atlas de l'asie du sud-est -...
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Atlas« La seule unité que l’on puisse distinguer dans la région réside dans la trajectoire économique à laquelle tous les États de la zone ont fini par se rallier : la croissance par l’industrie et l’exportation. »
Hugues Tertrais est professeur à Paris-1 Panthéon-Sorbonne et dirige le Centre d’histoire de l’Asie contemporaine. Il a notamment publié Atlas des guerres d’Indochine (Autrement, 2007), Angkor, VIIIe-XXIe siècle (Autrement, 2006) et Asie du Sud-Est. Enjeu régional ou enjeu mondial ? (Folio, Gallimard, 2002).
Cartographie de Cécile Marin (conception et réalisation) et de Mélanie Marie (réalisation).
Atlas de l’Asie du Sud-EstLes enjeux de la croissance
Atla
s de
de
l’Asi
e du
Sud
-Est
80 cartes et infographies pour mieux connaître l’une des régions
où se joue aujourd’hui l’équilibre de la planète.
Une zone de 600 millions d’habitants, répartis dans 11 pays :
Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar (Birmanie),
Philippines, Singapour, Thaïlande, Timor oriental et Vietnam.
Une région contrastée : des héritages historiques et politiques
variés, des configurations géographiques distinctes, plusieurs
religions, des niveaux de développement contrastés.
Hier, théâtre de conflits, aujourd’hui, lieux de croissance,
les pays de la région, dont les crises et les tensions ne sont
pas absentes, doivent dorénavant relever le double défi
de la consolidation nationale et de la construction régionale.
En ce début de XXIe siècle où le centre économique du monde s’est
déplacé vers l’Asie, l’Asie du Sud-Est est devenue un carrefour vital.
Nourri d’exemples éclairants et précis et étudiant en détail les pays
qui composent la région, cet Atlas en démontre l’importance capitale
au sein de « l’économie-monde » d’aujourd’hui.
Couverture : © Steve McCurry/Magnum Photos19,90 s – ISBN : 978-2-7467-3441-8–Retrouvez toute notre actualité sur www.autrement.comet rejoignez-nous sur Facebook
HUGUES TERTRAIS
Atlasde l’Asie du Sud-EstLes enjeux de la croissance
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atlasAsieDuSudEst_couv1+4_V2.indd 1 23/04/14 18:29
© Éditions Autrement 201417, rue de l’Université – 75007 ParisTél. 01 44 73 80 00 – www.autrement.com
ISBN : 978-2-7467-3441-8ISSN : 1272-0151Dépôt légal : juin 2014
Imprimé et broché en France par l’imprimerie Pollina, France. Achevé d’imprimer en mai 2014.
Tous droits réservés. Aucun élément de cet ouvrage ne peut être reproduit, sous quelque forme que ce soit, sans l’autorisation expresse de l’éditeur et du propriétaire, les Éditions Autrement.
Cet ouvrage est le fruit d’un programme de recherche lancé par l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine
(CNRS-MAEE, www.irasec.com).
Atlas de l’Asie du Sud-Est
Les enjeux de la croissance
Hugues Tertrais Avec la collaboration de Thibault Leroy
Cartographie : Cécile Marin et Mélanie Marie
Éditions AutrementCollection Atlas/Monde
6 INTRODUCTION
9 L’ÉMERGENCE D’UNE RÉGION 10 Une région sans unité apparente
12 Avant l’« Asie du Sud-Est »
14 La rencontre de la Chine et de l’Inde
16 La trace des grands empires dans la région
18 Un conflit résiduel : le temple de Preah Vihear
20 L’Asie du Sud-Est médiane
22 Asie du Sud-Est : l’apparition du concept
24 La construction de l’Asean
26 L’Asie du Sud-Est aujourd’hui
29 UNE MOSAÏQUE DE SITUATIONS 30 L’angle de l’Asie
32 La diversité ethnolinguistique (1) : une région carrefour ou entonnoir ?
34 La diversité ethnolinguistique (2) : deux pays significatifs
36 À la croisée des religions
38 Foules et déserts
40 Les déplacements de population
42 La diversité politique
44 Une même trajectoire de croissance
ATLAS de l’Asie
du Sud-Est
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST4
Dehli
Bombay
Calcutta
Bangkok
Pékin
Vladivostok
Séoul Tokyo
Hong Kong
Manille
Jakarta
Darwin
Irkoutsk
Novossibirsk
Îles Cocos
Andaman et Nicobar
Seychelles
+3h30
+4h30
+5h30
+5h45
+5h
+6h30
+7h +8h
+7h
+7h
+9h
+10h
+8h
+6h
+6h
+9h
+9h
+9h30+8h +10h
+5h30
Maldives
+6h30
+11h
+5h
Équateur
ASIE MÉRIDIONALE
ASIE CENTRALE
ASIE ORIENTALE
ASIE DU SUD-EST
Yangon
Pyongyang
Bandar Seri BegawanKuala Lumpur
Singapour
Vientiane
Phnom Penh
Hanoi
+7h Écart à l’heure GMT
Limite de fuseau horaire
0 1 000 2 000 km
Échelle à l'équateur
PHILIPPINES
La surface des rectanglesest proportionnelle à la population
en 2013, en millions d’habitants.
BRUNEI
TIMOR-ORIENTAL
I N D O N É S I E
MALAISIE
THAÏLANDE
MYANMAR
LAOS
CAMBODGE
VIETNAM
SINGAPOUR
96,2
0,4
1,1
248,5
29,8
66,2
53,3
6,7
14,4
89,7
5,4
0 1 000 km
Source : Nations unies, World Population Prospect, 2013.
9
29
47 CROISSANCE OU DÉVELOPPEMENT ? 48 La région du Grand Mékong
50 Production et consommation d’énergie
52 Les transports repensés
54 Les investissements étrangers
56 Performances économiques et spécialisations
58 Les échanges dans la région
60 Le tourisme régional et international
62 Urbanisation et métropolisation
64 Maîtriser l’environnement
66 Économie parallèle et trafics illicites
69 LES ENJEUX MARITIMES 70 Les nouvelles frontières (1) : l’Indonésie
72 Les nouvelles frontières (2) : l’imbroglio en mer de Chine
74 Ports et activités marchandes
76 Les détroits, la piraterie et la surveillance maritime
78 Les hydrocarbures off shore
80 La pêche et les ressources halieutiques
82 Cinquante ans de tensions maritimes
84 Quel avenir pour l’Asie du Sud-Est ?
86 CONCLUSION
ANNEXES 88 REPÈRES 90 CHRONOLOGIE 93 BIBLIOGRAPHIE, FILMOGRAPHIE, SITOGRAPHIE 96 BIOGRAPHIE DES AUTEURS, REMERCIEMENTS
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST 5
Balikpapan
AUSTRALIE
CHINEINDE
LAOS
THAÏLANDE
MYANMAR
I N D O N É S I E
TIMORORIENTAL
PHILIPPINESVIETNAM
CAMBODGE
MALAISIE
SINGAPOUR
BRUNEI
TAIWAN
Haiphong
Bontang/SantanSenipah
Lawi Lawi
Belawan
1. Kuala Beukah2. Pangkalan Brandan3. Malacca4. Lafang
1.2.
