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Aquilon n° 11 novembre 2013 AQUILON Revue en ligne de l’Association des internationalistes Sommaire La Bande à Eole Le Vent en poupe - Editorial du Président - L'UMR IRICE, Universités de Paris 1 et Paris 4 Blizzard Table ronde Arctique - Ouverture. Michel Foucher - Introduction. Jean-Pierre Quéneudec - L'Arctique, espace stratégique. G.H. Soutou - Répartition des espaces et exploitation des ressources. Hélène de Pooter - Pourquoi la coopération internationale est nécessaire. Laurent Mayet - La navigation en Arctique. Jean-Paul Pancracio - L'Arctique, miroir de la diversité de la coopération internationale. Antoine Dubreuil - Remarques finales. VAE Patrick Hébrard - Note de lecture. Daniel Colard Vents contraires - La France à l'heure de la crise syrienne. Guillaume Berlat - La France et l'affaire syrienne. Serge Sur - La France et la Syrie en 1919, texte de Robert de Caix 1

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    AQUILON Revue en ligne de lAssociation des internationalistes

    Sommaire

    La Bande Eole

    Le Vent en poupe

    - Editorial du Prsident

    - L'UMR IRICE, Universits de Paris 1 et Paris 4

    Blizzard

    Table ronde Arctique

    - Ouverture. Michel Foucher- Introduction. Jean-Pierre Quneudec- L'Arctique, espace stratgique. G.H. Soutou- Rpartition des espaces et exploitation des ressources. Hlne de Pooter- Pourquoi la coopration internationale est ncessaire. Laurent Mayet- La navigation en Arctique. Jean-Paul Pancracio- L'Arctique, miroir de la diversit de la coopration internationale. Antoine Dubreuil- Remarques finales. VAE Patrick Hbrard- Note de lecture. Daniel Colard

    Vents contraires - La France l'heure de la crise syrienne. Guillaume Berlat - La France et l'affaire syrienne. Serge Sur- La France et la Syrie en 1919, texte de Robert de Caix

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    LA BANDE A EOLE

    Dans cette nouvelle livraison d'Aquilon, nos lecteurs trouveront une nouvelle rubrique, "Vents Contraires". La politique trangre de la France mrite, comme d'autres, de susciter des dbats contradictoires sincres et arguments, au-del des schmas immdiats, simplistes, et visant au moralisme auto-proclam comme seul guide d'action et l'motion comme seul objectif. Aquilon se doit d'ouvrir ses colonnes au souffle de vents contraires.

    De son ct, lAssociation des internationalistes se lance rsolument dans un cycle de rendez-vous mensuels autour dun praticien des relations internationales (diplomatie, conomie, recherche, analyse) en direction de jeunes chercheurs et jeunes professionnels de 22 30 ans. Un projet conu et mis en uvre par trois doctorants membres de lAssociation, Emmanuel Bourdoncle, Chlo de Perry, et Hlne de Pooter. Ces rencontres sont ouvertes sur inscription, notamment aux tudiants de Master 2 et aux doctorants du champ international.

    Le premier rendez-vous sest tenu avec lambassadeur Jean-Claude Cousseran, directeur gnral de lAcadmie diplomatique internationale, ancien ambassadeur (Damas, Ankara, Le Caire) et ancien directeur gnral de la scurit extrieure. Le thme trait a t : Regard sur la Syrie . Expos, puis dbat et enfin rencontre et dialogue entre participants. La salle tait comble (76 inscrits), et le dbat aussi nourri quinstructif.

    Ce faisant, lAssociation est fidle ses objectifs de promotion des tudes et recherches en relations internationales et confirme son intention dassurer de manire concrte le dialogue entre gnrations et le passage de relais.

    ! Lditorial du Prsident

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Du reste, lors de la demi-journe dtude consacre aux BRICS , Lmergence en question tenue lInstitut des hautes tudes de dfense nationale le 7 octobre avec dix intervenants, deux-tiers des participants (186) taient des tudiants et des chercheurs. L encore, une salle comble. Le prochain rendez-aura lieu fin novembre, avec un autre praticien de la diplomatie.

    LAnnuaire des membres de lAssociation sera mis en ligne brefs dlais. Enfin, lhypothse de publication crite des rsultats, enrichis de textes nouveaux, des journes dtudes (Arctique du 15 mars, BRICS du 7 octobre) et dune slection de dossiers thmatiques dAquilon, progresse de manire favorable. Deux ouvrages collectifs devraient tre publis en 2014 dans ce cadre, avec le label de lAssociation.

    Michel Foucher Prsident de lAssociation des internationalistes

    Aquilon est la revue en ligne de lAssociation des Internationalistes. Elle parat tous les quatre mois et rend compte de lactualit de lAssociation : activits, articles indits, publications des membres de lAssociation, etc.

    Les opinions exprimes dans les articles publies par Aquilon, revue en ligne de caractre scientifique, nengagent que leurs auteurs.

    Rdacteur en chef : Paul Dahan ISSN : 2259j 8677

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    LE VENT EN POUPE

    L'UMR IRICE

    Identits, relations internationales et civilisations en Europe

    CNRS UMR 8138

    Directeur de lUMR IRICE : Eric Bussire

    Directeurs-adjoints : MariePierre Rey et Fabrice Virgili

    LUMR, cre en 2002, rassemble aujourdhui des chercheurs CNRS et des quipes rattaches aux Universits de Paris 1 et de Paris 4. Outre ses 45 membres, sont associs lIRICE des chercheurs dautres universits franaise, en particulier un groupe dhistoriens de lUniversit de Cergy-Pontoise, mais aussi une trentaine de collgues en Europe et dans le reste du monde. Plusieurs dizaines dautres chercheurs apportent rgulirement leur concours lIRICE. Le laboratoire participe actuellement lencadrement denviron 150 doctorants.

    LUMR IRICE a dvelopp depuis sa cration une vritable intgration autour de ses thmes de recherche, chacun dentre eux ralisant lamalgame entre toutes les composantes. ce titre, les sminaires jouent un rle important dans le fonctionnement de lUMR. Outre ceux qui sont tenus par chacun des professeurs dans le cadre de son enseignement, des sminaires spcifiques ont t dvelopps autour des thmes de recherche du laboratoire. Ces sminaires, largement ouverts des chercheurs extrieurs reprsentent galement un cadre dinsertion dans la recherche pour les doctorants. Ces derniers animent galement des activits qui leur sont propres (sminaires, tables rondes...). Ils trouvent ainsi dans le laboratoire une structure daccueil stimulant. Enfin, se tient depuis septembre 2009 le Sminaire propre notre laboratoi-

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    http://irice.univ-paris1.fr/spip.php?article167http://irice.univ-paris1.fr/spip.php?article120http://irice.univ-paris1.fr/spip.php?article21

  • Aquilon n 10 novembre 2013

    LIRICE assume la publication des Cahiers de lIRICE, crs en 2008 avec pour objectif de promouvoir de nouvelles recherches impulses par le laboratoire. Parmi les derniers numros parus rcemment, on trouve :

    - Rgionalisme europen et gouvernance mondiale au XXe sicle. Premires approches - Le pacifisme en Allemagne. Du Reich wilhelmien la fin de la Rpublique de Weimar (1890-1933) - Le futur dAuschwitz

    Ces numros sont consultables en ligne sur le site de lIrice , et sur Cairn

    Depuis l'anne universitaire 2012, lUMR participe, en collaboration avec le CEMAf, le MASCIPO et lditeur Armand Colin, au dveloppement de la revue Monde(s), Histoire, espaces, relations, revue qui croise les mthode de la Global History (l'histoire du monde), de l'histoire des grandes aires rgionales (l'histoire des mondes) avec celles de l'histoire des relations internationales et de l'histoire transnationale. Fin septembre 2013 Monde(s) aura donn lieu 4 livraisons et particip aux Rendez-vous de l'histoire Blois les 10/11/12/13 octobre 2013. Sa programmation est actuellement en place jusqu'en 2016 (voir son site).

    Le Bulletin de l'Institut Pierre Renouvin parat deux fois par an. Il offre une tribune aux rsultats scientifiques de jeunes historiens, en particulier ceux dont la thse est en cours d'laboration. Il est en ligne sur les sites de Paris 1 et de Cairn.

    Au titre de sa communication interne, le laboratoire a mis en place depuis lanne 2011 une Lettre IRICE, envoye rgulirement chaque semaine tous les membres du laboratoire, informant chacun des parutions, stages, bourses, colloques, en dehors des informations mentionnes sur le site de l'UMR. Cette Newsletter , que la correspondante formation du laboratoire a en charge, assure une communication essentielle pour notre UMR. Le site de l'UMR IRICE a galement ouvert une rubrique spciale pour les doctorants, o ils peuvent trouver un certain nombre d'informations, notamment sur des formations et des stages qui leur sont destins.

    -re, rassemblant chercheurs, enseignants-chercheurs, doctorants et post-doctorants. Il fonctionne maintenant depuis quatre ans et sera reconduit pour cette rentre universitaire 2013-2014.

    I - Publications

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    http://irice.univ-paris1.fr/spip.php?rubrique89http://irice.univ-paris1.fr/spip.php?rubrique59http://www.cairn.info/index.phphttp://www.monde-s.com/http://www.univ-paris1.fr/autres-structures-de-recherche/ipr/les-revues/bulletin/http://www.cairn.info/revue-bulletin-de-l-institut-pierre-renouvin.htmhttp://irice.univ-paris1.fr/spip.php?article707

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    II - Nos thmes de recherche

    L'Europe constitue, depuis son origine, le cadre principal des activits scientifiques de l'UMR. Le contrat quinquennal 2014-2018 consolide cette orientation. Les activits de l'unit procdent la fois de la recherche fondamentale historique et de la recherche finalise, dans la mesure o elle rpond la demande sociale et institutionnelle sur les enjeux de l'Europe d'aujourd'hui. Les principaux destinataires des activits de notre unit sont : le monde de la recherche, les instances europennes, les dcideurs conomiques et politiques, les citoyens. Cette orientation d'ensemble a t consolide depuis 2012 par la mise en oeuvre du LabEx EHNE (Ecrire une histoire nouvelle de l'Europe) dont l'UMR IRICE est porteur, orientation que viendra renforcer la cration rcente du GDR Connaissance de l'Europe mdiane qui runira autour de l'IRICE l'ensemble des chercheurs franais de ce champ (historiens, politistes, gographes, civilisationnistes et littraires).

    LUMR dploie actuellement ses activits autour de 5 thmes :

    Thme 1 : Civilisations, relations, constructions en Europe aux XIXe et XXe sicles

    LEurope tant la fois civilisation, systme de relations et projet : cest larticulation de ces ralits que se situent nos interrogations.

    La configuration prvue pour 2014-2018 interroge l'identit, le systme europen dans ses composantes et comme projet dans ses articulations avec le monde. Ce thme se dveloppe autour d'une srie d'axes : rgionalisme europen et mondialisation, pratiques diplomatiques, ides politiques et citoyennet europenne, l'Allemagne au coeur de l'Europe, blocus et embargos.

