article_jsa_0037-9174_1947_num_36_1_2357

Upload: andrea-bocchi-modrone

Post on 14-Jul-2015

101 views

Category:

Documents


3 download

TRANSCRIPT

Emile Marcelin

Les grands dieux du vodou hatien.In: Journal de la Socit des Amricanistes. Tome 36, 1947. pp. 51-135.

Citer ce document / Cite this document : Marcelin Emile. Les grands dieux du vodou hatien. In: Journal de la Socit des Amricanistes. Tome 36, 1947. pp. 51-135. doi : 10.3406/jsa.1947.2357 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1947_num_36_1_2357

LES GRANDS DIEUX DU VODOU HATIEN

Par Emile MARCELIN.

INTRODUCTION PAR ALFRED MTRAUX.

i

L'atmosphre mystrieuse et quivoque qui entoure vodou a viciai h. saine comprhension des faits religieux et sociaux coin-paris sous ce terme. Mme en Hati, o les rites vodous peuvent facilement tre observs .par tous, l'lite a partag l'horreur gnrale pour des pratiques qui ses yeux nuisaient sa rputation de culture et d'urbanit. Cet effroi devant de simples manifestations folkloriques n'a pas toujours t favorable la recherche scientifique et une presentation objective de ces phnomnes. C'est au snateur Price Mars que revient le grand mrite d'avoir exorcis le fantme et mme de l'avoir rendu attrayant. Plus tard des ethnographes amricains comme Herskovits, Courlander, Elsie Clews Parsons, Leybuicn et Stimpson ont complete le tableau trac par Price Mars et ont analys la structure de ce curieux systme religieux. La fondation d'un Bureau d'ethnologie en Hati, dont le crateur et l'animateur fut le jeune savant et crivain Jacques Roumain, donna une grande impulsion aux enqutes scientifiques sur le vodou. Jacques Roumain, lui-mme, Mme Odette Rigaud, le major Maximilien et d'autres crivirent d'excellentes monograp hies certains cultes vodous. La tradition de recherches tablie par le sur crateur du Bureau d'ethnologie est aujourd'hui continue par Lorimer Denis et ses collaborateurs. L'attitude de dfiance et de dgot, jadis si accuse, le cde donc peu peu une curiosit sympathique, mais les prjugs envers Le vodou sont encore tenaces. Seule l'ethnographie, en expliquant la nature de cette rel igion, pourra dissiper les visions de cauchemars qu'elle inspire beaucoup d'honntes gens, malheureusement mal informs son sujet. Car qu'est-ce que le vodou ? Rien d'autre qu'une simple religion populaire, ne du syn crtisme entre diffrents cultes de l'Afrique occidentale et les croyances et