3.
4.
Cebu
Da Nang
Manado
Hue
Surabaya
Balongan
Palembang
Sungai Salak
Plaju/Sungeigerung
MakassarAmbon
Palu Sorong
Cilegon/Merak
Bintulu
Pinang
KertehArun
Ba RiaVung Tau
Mandalay
Kunming
Chauk
Mount Isa
Canton(Guangzhou)
Port HedlandKarratha
Hong KongMaoming
Sanya
Kao-hsiung
Davao
Shenzhen
Khanom
Ratchaburi
Krabi
Kaeng Khoi
Lubuan Is
Limay
Sources : BP Statistical Review of World Enegy 2013, Wood Mackenzie research 2009.
Sulawesi
Timor
Sumatra
Hainan
NouvelleGuinée
Bornéo
JavaDili
Hanoi
Vientiane
Bangkok
Yangon
Phnom Penh
KualaLumpur
Jakarta
Bandar SeriBegawan
Manille
Taipei
Singapour
Mer de ChineMéridionale
Mer de ChineOrientale
Océan Indien
MerAndaman
Océan Pacifique
GazoducGazoduc prévuou en cours de construction
OléoducOléoduc prévuou en cours de construction
Pipelines
2,4210,50,1
Pétroleen centaine de millions de tonnes
Réserves énergétiques totales,prouvées fin 2012
Gaz naturelen milliards de m3
86,8
50
25105,6
Blocs d‘exploitationdes ressources énergétiques
offshore
onshore
0 500 km
Golfe de
Thaïlande
Mer de Chineméridionale
Golfedu Tonkin
MerAndaman
Luang Prabang
THAÏLANDE
VIETNAM
CHINE
Phnom Penh
Bangkok
Hanoi
YangonVientiane
Pakse
Savannakhet
Ho Chi Minh-Ville
Houay Xay
Jinghong
LAOS
MYANMAR
INDE
CAMBODGE
YUNNAN
Sambor
Stung TrengDon Sahong
Ban Koum
Lak Sua
Sanakham
Pak Lay Pak ChomNam Theun 1
Nam Theun 2
Xayabouri
Luang Prabang
Pak Beng
Manwan
Gongguogiao
Xiowan
Dachaoshan
Nuozhadu
Ganlanka
Mansong
Jinghong
Theun Hinboun
Source : Mekong River Commission.0 300 km
Région du Grand Mékong
Bassin du Mékong
Barrage
Limite du sous-bassin du Mékong(zone d‘action de la Mekong RiverCommission)
Barrage en cours de constructionou en projet
Ligne électrique
Réseau électrique
Ligne électrique en construction
6947
Un conflit résiduel : le temple de Preah Vihear
UN ENJEU TOURISTIQUE ET CULTUREL
L’office du tourisme thaïlandais l’affirme : « D’accès toujours difficile, Preah Vihear n’a pas son pareil, c’est un temple magique dont les nâgas géants sont les gardiens éternels. » Seulement voilà : si Preah Vihear se trouve à quelques centaines de mètres de la frontière khméro-thaïlandaise, il se situe du côté du Cambodge, et l’Unesco l’a classé en 2008 au Patrimoine mondial de l’humanité au titre de ce dernier pays. Pra-sat Phra Wihan, de son nom thaï, figure principalement au catalogue des voya-gistes travaillant avec la Thaïlande : son accès reste « toujours difficile », mais il l’est en tout cas beaucoup moins, compte tenu de l’état des routes, depuis Bangkok que depuis Phnom Penh.Le site de Preah Vihear n’a pas bougé de-puis plus de mille ans et le temple est consi-déré comme l’un des mieux conservés de la période pré-angkorienne. Édifié au début du XIe siècle, quelque cent ans avant An-gkor Vat, ce dernier se situant à environ 140 km plus au sud, il surplombe d’un peu plus de 500 mètres les bas-plateaux qui des-cendent dans sa direction, jusqu’au lac Tonlé Sap, et pour un peu semblerait sur-veiller la région. Peut-être est-ce d’ailleurs ce trait qui a forgé son destin en même temps que son caractère sacré : édifié sur une hauteur des monts Dangrek, qui fer-ment aujourd’hui le Cambodge au nord, il détient là une valeur symbolique similaire au Mont Meru, la demeure des dieux, centre du monde dans la culture indienne. Mais il se trouve présentement juché sur la frontière qui sépare le Cambodge de la Thaïlande.Dès le IXe siècle, le temple lui-même fut, semble-t-il, un ermitage, dont les pension-
naires séjournaient dans les grottes creu-sées dans la falaise qui tombe à ses pieds. Dédié à Shiva et construit à flanc de colline, il déroge à la tradition qui privilégie l’orien-tation des temples à l’est : le caractère sacré du lieu et la contrainte des escarpements qui le caractérisent justifient son déploie-ment sur un axe nord-sud, sur une distance de 800 mètres. Son accès unique, au nord dans sa partie basse, ouvre par une chaus-sée ceinte de bornes sur une série de sec-tions successives et de galeries voûtées qui débouchent sur le sanctuaire principal, tourné vers le sud et qui domine l’ensemble de l’édifice.
