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DVDdes conf é r ences. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.131 3/$1 '( /¶2895$*( Pr éambul e de Monsi eur Tauhiti NENA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.5 Mini s tr e d e la J e un e ss e , d e s Sport s e t d e la Vi e A ss o c iativ e d e Polyn é s i e fran ç ai s e La p e rforman ce humaine : à la r ec h e r c he du se ns... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.13 Fran ç oi s BIGREL M enu du DVD des conf é r ences. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.128 Pr ésentation des int e rvenants (DVD). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.131 Fran ç oi s BIGREL e t Claud e FAUQUET

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DVDdes conférences. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.131

Préambule de Monsieur Tauhiti NENA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.5M i n i s t r e d e l a J e u n e s s e , d e s S po r t s e t d e l a V i e A s so c i a t i v e d e Pol y n é s i e f r an ç a is e

La performance humaine : à la recherche du sens... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

p.13 F rançois B I G R E L

Menu du DVD des conférences. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.128

Présentation des intervenants (DVD). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.131F rançois B I G R E L e t C laude F A U Q U E T

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Préambule de Monsieur Tauhiti NENA

Ministre de la jeunesse, des Sports et de la Vie Associative

de Polynésie française

I. INTRODUCTION

A des Jeux du Pacifique de 2011, qui se tiendront àNouméa en Nouvelle-Calédonie, souhaité mettre en une stratégiepluriannuelle qui vise à accompagner et préparer le mouvement sportif pourcet objectif majeur. Ainsi, plusieurs mesures ont été prises. Mesures finan-cières tout notamment par subvention spéci-fique à Nui N.C. 2011 pour la préparation de noschampions, aide qui sera échelonnée sur les trois prochaines années.

pro-fit de nos dirigeants, entraîneurs et athlètes.

du séminaire du sport de haut niveau du lundi 08 auvendredi 12 juin 2009, dont émane cet ouvrage, a constitué le premier évé-nement de ce processus de soutien. Dans ce cadre, les conférences qui ontété organisées sur les thèmes de la performance, de de laformation et des infrastructures sportives ont été pour chacundes participants, de porter une réflexion approfondie, sans contrainte nipression, sur notre manière du haut niveau.

Je me réjouis de qui nous a été offerte de faire venir enPolynésie française, Messieurs François BIGREL et Claude FAUQUET. Leursinterventions pas manqué de nous interroger sur nos pratiques quo-tidiennes et ont apporté assurément, des éclairages sur nos conceptions de

. Je suis également particulièrement heureux que nousayons eu la primeur débat sur les conclusions des travaux

dans le cadre de la réforme du haut niveau en France,mené Monsieur FAUQUET, ce qui représentait déjà un événement en soi.Ces informations déterminantes serviront aussi de prétexte pour nourrirnotre réflexion au plan local, en vue de des structures duhaut niveau et des approches des fédérations et entraîneurs sur laquestion du haut niveau.

Ce séminaire a rempli pleinement son rôle en mobilisant de nombreuxpassionnés du sport de tous horizons. Au-delà du travail qui devait être pro-duit, souhaité que ces conférences soient aussi des instants deconvivialité et de partage dans la poursuite de notre objectifcommun : rivaliser avec nos amis sportifs calédoniens, chez eux, lors des

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prochains Jeux du Pacifique ! La longueur des échanges qui se sont pour-suivis en dehors des conférences témoigne du plaisir que tous les partici-pants ont eu à se rencontrer et à échanger. Ces détails simples -gent à continuer mon action.

La dimension unique telle organisation autour du sport de hautniveau, en présence de deux personnalités reconnues du sport français,convaincu fallait laisser une trace de ce qui passé durant ce sémi-naire. Ainsi, les deux conférences ont été filmées et regroupées dans un

. En outre, le présent ouvrage constitue le deuxième témoignage et jetiens à remercier chaleureusement Messieurs François BIGREL et ClaudeFAUQUET pour leur contribution précieuse et désintéressée nousoffrent dans ce livre.

II. LE SPORT DE HAUT NIVEAU EN POLYNESIE FRANCAISE

Le sport de haut niveau joue un rôle social et culturel de premièreimportance. Conformément aux valeurs de énoncées dans laCharte olympique et aux principes déontologiques du sport, il doit contri-buer, par à bâtir un monde pacifique et meilleur, soucieux de pré-server la dignité humaine, la compréhension mutuelle, de solidaritéet le fair-play.

Ce rôle crucial a été reconnu par la Polynésie française parde nombreux textes, dont les fondements se trouvent dans la Charte dusport de haut niveau, instituée par la délibération n° 99-176 APF du 14octobre 1999 modifiée relative à et à la promotion des acti-vités physiques et sportives et validée par la Commission du sport de hautniveau de la Polynésie française le 5 novembre 2007. Ce document fixe lecadre général des relations entre les sportifs, arbitres et juges de hautniveau avec leur environnement (fédérations, collectivités territoriales, par-tenaires privés).

Ainsi, toute personne bénéficiant reconnaissance par laPolynésie française de sa qualité de sportif de haut niveau, ou dejuge de haut niveau ou exerçant une responsabilité danstechnique ou la gestion du sport de haut niveau doiten toute circonstance un comportement exemplaire, fidèle à son engage-ment dans la communauté sportive, et de nature à valoriser de sonsport et de son pays.

Dès lors, la Polynésie française et le mouvement sportif sont garants

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du respect des principes énoncés dans cette charte. En tant que Ministrechargé des Sports, je dois veiller à ce que soient réunis les moyens néces-saires pour soutenir le développement du sport de haut niveau, en vue defavoriser des sportifs, des juges et arbitres à leur plus haut niveaude performance et à la meilleure expression de leurs capacités sociales etprofessionnelles.

Un organe ci-dessus énoncé est à des nombreuses avancéesdans le domaine de sportive, il de la Commission du sportde haut niveau de la Polynésie française. Je souhaiterais remercier en par-ticulier les cinq personnalités qualifiées pour leurs compétences en matièrede haut niveau, qui composent en partie cette commission de douze mem-bres ; ils représentent la cheville ouvrière de ce dispositif.

La Commission du sport de haut niveau de la Polynésie française ins-tituée à 16 de la délibération du 14 octobre 1999 modifiée susvi-sée est placée auprès du Ministre chargé des Sports, qui la préside, et exerceles compétences suivantes :

1. elle fixe, après avis des fédérations sportives, les critères permet-tant dedéfinir, dans chaque discipline, la qualité de sportif, et dejuge sportif de haut niveau; à cet effet, elle reconnaît le caractère dehaut niveau aux disciplines ne figurant pas au programme des JeuxOlympiques ;

2. elle fixe pour chaque discipline, la liste des sportifs, arbitres et juges

3. elle rend un avis simple sur les décisions individuelles de retrait ou desuspension de la liste des sportifs de haut niveau et de la liste des arbi-treset juges sportifs de haut niveau ;

4. de haut niveau ;

5. elle est chargée également de soumettre des propositions en matièrede sport de haut niveau au Ministre chargé des Sports, notamment dans lesmatières ci-après :

-les normes des équipements sportifs adaptés au sport de haut niveau,

- -nales ou internationales compétentes en matière de sport de haut niveau,

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- les mesures offrant des conditions de préparation optimales en faveur des sportifs de haut niveau,

- les mesures tendant à la reconversion des athlètes reconnus de haut niveau,

- un avis sur la création de structures adaptées.

Ces grandes directives en matière de structuration du sport de hautniveau ainsi que et les priorités qui en sont faites constituentles différents chantiers auxquels je souhaite à .

Plusieurs textes permettent le sport de hautniveau en Polynésie française. Ces textes sont à de tous lessportifs et dirigeants et organisent des dispositifs qui ont tous pour pointcommun contexte propice au développement de laperformance sportive. En voici un bref rappel :

° 1617 / CM du 27 novembre 2007 relatif au sport de haut niveau

qui permet la reconnaissance officielle du statut des spor-tifs, arbitres et juges de haut niveau. Son élaboration faite à partir

exigence forte : celle de faire émerger le sport de haut niveau. Eneffet, qui a motivé sa rédaction était de dénombrer une quantitémaîtrisée de sportifs de haut niveau afin, part, de valoriser cestatut en ne le banalisant pas et, part, de crédibiliser le systèmepar la mise en place dispositif conséquent et contrôlable.

Ainsi, cet arrêté définit notamment les conditions et deperte de la qualité de sportif de haut niveau ainsi que la durée de validité

sur les listes. Cette inscription peut dans quatrecatégories : et .

les arrêtés portant établissement de la liste des sportifs, arbitres et juges de haut niveau

La première liste a été établie par arrêté 0121/PR du 22 janvier 2008et faisait état alors de 128 sportifs, arbitres et juges de haut niveau. Ellese décomposait de la manière suivante : 24 sportifs en catégorie

16 sportifs en catégorie 87 sportifs en catégorie1 arbitre en catégorie .

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valable deux ans à compter de sa parution au Journal officiel de laPolynésie française et, part, elle est réactualisée deux fois par an,les fédérations devant communiquer au Service de la jeunesse et des sports,avant le 31 mai et le 31 octobre de chaque année, la liste des personnessusceptibles figurer. Depuis, 22 personnes, puis 18 y ont été intégréesrespectivement par arrêtés n° 2377/PR du 07 juillet 2008 et n° 95 /PR du22 janvier 2009 ; ce qui a porté la liste à 168 sportifs, arbitres et juges dehaut niveau. Enfin, lors de la réunion de la dernière commission du sportde haut niveau qui tenue le 21 juillet 2009, 21 sportifs supplémen-taires sont entrés sur les listes. Ainsi, ces listes évoluent progressivementet ceci conjointement à la notion de le sport de hautniveau.

Depuis 2008, le sport de haut niveau est identifiable et quantifiable,et des politiques peuvent être organisées pour accompagner tous les acteursconcernés. ainsi que pour soutenir ce public désormais reconnu etfavoriser de la plus haute performance, deux dispositifs ont étécréés récemment :

n° 0330 / CM du 20 février 2008 portant réglementation depar la Polynésie française de bourses individuelles au titre du

sport de haut niveau

En considération de personnel et de de lapréparation exigée par la recherche de la plus haute performance, tout spor-tif, arbitre et juge de haut niveau a accès, dans les conditions et limitesréglementaires, aux dispositions, mesures et aides destinées :

- à favoriser sa réussite sportive ; - à compenser les dépenses que lui occasionne son activité sportive

; -insertion socioprofessionnelle.

Tels sont les objectifs de la bourse individuelle accordée au titre dusport de haut niveau. Ainsi, une bourse peut être attribuée aux personnesinscrites sur la liste des sportifs de haut niveau arrêtée par le Président dela Polynésie française pour :

- -çaise ;

-française ;

- acheter du matériel sportif en relation avec la discipline pratiquée ;

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- entreprendre, poursuivre ou compléter une formation professionnelle

; - les aider dans le suivi de leur santé lié à entraînement.

° 0135 / PR du 24 janvier 2008 relatif au suivi médical des sportifs, arbitres et juges de haut niveau

Les objectifs poursuivis lors de la création du suivi médical longitudi-nal étaient de garantir la prévention et le contrôle permanent anti-dopagedes élites du sport polynésien. Ce suivi constitue donc une aide à la ges-tion de la santé des athlètes de haut niveau tout au long de leur carrièresportive.

Par ailleurs, il pas vocation à se substituer à la médecine fédéraleen charge de médical des athlètes ou des équipes lorsdes compétitions en assurant des soins curatifs, par exemple. Il participe àla politique de médecine préventive du Pays.

Ainsi, fixe la nature et la périodicité des examens et, parconséquence, organise du département médical du sport de hautniveau de de la jeunesse et des sports de la Polynésie française.

III. UNE POLITIQUE EN FAVEUR DU SPORT DE HAUT NIVEAU

Quelles perspectives pour le sport de haut niveau en Polynésie fran-çaise ? Voilà une question qui mérite posée dans cet ouvrage. Cettequestion est centrale et doit permettre de dégager plusieurs axes quiconcourent au développement de la performance sportive. Organiser un sys-tème pour soit créateur pour révèle des prédisposi-tions, génère de par de la meilleure expressiondes capacités individuelles ou renforce la cohésion par le sentiment -partenir à une nation forte, ces buts ne jamais quitté et ils oriententencore mes choix à sportives majeurespour la Polynésie française.

Je considère le sport de haut niveau comme un axe prioritaire de mapolitique sportive. Plus encore, je suis convaincu positionnant la struc-turation du sport de haut niveau au premier plan, il devient une ligne direc-trice qui coordonne des actions de mon ministère. En effet, ladémarche qui consiste à vouloir rendre plus performant un sportif peut -pliquer à tous les domaines de mon champ . Ainsi soutenir lesfédérations sportives, développer les formations, construire des équipements,

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promouvoir la pratique ou organiser la réglementation participent à ce vaste

Une telle politique produit de réels effets car le sport de haut niveauvéhicule une image valorisante ; il participe au lien social par

identité ! Cette identité nous la défendrons très prochaine-ment lors des mini Jeux du Pacifique des îles COOK, du 21 septembre au 2octobre 2009.

Je me suis fixé comme ligne de conduite la transparence dans -sation de public affecté à mon ministère. Le domaine du hautniveau doit en conséquence. Les dispositifs de suivi médical etde bourses de haut niveau, qui ont été conçus, ont été, de ce point de vue,une grande avancée pour identifier le coût du soutien au haut niveau. Ilreste encore à faire pour maîtriser davantage ces financements.

des textes organisant le haut niveau en Polynésie françaisea été suffisamment utilisé pour faire apparaître leurs points faibles. Je

dans un premier temps à redonner de la cohérence. Lors de ladernière commission du sport de haut niveau, souhaité par exemple

réflexion puisse être menée afin de limiter aux listes. Cechoix est devenu nécessaire pour pérenniser les dispositifs .

La rivalité constructive avec les Calédoniens doit également agircomme un élément moteur du progrés dans le domaine du haut niveau. LesCalédoniens obtiennent de meilleurs résultats depuis plusieurs années,et ce constat ne doit pas rester sans réaction. Le soutien financierspécifique qui est organisé en vue des prochains Jeux du Pacifique de2011, à Nouméa, réponse partielle et purement financière.Pour ma part je suis convaincu que cette prééminence calédonienne estdue au retard pris par la Polynésie française dans la structuration du sport dehaut niveau. pourquoi il faut organiser le système pour combler ceretard.

sportifs doit faire concer-tation pour permettre le développement pratique de haut niveau. Eneffet, depuis plusieurs années, les investissements réalisés en matière

sportifs fait réflexion de fond poursoutenir la pratique de haut niveau, tenant compte de la vétusté, de la fré-quentation, du lieu ou du bassin de population concernépour engager des travaux. Généralement, ces travaux se réalisent ou pas augré des Ministres. Je souhaite mettre fin à ces pratiques et engager monpays vers un plan pluriannuel qui tienne compte objectif majeur :accueillir les Jeux du Pacifique en 2019. Dix années, cela peut paraîtrelong, mais tout juste le temps faut pour espérer conduire à bien

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ce fabuleux projet. Par communication N° 19/MJS du 8 avril 2009,obtenu du conseil des ministres pour porter la candidature deTahiti Nui à des jeux du Pacifique de 2019.

Les actions visant à accroître la représentativité du pays dans les ins-tances internationales seront soutenues car elles apportent, sans conteste,une plus-value. Ces actions contribuent à faire exister notre pays à partentière aux yeux de tous. Indirectement, elles plaident pour notre intégra-tion au sein du Comité International Olympique Les relations extérieuresseront donc particulièrement soignées durant ma mandature.

Le développement du sport est un facteur de prévention et -tion à la santé. Néanmoins par certains aspects liés en particulier à larecherche de la performance, la pratique sportive peut nuire à la santé dusportif. Les conditions et de développement des activitésphysiques et sportives doivent garantir la protection de la santé des spor-tifs. Je souhaite que la Polynésie française se dote cadre juridique enmatière de protection de la santé des sportifs et de prévention et de luttecontre le dopage, conforme aux exigences internationales définies par

mondiale antidopage et adapté à nos contraintes locales. Cettemise en conformité est nécessaire car elle est une condition exigée pour quedemain la Polynésie française puisse continuer des compétitionsde rang international, en particulier les Jeux du Pacifique.

De par la confrontation exhorte, le sport de haut niveau se carac-térise aussi par et la rencontre. La capacité à sortir vainqueur deces confrontations lors majeurs auxquels seprépare. Il y a donc une culture du haut niveau. Cette culture est principa-lement véhiculée par les entraîneurs qui ont de ces rendez-voussportifs de la préparation et de la gestion saison, voire

carrière. Il est donc essentiel que des actions soient mises enà des entraîneurs. ponctuelle de conférences surdes thématiques qui préoccupent les entraîneurs, tel que le séminaire qui

déroulé dernièrement, sera pérennisée.

Dans que le mouvement sportif occupe uneplace prépondérante. Il est force de proposition au travers notamment dela commission du sport de haut niveau où il figure en bonne place. Je suisconscient de que peuvent avoir nos travaux pour atteindre cesobjectifs. pourquoi, je compte sur de tous pour faire dusport de haut niveau en Polynésie française un outil et

individuel et de promotion du pays.

Papeete, juin 2009

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François BIGREL

La performance humaine: à la recherche du sens...

Polynésie française Séminaire du 08 au 12 juin 2009

SPORT DE HAUT NIVEAU

PERFORMANCE SPORTIVE ET ENTRAINEMENT PERFORMANCE SPORTIVE ET FORMATION DEVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES SPORTIVES

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Petite conférence

sur la performance

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Henri Bergson

André Gide

toute première tâche de chaque homme est de sespossibilités uniques, sans précédent et jamais renouvelées, et non pas larépétition de quelque chose autre, fût-­ce le plus grand de tous,aurait déjà .

Marc Alain Ouakrin

violon entre lesmains jeuneêtre talentueux profondément épris demusique pourvu maître inspirateur de la capacité de jouer etpar imitation peut franchir des obstacles apparem-­ment insurmontablespour adulte alors que ceux-­ci considè-­rent faut avoir surmontétous les obstacles de la formation et acquis une réelle compétence avant

le droit de . Ma chance suprême fut de grandsmusiciens pour . Trop de jeunes talents sont gâchés par unmauvais enseignement.

Yehudi Menuhin

-­tent de

Paule Salomon

Tony Estanguet

distinction entre passion et raison est en fait simpliste, une prisonconceptuelle qui ferme la porte sur sur ce qui vient sur nous,nous atteint, nous tombe dessus, nous renverse et pourrait nous rendrelibres.

Fabrice Midal

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SOMMAIRE

1.I n t rodu c t ion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 21 Comprendre la performance semble secondaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 22 Une première digression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 24 Une seconde digression. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 25 Un métier impossible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 28 Un discrédit malheureux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 28 Des représentations, des paradigmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 31 Les représentations psychiques résistent. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 33 Une dernière caractéristique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.

33

2 . A van t l a p e r fo r manc e , un e s i tua t ion d e comp é t i t ion . . . . . . . p . 3 5

Les caractéristiques de la situation de compétition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 36

3 . U n e p r e m i è r e h y p o t h è s e p o u r v i v r e l a s i t u a t i o n de compétition : L e sens existe dé jà. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 41

La substantialisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 41 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 43

Les systèmes homéostatiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 45 Du jeu des normes : un premier bouclage facile et rassurant . . . . . . . . . . . . . . . . p. 47 Une fois substantialisée, la performance est traitée de trois façons . . . . . . . . . . . . . . p. 51 Une rationalité incontestable mais des questions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 52 Des difficultés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 53

4. Un X X è m e sièc le déc isif : une seconde hypothèse . . . . . . . . . . . . . . . . . p . 55

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 55 Les avancées des sciences du cerveau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.

58 - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 60

- Une fragilité nécessaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 62 - La plasticité cérébrale : une qualité ambiguë. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 64 Un nouveau paradigme : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 64

- Un état pré-indivduel : un champ de force. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 67- Des moments de crise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 69 - Deux créations conjointes : le sujet et son milieu associé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 69 - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 71 - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 73

- Pour résumer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 76

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Deux visions opposées de la condition humaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 80 - Une première conception. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 80 - Une seconde conception. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 83 -

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 86 -

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 93 - Une proposition de définition de la performance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 94

5. Une éthique pour le pratiquant.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 95

Un étranger seul dans son monde et en réciprocité structurante avec les autres, partenaires ou adversaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 96 Le pratiquant est le seul véritable acteur de la performance.

