À propos d’un cas exceptionnel de chéloïdes spontanées

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CAS CLINIQUE À propos d’un cas exceptionnel de chéloïdes spontanées Spontaneous keloids: About a rare case N. Kerfant a, * , P. Gasnier a , A. Boloorchi a , A. Uguen b , W. Hu a a Service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthe ´ tique, CHU de La-Cavale-Blanche, boulevard Tanguy-Prigent, 29200 Brest, France b Service d’anatomie pathologique, CHU de La-Cavale-Blanche, boulevard Tanguy-Prigent, 29200 Brest, France Rec¸u le 9 aou ˆt 2009 ; accepte´ le 13 de´cembre 2009 MOTS CLÉS Chéloïdes spontanées ; Cicatrice pathologique ; Dermatose ; Traumatisme ; Chirurgie Résumé Nous rapportons le cas extrêmement rare d’une femme de 21 ans de race cauca- sienne présentant de multiples chéloïdes apparues sur le haut du dos et la face antérieure du thorax sans antécédent de traumatisme, de dermatose inflammatoire ni de chirurgie. Les chéloïdes spontanées sont des lésions très rarement décrites chez les sujets de race blanche. Leur physiopathologie exacte reste méconnue. Après une brève revue de la littérature, nous rappellerons les thérapeutiques pouvant être proposées ainsi que les traitements en cours d’évaluation. # 2010 Publié par Elsevier Masson SAS. KEYWORDS Spontaneous keloids; Pathologic scars; Dermatologic disease; Trauma; Surgery Summary A 21-year-old women presented with keloids on her back and her chest. All these scars appeared spontaneously without previous trauma, dermatologic disease or surgery. The spontaneous keloids are hurts rarely described in white race subjects. Their exact physiopathol- ogy is still unknown. After a brief review of the literature, therapeutic being able to be proposed will be precised as well as new treatments. # 2010 Published by Elsevier Masson SAS. Introduction Les chéloïdes sont des tumeurs bénignes du derme secondaires, dans la très grande majorité des cas, à un traumatisme. Elles surviennent chez des personnes prédis- posées, le plus souvent des sujets à peau pigmentée [1]. Les chéloïdes spontanées sont des lésions extrêmement rares, apparaissant préférentiellement dans les mêmes localisa- tions que les chéloïdes secondaires [2] et suivant la même évolution, sans qu’une cause spécifique soit retrouvée. Nous rapportons un cas de chéloïdes d’apparition spon- tanée chez un sujet de race caucasienne. Annales de chirurgie plastique esthétique (2011) 56, 339341 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Kerfant). 0294-1260/$ see front matter # 2010 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.anplas.2009.12.003

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Page 1: À propos d’un cas exceptionnel de chéloïdes spontanées

Annales de chirurgie plastique esthétique (2011) 56, 339—341

CAS CLINIQUE

À propos d’un cas exceptionnel de chéloïdesspontanées

Spontaneous keloids: About a rare case

N. Kerfant a,*, P. Gasnier a, A. Boloorchi a, A. Uguen b, W. Hu a

a Service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthetique, CHU de La-Cavale-Blanche, boulevard Tanguy-Prigent, 29200 Brest,Franceb Service d’anatomie pathologique, CHU de La-Cavale-Blanche, boulevard Tanguy-Prigent, 29200 Brest, France

Recu le 9 aout 2009 ; accepte le 13 decembre 2009

MOTS CLÉSChéloïdes spontanées ;Cicatrice pathologique ;Dermatose ;Traumatisme ;Chirurgie

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : nathalie.kerfant@

0294-1260/$ — see front matter # 20doi:10.1016/j.anplas.2009.12.003

Résumé Nous rapportons le cas extrêmement rare d’une femme de 21 ans de race cauca-sienne présentant de multiples chéloïdes apparues sur le haut du dos et la face antérieure duthorax sans antécédent de traumatisme, de dermatose inflammatoire ni de chirurgie. Leschéloïdes spontanées sont des lésions très rarement décrites chez les sujets de race blanche.Leur physiopathologie exacte reste méconnue. Après une brève revue de la littérature, nousrappellerons les thérapeutiques pouvant être proposées ainsi que les traitements en coursd’évaluation.# 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSSpontaneous keloids;Pathologic scars;Dermatologic disease;Trauma;Surgery

Summary A 21-year-old women presented with keloids on her back and her chest. All thesescars appeared spontaneously without previous trauma, dermatologic disease or surgery. Thespontaneous keloids are hurts rarely described in white race subjects. Their exact physiopathol-ogy is still unknown. After a brief review of the literature, therapeutic being able to be proposedwill be precised as well as new treatments.# 2010 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction

Les chéloïdes sont des tumeurs bénignes du dermesecondaires, dans la très grande majorité des cas, à un

chu-brest.fr (N. Kerfant).

10 Publié par Elsevier Masson SAS

traumatisme. Elles surviennent chez des personnes prédis-posées, le plus souvent des sujets à peau pigmentée [1]. Leschéloïdes spontanées sont des lésions extrêmement rares,apparaissant préférentiellement dans les mêmes localisa-tions que les chéloïdes secondaires [2] et suivant la mêmeévolution, sans qu’une cause spécifique soit retrouvée.