À l’heure où le seul nom d’Angkor attire les touristes du monde entier, celui de Preah Vihear est revendiqué par les deux pays voisins, Cambodge et Thaïlande : la fron-tière longe le temple au nord, côté Thaïlande, et laisse le promontoire au Cam-bodge. Phnom Penh a depuis longtemps donné son nom à la province nord du royaume, dont il relève ; Bangkok, dans la province symétrique de Sisaket, a mis en place un parc national éponyme. Alors que le pouvoir thaïlandais avait laissé à l’aban-don, dans ses confins orientaux, les ruines d’Angkor pendant des siècles, il sait se mobiliser pour ce site également excentré,
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST18
LAOS
THAÏLANDE
MYANMMAANNMARR
VIETNAM
CAMBODGE
Da Nang
Hue
Vinh
Ho Chi Minh-Ville (Saigon)
Nha Trang
Mawlamyine
Tavoy
Chiang Mai
Nakhon Ratchasima
Hainan(Chine)
Vientiane
Bangkok
Phnom Penh
Mer de Chineméridionale
Golfedu Tonkin
Golfe de
Thaïlande
TonleSap
Salo
uen
Mékong
AngkorPreah Khan
Beng Mealea
Phimai
Vat PhuPreah Vihear
0 300 kmE ire Khmer à son apogée (XIIIEmpire Khme e siècle)
Vestiges de l’Empire KhmerVestiges de l’
UN TEMPLE À LA FRONTIÈRE DE DEUX PAYS
Un temple de l’époque angkorienne empoisonne périodiquement les relations khméro-thaïlandaises : Preah Vihear, édifié sur le rebord d’un plateau qui domine le Cambodge à sa frontière nord. Le lieu présente un intérêt symbolique et touristique, dans une région du monde où le tracé des frontières demeure sensible ; l’appropriation du temple a fait l’objet d’un procès entre les deux pays au début des années 1960, qui s’est achevé au profit du Cambodge, et a resurgi depuis comme foyer de tensions bilatéral.
L’ÉMERGENCE D’UNE RÉGION
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST 19
mais symbolique des relations tumul-tueuses que les deux voisins ont entretenu au fil des siècles.
L’HISTOIRE SYMBOLIQUE DE PREAH VIHEAR
La question de Preah Vihear apparaît en effet symbolique de plusieurs siècles d’histoire et de relations entre le Cambodge et la Thaïlande, une question à apprécier dans la durée. La première principauté thaïe est ap-parue vers le XIIIe siècle à la lisière nord de l’empire khmer, sans doute issue d’un glisse-ment vers le sud du royaume de Nan Zhao, lui-même situé aux limites méridionales de la Chine. De Sukhothai à Ayuthya puis à Ban-gkok, le Siam qui en est issu s’est nourri des territoires, de la culture et de la conception monarchique khmers, jusqu’à menacer l’exis-tence même du vieux royaume.Quand, en 1863, la France plaça sous protec-torat ce qui restait du Cambodge, Preah Vihear, comme également l’essentiel du parc archéologique d’Angkor, relevait de la sou-veraineté du Siam – même si Bangkok, para-doxalement, ne semblait pas y prêter beau-coup d’intérêt. La région, avec ses provinces de l’ouest, ne fut rattachée qu’une quaran-taine d’années plus tard à Phnom Penh (1907), après d’âpres négociations depuis 1904 quant au tracé même de la frontière, notamment à la hauteur de Preah Vihear. Logé sur la chaîne des Dangrek, aujourd’hui frontalière des deux pays, le temple se situe depuis lors au nord du royaume khmer. Bang kok ne lâchant rien sur le fond, reven-dique à nouveau la zone du temple en 1934, à la faveur d’une crise politique en Thaïlande. Le nationalisme thaïlandais sembla trouver gain de cause en 1941, après la courte guerre franco-thaïlandaise et avec l’appui de Tokyo, engagé dans la guerre du Pacifique : l’essen-tiel de ces régions revint alors à Bangkok, mais provisoirement ; la capitulation japo-naise permit en 1946 à la France, non sans
difficultés, de faire restituer à l’Indochine les territoires cédés cinq ans plus tôt, dont Preah Vihear.Le dossier refit une première fois surface au moment de l’accession du Cambodge à l’indépendance en 1953. L’année suivante, le gouvernement de Bangkok fit occuper mili-tairement la zone du temple, faisant fi des protestations de Phnom Penh ; ce dernier porta le litige en 1959 devant le tribunal inter-national de La Haye qui, à l’issue d’une ba-taille de procédure compliquée, trancha au profit du Cambodge en mai 1961. Phnom Penh récupéra le lieu l’année suivante et, bientôt, Norodom Sihanouk y autorisa la vi-site des ressortissants thaïlandais sans visas.Alors qu’en 1970 le Cambodge était entraîné dans le maelström de la guerre, le site très particulier de Preah Vihear, plus ouvert sur la Thaïlande que sur le Cambodge lui-même, pouvait servir de base à toutes les opposi-tions : les Khmers rouges eux-mêmes, après avoir pris et évacué la capitale Phnom Penh en avril 1975, semblent avoir mis plusieurs semaines pour s’en rendre maîtres.Un épisode particulièrement tragique se déroule en juin-juillet 1979. L’Indochine tra-verse alors une crise à tous les niveaux : alors que la tension est extrême entre Chine et Vietnam et que les boat people fuient ce der-nier, et après que le Vietnam et le front cam-bodgien qu’il soutient ont renversé le régime de Pol Pot, la population cambodgienne re-
flue en masse vers la Thaïlande, poussée par les Khmers rouges eux-mêmes sous la pres-sion armée des Vietnamiens. La Thaïlande, nouveau pays de « premier accueil », refuse d’en supporter le fardeau, le fait savoir et, fina-lement, décide de refouler les Cambodgiens dans leur pays. Dans un mouvement orga-nisé par l’armée royale, des milliers, voire des dizaines de milliers de Cambodgiens, furent acheminés, la plupart en cars, vers le point de frontière choisi par Bangkok pour ce « retour au pays » : Preah Vihear ! Le site étant miné par les Khmers rouges et par les Vietnamiens, ce déplacement autoritaire s’est soldé par un carnage. Les récits recueillis font état de foules errant dans la nuit sous une pluie tor-rentielle et sautant au hasard sur les mines de la guerre… Les flancs de la montagne sacrée étaient devenus un cimetière.Aujourd’hui, l’affaire n’est pas close. Le clas-sement du site de Preah Vihear en 2008 au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, au bénéfice du Cambodge, ralluma la mèche et les incidents frontaliers reprirent : octobre 2008, peu après la décision de l’Unesco ; février 2010, quand les parties déci-dèrent de remettre à l’étude les cartes de 1907 ; février 2011, enfin, avec plusieurs jours de combats, des morts et des blessés dans les deux camps. Ces deux derniers épisodes paraissent pouvoir être mis en relation avec la crise des « Chemises rouges » en Thaïlande et la surenchère nationaliste à laquelle elle a donné lieu. Il s’agit d’une vieille histoire : tout ce qui touche au rappel de l’époque angko-rienne – et Preah Vihear est de cette nature – mobilise l’histoire du royaume thaï, dont le territoire s’est construit sur celui du vieil em-pire et qui se considère comme héritier de sa conception monarchique : l’histoire, les rela-tions de voisinage et la politique intérieure peuvent alors facilement se confondre.Comme un volcan qui peut brutalement se réveiller, territoire de moins de 5 km2, sa montagne sacrée et son temple légendaire, Preah Vihear demeure un marqueur des évolutions profondes de la région.
