dominante : à titre indi-viduel, nous sommes certainementmembres de l’ASM pour tout ce queChristine a évoqué, le combat pourune Justice plus proche, le refus del’immobilisme, l’ouverture à la so-ciété. Cependant, la gestion d’unecarrière de plus en plus longue sou-lève de nouvelles questions et doitsusciter de véritables remises enquestion. L’ASM doit donc rester lelieu d’échange et de réflexion quinous secoue, nous dérange, nouspousse à développer notre imagina-tion.

Il reste que la question de la solida-rité, de la défense des magistrats endifficulté reste posée. Nous avonsmesuré combien, structurellement,l’ASM ne sait actuellement répondreà ces souffrances. Plusieurs inter-venants l’ont regrettés, d’autres ontrappelé les exigences spécifiquesd’une mission d’ordre syndical quin’est pas de notre compétence.Participer à la négociation syndicale,

assurer la défense individuelle d’unmagistrat, c’est un autre métier a-t-on plusieurs fois entendu.

Mais combien d’intervenants n’ont-ils pas aussi souligné leur solitudedans l’exercice de leurs fonctions.Pour eux, l’ASM est ce lieu de ren-contre, d’échange où les idées foi-sonnent, sont mises en débat etd’où émergent quelques projets lu-mineux.

Dans cette mesure, nombreuxétaient les participants qui ont ap-prouvé le choix du –S-. Le terme"syndical" doit être reçu dans uneinterprétation plus large, comme lesymbole de la défense de certainescauses. Plusieurs membres ontégalement souligné combien le côtéprovocateur, rebelle ou subversif du–S-constituait un plus.

Et pour clôturer cette belle matinéed’échanges, chacun a pu dégusterles tartes de Laure, la salade d’Eve-lyne, les confitures maison de Da-mien et j’en passe. Car avouons leavec fierté, l’ASM est surtout uneAssociation Sympathique de Magis-trats, où la parole de l’un, l’énergiede l’autre, le don de soi du troisiè-me, l’expérience de celui-là contri-buent aussi à nourrir notre imagina-tion et à améliorer nos pratiquesquotidiennes.

Merci à tous d’avoir été aussi nom-breux et actifs.

Bénédicte INGHELSjuge au tribunal de commerce

de Namur11 novembre 2007

ASM :demainj’enlèvele –S- ?

Rejoignez-nous sur

www.asm-be.beet son tout nouveau forumou sur la liste de discussion

[email protected] auprès de

[email protected]

Le bureau de l’ASM

vous souhaite

une harmonieuse

année nouvelle

Participez à la réflexion et à l’action

Page 10: Bulletin de l’Association Syndicale des Magistrats...Association syndicale des magistrats asbl Centre Universitaire de Charleroi Avenue Général Michel 1b – B-6000 Charleroi Tél

Justine n°19 — décembre 2007

u départ, un problème à résoudre : le –S-.Cela signifie-t-il entre les orateurs

Un strip, un concours ou une simple prouesseEntre Jean-Paul et moi de propos de rhéteurs ?

Nous sommes tôt levés. Nous voilà rassemblés.Pour discuter d’un thème devenu familier :Avons-nous dans nos gènes une âme syndicale ?Ou sommes-nous des purs au haut d’un piédestal ?

Je ferai en ce cas un choix d’avocaillon :Plaider contre ce sigle et contre tradition,Au risque de votre ire, celle des juges aigresQui se trémoussent vite aux propos des ultras,

Grimacent et se tortillent, tels des pisse-vinaigre.Vous le voyez d’emblée, rien ne m’arrêtera,Vos mimiques, vos toux, vos soupirs consternés,Je répète bien haut : rien vraiment n’y fera !

Et au cours du débat, par avance, je sais,Il y aura des vieux schnocks pour se dire courroucésd’un projet qui pour eux est de l’ingratitudeA leur égard à eux. Ils crieront : « turpitude ! ».

