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JEUDI 2 FÉVRIER 2017 – 20H30

SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE

Exil

Musiques :

Galina UstvolskayaGrand duo pour violoncelle et piano

Sofia Goubaïdoulina Prélude n° 3 pour violoncelle seul

François Couperin Extraits des Leçons des Ténèbres pour violoncelle seul (arrangements : Sonia Wieder-Atherton)

Igor StravinskiÉlégie pour violoncelle seul

Johann Sebastian BachAllemande de la Suite n° 5 pour violoncelle seul

Boris Tchaïkovski Aria de la Sonate pour violoncelle seul

Henry Purcell O let me weep, pour voix et violoncelle

ALBGolden Chains

Majida El RumyYa nabhi el mahabbi

Johannes Brahms Da unten im Tale

Textes extraits de :

« Les Listes » (Collecte et adaptation : Yazan Loujami et Sonia Wieder-Atherton)

Smaïn Laacher « Dans la forêt », extrait de Le peuple des clandestins (Adaptation : Sonia Wieder-Atherton)

Jean Hatzfeld « Monologue de Cassius », extrait de Récits des marais rwandais, Dans le nu de la vie

Rithy Panh avec Christophe Bataille L’Image manquante

Poèmes des enfants de Terezin

Charlotte Delbo Une connaissance inutile : Auschwitz et après, II Mesure de nos jours : Auschwitz et après, IIILa Mémoire et les Jours

Anna Akhmatova« En guise de préface », extrait de Requiem (traduction d’André Markowitz)

Maya Angelu Still I Rise / Pourtant je m’élève (traduction d’Olivier Favier)

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Wei Zhuang La Ballade de la dame de Qin (traduction d’André Markowitz)

La Bible Livre des Nombres

Sonia Wieder-Atherton, violoncelleLaurent Cabasso, pianoCompagnie Sans Père : Anna Gianforcaro, Eliott Appel, Jeanne Pollacchi, Léontine Maurel-Paurd, Ludmilla Bouakkaz, Manon Iside, Matthieu Louis-Marie et Violette Clapeyron

Conception : Sonia Wieder-Atherton avec la collaboration de Sarah KonéAide à la réalisation musicale : Franck KrawczykCréation lumière : Jean Kalman, assisté de Thierry FratissierCostumes : Lucie Guillemet Scénographie : Lucie RizzoProduit par Walter Films et la Compagnie Sans Père

FIN DU CONCERT (SANS ENTRACTE) VERS 22H.

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Exil

De tous temps, en tous lieux,Des peuples oppressés ont fui.Poussés par la guerre, par la famine, par l’extrémisme, par la folie meurtrière des hommes.Qu’ils soient chassés, déplacés, emmenés, arrachés à leurs vies.Qu’ils viennent d’Asie, d’Afrique, d’Europe ou des Amériques.Qu’ils semblent rescapés de l’Histoire ou écorchés vifs par notre actualité.Ils sont revenus, ils ont dit, ils ont écrit.Ces mots nous parviennent, ces langues ont survécu au temps et à l’oubli.Exil est né parce que j’ai ressenti l’envie, peut-être même le besoin de me trouver face à ces mots si rarement prononcés,Le besoin de les entendre et de les faire entendre.De découvrir comment, dans certaines forêts, des communautés de migrants s’organisent en un peuple prêt à recevoir la loi.D’entendre le récit de Cassius, 12 ans, rescapé du génocide rwandais.Celui de Rithy Pahn à la recherche de l’image manquante, disparue au Cambodge.Le cri lancé par Charlotte Delbo « Pourquoi ? Pourquoi ? Parce que tout ceci est inexplicable ».Et quelques années après celui de Maya Angelou, Antigone des temps modernes,J’ai eu besoin d’entendre la langue extraordinaire du récit de la Dame de Qin, un poème disant l’histoire d’une femme victime d’une révolte sanglante dans la Chine du Ve siècle.Et enfin, écouter le récit que fait la Bible de l’errance de ceux qui « partirent de Succoth et campèrent à Etham, à l’extrémité du désert… »Donnant ainsi la main à ceux qui aujourd’hui traversent les déserts.Puis, j’ai imaginé le Grand Duo de Galina Ustvolskaya, pour violoncelle et piano dont les 5 mouvements, comme des flèches de feu, marqueraient l’espace et le temps.C’est alors que m’est revenue l’émotion que j’ai ressentie quand j’ai pour la première fois vu le travail des jeunes acteurs chanteurs de la Compagnie sans Père et de Sarah Koné.Ainsi,C’est à eux, à leurs voix, à leurs présences, à leurs regards, si différents et si intenses que j’ai eu envie de confier ces textes.