Verbatim« Ruines sur ruines… Mais de ces ruines l’âme khmère ne s’est cependant pas encore évadée. » Gaston Donnet, En Indochine – Cochinchine, Cambodge, Annam, Tonkin,
c.1902.
THAÏL ANDE
Frontière fixée en 1962, confirmée par la Courinternationale de justice le 11 novembre 2013
Voir ci-contreagrandissements
Source : J. Boisselier, Asie du Sud-Est, vol. 1 : Le Cambodge (Manuel d’archéologie d’Extrême-Orient, 1), Paris, Picard, 1966.
Frontière et zone revendiquée par la Thaïlande
CAMBODGE
Temple dePreah Vihear
Site classé au patrimoine mondialde l’Unesco depuis le 7 juillet 2008
200m
300
m
400
m
500
m
600
m
0 500 1 000 m
0 50 150100 200 m
LE TEMPLE SUR LA FALAISE
Foules et déserts
POPULATION : UNE CROISSANCE CONTRASTÉE SELON LES PAYS
Globalement, la population a « explosé » en Asie du Sud-Est au cours du XXe siècle, et ce quelles que soient les circonstances. Aux Philippines, pays certes très catholique où les autorités se refusent au contrôle des naissances, le nombre s’est pratiquement multiplié par 10 en 100 ans : avec un taux d’accroissement naturel de 1,9 % (natalité de 25 °/00, mortalité de 6 °/00) et une popu-lation très jeune, la courbe n’est pas prête de s’inverser et le pays prend le virage des 100 millions d’habitants au début des an-nées 2010, contre 7,6 millions en 1900. À Singapour, cité-État qui n’est évidemment pas dans la même situation et doit son développement à une forte activité écono-
mique, la populat ion se chi f f ra i t à 220 000 résidents vers 1900 et s’est, en un siècle, multipliée par plus de 18 – elle est estimée pour 2012 à 5,4 millions. Pour peu que la croissance démographique s’accom-pagne d’une dynamique économique, que connaissent aujourd’hui, à des degrés di-vers, tous les pays de la région, le rapport au monde de ces derniers s’en trouve po-tentiellement transformé : alors que la France organisait sa mainmise coloniale sur le Vietnam, celui-ci se trouvait être environ 3 fois moins peuplé – et bien sûr infiniment moins puissant économiquement ; au-jourd’hui, le pays n’a certes pas encore rat-trapé son retard économique, mais il est déjà presque une fois et demi plus peuplé que l’ancienne puissance coloniale.
La grande puissance démographique de l’Asie du Sud-Est demeure l’Indonésie, qua-trième pays le plus peuplé de la planète avec quelque 238 millions d’habitants (recense-ment de 2010), derrière la Chine, l‘Inde et les États-Unis : les deux premiers dominent avec un milliard et plus d’habitants, le troisième se situant à un niveau comparable à celui de l’Indonésie, avec environ 320 millions d’habi-tants. Les pays « intermédiaires » d’Asie du Sud-Est sont en « volume » (territoires et populations) comparables aux principaux pays européens : Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni, qui alignent ensemble 270 millions d’habitants ; le Myanmar, les Philip-pines, la Thaïlande et le Vietnam en cumulent quelque 310 millions – sur des superficies équivalentes avec une démogra-phie toujours galopante.Localement, le contraste est saisissant : cer-tains pays ou régions demeurent peu den-sément peuplés, comme le Laos ou la grande île de Bornéo (Brunei, États malai-siens et Kalimantan indonésien réunis), qui fixent environ 25 habitants par km2, sur une superficie cumulée représentant la moitié de l’immense Indonésie ; en regard, la plaine deltaïque du fleuve Rouge, au Viet-nam, et l’île de Java, en Indonésie, dé-passent 1000 hab/km2…
DES VILLAGES AUX QUARTIERS URBAINS
Dans les régions rurales les plus densément peuplées, les villages se pressent les uns contre les autres en ne laissant que peu d’espace aux terres cultivées : vu d’avion, à l’approche de Hanoi, la capitale vietna-mienne située au cœur du delta du fleuve Rouge, le paysage forme une marqueterie dont il est malaisé de dire ce qui, de l’es-pace habité à celui qui est cultivé, l’emporte sur l’autre. Plus au sud, sur la route qui par-
CHINE
PHILIPPINES
La surface des rectanglesest proportionnelle à la population
en 2013, en millions d’habitants.
BRUNEI
TIMOR LESTE
I N D O N É S I E
MALAISIE
THAÏLANDE
MYANMAR
LAOS
CAMBODGE
VIETNAM
SINGAPOUR
CHINE
96,2
0,4
1,1
248,5
29,8
66,2
53,3
6,7
14,4
89,7
5,4
Source : Nations unies, World Population Prospect, 2013.
LA POPULATION EN ASIE DU SUD-EST
Que la population soit très inégalement répartie dans l’espace n’est pas spécifique à l’Asie du Sud-Est. Mais les contrastes y sont forts et sur deux plans : la localisation traditionnelle des populations rurales fait, d’une part, apparaître des pôles de très forte densité et de grands espaces à la population particulièrement clairsemée ; le récent développement de grandes agglomérations urbaines, qui apparemment ne vide pas les campagnes, est d’autre part spectaculaire. Les différences se maintiennent ou se creusent à tous les niveaux, alors que la croissance démographique reste elle-même contrastée.