Cette dernière lui appartient. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 97 Le pratiquant sportif : un être respectueux de la situation de compétition. Elle le fait devenir et être heureux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 98

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.100 Le pratiquant sportif : un être nécessairement fragile

pourcréer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.101 Un travailleur heureux... et jamais satisfait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.102 Le pratiquant est rarement gagné de façon définitive

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.104 Le prat iquant est cult ivé et donc à même de faire

des hypothèses permettant de limiter les risques inhérents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.105

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.107

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.107

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.108 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.109

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.109 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.111

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.111 Il met en situation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.112

7.Conc lusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.115

Un besoin de philosophie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.117

Annexes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.119

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1. Introduction

Au cours de ma carrière professionnelle, essayé de com-­prendre ce est convenu le dans la production dela performance humaine par des pratiquants sportifs et, évidem-­ment,espéré maîtriser suffisamment les processus qui y condui-­sent pour

les présenter à quelques éducateurs et entraîneurs qui ont despratiquants en charge.Il est curieux de confesser cela en commençant mais je dois

avouer que la notion de reste pour moi bien énigmatiquemême si je pense est malgré tout possible, pour éclairer cettenotion, de tisser ensemble quelques glanés ici ou là au hasard desrencontres, des témoignages et des investigations scientifiques.Chacun nous a en mémoire de musiciens, de

peintres, de sportifs pour lesquels, tout semblait assez facile(du moins en apparence) quand étant à la faisaient leconstat évident et résigné que fées ne pas penchées surleur . En tant je crois est difficile alors

à la question suivante : vient cettecertains sportifs à produire du sens(1) en situationde compétition ?Quand elle est posée, ce qui est rare, cette question qui me

semble absolument centrale, reçoit trop souvent des réponses à-­ qui ont surtout pour rôle de contribuer à ce

ne se pose plus. Gérard Depardieu situait dernièrement letalent au niveau du bulbe rachidien voulant ainsi valoriser -­au détriment de peut-­être finalement inutile, pour lui, à

des êtres humains...Nous serons évidemment plus prudents et, à défaut de pouvoir

donner une explication satisfaisante à la présence du talent chez unindividu (ou un groupe nous nous attacherons à -­tionet la critiquedes solutionsexistantes(2) prétendant yconduire. Ceci

1. Sens : contenu conceptuel et affectif présent dans un signe (mot, terme, symbole), dans un geste oudans une existence. Par extension, le sens est la raison la justification action ou existence.Concrètement, le sens est donc le but qui, investi valeur, confère en retourune signification au sujet quile construit.RobertMisrahi. ceque ?EdArmandColin. 1997

2. -­

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nous amènera, dans un premier temps aumoins, à êtremoins affirma-­tifs,plus distanciés et ouverts, et donc plus imaginatifs dans la recherchede la solution à cet épineux problème. Quoi en soit, ce qui va suivreest plus destiné à donner à réfléchir ensemble convaincre.

Comprendre la performance semble secondaire

Une première constatation semble assez significative pourcomprendre pourquoi nous en sommes encore là.

En tant que spécialistes de la pratique sportive, notre attentespontanée est en général moins de nous attacher à définir les enjeuxposés par la performance, ce qui la constitue réellement, sa nature, ensomme, que de trouver avant tout permettant de

.

Nos attentes sont, façon générale, beaucoup plus cen-­tréessur la méthodologie de que centrées sur ce à quoi cetentraînement est censé servir. Nous souhaitons maîtriser la préparationde quelque chose que nous pas pris et que nous ne prenons pasencore suffisamment, la peine de pré-­ciser. Pourconvaincre, il a constater exclu-­sive des concepts de

ou de Camp alors en fait dans ceslieux, de préparer ce qui pas tout à faitéquivalent. Une chose est de mettre sur le moyen

une autre de préciser le but (la perfor-­mance).Cette relative mise à distance de la performance au profit

recherche systématique de méthodes est toutà fait française et quelque peu en opposition avec les habitudes anglo-­saxonnes en général plus pragmatiques. Nous restons sans douteinfluencés par Descartes et son de la qui nous aassurés que bien conduire son esprit suffisait à découvrir la véritépleine et entière de ce qui est visé. Par ailleurs, nous savons estdifficile à la séduction la méthode dont lesaspects concrets rassurent toujours...

intensif du mot contribue également à sabanalisation et à sa mise au second plan. Son acception est deve-­nue

si générale en devient insignifiante et sans

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effet réel sur le processus qui continue sou-­ventélaboré pour lui-­même. Elle est finalement unà discours technique bien utile à lui donner une formeconsistante dès que le besoin fait sentir.

des objectifs de ce travail est de revaloriser cettenotion en la mettant au centre du dispositif conduisant à la prépa-­ration du pratiquant. Il ne saurait y avoir qui ne soit pasen accord très profond avec elle et organisé par rapport à elle.

jamais premier. Il fait obligatoirement suite à ladéfinition du but à atteindre représenté par cette performance. Nousdevons plus nous attacher à cette notion quesur la représentation que nous en avons que reposent aussi lescaractéristiques de des sportifs, des filièresde haut niveau, les contenus de formation des entraîneurs, en sommetoute une politique sportive.

Cela va même sans doute encore plus loin. En effet, les athlètes seconfient à nous et, en les entraînant, nous prenons en quelque sorteleur futur bonheur en charge. En nous faisant ainsi confiance et ennous invitant à les accompagner dans des dimensions assez intimes deleur vie, ils attendent de nous compétence et responsa-­bilité, qualitésqui passent par la recherche constante des a priori cachés dans notreactivité afin faire cri-­tique, seule à mêmealors de nous aider à choisir : soit conserver ces a priori ou les faireévoluer.

Réaliser une performance consiste à du dans lasituation de compétition, sens à même de résoudre les problèmes quiposent. Bien des de tous ordres dans notre

milieu pour prétendre expliquer de ce sens mais est-­onvraiment sûr de la pertinence de ces évidences ? Peut-­être est-­ce avecla meilleure volonté du monde et en toute naïveté que nouscontrevenons quelquefois aux processus dans lequel -­gent lesathlètes avec beaucoupde désir et de rêve ?

Le XXème siècle a apporté des éclairages décisifs sur la conditionhumaine sans en ait encore vu vraiment les conséquencesdans le monde du sport. Nous continuons à traquer du

avec la même innocence et la même obstination que

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Marey et Demeny dans les années 1900. Nous nous entêtons à vou-­loirlister de façon exhaustive les de la comme sile pratiquant sportif était une machine dont on pourrait répertorier lespièces exceptionnelles. Nos propos sur la -­ ne se sontguère enrichis des travaux de Leroy Gourhan, de ceux de GastonBachelard et de ceux de Gilbert Simondon...Nous semblons un peu et entourés de préjugés qui dure-­ront

tant que durera un certain mépris pour la réflexionphilosophique dans notre milieu, réflexion seule à même pourtant denous mettre un peu à distance de nous-­mêmes pour comprendre nosconduites.Nous allons nous engager dans quelques digressions qui nous

seront utiles dans la suite de .

Une première digression

Je voudrais prendre un exemple pour illustrer ce que je viensen matière de préjugé. Il concerne un monde qui me tient

à : celui de lamusique(3).Nous connaissons tous des gens qui, ayant commencé des

études musicales, se sont arrêtés pas à passer dusolfège. On peut imaginer que ce qui avait conduit ces personnes à

à la musique, peut-­être ressentie àmélodie ou peut-­être, le trouble produit par une phrase en

mineur ou, peut-­être encore provoqué par un chorusde guitare manouche... et qui, en décidant de met-­tre le plus vitepossible, ont rêvé un jour de la fête...Dans bien des cas, il leur aura fallu malheureusement différer

cette envie ou deux ans pour apprendre le solfège considéréencore très souvent comme préparatoire à la pratique de

proprement dit.Peut-­être doit-­on imaginer que cette pratique rébarbative (car

insignifiante et incompréhensible de prime abord pour dejeune ému par la musique) est un moyen utilisé sciemment pourdissuader les trop nombreux candidats au petit nombre de placesouvertes dans les conservatoires.

(3) Il y a des exemples similaires dans le monde du sport.

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Quoi en soit, je considère que cette conception est drama-­tique car elle entraîne fréquemment soit pur et simple de lapratique musicale soit la privation entraînement précoce qui nepourra jamais être compensée par la suite par musi-­cien.Dans un tout autre domaine, aurait-­on idée de faire apprendre à lire à

avant sache parler ? Bien sûr que non !La prise en compte de cette simple constatation de bon sens

éviterait encore bien des désillusions chez des gens qui,toute leur vie, garderont un sentiment de frustration de ne pas

de la musique pour pouvoir en jouer encore .eu pourma part de très nombreux témoignages de cette triste réalité.

On en vient à se demander ne serait pas quelquefois préféra-­bletout simplement, en réponse au désir de un har-­monica,

instrument dont on peut jouer facilement que peutemporter avec soi dans lapoche et rester ainsi loindes influences éducativestraditionnelles conduisant à se mettre lesprofesseur qui a une vision erronée de enseigne. Ajoutonssur ce point que musiciens ont fait carrière sans connaîtreune note de musique. Ceci ne signifie pas soit inutile

le solfège. Comment alors en effet se serait transmise lamusique classique et comment seraient étu-­diées et jouées les

des grands compositeurs. Il est indispensa-­ble lathéoriemusicale mais cet apprentissage doit venir à son heure ettranquillement dans la formation, une fois satis-­faits les premiers désirs derythmeet de joie par lamélodie.Tout cela pour souligner les évi-­

dences qui nous font agir comme enseignant ou entraîneur au quo-­tidien, y a à trouver du temps pour mener à bien desmoments de formation pour les formateurs, moments durant lesquelson peut, de façon apaisée, se fragiliser pour entrer dansde ce que nous faisons quotidiennement. Nous y reviendrons enévoquant plus avant la notion de représentation.

Une seconde digression

faire partager en mettant en perspective deux témoignages.

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Le premier est une pensée latine qui dit que :fois enfant lance sa toupie, elle tombe au centre du. Le second est en rapport avec les travaux

Kübler Ross qui ont consisté à interroger des personnes sachantallaient mourir. Celles-­ci ont évoqué des choses ne se

pardonnaient pas en regardant leur vie passée : la première était depas osé faire ce auraient voulu et auraient pu faire,

-­à-­dire de pas suivi leur désir et leur rêve font le sel dela . La seconde était de pas devenues ce se sentaientpourtantcapables de devenir(4).

-­ce qui a bien pu se passer entre ce désir enfantin mobi-­lisant totalement au point de conduire à à unetoupie et cette amertume de fin de vie ? Le rapprochement entre cesdeux phénomènes est sans doute un peu osé et il est dif-­ficile, bien sûr,de répondre aisément à cette question mais nous devonsrejeter tout fatalisme qui consisterait à les expli-­quer par uneinexorable avancée dans la vie qui ferait perdre ainsi les illusions despremiers engagements. Certaines personnes échappent à cettefatalité et poursuivent, tout au long de leur par-­cours, une quête faitede questions/réponses joyeuses et structu-­rantes.

La mise en avant des seules valeurs économiquedéfendues par la société contemporaine a sans doute une part deresponsabilité importante dans progressive du centre decréativité la personne humaine. Mais il faut sans doute aussichercher quelque explication à ce progressif désenchante-­ment et àcette érosion importante du désir (du moins peut-­on en faire

du côté des systèmes parentale, sco-­laire,sportive, musicale... qui reposent là encore trop souvent en matière

sur des représentations rarement interro-­gées tantelles vont de soi . Il règne en effet dans ces milieux(qui marquent pour la vie) des croyances, des préjugés qui fonttellement partie du que leur remise en cause est inconcevable,empêchant alors toute émergence de représentation alternative. Lea toujours fait comme sert souvent de seule explication auxpédagogies ainsi mises en .

sportifs ne sont pas épargnés par ce phénomène.

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Il est de notre responsabilité voir cela de plusprès, ce qui va demander de la part de tous un certain courage car noussavons par expérience que ne se frotte pas aux évidences censéesavoir fait leurs preuves sans courir le risque de passer pour un vilainphilosophe, un doux rêveur ou un poète généreux mais, sur le fond,bien naïf et décalé.

Notre volonté les conditions de dansde sens par en situation de compétition suppose que

soient introduits dans notre milieu des problèmes qui auraientpas encore été posés, des énigmes qui auraient pas encore étérencontrées... -­on pas par exemple excessive-­ment simplifiéces situations pour nous rassurer tout en donnant de lesmaîtriser ? -­on pas abusivement valorisé les donnéesthéoriques pour nier la complexité du réel ? Où en sommes-­nouségalement de notre propre pensée qui pas aux influences detoutes sortes au point de nous conduire à penser

un des grandsmérites de Gilles Deleuze souligné dansson y avait des pathologies de la pensée notam-­mentquand celle-­ci se croit naturellement orientée vers le vrai. En fait nouspensons toujours certain de auquel du même coupnous ne pensons pas. Nous reviendrons sur ce point en évoquant lanotion de paradigme.En observant le kinogramme(5) lanceur de javelot, il est

difficile de se douter, par exemple, de la très forte -­dancey a à prendre en compte le mouvement ainsi

découpé et à se servir de cette série pour entraî-­ner.dans cette volonté de comprendre faut recevoir les

quelques analyses qui vont suivre. Nous voudrions soientde rencontre et aux problèmes qui se posent à

nous au quotidien. En aucun cas il ne de se mettre à aimer lesplus que la vie et ses compétitions. Il juste, en ten-­tant de

penser mieux, de vivre mieux -­à-­dire de vivre de façon plus lucideet plus libre et par conséquent plus joyeuse.

-­sées rendre compte de son déroulement.

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Un métier impossible...

Ces deux digressions nous donnent de mesurer -­trême difficulté du métier ou . Nous nous yengageons souvent avec beaucoup en méconnaissant

que Freud en avait faite, considérant, pour finir, que cemétier était comme celui de médecin et

politique.au fil du temps que comprend sans doute mieux ce que

cette affirmation veut dire. Cette impossibilité est due au fait quesouhaite, en tant aider à trouver un cheminle conduisant à à adulte alors que ce chemin, il nepeut le trouver que seul. Onmesure alors combien notre responsabilitéest grande et la tâche difficile de devoir gérer ce paradoxe qui est tropsouvent résolu de façon simpliste soit en exer-­çant un pouvoir suren lui indiquant doit seulement se conformer à la Vérité expriméedans le discours de soit en à devoir vivre,sansaucune filiationculturelle, lesmomentscontingentsdesavie(6).

Nous aurons à trouver ainsi notre chemin ennous équilibrant entre deux abîmes, en répondant à la question :

-­ce que vivre pour qui pas nous mais que nousallonsmalgré tout tenter ?

Un discrédit malheureux

Pour commencer, il nous faudra sans doute faire face à undiscrédit malheureux. Le sport donne le sentiment de se dérou-­lerà côté de la vraie vie. Le compte rendu des performances est reléguéà la fin des journaux, que ce soient ceux de la presse ou ceux de laradio. Il pratiquement pas évoqué à France-­cul-­ture. Toutconcourt à laisser croire que les performances spor-­tives sont sansrapport avec le monde de la citoyenneté et le monde de . Cesperformances font ostracisme qui tient historiquementau statut du corps dans la pensée occiden-­tale et au peu de sérieux

faut accorder à des gens qui ne sou-­

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haitent finalement se réaliser un ballon au fond.Nous sommes en partie responsables de cet état de fait car nous

ne nous montrons pas capables de situer la performance dans uncontexte qui permettrait de comme une des expres-­sionsnobles de la condition humaine au même titre que les autres pratiquesartistiques.Nous nous complaisons quelquefois dans cet isolement en ima-­

ginant a pas solutions que celle, évidente, de -­cuper biologique décérébrée quand il est question dupratiquant sportif. Nos catégories sont finalement nos prisons et laréhabilitation du phénomène sportif sans doute pas pour demainà de certains journalistes rendant compte de tout cela.

Il y a quelque temps, eux lors émissionconsacrée au sport diffusée le dimanche, nous expliquait à propos dela victoire dans un grand championnat du judoka Teddy Riner quecelui-­ci devait sa réussite à sa capacité de pouvoir complète-­mentlibérer la qui est en confirmant ce que beaucoup degens pensent en la matière. On peut mesurer est alors assezdifficile, après une telle profondeur de venir raconter queseul le recours à la dimension humaine de la perfor-­mance estsusceptible de conduire à .

ce que nous allons pourtant tenter de faire ici, avecqui sied à toute approche du phénomène humain. Nous

allons soutenir que seul un dans de sonhumanité (imagination, attention, désir, intelligence, persé-­vérance,puissance...) est à même de résoudre les problèmes se poseou qui se posent à lui dans la situation de compéti-­tion et que, si ladimension physique est incontournable, elle ne peut queresituée dans le cadre de cette humanité.Nous qui nous occupons humaines, nous devons être

hantés par ce que le grand théoricien de SG Gouldappelait la de celle qui guette chacun

nous si nous ne faisons pas constantdans la compréhension de la condition humaine. Sans cet effortpermanent, nous pouvons contribuer à couper

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de ce peut vraiment et ainsi, en le dépossédant de lui-­même, lui interdire de produire le dont lui, mais aussi lesautres, ont besoin pour vivre et être heureux et pour que sedéveloppe le de humaine, nécessaire auprocessus qui inclut bien évidemment le phéno-­mènesportif.

Eviter la mal mesure de donc, et avant tout,questionner nos propres façons de penser et envisager, par des rencontresde tous ordres, de clarifier ces façons, de les préciser et éventuellement

changer. Pascal faisait du fait de croire en la vérité directement,une maladie proprement humaine. Travaillons à être moins victimesde cette impulsion et nous servirons de façon plus habile la conditionde humain, celle dont ont besoin les sportifs pour exceller dans lasituation de compétition.

Pour cela, nous allons envisager de façon plus générale lesnotions de représentation et de paradigme que nous avons déjà ren-­contrées dans nos digressions et qui sont à la base de la pensée elle-­même. Ceci nous permettra alors les grandes conceptions quiprétendent rendre compte de du sens ensituation et peut-­être nous conduire à plus de lucidité dans nosdécisions en matière .Aucune modification réelle de nos pratiquesà attendre sans cette analyse préalable qui nous montre que

nous pensons et que, là où nous nous croyonslibres, notre liberté est en fait très relative. Ces influences corres-­pondent à des prémices peu nombreuses profondément enfouies dansnotre esprit et notre culture et qui gouvernent nos moindrescomportements dans la vie quotidienne.Nous faisons le pari dans cette intervention que un

individu réalise ou subit un changement dans ces prémices, ilque les résultats de ce changement se ramifieront dansde son univers. (7) Encore une fois, nous voulons nous situer

à un niveau assez général, quitte à négliger, pour certainsdétails.

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Des représentations, des paradigmes(8)...

Comme nous déjà signalé à plusieurs reprises, nousavons tous, de façon implicite ou explicite, une représentation plus oumoins consciente de la condition humaine et nous utilisons cettereprésentation pour nous comporter au quotidien dans notre envi-­ronnement physique ou social. Par exemple, la moindre consignedonnée par un entraîneur à un athlète au cours exercice pour-­rait,à fil de laine que tire, être remontée laconception de qui la fonde. Il y a derrière dukinogramme que nous avons déjà évoquée une conception concer-­nantla façon dont humain donc . Dans -­ple de

du solfège, dont il a été également questionprécédemment, il y a une sur la façon de devenirmusicien.

Bien quepartageantdes dimensions communesdu fait de vivre dansune même culture, nos représentations nous sont person-­nelles.Face à un phénomène nouveau, le psychisme de chacun nousne se présente pas comme une pellicule photogra-­phique viergecapable ce phénomène de façon passive. Il est rapportéimmédiatement à de déjà présent en nous qui nouspermet de lui donner un début de sens.Ainsi, la pensée individu est en quelque sorte toujours

pleine. partir de son expérience personnelle et des idées acquisesautour de soi depuis la petite enfance, chacun construit à sa façon desconceptions plus oumoins cohérentes. Et la vie, le vécu, les lec-­tures, lescours, les médias etc., conduisent à modifier ceci ou cela, à le rendrecompatible avec le reste des opinions, à ressentir des contradictionsque de dépasser ou manière ouautre. (9)

8. Un paradigme est un système qui exerce un principe incontestable quand il derendre compte phénomène. Dire que est un phénomène géné-­tique relève parexemple choix paradigmatique. Un paradigme est de même nature psychiquemais à une échelle plus importante commecelle groupe -­vidusoumême culture.Engénéralinvisible, un paradigme exerce une sorte de tyrannie sur de celui qui pense en exacerbant chez lui lesentiment explicative et enexcluant touteautrepossibilité .