52

SOCIT DES AMRICANISTES

pratiques catholiques imposes la lgre aux esclaves africains. L'indiff rence colons pour la vie spirituelle de leurs esclaves a entrav leur evan des gelisation. Les prtres rguliers et sculiers qui ont sans cesse rclam le droit de gagner des mes paennes la foi, ont t dbouts de leur demande et tenus l'cart de ce btail humain. Plus tard, la guerre d'indpendance, les luttes intestines et la misre gnrale ont maintenu les masses dans leur ignorance. Le Concordat, qui organisait le clerg hatien sur le modle du clerg franais, est aussi responsable de la persistance des cultes africains. Si les hommes d'tat hatiens avaient eu le courage de regarder en face la ralit sociale de leur pays, ils auraient fait appel des missionnaires qui eussent vanglis les campagnes comme s'il se ft agi d'un pays paen ; Hati a prfr vivre, tout comme les autres tats de l'Amrique latine, sur la fiction d'un pays identique n'importe quelle rpublique europenne. Un effort systmatique et-il t fait, il y a un sicle, pour enseigner les rites et les croyances catholiques aux fils des esclaves librs, les superstitions qui aujourd'hui scandalisent le clerg et l'lite auraient disparu ou ne vivraient que sous une forme de ples survivances. En 1941, le clerg d'Hati, qui dans sa majorit est franais, s'employa extirper la superstition par la force. Un grand nombre de sanctuaires vodous furent dpouills de leurs objets rituels qui furent brls dans des sortes d'autodafs. Ces mesures brutales n'eurent naturellement d'autre rsultat que de multiplier les miracles et d'affermir la foi des vodouisants. L'glise dut abandonner la lutte. Le vodou occupe dans la vie des classes paysannes d'Hati une place ana logue celle des anciens cultes dans les socits paennes ou celle du catholicisme populaire au moyen ge. Il procure ses fidles le confort spirituel, les protge contre les atteintes du sort et des maladies et leur fournit en plus les distractions esthtiques qui rompent la monotonie de l'existence. Les sanctuaires vodous ou houmfors sont la fois des glises, des hpitaux, des clubs, des salles de danse et des thtres. Le hougan et la mambo sont des conseillers spirituels et des praticiens. Aussi le vodou ne disparatra-t-il que lorsque d'autres institutions auront assum chacune des fonctions qu'il remplit en ce moment. Les chapitres d'une mythologie hatienne qui sont publis dans ce numro du Journal des Amricanistes sont l'uvre d'un jeune Hatien, M. Emile Marcelin, frre de Philippe Toby et Pierre Marcelin dont le roman folklorique Canap Vert s'est vu dcern un prix littraire fort envi aux tats-Unis. Emile Marcelin appartient donc une famille qui s'est signale par son amour de la vie populaire et pour sa connaissance de la psychologie du paysan des mornes >>. Les textes et les rcits que nous prsentons ici ont t recueillis selon un plan que j'avais soumis

.

LES GRANDS DIEUX DU VODOU HATIEN

53

M. Marcdin. Les rsultats de ses enqutes ont t en partie revus et corri gs, du point de vue de la forme, par l'auteur de ces lignes. Dans la mesure du possible, l'expression originale a t maintenue. Au cours de mes trois sjours en Hati, j'ai t frapp par le comporte ment possds pendant les crmonies. La personne qui reoit un des dieu en elle, change non seulement d'apparence et de ton de voix, mais cherche aussi par des dguisements divers ressembler la divinit qu'elle incarne. Le dsir d'identification avec la divinit force les possds jouer un rle dont les lignes gnrales sont dictes par la tradition ou conformes l'ide que les spectateurs se font du dieu qui est descendu sur eux. Ils deviennent des acteurs, conscients ou inconscients, qui s'exhibent dans un acte dramatique. Ce caractre des possessions est particulirement frappant lorsque plusieurs personnes sont possdes simultanment par des dieux diffrents ou par le mme dieu. D'un commun accord, ils donnent un impromptu dont le ton est tantt gai, tantt grave, selon le caractre des dieux prsents. Ces scnes improvises sont fort gotes de la galerie qui s'esclaffe et n'hsite pas intervenir dans le dialogue ou manifester son assentiment ou son dplaisir. Si chaque possd adopte sans hsiter les gestes familiers, les tics, l'accent et les attributs des dieux, au point que ceux-ci sont immdiatement reconnus par l'assistance, c'est qu'il existe une mythologie familire tous. C'est cette image du panthon vodou que j'aurais voulu voir cristallise dans une sorte de trait desdieux et des desses hatiens. Quelques ethnographes ont senti tout l'intrt d'un catalogue des divinits et de leurs attributs. Courlander1, en particulier, nous en a donn une liste o leur nom est suivi de quelques dtails sur leur personnalit, mais ces nomenclatures des tres surnaturels sont trop schmatiques et d'une scheresse excessive. Les dieux d'Hati qui, comme tous les dieux, ont t crs l'image de leurs adorateurs, sont certainement anims de sent iments plus divers et plus nuancs qu'on ne peut en conclure des pages qui leur ont t consacres. Cette riche humanit des dieux hatiens se dgage quelque peu des notes d'Emile Marcelin, bien qu'encore trop brves. Les dieux, ou pour leur donner leur nom hatien, les loa ou les mystres , sont de vrais paysans des mornes, ambitieux, susceptibles, parfois paillards, amis de la bonne chre, roublards et malicieux, terriblement jaloux et sujets de violents accs de colre. Leur nature se rvle dans des incidents qui se sont produits dans le pays o ils habitent ou plus souvent encore ici-bas lorsqu'ils viennent se mler aux hommes. Une mythologie complte du vodou serait un prcieux document pour saisir sur le vif la psychologie du paysan hatien. 1. Courlander, Harold, Haiti Singing. Chapel Hill. The University of North Carolina Press, 1939.