UNE MOSAÏQUE DE SITUATIONS
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST38
ÉquateurÉquateur
Ho ChiMinh-Ville
Can Tho
Yangon
Mandalay
Medan
Johor Bahru
Penang
PalembangTanjungkarang
(Bandar Lampung)
BandungSurabaya
DenpasarMalang
Mataram
Semarang
YogyakartaSurakarta
CirebonTegal Ujung Pandang
(Macassar)
Samarinda
Davao
Cebu
Haiphong
Bangkok
Phnom Penh
Kuala Lumpur
Singapour
Djakarta
Manille
Hanoi
CHINE
MYANMAR
THAÏLANDE
CAMBODGE
LAOS
VIETNAM
M A L A I S I E
PHILIPPINES
TAIWAN
BRUNEI
TIMOR-ORIENTAL
I N D O N É S I E
MER DE CHINE
MÉRIDIONALE
OCÉAN
PACIFIQUE
OCÉAN
INDIEN
Sources : PopulationData.net, mars 2014 ; Center for International Earth Science Information Network (CIESIN), Gridded Population of the World, 2012.
de 5 à 10 millionsde 1 à 5 millions
de 10 à 20 millions
AgglomérationsNombre d’habitants en 2013
Densité de populationNombre d’habitantspar km2, en 2010
plus de 200
de 100 à 200
de 1 à 50
moins de 1
de 50 à 100
par km
m
d
dd
d
dd
pp
0 500 km
court le centre de l’île indonésienne de Java, il n’est pas toujours simple de préciser si l’on se trouve entre deux villages ou si l’on traverse l’un d’entre eux, tant le tissu hu-main est dense et serré.Les grandes villes d’Asie du Sud-Est semblent avoir grandi en agglomérant des villages transformés en quartiers. Certains quartiers de Hanoi conservent les caractéristiques des villages dont ils ont hérité : portes d’accès, comme il en existe dans les bourgs du delta, ruelles étroites ondulant entre les maisons et donnant à l’occasion accès à un temple ou à une sorte de place disposée autour d’un petit plan d’eau. Aux petites artères serpen-tant dans le vieil Hanoi, autour du grand marché, portant le nom de métiers ou de produits traditionnels (la soie, les nattes, etc.) correspondent, à la périphérie, des villages d’artisans spécialisés.
Il en est pratiquement partout de même : certains quartiers du centre de Jakarta, la capitale indonésienne, apparaissent comme autant de Kampung (villages) et en perpé-tuent la texture et l’ambiance ; à Bangkok, sorte de Venise de l’Orient, bien des quartiers ne restent accessibles que par de longs ba-teaux qui glissent dans les canaux. Le célèbre marché flottant, qui fait depuis longtemps la joie des touristes, n’est que la forme tradi-tionnelle des marchés ruraux de la région, comme il en existe aussi au Vietnam dans le delta du Mékong. Quant à Yangon (Ran-goun), longtemps capitale du Myanmar (Birmanie), nombre de quartiers semblent avoir conservé leur cadre rural, mais il s’agit de la forme prise par une urbanisation plus lâche – l’organisation est la même au Brunei.Les grandes villes d’Asie du Sud-Est dé-vorent aujourd’hui l’espace. Plaquant sur
une trame encore paysanne un urbanisme vertical, ponctué de centres commerciaux scintillants et traversé d’autoroutes ur-baines, elles attirent comme un mirage et, si elles offrent du travail, bouleversent aussi les sociétés.
Verbatim « Java peut-elle devenir à la fois la rizière, le ville et l’usine de l’archipel ? » Muriel Charras, Géographie universelle, 1995.
LE GRAND CONTRASTE VILLES-CAMPAGNES
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST 39
Production et consommation d’énergie
UNE RÉPARTITION INÉGALETous les villages de la région ne sont pas encore raccordés au réseau électrique (pour certains, du fait de leur enclavement important). À l’échelle des États, tout ce qui est produit est consommé sur place ou à proximité, et réciproquement. La consom-mation moyenne d’électricité par habitant sur un an, exprimée en KWh, permet de distinguer plusieurs groupes de pays en termes de niveau de développement. Le moins avancé rassemble des pays de la péninsule indochinoise – le Myanmar, le Laos et Cambodge – dont l’enclavement
L’énergie est l’une des conditions premières du développement et l’Asie du Sud-Est, prise dans son ensemble, apparaît plutôt bien lotie sur ce plan : houille au Vietnam et en Indonésie, hydrocarbures en mer Andaman et dans le golfe de Thaïlande, potentiel hydro-électrique du Laos… Si ces ressources ne comptent pas parmi les plus importantes à l’échelle des réserves mondiales, elles sont suffisantes pour alimenter le développement d’économies modernes. Il faut cependant compter avec leur inégale répartition géographique, ainsi qu’avec l’inégale capacité des États à réaliser les investissements et les aménagements nécessaires à leur exploitation.
INDONÉSIE
PHILIPPINES
SINGAPOUR
TAIWAN
THAÏLANDE
MALAISIE
VIETNAM
CHINE
INDE
JAPON
0 10 30 5020 40 60 70 9080 100
Pétrole Gaz naturel Charbon Nucléaire Hydroélectricité Énergie renouvelable
Répartition de la consommation par types d‘énergies en 2011, en %1
1 Pas de données pour les pays suivants : Laos ; Cambodge ; Myanmar ; Brunei et Timor Oriental. Source : BP Statistical Review, 2012.
LA CONSOMMATION ALORS QUE CERTAINES CAMPAGNES restent à l’écart du réseau électrique, l’urbanisation et les besoins spécifiques en climatisation créent une demande dont la satisfaction mobilise toute la gamme des ressources classiques, des combustibles fossiles à l’hydro-électricité. Le temps n’est pas si éloigné où, dans le Vietnam d’après-guerre, les aléas de l’adéquation entre production et consommation imposaient de couper le courant dans des quartiers, voire des villes, pendant des heures entières. Au Myanmar encore, faute d’éclairage public, la circulation nocturne aux abords des cités reste dangereuse.
ou l’isolement a jusqu’à présent entravé le décollage économique. Viennent ensuite l’Indonésie et les Philippines, avec moins de 1 000 KWh/hab. Un troisième groupe, constitué (dans l’ordre croissant) du Viet-nam, de la Thaïlande et de la Malaisie, af-fiche une consommation qui se situe entre 1 000 et 5 000 KWh/hab. Deux pays, enfin, se distinguent, avec une consommation supérieure à 8 000 KWh/hab. : Singapour, aux équipements modernes extrêmement gourmands en énergie – en particulier la climatisation, omniprésente – et à l’activité très automatisée, et Brunei. Le constat de
ces disparités ne doit cependant pas occul-ter des évolutions parfois rapides, qui viennent les nuancer. Les données manquent pour les pays les plus pauvres. Évaluée sur 20 ans (1990-2010), la croissance moyenne de la consommation annuelle d’électricité en Indonésie a été de 7 %, tandis que celle des Philippines ne se chiffrait qu’à 2,9 % ; Malaisie et Thaïlande croissent à bon rythme (environ 6 %), mais le Vietnam ré-duit l’écart à grandes enjambées, avec une croissance annuelle moyenne de 12,5 %.
CROISSANCE OU DÉVELOPPEMENT ?
