aspects actuels de la polyarthrite aiguë paranéoplasique

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MISE AU POINT Aspects actuels de la polyarthrite aigu paran oplasique P. PFITZENMEYER*, Ph. BIELEFELD**, Ch. TAVERNIER***, J.F. BESANCENOT**, M. GAUDET* R~sum~- La polyarthrite aiguE paranboplasique (PAP) est une entit6 rhumatologique reconnue, dont les caract~ristiques sbm~ologiques ne reposent que sur quelques cas publi~s. II nous a sembl6 int~ressant, ~ travers une revue de la litt~rature, d'exposer les caract~ristiques actuelles de la PAP en ne retenant que les observations of~ existe un parall~lisme ~volutif entre polyarthrite aiguE et affection n~oplasique. La PAP se pr~sente avec un polymorphisme clinique important, rendant difficile le diagnostic diff~rentiel avec certaines formes de polyarthrite rhumatdide, le syndrome RS3 PE ou encore la pseudo-polyarthrite rhizom~lique. Le clinicien doit donc ~tre vigilant Iorsqu'il est confront6 & une polyarthrite aiguE particuliErement ~volutive, survenant apr~s 60 ans et ce d'autant qu'il existe conjointement une alteration de I'~tat g~n~ral dans un contexte f~brile avec syndrome inflammatoire franc. Dans ce contexte, la recher- che d'une nboplasie sous-jacente s'impose. Mots-cl~s : POLYARTH RITE PARANI~OPLASIQU E. Rev Med Interne 1992 ; 13 : 195-199. L'atteinte inflammatoire polyarticulaire fait partie du tableau de certains syndromes paran~oplasiques bien d~finis, parmi lesquels I'ost~oarthropathie hypertrophiante pneumique, les arthropathies amylo'fdes et celles accompagnant [es poly ou les dermatopolymyosites (1). Beaucoup plus rares mais tout aussi bien d~finies sont les arthropathies st~aton(~crotiques du cancer du pancrdas, la polyarthrite du syndrome carcino'fde. Enfin, plus rdcemment un tableau paran(~oplasique original associant polyarthrite et fasci'fte palmaire a ~t~ rapport~ (2, 3). Un certain nombre de maladies auto-immunes ont ~t(! d6cri- tes en association avec des cancers. C'est le cas de certains syndromes lupiques, de scl&odermies g~ndralis~es ou de vascularites n(!crosantes (4), et ces maladies peuvent s'accom- pagner de manifestations articulaires inflammatoires, qui sont parfois rdv(!latrices. Enfin, il est des cas oQ la polyarthrite repr~sente I'dement s(~m~i'ologique pr~pond6rant, prenant alors volontiers le masque d'une polyarthrite rhumatdfded~butante, dont la symptomatologie ~volue parrall~lement b. la pathologie ndoplasique. Cette polyarthrite aiguO paran~oplasique (PAP) est une entit@ rhumatologique reconnue qui repose sur quelques dizaines d'observations de!crites dans la litt&ature. II nous a sembl~ inte!ressant, ~ travers une revue des cas publi6s ces trente derni@- res annOes, de pr6ciser quelques caract~ristiques cliniques et pathog~niques afin de pr~ciser cette entit~ souvent difficile situer au sein des syndromes rhumatologiques paran6oplasiques. G N rauT[s Par d@finition, les syndromes parane~oplasiques sont des manifestations cliniques et radiologiques ~voluant au cours d'une tumeur maligne, mais n'ayant avec cette tumeur ou ses mOtastases aucun rapport anatomique. Cette premiOre caract~- ristique permet d'~liminer du cadre des PAP, les arthrites con- temporaines de leucoses aigu~s, habituellement secondaires une synovite leuc~mique ou ~a la prOsence d'un foyer leuc~mique osseux ou sous-p~riost~ de voisinage (5). A c6t~ de ce crit@re anatomique, la d~finition impose un parallOlisme ~volutif du syndrome paran~oplasique et de l'affection n~oplasique. Cette * Service de M6decine GOrialrie; Champmaillot; CHR U; 2, rue Jules Violle; 21033 DIJON. ** Service de MOdecine Interne ; La Trouhaude ; CHRU ; 1, rue du Dr Calmette ; 21000 DIJON. *~* Service de Rhumatologie ; H6pital G6n6ral ; CHR U ; Rue du Faubourg Raines ; 21000 DIJON. Re~iu le 1%2q991 Renvoipour correctionle 15-4-1991 Acceptationd0finitivele 06-7-1991 1992 - Tome XllI Aspects actuels de Ia polyarthrite aigu# paran~oplasique 195 Num#ro 3