Passons donc au sujet qui vous fit vous leverUn samedi matin, jour de croissants dorés,De flâneries, de câlins, de couettes un peu froisséesQue vous abandonnâtes pour venir m’écouter.

ommes-nous syndicaux, nous qui dès l’origineConçurent l’idée nouvelle d’être un service public,

Pas une corporation ancrée dans sa routineRevendiquant des droits fussent-ils emblématiques ?

Nous voulions avant tout être au service des gensD’une manière nouvelle, sans faste ou prétention.Lorsque l’on nous créa, il paraissait urgentDe rappeler les juges au sens de leur mission.

Nos intérêts à tous, qu’on dit professionnelsSont légitimes, bien, telle n’est pas la question.Mais d’autres s’en occupent, ça leur donne des ailes,Et c’est très bien ainsi, à chacun son rayon.

Moi, je me réjouis qu’il existe, par ailleurs,Des amis magistrats, se souciant de nos droits.Même si sur le statut, on fut bien supérieur !L’inventaire des problèmes s’imposait de surcroît.

Ce qui nous rend visible, c’est sans doute d’être en margeD’un courant dominant trop fait de jérémiades,De soupirs et de pleurs sur un trop plein de charges,Sur de vilains locaux, un pécule qui tarde.

Ce qui nous rendvisible, c’est sans

doute d’être enmarge

D’un courant do-minant trop faitde jérémiades,

De soupirs et depleurs sur untrop plein de

charges,

Sur de vilainslocaux, un pécu-

le qui tarde.

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Demain,j’enlèvele –S-!

Demain, j’enlève le -s-!

Christine Matray

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Ah oui ! L’indépendance ! La voilà menacée !Bien sûr, elle a pour rôle d’ériger un rempart.Mais pour l’institution. Pas pour tout excuserDe tous nos archaïsmes, de nos tristes retards.

L’indépendance, elle est au service exclusifD’une mission de juger, non d’un rite palliatifDe nos insuffisances. Enfin, celles des autresCar hardiesse et courage, toutes vertus sont nôtres !

Dialogue avec d’autres, ouverture sur le monde,Voilà des magistrats bien étranges, ma foi.C’est pourtant une idée aussi belle que fécondeAlors pourquoi ce nom tellement maladroit,Réducteur et ringard, tout au moins, selon moi.

u jour où les anciens conçurent le projetDe créer l’ASM, furieusement, ils pensaient

Que la provocation serait notre manièreD’exister au milieu d’un pouvoir trop sévère

Trop cruel, trop distant aux misères d’autrui,Tellement indifférent qu’il fallait pour lutterOser de la hiérarchie défier l’hostilitéLe mot syndicalisme avait ce chatouillis.

Mais il y avait plus, et l’histoire a ses droits.Nos pères fondateurs, Jassogne se le rappelle,Ne voulaient pas vraiment que Legros nous foudroieEt Dumont, et les autres, avec cette ribambelle

De ronchons, de râleurs et de vieux brontosaures.Des textes inspirèrent une habile stratégie :Le mot « syndicalisme » devenait un trésor…L’O.I.T. inspira cette amphibologie.

Nous fûmes donc syndicaux, mais dans l’appellation,Juste le temps de croire qu’on aurait nos martyrsDu joug disciplinaire. Alors, nous limitions.Nous eûmes bien sûr Panier pour provoquer les ires

Des Desmet, et des cours, et même de VeluEt puis Marotte aussi — qui s’en souvient encore ? -Fit en public l’éloge, depuis lors révoluDe la carte de parti pour toute promotion.

Quant au mot syndical, il n’inquiéta personne.Nul n’eut le moindre ennui pour oser l’arborer.oOn fit même carrière en osant l’afficher.Le nouveau diamant finit en zirconium.

lors, mais selon moi, la question est très simple :Pourquoi garder un nom parfaitement archaïque ?

De la situation que je vous ai dépeinte,Ne se dégage-t-il pas réponse automatique ?