    Thme 2 : LEurope mdiane et orientale : flux, changes et identits, XIXe-XXe sicles

    Trois thmatiques sont couvertes : L'europe, acteur et enjeu de la fin de la guerre froide, Construction des savoirs franais sur l'Europe mdiane (XIX-XX sicles), La coopration universitaire, un enjeu des relations intereuropennes, des temps de guerre froide l're de post-guerre froide.

    Thme 3 : LEurope et les Autres

    LUMR tudie les rapports entre l'Europe et certaines rgions du monde. L'UMR qui centrait dpuis sa cration ses efforts sur trois rgions, l'Amrique latine, l'Amrique du Nord et l'Asie orientale, a dcid d'largir ses proccupations aux relations entre l'Europe et les pays mditerranens dune part, lAfrique dautre part.)

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Thme 4 : Entreprise, tat et nouveaux espaces stratgiques de lEurope contemporaine : nergie, matires premires, information et mobilit

    Diplomatie technique, organisations internationales et biens publics mondiaux au XIXe sicle (1815-1919), Mobilit, Usages privs et usages collectifs : quelles frontires pour une administration et un gouvernement publics ? nergie, matires premires et environnement : la voie europenne depuis le dbut du XIXe sicle, Histoire de la recherche.

    Thme 5 : Temps et traces de guerre

    Le thme a pour ambition de renouveler les approches de la guerre, des sorties de guerres, et des traces laisses par les guerres, matrielles, culturelles, psychiques..., collectives ou individuelles. Ce thme est articul en cinq thmatiques et englobe pour lessentiel les XIXe, XXe et XXIe sicles : Traces de guerre et enjeux de la rconciliation, Gurilla, rsistances et petites guerres , Genre et guerre, La mer et la guerre, le renseignement.

    Le LABEX EHNE

    Ces diffrents thmes sarticulent autour des travaux du LABEX EHNE (Ecrire une histoire nouvelle de lEurope). Voir la rubrique ddie au LabEx sur le site Irice, ainsi que son organigramme.

    Obtenu en 2012, le LABEX "Ecrire une histoire nouvelle de l'Europe" (EHNE) est pilot par l'UMR. Il associe galement d'autres grands partenaires : le Centre Roland Mousnier (UMR 8596, CNRS, Paris 4), le CRHIA (Nantes), le Centre d'histoire du XIX sicle (Paris 1 et Paris 4), l'UMR Andr Chastel (Paris 4).

    L'objectif principal du projet EHNE est d'clairer la crise que connat actuellement l'Europe en reconstruisant une historiographie nouvelle de l'Europe, qui s'adresse tout autant au monde scientifique qu'au monde enseignant, aux citoyens et aux politiques.

    Son ambition est de placer l'cole historique franaise en histoire de l'Europe et des relations internationales au coeur des dbats historiographiques et contemporains les plus essentiels. Le projet, engag pour huit ans, runit les comptences les plus notables existant en France sur ces questions et les articule sur de puissants rseaux europens et internationaux.

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    http://irice.univ-paris1.fr/spip.php?rubrique97http://irice.univ-paris1.fr/IMG/pdf/Organigramme3_EHNE.pdf

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Le LABEX "crire une histoire nouvelle de lEurope" sorganise autour de 7 axes :

    1 - L'Europe comme produit de la civilisation matrielle2 - L'Europe dans une pistmologie du politique3 - L'humanisme europen ou la construction d'une Europe pour soi , entre

    affirmation et crise identitaires4 - L'Europe comme hors soi : frontires, voisinage et altrit lointaine5 - L'Europe des guerres et des traces de guerre6 - Genre et identits europennes7 - Traditions nationales, circulations et identits dans l'art europen

    Les chercheurs de lIRICE sont fortement impliqus au sein du LABEX EHNE dont ils assurent la coordination des axes 5 et 6; ils sont en outre fortement engags dans les axes 1, 2, 3 et 4.

    Le GDR : Connaissance de lEurope (CEM) n 8607

    GDR cr le 4 septembre 2013 - Direction Antoine Mars

    A la suite de l'examen du projet par la 33 section du CNRS et de l'avis de la direction SHS du CNRS, le directeur du CNRS a dcid, le 4 septembre 2013, de crer pour quatre ans ( compter du 1er janvier 2013), le groupement de recherche (GDR) n 8607, intitul "Connaissance de l'Europe mdiane", sous la direction d'Antoine Mars, Professeur l'Universit Paris 1 Panthon-Sorbonne et membre de l'UMR IRICE.

    Ce GDR regroupe les quipes et les enseignants-chercheurs en histoire (de la mdivale la contemporaine), en gographie, en sociologie et en sciences politiques, en littrature et en civilisation, qui travaillent en France sur l'Europe mdiane, dfinie comme la zone se trouvant entre l'Allemagne et la Russie : il s'agit d'quipes (UMR ou EA) appartenant l'EHESS (CERCEC, CETOBAC, CRH, Centre Georg Simmel), l'Inalco, Sciences-Po (CERI), aux Universits de Paris 1 Panthon-Sorbonne (UMR Irice), de Paris 4 Sorbonne (CES et CRECOB, appels devenir UMR), de Paris 10 Ouest Nanterre (ISP), de Lyon III-ENS Lyon (UMR EVS), de Lorraine (CERCLE)... De nombreux chercheurs et enseignants chercheurs isols, venus de tous les horizons gographiques (de nombreuses universits franaises et de centres franais de recherche ltranger) ont rejoint ce noyau dur des centres de recherche totalement ou partiellement consacrs cette rgion. Ce sont aujourdhui prs de cent universitaires et chercheurs en poste qui ont t regroups et qui seront rejoints par les docteurs et doctorants soccupant de cet espace.

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    mailto:[email protected]

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Lobjectif de ce GDR est de renforcer le rseau des chercheurs, la circulation des savoirs et les cooprations interdisciplinaires ainsi que d'acclrer la dynamisation de la recherche. Pour ce faire, il va mettre en place des pages web qui sont en cours dlaboration, avec un annuaire, les activits, un agenda, les projets. Un sminaire pluridisciplinaire du GDR aura lieu intervalles rguliers le vendredi aprs-midi l'Institut d'tudes slaves, et des journes dtudes semestrielles prvues partir du printemps prochain dboucheront sur des publications. Une des fonctions du GDR sera aussi de labelliser des manifestations scientifiques et de soutenir certaines actions.

    Des ANR

    Certains membres de lIRICE sont engags dans les directions doprations suivantes :

    - ANR Cold War Programme de recherche de la Sorbonne sur la guerre froide

    Direction : Pierre-Marie Rey

    Intitul "Programme de recherche de la Sorbonne sur la guerre froide/Sorbonne Cold War Studies Projetct", le projet poursuit un double objectif : il s'agit, d'une part, d'laborer et de promouvoir une lecture renouvele de l'histoire de la guerre froide en accordant l'Europe longtemps laisse pour compte d'une historiographie anglo-saxonne trop focalise sur la dimension amricano-sovitique, sa place lgitime, et d'autre part, de ravailler valoriser l'international les travaux des historiens franais et europens du domaine, de faon les aider acqurir la visibilit qui leur fait encore trop souvent dfaut dans un paysage qui demeure domin par les historiens et spcialistes anglosaxons des relations internationales.

    - La Loi en Rvolution 1789-1795" (ANR-09-BLAN-0354 CSD 9 ; acronyme : RevLoi) concernant la numrisation de la collection de dcrets rvolutionnaires de Franois-Jean Baudouin (1759-1838), imprimeur des assembles rvolutionnaires, en partenariat avec Pierre Serna, Professeur d'histoire moderne et directeur de l'Institut dHistoire de la Rvolution Franaise (Universit de Paris I) et Anne Simonin (Maison franaise dOxford).

    - ANR Resendem, (dcision nANR-09-SSOC-036-01) sur la priode 2010-2014. Il associe quatre partenaires : l'UMR IRICE (Pascal Griset, coordinateur), le CEMMC de l'Universit Bordeaux 3 (Christophe Bouneau), l'UMR Triangle (Gilles Pollet) et le Laboratoire Communication et Politique (Isabelle Veyrat-Masson).

    Ce projet entend reconsidrer l'histoire de trois secteurs - tlcommunications, nergie, automobile - en s'appuyant sur les avances rcentes de la sociologie des sciences et des techniques. Les problmatiques issues des rflexions sur la "dmocratie technique", discutes et croises des approches complmentaires, permettent en effet de dplacer les regards sur ces rseaux qui structurent le quotidien des socits europennes depuis la fin du 19 s. Le projet offre ainsi une mise en perspective dans la longue dure des dbats et controverses qui font lactualit.

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    - Les dplacements de population la frontire franaise et allemande de 1939 1945, ANR-DFG (2012-2015), dirig par Olivier Forcade, Rainer Hudemann (Paris 4) et Fabian Lemmes (Bochum). Elle rassemble des chercheurs et des doctorants des universits de Bochum, Paris 4, Sarrebruck, Tbingen. Elle a pour objet une histoire transnationale des populations allemandes et franaises, soit plus d'un million de personnes, ayant fait l'objet de dplacements administratifs l'initiative de leur pays de part et d'autre de la frontire, partir de septembre 1939 et en 1945. L'tude compare revient sur un terrain peu investi au regard de celle des dports, dplacs du travail, prisonniers, rfugis.

    - Egalement, le projet de recherche au sein du rseau franco-allemand "Saisir l'Europe". Le groupe travail III "Violences urbaines" se consacre l'historicisation et la problmatisation dun phnomne qui suscite un vaste intrt dans un climat de protestations sociales, de terrorisme et druptions de violence individuelle ou collective. Au moyen denqutes historiques ou contemporaines, il vise faire de la notion de violences urbaines un outil danalyse efficace pour des tudes systmatiques et empiriques. Avec Ariane Jossin.

    III - Publications

    Enfin, au cours du quadriennal 2010-2013 lUMR et ses membres ont publi nombre douvrages, darticles et de contributions. La liste exhaustive se trouve ici.

    Ouvrages et articles des chercheurs, Annexe 13 p. 151-206 ; Ouvrages et articles des doctorants de lIrice, Annexe 14, p. 207-231

    Les auteurs ont en particulier fait porter leur effort sur la publication douvrages de rfrence limage de Pour une histoire des Relations internationales, dirig par Robert Frank (Paris, PUF, Septembre 2012, 776 pages) et la rdaction duquel de nombreux membres de lIRICE ont particip.

    De mme, le site de lIrice annonce rgulirement la parution des ouvrages de ses membres

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    http://irice.univ-paris1.fr/IMG/pdf_ANNEXES_Irice.pdfhttp://irice.univ-paris1.fr/spip.php?rubrique55

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Rcemment parus

    LEUROPE ET LA PAIX. Jalons pour une relecture de lhistoire europenne des XIXe-XXIe sicles, par Grard Bossuat, Jean-Michel Guieu.