1. Jouary JeanPierre. Enseigner la vérité. Ed Stock. Paris 1996.

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Avoir des représentations psychiques capables de catégoriser lemonde estdonc inévitable et indispensable car elles permet-­tent derégler, notamment dans la plupart des problèmes rencontrésau quotidien. Francisco Varela fait de cette capacité de catégorisation

des activités les plus fondamentales accom-­plies par tous leset ajoute certains auteurs pen-­sent que les

organismes découvrent ces catégories présentes de tous temps en elles-­mêmes dans et que postu-­lent que cescatégories sont construites de toutes pièces par le sujet lui-­même parcouplage avec ce même environnement, ne change rien au fait quetout organisme ne peut assurer sa survie que par la présence de cescatégories. Ce pas le lieu ici de discuter de la en parun organisme mais cette en est vitale(10). Ajoutons queces représentations servent également à notre avancée endirection de . Elles ont donc dans uneincontestable opérationnalité.

Mais évidemment nous payons (peut-­être très cher) sans en avoirtoujours conscience, cette opérationnalité tant vis-­à-­vis de soi que vis-­à-­vis des autres en matière de bonheur et de joie de vivre. Lesreprésentations psychiques permettent de régler des pro-­blèmes,certes ! Comment les règlent-­t-­elles est une toute autre affaire. Ellespeuvent être de ce point de vue extrêmement trom-­peuses et conduireà une sorte de méconnaissance si elles sont uti-­lisées comme desréponses à des problèmes qui demeurentextrêmement complexes et changeants.

Il faut se rendre compte queMozart avait un innépour la musique ou que Zinedine Zidane est un -­

seul coup caractériser tous les êtres humains, expliquer pourquoicertains sont musiciens ou sportifs et pas, négliger le rôledu temps et de dans le devenir humain, tourner le dosaux apprentissages, faire allégeance à la fata-­lité et au déterminismepour définir nos vies... En somme un engagement grave et peut-­être une considérable prise de risque qui peut nous conduire à malaiguiller le pratiquant sportif au cours des phases et

est amené à traverser.

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Les représentations psychiques résistent au changement

Les étiquettes que nous mettons ainsi sur le monde ou, pourutiliser la belle expression Rey : vêtements quenous avons ainsi cousus au fil du temps pour rendre compte desphénomènes complexes qui nous entourent ont une capacité extra-­ordinaire de résistance au changement notamment aux sys-­tèmes

qui viendraient les contredire.En occupant souvent toute la place, ces vêtements

empêchent à la fois les failles de leur pouvoir expli-­catifréel et donc la nécessité de rechercher alors une nouvellereprésentation plus satisfaisante de ces phénomènes.

Dans notre milieu, nous pas toujours ni le cou-­rage,... ni de situer les débats à ce niveau-­là. Ceci interdit toutevéritable évolution des conceptions de la performance qui nous permettentde fonctionner au quotidien. De plus, de connais-­sances nouvellesne donne aucune garantie de remise en cause réelle des quenous utilisons habituellement pour entraîner car ces connaissances sontsouvent produites dans le même contexte idéologique .Une formation continuée qui proposerait, par exemple, une conférencesur données physiologiques actuelles concernant la contractionde la fibre pourrait tout à fait ne rien changer à la placeaccordée classiquement à la mus-­culation comme facteur de laperformance et donc aucunement atten-­ter à habituelle que nousnous en faisons.Il nous faut en fait batailler avec propre qui, de

façon paresseuse, se contente assez vite des régularités aconstatées dans le monde qui soit les ait trouvées lui-­même soit les lui ait montrées.

Une dernière caractéristique

Nous voudrions souligner une dernière caractéristique desreprésentations (il faudrait en fait leur consacrer un livre entier).sans doute de notre point de vue la plus grave.

-­ (11)mais en

(11) Expression de Louis Jouvet.

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faisant trop souvent de cette hérédité un système clos auto-­suffisant etauto-­prophétique, les représentations peuvent être un obstacleconsidérable à la mise en route travail créateur véritable.Montesquieu le savait lui qui affirmait serait le plus heureux desmortels pouvait faire que les hommes se débarrassent de leurspréjugés.

Pour créer, il faut toujours un tant soit peu déconstruire ce quiexiste déjà, créer un écart, tuer imaginairement ou symboliquement

ou quelque chose... Les représentations peuvent contre-­venirà tout cela et conduire à des pathologies psychiques (souvent invisibles)

consistent à bloquer du fait même construitimaginaire est déjà en place bloquant tout le (12).

Ces dimensions contestables des représentations mentalessont peut-­être moins le fait des représentations elles-­mêmes que de leur mauvaise utilisation. (13) contem-­poraine, en relativisant le poids des données théoriques et en lesrepositionnant plus modestement dans leur pouvoir explicatif desphénomènes observés, nous permet de mieux mesurer

dans nos croyances infondées et de montrer le rapportinfantile que nous avons parfois à la vérité. Nous y reviendrons enévoquant les grands bouleversements qui ont conduit à une autreintelligence de la conditionhumaine et donc de la performance.

12.

1. Epistémologie : science qui étudie les connaissances et les façons de connaître.

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2. Avant la performance, une situation de compétition...

Nous ne regardons pas lemonde qui nous entoure au présent avecdes yeux innocents qui le découvriraient pour la première fois. Cepréambule avait pour rôle de nous alerter des pièges que nous ten-­dentnos habitudes intellectuelles et de nous rendre prudents dans notrerecherche du sens.Une de ces habitudes est une formule qui semble aller de

soi tant son usage est fréquent, à la fois dans les programmes deformation et dans les libellés des sujets et de concours. Ilde de la performance.Cette expression est ambiguë car elle laisse entendre que, est

possible que ceexiste déjà. Or, de notre point de vue et au stade où nous en sommes, laperformance pas encore. Elle existe certes sous forme

intellectuelle dans nos représentations mentales, dans lesthéorisations et les discours fédéraux, dans les modélisationsscientifiques de tous ordres qui veulent en rendre compte mais non ausens où va réellement devoir la produire en situation decompétition. Cette performance à venir, je ailleurs appelée P1(14). Elleapparaît comme au seinde cette situationencréant seulcoupune .Vouloir faire exister cette performance avant soit pro-­duite,

et nous verrons que cette tendance est constante, permet certes de leverquelques inquiétudes et de fixer un objectif clair à atteindre dans

mais nous conduit à beaucoup négliger à la foisde la situation de compétition elle-­même avec ses caractéristiqueset la seule performance qui vaille et nous faut tenter de comprendre(P1) celle à produire dans cette situation, celle qui ne va exister queparce est en train de se faire.Nous sommes là au immense malentendu que nouspas cesser de rencontrer tout au long de ce travail, malen-­tendu

qui a évidemment des conséquences considérables en matière.

Pour essayons de repartir des caractéristiques de lasituationde compétitionelles-­mêmes qui préexistent à toute émer-­

Ed du CREPS de Toulouse Midi-­Pyrénées 1997.

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gence de performance. Il est évident que nous ici quenous-­mêmes et que ces propositions ont pour seul but de conduire àpartager ensemble unmoment de réflexion.

Les caractéristiques de la situation de compétition

Unesituationditedecompétition(15)estune de unchamp,un moment que va être amené à vivre au présent dans un futurplus ou moins lointain. une première difficulté évidente car cettesituationnepourraêtre si veut anticipersurelle.

à la notion de a été et est encore relative-­mentnégligé, tout comme a été négligée pendant des siècles la réflexionécologique par ceux qui souhaitaient pourtant comprendre la réalité dela condition humaine.Les raisons de cette négligence, qui, au regard des modèles scienti-­

fiques actuels, nous ont maintenus dans un état de méconnaissancegrave de cette condition, sont nombreuses. Elles sont pour liéesà la pensée métaphysique dont nous avons hérité culturellement et qui aaccordéà dans uneplaceà la foisdémesurémentdominanteet différente de celle des objets qui . Cette place, nous avonsencore bien du mal à (16) et des dif-­ficultés àcomprendreles conséquencesnéfastesde cettedomination.Parexemple,nousentraînonsencorebeaucoupenintervenantde façon

presqueexclusivesur lecorpsetsur lemental -­à-­diresurunsystèmeisolédes conditions environnementales au sein duquel ce corps . Et siquelquefois, nous tenons comptede ces conditions, de façonpassive etpériphérique en pas puissent avoir un rôlevéritablement du comportement de en train

.(17)

15. Pour approfondir la notion de situation de compétition lire Salanskis Jean Michel : La gauche Ed PUF. Paris 2009.

1. Des cultures différentes de la nôtre (qualifiées souvent de pas, comme nous,négligé la parité individu/milieu dans leur conception de la condition humaine. Pensons par exemple à laculture chinoise (F. Jullien) et à la culture esquimau (J. Malaury) auxquelles on se réfère de plus en plussouvent pourtenterdecomprendrelalimitedenospropresreprésentations.

2. Nous proposons une analyse en adoptant un point de vue très général. Il est bien évident y a desentraîneursquiprennentencompte lesélémentsde lasituationdans laquelle -­lète.

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La situation est complexe. Le mot qui est sans doute trop banalisé

par le langage courant, prend son origine dans le latinqui signifie entrelacement, enchevêtrement, connexion,

embrasement... En général, un phénomène défini comme complexe estconsidéré comme non réductible à un modèle théorique connu etindivisible en qui pourraient être étudiées séparément. Legrand nombre de variables impliquées ainsi que les modifica-­tionsconstantes de chacune elles interdit de pouvoir remonter lachaîne causale qui permettrait de les répertorier et de comprendre leurjeu.Sensible aux presque infinies qui la défi-­

nissent, la situation de compétition peut être considérée commecomplexe. Elle ne possède aucune organisation définissable a priori etse présente donc à chaque fois dans toute sa singularité et sonimprévisibilité.Elle est une sorte absolu ayant sa propre originalité. Elle

forme un ensemble auquel il ne manque rien et qui devra donc êtreappréhendé tel quel par les pratiquants qui vont le vivre.On imagine aisément sera tentant ou de

se débarrasser de cette complexité situationnelle qui ne peut être quesource ou pour les acteurs qui vont y êtreconfrontés. Non seulement débarrasser pas possible maisnous verrons bientôt que cette dimension est inhérente au jeu sportif lui-­même et plus généralement à de en situation parce que toutsimplement nous a conduits à devoir y faireface pour nous structurer comme êtres humains.Cette dimension est la grande absente de la plu-­part

des systèmeséducatifs : systèmesengénéralpluspromptsà faireapprendredes plutôt faire aimer les problèmes.Le règlement de la discipline pratiquée contribue à organiser la

complexité de la situation de compétition. Celui-­ci précise etavant tout une qui correspond au but de lapratique. Cette intention est par exemple de (et non pasnager bien) en natation sportive ou de mettre plus de paniers que

adverse en basket-­ball. Cette intention est ce pourquoi unathlète dit aimer la discipline pratique.

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Nous avons qualifié cette intention de parce que, tout enfixant un but à la pratique, elle aucune manière particu-­lière

ce but. Le pratiquant est juste invité à rester dans les limites durèglement pour y parvenir. Ce règlement, loin de devoir être considérécomme seulement coercitif et contraignant, permet desituations en nombre infini pour ce qui devrait être la plus grande joiedes pratiquants invités, sans limite dans leur expression personnelleou collective, à affronter des problèmes et à trouver des solutionssatisfaisantes permettant de les résoudre.Le règlement encadre la liberté tout en la favorisant. Colas

Duflo parle à ce propos de dans un livre dont on peutrecommander la lectureà tous les entraîneurs(18).Toutes les solutions qui ne sont pas interdites sont bien sûr

autorisées.

Un second facteur de complexité est la présence des athlèteseux-­mêmes au sein de la situation. En effet, du fait de la singularité dechacun eux, adversaires ou partenaires vont contribuer à fairecroître le degré de ce qui va lors de lacompétition.

Ce que nous venons de décrire nous invite à considérer que,dans toutes situations, il y a ce que Gilles Deleuze a appelé des

qui, en se côtoyant, fairepour le pratiquant. Ces logiques correspondent à des forces qui serencontrent, se conjuguent, et instal-­lentdes rapports, des dissymétries qui conduisent le pratiquant à se trouverdéséquilibré, perturbé dans la poursuite de fixé. Ilsubit, par la avec ce ne connaît pas encore, desaltérations qui ne cesseront la production capable derésoudre les tensions et demettre fin à ces dissy-­métries dans lesquellesil engagé pour . Alain Badiou parle à ce propos devéritablesmoments de .

La situation de compétition peut être qualifiée en somme de situation -­à-­dire de situation qui est mais

(18) Duflo Colas. Jouer et philosopher. Ed PUF. Paris 97.

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aurait pu ne pas être. Elle est singulière, jamais existé aupara-­vantet jamais plus dans le futur. Elle est irréducti-­ble

. Elle met en présence des forces toujours nouvelles etexige à chaque fois, un commencement dont il conviendra tou-­joursde prendre en compte la part et -­tion.(19)Elleaboutitàuneproductionde sens.Comment cela se passe-­t-­il vraiment ? vient ce sens ? Dans

quelles conditions émerge-­t-­il ? Malheureusement comme dit le poèteprésent fait toujours . ne peut que vivre ce présent

et tenter avec son entraîneur et seulement à postériori de faire deshypothèses sur cette émergence. Bien des représentations, des opinionssûres -­mêmes, des solutions miracles... préten-­dentcirconscrire le sens et .

Essayons encore... mais en restant fidèle à ce proposJacquard qui écrivait dans la Légende de la Vie : cher-­

cheurs devraient prendre conscience de leur nouveau devoir : nonplus submerger leurs concitoyens ou tech-­niques quotidiennement accumulés, mais aider chacun à édifier unesynthèse personnelle mise en cohérence avec les espoirs et lesangoisses de tous les hommes .

Deux grandes hypothèses (et seulement deux) peuvent êtreenvisagées pour rendre compte de du en situa-­tion.Elles se sont succédé dans sous des formes diverses, laseconde particulièrementdéveloppéeau coursduXXémesiècle.

Première hypothèse : le sens que produit dans une situationproblématique et qui permet de la résoudre, existe déjàet réussir consiste alors à reproduire au plus juste ce sens déjàconstitué.

Seconde hypothèse : le sens nulle part a priori. -­dividului-­même qui, au cours de sa pratique, et le fait émerger unefois soumis à la pression de la situation contingente.

(19) Notre ignorance de la totalité des déterminations extrêmement nombreuses de la situation équivaut à une réelle indétermination de celle-­ci.

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Cette seconde hypothèse est encore assezméconnue du faitde son caractère particulièrement contre-­intuitif, -­à-­dire défiantspontanément le bons sens et parce que, des périodesassez récentes, la capacité de création était presque inen-­visageablepour ordinaire

Il va de soi que le choix de ou de ces hypothèsesconduit à concevoir et des athlètes defaçon extrêmement différente et chacun nous aura bien sûr ày réfléchir et à choisir. Car est de taille. Nous courons lerisque, en utilisant une hypothèse erronée, de desservir non seu-­lementla pratique sportive mais de contribuer également à trahirde la condition humaine conduisant alors à avoir le sentiment de vivreen ayant sa .

En racontant la parabole de cherchant sa et celle delabonnedécoupedu saucisson et dupoulet(20) (cf. Annexe 1), JeanLouis LeMoigne nous prévient des conséquences désastreuses qui peuventsurvenir si, confrontés à la complexité, nous ne menons pas un travailcritique de nos méthodes et de nos représentations habi-­tuelles. Notreattachement culturel qui se traduit en habitudes de pensée est telquelquefois nous rend incapables de voir autre chose que ce quelui-­même nous montre et a alors que les rencontres et leséchanges pour nous faire entrevoir que des idées opposées aux nôtrespourraient bien, malgré tout, nous être profi-­tables.

Commençons par approfondir un peu ces deux hypothèses qui sontdeux lectures différentes de ce qui se passe en matière deproduction de sens dans la situation de compétition.

(20) Le Moigne Jean Louis. La modélisation des systèmes complexes. Ed Dunot. Paris 1990.

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3. Une première hypothèse pour vivre la situation de com-­pétition : le sens existe déjà.

Cette première représentation est omniprésentedans les discours théoriques de tous ordres évoquant les perfor-­mances sportives. Cette omniprésence est confirmée par -­tionextrêmement fréquente par chacun nous de la formule quenous avons déjà évoquée de la . Cetteformule pose le principe que la performance et nenous reste plus travailler sur les paramètres qui la constituentpour augmenter sa valeur.Plusieurs mécanismes intellectuels concourent à donner ainsi une

forme et une identité stables à la performance que nous -­ronsdonc pas, en tant à proposer mais seulementà pour la présenter aux athlètes à des fins .Ces mécanismes reposent sur des conceptions héritées que nousnous devons pour en mesurer la valeur. Nous enprésenterons deux : la substantialisation et la croyance en

qui se trouveront renforcées par -­lisation dumodèle homéostatique.

La substantialisation

Un premier mécanisme nous invite à croire en une forme en soi,en une substance a priori des phénomènes que nous observons, ici laperformance.Ce mécanisme a été mis en évidence par le philosophe Ludwig

Wittgenstein(21) sur divers types de productions humaines. Il est appelé. Il consiste en un piège tendu par le maniement

du langage qui nous pousse à trouver une substance der-­rièreque nous utilisons, derrière le mot une chose. Ainsi, parce

que nous disposons du mot nous croyons spontanémentcorrespond à un élément concret, -­à-­dire chose

et chose de com-­mun àdes réalités est susceptiblede désigner. (22)21. Wittgenstein Ludwig. Le cahier bleu et le cahier brun. Ed Gallimard. Paris 1996.

1. Corcuff Philippe. La société de verre. Pour une éthique de la fragilité. Ed Arman Collin. Paris 2001.

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Notre cerveau a une pour constituer des significa-­(23) tout simplement parce que qui le transporte a besoin

de ces significations pour, en prenant appui sur elles, survi-­vre et. ainsi que quelques ressemblances, quelques analogies

lui suffisent parfois (et ceci plus que reste à la surfacedes choses) pour faire exister un monde chimérique que nous nousmettons pourtant, avec beaucoup à tenter de définir etde matérialiser. La substantialisation des phénomènes nous trompe ennous donnant le sentiment confus mais indiscuta-­ble y a uneréalité quelque part mot la désigne alors que le mot lui-­même qui a créé de toutes pièces de cette réalité.

Descartes et son Discours de la Méthode ne nous a à nouveau pasbeaucoup aidés à mettre en doute ce mécanisme. Ce philosopheprétendait en effet que seules étaient vraies les choses qui se pré-­sentaient à son esprit de façon claire, le reste étant de et de

.Le phénomène de substantialisation ne serait peut-­être finale-­

ment pas si grave pas, une fois installée cettecroyance en une substance de la performance, une très forte dépen-­dance à elle qui nous oblige alors à la matérialiser coûte que coûte.Pour ce faire, la solution la plus simple est évidemment de se réfé-­reraux performances de haut niveau produites récemment, dont letraitement statistique renforce alors la matérialité.

Le tour est joué et la boucle est bouclée. La performance existe, dumoins on la fait exister. Et consiste à viser de façon sage etobéissante cet que nous ne manquons -­leurs pas decélébrer régulièrement de façon assez bruyante. Le jeu de derugby de Béziers -­il pas le rugby définitif comme letennis de Borg... On sait ce en est advenu...Encore beaucoup de formateurs aux

métiers du sport, ont la certitude (du moins à les écouter ils le lais-­sententendre) ainsi formes de la perfor-­mancedans la discipline dont ils sont les experts. Quand, interrogés sur

variété et originalité des comportements, pour-­

(23) Varela Francisco. Né pour Apprendre. Cassette video. ENS.

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suivant pourtant dans cette discipline, une même intention large,(imaginons le tennis de Connors et celui de Mac Enroe), ils sor-­tenten affirmant que ce sont des qui confirment la ety a bien, quels que soient les styles de jeu, des bases qui sontincontestables, que celles-­ci soient techniques ou tactiques.

En anticipant sur les propos que nous allons tenir par la suite maisaussi pour les préparer, nous pouvons dire que le phénomène desubstantialisation nous conduit à une méconnaissance de la per-­formance. Il fait exister une performance qui, en fait, pasencore devra être créée en situation de compétition.Cette création ne se fait pas bien entendu à partir de rien. Elle sup-­poseculture, tradition et expérience personnelle dans un rôle -­pui et derelance individuelle et collective, pouvant aller le cas échéantleur remise en cause et leur dépassement(24).