54

SOCIT. DES AMRICNS-T-ES

Les courtes tudes sur les grands dieux du vodou ont t faites avec h. collaboration de quelques informateurs de la rgion de Petionville,. prs -de Port-au-Prince. Il ne fait aucun doute que des enqutes plus pousses, entre prises dans d'autres rgions et avec d'autres informateurs, auraient daian des rsultats encore plias satisfaisants. Tel qu'il est, cet essai peut servir de cadre d'autres recherches du mme ordre. M. Emile Marcelin est particu lirement & qualifi pour atteindre ce but et nous esprons qu'il continoaera recueillir des renseignements, et des anecdotes de plas en plus nomb reux sur chacun des loa vodous. Le nombre des dieux adors en Hati est lgion,. Cet essai ne traite que de quelques grandes divinits, pour la plupart venues d'Afrique occidentale, et connues de tous les paysans hatiens. Les dieux sont groups en diverses catgories ou nations {nanchons) dont les plus clbres portent le nani de rada, petro, ibo., congo, etc. Les dieux, dont le nom apparat dans cette tude, appartiennent presque tous la classe des loa rada qui est la plus nombreuse et la plus populaire. Ces classes ou catgories se divisent en familles de dieux, comme par exemple la famille des Ogoa, des Gud, des Zaka, etc. Les dieux d'une classe ou d'une famille sont apparents par des traits et des attributs communs qui, parfois, contrastent avec les caractres propres autre famille. Une des sources les plus importantes de la mythologie hatienne nous est fournie par le texte des chants que les servants du culte (houns) entonnent lorsqu'ils (ou elles) dansent en l'honneur d'un dieu. Ces quelques vers numrent les noms du dieu, font allusion son caractre ou quelque incident de sa vie. Ils sont parfois railleurs ou mme insultants. Leur sens n'est pas toujours clair et les prtres qui sont appels les traduire en donnent des interprtations fort diffrentes. Il est galement vrai que le texte en varie considrablement selon les sanctuaires ou les informateurs. Souvent leur sens s'claircit l'aide des mythes ou de la tradition concernant les dieux qu'ils clbrent. Une difficult supplmentaire, dj remarque Courlander, est constitue par le brusque changement de personnes dans le cours du chant. C'est tantt le chanteur qui s'adresse au loa, tantt le loa qui s'adresse au chanteur, tantt une allusion un mythe ou un incident trivial. Ces trois aspects sont parfois inextricablement mls. Nous avons donc en Hati un norme folklore potique et musical' d'essence religieuse qui se transmet d'un bout l'autre du pays et d'une gnration l'autre. Cette riche, matire potique n'est pas stable, les vers sont dforms, modifis ou radapts par les chefs de chur des diffrents sanctuaires. D'autres chants sont composs en l'honneur de nouveaux dieux et, selon leur mrite, se propagent ou meurent. Hati nous offre, une fois encore, Timage des socits antiques ou moyengeuses traverses par un