    Les empires coloniaux (XIXe-XXe sicles), par Pierre Singaravelou.

    La Babel tudiante - La Cit internationale universitaire de Paris (1920-1950), par Dzovinar Kevonian

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Penser le systme international XIXe-XXIe sicle, par Eric Bussire, Isabelle Davion, Olivier Forcade, Stanislas Jeannesson.

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    BLIZZARD

    L'Arctique

    Notre association a organis le 15 mars 2013 avec l'appui de l'IHEDN un colloque consacr L'Arctique, nouveaux dfis" dans les locaux de l'Ecole militaire (Amphithtre Desvallires). Nous vous prsentons les principales contributions des intervenants ce colloque.

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Ouverture

    Michel Foucher, gographe et diplomateChaire de gopolitique applique au Collge d'tudes mondiales

    (FMSH/ENS)

    L't est favorable aux actualits intressant le domaine arctique. On vient d'apprendre que la flamme olympique des Jeux de Sotchi de 2014 ferait une escale au "ple nord", manire de rappeler la revendication de scientifiques russes sur ce lieu symbolique, qui serait dans le prolongement de la dorsale de Lomonossov. Si cette extension gologique naturelle du plateau continental physique sibrien tait dmontre et agre par les riverains (Danemark et Canada en l'occurrence), la Russie pourrait le faire valoir au titre de la mise en uvre de la convention sur l'extension du plateau continental. Plus concrtement, la dcision de rouvrir la base de lle de Kotelnyi en Nouvelle Sibrie marque la volont de la Russie, qui contrle la route maritime du nord, de tirer parti de l'intrt croissant de la Chine pour l'accs des ressources minires et pour le transit.

    La Chine a nomm son brise-glace qui a fait escale en 2012 en Islande Xuelong ou Dragon des neiges. Elle semble vouloir lever le niveau de ses programmes de recherche scientifiques en Arctique en se fondant sur ses acquis en Antarctique. Elle recherche des points d'appui (Svalbard, Islande avec la visite de l'ancien premier ministre en avril 2012) et a suivi, comme d'autres, les dbats lectoraux du printemps 2013 au Groenland dont l'un des enjeux est le choix de l'assise conomique d'un scnario d'indpendance. Elle a t admise au statut d'observateur au Conseil de l'Arctique en mai 2013. Elle porte un intrt croissant aux ressources minires de ces pays riverains dont la gologie est celle d'un socle ancien riche en fer, en nickel, en zinc et en cuivre. Dbut aot un navire de la COSCO a quitt Dalian pour rallier Rotterdam via le passage du nord-est, prcd par un brise-glace russe.

    Nouveaux intrts

    C'est donc autant que la soif de matires premires que les effets de l'volution climatique qui expliquent cet engouement rcent, dans le cas de la Chine. Pour la Russie il s'agit galement de prestige et de souverainet, dans une logique de reconstruction de la puissance. Les routes ma-

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    -ritimes sont sans doute plus courtes que les voies classiques mais elles sont bien plus coteuses et peu frquentes - 47 transits en 2012 pour la route maritime du nord, essentiellement du cabotage saisonnier.

    Nils Andersen, qui prside AP Moeller-Maersk, premire compagnie de transport maritime du monde, estime que la route du nord (russe) ne sera pas frquente dun point de vue commercial avant dix trente ans, en raison de son caractre trs saisonnier et de son cot lev (recours des brise-glace, assurance, absence dinfrastructures de secours).

    Peu de rgions suscitent autant de fantasmes que lArctique, et les Canadiens smeuvent des risques datteinte leur souverainet de proccupations cologiques internationales sans doute lgitimes mais souvent excessives. On parle de bataille des souverainets entre pays riverains, douverture au trafic international de passages maritimes libres de glace se substituant aux canaux de Suez ou de Panam, de lexploitation de nouveaux eldorados miniers, dune offensive russe pour le contrle militaire du pleNord. Le Parlement europen veut ngocier un trait international de protection de lArctique, rcus par les tats riverains. Cet espace condense une srie dinquitudes et de fantasmes occidentaux face aux mutations gopolitiques de la plante.

    Quest-ce que lArctique ? Il sagit de la zone situe au-del du cercle polaire (66 34) o, ajoutent les astronomes, il est possible de voir le soleil de minuit au moins une fois par an. Le 60e parallle est la limite administrative canadienne. Pour locanographe, il sagit de locan Glacial et ses rgions riveraines. Le climatologue le fixe au nord de lisotherme de 10 en juillet. On peut galement convoquer la limite nord des arbres ou laire du perglisol. Celle des Inuits ou des Sames, lesquels peuvent attester la rduction de la banquise estivale, qui modifie les conditions de la chasse. Sa superficie de 10 millions de kilomtres carrs quivaut quatre fois celle de la Mditerrane.

    La tendance la fonte de la glace pluriannuelle de la banquise estivale est constate depuis trente ans : 15 millions de kilomtres carrs en hiver, 6,74 en t en moyenne, avec une diminution de 35 % selon la NASA entre 1979 et 2007. Comme lindique Lasserre, quels que soient les scnarios climatiques, lArctique restera une rgion polaire (tempratures basses, nuit polaire, banquise hivernale). La fonte a une gographie diffrencie : plus rapide au nord de la Sibrie, plus forte au cur de locan mais avec un maintien dun noyau de glace pluriannuelle au nord du Groenland et de larchipel canadien, du fait de la rotation des glaces. Les experts ne savent pas quel est le rapport entre la variabilit climatique naturelle, lie aux oscillations du systme coupl ocan-glace-atmosphre en mer de Barents, qui peut provoquer 50 70 % du rchauffement observ au milieu du XXe sicle, et le forage anthropique.

    15

    AquilonNote15.000 passages par an dans le canal de Panama et 19.000 pour le canal de Suez. 15 millions de tonnes de cargo en 2011 contre 930 mf via Suez

    AquilonNoteMaersk pours cold water on Arctic shipping route hopes, Financial Times, 7/10/2013

    AquilonNoteMichel Foucher, La fausse bataille du Ple Nord, in La bataille des cartes, analyse critique des visions du monde, F. Bourin, 3me dition interactive et bilingue (Itunes/Ipad, octobre 2012)

    AquilonNoteVoir les travaux du gographe Frdric Lasserre : Passages et mers arctiques. Gopolitique dune rgion en mutation, Presses de luniversit du Qubec, 2010 ; La Chine en Arctique? Avec Olga V. Alexeeva, communication au Festival international de gographie de Saint Di des Vosges, octobre 2013

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Nouveaux enjeux

    Dautres enjeux se dessinent, aprs que la fin de la guerre froide bipolaire eut dvalu limportance stratgique de locan Arctique et conduit une fermeture de bases et la forte baisse des patrouilles de sous-marins. Cela a pouss le Canada se dsengager en 1989 : ni sous-marins, ni navires, quatre patrouilles ariennes en 2000 (contre 26 en 1980) ; pas de recherche ; 250 soldats sur une superficie de 4 millions de kilomtres carrs. Cette priode est rvolue face au diffrend sur lle Hans, aux querelles publiques entre Ottawa et Washington, la rhtorique russe assortie de missions ariennes. Des capacits militaires ont t dveloppes : installation de Radarsat-2, systme dcoute sous-marine ; renforcement des Rangers Inuits ; manuvres navales en baie dHudson en 2005 les premires depuis 1975. Il ny a pas encore eu de dcision sur ldification dune base navale arctique mais des navires de soutien interarmes (NSI) navigant sur 70 centimtres de glace sont en construction. Il sagit de dmontrer la capacit dexercer une souverainet.

    Le premier enjeu concerne un seul contentieux sur les terres merges, lle Hans, entre Canada et Danemark. Le deuxime porte sur le statut des passages maritimes, considrs comme des eaux intrieures par les pays riverains Canada et Russie et comme des eaux internationales par les tats-Unis, attachs la libert des mers, ici comme au large de la Chine, le Danemark, qui gre encore le Groenland en voie dindpendance et lUnion europenne qui entend cogrer ces espaces via un trait international sans faire partie du Conseil arctique. Le troisime est plus complexe encore et concerne lextension des plateaux continentaux et la dlimitation des limites maritimes. La gologie est convoque, notamment par la partie russe, mais il lui manque une cartographie adquate des fonds. Laccs aux gisements, reconnus ou hypothtiques, en dpend (zinc, fer, plomb ; sans doute or, diamants, ptrole, gaz), en dpit de srieux doutes sur la rentabilit de leur exploitation. Le Groenland sera actif dans lexploration des hydrocarbures pour sassurer les moyens conomiques de son indpendance.

    Le dernier enjeu porte enfin sur les hypothtiques passages maritimes du Nord-Ouest et du Nord-Est, qui prendraient alors une valeur internationale. Le trafic actuel est de desserte locale - prs de 400 voyages effectus en 2006 par cinq compagnies de navigation dans lArctique canadien et onze navires touristiques en 2008 autour de lle de Baffin. Les contraintes sont fortes (glaces drivantes, hauts-fonds, vents, courants dans les dtroits) pour un ventuel trafic international. Les tirants deau sont de 13 mtres pour le dtroit Union et de 25 mtres pour celui de Dease, qui ne serait accessible qu des cargos de taille rduite, ce qui explique le dsintrt des grands armateurs de flottes de porte-conteneurs. Les chenaux de McClure et du Prince-de- Galles sont plus profonds mais la fonte des glaces pluriannuelles, trs dures, et le sens de la drive impliqueraient des moyens sophistiqus de navigation (quipages forms, hlicoptre de reconnaissance, radar, projecteurs nocturnes).

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    ll faut compter enfin avec la concurrence de la route maritime du Nord-Est : les treize brise-glaces russes - dont sept nuclaires contre cinq au Canada et trois aux tats-Unis - sont puissants ; la route comprend dix ports en eau profonde ; la fonte des glaces estivale est plus prononce mais les dtroits sont moins profonds (12 20 mtres). Des navires coque renforce sont en construction dans le chantier finlandais dAkers Finnyard. lt 2009, lentreprise allemande Beluga, spcialise dans le transport volumineux et pondreux, a test la faisabilit du transit entre Uslan, en Core du Sud, Novyi-Port/Yamburg en Sibrie et Arkhangelsk, avec des bateaux escorts par des brise-glaces russes. Les cots de page imposs par la Russie sont trop levs pour que cette voie soit dj rentable, mais Moscou entend la valoriser.

    Lexprience arctique rappelle que des rgions peu peuples ou vides, en milieu extrme et difficile comme le Grand Nord, les zones arides, les forts tropicales et quatoriales, entrent leur tour dans le jeu du march global et la problmatique de souverainet. Il ny a, semble-t-il, plus de place pour des espaces vides et incontrls, au moins dans les reprsentations dominantes.