(25)

Un second mécanisme vient renforcer notre tendance à créer dessubstantielles qui, nous le verrons plus loin, -­posent à

notre réflexion au point de nous laisser croire que les micro-­histoires que sont chacun de nos voyages dans la perfor-­mance, sontfinalement sans importance comparées à la puissance des modèleshétéronomes(26)présentés par les experts. Il de .

un préjugé qui concerne la morphogenèse -­à-­dire ledes . certain point de vue, la performance est une

genèse de forme.qui est un préjugé est véhiculé par une

grande partie de la pensée occidentale depuis Platon et Aristote etconcerne la relation entre la forme et lamatière. consiste à consi-­

24.

1. (de hulè :matière etmorphè : forme) est une conception développée par Aristote quiconsidère que tout être (objet ou individu) est composé demanière indissociableà la fois matièreet forme. Cette distinction entre matière et forme a pesé gravement sur la pensée philosophique

début du XXème siècle entraînant une cascade de con-­séquences notamment en matière. La forme est en général considérée comme idéale et éternelle et du dehors à une

matière inerte.

2. à .Elle consiste à se soumettreà la loi autre.

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dérer que la matière est en elle-­même essentiellement inerte ou, au

que tout processus matériel organisé doit être in-­formé par une source essentiellement extérieure au processus lui-­même. (27)

Deux sources peuvent alors être candidates pourjouer ce rôle : et les informations dont il serait por-­teuret les gènes avec le programmequi trouverait contenu.Gilbert Simondon(28) voit dans le paradigme hylémorphique une

telle omniprésence de nos façons de penser le rapproche de toutun ensemble de comportements notamment de celui qui préside à larelation -­ qui voit ordonner et un autreexécuter.Sans aller jusque-­là bien sûr, il est incontestable que dans le

monde de du sport comme dans celui de engénéral, de nombreuses pratiques reposent surcette logique. -­t-­on pas entendu dernièrement dans les médias

athlète finalement pas besoin de penser puisque sonentraîneur a la responsabilité de le faire pour lui ?La question est posée alors de savoir est possible de vivre

ainsi sa condition humain sans dommage ?En rapport étroit avec la substantialisation que nous venons

le corps ne serait finalement rien matière àlaquelle doit une forme. La question se pose alors de savoir

vient cette forme, quels sont ses degrés de légitimité à se présentercomme modèle, qui la détient et ...? Autant de questions quenous laissons soigneusement de côté car les poser contribuerait àmalmener des logiques fortement implantées dans le monde de

. La conviction y est tellement forte existe sans douteun qui contient lemodèle deper-­formance et qui le tientà notre disposition pour que, en tant que pratiquants, nous tentions,en le copiant, de le produire. Il ne fait pas de doute pour certainsest possible de rencontrer dans cet le engolf, swing dont celui de Tiger27. Stewart John. Op cité.

1. Grenoble. Jérôme Million. 2005.

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Wood ou de Greg Norman ne sont que des variations délicates et personnelles.

Les systèmes homéostatiques

Cette croyance en -­à-­dire en une forme quivient de à un corps qui est invité à -­ter,

trouvée renforcée de deux manières :par de théorisation alternative, milieu du XXème

siècle, qui aurait pu démontrer la possibilité de naissancesans soit nécessaire son existence préalable.

Lamise au point dumodèle homéostatique à la charnière du XIXème etdu XXème siècle pour rendre compte du fonctionnement général de tousles organismes vivants. Cette mise au point incluait de comprendre

ces organismes comme des systèmes ouverts sur leurenvironnement afin puissent y saisir les élé-­ments qui sontindispensables à leur survie.En posant le principe fondamental de cette ouverture à autre

chose -­mêmes, à la fois pour se structurer et pour survivre, ensomme à qui leur est faite des relations, cettemodélisation des vivants comme systèmes ouverts a permis de franchirun saut qualitatif important dans la compréhension de ces systèmes. Cesrelations et cette captation sont au service état quicertes ne définit pas la vie mais au moins la permet. Cet état est appelépar les uns par les autres troisième (29) par

encore (30) par enfin (31) .Il est le lieu incessantes entre et son

milieu, toutes basées (du moins le croyait-­on à sur le seulprincipe de la régulation. Toute baisse du niveau des varia-­blesde (par exemple la température dont la norme

29. Lazlo Erwin. La cohérence du réel. Evolution au coeur du savoir. Ed Gauthier-­Villars. Paris 1989.

1. -­Montaigne. Paris 1989.

2. Le mot homéostasie qui signifie est en fait impropre à rendre compte de ce qui se passeréellement dans ce modèle. Il y a une illusion demême état car est grande dans le jeu constantentre les entrées et les sorties du système. concerne un certain nombre de variables (eau, PH,Glycémie,...)qui sontmaintenuesconstantespar régulation.

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est à 37°) entraîne une cascade tendant à ramener leplus rapidement possible à la température normale.Puisant dans le milieu qui énergie, matière et informa-­tion,

sur des normes inscrites en lui et quià lui, compense en permanence par régulation les

dépenses occasionnées par la vie.Les trois mots-­clés de cette modélisation sont relations

normes et régulation . Nous devons retenir le point capitalsuivant, nous qui sommes à la recherche de la façon dontvivant trouve du sens en situation : dans ce modèle, qui a diffusé dansbeaucoup de domaines concernant le sens (repré-­senté parle maintien régulé des variables définissant -­sie) est ensomme de à vivant car celui-­ci ne paschoisi. en cela que ce modèle renforce les phéno-­mènes desubstantialisation et évoqués précé-­demment.A les savants pensaient bien avaient mis la

main sur le modèle définitif capable de rendre compte du fonction-­nement des machines animales. Ceci à tel point que cemodèle auto-­régulé a permis, entre autres, la naissance de la pre-­mière cybernétique laquelle a permis à son tour, de fuséesdans .

Mais aussi novateur et puissant pu être ce modèle, ilconfirmait que ne peut trouver du sens par lui-­même. Le sensqui apparaît en situation ne peut que à lui de -­rieur duseul point de vue des normes : devant rester dans son activitésous la dépendance de ces normes.

Revenons sur ce point difficile avec quelques mots de résumé. Lareprésentation du vivant comme système ouvert de typehoméostatique a fait franchir une étape importante dans la compré-­hension des phénomènes dont le vivant est le siège en soulignantnotamment organisme qui vit échange pour vivre et que, sansrelations, cet organisme rien par lui-­même. Mais, en mêmetemps met sur les relations et sur une instabilitécontinuellement régulée des organismes qui sont des points essen-­tiels, cette représentation impose le principe de de

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normes, principe qui, vrai au niveau physiologique(32), natu-­rellement étendu à un grand nombre de domaines dans le mondeoccidental et qui laisse entendre que pour vivre bien par exemple ilsuffit de se conformer à des normes. Le monde marchand utiliselargement cette croyance.

Du jeu des normes : un premier bouclage facile et rassurant...

Notre déambulation dans les différents phénomènes quicontribuent à donner corps à la performance nous a montré com-­ment peu à peu imposée que la performance a un sens

et que consiste, une fois précisé ce sens, à essayerde par réduction .Il existe sans doute bien des façons de prendre pour

entraîner mais à un niveau très général, un grand nombre -­traînements reposent sur ce principe décrit dans lesschémas 1 et 2.

Le schéma 1 (page suivante) présente les éléments essentiels enprésence : le temps est représenté par une flèche dans la partiebasse. Celui-­ci se déroule de gauche à droite. La ligne verticale noirecoupant la flèche du temps évoque le moment où la performanceprend forme. Elle est précédée de la mise en situation de compéti-­tionet suivie de de la performance elle-­même.

(32)Ceci est unegénéralisationassezgrossièrequi est sansdoute contestablecomme ledémontre desmaladies psycho-­somatiques. Nous aurons de plus en plus de difficultés au fur et à mesure de desconnaissances scientifiques à distinguer ainsi des niveaux physiologique, psychologique et même social. Noussommesaveclevivantdanslemondedelacomplexitéquelesscientifiques commencent juste àcomprendre.

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48

49

Observé à postériori... Schéma 1

Voir texte Annexe 5

Histoire de vie

Situation de compétition

Avant

Temps

Performance

Après

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4949

Le schéma 2 (page suivante) montre comment, une fois la per-­formance produite par un ou plusieurs athlètes, elle est substantia-­liséeet repositionnée en amont dans la situation de compétition pourinviter le pratiquant à la reproduire. Cette situation ne sert que decontenant passif, sans influence réelle sur la production de per-­formance.

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Un de performance élaboré àpostériori de la production des performancesparlesathlètesdansunedisciplinedonnée.

Schéma 2

50

Situation de compétition Simple contenant

Performance à préparer

Ensemble de facteurs Rationalisation Logique apaisante et rassurante Tautologie

Avant

Temps

Performance

FACTORIALISATION

Après

Voir texte Annexe 5

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Alors, le postulat concernant et estsuffit en quelque sorte de le temps pour prépa-­rer la

performance à venir en utilisant le type idéal dégagé une fois lesperformances produites dans une discipline donnée.

Une fois substantialisée, la performance est traitée de trois façons...

Dégagée en aval de la situation de compétition, la performanceidéale est positionnée en amont de la situation de compétition àvenir pour être travaillée afin reproduite au mieux le momentvenu. On observe trois grandes façons différentes de traiter cetteperformance idéale pour à :Certains entraîneurs sont persuadés que les athlètes qui sont capablesde la produire la possèdent déjà dans leur bagage hérédi-­taire. Lesexpressions pour qualifier ces athlètes sont nombreuses : ils sont

et viennent à autre pla-­nète ... etfinalement, le club qui a la chance posséder peut seconsidérer comme très heureux. La vente et de ces athlètes entreclubs est alors une solution qui -­même puisque, dans cetteidéologie, il est inconcevable système de formationpuisse conduire à une telle excellence.Il faudra que nous analysions plus avant la réalité de cette

qui réduit le rôle de soit à atten-­dreperle soit à trouver des pour . Il lui res-­tera

malgré tout à faire contre fortune bon et à sedébrouiller au mieux avec les athlètes dont il a la charge etceci sans croire vraiment puisse parvenir à une quelconqueexcellence avec eux.Pour experts, la est constituée de fac-­teursen relation. Ces facteurs sont définis à partir des grands domainesscientifiques qui ont depuis longtemps déjà, pris humain commeobjet (schéma 2). Les plus classiques sont anato-­mie, la physiologie,la psychologie et les sciences sociales. Tout y est. a un corps(anatomie) qui fonctionne (physiologie). un être humain(psychologie) en rapport avec êtres humains (sociologie).

Chacune de ces sciences approche en effet les athlètes perfor-­

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mants pour les étudier et dégager statistiquement un quiva alors pouvoir servir de de normes à atteindre pourentraîner, évaluer, détecter, féliciter, juger, condamner...Enfin une troisième façon classiquede faire exister forme estde partir des productions techniques et tactiques des meilleursathlètes dans une discipline à un moment donné. Les connaissancesproduites sont alors autre ordre que celles que nous venons

mais le principe est le même : des productions deces athlètes dans des situations passées permet de dégager des

de se comporter pour tous les athlètes confrontés à dessituations nouvelles (schéma 2).

Une rationalité incontestable mais des questions...

Descartes, encore lui, donnait dans le même Discours de la Méthode les conseils suivants pour comprendre un phénomène :

de chacun de ces éléments, regrouper toutes les connaissances ainsi produites, et faire attention de ne pas en oublier. Nous retrouvons dans ces conseils pour guider sonla démarche que nous venons de présenter. Il

rationalité qui depuis plusieurs siècles. Cette rationalité estséduisante et incontestable mais semble être de plus en plus contestée

quand elle est utilisée pour comprendre les systèmecomplexes.

Des difficultés

Ce modèle du sens comme extérieur au sujet quipratiquepour assurer son développement et son voyage vers -­lencepose, malgré sa logique et son usage extrêmement fréquent dans lemonde de un certain nombre de questions voire uncertain nombre de difficultés.

La première concerne du contexte -­

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sation du vivant comme système ouvert qui, en mettant sur lesrelations, semble pour incontesté, nous pouvons nousinterroger sur cette façon de négliger le rôle joué par la contingenceinévitable de la situation de compétition. En important cette extrac-­tionen amont de la performance pour la préparer, nous nous trom-­ponspeut-­être deux fois : une première en imposant une forme qui pascelle qui devra être produite, une seconde en ignorant la dynamiquepropre de la situation considérée alors comme incapa-­ble de produireà elle seule le sens recherché. Est-­ce que ce pas en somme commefermer le système ouvert que de ainsi à se préparer àvivre la contingence en se moulant sur un sens a priori de laperformance ? Nous verrons que nous forme autantque nous le formons, notion que les philosophes chinois avaientcomprise il y a plusieurs millénaires au point de ne pas avoir eu besoinde concevoir le verbe (33).

Une seconde question doit être posée. Elle tient au décou-­page àpostériori de la performance en éléments (facteurs) qui seraientcapables rendre compte, une fois regroupés et mis en relation.Ne transformons-­nous pas alors la totalité de cette performance enun dénombrable commode sans mesurer suffi-­samment que, cefaisant, nous la mutilons ? Peut-­on en somme développer la mêmedémarche analytique avec des systèmes com-­plexes comme nous lefaisons sans difficulté avec des systèmes compliqués ?(34) Une montrepeut être démontée et remontée car elle est ses partieréunies formant le tout. Il sem-­blerait que pour les systèmescomplexes, le tout soit plus que la somme des parties...

Une troisième interrogation tient au fait que, en agissant ainsi,nous nous enfermons peut-­être dans ce que Yves Barel a nommé unegrande tautologie. En effet, en distinguant à postériori des facteurs dela performance et en les utilisant par la suite a priori pour la rechercher,nous nous donnons la part belle en nous posi-­

33. Leçons sur Tchouang-­Tseu. Ed Allia. Paris 2002.

1.

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tionnant confortablement dans une boucle auto-­réalisatrice dans laquelle les effets sont pris pour les causes. Actuellement, ce phénomène joue par exemple à plein dans la

légitimation de la préparation mentale. On se rend mal compte que ceque décrit quelquefois comme conditions de la performance, laperformance elle-­même et qui en a été faite.

Soulevons une dernière interrogation. Si le sens de la perfor-­mance existe déjà et pour les athlètes de conformerprogressivement en le répétant, comment peuvent-­il réussir àrésoudre les problèmes toujours nouveaux que propose la contin-­gencedes situations de compétition ? Et puis comment peut-­on être aveugle aupoint de ne pas se rendre compte que beaucoup eux montrentau haut niveau de belles qualités de créateurs (Fosbury, Santoro,Federer...).

Il faut prendre très au sérieux cette phrase de Michel Serres,phrase reprend à plusieurs reprises dans ses livres et qui,pointant sans doute ce qui est une illusion, nous invite à chercherautrement et ailleurs :

définir la vie ? Par ce récitnouveaux, contingents, imprévisibles avant ne seproduisent mais formatés en chaîne quasi nécessaire

la dessine descendant vers . (Rameaux. Ed Lepommier)Activant notre raison, nous légitimons sans scrupule ce qui est

déjà arrivé en lui trouvant des causes nécessaires et logiques maisceci nous empêche alors de le considérer comme . Du mêmecoup, nous pas des conditionsde .

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4. Un XXème siècle décisif : une seconde hypothèse

Malgré les horreurs qui y auront vu le jour, le XXème siècle aura étéde bouleversements considérables dans la compré-­hension

de la condition humaine et de ses . Nous évoque-­rons trois deces bouleversements très significatifs pour notre pro-­pos :Le nouveau statut des et scienti-­dans leur rapport à la ouvrant ainsi un espace de réflexionpour aborder le réel. Ce sont pour la plupart des philo-­sophes dessciences qui ont contribué à ce nouvel éclairageépistémologique.Les stupéfiants progrès réalisés par les sciences du cerveau.Enfin de capables de rendre

compte de façon plus satisfaisante de la dynamique des sys-­tèmesvivants et notamment de leur capacité à produire du .Nous avonsdéjà souligné la grande avancée qui fut celle de modéli-­ser cessystèmes comme des systèmes ouverts auto-­régulés. A par-­tir desannées 1950, certains scientifiques vont aller considérable-­ment plusloin en mettant en évidence que ces systèmes sont, dans tous lesdomaines qui les concernent, -­ invitant lesindividus que nous sommes à se constituer en sujet de leur proprehistoire. Ceci change évidemment considérablement les choses enmatière de compréhension de de la perfor-­mance.

A la suite de la philosophie des Lumières au XVIIIème siècle etnotamment le travail de Denis Diderot sur lascience a pris une place de plus en en plus importante dans -­cation des phénomènes du monde installer dans lacroyance en son pouvoir explicatif total.

de cette croyance présente dans mais aussidans le milieu des scientifiques eux-­mêmes, se situe au début du XXème

siècle avec la vague du et du . Pour aller àces positions philosophiques encore très en vogueprétendent que la science connaître les choses

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comme elles sont, est donc à même de résoudre tous les pro-­blèmes réels(35) (...) et convient ses méthodes à tous lesdomaines de la vie.Il faut souligner est incontestable que des connais-­

sancesproduitespar lemondescientifiqueet desexpé-­riencesde tous ordres au fil du temps a contribué à un progrès consi-­dérable dansla compréhension des phénomènes en général et des phénomèneshumains en particulier. contemporaine ne nie pas cela etnous verrons que la notion de dégagée par le travailscientifique peut jouer un rôle important si on ne la can-­tonne pas à cellede définissant .Forts de cette croyance positiviste, il était inévitable alors que

grandisse une espérance laissant entendre que la science allait pou-­voirtout résoudre. Le scientifique est ainsi devenu, quelquefois malgrélui, qui puisque par définition, il ne cesse de dépasser designorances et des erreurs. savoir ne serait par lui-­même que facteurde progrès met à la disposition de -­manité des moyens

efficacement sur tout ce dont dépend sa survie et son bien-­être.(36)

Cette attitude naïve malheureusement encore développée àau lycée, dans les universités... et dans nos formations nous

invite à ne comprendre les productions humaines que du seul point devue de ce que les sciences en disent et contribue à faire obstacle à ce

nous se développe une interrogation active sur ce qui nousarrive et sur ce qui se passe au niveau de notre être intime.Trois évolutions essentielles se sont heureusement produites

dans le monde des sciences. Même si elles ne sont pas encore inté-­gréespar tous les scientifiques, ces évolutions bousculent nos naï-­vetés etprécisent les conditions utilisation plus pertinente desconnaissances scientifiques.

A observer le travail scientifique proprement dit, les philo-­sophes des sciences ont mis en évidence que le champ scientifique, loin

un lieu apaisé surgirait naturellement la vérité, est le siègede polémiques invraisemblables, de tendances fortes quide remises en cause, de dépassements...La science a

35. Lalande André. Vocabulaire technique et critique de la philosophie. Paris PUF. 1976.

1. Jouary Jean Pierre. Op cité.

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une histoire produite par la dimension critique constante déve-­loppée par les scientifiques eux-­mêmes sur leur propre travail. Cespolémiques (jamais réellement dévoilées à ni apprises à

contribuent à faire de la vérité scientifique, une vérité pas-­sagère, une nouvelle vérité pouvant à chaque instant venir contre-­direla vérité en place. Une théorie est vraie et seulement vraie dansthéorique dans lequel elle a pris naissance.Dire ceci pas tomber dans un relativisme conduisant à

de ce type de savoir. Bien que passagère, cette vérité joueun rôle considérable car elle permet à la fois le réel et deservir à cette interrogation. On ne se questionne que du pointde vue de ce que sait déjà. peut-­être uniquement àcela que sert la connaissance.

Unedeuxièmeévolution produite autourdes années 1990formaliséepar le biologisteHenri Atlan(37). Il nous proposede com-­prendre quethéorie est sous-­déterminée par les . Derrière cette formule un peuobscure, se cache une attitude intellectuelle qui est, pour nous qui avonsaffaire de façon professionnelle aux êtres humains, quasimentincontournable. Il de comprendre théorisation quellesoit concernant des faits, est toujours impuissante à rendre compte dela totalité de cesmême faits.

Dans le monde du vivant notamment, ces faits sont tellecomplexité peuvent recevoir des théorisations différentes

quelquefois aucun rapport entre elles. Contrairement à ce quepourrait penser, ce sont les faits qui sont complexes et les théories

qui prétendent en rendre compte, simples (trop simples).

Cette constatation a cinq conséquences majeures en termes de positionnement vis-­à-­vis du réel :

Elle change le statut classique de la loi scientifique. Eneffet, plus la particularité individuelle qui est résumée sous lagénéralité de la loi mais la généralité qui de valeur que toute

.(38)

37. Atlan Henri. Forum Le Monde -­Le Mans. Science et philosophie pourquoi faire ? Paris le monde éditions 1990. Du même auteur Tout non peut-­être. Ed du Seuil. Paris 1991.