LES GRANDS DIEUX DU VODOU HATIEN

55

grand courant lyrique. Une tude systmatique de cette production artistique nous offrirait, n'en doutons pas, des lumires sur l'origine de la littrature populaire l'aube de notre civilisation. Pour faciliter la lecture et la comprhension des documents mytholog iquesrecueillis par M. Emile Marcelin, il- n'est pas inutile de dfinir quelques-uns des termes techniques du vodou et d'expliquer certaines att itudes psychologiques propres aux milieux vodouisants. Les dieux hatiens portent le nom de loa, terme d'origine africaine, ou de mystres . Ils descendent dans leurs fidles, provoquant ainsi un phnomne de possession ou crises de loa. La personne qui devient le rcep tacle du dieu est dite le cheval ou choual du dieu. Cette assimilation permet l'usage d'un vocabulaire religieux d'inspiration questre ; par exemple, le dieu monte ou chevauche son cheval. Le possd est saisi de convulsions si la crise est forte. En ce cas, le prtre cherche l'apaiser en agitant sa sonnaille faite d'une calebasse recouverte d'une sorte de treillis en perles de verre ou de vertbres de serpents (assmi). Si le possd s'croule par terre, il le maintient entre ses jambes jusqu' ce qu'il ait repris ses sens. Le cheval , une fois calm, danse, salue les spectateurs, s'entre tient avec eux ou se livre des pantomimes ou tient des propos en harmonie avec le caractre du dieu qu'il incarne. Lorsque, dans les anecdotes rapportes par Emile Marcelin, il est dit que le dieu fit ceci ou cela, ou pronona telle ou telle parole, il faut entendre la personne possde. Mais comme, aux yeux des fidles, un individu pris de loa perd sa personnalit pour devenir le dieu lui-mme, c'est donc au dieu que ses actions et ses propos sont attribus. Lorsqu'il se rveille de la transe, il assure ne pas garder le souvenir de ce qu'il a fait ou dit. Jamais je n'ai rencontr de possds qui aient admis avoir t saisis par un dieu. Mme aprs des crises d'une grande violence, ceux qui en avaient donn le spectacle coutaient le rcit de leurs actions avec une surprise affecte ou relle, personne ne sait. Le prtre du vodou est un hougau et la prtresse une mambo. Les hounsi kan^o, ou hounsi tout court, sont les serviteurs, hommes et femmes, du sanc tuaire ou houmfor et les danseurs attitrs pendant les crmonies. Le chef de chur est Y houngenikov . Le laplace est le matre de crmonie qui, arm d'un sabre, conduit les saluts rituels, et prend la tte des cortges et proces sions. Il est suivi par deux porte-drapeaux. Les ftes et crmonies ont lieu sous un pristyle ou tonnelle, sorte de hangar ouvert. Le poteau central qui soutient la toiture est dit le poteaumilan. Il est hautement sacr et joue un rle important dans les sacrifices et les pratiques rituelles. Les services en l'honneur des loa comportent un rituel compliqu qui varie selon les dieux, selon leur classe et aussi selon

56

SOCIT DES AMERICAN ISTES

l'objet immdiat de la crmonie. Les danses en sont presque toujours un lment essentiel. Elles sont excutes dans un ordre rigoureux et leur rythme ainsi que les mouvements changent plusieurs reprises au cours de la crmonie. Elles sont classes par les indignes eux-mmes en t3Tpes qui correspondent souvent aux classes des loa. Les principales danses du vodou sont dites rada, yanvalou, yanvalou dos-bas, yanvalou-^-paules , nago, kitamoy, ibo, marlinique, etc. Une liste de ces danses, avec une brve description des mouvements qui les caractrisent, se trouve dans l'ouvrage deCourlander cit plus haut. La musique est fournie par les chants des danseurs, mais surtout par un orchestre de tambours dont le nombre et la l'orme diffrent selon le type de danse. Les danses Rada exigent trois tambours cheville, les danses Petro, deux tambours plus petits. Le ogan est une sorte de cloche en fer accompagnant souvent le rythme du tambour. L'endroit prcis o un sacrifice va avoir lieu est en quelque sorte sacralis par un dessin rituel (vvf) que l'on trace avec de la farine sur le sol. Le hougan ou son assistant reprsente ainsi les symboles des dieux qui vont tre appels. La plupart des grands dieux du vodou sont' identifis des saints catho liques. Cette assimilation se fonde sur l'interprtation donne aux attributs des personnages divins reprsents sur les grossires chromolithographies, imprimes en France, qui sont importes en Hati. La physionomie et les attributs de chaque saint ont t interprts d'aprs la mythologie vodou et il a suffi souvent d'un dtail insignifiant pour tablir une quivalence. Saint Patrick est le dieu Serpent Damballah, parce qu'il a chass les serpents d'Irlande et que ceux-ci sont figurs sous ses pieds. Le casque, au pied de saint Expedit, est une tte de mort, etc.. Ces images sont places sur les autels vodou et, leur tour, ont inspir de nouveaux mythes tiologiques. L'usage que les paysans font de ces chromos est en abomination an clerg qui s'est vu rduit l'obligation de dtruire, dans ses autodafs, des images de la vierge et des saints qui ailleurs dcorent les chapelles et les foyers les plus chrtiens. Dans la transcription des textes en crole nous nous sommes heurts aux mmes difficults que nos prdcesseurs. Le crole parl par la majorit des Hatiens est une langue nouvelle, drive du franais en usage la colonie au xvme sicle. Il s'est suffisamment diffrenci de la langue mre pour qu'i soit impossible de le regarder comme dialecte. Il est au franais ce que le roman du moyen ge tait au latin. La grammaire crole est imprgne d'africanismes et le systme phontique prsente des particularits qui s'e xpliquent uniquement par des habitudes articulatoires d'origine africaine. Il et donc t plus simple et plus logique de transcrire ces textes selon un alphabet phontique, d'autant plus que le Dpartement d'ducation hatien