Nous ne sommes pas syndicaux, nous sommes bien autre chose,Un groupe minoritaire dans la magistraturePeu soucieux de discours, de pouvoirs et de glose,Très peu préoccupés d’avoir l’investiture

Justine n°17 — février 2007Justine n°19 — décembre 2007

Dialogue avecd’autres,ouverture sur lemonde,Voilà desmagistrats bienétranges, ma foi.

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Demain,j’enlève

le –S-!

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D’une base docile ; de pouvoir occuperDes nouveaux organismes la place dominante.Nos idées seront bien mieux fertiliséesDisséminées ailleurs, d’autant plus influentes.

Colloques, conférences, débats de société,C’est là qu’il faut agir et qu’il faut apparaître,C’est là qu’il faut convaincre de notre identité :Un groupe de rêveurs, toujours prêt à renaître.

omment alors revoir, cet inadéquat nom ?N’attendez pas de moi une péroraison

Au terme de l’exercice, périlleux entre tousDe contredire Jean-Paul dont la patience s’émousse.

J’y ai, ça je le jure, pourtant bien réfléchi.Comment changer de nom sans que l’on nous oublie ?Sans passer à la trappe d’une histoire non écriteCar de toutes nos folies, peu ont été transcrites,

Ne reste qu’un parfum léger de subversionDont Wettinck, bien sûr, entretient la légende.Dès lors, faudrait avoir une vraie révélationPour trouver le bon mot, aujourd’hui et ensemble.

J’ai bien quelques idées, mais c’est un peu facileDe convoquer Bobonne, pour construire l’avenir.Alors j’attends, j’attends de vos esprits fertilesUn génie, une grâce qui viennent nous esbaudir.

La première question, la plus simple après tout :Le –S- doit-il changer parce qu’inadéquat ?Si la réponse est oui, alors, vrai, vent debout !Faut trouver l’idée choc qui les laisse pantois.

Supposons qu’on la trouve, cette idée nouvelleQui pourrait faire vibrer les jeunes d’aujourd’hui.Encore va-t-il falloir pour qu’elle soit bien réelleEn faire la promotion pour l’inscrire dans la vie

De la magistrature comme du monde politique,Des médias, des unifs, des associations.C’est très gai de créer quelque chose d’uniquePourvu qu’on ait vraiment la détermination.

Imaginons la chose : un colloque qui rappelleQu’au sein de nos palais, il y a des magistratsQui conçoivent leur rôle, point comme curatelleDes malheurs de la vie au nom de vieilles lois

Mais comme un sacerdoce qui s’exerce toujoursAvec la volonté d’interpréter le droitDans un sens plus humain, même en hautes coursOù pourtant ce message s’égare quelquefois…

Un colloque fondateur d’une rénovation.Foulek nous parlerait comme il sait bien le faire.A Paul sans doute aussi iraient les conclusions.Mais surtout, avant tout, une jeune générationDoit trouver son espace, son discours, sa manière,Bousculer à son tour le poids des traditions.

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Commentchanger de nom

sans que l’onnous oublie ?

Sans passer à latrappe d’unehistoire non

écrite.

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Demain,j’enlèvele –S-!

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Vous goûterez au vertige de créer quelque choseQui ne ressemble à rien dans l’espace judiciaire.Ne vous enlisez pas dans d’inutiles causesQui sont justes sans doute mais pesantes et austères,

Trop administratives pour nous, idéalistes,En quête de vrais progrès et qui savons très bien :C.S.J., C.C.M., commission modernisteNe réformeront pas en dehors des cheminsBien tracés par avance par le monde politique.C’est donc en marge de cela qu’il nous faut existerPour créer l’attention sur nos propres sentiers.

Et devons-nous céder à la tentationDe l’éternel mirage de la consultation ?Oui, certes, un peu, bien sûr, mais pas au point extrêmeDe faire de cet enjeu le décideur suprême

De notre appellation.