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MISE AU P O I N T

Aspects actuels de la polyarthrite aigu paran oplasique P. PFITZENMEYER*, Ph. BIELEFELD**, Ch. TAVERNIER***, J.F. BESANCENOT**, M. GAUDET*

R~sum~- La polyarthrite aiguE paranboplasique (PAP) est une entit6 rhumatologique reconnue, dont les caract~ristiques sbm~ologiques ne reposent que sur quelques cas publi~s. II nous a sembl6 int~ressant, ~ travers une revue de la litt~rature, d'exposer les caract~ristiques actuelles de la PAP en ne retenant que les observations of~ existe un parall~lisme ~volutif entre polyarthrite aiguE et affection n~oplasique. La PAP se pr~sente avec un polymorphisme clinique important, rendant difficile le diagnostic diff~rentiel avec certaines formes de polyarthrite rhumatdide, le syndrome RS3 PE ou encore la pseudo-polyarthrite rhizom~lique. Le clinicien doit donc ~tre vigilant Iorsqu'il est confront6 & une polyarthrite aiguE particuliErement ~volutive, survenant apr~s 60 ans et ce d'autant qu'il existe conjointement une alteration de I'~tat g~n~ral dans un contexte f~brile avec syndrome inflammatoire franc. Dans ce contexte, la recher- che d'une nboplasie sous-jacente s'impose.

M o t s - c l ~ s : POLYARTH RITE PARANI~OPLASIQU E.

Rev M e d I n t e rne 1992 ; 13 : 1 9 5 - 1 9 9 .

L'atteinte inflammatoire polyarticulaire fait partie du tableau de certains syndromes paran~oplasiques bien d~finis, parmi lesquels I'ost~oarthropathie hypertrophiante pneumique, les arthropathies amylo'fdes et celles accompagnant [es poly ou les dermatopolymyosites (1). Beaucoup plus rares mais tout aussi bien d~finies sont les arthropathies st~aton(~crotiques du cancer du pancrdas, la polyarthrite du syndrome carcino'fde. Enfin, plus rdcemment un tableau paran(~oplasique original associant polyarthrite et fasci'fte palmaire a ~t~ rapport~ (2, 3).

Un certain nombre de maladies auto-immunes ont ~t(! d6cri- tes en association avec des cancers. C'est le cas de certains syndromes lupiques, de scl&odermies g~ndralis~es ou de vascularites n(!crosantes (4), et ces maladies peuvent s'accom- pagner de manifestations articulaires inflammatoires, qui sont parfois rdv(!latrices.

Enfin, il est des cas oQ la polyarthrite repr~sente I 'dement s(~m~i'ologique pr~pond6rant, prenant alors volontiers le masque d'une polyarthrite rhumatdfded~butante, dont la symptomatologie ~volue parrall~lement b. la pathologie ndoplasique. Cette

polyarthri te aiguO paran~oplasique (PAP) est une entit@ rhumatologique reconnue qui repose sur quelques dizaines d'observations de!crites dans la litt&ature. II nous a sembl~ inte!ressant, ~ travers une revue des cas publi6s ces trente derni@- res annOes, de pr6ciser quelques caract~ristiques cliniques et pathog~niques afin de pr~ciser cette entit~ souvent difficile situer au sein des syndromes rhumatologiques paran6oplasiques.

G N rauT[s Par d@finition, les syndromes parane~oplasiques sont des

manifestations cliniques et radiologiques ~voluant au cours d'une tumeur maligne, mais n'ayant avec cette tumeur ou ses mOtastases aucun rapport anatomique. Cette premiOre caract~- ristique permet d'~liminer du cadre des PAP, les arthrites con- temporaines de leucoses aigu~s, habituellement secondaires une synovite leuc~mique ou ~a la prOsence d'un foyer leuc~mique osseux ou sous-p~riost~ de voisinage (5). A c6t~ de ce crit@re anatomique, la d~finition impose un parallOlism e ~volutif du syndrome paran~oplasique et de l'affection n~oplasique. Cette

* Service de M6decine GOrialrie; Champmaillot; CHR U; 2, rue Jules Violle; 21033 DIJON. ** Service de MOdecine Interne ; La Trouhaude ; CHRU ; 1, rue du Dr Calmette ; 21000 DIJON. *~* Service de Rhumatologie ; H6pital G6n6ral ; CHR U ; Rue du Faubourg Raines ; 21000 DIJON.