LES GRANDS DIEUX DU VODOU HATIEN

bis Oh! ti goutte d'ieau cousin mand. ) L'estomac H fait mal, Lan point godet pou(t-) cousin boue. Cousin Zaka sort de l-haut (montagne). Il descend en ville. Oh ! une goutte d'eau Cousin demande ! Son estomac lui fait mal. Il n'y a pas de gobelet pour le servir. Il est dangereux de refuser un verre un tranger que l'on ne connat pas, car sait-on s'il n'est pas le dieu lui-mme ? C'est la msaventure arrive l'un de nos informateurs qui nous en fit le rcit : Un dimanche, je vis arriver chez moi un paysan en blouse et pantalon bleu, retrouss aux genoux, coiff d'un grand chapeau de paille. Une de ses jambes tait bande sans doute avait-il un java, maladie courante chez les paysans. Il me demanda de lui servir un petit verre de clairin, mais il ne tta pas ses poches, comme le font d'ordinaire les paysans, pour indiquer qu'ils ont de quoi payer. Comme je ne suis qu'un petit commerant, il m'est impossible de faire le gnreux, je refusai donc de le servir. Quelqu'un m'ayant appel de la pice voisine, je sortis un instant. Lorsque je revins le paysan avait disparu. Je demandais ceux qui taient l ce qu'il tait devenu, mais tous m'assurrent n'avoir vu personne. Je me rendis compte alors qu'il ne s'agis sait d'un tre ordinaire. Quelques instants plus tard, un ami qui vit prs pas de l me raconta qu'il avait rencontr un pnysan et celui-ci lui avait dit : Yo sot refus m l gnou ti verre clairin. Min tout yo pas connin qui moune moin y. Tonnerre) erase (il frappa le sol de son bton), moin Cousin Zaka m'a foute

110

SOCIETE DES AMERICANISTES

montr yo qui mount moin y. (On vient de me refuser un petit verre de cla rin. Que le tonnerre m'crase, si, moi Cousin Zaka, je ne leur montre pasquel sorte d'homme je suis.) En effet il se vengea en leur jetant un sort. Tous les gens de la maison., furent pris le jour mme d'un terrible ventre) pass (colique et diarrhe).. Cousin Zaka fait de la politique et annonce qu'il se porte candidat la-, deputation et au snat. Minis se- nh ! Nou l. Minisse A^aka yo pr all nomtnin dpit. Minisse- Enh ! Nou l. A\aka yo pr'all nommin m Senate. Enh! Nou l. Ministre oh ! Enh ! Nous sommes l. Azaka on va m'lire dput. Ministre*, oh ! Enh. Nous sommes l. Azaka on va m'lire snateur, Enh nous sommes l.. Il triomphe aux lections : Ministre- ! Enh! Nou l. Minisse Zaka- ! Gai~)d l- . Zaka yo nommin m Dpit. Minisse- ! Enh ! Nou l, Minisse Zaka-, Ga{r)d l~ ! Zaka yo nommin m Snat. Enh ! Nou l. Ministre oh! Enh! Nous sommes l! Ministre Zaka, oh! regarde, nous, sommes l, oh! Zaka on m'a lu dput. Ministre, oh ! Enh! Nous sommes l.. Ministre Zaka! Regarde, nous sommes l, oh! Zaka on m'a lu snateur.. Enh ! Nous sommes l. On lui offre dans les services du mas bouilli, du pain arros d'huile d'olive, un paquet 'afiba (tripes de buf sches au soleil), des cassaves, (pain de manioc), du rapadou (sucre des paysans, fait de sirop de canne envelopp dans des taches de palmiste), du hareng sal, de l'absinthe infu sedans du clairin. AGAOU. Agaou est la fois un frre deZika Md et un membre de sa suite. C'est: un dieu du vent et de l'orage. Il a aussi pour animal symbolique la soude(petit lzard) qui, si elle vous mord, ne lchera prise que lorsque le tonnerre grondera. On lui consacre ordinairement comme reposoir un qunpier.. Certains vodouisants Port-au-Prince identifient Agaou saint Roch, d'autres saint Michel, d'autres enfin au petit Ngre qui figure dans les.