1. Leblanc Guillaume. La vie humaine. Ed PUF. Paris 2002.

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Elle invite au respect de la réalité sur laquelle nous avons tendanceà jeter trop vite nos . Il devrait être considérécomme de de mentale, le fait de mainte-­nirconstamment une distance entre le réel et les discours que tientsur lui. Peut-­être à cet égard, faudra-­t-­il envisager une autre forme dedialogue entre les entraîneurs et les scientifiques. Ceci suppose que cesentraîneurs puissent résister à com-­ desconnaissances théoriques, ce qui ne va pas sans que chacun euxfasse le voyagede la philosophieet de la science.Elle invite à réinterroger constamment la validité de nos

explications qui pourtant nous paraissent évidentes, allerchercher des richesses théoriques insoupçonnées dansdomaines quelquefois assez éloignés comme celui de la musique ou dela poésie...Elle ne doit pas conduire au mépris de la théorisation scienti-­fiquemais à son utilisation prudente... nouvellethéorisation rendantmieux compte du réel observé. A ce titre, il ne fautnégliger aucun détail concernant les faits car ce sont ces détails qui,

ne pas avec la théorie utilisée, peuvent seulcoup permettre de la remettre en cause et de la faire évoluer. Ceciexige évidemment une attitude très ouverte de la part de celui quithéorise car il peut être conduit à toutmoment à devoir changer .Enfin, elle invite à la dans la raison, sagessedont Roland Barthes précisait que, venant du mot latinelle se trouve au carrefour étymologique de quatre sens. pouvoir,un peu de savoir, un peu de sagesse et le plus de saveur possible.La raison ne plus la vérité comme on pouvait le penser

auparavant mais, en contribuant à de nouveauxmodèles théoriques, elle permet demieux observer et expliciter le réel.Elle pousse à le penser autrement et permet, pour un temps, surlui ce nouvelle modélisation plus perti-­nente soitimaginée.

Les avancées des sciences du cerveau

Organe de la vie de relation dans la logique qui préside à la

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constitution des organismes dans lemonde animal, le cerveau (sys-­tèmecérébro-­spinal) est au des problèmes de dont nouscontinuons à tenter de comprendre .Nous avons reconnu des relations dans la défi-­

nition et dans le devenir de humain (notion de systèmeouvert) mais nous avons besoin de comprendre maintenant com-­ment cela se passe vraiment. Est-­ce que le milieu qui est por-­teurdes solutions aux problèmes que ce même milieu pose à -­nisme etauxquelles celui-­ci accède par adaptation ou bien ces solu-­tions sont-­elles à chaque fois une invention sous la pression des cir-­constancescontingentes dont lui-­même fait partie ?Le XXème siècle a vu proliférer les recherches sur ce système donta longtemps fait peur mais dont on découvre progres-­sivement

de nouvelles caractéristiques qui renouvellent profondé-­mentque se faisait de son fonctionnement, modifiant du même coup laconception que pouvait avoir de la condition humaine.En formation dans notre milieu, il est rare de voir envisager les

problématiques de et de à la lumière dufonctionnement du système nerveux et quand parfois, nousabordons ce système, pour le décrire le plus souvent au plananatomique et ne retenir de lui que quelques données sommaires surle le et mouvement

. Cette lacune est grave car elle nous maintient dans desreprésentations de de pratiquer une discipline et de entraî-­nerqui maltraitent les athlètes en entretenant une vision erronée sur lafaçon et et qui se concrétisent par exemple dans lestitres des magazines sportifs comme : Gasquet, le génie que

...Les spécialistes avouent pour sont loin une

vue précise et définitive du fonctionnement de cet organe et quebien des choses restent encore énigmatiques mais estincontestable que des avancées majeures ont eu lieu dans troisdimensions :Une meilleure connaissance des caractéristiques du cerveau de

La mise en évidence de la structuration progressive du cerveau

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Une compréhension plus fine de son fonctionnement pourassurer cette structuration avec la proposition de concevoir doréna-­vantce système comme un système qui -­organise.

La donnée anthropologique fondamentale que nous allons évo-­quermaintenant doit rester constamment présente à car

que découle un nombre impressionnant de consé-­quencesdans beaucoup de domaines concernant humain.

une donnée de un peu étrange car une don-­néede de . humain en effet ne vient pas au mondecomplet, achevé, accompli. Les autres êtres vivants, à des degrés diversen fonction de leur place dans de naissent en étantdéjà ce sont et deviendront irrémédiable-­ment.Nous, nous naissons en quelque sorte trop tôt, inachevés,

comme avant terme et sommes du même coup extrêmement dému-­niset presque en détresse, comparés aux nouveaux-­nés espècesanimales. Cet état de prématuration(39) exigera de de la

lentement tout au long de et de -­cence et, à desdegrés moindres, la fin de la vie, nous ouvrant des margespropices à des possibilités multiples, notamment celle de créer du sens etdonc des normes (normativité)(40).Puisque la nature ne la donne pas notre

humanité biologique a ainsi besoin apport extérieur, sorteà que Fernando Savater(41) a définie

comme seconde et qui va pouvoir avoir lieu etseulement lieu y a rencontre avec une culture.Ainsi en naissant hommes, nous ne sommes pas encore

humains. par la culture qui entoure à la naissance, cellede son père de sa mère, celle de ses proches parents, celle des habitantsdu lieu où il vit... mais aussi grâce à de

39. Canguilhem).

1. Cette immaturité initiale dote le cerveau de la qualité de plasticité. Cette qualité lui assure à la fois la capacité de se transformer et de conserver les effets de cette transformation.

2.

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lui-­même qui investit et réinterprète cette culture, que va pro-­gressivement se dérouler cette seconde naissance. Notons que cettecaractéristique invalide totalement deartistique par la dimension génétique.Que serait devenu Mozart était né au Kenya ? Il est éton-­nant

certain nombre de personnes continuent de croire quecela rien changé et aurait à peu de choses près, écrit lamême ...

de montre que celui-­ci a supplé de deuxfaçons à ce déficit de spécialisation qui ne lui permet pas seulsa survie à la naissance.Soit on ajoute à quelque chose qui existe déjà, quelque

chose qui est présent dans les sociétés humaines, sorte de sagesseaccumulée par les générations précédentes et alors se posentseulement des problèmes de transmission,Soit on ajoute quelque chose qui pas encore, quelquechose à inventer, nonpas en fonction préexis-­tantesmais enfonctionde posée par la situationcontingente.Onmesure de faire le point sur ces deux possibi-­lités

et sur leur éventuelle interdépendance qui renvoie aux rap-­portsla tradition et la modernité, rapports trop souvent

réglés par le choix de et de .Quoi en soit pour la comparaison des cerveaux des

différentes espèces animales a conduit Pierre Karli à proposer dansune formule concise et cardinale une conception de la condi-­tionhumaine :

ne peut manquer de voir, dans la phylogenèse et dans -­togenèse humaines, un mouvement continu allant vie forte-­ment marquée par la spatialité, la nécessité et la répétition, versune vie de plus en plus empreinte de temporalité, de contin-­gence etde créativité. La liberté, assumée avec prudence et mesure, en est

aboutissement qui fonde la dignité singu-­lière de. (42)

initiale de notre espèce nous conduit à devoir eneffet retenir le temps comme fondamental dans pro-­gressive du cerveau après la naissance. Le temps, celui de

(42) Karli Pierre. Le cerveau et la liberté. Ed odile Jacob. Paris 1995.

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de ... veut dire ici -­tionde ce cerveau à jamais inachevé. ini-­tiale

signifie aussi nous faut être prêts à dans la contin-­ etque, naissant dans un milieu particulier sans aucune pré-­paration à lavie, il nous faudra agir dans des cir-­constances qui

?

-­ Une fragilité nécessaire

La première réponse que apporte spontanément dansnotre culture, à sa fragilité constitutive (spécifique dehumaine) est de tenter de la dénier ou de en se rendant

de tout un ensemble de connaissances censées lui permettre defaire face avec efficacité aux situations à vivre. pro-­voquéepar la contingence de ces situations peut en effet sembler de primeabord un handicap à la résolution des problèmes qui posent. Endonnant une consistance a priori à la performance à réa-­liser, latendance à et à la substantialisation que nous avonsévoquée précédemment, contribue à repousser voire à éliminer cetteinquiétude. sans doute une des rai-­sons du succès deces deux mécanismes.Faceà lacontingencede lasituationdecompétitionetà

génèrede fait, la solutionapportée à est en effet souvent, nonpas à faire face à mais de ten-­ter de copier uneforme rassurante, normée et... reconnue.Malheureusement, il semble que cette attitude ne soit pas la

meilleure et que, tout au contraire, la fragilité et quisont à la base de la structuration du sens lui-­même.

Miguel Benasayag qui a consacré un livre au thème de la fragilité, faitde celle-­ci une des principales conditions de la puissance . Là oùla force souvent au mépris des circonstances, la fra-­gilitéouvre à la connivence avec elles et donc à . Lesconnaissances servent moins alors à rendre fort aiguiser plusencore cequeFabriceMidal(43) appelle cette capacitéàvivredans .(44)

43. Midal Fabrice. Risquer la liberté. Ed du Seuil. Paris 2009.

1. cf. le poème de R.M Rilke en Annexe 4.

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Les athlètes doivent consentir à la réalité, donc à et àla prise de risque, qui toujours, tout cela depuis le plusjeune âge. Curieusement, parce que, en tant -­neur,nous donnons quelquefois le sentiment lesque celui dont on hésite à dans la situation qui estpourtant la seule à contribuer à ce puisse construire les siennes.On ne saurait mieux dire que Michel Serres ce que nous devons à

cet inconnu inquiétant qui est devant nous. Il écrit dans son livreRameaux :

rencontre tel obstacle qui à mon projet : pressécontre un mur, le flux de conscience, comme élastique, y accumule de

qui, si elle trouve un chemin pour le contourner, le dépasse,ailleurs, surgit par une issue inattendue, comme un rameau

nouveau, dans une autre direction que le projet détourné par cet obs-­tacle.produit mon ressort et ma ressource, compte mon temps et

donne le moteur. Invention et conversion jaillissent de cetteressource. Surgirait-­il une nouveauté, dans mon temps, sans que je

?Quel risque àma couche, de grandmatin ?Au même sens littéral, -­istence au repos oude . Ainsi me lance-­t-­elle dans le temps. Pierres et

morts se reposent, cois. Sans inquiétude, existerais-­je ? Cette ques-­tionne fait que répéter deux mots équivalents. signifie : je

. Je donc . Le fameux cogito deDescartes le dit sans le dire, puisque penser, au sens littéral encore, veutdire peser : évaluer un poids sur une balance. Il a pas de pesée nide bascule sans petits ou grands écarts à . doncmon temps a ce moteur. Sans cette inquiétude, je pas;; sanselle, mon état équivaut à la mort ;; Elle ressuscite. Le rameau a la formefourchue de et la fonctionmotrice -­cumulateur, sans lesquels ila ni temps ni existence, objective ou subjective, naturelle ou

culturelle. En nous écartant de mortel, nous faitnaître. Engrangez des trésors -­quiétudes;; elle jette en existence.Sans les dangers mortels courus ... saurions-­noustransformer quelque événement en un avènement : inventerions-­nousun nouveau mondeCette apologie de la fragilité et de ne veut pas direfaille, quoi arrive, se inconsidérément dans

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toute situation nouvelle mais que la prudence ne doit pas conduire àrefuser le face à face avec la réalité qui est, avec lui-­même,la principale source de vie. Cette prudence pas celle qui inhibe etpérennise en à tout changement mais celle qui,saturée de connaissances, permet des paris lucides et ouvre à deshorizons inconnus.Le cerveau est plus vaste que ce à quoi on le limite.

-­ La plasticité cérébrale : une qualité ambiguë

du système nerveux à la naissance qui est pro-­piceà de comportements extrêmement nombreux et variéspeut poser problème double point de vue. part, ce systèmepeut être comme laissé par insuffisance ou manque derencontres avec un milieu social structuré (cultivé) lui permettant lespremiers babillements(45) dans du langage mais également lestâtonnements dans tous les autres domaines (moteur, émotionnel...).Les étonnantes capacités de résilience du cerveau permettront certesquelquefois en cas de carence relation-­nelle, de rattraper le tempsperdu mais avec une plasticité cérébrale qui, le temps passant, ne seradéjà plus la même. part, cette plasticité est une véritable

aux conditionnements les plus aliénants.

La survenue de ces deux éventualités ne peut que renvoyer au rôleessentiel tenu par dans la croissance du petit et à

critique des valeurs que cettemême éducation véhicule.

(46)

de -­

45.

1. Denombreux courants enneurobiologie et en sciences de la cognitioncoexistent et -­nisentautourdes mêmes principes pour rendre compte de du sens. Des nuances dis-­tinguent ces différentscourants, nuances quenousne pouvons pas ici prendre encompte. Lemot utilisé par GilbertSimondon équivaut à ou pour Francisco Varela, à auto-­organisation pour

... Simondon utilise aussi le mot -­ pour ajouter quelques précisions au phénomène.Nousnous limiterons ici à la seuleutilisationdu terme .

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breux et extraordinaires possibles à même de nous permettre de nousaccomplir, il nous invite à entrer dans la vie pour un devenir qui posealors la question du but à atteindre comme sens à trou-­ver ou biencomme sens à inventer.Quoi en soit, notre responsabilité humain est sans

doute que chacun nous exploite aumieux cet inachèvement.Dans notre recherche du sens, nous avons déjà rencontré une

première hypothèse, celle déjà qui imposesoumette pour garantir la réussite du parcours menant à -­lence.

pour cette hypothèse consiste à déclarer que le cerveauassure sa fonction de mise en relation de avec

en captant des informations qui y sont déjà pré-­sentes tant au plan physique plan culturel.Des données nouvelles ont contribué à remettre en cause cette

conception classique qui reste malgré tout encore un dogme prédo-­minant dans les sciences qui à ces problèmes. Ellesconduisent en effet à une conception très contre-­intuitive par rap-­portà ce que imagine habituellement en matière de production et deperception du sens.

Cette conceptionpostule a rien dans quece que apporte avec lui, apport a construit au cours desa vie passée précédant la situationà vivre.Ceci remet évidemment en cause le rôle habituel que fait

jouer aux valeurs liées à la culture ou à la science comme. Ces deux dimensions restent bien sûr très impor-­

tantes mais dans un nouveau rôle que nous évoquerons plus tard caril avant tout de respecter la trajectoire singulière de la vie quiouvre à un seul monde, celui de chacun nous, même si cettetrajectoire devra être accompagnée et enrichie.

Cette théorisation nouvelle des systèmes vivants repose sur lephénomène qui invite à redécouvrir, pour cessystèmes comme pour beaucoup du monde physique, -­portance centrale du principe .Influencée par les grands précurseurs que furent Lamarck et

Darwin, cette théorisation prend racine dans les travaux de Bergson quifut le premier philosophe à insister sur le rôle structurant du temps. Ilallât proposer que le vivant soit comme regis-­tre où letemps -­à-­dire que le vivant se transforme

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non conformément à un programmedonné au départ et quise dérouler mais du fait même de la vie qui passe et des pro-­blèmesrencontrés au cours de cette vie.De nombreux scientifiques et philosophes depuis, notamment

ceux qui se sont intéressés à la perception(47), fait cetteidée fondamentale sans jamais la remettre en cause. Là où nousattendions que les recherches nous présentent un être humainidentifiable, stable, ayant des qualités ou ne les ayant pas, -­à-­direun sujet qui ne manquerait pas de mieux en mieux connu etmaîtrisé, nous découvrons un être en devenir permanent, devenirqui pas celui être déjà mais devenir de

même de cet .Devant le foisonnement théorique actuel, nous ne pourrons

évidemment ici les grands principes de cette nouvelleconceptualisation qui renversent bien des idées reçues et modifientradicalement notre vision dumonde.Le point clé de cette conception est qui doit être

accordée à la genèse de à son histoire, pour qui sou-­haitecomprendre son organisation. Celle-­ci apparaît comme une formene faut pas approcher pour la comprendre en la décri-­vant une foisconstituée mais plutôt nous pencher, dans cette nou-­velle perspective,sur le processusmême qui conduit à cette forme et qui conduit cetteforme à se sculpter elle-­même.La découverte fondamentale est que indi-­

vidu pas la cause de son évolution et de sa transformation maistout au contraire, elle en est la conséquence. est

(jamais achevé) processus qui senomme la vie. ni complet ni substantiel : il desens que dans et par qui le dépose et lemet de côté autant par participa-­tion. (48)

Ainsi, le développement être vivant ne va pas uni-­verselabstrait à existant mais actualise un champ problé-­matiquevirtuel, intensif et réel en individus .(49)

47. Merleau Ponty Maurice. Phénoménologie de la perception. Ed Poche Paris. Mai 1976.

1. -­biologique. Ed Millon. Paris 1995.

2. Zourabitchvili François. La philosophie de Deleuze. Ed PUF. Paris 2004.

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La vie réside ainsi loin de thermodynamique, là où secôtoient et le désordre, la stabilité et le changement que nousavons déjà rencontrés en évoquant la notion . Dans laFin des Certitudes(50), Ilya Prigogine surenchérit en écrivant : scienceclassique privilégiait la stabilité, alors tous les niveaux

nous reconnaissons désormais le rôle primordial desfluctuations et de . Associés à ces notions apparaissent aussi leschoixmultiples et les horizonsdeprévisibilité limités.

-­ Un état pré-­indivduel : un champ de force.

La question qui se pose alors est la suivante : quels sont les élé-­ments qui engagent et perpétuent le devenir? ou, exprimé autre-­ment, provient cette dynamique qui semble créer detoutes pièces contribuant ainsi à le ?

Ce que montre Simondon, et qui a été depuis repris de nom-­breuses fois par différents auteurs, que là où métaphysique de

stable se donne selon un principe extérieur,transcendant, qui précède cetteopération même et les relations suppose avec -­mentqui est . Certains vont même parler de réa-­lisme desrelations tant de ces relations est alors considérable.Elles nemettent pas en rapport deux entités déjà dis-­tinctes, un individuet son environnement, mais forment de toutes pièces ces deux entités.

-­ci ne précèdent pas la relation. Elles en sont la conséquence. (51)

Le champ définissant la situation à vivre est fait de flux, de dif-­férences de potentiels, de dissymétries apportées par la contingence à

de la situation de compétition que nous avons décrite,organisée par une intention large, un règlement, un ou des sujetssinguliers essayant de . Ce champ est en somme consti-­tuéde forces hétérogènes au sein duquel va apparaître un celui dela performance réalisée.

50. Prigogine Ilya. La fin des certitudes. Temps, chaos et les lois de la nature. Ed Odile Jacob. Paris 1996.

1. 2002.

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Dans une perspective classique, nous aurions tendance à vou-­loirgommer ces différences et turbulences pour que cet ordre se dévoile delui-­même. Dans le nouveau paradigme, ce sont les diffé-­rences elles-­mêmes qui, en se frottant les unes aux autres -­à-­dire en jouantles unes avec les autres, vont permettre ordre,sens qui est en quelque sorte une véritable créa-­tion.Gilbert Simondon prend de la vision binoculaire

pour expliquer ce phénomène -­à-­dire de créa-­tiondimension nouvelle. Chaque envoie au cortex visuel une

image bi-­dimensionnelle différente. Il y a de fait installation de cenomme une disparation(52) entre les deux images, une sorte dedissymétrie. Cette dissymétrie, loin de créer un problème de visioninsoluble pour fait émerger une nouvelle dimension.

fait surgir la vision tridimensionnelle avec vision du reliefcomme résolution créatrice de la disparité entre les deux rétines. (53)

Il faut souligner le point essentiel suivant : il ne pas dans cettecréation nouvel ordre établi par élimination des diffé-­rences ounégation des contradictions mais tout au contraire appui constantsur ces contradictions et sur les relations génèrent et quiproduisentune irruptiondu sens qui, grâce à elles, les dépasse.En fait, vivant est un inventeur qui résout des pro-­

blèmes et qui a besoin de ces problèmes pour être et restervivant.Le témoignage des inventeurs montre se passe en eux des

phénomènes similaires. Ils intériorisent les tensions propres à undomaine considéré. se mettent dans le problème, ils y pensentconstamment, ils sont dans un état métastable (instable) riche etcontradictoire et la solution vient comme une structure résolu-­tricede tension. Ce qui était disparate et potentiellement inco-­hérentprend sens : soudain ou progressivement, les éléments dis-­paratestrouvent une organisation qui sonne juste et qui les fait entrer enrelation, consonner, communiquer.