Re~iu le 1%2q991 Renvoi pour correction le 15-4-1991 Acceptation d0finitive le 06-7-1991

1992 - Tome XllI Aspects actuels de Ia polyarthrite aigu# paran~oplasique 195 Num#ro 3

caract~rist ique nous a sembl6 6tre I '~l~ment d iscr iminato i re essentiel permettant de retenir I 'authent ic i t~ de la PAP dans la revue des observations publi~es.

Les premieres observations de PAP sont rapport~es ~a part ir de s(~ries de la l i tt~rature, ax6es sur I 'associat ion polyar thr i te rhumatoTde et cancer. C'est ainsi que LANSBURY (6), puis MACKENZIE (7) et SHEON (8) proposaient quelques observa- t ions malheureusement peu d(~taill~es, o~ 1'6volutivit~ de la symp tomato log ie ar t icu la i re sembla i t para l l~ le ~ ce l le de I 'a f fect ion nOoplasique. A la revue de ces observat ions, CALDWELL proposai t en 1 985 (4, 9), un ensemble de caract(~ris- t iques s~m~l'ologiques propres ~ la PAP, permettant no tamment un diagnost ic d i f f&ent ie l d 'avec la polyarthr i te rhumatoTde. Ces caract~ristiques, regroup~es dans le tableau I, compor ta ient une polyarthr i te h d~but explosif, asym6trique, p redominant sur les art iculat ions proximales chez un patient habi tue l lement de plus de 60 ans ; en outre, il n'~tait jamais observ~ de nodule rhumatoTde ni de facteur rhumatoTde. A ces caract&ist iques propos~es par CALDWELL, il ~tait n~cessaire de rajouter comme crit~re important l 'absence de signe rad io log ique plus part icul i~- rement ~ type d'~rosion osseuse.

Tab leau I :

Caract6ristiques classiques de la polyarthrite aiguE paran6opl6sique (4, 9)

- - Relation temporelle entre le dObut-de la poiyarth rite et la n6oplasie, inf~rieure h 10 mois.

- - Polyarthrite ~ d~but tardif.

- - D6but explosif.

- - Atteinte articulaire asym~trique.

- - Atteinte articulaire predominant sur les articulations proximales, ~pargnant les poignets et [es mains.

- - Absence de nodule rhumatolde.

- - Absence de facteur rhumatoYde.

- - Absence d'ant6c6dent familial de polyarthrite rhumatolde.

- - Histopathologie hon sp6cifique de la biopsie synoviale.

- - Absence de l~sions radiologiques 6volutives.

DONNI~ES SI~MI~IOLOGIQUES ACTUELLES Elles sont fournies ~a part ir de 12 observations (tableau II) que

nous avons s61ectionn6es parmi les cas rapport6s dans la litt6ra-

Tab leau I I :

Caract&istiques s6m6iologiques de 12 observations de PAP rapport6es dans la litt~rature

R~f~rence Sexe Age

LANSBURY H 36 (6)

COSTE H 61 (10)

LITWlN F 43 (1 6)

SERRE H 61 (19)

HARDEL H 68 (15)

BENETT F 59 (17)

SIMON F 76 (18)

CAYLA H 80 (12)

PINES (19) F 62 OBS 1

OBS 2 F 60

BURKI H 73 (11)

COLLANTES H 56 ESTEVEZ (13)

Site tumoral D61ais entre s6m~io, art. et

d6couverte K (tools)

Caract6ristiques cliniques de la PAP

Facteurs rhumato'fdes

Caract6ristiques 6volutives de la PAP

seminome 0 bilat, asym. prox. ND R~mission complOte apr~s RP testicule et chimioth~rapie

Ad6noK 0 bilat, asym. Amelioration sous hormonoth~rapie prostate

Epidermoide 1 bilat, asym. + R~mission complete poumon Nodules rhum. apr?~s tumorectomie

AEG - Feb

Ad~noK 18 bilat, sym + R~mission complete prostate Nodule rhum. Latex ND sous hormonoth~rapie

AEG WR :1/256

Anaplasique 3 bilat, asym. + Am61ioration sous radioth~rapie poumon AEG - Feb Latex + ND

WR : 1/128

Ad~noK 4 bilat, sym. + R~mission complete ovaire AEG - Feb Latex : 1/320 apr~s tumorectomie

WR : 1/128

Ad~noK 4 bilat, asym. + R~mission complete colon AEG - Feb Latex : 1/640 apr~s tumorectomie

WR : 1/16

EpidermoYde 0,5 bilat, sym. Remission apr~s radioth~rapie cesophage Synd sec.