LES GRANDS DIEUX DU VODOU HATIEN

I I I

chromos de la Vierge Caridad, genoux dans un canot et les mains jointes. Dans la rgion du nord on l'assimile saint Jean-Baptiste et il est appel Agoun Tonnerre. On le regarde comme le dtenteur de la foudre et Ogou Balindjo est son frre. Sa fte se clbre en mme temps que celle de saint Jean-Baptiste, le 24 juin. Un de ses attributs est une canne en jonc dont il ne se spare jamais. Agaou rgne sur les vents, les orages et les clairs. Li le, li temps-! M'a pra li! Agaou-tonn(jr)- ! Crole mand moin ! Nou pas oui m fout(f)t dit nia prall! Agaou Vorage m'a prall ! Agaou ^clairs m'a prall ! Aaou-d! crole mand ou-m. Ou pas ou-m fout(re) ma dit m'a prall! Agaou vent, vent ! Li vent Nod, Li vent Siroi. Agaou c'est pas moune icit. Agaou grond, grond, Li grond l'orage. Agaou vent, vent! Li vent vent ! Agaou so(r)ti lan Guinin. Li vent, li grond, Yo pas besoin m enco-! Yo rhl-m vie bagaille. Il est l'heure, il est temps, oh ! je m'en vais. Agaou tonnerre, oh ! les croles me demandent. Vous voyez pas, foutre, que je dis que je m'en vais. Agaou l'orage, je m'en vais. Agaou l'clair, je m'en vais. Agaou deux, oh ! les croles me demandent. Vous ne voyez pas, foutre, que je dis que je m'en vais. Agaou souffle, il vente. Il vente le Nordais, II vente le Surot. Agaou n'est pas ici. Agaou gronde, il gronde, II gronde l'orage. Agaou souffle, il vente. Il souffle le vent. Agaou sort de la Guine. Il vente, il gronde. Ils n'ont plus besoin de moi. Ils m'appellent vieille chose. Les tremblements de terre sont l'uvre d'Agaou. Ceux de faible intensit sont des avertissements donns par Agaou lorsqu'il est mcontent de ses enfants; les fortes secousses qui causent des dgts sont des manifestations de sa colre contre ses enfants. Parfois Agaou dchane des cyclones et des temptes. S'il pleut avec excs, les paysans s'adressent d'abord Agaou pour rcl amer son assistance, puis ils vont minuit enterrer dans un champ solitaire une bouteille pleine d'eau. Tant que la bouteille restera ensevelie, la pluie ne tombera pas. Le charme n'est bris que si elle est dterre par le hougan