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST50
LE POIDS DES HYDROCARBURESLes hydrocarbures sont un enjeu décisif de l’histoire de l’Asie du Sud-Est. La compa-gnie pétrolière Shell, l’une des premières mondiales en termes de chiffre d’affaire, y est née en 1907, par fusion de la Shell
Transport and Trading Company britan-nique et de la Royal Dutch Petroleum néer-landaise. Lors de la Seconde Guerre mon-diale, le pétrole indonésien est au cœur du rapport de forces nippo-américain qui provoque l’éclatement de la guerre du Pacifique. Pour autant, la région ne dispose pas des réserves les plus importantes de la planète, bien que tous les gisements n’aient sans doute pas encore été identi-fiés. Si les hydrocarbures n’en demeurent pas moins un de ses enjeux essentiels, c’est aussi en raison des centaines de millions de tonnes de pétrole qui transitent sur ses routes maritimes, notamment par le détroit de Malacca, pour alimenter les économies japonaise, sud-coréenne et, dans une pro-portion croissante, chinoise.L’importance des hydrocarbures pour les pays d’Asie du Sud-Est réside également
dans le fait qu’ils dominent largement leur bilan énergétique, pétrole et gaz naturel ensemble. Il est intéressant de constater que ces dernières ressources sont de plus en plus souvent extraites et transformées à l’intérieur même de la zone. Si elles re-présentent la totalité de la consommation de Singapour, l’Indonésie et le Vietnam réservent aussi une place significative au charbon. Globalement, la région pèse un poids non négligeable sur le plan énergé-tique, mais accuse encore un certain re-tard par rapport à ses grands voisins ou partenaires : sa consommation totale, toutes sources d’énergie confondues et exprimée en tonnes-équivalent-pétrole (tep), ressortit à quelque 500 millions de tonnes, soit à peu près celle du Japon, mais cinq à six fois moins que celle de la Chine ou des États-Unis.
CHINE
PHILIPPINES
BRUNEI
I N D O N É S I E
MALAISIE
THAÏLANDE
MYANMAR
LAOS
CAMBODGE
VIETNAM
TAIWAN
CORÉEDU SUD
CORÉEDU NORD
JAPON
MONGOLIE
SINGAPOUR
TIMORLESTE
NÉPALBHOUTAN
BANGLADESHINDE
Sources : BP Statistical Review, 2012 ; Agence internationale de l‘énergie.0 1 000 km
Consommationen millions de tonnes équivalent pétrole
Chine : 2 257
471,9
200
10050
3,1
Productionen millions de tonnes équivalent pétrole
Chine : 2 085Singapour : 0,028
351,8
200
10050
3,6
Énergie totale en 2009
Consommation par habitant,en 2009, par kep*
316 - 500
500 - 1 000
1 000 - 5 000
5 000 - 7 971
*Kilo équivalent pétrole par personneet par jour
PRODUCTION ET CONSOMMATION D’ÉNERGIE EN ASIE ORIENTALE ET DU SUD-EST
Verbatim« Malgré la crise, la demande énergétique mondiale continue de progresser, alimentée à 87 % par les ressources fossiles […]. La demande est portée à l’échelle continentale par l’Asie (44 %). » Laurent Carroué, Images
économiques du monde, 2004.
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST 51
Maîtriser l’environnement
DES RISQUES « NATURELS »Sous la géographie complexe de l’Asie du Sud-Est et le tracé de ses côtes, il est presque aisé de reconnaître le lent et puissant jeu des plaques tectoniques. La région est bordée par une ligne sismique qui réactive périodi-quement le volcanisme : le Pinatubo aux Philippines s’est réveillé en 1991 après 600 ans de sommeil, produisant un panache éruptif de 40 km d’altitude et déversant ses cendres sur Manille, 100 km plus au sud ; le Merapi à Java, qui domine la ville de Yogya-karta, a connu sa dernière éruption en 2001 ; le Krakatau, qui semble surveiller le détroit de la Sonde depuis Sumatra, est réveillé depuis 2011… En 2006, une éruption à Java Est provoque une coulée de boue qui s’étale sur 600 ha et n’a toujours pas été jugulée ; en décembre 2004 au large de Sumatra un tsu-nami a touché le nord-ouest de l’île et le sud de la Thaïlande suite à un séisme. Les turbu-lences de l’atmosphère intertropicale pro-duisent à un rythme accéléré des typhons dévastateurs. Plus généralement, les puis-santes pluies de mousson, par ailleurs indis-pensables à la production agricole, pro-voquent annuellement – dans la période estivale – des inondations qui touchent tous les systèmes fluviaux de la région, à com-mencer par le Mékong.
UNE RÉGION SUREXPLOITÉELa pollution urbaine est largement liée à l’accroissement de la circulation automo-bile : les analyses fournies par les adminis-trations de Bangkok ou de Jakarta de-meurent inquiétantes, même si les premières actions à long terme com-mencent à être lancées. L’urbanisation mal maîtrisée a d’autres conséquences, comme ailleurs dans le monde. En Thaïlande, les inondations de l’automne 2011, très durement ressenties à Bangkok
et dans les zones d’activités où se fixent les investissements étrangers, en particulier japonais, sont partiellement dues à l’utilisa-tion intensive de zones inondables qui a perturbé le système traditionnel d’écoule-ment des eaux. En dehors des villes, la surexploitation des berges et des littoraux mériterait d’être exa-minée, mais le plus préoccupant concerne les forêts : les conflits militaires dont la ré-gion a souffert et la course à la croissance sont également néfastes.
Une légende bien connue au Vietnam attribue la naissance du pays à la lutte titanesque opposant le « génie des monts » et le « génie des eaux ». L’endiguement du fleuve Rouge permet aujourd’hui de limiter les effets des inondations. En zone intertropicale, partiellement équatoriale, toute l’Asie du Sud-Est est à la même enseigne : la région paraît surexposée. Aux risques naturels, des typhons aux séismes, s’ajoutent aujourd’hui ceux induits par l’activité humaine, dont la principale victime est le couvert forestier.
Verbatim« Imaginez l’équivalent de 400 terrains de football en
arbres disparaissant le temps d’un match. Tel était le taux de
déforestation en Indonésie il y a juste quelques années,
entre 2000 et 2006. » Zubaidah Nazeer, The Straits
Times, 23 février 2011.
CROISSANCE OU DÉVELOPPEMENT ?