AEG - Feb

Indiff&enti6 3 bilat, sym. Feb + R~mission apr~s tumorectomie. pelvien Latex : 1/80 R6cidive ~ I'apparition de m~tastases

Ad~noK sein 3 bilat, sym. R6mission complete apr~s tumorectomie

EpidermoTde 2 bilat, sym. ~,~mission complete apr~s tumorectomie oesophage AEG - Feb

EpidermoYde 1 bilat, sym. Amelioration sous chimioth~rapie cesophage Feb

196 P. PFITZENMEYER et coll. La Revue de M~decine Interne

Mai - ,luin

ture. Les crit~res de s6!ection ont ~t~ d'une part une description suffisamment precise des caract~ristiques cliniques et biologi- ques des cas rapport~s et d'autre part I'existence d'un parall~- lisme ~volutif indiscutable entre la polyarthrite et I'affection n(~oplasique. Ainsi par exemple, parmi les 6 cas d6crits dans I'article princeps de LANSBURY en 1953 (6), il n'est possible de retenir qu'une seule observation o~ le crit~re ~volutif est indiscu- table ; il en estde m~me dans la s~rie de 6 cas de COSTE (10), o~ une seule observation est retenue. Darts la s~rie de MACKENZIE (7), il existe 8 cas o~ le critOre ~volutif est present, mais il n'est retrouv(~ aucune description precise des observations et il n'a pas ~t~ possible de les inclure dans cette revue.

• Donn6es 6pid6miologiques

L'~tge moyen des patients est de 61 ans. Le patient le plus jeune est celui de LANSBURY (6), ~tg6 de 36 ans.

Le site et le type de la tumeur associ~e sont tr~s varies : ceso- phage 3 lois (11, 12, 13), prostate 2 fois (10, 14), poumon 2 fois (15, 16), puis ovaire (17), colon (] 8), sein (19), ettesticule (6) 1 fois.

• Clinique

La symptomatologie articulaire precede habituellement la d6couverte du nOoplasme dans un d(~lai variable de 15 jours ~ 18 tools. Dans les observations de LANSBU RY (6) et de COSTE (10), I'atteinte articulaire est survenue alors que la tumeur 6tait d~j~a cliniquement ~vidente ou diagnostiqu6e.

Une alteration profonde de 1'6tat g~n~ral est soulign~e dans la majorit~ des observations (7 cas sur 12). Un contexte f~brile est habituel (8 cas), allant d'un simple f~bricule (16, 17, 18) jusqu'~ une fi~vre 6levee pouvant atteindre 40°C (11, 12) ; dans ce cas, le tableau se rapproche volontiers d'une pseudo-maladie de Still, d~crite ~a notre connaissance une seule lois en association avec une n~oplasie (20).

La caractOristique essentielle de i'atteinte articulaire r~side en son d~but explosif et tr~s rapidement progressif. Le tableau classique d~crit par CALDWELL (4, 9) ~a type d'atteinte articulaire asym~trique predominant volontiers sur les articulations proximales est rarement retrouv~ (6,15). Dans I'ensemble des cas regroup~s (10, 11,12, 13, 14, 16, 17, 18, 19), les arthrites sont sym~triques et bilat@ales atl~eignant poignets, m~tacarpo- phalangiennes et interphalangiennes proximales, et donc parfai- tement assimilab[es ~a une forme de polyarthrite rhumatoi'de habituelle. En outre, des nodules rhumatoTdes sont observes deux reprises (14, 16). Un syndrome sec oculaire associ~ est signal(~ une fois (12).

II est ~a noter que ce tableau clinique polyarticulaire ~volue en I'absence d'hippocratisme digital et de p@iostose radio[ogique et ne rentre donc en aucun cas dans le cadre d'un syndrome de Pierre-Marie Bomberger.