112

SOCIT DES AMR1CAN1STES

ou l'individu qui l'a enfouie. On peut aussi obtenir le mme rsultat en amarrant la pluie ou en mettant la pluie en corde . Ces expressions se rapportent un rite magique qui consiste nouer de grosses lianes. Les paysa-ns satisfaits de leurs rcoltes invitent Agaou leur rendre visite : Agaou lev, lev ! Vin pour) ou si n fait bien ! Agaou lev, lve ! Vin ga(r)d, fait bien ! Agaou, lve-toi, lve-toi donc! Viens voir si nous avons bien fait. Agaou, lvetoi, lve-toi donc ! Viens regarder, nous faisons bien. Agaou est aussi le canonnier de Dieu. Si quelqu'un profre une menace accompagne de l'imprcation : Tonne{rr) boul-m ou Tonnerre) cras-m, la personne vise doit dire : Agaou dit si Bon Di vl. Un chant exprime la mfiance d'Agaou envers les fidles qu'il souponne de vouloir pntrer ses secrets : M' Sond, yo vini sonder, dis yo vini sonder-m l. Agaou, bte sans sang, Nous pas p' pa(r)ler toutt parole, oh ! Ga(r)d yap' sond -m. Sonder, ils sont venus me sonder. Je dis qu'ils sont venus l me sonder. Moi, Agaou, ble sans sang. Nous ne parlerons pas de tout cela, oh! Voyez, ils me sondent. Dans sa violence, Agaou peut foudroyer son choual. Le cas nous a t rapport par un fidle. Pendant une crmonie, il monta une jeune fille qui tomba, inerte, sur le sol. Ses membres se crisprent, elle avait les yeux rvulss. Le hougan agita son asson (hochet), pronona des formules en la ngage et supplia le Ida de quitter la jeune fille, mais sans aucun succs. La jeune fille ne bougeait pas, car elle avait t foudroye par le dieu. Les gens saisis par Agaou font connatre leur nouvelle identit par ces mots : Fout(r)e tonn(rre). C'est moin Agaou-tonne(tre). C'est moin fout(r)e tonmirr). C'est moin canonier Bon Di lo'rn grond ciel ague t(jre) trembl. Ces possds imitent le grondement de l'orage et le mugissement des tem ptes. Ils gonflent leurs joues d'air, crachent la figure des gens et di stribuent tous de fortes poignes de main. Comme le dieu appartient la catgorie des loa grimpeurs, les possds ne peuvent s'empcher de grim persur les arbres ou les poutres leur porte. Au beau milieu d'une crmonie en hommage Shango, Olisha et Sobo, au moment o l'on chantait pour Agaou, une petite vieille qui tait assise

LES GRANDS DIEUX DU VODOU HATIEN

1 13

quelque distance du pristyle, fut subitement possde par lui. Elle sauta sur ses pieds, gesticula, souffla comme un phoque, cracha, roula sur le sol t se frotta le front contre une pierre jusqu' ce que le sang jaillisse. Enfin revenue elle, elle saisit la chaise sur laquelle elle tait assise, rentra s'e nfermer chez elle. Les spectateurs poussrent des cris de triomphe et jetrent leurs chapeaux en l'air en signe de joie. Interrogs sur la cause de ces manif estations, ils dirent : Elle est dans l'vangile (elle est protestante). Agaou tait entr dans cette femme pour la punir de l'avoir dlaiss. Un paysan qui cet incident fut racont, le commenta en ces termes : Vous avez entendu, mes amis, quand je vous disais qu'Agaou est furieux de ce que les gens abandonnent leur loa pour entrer dans la religion protestante. Ne voyez vous pas comme la terre tremble depuis quelques jours. En effet on avait subi plusieurs secousses sismiques cette anne-l. Voici la formule d'invocation pour Agaou : Par pouvoir Agaou tonnerre), Agaou Missou Oueddo, Agaou-comb, Agaou-kata (kata, bruit du tonnerre), Agaou-^-claif), Agaou-bte-s ans-sang, Ng(re) gros, gros, gros, Ago, Ago, Agosi, Agola. A l'occasion des services en l'honneur d'Azaka, on donne toujours manger Agaou. Ses mets prfrs sont les mirlitons farcis et le tomlom (sorte de mlange de patates, de malangas, de bananes jaunes et de calalou piles). SOBO ET BAD. Sobo ou Sogbo est le dieu de la foudre, celui qui lance sur la terre les pierres-tonnerre. Ce sont, comme on le sait, des haches indiennes qui, en fait, sont souvent mises dcouvert par la pluie aprs un orage. Elles sont des objets minemment sacrs puisqu'elles sont censes contenir des loa. Elles reposent dans de l'huile sur l'autel des houmfors. Sobo tant le dieu des pierres-tonnerre est donc saint Pierre, car il est dit dans l'vangile :