    L'le Hans

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    Introduction

    Jean-Pierre Quneudec

    Professeur mrite l'Universit Panthon-Sorbonne Ancien prsident de l'Acadmie de marine

    1. Les quelques propos introductifs qui vont suivre visent, comme leur nom lindique, introduire les diffrents thmes qui seront abords au cours des deux tables-rondes.

    - La premire table-ronde aura pour objet dexaminer dabord la rpartition des espaces arctiques entre les pays riverains ; elle sattachera donc mesurer lemprise maritime quy exercent les Etats ctiers, tant en ce qui concerne la projection de leur souverainet sur des zones tendues de lArctique quen ce qui touche aux perspectives dexploitation des ressources de ces espaces. Elle se penchera ensuite sur les problmes que pose la navigation dans lArctique, la fois quant lidentification des routes maritimes utilisables et quant aux caractristiques techniques particulires des navires amens frquenter cette zone.

    - Sagissant de la deuxime table-ronde, elle sera consacre, dune part, une prsentation des aspects stratgiques de lutilisation de lArctique et, dautre part, ltude des diffrentes formes de coopration internationale que les pays riverains de lArctique entretiennent entre eux et avec des Etats tiers.

    Ces propos introductifs doivent toutefois prendre garde un srieux cueil, car il faut ici non seulement viter de dflorer ce qui sera dit tout lheure mais aussi se garder de rpter ce qui vient dtre dit en ouverture, tout en essayant cependant dy incorporer une certaine valeur ajoute.

    2. Rappelons tout dabord que ce qui est en cause, quand on parle de lArctique, cest locanglacial arctique, cest--dire lensemble des espaces marins situs dans la partie borale du globe. Il sagit du plus petit des ocans de notre plante, puisque sa superficie est denviron 13

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    millions de kilomtres-carrs, soit sept fois moins que lAtlantique. De surcrot, il sagit de ce quon peut appeler un ocan semi-ferm entre les ctes septentrionales de lEurope, de lAsie et de lAmrique ; cest pourquoi certains ont pu le qualifier de Mditerrane borale . Sa situation est cependant diffrente des mers fermes et semi-fermes vises par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer dans sa Partie IX (articles 122 et 123) ; ce que nont dailleurs pas manqu de souligner les cinq Etats ctiers qui en sont riverains, savoir le Canada, les Etats-Unis, le Danemark (Groenland), la Norvge et la Russie. De plus, eu gard sa situation gographique, lOcan Arctique comporte plusieurs subdivisions ou dpendances : mer de Barents, mer de Kara, mer des Laptev, mer de Sibrie orientale, mer des Tchouktches ( la sortie du dtroit de Bring), mer de Beaufort

    Rappelons ensuite la principale donne physique et environnementale actuelle de lOcan Arctique, qui tient au dclin de la banquise polaire. Comme la rappel Michel Foucher en ouvrant le colloque, il sagit l dun fait avr : au cours des 30 dernires annes, la superficie de la banquise arctique a diminu de 35% en fin dt et de 8% en fin dhiver. Il est vident que les enjeux gopolitiques, conomiques et environnementaux dans cette rgion sont la mesure de ce changement majeur.

    3. De ce fait lOcan Arctique nest plus une sorte de monde part. De nouvellesperspectives se prsentent concernant aussi bien la navigation que les autres utilisations de cet espace maritime. Cest pourquoi lintgralit des rgles du droit international de la mer trouvent sy appliquer, comme dans les autres parties de locan mondial, et pas seulement les dispositions de larticle 234 de la Convention de Montego Bay relatives aux zones recouvertes par les glaces. LOcan Arctique parat destin entrer dsormais dans le grand jeu de la mondialisation, comme le montre lactualit la plus rcente.

    - Le 12 mars dernier, Oslo, au cours dune confrence sur lArctique organise par The Economist, le directeur gnral de lInstitut chinois des recherches polaires, M. Huigen Yang, annonait que, tirant les enseignements de la premire expdition chinoise ralise dans lArctique en 2012 par le brise-glace Xuelong ( Dragon des neiges ), une compagnie maritime chinoise comptait effectuer durant lt 2013 la premire traverse commerciale de lOcan Arctique destination des Etats-Unis et de lEurope, le trajet Shangha-Hambourg tant par cette voie plus court de 5185 kilomtres quen empruntant le canal de Suez. Chacun sait quil existe potentiellement deux routes maritimes pour la navigation commerciale dans lArctique : dun ct, le passage du Nord-Ouest travers larchipel arctique canadien ; dun autre ct, la route du Nord-Est depuis lentre dans la mer de Kara jusquau dtroit de Bring. Baptise Sevmorput depuis 1930, cette dernire fait lobjet dune attention particulire de la part des autorits russes. Lors dun Forum consacr lArctique qui stait tenu Arkhangelsk en septembre 2011, Vladimir Poutine, alors Premier ministre, avait ainsi indiqu que son gouvernement entendait dvelopper la route maritime du Nord en mettant en place 10 centres de secours et de sauvetage en 2015 le long de cette route et en prvoyant la construction de 9 nouveaux brise-glace (dont 3 propulsion nuclaire) dici 2020. On notera ce sujet louverture Moscou, le 28 janvier 2013, dune nouvelle entit administrative charge de la navigation arctique.

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    - Quant lexploitation des ressources de lOcan Arctique, on ne parle gure des ressources biologiques de cette zone, sans doute parce quil parat peu prs impossible dy dvelopper une activit de pche du moins pour le moment. On sest davantage intress lexploitation des ressources minrales et fossiles contenues dans le plateau continental arctique. En particulier, les ressources potentielles en hydrocarbures ont attis quelques convoitises. Selon lUS Geological Survey, 13% des rserves mondiales de ptrole et 30% des rserves mondiales de gaz naturel pourraient sy trouver. De grandes compagnies ptrolires occidentales ont conclu divers accords dassociation avec des socits russes : British Petroleum et ExxonMobil se sont ainsi associes Rosneft, tandis que Total a sign un accord avec Novatek. Aussi a-t-on pu dire que lArctique reprsentait la nouvelle frontire de loffshore . Toutefois, lenthousiasme des ptroliers nest pas sans limite et semble mme aujourdhui assez tempr. La socit Shell vient ainsi dannoncer une pause dans ses programmes dexploration en Arctique aprs lchouement de la plate-forme de Kulluk au large de lAlaska la fin de lanne 2012.

    - Qui plus est, on ne peut manquer de rflchir la prvision faite rcemment par Arcelor Mittal, propritaire de la mine de fer de Mary River sur lle de Baffin dans lArctique canadien. Selon cette compagnie, toute lexploitation de cette mine, qui est un des plus grands gisements du monde, pourra tre faite avec seulement 8 navires spcialiss et naura donc pas de vritable impact sur la navigation arctique.

    3. Il existe donc de srieuses limites au dveloppement de la navigation et de lexploitationdes ressources dans lArctique.

    - Le colloque organis en fvrier 2012 au Havre par lEcole nationale suprieure maritime sur Les stratgies maritimes en zones polaires a clairement mis en vidence le fait que lhydrographie de la zone tait encore faire. Cest la raison pour laquelle lOrganisation hydrographique internationale a cr en son sein la Commission hydrographique de lArctique. Le colloque du Havre a galement montr que les prvisions mtorologiques en zone arctique devaient tre srieusement amliores. De plus, lorganisation des oprations de secours et de sauvetage y est trs largement embryonnaire. Cest dailleurs ce qui a amen les 8 Etats membres du Conseil de lArctique signer Nuuk, le 12 mars 2011, un accord de coopration en matire de recherche et de sauvetage aronautiques et maritimes dans lArctique.

    - On entrevoit cependant des utilisations plus immdiates de lOcan Arctique. Ce pourrait tre un nouvel itinraire possible pour les cbles sous-marins, et notamment la dernire gnration de cbles en fibre optique. Il existe en ce domaine deux projets principaux. Il y a, dune part, lArctic Fibre canadien qui tend ltablissement dune nouvelle liaison entre le Japon et la Grande-Bretagne via Terre-Neuve. Il y a, dautre part, le Polarnet Project russe consistant immerger un cble de 17000 kilomtres entre la Grande-Bretagne et le Japon via Mourmansk.

    Les diffrentes interventions qui vont prsent prendre place ne manqueront de prciser et dclairer les quelques remarques ainsi faites en guise dintroduction, dont on espre quelles auront ouvert plusieurs perspectives sur les nouveaux dfis de lArctique.

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    L'Arctique, espace stratgique

    Georges-Henri Soutou

    Membre de lInstitut Prsident dhonneur de lAssociation des Internationalistes

    On connat lintrt gographique, climatique et conomique de lArctique, ce sera largement le thme de notre Journe. Mais je voudrais rappeler brivement que les rgions polaires ont prsent longtemps un grand intrt stratgique.

    1. Pendant la deuxime guerre mondiale, les Allemands comme les Allis y rpartissaientdes stations mtorologiques plus ou moins automatises, car on avait bien compris que la mto arctique influence considrablement celle de lEurope. Dautre part, les convois allis en direction de Mourmansk naviguaient le plus au nord possible, pour tenter dchapper aux puissantes forces aronavales allemandes bases en Norvge. Lhiver, quand la banquise descendait vers le sud, la tche de celles-ci en tait grandement facilite, et certains convois furent peu prs anantis, au point damener les Britanniques, certains moments, les suspendre.

    2. Pendant la Guerre froide, la ligne la plus courte entre lAmrique du Nord et lURSSpassait par le Ple Nord.

    - Les bases ariennes, les stations radar se multiplirent, du Groenland tout lextrme-nord sovitique. Mais en 1958, le sous-marin amricain Nautilus traversa locan arctique, sous la banquise, et passa au Ple Nord. Cet exploit fut rendu possible par la propulsion nuclaire, mais aussi par la mise au point des centrales de guidage inertielles, affranchissant les sous-marins des relevs astronomiques ou magntiques (trs dcevants dailleurs au voisinage du Ple).

    - Par la suite les SNLE amricains et sovitiques patrouillrent de plus en plus dans ces rgions : des techniques sophistiques leur permettaient de reprer des zones o la banquise tait moins paisse, de faon merger pour pouvoir lancer ventuellement leurs missiles. Le grand avantage tait que sous la banquise les sous-marins taient peu prs indtectables.

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  • Aquilon n 10 novembre 2013

    - Vous ne vous tonnerez donc pas en contemplant cette carte en projection polaire de lIGN : elle a servi illustrer un expos du gnral Scavenius devant notre sminaire de relations internationales et de stratgie Paris IV en 1982, sur le thtre Nord de la Guerre froide. Il y avait port les diffrentes bases de tout type, ainsi que les stations radar. C'est cela qui nous intressait au premier chef l'poque, c'tait cela la vision significative. Tout cours ou sminaire sur les aspects gopolitiques et gostratgiques de la Guerre froide devait tre illustr par une carte projection polaire de ce genre.