De la concertation que propose le pouvoirGardons-nous si nous sommes simplement l’alibiD’un manège formel. Ne soyons pas l’outilDe manipulations qui servent de brouillard

A la démocratie.

Ne courons pas derrière le monde politique.Ne nous essoufflons pas sur des projets tout faits.Précédons l’évènement, inventons la musiqueQu’il chantera pour nous si notre air est parfait,Nos idées dans le vent, à la pointe du progrès.

Pardon Watteyne, Squilbeck, Funck et puis CollinetSimonis, Gillardin, et puis aussi Spirlet !Pardon à toi le Claude, président ParmentierQui notre premier colloque d’un lapsus clôtura« L’association magistrale des syndicats » !A vous Castin, Jassogne, Troisfontaine, Marchandise,Pardon à tous pour toutes mes bêtises !Pardon à toi Michèle, ma folle Del CarrilMon inventive amie, ma tendre versatile !Pardon à toi Véro ! Rien de tes révérencesDevant les princes, les rois ne cachent l’impertinence.Lebeau, Pensis, Hachez, la douce Bambina !Pardon surtout à toi, mon président Quairiat,Pardon vraiment pour cet assassinat !Mais d’un mort encore chaud, faisons un beau bébé.

Reste à trouver le nomPuisque pour le baptêmeNous avons les salons,Des magistrats, la crèmeEt la foule au balcon.

Christine Matray

Débat avec Jean-Paul Janssens

Nivelles, le 10 novembre 2007

Justine n°19 — décembre 2007

Ne couronspas derrièrele mondepolitique.

Ne nousessoufflons passur des projetstout faits.

Précédonsl’évènement,inventons lamusique

Qu’il chanterapour nous sinotre air estparfait,

Nos idées dansle vent, à lapointe duprogrès.

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Demain,j’enlèvele –S-!

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Gardons en toutcas à l’esprit quela solidarité et le

professionnalismedes membres duCSJ seront seulssusceptibles de

permettre à l’outild’élever la qualité

d’une justicehumaine auservice des

hommes et desfemmes de notre

temps.

Page 12 Justine n°19 — décembre 2007

a commençait par une citationempruntée à Stefan Zweig dans la

biographie d'Erasme : "La raison esttoujours une forme régulatrice, ellen'est jamais une force créatrice; lavéritable création réclame toujours laprésence d'une illusion".

C'était en 1999. Le 4 juin avaient eu lieules premières élections du CSJ qui n’exis-tait que sur papier. Le destin emportaitles premiers élus, dont j'étais, sur unepromesse de navire en partance pourcette terre encore inconnue où il fallaitconstruire des ponts entre les institutionset les hommes. Nous étions pleinsd'idées, pleins d'espoirs et de volontéd'œuvrer pour contribuer à restaurer lacrédibilité de la justice.

Installé depuis janvier, 2000, le CSJ fonc-tionne. Il a pris une place respectablesur l'échiquier institutionnel et est devenuun levier de la réforme permanente de lajustice. Mais encore … ?

En 2004, le bilan du premier mandat auCSJ se voulait globalement positif. Lestâches accomplies ne manquaient pasd'éloquence : le Conseil avait manifestébeaucoup d'indépendance vis-à-vis dupolitique dans la défense de la magistra-ture et mis en place des structures inter-nes chargées de veiller à l'améliorationde la qualité des interventions judiciaires.Il s'était préoccupé de la formation per-manente pour l'adapter aux besoins ré-els. Il avait veillé à faire, à l'abri de toutepression, des propositions de nominationet de promotion dans une perspectived'avenir et effectué des enquêtes sur lefonctionnement de plusieurs parquets etjuridictions. Ses réflexions engrangéessur différents projets (accès à la magis-trature, stage judiciaire, formation per-manente) témoignaient également del’importance de ses ambitions. Il avaitorganisé les concours des juristes de par-quet, référendaires du siège et stagiairesjudiciaires ainsi que les examens d'aptitu-de. Il avait rendu bon nombre d'avis,autant que possible scientifiques, sur lesprojets et propositions de loi relatifs àl'organisation judiciaire et traité les plain-tes des particuliers ... autant de missionsdévolues par la loi.