52.

1. Deleuze Gilles. Différence et répétition. Ed PUF. Paris 1968.

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Les premières études des système ouverts instables (métasta-­ble)avaient permis ces systèmes comme capables -­surer leurexistence par autorégulation. Nous étions, on sou-­vient, dans lemonde de . Voilà que découvre ces systèmes capablesde -­organiser sous certaines conditions, notamment celles detravailler à résoudre des problèmes non encore maîtrisés. Il va de soi quenous retrouvons là bien des éléments de la situation de compétition telleque nous présentée en com-­mençant et il est probable

exigerait une profonde réflexion suret ses conditions de réalisation.

-­ Des moments de crise

Francisco Varela appelle couplage cette mise en relation deforces hétérogènes. ce couplage, cette rencontre qui provoque au

de la situation à vivre des récurrences, des résonances, desturbulences, des oscillations... Il véritable déstabilisa-­tionque peut qualifier de moments de crise qui ont deux issuespossibles : soit le système résout les tensions et crée une dimensionnouvelle, soit il parvient pas et il se déstructure pour disparaître. A lalimite de ce que sait déjà faire le système, il y a pour lui unehétérogénéité acceptable qui va le conduire en se déphasant, àamplifier son organisation. Il apprend.Ces moments alors successivement pour former une

histoire singulière : celle du sujet qui, individué, estdevenu un individu individué. Ainsi, la conception que nous pou-­vions avoir être humain comme acteur principal de son his-­toirede vie au profit être humain en dont

et la capacité augmentent et se renfor-­centgrâce à des occurrences qui le déstabilisent.

-­Deux créations conjointes : le sujet et son milieu associé.

Les expériences déjà relativement anciennes de privation sen-­sorielle chez le chaton(54) ont permis de mettre tout ceci en évidence endémontrant notamment pas soi

(54) cf. Annexe 2.

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dans . Les objets, les informations... émergent desensori-­motrice constante de dans la situation oùest placé.

Cette observation a été décisive pour renverser générale quiveut que connaître consiste à en prenant de -­mationsur des éléments présents dans . Il a en fait, pourun sujet donné, rien à prendre dans cet environnement si ce ce

perçoit au titre de ce a déjà construit au préa-­lable et qui setrouve ainsi in-­formé par son action au fil du temps.

Pour faire face aux activités quotidiennes mais aussi pourouvrir le champ des possibles à la création, il a ainsi pas -­tresappuis que ceux construits par qui devient par répé-­titionhabitude.

André Pichot(55) propose de définir le vivant par sacapacité à constituer en une entité distincte de ce qui devientainsi sonmilieu extérieur... . Ce qui signifie que vivant pasune entité définie de manière absolue par sa seule cohérence interne(la cohésion de ses parties) au sein environnement défini demanière tout aussi absolue comme ce qui pas com-­pris dans cettecohésion, mais que une entité définie par rapport à unmilieu extérieur qui lui-­même tel que par rapport àelle et pour elle.La vie correspondrait à un mouvement de distinction de deux

termes (le sujet et son environnement) mais qui resteraient malgré toutreliés par leur histoire commune.Je me suis longtemps demandé ce qui pouvait distinguer la

perception Mickael Jordan panneau de basket-­ball et lamienne quand je regardais un panneau similaire. en effet pu endire la couleur, lui aussi, en préciser la forme, lui aussi, et pourtantquelle différence dans ... Il me manquait pour comprendrecette différence de rencontrer le concept de milieu associé quedoit àAndré Pichot(56). Cemilieu associé, présent dans sa tête et pas danslamienne, est celui a construit du fait

55. Pichot André. Petite phénoménologie de la connaissance. Ed Aubier. Paris 1991.

1. Pichot André. Op cité.

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même de son histoire dans cette discipline et que personne quelui ne possède. Chacun le sien, chacun son milieu associé uniquequequelquefois les basketteursévoquent enparlantde leur .Il convient pour ce chercheur de distinguer ainsi trois éléments

importants : son milieu associé, et géo-­graphique que cet individu ignore, ayant pas conquis la

. vivant est donc, par son organisation par-­ticulière, à mouvement dont il est aussi le but, unmouvement qui le constitue et le différencie du non-­soi constitué enmêmetempsquelui. (57)

vivant une entité que relativement à cedont il se distingue et que, du même coup, il connaît. Lesens est là dans cette invention/distinction.

Bien sûr, cette affirmation suppose une extension radicale de lanotion de cognition (processus de la connaissance) qui englobe alors,comme nous le suggère Francisco Varela, tout le processus de la vie ycompris les émotions et le comportement. On comprend ait pualors différencier en matière les savoirs morts dessavoirs vivants. Les savoirs morts sont ceux acquis sans cettedimension de pertinence et de puissance pour le sujet qui les apprend.Tout au contraire, les savoirs acquis sont vivants quand, appris en lesréinventant pour lui, le sujet sent en les sachantet augmente ainsi sa puissance . Déjà, Montaignereconnaissait le rôle primordial de cette rencontre de forces quand ilécrivait : je confère avec une âme forte et un roide jouteur, il mepresse les flancs, me pique à gauche et à dextre. Ses imaginationsélancent les miennes, la jalousie, la gloire la contention me poussentetme rehaussent au dessus demoi-­même.

Les systèmes ouverts auto-­organisateurs dessinent ainsi au fil du temps des trajectoires faites de phases (habitudes) et de change-­

(57) Pichot André. Op cité.

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ment de phases (invention) qui bifurquent au prorata des pro-­blèmes rencontrés et des solutions apportées. Il y a comme une sortede rebond de résolution en résolution qui fait origi-­nale dusystème toujours le cristal et la pour repren-­dre le beautitre du livre de Henri Atlan.La trajectoire est unique et prépare un futur ne

peut pas prédire du fait de la contingence à chaque fois renouve-­lée dessituations à vivre. Par ailleurs, cette histoire ne pas nonplus par rapport à un but idéal et final à atteindre mêmetoujours de survivre et pour un sportif de tenterlarge.Dans ce modèle théorique, seul du fait à la fois de son

histoire personnelle originale et de la situation contingente à vivre, esten mesure de poser un problème (le sien) et une solutioninventée. Gilles Deleuze appelait cela le devenir minoritaire et ledéfendait comme art de vivre.Culturellement, il peut sembler existe des problèmes clas-­

siques dans une discipline sportive donnée et faut, sans perdre detemps, apprendre les solutions qui permettent de les résoudre. Bien

dans le monde du sport mais aussi dans le monde deen général, on aura compris que, par rapport à la

dynamique des systèmes ouverts auto-­organisateurs proposée pré-­cédemment, cette attitude est dramatiquement mutilatrice. Elleappauvrit la situation contingente en définissant des problèmes apriori, elle interdit au pratiquant de vivre qui le conduira àconstruire pour lui le problème à résoudre et du même coup -­venterune solution satisfaisante à ce problème. toute une démarchecognitive qui est ainsi empêchée, ce qui ne peut conduiredésintérêt et à à plus ou moins long terme. Interrogé sur laviolence à affirmait récemment : pas laviolence qui est le problème de .Ce point est évidemment capital pour ce qui nous intéresse ici. De

plus, un même problème peut recevoir plusieurs solutions diffé-­rentes. Illes reçoit de fait puisque, même si, par exemple, les servicesdes joueurs de haut niveau en tennis paraissent se res-­sembler, ils sonten fait tous extrêmement différents les uns des autres et,différents aussi pour un même joueur au fur et à mesure de sonavancée dans sa pratique. Dans beaucoup

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actuels concernant le vivant humain, on peut lire le poèmeMachado : il a pas de chemin. Le chemin se fait

en marchant. On ne peut mieux résumer le diagramme debifurcations en quoi consiste toute vie.

Il est important de signaler que plus aura intégré(donc incarné) de connaissances au cours des multiples bifurca-­tionsoccasionnées par son histoire de vie et plus seront impor-­tantes lesopportunités offertes de par une série -­nements danset par les situations contingentes à venir. du système estétroitement corrélée avec ses capacités à la poursuite de

large.ainsi que ne se tenant en

excès sur lui-­même et cet ex-­cès est la manifestation même dedans laquelle il devient ce est en -­

à-­dire aussi bien en -­clamant, en ex-­clamant la sensation-­nelleoriginalité du sensible dès lors (58).Ce nouveau paradigme, qui met sur le devenir

imprévisible des système vivants humains, nous invite aussi àfaire preuve de modestie car on ne peut plus approcher la nature pourapprécier sa beauté et sa complexité avec un désir de domi-­nation etde prévisibilité assurée mais avec un profond respect et beaucoup

au dialogue et à la coopération. encore une foisde la sous-­détermination de la théorie par les faits que nous

avons évoqué précédemment.

Quel que soit moteur (simple ou complexe), tou-­jourslui qui est essentiel du couplage que nous venonsentre un individu et son milieu associé. en effet lui-­même, total suppose et les consé-­quences qui endécoulent qui exercent une influence structurante sur le systèmenerveux et cela plus que la plasticité de ce système estimportante. action structurante contribue à for-­ger, tant auniveau du fonctionnement nerveux celui des com-­

(58) Stiegler Bernard. De la misère symbolique. Ed Galilée. Paris 2005.

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portements qui des caractéristiques individuelles qui sontles attributs identité physiologique et psychophysiolo-­gique qui

-­engendre et -­organise tout en recevant -­ pour une partgrandissante avec le degré -­ la marque du vécu deindividuelle. (59)

Ainsi, dans et par sa propre action que rentre dansle processus car il ne peut y avoir -­tion(solution de problème) sans acte individuant. Dans -­rience deprivation sensorielle rapportée en Annexe 2, du chatonlibre de ses mouvements qui lui permet de structurer -­pace, sonespace.Souhaitant rendre compte de ce temps et -­

gence, Francisco Varela a créé le concept . Il a dans la plu-­partde ses ouvrages montré sa conviction que le fait de connaître (cog-­nition)

pas la réception monde pré-­donné mais -­mentconjoint monde et esprit à partir de des diversesactions un être dans ce .Ce que confirmeMarc Jeannerod à la fin de son livre cer-­veau

quand il écrit : retournement conceptuel imposé àla pensée neuro-­biologique. Ce pas qui sollicitele système nerveux, le modèle ou le révèle. au contraire le sujet etson cerveau qui questionnent peu à peu etfinalement le maîtrisent.Orientée par large, est en somme -­

trice de la situation. elle qui fait émerger du sens. Sielle pas son but et pas directement adéquate, denouvelles tentatives (répétition) vont progressivement permettre sonaffinement par un travail du cerveau encore largement mysté-­rieux. Cetâtonnement fait et et de temps passé à agir, estessentiel à sens véritablement incarné par . Lessolutions inadéquates correspondant aux différentes tentatives ne sonten fait pas éliminées mais intégrées à des solu-­tions meilleures et

vivant, loin le produit ou le jouet de enest .(60)

59. Karli Pierre. Op cité.

1. Fagot-­ Michel. 1994.

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La répétition et la création prennent évidemmentdans ce contexte une importance considérable et toute organisation desapprentissages qui voudrait limiter, par souci ce temps detâtonnement se trouverait dumême coup invalidée.

Gilles Deleuze(61) qui a véritablement redonné ses lettres denoblesse au concept de répétition. Pour lui, elle pas reproduc-­tiondu même ou recherche obstinée sens qui serait caché maispuissance de la différence. A chaque fois que nous recommen-­çons,nous commençons pour la première fois sur la base de ce qui a déjà étéfait. Nous de comme MyriamRevault .(62) Nos essais ou erreurs laissent des traces quiservent de tremplin aux essais suivants pour finalement, parcondensationde singularités, toujoursplus affiner le sens pro-­duit.La répétition est liée à une antériorité mais elle est surtout

comme une puissance accumulée. Chaque tentative répètetoutes les autres mais dans de nouvelles circonstances qui, parretour, par variation et par sélection, densifient les solutions déjàtrouvées et préparent ainsi à la fois une nouvelle manière de poser leproblème et apporter une solution.Vue sous cet angle, la répétition est création et nous devons

à la nouveauté alors même que nos habitudes de penséenous invitent à la comprendre sous les catégories du même et de

(63).

Ceci a des conséquences importantes sur la façonet le travail en général. En à répéter duest beaucoup plus ce qui le

conduit, malgré quelquefois travail fourni, à être qua-­simentabsent de ces apprentissages, ce qui pas sans consé-­quencesalors sur qui pourra être la sienne lors du face à face avec lacontingence de la situationde compétition.Quant à elle souffre également conçue

comme une banale installation dans la conformité, ceévidemment pas dans cemodèle théorique.

61. Deleuze Gilles. Op cité.

1.

2. Bouaniche Arnaud. Gilles Deleuze, une introduction. Ed Pocket la découverte. Paris 2007.

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Loin de auquel on la réduit souvent,joue dans cette perspective un double rôle essentiel. Elle permet

grâce à la répétition des expériences, une solidité en deçàde la conscience qui nous permet de régler de façon moins coûteuseles problèmes dont nous avons acquis la maîtrise. Là où il y avaitrésistance, il y a, par de facilitation. Mais surtout ellelibère et prépare à conquérir une per-­ception et unemaîtrise supérieures du monde et du réel. Comme le conçoitRavaisson(64), elle est un un accord avec le monde,préalable à toute nouvelle aventure. Elle est en somme le seul appuiprécaire mais présent qui puisse présider à un futuraccomplissement. On raconte que Paco de Lucia démonte et lave les sixcordes de sa guitare avant chaque séance de travail pour élimi-­ner legras que les doigts ont pu y laisser lors de la séance précé-­dente. Cettehabitude installée devenir un rituel permet concentration,attente de préparation, exacerbation des sens, entrée ensublimation...En somme, en proposant de réaliser certaines choses avec éco-­

nomie, de la répétition et de ouvre de fait à laliberté vivre . Elles font pour nous situeret ensuite pouvoir nous risquer dans la contingence.

-­ Pour résumer...

Le schéma 3 (page ci-­contre) montre la dynamique généralesystème auto-­organisateur. Se déroulant dans le temps, le sys-­tème vitune série de phases entrecoupées de crises du fait des per-­turbationsoccasionnées par la contingence des situations vécues. Ces crises soitenrichissent le système par création de sens -­à-­dire par

nouveau rapport au monde soit le détruisent,pu faire face à la complexité, trop grande pour

lui, de cette contingence.

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Le schéma 4 (page ci-­contre) tente de rendre compte de la per-­formance sujet qui est générée par lui dans une dynamiqueinventive et qui en complète immersion dans la situationdont il fait partie et en appui sur le sens déjà créé par lui au cours desa propre histoire.

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Schéma 4

La performance : fruit de la rencontre de logiques hétérogènes

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Expérience Apprentissage Entraînement

Avant

Sujet

Situation

Temps

Champ

Performance inventée

Après

Voir texte Annexe 5

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Deux visions opposées de la condition humaine

Nous sommes à un moment capital de notre réflexion sur laperformance car se dégagent maintenant deux conceptions inconci-­liables de la condition humaine et donc de la performance. Nouspouvons faire certain mal de vivre ou le fait depasser à coté de provient du choix (pas toujoursconscient) de elles. Quoi en soit, de très nom-­breuxproblèmes (peut-­être tous) concernant les modes appren-­tissage et

des êtres humains autour de ces deuxdimensions. Pensons au rapport théorie/pratique, au rapportuniversel/singulier, au rapport tradition /modernité, à la définition dutravail et des loisirs, à la définition de la culture et à la placeoccupe dans le devenir humain... plus banal pro-­blème (dumoins en apparence) comme le retournement des enfants dans lespoussettes.(65)

Aucun nous dans sa propre vie, que celle-­ci soit person-­nelle et/ou professionnelle, ne peut échapper à de se situerdu point de vue de cette alternative. Ces deux positions sont, bienentendu, présentées ici de façon très schématique mais ce que nousperdons en précision nous le gagnerons peut-­être en possibi-­lité depenser.(66)

-­ Une première conception

développée en commençant. Dans la tradition de pensée qui est encore souvent la nôtre et qui

considère le monde comme un ensemble de choses en soi,coexistant les unes à coté des autres chacune elles

que la copie maladroite essence située dans un arrièremonde, il est compréhensible que notre culture ait tendance à vou-­loirmettre en place un système de normes idéalisé tenant lieu de vérité etservant de référence pour définir de bien vivre notre viehumain.65. Rey Olivier. Une folle solitude. Ed du seuil. Paris 2006.

1. Paul Valéry insistait pour faire de la schématisation une condition importante de la possibi-­lité de penser.

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Le monde du travail(67) et celui du sport évidemment paséchappé à cette matrice de raisonnement. Il y a, dans ces milieux, uneréticence très marquée à prendre en compte la réalité dans sadimension à la fois multiple et singulière et à avoir recours à despréjugés très généraux à la fois pour expliquer cette réalité et pour lajustifier.Les normes issues soit de la tradition fédérale soit des théori-­

sations scientifiques sont ainsi naturellement conduites à jouer un rôledéterminant de socle supposé global et universel à la perfor-­mance eten même temps à atteindre. Elles exercent un pouvoir qui,au sens de Myriam Revault est pouvoir parce

. Dans le même mouvement de normes, cetteattitude fabrique des non-­conformes, des extra-­ter-­restres, desatypiques, des métèques, des gens exotiques... soit les porte aupinacle quand il réussissent sans trop compren-­dre pourquoi (ce sontdes artistes) soit les délaisse (ou méprise) quand ils échouent.Un livre récent a osé parler des de nor-­(68) que peut étendre aux maladies de normal parce que

normé.(69) Bien que la lecture complète de cet ouvrage paraisseindispensable, nous retiendrons ici quelques points-­clés.Dans unpremier temps, il faut souligner que, subrepticement, seule

une sorte de fréquence de comportements qui seressemblent comme une sorte de tendance dans les grands nom-­bres,légitime la mise au point de la norme et du même coup son impositioncomme idéale type.Cela pose alors des problèmes considérables. En premier lieu dans

cette perspective, on est conduit à négliger la singularité des réponsesapportées par chaque pratiquant à la contingence de la situation pourla remplacer par la non-­conformité au modèle de performanceattendu. est alors un sujet assujetti. Il est invité à seconformer à une identité autre que la sienne ce qui le prive de toutepossibilité de personnalisation. Il est en quelque sorte enpermanence exilé de lui-­même avec de

67.

1.

2. Stiegler.

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jamais assez conforme, dans la reproduction de la normeconduisant à durcir de la norme elle-­même et à aug-­menter la souffrance de ne pas y parvenir.Le plus grave est peut-­être à venir si considère que la cohé-­rence

des normes peut finalement aller rassurer et séduire au pointde créer des phénomènes aux normes elles-­mêmes. Onpeut penser ici à la douce certitude du pire qui conduit, faute demieux, àfaire contre mauvaise fortune bon et à assu-­mer sa souffrance etson ennui pas solution que . HenriFord affirmait à ses ouvriers pas besoin de penser car

personnes se chargeaient de cela pour eux. Le pire que,ainsi dépouillé de sa subjectivité, on pouvait se mettre à aimer cela... Ily a des moments où le désir per-­sonnel encombre à la fois lui-­même et son entraîneur... et pourquoi -­on ? Il y aseule bonne réponse possible au problème qui ne pas encoreposé. Apprenons-­la !

normal est malade de la norme unique à laquelle il sesoumet ou à laquelle on le soumet. Cette maladie est à entendre en undouble sens. En un premier sens, elle est maladie du fait y aréduction à une seule norme de vie. Cette réduction ne peut

prix certaine instrumentalisation de la vie mentalesujet. Ceci signifie que la capacité cognitive -­ner une autre vie,de passer activité à une autre activité, fait défaut. Plusfondamentalement, la vie créatrice de dans

de sa vie mentale qui est sacrifiée au profit vieopératoire définie par la seule capacité tâche à atteindre et àreproduire à .En négligeant les réponses personnelles apportées en situation au

profit attente stéréotypée, nous contribuons à la dispari-­tionquasi totale des dont nous avons pourtant déjà entrevu lerôle éminemment structurant. Le sujet se normalise et est condamnépuis oublié échoue.Dans cette perspective, confirme la règle, le style

personnel petit supplément qui ne sauraitremettre en cause les principes organisateurs de la normalité elle-­même. est incontestablement à dans tous lesdomaines et à du sujet au profit, à grand renfort depublicité, du triomphe de la normalité.