Plaqueindo-australienne
Plaque de la merdes Philippines
Plaque eurasienne
Plaque Sunda
Plaquepacifique
Pinatubo
Tambora
MerapiKrakatau
AUSTRALIE
CHINEINDE
LAOS
THAÏLANDE
MYANMAR
I N D O N É S I E
TIMORORIENTAL
PHILIPPINESVIETNAM
CAMBODGE
MALAISIE
SINGAPOUR
MALAISIE
BRUNEI
TAIWAN
Dili
Hanoi
Vientiane
Bangkok
Yangon
Phnom Penh
Kuala Lumpur
Jakarta
Bandar Seri Begawan
Manille
Singapour
Mer de Chine
méridionale
Mer deChine
orientale
Océan Indien
OcéanPacifique
Typhon Haiyan (2013)plus de 5 000 victimes
315 km/h de vent maximumDégâts estimés
à 14 milliards de dollars
Typhon Bopha (2012)1 901 victimes
260 km/h de vent maximumDégâts estimés
à 1,7 milliards de dollars
1 000 kmSource : USGS/CVO ; NOAA ; Joint Typhoon Warning Center.
Trajet du typhon
Volcan principalLimite de convergencedes plaques tectoniques
UNE RÉGION SOUMISE AUX ALÉAS NATURELS
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST64
La guerre du Vietnam a entraîné l’usage de pesticides aux effets persistants sur l’homme et qui ont durablement détruit ou pollué une partie du couvert forestier. Après la guerre, la recherche plus ou moins
légale de bois tropicaux a endommagé les massifs indochinois. Le cas le plus tragique est la Malaisie, vic-time d’une déforestation sauvage. En Indo-nésie, la forêt couvrait 85 % du pays dans les
années 1950, cette proportion est tombée à 47 % : en cause notamment la destruction par le feu de vastes espaces au profit de plantations de palmiers à huile.
Rach Gia Can Tho
Vinh Long
Tien Giang
Dong Thap
Chau Doc
Ho ChiMinh-Ville
Ca Mau
Bac Lieu
Vung Tau
Tra Vinh
Ben Tre
Soc Trang
Long Xuyen
Delta du Méko
ng
CAMBODGE
VIETNAM
Mékong
Golfe deThaïlande
0 50 km
1 mètre
2 mètres
Zone inondée en casd‘élévation du niveaude la mer
Zone urbaine
plus de 1 000
moins de 250
de 250 à 1 000
Densité de populationnombre de personnes par km2
Source : « Mapping the Effects of Climate Changeon Human Migration and Displacement », 2009.
LE DELTA DU MÉKONG
AUSTRALIE
CHINE
INDE
BAN
GLA
DESH
LAOS
THAÏLANDE
MYANMAR
I N D O N É S I E
TIMORORIENTAL
PHILIPPINESVIETNAM
MALAISIE
SINGAPOURMALAISIE
BRUNEI
TAIWAN
JAPON
Sumatra
NouvelleGuinée
Bornéo
Java
Sulawesi
Molusques
Bali Nusa Tenggara
Source : ministère de la Forêt, Executive of Forestry Data Strategic 2011.
Dili
Hanoi
Vientiane
Bangkok
Yangon
Kuala Lumpur
Jakarta
Bandar Seri Begawan
Manille
Taïpei
Singapour
Mer deChine
Orientale
Océan Indien
Golfedu Tonkin
Océan Pacifique
plus de 1 000
de 100 à 500
de 501 à 1 000
moins de 500
Déforestation annuelle 2009-2011par province, en ha/an
* Données concernantplus de 50 points chauds par province.
Points chauds détectéspar les satellites NOAA en 2011*par province
4 7202 00050098
UNE ZONE SOUMISE AUX EFFETS ANTHROPIQUES
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST 65
INTERROGATIONS SUR LE NIVEAU DES MERSLes littoraux actuels de l’Asie du Sud-Est ont été fixés, comme ailleurs, il y a 15 000 ans. Le delta du Mékong pourrait devenir le baromètre du réchauffement climatique, compte tenu de sa dimension et de son altitude quasi nulle. Mais il est difficile de construire un modèle : une augmentation, même légère, du niveau des mers pourrait partiellement le submerger ; pour autant, les alluvions qu’il charrie et qui ont déjà construit la plaine deltaïque continuent mètre après mètre à faire avancer la pointe sud du pays dans la mer.
Ports et activités marchandes
L’ASIE DU SUD-EST AU CŒUR DU COMMERCE MONDIAL
La part de l’Asie du Sud-Est dans le com-merce mondial croît avec celle de l’Asie, tirée notamment par la Chine. Plusieurs dizaines de milliers de bateaux empruntent la route maritime qui traverse la région par le détroit de Malacca. Second détroit du monde pour le trafic, il enregistrerait an-nuellement le passage de 60 000 à 80 000 navires marchands, soit près d’un bateau toutes les cinq minutes. Du côté nord-nord-est, Chine, Japon et Corée du Sud constituent le poumon de cet espace d’échanges. Du côté ouest, l’Europe, via Suez ou le contournement de l’Afrique, représente l’un des principaux débouchés pour toute la gamme des pro-duits manufacturés dans la zone. Égale-ment à l’occident, les pays du Golfe, d’où vient l’essentiel des hydrocarbures dont les
pays d’Asie font une consommation crois-sante. De ce point de vue, la part de chacun évolue d’ailleurs de façon significative : le Japon constituait la destination majeure des hydrocarbures jusqu’au tournant des années 2010 ; la Chine, dont le modèle de croissance est très « énergétivore », lui a ravi ce rôle depuis – elle dépassera 40 % du volume transporté en 2015. L’Asie du Sud-Est et son espace maritime jouent ainsi un rôle-clé dans cet approvisionnement éner-gétique dont le volume ne cesse de croître.Il y aurait au moins deux raisons d’opter pour une autre route que celle passant par le détroit de Malacca. D’abord, sa profon-deur est faible, ce qui interdit l’accueil de transporteurs de plus de 300 000 tonnes de port en lourd, le fameux Malaccamax. En-suite, la menace de la piraterie ; partielle-ment maîtrisée dans les détroits de Malacca et de Singapour, elle n’a cependant pas
La mer confère à l’Asie du Sud-Est son statut premier : celui de lieu de passage entre d’une part l’Europe, le monde indien et demain l’Afrique, et d’autre part l’Asie orientale. Elle constitue également le vecteur des activités exportatrices qui entraînent la croissance de la région. Dans la nouvelle géo-économie planétaire, la région occupe ainsi une place à la fois centrale et proche du centre, tant la mondialisation des échanges repose sur le transport maritime conteneurisé, dont le cœur bat sur la rive pacifique de l’Asie.
complètement disparu. D’autres détroits dessinent une route alternative, en particu-lier pour qui a contourné l’Afrique : La Sonde, Lombok et Makassar (du sud vers le nord) en Indonésie. Donnant accès à des eaux archipélagiques, ils pourraient ac-cueillir des bateaux plus grands, capables d’emporter plus de marchandises – à la réserve près que les fonds du détroit de Lombok sont constamment modifiés par une intense activité volcanique sous-ma-rine. De plus, même si la différence n’est guère sensible sur une carte, l’allongement du trajet s’accompagnerait d’un surcoût substantiel, du fait de l’importance de la distance réelle. Reste l’alternative de l’isthme de Kra en Thaïlande, évoquée pré-cédemment.