    3. Heureusement notre intrt aujourd'hui est plus pacifique. Mais je voudrais attirer votreattention sur un point: le pays qui a le plus investi dans cette rgion, pas seulement en termes matriels mais aussi affectifs, c'est la Russie. En 1937 Staline fit procder des vols en direction du Ple Nord, o atterrit un avion sovitique, et des vols transpolaires, qui participrent la geste promthenne du rgime, comme symbole de modernit et de domination de la nature. Paralllement on ouvrait la "route du Nord", qui, avec l'aide de brise-glaces, permettait certaines saisons de relier la Mer Blanche l'Extrme-Orient. Outre l'exploit maritime, et on l'oublie trop, ces oprations taient indispensables pour ravitailler les implantations de plus en plus nombreuses (mines, mais aussi camps de travail...) du Grand Nord sovitique. Pour les Russes, encore aujourdhui, la route du Nord est vitale pour la gestion de leur propre territoire, elle n'est pas seulement un moyen de rallier l'Asie plus rapidement. Je vivais en URSS quand on a lanc, en 1957, le premier brise-glace atomique, le Lnine : l'cho fut extraordinaire.

    4. On ne s'tonnera donc pas que Vladimir Poutine ait raffirm la prsence russe dans la

    rgion, intrt symbolis en 2007 avec la mise en place par un sous-marin, 4261 mtres de profondeur au Ple Nord, d'un drapeau russe.

    Qu'on se le tienne pour dit: au cours de la redistribution gnrale des cartes auquel on assiste actuellement dans l'Arctique, la Russie ne lchera pas la main.

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  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Rpartition des espaces entre riverains

    et exploitation des ressources en Arctique

    Hlne de Pooter

    Doctorante, ATER l'Ecole de droit de l'Universit de Paris 1 Panthon-Sorbonne

    Lpuisement des ressources place les tats en situation de prcarit nergtique, ce qui ncessitera court ou moyen terme de remplacer les actuels modle de production et mode de vie bass essentiellement sur lexploitation des nergies fossiles. Or, lArctique renfermerait 13 % des ressources mondiales non dcouvertes de ptrole, soit trois ans de consommation mondiale, et 30 % de celles de gaz naturel, soit six ans de consommation. Lexistence de ces ressources constitue donc apparemment une aubaine puisquelles permettent de repousser le moment o les tats nauront plus dautre choix que dinvestir massivement dans les nergies renouvelables.

    Jusqu rcemment, ces ressources taient largement inaccessibles en raison de lpaisse couche de glace recouvrant locan Arctique, mais la fonte de la banquise rvle ce trsor, auquel il faut ajouter les mines dor, de diamants, de zinc, de nickel et de fer, les possibles nodules polymtalliques prsents dans les grands fonds, leau douce qui recouvre le sol du Groenland hauteur de 10 % des rserves mondiales et toutes les espces animales et vgtales terrestres et maritimes. Toutes ces ressources sont prsentes dans divers espaces dont les dnominations varient (A). La dlimitation de ces espaces, voire leur existence, ainsi que le rgime juridique de lexploitation des ressources prsentes dans ces espaces varient en fonction de ltat considr et de la relation intertatique considre, ce qui conduit une situation dintersubjectivit, laquelle nest pas spcifique locan Arctique (B).

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    [email protected] des questions abordes ici sont dveloppes dans Hlne DE POOTER, Lemprise des tats ctiers sur lArctique, Paris : Pedone, 2009, 200 p.La date de consultation des liens internet est le 30 avril 2013.

    AquilonNoteMartine Jacot, Le cercle polaire bientt hriss de derricks ? , Le Monde, article paru dans ldition du 8 juillet 2012.

    AquilonNoteFranois Bougon, La Chine montre son intrt pour les ressources nergtiques de lArctique , Le Monde.fr, 13 juin 2012, http://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/06/13/la-chine-montre-son-interet-pour-les-ressources-energetiques-de-l-arctique_1717688_3216.html?xtmc=arctique&xtcr=46.

    AquilonNoteKenneth J. Bird et al., Circum-Arctic resource appraisal: estimates of undiscovered oil and gas north of the Arctic Circle , U.S. Geological Survey Fact Sheet 2008-3049, 4 p., http://pubs.usgs.gov/fs/2008/3049/fs2008-3049.pdf.

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    A - Dnominations juridiques des espaces

    Le territoire de ltat, lespace sous juridiction nationale et lespace commun constituent les trois catgories juridiques despace. Le territoire de ltat dsigne lespace gographique sur lequel un tat exerce lintgralit de ses comptences, lexclusion de tout autre tat . Chaque tat dispose de son espace propre, appel territoire , sur lequel il exerce ses comptences exclusives. Ce territoire est compos du territoire terrestre, maritime et arien. Le territoire terrestre comprend les terres merges, sol comme sous-sol, y compris les eaux intrieures qui sy trouvent ou y coulent (lacs, fleuves, nappes phratiques) . Le territoire maritime correspond la zone de mer adjacente dsigne sous le nom de mer territoriale , qui comprend la colonne deau, le fond de cette mer et son sous-sol. Le territoire arien est compos de lespace atmosphrique qui surplombe les territoires terrestre et maritime. Locan Arctique est encercl par cinq territoires tatiques : les territoires du Canada, du Danemark (par le biais du Groenland), des tats-Unis (grce lAlaska), de la Norvge et de la Russie.

    Au XIXe sicle, beaucoup despaces taient des territoires en devenir. Il sagissait des territoires sans matre que lappropriation par un tat la suite dune dcouverte ou dune conqute transformait en territoire tatique. Cette situation est rvolue. Aujourdhui, les espaces qui ne sont pas des territoires tatiques ne sont pas les restes de territoires sans matre dont aucun tat naurait voulu et qui demeureraient susceptibles dappropriation. Ces espaces ne peuvent pas, dans ltat actuel du droit international, devenir des territoires tatiques. Parmi ces espaces restants, certains sont des espaces sous juridiction nationale, dautres sont des espaces communs.

    Un espace sous juridiction nationale est un espace sur lequel un tat peut exercer certaines comptences lexclusion de tout autre tat (contrairement au territoire tatique, sur lequel ltat dispose de lintgralit des comptences). Relvent de cette catgorie la zone contigu la mer territoriale, sur laquelle ltat ctier dispose de comptences de police ; la zone conomique exclusive (ci-aprs ZEE , ne pas confondre avec la Zone internationale des fonds marins, dite Zone ) et le plateau continental, sur lesquels ltat ctier possde des droits souverains en matire dexploitation des ressources. Ces trois espaces sous juridiction nationale sont pertinents dans le cadre de locan Arctique, mais le dernier est celui qui soulve le plus de difficults.

    Les espaces restants sont des espaces communs, quaucun tat ne peut sapproprier et qui peuvent tre librement utiliss par tous certaines conditions. La haute mer, lespace arien international, la Zone, lespace extra-atmosphrique et les corps clestes sont des espaces communs. LAntarctique constitue un cas part puisque les revendications de souverainet ne sont neutralises que pour la dure du trait de Washington, lequel peut prendre fin sil est dnonc par les parties . Lespace arien international, la haute mer et la Zone sont trois espa-

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    AquilonNote Territoire , in Jean Salmon (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles : Bruylant, 2001, p. 1076.

    AquilonNoteId. V. aussi Jean Combacau, Serge Sur, Droit international public, 10e dition, Paris : Montschrestien, 2012, p. 404.

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    -ces communs prsents (ou potentiellement prsents, car une incertitude demeure quant la Zone) en Arctique, mais seules les deux dernires seront voques puisque la circulation arienne dans lespace arien international ne suscite pas de contentieux en Arctique.

    B - Intersubjectivit non spcifique l'ocan Arctique

    Il existe un cadre juridique qui rglemente la rpartition des espaces et lexploitation des ressources de locan Arctique. Cet ocan nest pas le Far West et il est inutile, comme la fait la Russie, de planter un drapeau pour se lapproprier en tout ou en partie.

    Mais ce cadre juridique nest pas propre locan Arctique. Si lAntarctique est lobjet dun trait qui lui est spcifique, rien de tel pour locan Arctique. Le comportement des tats vis--vis de locan Arctique doit tre conforme celui impos tout tat vis--vis de tout ocan. Notamment, tous les tats riverains de locan Arctique doivent respecter les normes du droit international coutumier applicables dans le domaine du droit de la mer. En outre, ceux des tats riverains de locan Arctique qui seraient parties des conventions internationales portant sur le droit de la mer sont lis entre eux par ces dernires, tout comme le sont les tats riverains de locan Atlantique ou de la mer Caspienne.

    Le droit international tant par nature volontariste, un tat nest li par une convention que sil a manifest son consentement en ce sens. Le Canada, le Danemark, la Norvge et la Russie tant tous les quatre parties la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (ci-aprs Convention de Montego Bay ) de 1982 et lAccord relatif lapplication de la Partie XI de cette Convention, ils sont lis entre eux par ces deux traits. Les tats-Unis ny sont pas partie, mais ils sont partie aux quatre Conventions de Genve de 1958 : la Convention sur le plateau continental , laquelle sont galement parties le Canada, le Danemark, la Norvge et la Russie ; la Convention sur la haute mer et la Convention sur la mer territoriale et la zone contige , auxquelles sont galement parties le Danemark et la Russie ; et la Convention sur la pche et la conservation des ressources biologiques de la haute mer, laquelle est galement partie le Danemark.

    Or, la Convention de Montego Bay, qui regroupe notamment les thmes abords dans les quatre Convention de 1958, ne constitue pas une compilation de ces rgles. Elle instaure des rgles nouvelles et attribue parfois aux espaces considrs des dfinitions qui ne correspondent pas celles des Conventions de 1958.

    Comme tous les ocans de la plante, locan Arctique est donc soumis des rgles et des dfinitions qui diffrent en fonction de ltat (subjectivit) et de la relation bilatrale considrs (intersubjectivit).

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    AquilonNoteLes normes coutumires sont des rgles non crites de droit international. Elles se forment par la conviction des tats quune certaine pratique correspond au droit. V. Statut de la Cour internationale de Justice, article 38

    AquilonNote Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (ci-aprs Convention de Montego Bay ), signe Montego Bay le 10 dcembre 1982, entre en vigueur le 16 novembre 1994. Accord relatif lapplication de la Partie XI de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 dcembre 1982 (ci-aprs Accord relatif lapplication de la Partie XI ), sign New York le 28 juillet 1994, entr en vigueur provisoirement le 16 novembre 1994 et dfinitivement le 28 juillet 1996. Au 30 avril 2013, la Convention de Montego Bay compte 165 tats parties et lAccord en compte 144.

    AquilonNoteConvention sur le plateau continental, signe Genve le 29 avril 1958, entre en vigueur le 10 juin 1964.

    AquilonNoteConvention sur la haute mer, signe Genve le 29 avril 1958, entre en vigueur le 30 septembre 1962.

    AquilonNoteConvention sur la mer territoriale et la zone contigu, signe Genve le 29 avril 1958, entre en vigueur le 10 septembre 1964.