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prétendent que viendra se seralonguement soumis aux normes offertes par la culture et la tradi-­tion.On constate en effet que beaucoup de grands sportifs, peintres,musiciens... témoignent commencé par vouloir imiter ce quisemble en contradiction avec ce que nous venons de présenter. Cela ne

pourtant pas car les normes ne sont finalement pas en cause.Ce qui est en cause, le rôle leur fait jouer que nous avonsdéfini dans cette première conception comme un rôle de -­dre dupouvoir.

-­ Une seconde conception

En la présentant en attente façon normale et prescrite dese comporter, cette première conception de la condition humainedonne à la fois une bien triste image de humain et du phénomène

en général et laisse bien des questions en suspens.viennent ces normes pour à ce point comme vérités

alors que coexistent dans le monde une variété immense de réponses àdes problèmes qui paraissent pourtant assez similaires ?La définition de valeurs qui seraient ainsi ne permetpas de comprendre le devenir de ces valeurs et notam-­ment

du nouveau présent dans toutes cultures.

Ces deux questions renvoient finalement à une troisième quiconcerne le cerveau et qui pourrait se dire ainsi : quoi sert cetorgane chezLa conception précédente y répond dans le droit fil des inten-­tions

de Patrick Lelay, patron de TF1. Le cerveau doit être disponi-­ble auxspots publicitaires comme il doit aux normes de tous ordres qui,de façon hétéronome, indiquent le bien enmatière de vivre.La conception que nous allons évoquer maintenant assigne à cet

organe un tout autre rôle. Il doit permettre à la fois de réussir à poserdes problèmes nouveaux au présent et de garantir par ses capacités

et un apport desolutions/créations à ces problèmes. Il ne peut être question deréutiliser des solutions déjà connues compte tenu de ce la

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contingence de chaque situation tout en pas non plus quetout puisse être réinventé à chaque instant. Il ne souvent que devariations autour de blocs de sens déjà connus, variations quiseront pas moins, à chaque fois, une véritable première fois à même enretour ces blocs.

Cette création ni réservée à une élite ni seulement le faitmagistrales. Elle prend corps dans la vie quotidienne

comme chacun nous a pu en faire mais quenous négligeons parce que personne ne nous apprend, dans -­fance, faisant ainsi, nous développons une dimension artis-­tiqueexigée par notre condition humain. Cette dimension est

action libre donc créatrice qui peut, de ce fait,envisager son propre dépassement le moment venu.Un mot est en train de refleurir chez de nombreux scienti-­

fiques, philosophes, artistes... celui de Joie. Spinoza voyait en ellecomme le résultat de la puissance . Cette puissance estactuellement très souvent mise à mal dans bien des milieux,notamment celui du travail ou de même si dans cesmilieux on énormément. La joie sur laquelle reposent laconfiance en soi et la relance constante du désir ne peut être le fruit

travail prolétarisé qui consiste à aux ouvriers ou auxathlètes le sens de ce font et seuls peuvent produire.Cette conception impose de concevoir une capacité nouvelleet de penser. a quelque chose à voir avec un savoir mais un

savoir qui pas théorique parce ne désigne pasun objet mais le mode de celui qui devient capable. Lajoie pourrait-­on dire est la signature de par excellence,la production-­découverte nouveau degré de liberté conférant à lavie une dimension supplémentaire, modifiant par là même lesdimensions déjà habitées. Joie du premier pas, même inquiet... (70)

Le jeune enfant ne trompe pas, lui qui réclame très tôt de pouvoirtout . Il en jouit.La vie est un travail qui, dans des circonstances précises de

temps et de lieu, ainsi, vivant étant en accord aveclui-­même en dans la situation à la fois pour y inventerdes problèmes et les solutions qui les résolvent. La joie est(70) Stengers Isabelle. Au temps de catastrophes. Ed la découverte. Paris 2009.

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le principal marqueur de cet enchaînement qui pastoujours à visé mais qui est pas moins parfait pourautant. tout le paradoxe de cette conception de la vie qui restejoyeuse jusque dans la maladresse si et le senti-­ment decréer ont été entiers. Spinoza qui le premier a défendu cettecurieuse conception de la perfection comme ce qui ne peut être autre àun moment donné. Finalement, quel que soit notre niveaudans une discipline donnée, nous serons tou-­jours à la fois maladroitset parfaits mais dans un chemin -­plissement qui, lui, nous faitexister vraiment vivants.Ce chemin du sens est profondément personnel et intime. Il est

unique et fait de chacun de nous un étranger pour les personnes mêmeproches qui nous entourent(71). Il repose sur un engagement choisi, undésir qui définit en même temps notre pouvoir et les obstacles àsurmonter, en somme notre liberté humain qui est la seulecondition à remplir pour atteindre alors ce qui appar-­tient à la vie etqui ne peut donc lui être ôté sans trahir et sans muti-­ler sa réalitémême : la joie .Même si nous avons déjà évoqué le rôle stimulant et structu-­rant

des dissymétries dans la situation à vivre, il convient ànouveau sur la notion qui du fait même de devoirvivre dans la contingence. rencontré doit être compriscomme inhérent à large poursuivie. Il aucunmalheur ni destin néfaste mais tout au contraire car etses projets qui suscitent leurs propres obstacles. Ceux-­ci sont définiscomme tel par le projet lui-­même... et leur émergence est inscrite

part dans la puissance imaginative et créatrice de celui qui formeun projet et lance une action et part dans le faitcompréhensible que le monde et les autres sujets ne conçoivent pasforcément ni immédiatement les mêmes projets que le sujetconsidéré. (72) Robert Misrahi poursuit très pertinemment :

réflexion sur met en évidence, la liberté elle-­même et sa puissance créatrice. elle qui pose et définit les obs-­

71. Laméconnaissance de cette intimité singulière laisse croire nous est facile de nous com-­prendre avecunpeu debonnevolonté. Il est bien sûr rienet fabriquer du senscommunsera toujours une tâche longueet semée .

1. Misrahi Robert. 100 mots pour construire son bonheur. Ed Les empêcheurs de penser en rond. Paris 2004.

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tacles, elle qui fait varier ou même annule leur coefficient -­versité toujours relatif à la vie et à du sujet ? la libertéencore, avec sa puissance qui peut renverser un obs-­tacleet le convertir en nécessaire à la réalisation et doncà la réalisationde soi, source de joie.La première conception de la condition humaine ne manque pas

de proposer des obstacles (et même de très sérieux) mais on voitbien que ce sont des obstacles imposés et en dehors du mondede significations déjà construit par le sujet. Il a issuealors que celle qui consiste à dans le mal de vivre. Etquandmalgré tout, dans le meilleur des cas, il y a apprentissage, celui-­ciest si peu incarné et transformateur est rapidement oublié.Cette première conception que nous avons évoquée

construite sur trois dénis(73), celui du réel, celui de et celui deau seul profit être humain isolé de son contexte

et dont on a fini par imposer le modèle. Ceci aura été un des grandsmérites de intellectuelle du XXème siècle que de faire entrevoir

de cette perspective enmontrant -­portance dede soi dans toutes ses dimensions, que celles-­ci soientintellectuel, émotionnel et culturel et le rôle de cet usage de soi dans laconstruction des valeurs communes.

Chacune de nos vies est une ligne de style absolument origi-­nalequi définit bien fin de puisque nous sommes tousexotiques et qui nous invite à saisir les actes et les dis-­coursselon la logique de leur historicité.Dans cette perspective, ce sont les exceptions qui détermi-­nent

la règle et non : immense diversité de ces exceptions dont oncommence à comprendre le rôle fondamental joué dans la définitiondes valeurs communes.

inventant sa vie au fil du temps, que celle-­ci soit individuelle ou col-­

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sur

La ligne de style sculptéepar du sujet est un -­ déjàen place qui le rend capable avec efficacité ce dont il a déjà

. Véritable et unique passeport pour exis-­ter au présentdans le monde, il est aisé de comprendre que cette ligne de style doitêtre respectée et que toute évolution ne pourra laprenant en compte.La culture environnante, soit le fruit de la tradition ou desmodèles théoriques proposés par les sciences, est un formidable réservoirde sens accumuléau fil du tempspar les générationspré-­cédentes.

Lors du devenir des individus, la tendance à faire table rase dupremier appui pour donner un pouvoir normatif et exclusif ausecond serait nous faire retomber dans la première conception quenous avons envisagée.Tout au contraire, dans une nouvelle conception de la condi-­tion

humaine (qui (74) pas très nouvelle), il plu-­tôtmaintenant, en matière de devenir humain, de respecter laligne de style de chacune de nos vies qui se nourrit etapport culturel qui fait autorité celui du champ immense desexpériences passées. Ce champ fait autorité au sens où il aug-­mentenos propres capacités en abandonnant tout pou-­voir.

Bien des choses concernant la performancehumaine se jouent dansla distinction capitale que nous devons opérer entre et lepouvoir.Ces deux notions installent, en matière une dis-­

symétrie entre les générations qui nous ont précédés et la nôtre,mais se donne et se reconnaît en même tempsaccompagne, tandis que le pouvoir se prend au détriment de la sub-­jectivité singulière prétend pourtant aider. en pro-­posant des normes, invite à la réflexion et à personnelle, lepouvoir en imposant ces normes les rend dangereuses. Le pou-­voirréduit supprimer la distance entre le réel et la théorie quiprétend en parler, garde ses distances tout en éclai-­

(74) On trouve dans les essais de Montaigne une formidable illustration de cette condition.

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rant et

Le pouvoir conserve ou fait table rase du passé,permet de renouveler ce passé en offrant de à lui. tra-­ditionpas seulement un sens conservatoire : car la continuité du monde

commun -­ son autorité -­ exclut aussi bien la permanence substantielleque de la table rase et des commencements ex nihilo. Lanouveauté est un réinvestissement et la faculté des commencementsest donnée à des êtres qui naissent dans un monde toujours déjàlà. (75)

Il y a donc un nouveau rapport aux normes et aux connais-­sances de tous ordres à comprendre, rapport qui à la fois éclairera

concret de la condition humaine que nous expérimentons touset qui contribuera en retour à modifier ces normes et cesconnaissances. se fait ainsi depuis toujours, par etdans une spirale dynamique : pratiques singulières/théorie univer-­selle/pratiques singulières... (schéma 5 ci-­contre)

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Schéma 5 Le jeu invention/tradition

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Expérience Apprentissage Entraînement

Avant

Situation

Sujet

Champ

Performance inventée

Après

TRADITION/CULTURE

Temps

Voir texte Annexe 5

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y a recherche universalité de la condition humaine,parce seule peut jouer le rôle de référence commune et

de recours pour le et pour le devenir de cha-­cunede nos lignes de style définissant nos vies et non parcepermettrait une uniformisation qui, bien sûr, est quelquefois rassu-­rantemais définitivement stérilisante.Il nous faut renoncer à nous dissimuler derrière des catégories qui

définiraient pour toujours le bien et le mal, le vrai et le faux... Il nousfaut plutôt vivre en héritier sans testament comme af-­firme RenéChar dans un de ses poèmes. chacun de nous qui, fort de cethéritage, doit inventer sa vie et devenir de la poussière desens, fruit de son expérience personnelle, aura pu livrer auxautres. A observer ce qui se passe autour de nous, nousen sommes évidemment bien loin.

pinceau de Matisse pas celui du dieu de Leibniz. Il netenait pas sous le regard de tous les tracés possibles pourchoisir . Installé dans un temps et dans une visionMatisse a regardé ouvert de la toile commen-­cée et porté lepinceau vers le tracé qui pour que le tableau fût enfin ceétait en train de devenir. (76)

Cette nouvelle perspective sur la condition humaine, et donc surdu sens, dans un grand retournement. La tradition

(ou sens déjà là) plus la transmission passé figé et à la véritédéfinitivement établie mais une véritable occasion de soutien à lacréation des hommes, création qui assure en retour le proprerenouvellement de cette tradition et qui augmente ainsi

pour les générations à venir. (Schéma 6 ci-­contre)

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Schéma 6 Enchaînement réinvention/tradition

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pas de réception passive. Celui quireçoit doit toujours être le lieu de création. Lapétrification du savoir acquis susceptible de sedéposer comme un contenu inerte dans laconscience pas une transmission.La transmission doit être reprise, vie, inven-­tion

Extrait du livre brûlé Philosophie du Talmud. Marc Alain Ouakrin. Points Sagesse 93.

Situation 1

Tradition Culture

Milieu associé 1

Réinvention

Performance

Situation 2

Tradition Culture

Milieu associé 1

Performance oeuvre

Réinvention

Voir texte Annexe 5

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ici que prend tout son sens la phrase aux conséquencesimmenses que Merleau Ponty a prononcée dans sa leçon inaugurale aucollège de France : contingence de humain plusmaintenant comme un défaut dans la logique de elle endevient la condition.

Dans lemodèle de nous avons insisté sur pré-­individuel qui est la plate-­forme à partir de laquelle émer-­gence alieu. Si cet état pré-­individuel est fonction de du sujet lui-­même, celui-­ci a malgré tout comme en marche le train de laculture qui . Il parle français par exemple dès les premièresannées de sa vie alors que la langue est le fruit évolution qui duredepuis plusieurs siècles voire millénaires. Nous profitons héritagecorrespondant à la sédimentation des résul-­tats des expériences desgénérations qui nous ont précédés et qui nous fait humains. Alors sichaque être humain invente son monde et ne peut que il lefait en filiation avec un passé dont il hérite. A la fois il prolonge unprocessus engagé depuis la nuit des temps et commence dans chaquesituation pour la première fois.Négliger de ces deux dimensions serait évidemment tout a fait

dommageable. ne se fait pas ex nihilo mais dans lecontexte format(77)présentépar despères dont nous sommes les fils àla fois reconnaissants et autonomes. Les athlètes sontdes fils...

Les deux attitudes qui consistent soit à rigidifier ce format encomme norme (conservatisme) soit à le négliger comme

réactionnaire (modernisme) sont insoutenables et ont pourtantconduit et conduisent encore à bien des égarements.Vivre, -­à-­dire créer du sens, table sur le passé et va plus loin.

Vivre subvertit ce passé tout en contribuant ainsi à pouvoiraffronter mieux armé la contingence. imagi-­nation... nesont pas des qualités dont certains seraient dotés et pas.Elles sont directement en rapport avec la culture acquise dont le rôleessentiel est, pour un sujet donné, non de ac-­cumuler pour elle-­mêmeet faire mais de fournir une gamme importante depossibles au présent par une lecture plus pénétrante de lacontingence.

(77) Serres Michel. Op cité.

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-­ -­

Ce nouveau positionnement de pour centré surla réalisation de large et non sur la conformité à une formeidéale de corps pré-­donnée, invite à réhabiliter des notions souventconsidérées comme un peu dépassées telles que celle -­miration,

de répétition... Dans le contexte deces notions reprennent de la vigueur parce ne

sont plus associées à la notion de pouvoir et de soumission mais àcelle et se révèlent alors des outils précieux de

et de de la ligne de style tout en larespectant. Elles contribuent également à desexpériences qui renforcent la confiance en soi et rendent possible lacréation -­à-­dire la perpétuation du désir et du rêve... en somme lagarantie joie au présent.Se priver de la force donnée par que nous portons à

certains hommes et aux produites par quelques-­uns euxserait comme priver un arbre de ses racines. Il plus question danscette admiration de considérer ces êtres humains comme des -­

inaccessibles, nous qui ne serions que de malheu-­reuxterriens, mais, tout au contraire, comme des gens qui ontsimplement mis en dans leur propre vie, des façons de fairedifférentes des nôtres, façons dont il serait sans doute bien venu que nousnous inspirions. Nous avons à cet égard accordé trop peuau témoignage des gens considérés comme de haut niveau au profit dediscours théoriques très déshumanisés.

qui prolonge ce phénomène estreconnue importance capitale par Myriam Revault quiécrit : valeur de ne tient pas au fait est uni-­versalisable en tant que tel : est plutôt ce particulier qui,valant au-­delà de ou de la situation historique, ouvre etinspire à la postérité un champ . En sorte que (...) les

loin de devenir des simples imitateurs y trou-­vent unesource pour inventer leurs principes et inventer leurspropres démarches.

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Malgré leur apparente soumission aux valeurs inventées partous ces comportements dans cette vision de la condition

humaine conduisent moins, finalement, à se conformer à unmodèle renforcer personnel de celui qui admire,enrichir les expériences de celui qui imite et ouvrir des mondesnouveaux à celui qui répète.

-­ Une proposition de définition de la performance

Nous pouvons maintenant proposer la définition suivantede laperformancehumaine :

La performance humaine est unévénement original (diffé-­rent) créé dans et par un champ de forces contingentes organiséespar un règlement. Parmi ces forces, on trouve un ou plusieurssujets à la poursuite intention large (désir/but de la pra-­tique) et des contraintes (règles, circonstances...) qui, offrant desrésistances (obstacles), influent sur de cette pour-­suite et permettent sa réalisation (puissance/invention).

Cet événement est complexe et absolu (à venir et sensible auxconditions initiales définissant la situation). Il est un quidevra être pris en comptepour assurer son propre devenir.

Il fait sens pour le ou les acteurs. Il les rend heureuxet de (joie).

Il est un moment de création et (style) de lacondition humaine qui prolonge, tout en un processushistorique issu travail collectif (culture).

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5. Une éthique pour le pratiquant

Forts de cette définition, nous voudrions proposer quelqueséléments qui pourraient servir au pratiquant. Nouspoursuivrons en évoquant ce qui pourrait être celle de -­neur.

En la circonstance, il faut entendre par éthique un ensemble devaleurs, de caractéristiques susceptibles dupratiquant sportif, lui qui souvent dans une activité sans quela précaution de la lui présenter dans ce implique au planhumain soit prise : elle est un moment de vie comme les autres.

Il ici, très grossièrement bien sûr puisque devantconvenir à tous (ce qui pas souhaitable ni possible, nous

vu), de proposer un sens à cette vie et une attitude vis-­à-­visqui la rend digne vécue. Notons ne diffère pas de

la vie que pourraient avoir tous les autres êtres humains si certainescirconstances ne mêlaient pas, souvent pour anéan-­tir ou rendreimpossible la soif . Les catégories comme celles du travailmanuel et du travail intellectuel ou encore celles de travail et deloisir par exemple, sont à cet égard absolument catastrophiques.Quelles que soient les formes puisse prendre, de vivre

est unique, comme est unique dont Albert Camus disaitest le même que ce soit sa mère ou une autre femme que

serre dans ses bras. Par ailleurs, cet art de vivre ne peut que fédérerles hommes sont attachés à la même condi-­tion, celle à lafois eux-­mêmes dans et par les autres. a paséthique éthique de la joie, chaque doctrine et chaque sujet ayantbien sûr la tâche et la responsabilité de donner un contenu singulier àla double expérience de la joie et de la réci-­procité. (78)

Les quelques caractéristiques que nous allons envisager main-­tenant ont ceci de particulier -­définissent et se renfor-­centles unes les autres. choisi pour les présenter aurait donc puêtre différent.

(78) Misrahi Robert. op cité.

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structurante avec les autres, partenaires ou adversaires

Une éthique du pratiquant sportif ne peut manquer de souli-­gner,en commençant, capitale de la recherche perma-­nente desingularité (invention) dans les réponses apportées aux situations decompétition. La chose est telle que faire autrement estimpossible et que à vouloir ne pas croire ou refu-­ser cetteobligation que ne gravit finalement pas le longchemin de se cantonnant à tenter -­quer desrecettes déjà connues ne pouvant par principe convenir à larésolution des problèmes qui se posent en situation. La présence deces réponses/recettes, culturellement reconnues comme univer-­selles,nécessaires notamment pendant les premières phases de

pas constante de la singula-­ritécar pour que ces réponses universelles soient vraiment connues dupratiquant et incarnées par lui, il doit en refaire pourlui. Il doit en quelque sorte les réinventer (Schéma 6). Il aque lui qui puisse donner vie à ce imite en le réinterpré-­tantpratiquement à de ce était déjà et notamment en leréinscrivant dans le temps et dans les rythmes qui étaient déjà lessiens. Federer, en énonçant devait tout à samère, notamment soninventivité tennistique, ne disait finalement rien .Encore une fois, le chemin se fait en marchant, ce qui ne veut

évidemment pas dire pas des gens qui vous ont précédés et quiont laissé des traces dessinant comme un sentier susceptible depermettre son propre chemin.

de sa singularité par le pratiquant est sa seulesource de confiance en lui et de prise de responsabilité si nécessaire lemoment venu pour affronter la contingence. par ce auraappris en inventant saura inventer. Cette liberté ne se décrète pas

seul coup à 20 ans parce est devenu adulte mais seconstruit depuis la naissance parce a été respecté dans sonchemin de vie qui passe bien entendu par culturedont le rôle pas ou de gaver mais -­vrir. Et tous lespréparateurs mentaux du monde ne pourront rien pour compenser

de cette confiance si elle ne pas développée depuistoujours dans unmême rapport aux autres êtres

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humains et aux choses, -­à-­dire celui de la rencontre et dudevenir. La culture inspire comme le dit YehudiMenuhin(79) et -­leurspourra inspirer tout au long de la vie si elle est utilisée selon cesdispositions. Grandir en étant à la fois respecté et guidé dans ses choix

en assumer les conséquences même désagréables) a peu dechoses à voir avec le fait de grandir sans jamais choisir. Le rôle desparents est bien sûr essentiel dans ces premières détermi-­nations de laliberté.