• Biologie

Quel que soit le cas, le syndrome inflammatoire est franc. La vitesse de s6dimentation s'~chelonne entre 50 et 130 mm ~ la 1 *~ heure. Une hyperleucocytose ~. polynuclOaires neutrophiles est habituelle. Une ~osinophilie mod@~e (767/mm ~) est observ~e dans 1 cas (12). La s~rologie rhumatoTde est positive dans 6 cas

(14-19) parmi 11 observations o0 elle est notre ; les taux restent modestes, au maximum 1/320 ~'~ pour le test au latex et 1/640 ~me

pour leWaaler-Rose. Hormis des facteurs anti-nucl~aires observes des taux faibles (1/32 ~me) dans une cas (11) et un facteur

d'activation plaquettaire mis en (~vidence dans I'observation de BENNETT (17), aucun autre marqueur auto-immun n'est retrouv~.

• Radiologie

II n'existe habituellement aucune anomalie osseuse ou arti- culaire d~celable. Une d~min~ralisation est parfois notre. Un aspect de carpite est rapport4 dans une seule observation (14).

• Ponction articulaire

Le l iquide est inflammatoire patrols m~me puriforme ; les tests au latex et Waaler-Rose peuvent Otre positifs (12).

La biopsie synoviale est toujours asp6cifique, montrant un aspect inflammatoire banal.

• Enfin, la caract~ristique ~volutive principale s'int~gre dans la d~finition m~me de la PAP. II s'agit de [a r(~gression de la symptomatologie articulaire inflammatoire apr?~s traitement carcinologique efficace. En cas de r6cidive n6oplasique, la r~cidive articulaire n'est pas syst~matique. L'instauration d'un traitement anti-inflammatoire est habituellement peu efficace ; par contre, la corticoth~rapie peut att6nuer la symptomatologie (11,12).

UN D I A G N O S T I C DIFFI~RENTIEL DIFFICILE

Les caract&istiques s(~m~'l'ologiques permettant de suspecter une PAP sont pauvres. Parmi les ~l~ments habituets du tableau, on peut retenir I'~ge de survenue tardif volontiers apr~s 60 ans, I'existence d'une alt&ation de I'~tat g~nOral dans un contexte f~bri le, le caract~re explosif et t'~volution rapide de la polyarth rite associ(~e hun syndrome inflammatoire biologique majeur.

L'ensemble de ces donn~es cliniques tr~s impr~cises peut parfaitement s'int6grer dans plusieurs tableaux pathologiques habituels chez le sujet gtg~.

Certaines formes de polyarthrite rhumatol'de ~ d6but tardif se caract@isent par un d~but tr~s aigu, ~voluant dans un contexte d'alt6ration profonde de l'~tat g~n@al. La s(~m~lologie articulaire est variable : elle peut @re typique, avec atteinte bilat~rale et sym6trique des articulations distales, ou beaucoup plus atypique, volontiers asym6trique, touchant avec pr6pondOrance les arti- culations proximales. Biologiquement, ces tableaux ~voluent habituellement dans un contexte inflammatoire franc, tandis que la presence de facteurs rhumato'fdes est inconstante (21).

Dans le syndrome RS3 PE, d~crit r~cemment chez les hom- mes ~g~s, on note une polyarthrite sym~trique, s~ron~gative avec synovites, accompagn~e d'oedOmes distaux prenant le godet (22). L'~volution spontan~ment rOgressive en moins de 2 ans est habituellement abr~g~e par u ne corticoth@apie br0ve tant au niveau des oed?~mes que de l'atteinte articulaire.

Enfin, en cas de manifestations articulaires proximaies de ia PAP, i'alt@ation franche de I'~tat g~n&al et l'intensit6 du syn- drome inflammatoire peuvent volontiers faire 6voquer le dia

1992 - Tome XIII Aspects actuels de la polyarthrite aiguY paran~oplasique 1 97 Num?ro 3

gnost ic de pseudo-po lyar th r i te rh izom~l ique . La d is t inct ion noso log ique est d 'au tant plus d~l icate qul i l a ~t~ d~cri t des formes de pseudo-po lyar thr i te rh i zom~ l ique paran~oplas ique (23, 24).