    AquilonNoteConvention sur la pche et la conservation des ressources biologiques de la haute mer, signe Genve le 29 avril 1958, entre en vigueur le 20 mars 1966.

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Bien que les tats-Unis naient pas ratifi la Convention de Montego Bay, certains observateurs affirment nanmoins que cette convention constitue le cadre juridique applicable la rgion arctique . La ralit semble plus complique. Il est vrai quun tat qui na pas ratifi une convention ou adhr celle-ci peut nanmoins tre soumis aux normes quelle contient si 1) il sy engage expressment dans ses dclarations publiques ou si son comportement manifeste sa volont dtre li ; ou 2) si ces normes, en plus dexister dans la Convention, existent ltat de normes de droit international coutumier. notre connaissance, les tats-Unis nont pas dclar quils sestimaient lis par la Convention de Montego Bay . Quant la seconde hypothse, il est indniable que la Convention de Montego Bay ralise une codification du droit de la mer , mais la codification ne fait jamais disparatre les rgles coutumires qui continuent exister par ailleurs et qui possdent rarement la technicit des rgles crites dans la convention de codification. En outre, le prambule de la Convention de Montego Bay affirme expressment que cette dernire, en plus dune codification, opre un dveloppement progressif du droit de la mer , ce qui est bien la preuve que, lorsquils lont rdige, les tats ont entendu inscrire dans la Convention certaines rgles ne possdant pas de caractre coutumier. Rien ne garantit que ces rgles qui participent du dveloppement progressif du droit de la mer aient toutes acquis, depuis, le statut de rgles du droit international coutumier.

    Il serait donc trop htif de conclure que tous les tats directement concerns ont enfin accept que la Convention de 1982 constitue le rgime juridique rgissant lArctique . Une approche norme par norme semble ncessaire. Par consquent, les rgles juridiques liant les tats-Unis dans leurs relations bilatrales avec chacun des autres tats ctiers sont difficiles identifier.

    Les rgles portant sur la dlimitation des espaces en Arctique (I) seront tudies avant celles concernant lexploitation des ressources (II).

    I - La dlimitation des espaces en Arctique

    La quasi-totalit des conflits portant sur les les ayant t rgls , seule la dlimitation des zones maritimes sera tudie, du point de vue des quatre tats riverains de locan Arctique lis par la Convention de Montego Bay (A) puis du point de vue des tats-Unis (B).

    A - La dlimitation des espaces du point de vue du Canada, du Danemark, de la Norvge et de la Russie

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    AquilonNoteErik Franckx, LArctique. Du changement climatique au changement juridique ? , in Rafael Casado Raign, Giuseppe Cataldi (dir.), Lvolution et ltat actuel du droit international de la mer : mlanges de droit de la mer offerts Daniel Vignes, Bruxelles : Bruylant, 2009, p. 302.

    AquilonNoteLa dclaration du Prsident Reagan du 10 mars 1983, dans laquelle les tats-Unis reconnaissent le concept de zone conomique exclusive, ne fait pas mention de la Convention de Montego Bay et semble donc reposer sur le droit international coutumier. V. Proclamation 5030, 10 March 1983, http://www.archives.gov/federal-register/codification/proclamations/05030.html.

    AquilonNoteConvention de Montego Bay, prambule, alina 8.

    AquilonNoteId.

    AquilonNoteJean-Paul Pancracio, Droit de la mer, 1re dition, Paris : Dalloz, 2010, 60.

    AquilonNoteErik Franckx, op. cit n 14, p. 324.

    AquilonNoteIbid., p. 299. Le Canada et le Danemark se disputent toujours lle Hans, lot rocheux inhabit dune superficie de 1,3 km, dans le dtroit de Nares.

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Carte 1 : Dlimitation des diffrents espaces marins en vertu de la Convention de Montego Baysource : http://www.senat.fr/rap/r11-674/r11-6741.pdf . p. 43

    Jusqu 12 milles marins (22 km) mesurs partir des lignes de base, la colonne deau, le sol et le sous-sol font partie de la mer territoriale , cest--dire du territoire de ltat. Au-del de la mer territoriale, et jusqu 24 milles marins mesurs partir des lignes de base, la colonne deau peut faire partie de la zone contigu si ltat riverain dcide de sen prvaloir . Au-del de la mer territoriale, et jusqu une distance maximale de 200 milles marins (370 km) mesurs partir des lignes de base, la colonne deau, le sol et le sous-sol font partie de la ZEE, si ltat dcide den avoir une . Ces mmes sol et sous-sol qui font partie de la ZEE font galement partie du plateau continental, lequel ne comprend pas la colonne deau. Alors que la ZEE ne stend pas au-del de 200 milles marins, le plateau continental peut se prolonger jusquau rebord externe de la marge continentale, au-del de laquelle commence la Zone. La colonne deau situe au-dessus du plateau continental qui se prolonge au-del de la ZEE fait partie de la haute mer .

    28

    http://www.senat.fr/rap/r11-674/r11-6741.pdfAquilonNoteConvention de Montego Bay, articles 2 et 3.

    AquilonNoteIbid., article 33, 2.

    AquilonNote Ibid., articles 56-57.

    AquilonNoteIbid., article 86.

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    Les largeurs de la zone contigu et de la ZEE et la localisation subsquente de la haute mer dpendent donc dun calcul opr partir des lignes de base, en de desquelles les eaux sont des eaux intrieures faisant partie du territoire terrestre de ltat ctier. Ltat ctier est seul comptent pour tracer ces lignes de base, mais encore faut-il que ce trac soit conforme au droit international pour tre opposable aux tats tiers. La Convention de Montego Bay indique que la ligne de base normale partir de laquelle sont mesures les largeurs de ces espaces est la laisse de basse mer le long de la cte. Dans les rgions o il existe un chapelet dles le long de la cte, proximit immdiate de celle-ci, la mthode des lignes de base droites reliant des points appropris peut tre adopte pour le trac de la ligne de base. Le trac ne doit pas scarter sensiblement de la direction gnrale de la cte et les tendues de mer situes en de doivent tre suffisamment lies au domaine terrestre pour tre soumises au rgime des eaux intrieures. Le Canada et la Russie ont eu recours au trac de lignes de bases droites dans locan Arctique, autour des archipels du Passage Nord-Ouest et de la Route du Nord-Est. Cependant, il existe des arguments pour remettre en cause la conformit des tracs russe et canadien avec les critres poss par la Convention de Montego Bay. Si ces tracs savraient inopposables aux tats tiers, il serait plus difficile pour le Canada et la Russie de considrer que les eaux du Passage Nord-Ouest et de la Route du Nord-Est sont des eaux intrieures qui font partie de leur territoire terrestre respectif.

    cette premire difficult tenant au trac des lignes de base, sajoute celle de la dlimitation du plateau continental, qui dpend des caractristiques physiques des fonds marins in situ.

    En vertu de la Convention de Montego Bay, le plateau continental dun tat ctier comprend les fonds marins et leur sous-sol au-del de sa mer territoriale, sur toute ltendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet tat jusquau rebord externe de la marge continentale, ou jusqu 200 milles marins des lignes de base partir desquelles est mesure la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve une distance infrieure . La marge continentale est constitue des fonds marins correspondant au plateau, au talus et au glacis ainsi que de leur sous-sol. Elle ne comprend ni les grands fonds des ocans, avec leurs dorsales ocaniques, ni leur sous-sol. La marge continentale correspond donc une ralit morphologique, et sa largeur varie en fonction de ltat considr. Lorsque cette largeur est naturellement infrieure 200 milles marins mesurs partir des lignes de base, ltat a droit une rallonge fictive de son plateau continental jusqu 200 milles marins. Les fonds marins et leur sous-sol qui se situent au-del du plateau continental font partie de la zone.

    La situation parat donc simple : identifier la fin du plateau continental, et donc le commencement de la Zone, reviendrait localiser le rebord externe de la marge continentale de chaque tat ctier.

    En ralit, il sagit dune entreprise de dlimitation juridiquement et techniquement complexe. La Convention de Montego Bay impose que ltat dfinisse le rebord externe de sa marge continentale en rfrence au pied du talus (carte 1). Sauf preuve du contraire, le pied du talus

    29

    AquilonNote Ibid., article 8, 1.

    AquilonNoteIbid., article 5.

    AquilonNoteIbid., article 7, 1.

    AquilonNoteIbid., article 7, 3.

    AquilonNoteNotamment, le critre de la proximit immdiate du chapelet dles le long de la cte, que lon retrouve tant dans la Convention de 1958 sur la mer territoriale (article 4, 1) que dans la Convention de Montego Bay (article 7, 1), est interprt de faon souple par les deux tats.

    AquilonNoteConvention de Montego Bay, article 76, 1.

    AquilonNoteIbid., article 76, 3.

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    concide avec la rupture de pente la plus marque la base du talus . Au-del du pied du talus se trouve le glacis, qui senfonce vers les grands fonds marins de la Zone. La ligne marquant le rebord externe de la marge continentale se situe entre le pied du talus et la Zone. Cette ligne doit tre trace par ltat i) par rfrence aux points fixes extrmes o lpaisseur des roches sdimentaires est gale au centime au moins de la distance entre le point considr et le pied du talus (formule de Hedberg) ; ou ii) par rfrence des points fixes situs 60 milles marins au plus du pied du talus continental (formule de Gardiner).

    Le pied du talus a donc une importance considrable puisque, quelque formule que ltat choisisse, les calculs soprent en rfrence sa localisation. Ltat peut fusionner les deux lignes obtenues en application des deux formules et ainsi retenir une ligne finale qui soit le plus son avantage, ce qui a t ralis par la Russie et la Norvge comme en attestent leurs revendications. Mais cette ligne finale doit tre situe une distance nexcdant pas 350 milles marins des lignes de base ou bien une distance nexcdant pas 100 milles marins de lisobathe de 2500 mtres, qui est la ligne reliant les points de 2500 mtres de profondeur (carte 1). Tous les points de la ligne obtenue par combinaison des formules de Hedberg et de Gardiner situs au-del de la distance la plus loigne doivent tre ramens cette distance maximale. La Convention de Montego Bay ajoute que sur une dorsale sous-marine , ltat nest pas autoris faire rfrence la ligne de lisobathe 2500 et seule la limite des 350 milles marins sapplique. La Convention prcise que les dorsales sous-marines nincluent pas les hauts-fonds qui constituent des lments naturels de la marge continentale, tels que les plateaux, seuils, crtes, bancs ou perons quelle comporte.

    Ltat ctier nest pas laiss seul dans ce processus complexe de dlimitation du rebord externe de la marge continentale au-del duquel se situe la Zone. La Convention de Montego Bay impose que, lorsquil revendique un plateau continental au-del de 200 milles marins des lignes de base, ltat ctier doit communiquer des informations sur les limites de son plateau continental la Commission des limites du plateau continental. Cette Commission est constitue en vertu de lannexe II de la Convention. Elle comprend 21 membres, experts en matire de gologie, de gophysique ou dhydrographie, lus par les tats parties la Convention parmi leurs ressortissants selon une rpartition gographique quitable, ces membres exerant leurs fonctions titre individuel, cette dernire prcision laissant supposer que les membres de la Commission nont pas dinstruction recevoir de leur tat, de leur laboratoire de recherche ou autre institution de rattachement.