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Eux qui jamais ne prétendraient faire croire qu’ils pourraient être ces per-sonnes, et en même temps pourraient être chacune d’elles.J’ai voulu que la voix de mon violoncelle joigne leurs huit voix. Créant un chœur de voix parlées, chantées.Comme pour se soutenir. Comme pour continuer.

Sonia Wieder-Atherton

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Entretien avec Sarah Koné et Sonia Wieder-Atherton

S.K : La Compagnie Sans Père est née il y a neuf ans du projet de trans-mettre à des enfants non musiciens toutes les disciplines de l’opéra : la danse, le théâtre, et surtout le chant. Il y a neuf ans, ces enfants n’avaient jusqu’alors jamais rencontré la musique au-delà de ce que l’école républi-caine avait pu leur apprendre. Petit à petit, ils se sont transformés en jeunes artistes qui chantent, dansent et jouent. Ce sont ces jeunes artistes que Sonia Wieder-Atherton a rencontrés il y a quelques années. Huit d’entre eux participent à Exil.Dès qu’il a été question de l’arrivée des jeunes de la compagnie, Sonia a rapidement exprimé son envie de « faire troupe » avec eux. Ensemble, ils ont dû se fabriquer une langue commune. Autour des textes, puis de la musique et enfin sur le plateau. C’est dans ce sens qu’est né le travail de mise en scène. Cette troupe, comme une matière, il a fallu la travailler parfois en isolement, parfois en groupe. Exil est traversé par la force d’un groupe et la tension de l’isolement.

S. W.-A. : Ils ont lu les textes que nous leur avons présentés, à haute voix, et je crois que très vite, ils ont été frappés, touchés. Le travail a commencé comme ça. Tout de suite avec l’idée de la forme. Une confrontation constante. Ils ont compris la construction que nous cherchions : l’alternance de moments où les 9 voix se réunissent en un chœur de 8 voix plus une, celle de mon violoncelle. Les jeunes comédiens disent, chantent, le violoncelle parfois les accompagne, parfois s’envole, seul. Avec ce que j’appellerais les piliers que sont les 5 mouvements du grand duo de Galina Ustvolskaya pour violoncelle et piano qui viennent scander le temps, le sculpter, le menacer. Cette musique qui, pour citer Charlotte Delbo, s’élance « comme des flèches de feu ». Entre le violoncelle et le piano, éloignés l’un de l’autre, augmentant ainsi encore la tension qui naît de cette musique, et suivant les consignes de la compositrice, se crée l’espace du chœur. L’espace d’un regroupement, pour habiter les langages que nous traversons. Dans la forme, nous partons d’aujourd’hui. Les évènements, se déroulant sous nos yeux, n’ont peut-être pas encore de langue. Ce sont des faits. Brûlants. Des listes. Des récits. Raconter par exemple l’auto-organisation de communautés en forêts, qui se donnent une loi et par là deviennent peuple. Puis remonter le temps, écouter ces langues qui témoignent, qui crient,

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qui bercent, qui fusent, jusqu’à arriver à la Bible, racontant l’errance d’un peuple. Peut-être celui-là même du début. L’idée de Jean Kalman de nous entourer de 4 points de lumières, créant des lignes immobiles, a fait tout de suite partie de la mise en scène.Une lumière qui scande l’espace, comme la musique le temps.

Propos recueillis par Pascal Huynh

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Galina Ustvolskaya (1919-2006)Grand Duo pour violoncelle et piano

Composition : 1959.