HYPOTHi=SES I~TIOPATHOGI!NIQUES Lors des premieres observat ions publ i~es, la s imi l i tude c l in i -

que entre PAP et po lyar thr i te rhumato(de a p rovoqu~ une confu- sion noso log ique entre ces deux entit~s. D?~s tors, se posai t la quest ion d 'une associat ion forfui te entre po lyar thr i te rhumato lde et cancer, qui sont deux pathologies fr~quentes dans la popu la- t ion. En effet, I ' inc idence de survenue d 'un cancer est de I 'ordre de 2 ~ 4 % dans une popu la t ion de patients atteints de po lyar thr i te rhumato ide (25, 26). La mu l t ip l i ca t ion des observat ions ot~ le paral lOl isme ~vo lu t i f entre po lyar thr i te et cancer est ~vident , a condu i t ~ isoler d~f in i t i vement la PAP du vaste cadre de la po lyar th r i te rhumato lde . Dans ce contexte , les hypothbses pathog~niques de la PAP supposaient un conf l i t i m m u n o l o g i q u e de I 'h6te vis-a-vis de ta tumeur, responsable d 'un 6tat d 'au to- immun isa t ion (17). Cette hypoth~se 6tait pr~cis6e par BENNETT en 1976, qui rapprochai t la sOcr6tion de complexes immuns circulants mise en ~v idence dans certains n6oplasmes, de la survenue du tab leau c l in ique de la PAP (1 7).

Plus r6cemment , H I R A N O (27, 28) et RAWLE (29) ont mont r6 que certaines tumeurs dont le m y x o m e de I 'ore i l le t te et les cancers de I'ut~rus et de la vessie produisa ient en grande quant i t6 des cytok ines de s~quence comparab le h cel le de I ' interf6ron 1~2 (IFN[g2). Cette substance BCDF (B celles d i f ferent iat ion factor) est part icul i~rement impl iqu6e dans la prol i f6rat ion et la dif f@entiat ion des l ymphocy tes B humains et sa p roduc t ion en exc~s pourra i t favor iser un 6tat d 'au to - immun isa t ion . Paral l~ lement, il est im~ por tant de noter qu 'une forte act iv i t6 BCDF, qui pourra i t 6tre l i6e

la pr6sence d'IFNI~2, a 6t~ raise en 6v idence dans le l iqu ide synov ia l de certaines polyarthr i tes rhumatoYdes (30).

La polyar th rite aiguO paran~oplasiq ue existe c o m m e le prouve plusieurs observat ions publ i~es ot~ le para l l~ l isme ~vo lu t i f entre syndrome rhumato log ique et cancer est ind6niab le .

En prat ique, son po l ymorph i sme c l in ique rend le d iagnost ic d i f f&ent ie l tr~s d i f f ic i le d 'avec certaines formes de po lyar thr i te rhumatoTde ou avec le RS3-PE. Le c l in ic ien doi t donc ~tre attent i f Iorsqu'une po lyar thr i te h dObut brutal et par t icu l iOrement ~vo lu t ive survient apr~s 60 ans, et ce d 'autant qu ' i l existe con jo in temen t une a l t&a t ion de 1'6tat g6nOral, dans un contexte f~bri le avec syndrome in f lammato i re franc. Dans ce contexte, le type et la Iocal isat ion d 'une (~ventuelle tumeur sol ide associ~e sont ex t r~mement var iables, n~cessitant donc une recherche anamnest ique et c l i n ique tr~s minut ieuse.

Summary-- Current aspects of paraneoplastic acute polyarthritis (PAP).

Paraneoplastic acute polyarthritis (PAP) is a recognized rheumatological entity with semeiological features that are based only on a few published cases. We thought that it would be of interest to review the literature and present the current characteristics of PAP, taking into account only those cases where the acute polyarthritis and a neoplastic disease followed parallel courses. The clinical manifesta- tions of PAP are extremeley varied, making it difficult to distinguish this disease from some forms of rheumatoid arthritis, the RS3 PI z syndrome or polymyalgia rheumatica. Clinicians must be vigilant when they are faced with a particularly progressive acute polyarthritis in a patient aged over 60, and particularly when this patient's general condi- tion is altered and when fever and a clear-cut inflammatory syndrome are present. In such circumstances, it is mandatory to investigate for an underlying neoplasia.

Key-words : PARANEOPLASTIC POLYARTHRITIS.

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1992 - Tome XIII Aspects actuels de la poIyarthrite aigu~ paran#oplasique 1 99 Num~ro 3