    Ltat ctier qui revendique un plateau continental au-del de 200 milles marins doit soumettre la Commission les caractristiques de sa limite, avec donnes scientifiques et techniques lappui, dans un dlai de dix ans compter de ladoption des lignes directrices scientifiques et techniques de la Commission ou compter de lentre en vigueur de la Convention pour cet tat. Lobligation de fournir des donnes scientifiques et techniques la Commission oblige les tats riverains de locan Arctique se lancer dans des expditions sur le terrain, afin de collecter puis analyser les donnes bathymtriques, gologiques sismiques propres au sol et au

    .

    30

    AquilonNoteIbid., article 76, 4, b).

    AquilonNoteIbid., article 76, 4.

    AquilonNoteIbid., article 76, 5.

    AquilonNoteIbid., article 76, 6.

    AquilonNoteIbid., annexe II, article 2

    AquilonNoteIbid., annexe II, article 4. V. aussi Runion des tats parties, Dcision concernant la date du dbut du dlai de 10 ans prvu larticle 4 de lannexe II de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer pour effectuer les communications la Commission des limites du plateau continental , SPLOS/72, 29 mai 2001.

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    et au sous-sol de locan Arctique. De telles expditions sont coteuses et dlicates, et la prsence de brise-glace est ncessaire. Cest pourquoi certains tats ctiers cooprent, limage du Canada, du Danemark et des tats-Unis qui ralisent des levs scientifiques conjoints. Lorsquelle reoit les revendications dun tat ctier, la Commission adresse ensuite des recommandations cet tat, qui fixe de manire dfinitive ses limites sur la base de ces recommandations. Ltat ctier peut tre en dsaccord avec les recommandations de la Commission, auquel cas il doit soumettre, dans un dlai raisonnable, une demande rvise ou une nouvelle demande .

    La Russie est le premier tat avoir soumis ses revendications la Commission des limites, en 2001 (carte 2) . La Commission a adress ses recommandations mais seul un rsum est disponible au public. On y apprend que la Commission invite la Russie prsenter un dossier rvis concernant lextension de son plateau continental dans locan Arctique. Vraisemblablement, les revendications russes nont pas convaincu la Commission mais le rsum ne fournit pas dexplication.

    Carte 2 : Revendications de la Russie prsentes la Commission des limites en 2001 (H. DE POOTER, Lemprise des Etats ctiers sur lArctique, Paris : Pedone, 2009, p. 33)

    31

    AquilonNoteV., p. ex., les expditions menes par le Danemark : http://a76.dk/greenland_uk/north_uk/gr_n_expeditions_uk/index.html.

    AquilonNotePour une prsentation des difficults dans la collecte de donnes ncessaire pour revendiquer un plateau continental au-del de 200 milles marins, v. J. Richard Macdougall et. al, Challenges of collecting data for Article 76 in ice covered waters of the Arctic , 21 p., http://a76.dk/xpdf/ablos_2008_session4-paper1-macdougall.pdf.

    http://www.international.gc.ca/continental/program-canada-programme.aspx?lang=fraAquilonNoteConvention de Montego Bay, article 76, 8.

    AquilonNoteIbid., annexe II, article 8.

    http://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/submission_rus.htmAquilonNoteSecrtaire gnral des Nations Unies, Les ocans et le droit de la mer , Rapport, A/57/57/Add.1, 8 octobre 2002, 41.

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    Les recommandations formules suite la communication de la Norvge sont moins obscures et, dans lensemble, la Commission entrine les revendications norvgiennes.

    Le Canada devrait sadresser la Commission en dcembre 2013. Le Danemark devra le faire avant le 16 dcembre 2014. Il a dj soumis des informations en ce qui concerne le plateau continental mridional du Groenland mais aucune information na t communique pour la partie septentrionale. Le Danemark annonce dores et dj que ses revendications sur le plateau continental chevaucheront les revendications dautres tats.

    Les chevauchements pourraient concerner la dorsale Lomonosov, qui traverse locan Arctique de part en part, de la mer de Lincoln situe entre le Canada et le Groenland la Russie, en passant par le ple Nord.

    Carte 3 : La dorsale Lomonosov (adaptation dune carte obtenue sur http://a76.dk/greenland_uk/north_uk/index.html)

    Sil savrait que cette dorsale tait qualifie de dorsale sous-marine ou de haut-fond qui constitue un lment naturel de la marge continentale de la Russie, du Canada et du Groenland, les trois tats pourraient linclure dans leurs revendications quant au plateau continental. Cest dailleurs ce qua fait la Russie en 2001. Le Danemark tente de rapporter la preuve que la dorsale Lomonosov constitue un haut-fond qui constitue un lment naturel de la marge continentale du Groenland, ce qui lui permettrait dutiliser la limite de lisobathe 2500.

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    http://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/submission_nor.htmhttp://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/submission_nor.htmAquilonNoteCommission des limites du plateau continental, Summary of the recommendations of the Commission on the limits of the continental shelf in regard to the submission made by Norway in respect of areas in the Arctic ocean, the Barents sea and the Norwegian sea on 27 November 2006, adopted by the Commission on 27 March 2009 , http://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/nor06/nor_rec_summ.pdf.

    AquilonNote Le Canada poursuit les travaux en vue de dfinir les limites extrieures du plateau continental de lArctique , communiqu du ministre des Affaires trangres canadien, n 126, 3 avril 2010, http://www.international.gc.ca/media/aff/news-communiques/2010/126.aspx?lang=fra.

    http://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/submission_dnk_61_2012.htmAquilonNoteKingdom of Denmark Strategy for the Arctic 2011-2020, August 2011, p. 15 : The Kingdoms claims on the continental shelf will in some areas overlap with other countrys continental shelf claims , http://uk.nanoq.gl/~/media/29cf0c2543b344ed901646a228c5bee8.ashx. Pour une carte reprsentant les zones o le Danemark collecte des donnes (y compris le ple Nord), v. http://a76.dk/grafik_db_large/go5_fig1_png-da.html.

    http://a76.dk/greenland_uk/north_uk/index.html

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Carte 4 : Revendication potentielle du Danemark au nord du Groenland (en gris),en ayant recours la formule de Gardiner (http://a76.dk/greenland_uk/north_uk/index.html)

    De mme, le Canada indique que la demande [quil] prsentera la Commission portera sur certaines parties de la dorsale de Lomonosov . Cela pourrait conduire un chevauchement des revendications des trois tats vers le centre de locan Arctique. Une telle hypothse est tout fait concevable et la dlimitation dfinitive devra tre dcide par les tats concerns par voie daccord, comme le prcise larticle 83 de la Convention de Montego Bay.

    33

    http://a76.dk/greenland_uk/north_uk/index.htmlhttp://www.international.gc.ca/continental/collaboration.aspx?lang=fra

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    Carte 5 : Illustration des chevauchements possibles entre la revendication russe (2001) et la potentielle revendication canadienne

    Dune manire plus gnrale, tous les ventuels chevauchements latraux ou au large entre des tats dont les ctes sont adjacentes ou se font face doivent tre traits par voie daccord entre les tats concerns. Afin de dlimiter leur frontire maritime dans la mer de Barents, la Norvge et la Russie ont ainsi conclu deux accords bilatraux en 2007 et 2010 .

    34

    AquilonNoteAccord entre la Fdration de Russie et le Royaume de Norvge sur la dlimitation maritime dans la zone de Varangerfjord, sign le 11 juillet 2007, entr en vigueur le 9 juillet 2008, http://www.un.org/Depts/los/doalos_publications/LOSBulletins/bulletinfr/bull67fr.pdf (p. 42) ; Treaty between the Kingdom of Norway and the Russian Federation concerning Maritime Delimitation and Cooperation in the Barents Sea and the Arctic Ocean, sign Mourmansk le 15 septembre 2010, entr en vigueur le 7 juillet 2011, http://www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/TREATIES/NOR-RUS2010.PDF.

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Carte 6 : Dlimitation maritime (en rouge) entre la Russie et la Norvge selon les accords de 2007 et 2010

    (carte tronque partir dune carte obtenue sur http://fr.rian.ru/infographie/20100916/187447524.html)

    De mme, la Norvge et le Danemark ont conclu un accord de dlimitation en 1995. Un tel accord a t conclu en 1973, et modifi en 2004, par le Danemark et le Canada mais cet accord ne concernait pas la mer de Lincoln, au nord de Groenland et de lle dEllesmere. La dlimitation maritime dans cette dernire a fait lobjet dun accord de principe entre les deux tats le 28 novembre 2012, mais cet accord doit encore faire lobjet dun trait qui devra tre ratifi .

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    http://fr.rian.ru/infographie/20100916/187447524.htmlAquilonNoteAgreement between the Kingdom of Denmark and the Kingdom of Norway concerning the delimitation of the continental shelf in the area between Jan Mayen and Greenland and concerning the boundary between the fishery zones in the area, sign et entr en vigueur le 18 dcembre 1995, http://faolex.fao.org/docs/pdf/bi-22365.pdf.

    AquilonNoteAccord entre le Gouvernement du Royaume du Danemark et le Gouvernement du Canada relatif la dlimitation du plateau continental entre le Groenland et le Canada, sign Ottawa le 17 dcembre 1973, http://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%20950/volume-950-I-13550-French.pdf, modifi par change de notes constituant un accord entre le ministre des affaires trangres du Danemark (Copenhague, 5 avril 2004) et le consul de lambassade du Canada (Copenhague, 20 avril 2004), http://www.treaty-accord.gc.ca/text-texte.aspx?id=104991.

    AquilonNote Le Canada et le Royaume du Danemark concluent un accord de principe sur la frontire dans la mer de Lincoln , communiqu du ministre des Affaires trangres canadien, 28 novembre 2012, http://www.international.gc.ca/media/aff/news-communiques/2012/11/28a.aspx?lang=fra.

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Carte 7 : Dlimitation maritime entre le Canada et le Danemark adaptation dune carte obtenue sur :

    http://www.international.gc.ca/media/aff/news-communiques/2012/11/28a.aspx?lang=fra.