Mais déjà nous était-il donné de constaterque le CSJ tournait pour partie sur lui-même, tant la diversité et l'accumulation

de ses tâches étaient accaparantes etprésentaient le risque, à terme, de l'en-traîner dans une bureaucratie pouvantêtre perçue de l'extérieur comme uneexclusion, une absence de relais ... unerupture de pont. Les critiques se firentplus précises lors de la campagne électo-rale en vue de l'élection des candidats ausecond mandat. Ainsi, parmi les slogansélectoraux était-il déjà question de"noyautages possibles" entre certainsmembres en vue de privilégier la présen-tation d'un candidat, d'un fonctionnementde la commission de nomination garantis-sant imparfaitement l'objectivation desprésentations, de formations organiséesde manière disparate et non concertée,d'avis émis de manière trop théorique etinsuffisamment centrés sur des objectifsaccessibles, de l'affectation des ressour-ces du CSJ à des fins non nécessairementprioritaires, d'un manque de communica-tion entre les commissions de nominationet désignation (CND) et d'avis et d’en-quête (CAE) desservant la circulation etl'exploitation des informations et, par-tant, l'efficience de l'institution ... et lescandidats aux élections du "futur" CSJd'axer leur campagne sur le thème duchangement.

Le "deuxième" CSJ est sur les rails depuisle mois de septembre 2004. Qu'en est-ildu changement annoncé, des améliora-tions promises à grands renforts de pro-pagande, fût-elle officielle, ou plus discrè-te ?

A titre personnel, je soulignerai la persis-tance de l'engagement, la plupart desmembres de l'actuel CSJ visant à réconci-lier le citoyen et la justice.

Dès le début du deuxième mandat duCSJ, un ambitieux plan pluriannuel futvoté, visant une série de projets à déve-lopper et à atteindre tendant tous à l’ob-jectif précité. Citons-en quelques-uns :structurer le dialogue de la justice avec lasociété civile, actualiser le baromètre dela justice et agir là où un constat négatifest épinglé, insérer la justice à l’école,développer une vision de l’organisationjudiciaire, créer un service d’audit, amé-liorer le traitement interne des plaintes,élaborer des propositions constructives àlong terme en matière de recrutement,de nomination, de formation et de carriè-re des magistrats, affiner la sélection desmagistrats et des candidats à des places

Justine n°19 — décembre 2007

Conseilsupérieurde la Justice

Le CSJ a sept ans. L’âge de raison ?

Jacqueline Devreux

Page 15: Bulletin de l’Association Syndicale des Magistrats...Association syndicale des magistrats asbl Centre Universitaire de Charleroi Avenue Général Michel 1b – B-6000 Charleroi Tél

S’il estimportant quele CSJ tiennecompte desmouvementsqui animent lavie de lamagistrature, ilest tout autantnécessaire qu’iltranscende lesclivages, s’ilveut restercrédible.

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vacantes …

Ces projets sont toujours en cours, cer-tains plus avancés que d’autres, et ontassocié des partenaires extérieurs dontl’expertise participe sans conteste à unemeilleure objectivation des réformes àorganiser. Même si l’on peut regretter dela lenteur dans l’évolution de certainsprojets, le CSJ a tiré les leçons du passésur le plan de la participation de partenai-res extérieurs. Cette politique de partici-pation est encore à développer dans l’a-venir.

Les avis rendus par la CAER(commissions d’avis et d’enquête ré-unies) se sont faits plus proactifs. Nom-bre d’entre eux furent émis d’office. Lelecteur est invité à en consulter la liste etle contenu sur le site du CSJ(www.csj.be), dont les informations insé-rées s’intensifient au fil du temps. Celaconstitue une avancée intéressante et unmoyen d’interaction avec l’extérieur quitémoigne également des efforts consentispar le CSJ pour parfaire sa mission.