LA DISSÉMINATION RÉGIONALE DE LA MODERNITÉ PORTUAIRE
Le trafic maritime international, polarisé par une chaîne de ports asiatiques, dont Singapour en Asie du Sud-Est, apparaît au cœur de la mondialisation. L’évolution de la hiérarchie de ces ports souligne, outre le poids de l’Asie, le spectaculaire dyna-misme chinois. Ainsi, dans le classement
Verbatim« [L]’Asie du Nord-Est
et du Sud-Est occupent aujourd’hui au sein de l’espace maritime non plus une position
d’Extrême-Orient […] mais une position centrale[.] »
Antoine Frémont, Intégrations régionales
en Asie orientale, 1990.
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST74
LES ENJEUX MARITIMES
Singapour
Shanghai
Busan
Ningbo
Hong Kong
Rotterdam
DubaiShenzhen
Guangzhou QingdaoTianjin
Océan Pacifique
OcéanIndien
OcéanAtlantiqueLos Angeles
Trafic de conteneurs en 2012en milliers de TEU
32 529
10 0006 200
20 000
Source : Containerisation International Yearbook 2013, UNCTAD Secretariat.
LES 20 PREMIERS PORTS DU MONDE
mondial des plus importantes places por-tuaires, Singapour est encadrée par trois villes chinoises : devant elle, en première et seconde positions, deux ports autant voisins que concurrents, la discrète Ning-bo et la brillante Shanghai ; derrière elle, plus au nord, Tianjin, nouvelle venue de la croissance chinoise. Compte tenu des taux de croissance de Ningbo et de Tianjin, cette hiérarchie risque cependant d’être rapidement bousculée. À considérer la liste des premiers ports de conteneurs, Shanghai et Singapour se maintiennent toutefois en tête. Si la seconde a récem-ment été détrônée par la première, elle affiche un taux de croissance près de deux fois supérieur (5,7 % de 2012 sur 2011 contre 2,6 %). Le trafic conteneur repré-sente la modernité de la mondialisation et celle-ci a son centre en Asie du Nord-Est et du Sud-Est.
L’activité maritime et portuaire de l’Asie du Sud-Est ne saurait pour autant se résumer à celle de Singapour. Jusqu’à présent, à l’instar de Hong Kong, l’ancien port britannique fait figure de hub régional et de « port d’éclate-ment » : il redistribue les importations vers les autres ports de la région, d’importance statistiquement secondaire, et regroupe leurs exportations en direction du marché mondial. Le transbordement constitue 80 % de l’activité portuaire à Singapour. Une spé-cialisation poussée à l’extrême, à tel point que ses voisins s’insurgent parfois quand le pays accueille des produits dont l’extraction est très surveillée ailleurs – comme le sable indonésien. Mais Singapour pourrait être concurrencée à l’avenir par des ports qui connaissent des taux de croissance à deux ou trois chiffres. C’est le cas de Port Klang en Malaisie, avant-port de la capitale Kuala Lumpur, et surtout de Tanjung Pelepas. Édi-
fié en lisière de Singapour pour développer une activité de même niveau, ce nouveau port rappelle, dans un tout autre contexte géopolitique, l’extraordinaire percée – en une génération – de Shenzhen sur les flancs de Hong Kong. De 2002 à 2011, Tanjung Pelepas a ainsi vu son activité multipliée par trois. Le dynamisme des ports vietnamiens est également remarquable, entre le com-plexe portuaire Ho Chi Minh-Ville/Cai Mep et celui de Van Phong, dans la région de Nha Trang, sans doute appelé à fusionner avec le port en eaux profondes de Cam Ranh. En Indonésie, les îles de Batam, en face de Sin-gapour , et de Belawan, à Sumatra , concentrent les investissements. Surabaya, située entre les détroits de la Sonde et de Lombok et ouverte sur le Grand Est, semble elle aussi promise à un bel avenir.
33,4
11,7
23,9
9,7
17
AUSTRALIE
CHINEINDE
LAOS
THAÏLANDE
MYANMAR
I N D O N É S I E
TIMORORIENTAL
PHILIPPINES
VIETNAMCAMBODGE
MALAISIE
SINGAPOUR
MALAISIE
BRUNEI
TAIWAN
Haiphong
Samarinda
MedanBelawan
Cebu
Da Nang
Manado
Banjarmasin
Hue
Tanjung Perak/SurabayaBandung
Palembang
Makassar Ambon
PaluPadang
Kuching
Pinang
Ho Chi Minh-Ville
Nha Trang
Mandalay
Chiang Mai
Xiamen
Mount Isa
Canton(Guangzhou)
Port HedlandKarratha
Hong Kong
Laem Chabang
Port Klang
Kao-hsiung
Davao
Shenzhen
Isthmede Kra
Sulawesi(Célèbes)
Timor
Sumatra
Hainan
NouvelleGuinée
Bornéo
JavaDili
Hanoi
Vientiane
Bangkok
Yangon
Phnom Penh
Kuala Lumpur
Jakarta
Bandar SeriBegawan
Manille
Taipei
Singapour
Tanjung Priok
Tanjung Pelapas
Mer de Chineméridionale
Mer de Chineorientale
Océan Indien
Golfe deThaïlande
MerAndaman
Mer desPhilippines
Océan Pacifique
0 500 kmSources : Containerisation International Yearbook 2013, UNCTAD Secretariat ; Review of Maritime Transport 2012, United Nations Conference on Trade and Development ;AAPA (American Association of Port Authorities).
Route maritime
Voie maritime de transbordement
Trafic de conteneurs en 2012*en milliers de TEU
32 529
20 000
10 0005 0001 274
* Estimation pour Tanjung Priok
Hong Kong Hub portuaire
Croissance des portsémergents de 2009 à 2010en %
33,4
LES PORTS À CONTENEURS DE LA ZONE
ATLAS DE L’ASIE DU SUD-EST 75