Dédicace : à Mstislav Rostropovitch.

Créations : le 14 décembre 1977 à Leningrad, en URSS, par Oleg Stolpner au violoncelle

et Oleg Malov au piano.

Éditeur : Sikorski.

Effectif : violoncelle et piano.

Durée : 26 minutes environ.

La science a montré qu’il existe des états de la matière, qu’on ne rencontre pas sur notre planète, dans lesquels une masse énorme est concentrée dans un minuscule espace. Une boulette microscopique peut ainsi peser plusieurs tonnes.

C’est la même chose avec la musique de Galina Ustvolskaya où quelques notes seulement renferment une grande quantité de contenu et ont une grande signification. Si le phénomène physique s’explique par une force gravitationnelle monumentale, ici l’explication réside dans une force spi-rituelle, une volonté, une maturité et une conviction monumentales. Et puisqu’on parle de gravitation, la musique de Galina Ustvolskaya dégage une telle puissance magnétique que même Chostakovitch, qui fut son professeur, a emprunté ouvertement plusieurs de ses thèmes. Les jeunes élèves compositeurs d’aujourd’hui se laissent également envoûter par le pouvoir hypnotique de cette musique et dès la première écoute com-mencent à l’imiter.

Il est impossible d’appréhender la musique de Galina Ustvolskaya avec la terminologie et les définitions traditionnelles. Cette musique est unique. Non seulement toute vanité, tout effet de manche lui est étranger, mais elle se tient en dehors des modes et ne fait aucune concession aux goûts ambiants.

La musique de Galina Ustvolskaya n’est pas univoque. Ce qui peut sem-bler figé au premier coup d’œil se révèle souple et malléable dès lors que l’on change légèrement de perspective. Comme si des lignes verticales inflexibles commençaient soudain à sonner mollement et se transformaient

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en lignes horizontales souples formant des suites de sons compliquées, singulières, mais très naturelles. Il n’y a pas de ruptures dans cette musique. Le rythme est clair, rectiligne, parfois d’une uniformité persistante. Une dynamique « Bach » est à l’œuvre, rigoureuse et progressive, qui présente cependant aussi des contrastes abrupts. La forme est harmonieuse et parfaite : les mouvements se succèdent avec une telle cohérence qu’on a souvent l’impression d’être face à une partition cyclique en un seul mouvement. Les cellules thématiques, claires et expressives, ne sont pas développées en fonction d’un canon académique mais selon des lois natu-relles et biologiques, de la même manière qu’un arbre pousse.

Les motifs non plus ne sont pas univoques. Ce qui semble tragique et accablant se révèle fort et encourageant ; le mal, le barbare, se révèle une révolte contre le mal, et donc le bien et la compassion. L’un des aspects les plus marquants de la musique de Galina Ustvolskaya est la représentation du silence et de l’élévation de l’esprit.

Le Grand Duo pour violoncelle et piano est une partition de vastes dimen-sions et de fortes passions. Toute une symphonie y est englobée en cinq mouvements pour deux instruments. Les quatre premiers mouvements sont assez semblables dans leur caractère. Il y règne une tension furieuse. Le premier mouvement aligne plusieurs motifs : une série de croches dans l’extrême aigu jouées dans le plus grand fortissimo et accompagnées par ce qui ressemble à des coups de timbales dans l’extrême grave ; des octaves diminuées et des mouvements de triton au violoncelle, pleins d’une tension déclamatoire ; puis une mélodie dissonante très simple dans le style d’un choral grégorien, dont l’accompagnement au violoncelle dans le grave fait du surplace.

Dans le deuxième mouvement, la tension semble s’être partiellement évanouie mais les apparences sont trompeuses. Les trilles agités du violoncelle, les longues lignes ascendantes et crescendo du piano, un motif expressif sans cesse récurrent, composé d’une tierce mineure ascen-dante et d’une tierce majeure descendante, tout cela donne le sentiment d’une force compacte et pénétrante. Cette force prend des dimensions titanesques dans le troisième mouvement. Celui-ci, bref et complètement dominé par les trilles du piano et les pas lourds du violoncelle, fait l’effet d’un bloc de granit.