Des améliorations non négligeables ontégalement été réalisées sur le plan del’organisation des commissions franco-phone et néerlandophone de nominationet de désignation et de l’objectivation desprésentations. A cet égard, il s’agissaitnotamment de relever le défi de taille deprocéder à la présentation de la quasi-totalité des chefs de corps. Cette tâche,accomplie principalement dans le courantde l’année 2006, a démontré à elle seulecombien le CSJ fait preuve d’indépendan-ce vis-à-vis des pressions extérieures.

D’aucuns se plaisent à dénoncer des"noyautages" et "pré-accords" qui au-raient présidé la présentation de certainschefs de corps … Ceux-là ne font-ils paspreuve de légèreté, en colportant desaffirmations non démontrées et inexac-tes, s’agissant en tout cas de la commis-sion de nomination francophone, à la-quelle j’appartiens ?

Maintes fois il a été souligné que l’exigen-ce d’une majorité des deux tiers pourprésenter un candidat à une place vacan-te dans la magistrature, cumulée avecl’habituelle, mais parfois peu stratégique,velléité d’indépendance du côté franco-phone, voue à l’échec tout ralliement degroupe qui irait à l’encontre de l’opinionindividuelle.

Certes, la subjectivité personnelle n’estpas à exclure dans le cadre des présenta-tions, mais elle ne peut jamais s’identifierà un quorum représentant les deux tiersdes voix. En cela, la composition mixtedu CSJ (moitié magistrats, moitié repré-

sentants de la société civile) constitueune garantie supplémentaire. En celaaussi, la diversité des idéologies constitueune richesse à préserver, de manière àgarantir le CSJ de la pensée unique. Cet-te diversité ne devrait pas entamer lanécessaire solidarité de ses membres qui,avec les convictions qui leur sont propres,doivent disposer d’une autonomie per-sonnelle. Le CSJ ne peut certainementpas devenir le champ clos de l’un ou l’au-tre groupe, au risque de devenir partisan.Ceux-ci sont nécessaires à la démocratiemais, s’il est important que le CSJ tiennecompte des mouvements qui animent lavie de la magistrature, il est tout autantnécessaire qu’il transcende les clivages,s’il veut rester crédible.

D’une manière plus générale, si ces cliva-ges et parti pris ont pu trouver un terrainfertile auprès de certains membres duCSJ au cours de ce deuxième mandat, ilimporte de s’en départir absolument, aurisque d’introduire le ver dans la pomme,conduisant au pourrissement prématuréd’une institution qui symbolise précisé-ment la communication et la solidarité.Gageons que les membres du futur troi-sième CSJ y soient attentifs.

Le CSJ doit persister dans son œuvre derestauration du lien entre la justice et lecitoyen. Cet objectif accentue le caractè-re stérile des querelles intestines et déva-lorise ceux qui les véhiculent. Garder lecap n’est pas toujours chose aisée, car leConseil est un gros navire qui se manœu-vre avec difficulté et peut se perdre enconjectures inutiles tandis qu’il devraitinlassablement veiller au recentrage deses priorités sur une vision plus globaledu fonctionnement de l’institution judi-ciaire en initiant avec l’appui de tous (etavant que le politique ne nous impose lesien) un projet réformateur intégrant unemeilleure visibilité de ses tâches et dé-montrant davantage de professionnalis-me dans l’exercice de ses missions. Lesprogrès engrangés y sont, en effet, enco-re insuffisants. Sept mois nous séparentde la fin du mandat et il importe de re-mettre l’ouvrage sur le métier sans dé-semparer.

Gardons en tout cas à l’esprit que la soli-darité et le professionnalisme des mem-bres du CSJ seront seuls susceptibles depermettre à l’outil d’élever la qualité d’u-ne justice humaine au service des hom-mes et des femmes de notre temps.

Jacqueline Devreuxpremier substitut

du procureur du Roi à Bruxelles

Justine n°19 — décembre 2007

Conseilsupérieurde la Justice