Nous rapportons un cas de chéloïdes d’apparition spon-tanée chez un sujet de race caucasienne.

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Page 2: À propos d’un cas exceptionnel de chéloïdes spontanées

Figure 1 Lésions de la face antérieure du thorax.

Figure 2 Lésions du haut du dos.

340 N. Kerfant et al.

Cas clinique

Il s’agit d’une patiente de 21 ans, sans antécédent notable,consultant pour des chéloïdes du haut du dos et de la partiesupérieure du thorax (Fig.1 et 2). Ces lésions étaient sur-venues de façon progressive sur une période de cinq ans etcontinuaient à apparaître. Aucun antécédent de trauma-tisme cutané ni de dermatose inflammatoire n’était retrouvéà l’interrogatoire soigneux.

Les lésions étaient localisées sur le haut du thorax et dudos. Elles mesuraient de 1 à 5 cm. Le reste de l’examenclinique était sans particularité.

Un traitement par plaques de silicone avait été instaurépendant trois mois, sans amélioration notable.

Devant ces lésions d’allure chéloïdienne d’apparitionspontanée, une biopsie intralésionnelle est réalisée. L’ana-lyse anatomopathologique concluait à un aspect histologiquecompatible avec une cicatrice à type de chéloïde.

Discussion

Les chéloïdes spontanées sont des lésions rares, développéessans traumatisme cutané. Elles sont décrites chez des sujetsà peau pigmentée dans des ouvrages anciens distinguant les

« chelois vera » aux « chelois spuria » [3] mais aussi dans destraités plus récents [4—6].

À notre connaissance, deux cas seulement ont été décritsdans la littérature chez des personnes de race caucasienne[7,8].

On les retrouve également en association dans des syn-dromes génétiques rares tels que les syndrome de Dubowitzou de Rubinstein—Taybi [9,10].

La physiopathologie de ces lésions est probablement peudifférente de celles des chéloïdes secondaires, hormisl’absence de cause. Dans une chéloïde, la phase proliférativede la cicatrisation est marquée par une hyperactivité desfibroblastes et une diminution de l’activité des collagénases.Il existe donc à la fois un défaut de résorption et uneproduction en excès de collagène [11]. Même si la physiopa-thologie soulève encore beaucoup de questions, le TGF-bsemble être le principal facteur de cette prolifération anor-male de fibroblastes et de la production de collagène [12].

La compréhension de ces phénomènes physiopathologi-ques complexes ouvre de nouvelles perspectives thérapeu-tiques dans la prise en charge de ces lésions, qu’elles soientspontanées ou non.

Les thérapeutiques habituelles (exérèse chirurgicale,injections de corticoïdes, pressothérapie, silicone) sont gre-vées d’un taux de récurrence non négligeable [13]. Il estindispensable de les associer pour augmenter leur efficacité.

D’autres traitements sont en cours d’évaluation. L’injec-tion intralésionnelle de cinq fluorouracil serait surtoutefficace en adjuvant mais présente des effets secondairesnon négligeables. Les UVA ont été utilisés avec succès dansdes cas isolés [14]. Les injections post-chirurgicales de vera-pamil [15] et d’imiquimod [16] diminue le risque de récidived’environ 50 %. Tous ces agents thérapeutiques ont étéétudiés sur un nombre restreint de patient et nécessiteraientdes investigations plus approfondies.

Conclusion

Les chéloïdes spontanées sont des lésions extrêmement rareschez le sujet de race caucasienne. Leur physiopathologie estprobablement peu différente des chéloïdes secondaires. Lesmécanismes moléculaires à l’origine de ces lésions nécessi-tent d’être étudiés pour permettre la mise au point denouvelles thérapeutiques efficaces.

Conflit d’intérêt

Aucun.

Références

[1] English RS, Shenefelt PD. Keloids and hypertrophic scars. Der-matol Surg 1999;25:631—8.

[2] Grosshans E. Quelle est la réalité des chéloïdes spontanées ?Ann Dermatol Venereol 2006;133:501.

[3] Fatovic-Ferencic S, Plewig G, Holubar K. Skin in water-colours:Unpublished aquarelles from Hebra’s department in Vienna,1841—1843. Blackwell: Wien; 1991.

[4] Degos R., Dermatologie, Tome 2. Flammarion 1981.[5] Saurat JH, et al. Dermatologieet MST, . 4eédition,Paris:Masson;

2004.

Page 3: À propos d’un cas exceptionnel de chéloïdes spontanées

À propos d’un cas exceptionnel de chéloïdes spontanées 341

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[11] Arakana M, Hatamochi A, Mori Y, Mori K, Ueki H, Moriguchi T.Reduced collagenase gene expression in fibroblast from hyper-trophic scar tissue. Br J Dermatol 1996;134:863—8.

[12] Niessen FB, Spauwen PH, Schalkwijk J, Kon M. On the nature ofhypertrophic scars and keloid: A review. Plast Reconstruct Surg1999;104:1435—58 [2000;26:219—29].

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[16] Martin-Garcia RF, Busquets AC. Postsurgical use of imiquimod 5 %cream in the prevention of earlobe keloid recurrences: results ofan open-label, pilot study. Dermatol Surg 2005;1394—8.