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Dans le quatrième mouvement, après une introduction d’allure irrationnelle et athématique, est énoncé au piano, sur un fond de doubles cordes régulières du violoncelle, un thème extrêmement expressif d’un point de vue rythmique et tonal. On y décèle de la force et de la volonté, mais aussi une demande pressante et même une plainte.

Le cinquième mouvement représente presque la moitié de la partition. La musique y est tout à fait calme, comme si elle demandait le repos et la paix. Le thème expressif du violoncelle, accompagné au début de trilles paisibles et fuyants du piano, passe ensuite au piano. Si la thématique pleine de fureur du premier mouvement fait irruption à deux reprises, c’est dans l’ensemble l’aspiration au repos qui domine. Le premier thème de violoncelle du premier mouvement (une octave diminuée ascendante suivie d’une quarte descen-dante) prend ici un tout autre caractère – on pense involontairement aux mots : « Donne-nous la paix. »

Boris Tichtchenko (1986)(traduit de l’allemand par Daniel Fesquet)

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Sonia Wieder-AthertonSonia Wieder-Atherton occupe une place à part dans le monde artistique aujourd’hui. Elle est l’interprète d’un large répertoire, autant en soliste qu’en musique de chambre. Elle est dédi-cataire de nombreuses œuvres pour violoncelle. Parallèlement à cette car-rière de concertiste, Sonia Wieder-Atherton est l’auteur de projets qui questionnent inlassablement la forme du concert, qui ouvrent la notion de réper-toire et explorent l’union de différentes formes d’expressions artistiques. Ses créations voyagent à travers le monde. Sonia Wieder-Atherton est lauréate de la Fondation Bernheim pour l’en-semble de son travail. Elle a étudié aux Conservatoires de Paris et de Moscou, et est lauréate du Concours Rostropovitch.

Laurent CabassoLauréat de grands concours internatio-naux, Laurent Cabasso mène une impor-tante carrière musicale internationale. Il donne de nombreux récitals et concerts à Paris, Zurich, Amsterdam. Invité de grands orchestres, dont l’Orchestre national de France, passionné de musique de chambre, il se produit régu-lièrement dans de nombreuses forma-tions aux côtés des meilleurs musiciens d’aujourd’hui (Sonia Wieder-Atherton, Alexandre Tharaud, Gérard Poulet, Sylvia Marcovici, Vadim Repin, Olivier Vernet, Quatuor Ardeo...). Laurent Cabasso enseigne au Conservatoire à rayonne-ment régional de Strasbourg depuis 1993 et aux Conservatoire de Paris et de Lyon.

Sarah KonéDirectrice artistique de la Compagnie Sans Père, Sarah Koné est née à Annecy en 1985, où elle commence sa forma-tion musicale à l’âge de 4 ans. En 1992 le compositeur Rainer Boesch fait de l’un de ses poèmes le livret d’une pièce pour orchestre et chœurs. C’est pour la petite fille qu’elle est alors une rencontre majeure avec la forme du théâtre musical. Ce sera le début d’une longue amitié qui donnera lieu à plusieurs collaborations. Elle étudie à la Maîtrise de l’Opéra de Lyon sous la direction de Claire Gibault, puis aux conservatoires de Lausanne et Paris. Elle se forme également au théâtre et à la danse. Très tôt interpellée par le rapport au savoir et à la transmission, elle fonde à Paris en 2008 un ensemble de formation pluridisciplinaire dédié à des jeunes n’ayant pas encore reçu de formation artistique, et qui devient en 2016 la Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique. De cette formation naît en 2012 la Compagnie Sans Père, troupe de jeunes artistes de théâtre musical.

Exil a été réalisé avec le soutien de la DRAC Île-de-France, la DAC de la ville de Paris - la culture avec la copie privée, l’ADAMI, le fonds de dotation les Partageurs.

Produit par Walter Films et la Compagnie Sans Père.

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