    La ligne noire continue correspond la frontire convenue aux termes du trait de 1973. La ligne noire pointille correspond la frontire convenue en 2012. Les lignes bleues pointilles indiquent la limite des ZEE

    B La dlimitation des espaces du point de vue des Etats Unis

    En 2009, le prsident des tats-Unis G. W. Bush lanait un nouvel appel au Snat pour que celui-ci autorise la ratification de la Convention de Montego Bay, afin de protger et de faire valoir les intrts amricains, y compris en Arctique . Pourtant, malgr la poursuite de ces efforts par lAdministration Obama, le Snat amricain refuse toujours dautoriser la ratification de la Convention de Montego Bay. Les tats-Unis ne sont donc pas lis par cette convention, et il ne leur est notamment pas possible de prsenter un candidat pour llection au sein de la Commission des limites. Cependant, les tats-Unis sont partie la Convention de Genve sur le plateau continental, tout comme les quatre autres tats riverains de locan Arctique. Les rela-

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    http://www.international.gc.ca/media/aff/news-communiques/2012/11/28a.aspx?lang=fraAquilonNoteThe White House, National Security Presidential Directive and Homeland Security Presidential Directive , January 9, 2009, NSPD-66 / HSPD-25, III.C.4, http://www.fas.org/irp/offdocs/nspd/nspd-66.htm : The Senate should act favorably on U.S. accession to the U.N. Convention on the Law of the Sea promptly, to protect and advance U.S. interests, including with respect to the Arctic .

    AquilonNoteV., p. ex., Department of Defense, Quadrennial Defense Review Report, February 2010, p. 86, http://www.defense.gov/qdr/qdr%20as%20of%2026jan10%200700.pdf : DOD strongly supports accession to the United Nations Convention on the Law of the Sea .

    AquilonNoteLe trait a t transmis au Snat pour autorisation de ratification le 6 octobre 1994, aprs sa signature par le prsident Clinton.

    AquilonNoteEn juin 2012, la candidature dun gophysicien canadien, propose par le Canada, lAustralie et la Nouvelle-Zlande, a t retenue, ce dont le ministre des Affaires trangres du Canada sest flicit. V. Le ministre Baird flicite le Canadien qui a t lu membre de la Commission des limites du plateau continental , communiqu du ministre des Affaires trangres canadien, 7 juin 2012, http://www.international.gc.ca/media/aff/news-communiques/2012/06/07b.aspx?lang=fra

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    -tions bilatrales entre les tats-Unis et ses quatre voisins sont donc apparemment rgies par cette Convention en ce qui concerne le plateau continental arctique.

    Cependant, la situation est plus complique puisquil est possible que certaines dispositions de la Convention de Montego Bay ayant trait au plateau continental aient acquis le statut de normes du droit international coutumier. La question majeure est de savoir si la dfinition du plateau continental inscrite dans la Convention de Montego Bay de 1982 relve du droit international coutumier, ou si les tats-Unis lont accepte, auquel cas lintgralit des tats riverains de locan Arctique seraient soumis cette dfinition. Dans le cas contraire, les relations bilatrales entre les tats-Unis et ses quatre voisins seront rgies par la dfinition contenue dans la Convention sur le plateau continental. Cette question est fondamentale puisque la dfinition du plateau continental donne par la Convention de 1958 sur le plateau continental diffre sensiblement de celle adopte par la Convention de 1982. Daprs la Convention sur le plateau continental, lexpression plateau continental dsigne a) le lit de la mer et le sous-sol des rgions sous-marines adjacentes aux ctes, mais situes en dehors de la mer territoriale, jusqu une profondeur de 200 mtres ou, au-del de cette limite, jusquau point o la profondeur des eaux surjacentes permet lexploitation des ressources naturelles desdites rgions ; et b) le lit de la mer et le sous-sol des rgions sous-marines analogues qui sont adjacentes aux ctes des les . Daprs cette dfinition, et compte tenu des progrs scientifiques et techniques raliss depuis 1958 en matire dexploitation sous-marine, le plateau continental serait quasiment sans limite !

    Pourtant, ds 1969, la Cour internationale de Justice introduisait une limite cette dfinition puisquelle prcisait que le plateau continental constitue un prolongement naturel du territoire de ltat ctier sous la mer. Bien avant ladoption de la Convention de Montego Bay, la CIJ adjoignait donc la dimension naturelle la dfinition du plateau continental, dimension que la Convention de 1982 ne fera que prciser. Serait-il li par la Convention sur le plateau continental, ltat riverain devrait justifier que sa revendication ne dpasse pas ce qui est naturel, ce qui le rapproche sensiblement de la position des tats lis par la Convention de Montego Bay pour lesquels le plateau continental comprend les fonds marins et leur sous-sol au-del de sa mer territoriale, sur toute ltendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet tat jusquau rebord externe de la marge continentale . Les tats-Unis pourraient donc difficilement argumenter que leur plateau continental arctique stend sans limite au motif que la profondeur rduite du bassin arctique permet une exploitation des ressources naturelles dans toute la rgion. Ils devront sen tenir ce qui est naturellement rattach leur territoire, ce qui dpend de critres morphologiques et gologiques. Dailleurs, les tats-Unis ne contestent pas le critre dgag par la CIJ et repris par la Convention de Montego Bay. Cela ressort de la lettre quils ont adresse au Secrtaire gnral adjoint de lONU en raction aux revendications prsentes par la Russie la Commission des limites. Dans cette lettre, les tats-Unis indiquent que [l]e systme de la ride Alpha-Mendeleyev est [] une formation volcanique dorigine ocanique qui est constitue par la crote ocanique du sous-bassin amrasien dans les profondeurs du bassin de locan Arctique et qui y est cir-

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    AquilonNoteConvention sur le plateau continental, article premier (italiques ajoutes).

    AquilonNotePlateau continental de la mer du Nord, arrt, CIJ Recueil 1969, p. 22, 19.

    AquilonNoteConvention de Montego Bay, article 76, 1 (italiques ajoutes).

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    -conscrite. Elle ne fait donc partie du plateau continental daucun tat . En affirmant que la dorsale Alpha-Mendeleyev ne fait partie du plateau continental daucun tat parce quelle a une origine ocanique (alors que les tats ctiers de locan Arctique ont leur assise sur de la crote continentale), on peut avancer que les tats-Unis se rendent opposable le critre du prolongement naturel et semblent vincer celui de lexploitabilit. Dans le mme sens, il est notable que les tats-Unis font une rfrence explicite larticle 76 de la Convention de Montego Bay sur la page web de leur projet gouvernemental pour un plateau continental tendu, affirmant que leur expdition se concentre sur le plateau continental tel quil est dfini par larticle 76 de la Convention [de Montego Bay].

    La question qui suit immdiatement est celle du caractre coutumier des formules de Hedberg et de Gardiner sur la dlimitation extrieure de ce prolongement naturel (carte 1). La technicit de ces formules soppose leur prsence dans le droit international coutumier, lequel est compos de rgles plutt gnrales. Il semblerait donc que les tats-Unis pourront appliquer ces formules la dlimitation de leur propre plateau continental arctique, sans que cela soit une obligation. Ils pourraient par exemple choisir de suivre grossirement la ligne de dmarcation entre crote continentale constituant le prolongement naturel de leur territoire terrestre sous la mer, et crote ocanique, supposer quune telle ligne existe. Nanmoins, daprs les informations disponibles sur la page web de leur projet gouvernemental pour un plateau continental tendu, il semblerait que les tats-Unis soient dtermins suivre lune des deux formules incluses dans la Convention de Montego Bay.

    Les tats-Unis ntant pas partie la Convention de Montego Bay, ils ne sont pas obligs de soumettre leurs revendications la Commission des limites du plateau continental, laquelle est une cration de cette Convention. Dans une directive prsidentielle du 9 janvier 2009, le prsident Bush indique nanmoins que la meilleure faon de parvenir la scurit juridique et la reconnaissance internationale du plateau continental des tats-Unis est de recourir la procdure dont disposent les tats parties la Convention de Montego Bay. Certains auteurs suggrent que, bien quils ne soient pas partie la Convention, les tats-Unis auraient le droit de sadresser la Commission des limites puisque larticle 4 de lannexe II de la Convention de Montego Bay permet[trait] une lecture selon laquelle un tat non partie peut adresser une demande la Commission . Deux arguments vont dans le sens de cette lecture . Premirement, le fait que larticle 4 de lannexe II dispose que ltat ctier (et non pas tat partie ) qui veut fixer la limite extrieure de son plateau continental tendu sadresse la Commission. Deuximement, le fait que larticle 4 nexclut pas expressment la possibilit pour les tats non parties de soumettre leurs revendications la Commission des limites. Il est vrai quen soi la soumission de ses revendications la Commission par un tat non partie ne prsente apparemment que des avantages. Elle soulve cependant certains problmes juridiques, comme celui de lautorit comptente pour dcider si cela est possible (consentement des tats parties ou dcision de la Commission ?) ou encore celui de lapplication de larticle 76, 8, de la Convention de Montego Bay ltat non partie.

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    AquilonNoteNotification concernant le texte soumis par la Fdration de Russie la Commission des limites du plateau continental, CLCS.01.2001.LOS/USA, 18 mars 2012, http://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/rus01/CLCS_01_2001_LOS__USAtext_fr.pdf (italiques ajoutes).

    AquilonNoteExtended Continental Shelf Project, http://continentalshelf.gov/missions/10arctic/background/shelf.html : Our expedition is focused on the "continental shelf" as defined by Article 76 of the United Nations Convention on the Law of the Sea .

    AquilonNoteId.

    AquilonNoteThe White House, op. cit. n 65, III.D.1 : The most effective way to achieve international recognition and legal certainty for our extended continental shelf is through the procedure available to States Parties to the U.N. Convention on the Law of the Sea .

    AquilonNoteKristin Bartenstein, Planter des drapeaux. Quelles rgles pour rpartir le plancher ocanique de lArctique ? , tudes internationales, vol. XXXIX, 2008, n 4, p. 559.

    AquilonNoteCet article dispose : [] Les limites fixes par un tat ctier sur la base de ces recommandations sont dfinitives et de caractre obligatoire .

  • Aquilon n 11 novembre 2013

    Larticle 6, 2, de la Convention sur le plateau continental apporte une prcision intressante en ce qui concerne la dlimitation du plateau continental entre tats voisins, ce qui concerne le Canada et les tats-Unis dune part, et les tats-Unis et la Russie dautre part. Dans le cas o un mme plateau continental est adjacent aux territoires de deux tats limitrophes, la dlimitation du plateau continental est dtermine par accord entre ces tats. dfaut daccord, et moins que des circonstances spciales ne justifient une autre dlimitation, celle-ci sopre par application du principe de lquidistance des points les plus proches des lignes de base partir desquelles est mesure la largeur de la mer territoriale de chacun de ces tats. Les tats-Unis et lURSS ont conclu un accord de dlimitation dans le dtroit de Bring le 1er juin 1990 . La Douma na pas encore donn son accord la ratification de ce trait, qui nest donc pas en vigueur entre les deux tats. Cependant, les lgendes associes aux cartes communiques par la Russie la Commission des limites en 2001 font rfrence ce trait, ce qui semble indiquer que la Russie sestime lie par cet accord .

    Carte 8 : Dlimitation maritime entre la Russie et les tats-Unis telle quelle rsulte des traits de 1867 et de 1990

    (http://www.state.gov/documents/organization/125431.pdf, p. 7 du document)

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