Le pratiquant est le seul véritable acteur de la perfor-­mance. Cette dernière lui appartient

La recherche de la performance est une aventure personnelle. Ellecorrespond à une démarche certes exposée et accompagnée (cf.

de mais reste, certain point de vue,personnelle et secrète. Il ne peut de dissimulation mais toutsimplement, parce le lui aura appris, de ne jamais oublierest le seul au monde à percevoir ce monde comme il le perçoit. Sonchemin, durant et doit faire de lui un individuautonome au sens fort du terme, -­à-­dire un individu qui génèresa propre loi dans la façon dont il organise et solutionne les problèmes

considère comme essentiels et invente dans la contingencepour rendre la vie digne vécue.

Il est fondamentalement seul, même sait que son autono-­mievient des autres et repart dans leur direction pour être mise au service

projet collectif. Ces projets ne peuvent exister sans à la foisde de chacun et à ce qui,

on le sait, est périlleux à réaliser. Cette difficulté en sports collectifs(mais cela existe aussi en natation) est souvent contournée en noyant

dans la masse, ce qui a de mettre assez vite tout lemonde mais qui prive le collectif de -­semble desdynamiques à la fois individuelle et collective dont ce collectif a besoin.Etre de sa performance veut dire que tout part du pra-­

tiquant et que tout y revient. La formule convenable pourrait être :

(79) cf. citation en introduction.

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-­je faire -­ce-­

Le pratiquant sportif : un être respectueux de la situa-­tion de compétition. Elle le fait devenir et être heureux.

Le pratiquant sportif est joyeux de devoir se confronter à uneénigme alors que nos systèmes le conduisent sou-­ventà en avoir peur, peur le forçant alors à réciter les solutions aapprises par à et qui, évidemment, ne peu-­ventconvenir.

Il peut être inquiet compte tenu du fait sait nepourra pas échapper au fait de devoir faire pas dans le -­ ce pasnécessaire pour vivre la situation -­mais il a appris la puissance doità la contingence pour devenir ce dont il se sentait incapable. Ilsait situation dans laquelle il pourrait jouer prévu à

pas une véritable situation même est bien agréablequelquefois de un sans difficulté. Il a un goût de

qui est encore beaucoup trop rare chez laplupart des athlètes qui perdent du même coup une partie de leursmoyens quand ils y sont confrontés. Le poète ne disait-­il pas : -­tu peurde tu perds la possibilité -­prendre et de grandir... . Ildoit comprendre que seule va compter sa présence à la situation et queles discours que tient sur cette situation sont ambigus car ilspeuvent tout à fait dénaturer la qua-­lité de cette présence, leconduisant alors, par une anticipation excessive le moment venu, soità un excès de confiance soit à une peur incontrôlable.Incontournable et absolue, doit, en fait, beaucoup à la

situation. Car grâce à elle que, partant de ce est, il va deve-­nirun tiers instruit comme le dirait Michel Serres(80).

Il consent à la vivre tout en sachant garantie défini-­tivene le délivrera de la part et pro-­pres à

en situation et que là, dans la complexité du réel et auprésent, doit trouver ce dont il a besoin. Son immersion

(80) Serres Michel. Le tiers instruit. Ed Françoise Bourin. Paris 1991.

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dans la réalité est telle le conduit à mettre en descapacités attentionnelles extrêmes tropméconnuesdans la vie ordi-­naire.René Char évoque dans une phrase très concise ce respect du réel. Ilparle : réalité noble qui ne se dérobe pas à qui la ren-­contre pour

et non pour ou la faire prisonnière. Là estconditionque nousne sommespas assez purs pour remplir.La performance exige la présence entière du pratiquant à la

situation. Montaigne connaissait de cet engage-­mentquand il écrivait dans ses Essais : je danse, je danse. Rienalors plus important en cet instant que là.Il peut sembler simpliste sur ce point mais si nous le

faisons, est en effet possible présent dans une situa-­tionphysiquement et volontairement et manquer ce qui doit jouerentre logiques hétérogènes. Notre habitude occidentale de considérerla connaissance comme devant être apprise avant de

à la situation et non être le fruit de ce qui se joue danscette situation nous conduit souvent à manquer de com-­plicité avec leréel, empêchant alors toute composition avec lui. Il y a en sommeprésence et présence et celle requise ne peut se décré-­ter car elle exigeun long apprentissage au des choses. Nous verrons en proposantune éthique de la place centrale que doit occuper la miseen situationdans .

exigé est tel que le pratiquant sait nepeut prendre lui-­même en cas une fois la com-­pétitionterminée. Il savait avant de commencer devait cettesituation avait choisie, comme joueur, de ne pas choisir.(81)Le choixde Claude Fauquet(82) aux athlètes des minima difficiles pourpouvoir participer aux championnats inter-­nationaux loindéstabilisé les nageurs, ce que beaucoup de gens du monde de lanatation prévoyaient, les a conduits à devenir ce sont

. En fixant ces minima, il a comme DTN fait en quelquesorte confiance à leur capacité de respecter -­cle et deconfronter et donc de pouvoir produire quelque chose dont ils sesentaient pourtant a priori incapables.

81. Duflo Colas. Op cité.

1. Directeur technique de la Fédération Française de Natation.

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On imagine quelquefois que du gain quimotive les sportifs. De nombreux témoignages devraient pourtantnous avoir depuis longtemps persuadés du contraire. Les grandssportifs sont avant tout des amoureux inconditionnels de leur pra-­tiquequi leur procure de la joie de façon totalement désintéressée.Elle les émerveille.

souvent le regard extérieur qui ramène les parcours de vieà quelques clichés qui interdisent à la fois les comprenne vraimentet que puisse en susciter de similaires chez . Un nageurde haut niveau pas qui en comptant lesmosaïques au fond piscine mais qui ressent, construit,tente, trouve, recommence, devient un être qui nage plus vite parce

aime ce challenge. Il ne souffre pas quand il travaille, il se réjouitde produire du sens. Et ce quelquefois jamais assez...Il devient alors impossible de porter des jugements de valeur sur

les choix de pratiques faits par les uns ou par les autres. De la collectionde trains électriques au lancer du poids en passant par la plongée sous-­marine ou la danse, une pratique est riche de ce que y engageet construit pour lui avec elle et non pauvre ou riche en elle-­même.Ceci change bien entendu la vision que pourrait se faire de

. ne doit jamais être assimilé à produire duet des mais de la saveur qui quelquefois engage des

processus émotionnels pouvant conduire à pleurer (de joie).pas la rigueur qui te conduira où tu veux aller, ce pas

ni la souffrance ni ce que tu crois avoir compris, leparfum de la force aimante(83). Rigueur, ascèse, souffrance nesont que des conséquences du désir et de -­ment et non leurscauses. à ce titre prennent du sens dans ladynamique vers . Elles sont bien incapa-­bles par elles-­mêmes de créer un quelconque désir.

à ce titre que volonté de pratiquer uneactivité par un enfant est une chance extraordinaire pour lui et il est

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Le pratiquant sportif : un être nécessairement fragile pour créer

La fragilité que nous avons déjà évoquée est évidemment une desconditions nécessaires à la rencontre avec la contingence de la situationde compétition. Il faut en effet être disponible à ce qui sur-­vient et qui vaengager le processus de connivence avec le réel et de création de laperformance. Elle garantit notre capacité.Cette fragilité ne se décrète pas. Elle chez un individu, que

si depuis toujours elle a étémise en valeur comme élément fon-­damentalà de la condition humaine. La différence

et permet alors et relance sanscesse le processus progressif .Il faut ici lever un éventuel malentendu. Nous ne devons pas

nous représenter la fragilité comme un vide faudrait remplir, unefaiblesse faudrait compenser. Elle correspond tout au contraire à -­delà que seule permet sujet a de sa pratique,expérience que peut nommer à et qui est le fruit dudésir et du travail déjà accompli. Les vraies différences perçues, celles quiinvitent au dans le sont celles qui paradoxalement seconstruisent en rapport avec ce que connaît déjà. Les autres peu-­venttoujours être apprises, elles ne font pas réellement sens pour celui quiles côtoie. Raymond Kopa affirmait que, quand il jouait, il ne savait jamaisce allait fairemais il le faisait et de quelle manière... car, certainpoint de vue, il le savait en le faisant.Quand il agit vraiment, -­à-­dire quand il est

en résonance avec ce qui . Ce phénomène est impos-­siblesans la fragilité et est interdit par la mise en de force qui viendraitimposer une solution a priori à la situation à vivre. La forceet, en écrasant, croit triompher. Elle se trompe. Le pratiquant de hautniveau a juste le courage bout de trouver unesolution parce que ce aime. Federer vient faire ladémonstration éclatante.

-­tionnement du cerveau des êtres humains...

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Un travailleur heureux... et jamais satisfait

Le pratiquant est donc nécessairement un gros travailleur-­à-­dire un à vivre, expériences

seules à même alors son étonnement et sa curiosité etdonc la qualité de ses actions futures au des situations.

Le travail tel que nous le concevons ici, évidemment rien à voiravec la besogne ennuyeuse que, parfois, certains nous sonttenus pour gagner leur vie. Faits pour et

nous pas seulement à être mais à devenir et pourcela nous travaillons à quelque chose qui et nous enrichitdans une avancée où il devient bien difficile de distinguer la vie dutravail que réalise en vivant. Le travail devrait toujours être, ensomme, sujet désirant conduisant avec méthode uneactivité (84).

Si quelquefois le travail implique le courage de persévérer, tout enfaisant preuve de sérieux et de rigueur, ces qualités apparaissent commedes conséquences de de mener à bien le désir. A lire labiographie de nombreux artistes, savants, sportifs... ou à écouter leurstémoignages, aucun eux au fait pro-­fondémentfait leur affaire de leur pratique. A qui de ladécouverte des lois de la gravitation en voyant tom-­ber une pomme,Newton a répondu : vous méprenez pas. pense tout le temps etdepuis toujours.Les effets du travail vus sous cet angle sont alors bien entendu la

joie de se sentir . libéré et bien compris dansson essence, le travail devient créatrice sujet heureux decréer sa vie et son à travers présent et qui seréjouit de se déployer par lui-­même et à sa façon. Il se fonde enagissant. (85) A même alors de permettre à la fois la stabilisation

et un discernement accru en situation contingente : cetravail peut être vraiment considéré comme un art de vivre.

84. Misrahi Robert. Op cité.

1. Misrahi Robert. Op cité.

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Le pratiquant est dans la situation paradoxale où il est heureux àchaque étape de son expérience tout en ayant le profond désir demieux la prochaine . Aucune solution trouvée consi-­déréecomme définitivement satisfaisante car chaque situation est unnouveau commencement qui va mériter la disponibilité que nousavons évoquée.Ce pratiquant a donc un rapport inhabituel à la technique telle

ordinairement. Il sait que cette technique est lasienne, fruit de la répétition/invention en situation au cours de sa proprevie et devra, compte tenu de la contingence de cette situation decompétition, être réinventée à chaque fois dans -­tant. Il sait

pas un catalogue de gestes de tenter de bienreproduire mais adéquation qui émerge en ladépassant des savoir-­faire déjà acquis. Il est évident que cetteimprovisation ne peut avoir lieu sans avoir vécu un grandnombre et, à la faveur de chacune elles, avoirconstitué et solidifié des habitudes (style). Ce sont en grande partieces habitudes qui garantissent la confiance en soi et qui permettent

présent à une nouvelle aventure laquelle en retour va contribuerà les enrichir.Nous ne pouvons pas évidemment approfondir ici ce qui se joue

autour du concept de technique à des tra-­vaux desphilosophes de la technique commeGilbert Simondon, Gilles Deleuze,Bernard Stiegler...

Comme dans beaucoup milieux, nous souffrons dans lemonde du sport vision erronée de la technique qui fait souf-­frir,désoriente, aliène, culpabilise et contribue à empêcher queun rapport subtil entre le pratiquant et les situations a à vivre.Fabrice Santoro pour prendre un exemple récent a réussi lui

(comme beaucoup de grands sportifs) à échapper àtotalitaire modèle technique. Il pas un

artiste au jeu atypique comme récemment un article dujournal Le Monde. Il a juste eu le courage simplement lui-­même et de croire en son jeu (souvent contre le sys-­tèmequi pourtant à que pour faciliter son éclosion).

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Nous devrions tous être des par parce que, deplus et tout bien considéré, il est impossible sans conséquencesfâcheuses pour de soi de faire autrement pourvivre.A la part humaine de la technique, -­à-­dire sa

dimension subjective et singulière, disparaît derrière sadimension biomécanique ce qui contribue à nous en proposer unevision erronée. Cette dimension que la partieensemble qui lui donne sens et à ignorer cet ensemble pour neprivilégier que la partie visible, nous nous condamnons à ne riencomprendre à du style. Un joueur de tennis qui rate uncoup droit parce pas assez avancé par rapport à la ballene en fait pas raté pour cette raison car il pas en train dejouer en contrôlant bio-­mécaniquement sa motricité. Il joue toutsimplement. en fait la totalité de sa présence à la situationqui pose problème, problème ne peut résoudre en

seulement à placer son .sportive est tout à fait autre chose qui

contrôle de mais il est si pratiquede la concevoir comme cela (et si difficile de la conce-­voirautrement) que nous en resterons sans doute encore là un bonmoment.Pensons à tous les pratiquants qui ont été ou dégoûtés ou

dissuadés de continuer dans la pratique que pourtant ilsaimaient, pour non conformité au modèle attendu par

.

Le pratiquant est rarement gagné de façon définitive par

Il nous suffit ici de rapporter les propos de Roger Federer tenus aucours du dernier tournoi de Roland-­Garros dont il est sorti vain-­queur,tournoi qui revêtait pour lui une importance particulière dont tout lemonde se souvient. ne me dis pas si je ne gagne pas cette année, cela

jamais plus. Même si je ne gagne jamais Roland-­Garros,tout donné tous les ans ici et encore ma chance dans le

futur. juste de me concentrer sur le match et de faire monmaximum. Sans commentaire.

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Le pratiquant est cultivé et donc à même de faire deshypothèses permettant de limiter les risques inhérents à

en situation

Quand il travaille, le pratiquant se cultive et prépare ainsi lafaçon dont seront appréhendées les situations à venir. Quelles quesoient les sources utilise pour affiner son style, ilsait que la seule façon de réduire -­à-­dire de faire unpari demeilleure qualité au sujet de la situation de compétition varencontrer, est de chercher, jusque dans le moindre détail, cepourrait connaître de cette situation et que pourtant il ne connaîtrajamais entièrement. Il est prudent et le devient chaque jour davantagepar la connaissance acquiert sur la situation, connaissance qui nelui donne pas la solution que, de toute façon, il devra inventer, mais quiréduit le taux posé par la contingence. sonexpérience qui lui permet, par la délibéra-­tion, les choix qui,alors, lui conviennent.Si Françoise Dolto a choisi comme épitaphe : pasSpinoza a choisi lui : . Ces deux qualités sont

parfaitement complémentaires et résument bien le paradoxe de lacondition humaine. sans la prudence est un enfantil-­lage,la prudence sans un refus de vivre.

Le génie peut alors comme le disait Alexis Grussquand finalement travail efface le . Il a pas -­tionà cette règle qui est pourtant souvent ignorée du fait des réfé-­rencesconstantes faites au caractère exceptionnel des athlètes de hautniveau. Si ces athlètes semblent tout faire avec facilité, ne nous ytrompons pas. Ce sont avant tout des travailleurs infatigables quiconnaissent la joie par progressive de leur puis-­sance

et qui font alors de leur vie une aventure à la fois per-­sonnelle etriche et stimulante quand elle se tourne vers les autres. Ceci

pas grand chose à voir avec que ces athlètesgagnent quelquefois. A les côtoyer, on est surpris de la curiositéconservent pour la pratique de leur activité tout sim-­plement parce quecette pratique les enchante.La performance pas une récompense, ni une

punition. Il y a un devenir permanent fait de temps forts et de

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-­complit au service du désir. Tout ce que nous venons nous invite à découvrir (ou à

redécouvrir) de dans cette aventure. Bien deschoses tant techniques que scientifiques, laisseraiententendre que cette dimension est relativement négligeable.Nous pen-­sons,tout au contraire, que là que dans le travail sur et avecsoi-­même et dans la réciprocité avec les autres, les désirs les plusprofonds ainsi que les évolutions les plus subtiles et que -­nouissentles joies les plus fortes. Ainsi, la performance est humaine.Alain Badiou résume finalement de vivre en

autour de trois points qui définiraient, pour lui, lemal vivre. Cemal,celui qui interdirait la poursuite éthique de Vérité commeavènement de possibles insoupçonnés, éthique que nous pouvonsétendre sans difficulté à une éthique de la performance humaine, celledu pratiquant.

Nous avons, en tant capacité dans lacomposition et le devenir de quelques vérités celles du sensproduit par nous depuis la nuit des temps et dont la seule injonctionforte qui puisse leur convenir est de continuer à le pro-­duire à la foispour leur joie personnelle mais aussi pour la joie de tous dans descombinaisons et des filiations infinies.

Mais,

Un événement ne peut convoquer le plein situationantérieure. Alain Badiou appelle cela la la terreur dusimulacre. Notre tâche est nos vies et non de singer une viequi serait soi-­disant normale.

que

Nous ne devons pas croire en une vérité qui aurait une puis-­sancetotale et définitive. Il nomme cette croyance car ellecontribue à arrêter le devenir des performances et donc le pro-­cessus

lui-­même.

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Ce que nous venons de présenter comme correspondant à uneéthique du pratiquant pourrait laisser entendre que le monde de cepratiquant étant si personnel et singulier, il lui est impossible etinutile de recevoir une aide extérieure pour mener à bien son pro-­predéveloppement, sa propre individuation. évidemment le contrairequi est vrai et par le partage et la rencontre, on compris, que va

la sculpture du sujet par lui-­même au contact desconnaissances de tous ordres pourra côtoyer pour évoluer dans sadiscipline. Sa ligne de style est unique mais elle se construit et sedistingue par des rapports constants de ce qui pas elle et quenous appellerons façon générale . Le rôle des parents et de

est évidemment décisif à cet égard.

est pour le pratiquant un spécialiste de ladiscipline désire pratiquer. Ceci pourrait passer pour une lapa-­lissademais ce est pas une car il y a plusieurs façons de se dire spécialiste

discipline sportive et pour nous, ces façons -­sent et nepeuvent coexister au sein même processus -­nement. Nousles avons rencontrées tout au long de ce textePour les uns, il y a une vérité a priori de la discipline pratiquée.

Cette vérité qui prend appui sur la tradition culturelle ainsi que sur lespropres observations de donne forme à une convic-­tiondéfinitive qui lui permet alors sans difficulté, de distinguer dans lesproductions des athlètes ce qui est bien et ce qui est mal. Ce sont desconceptions de ce type qui servent aux forma-­tions et auxévaluationsdans la partie spécifique des Brevets .Pour la discipline sportive pas en elle-­même. Elle

est inventée au fil du temps par les acteurs, ne pou-­vant quefaire une théorie, une conception valable seulement à

un moment donné et pour un temps donné. Cette conceptionprécaire mais momentanément certaine est elle aussi nourrie detraditions et vécuesmais elle se sait -­ et donc àmême contestée et dépassée. Cette relati-­vité trouble engénéral beaucoup les entraîneurs qui aspirent

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comme tout un chacun (mais à tort dans ce type demétier) à tra-­vailleravec des certitudes. Ils sont condamnés à donc àpoursuivre inlassablement leur formation tant point de vuephilosophique que scientifique pour affiner toujours plus uneconception de la performance qui ne pourra pourtant jamais êtredéfinitive.Cette expertise en mouvement, toujours plus riche et ouverte, est

une véritable réflexion continuée qui va permettre à -­neurtrois objectifs :

Elle va lui permettre de pouvoir accueillir le prati-­quant àsingulier où celui-­ci en est et donc une

possibilité adaptée à la ligne de style déjà existantede ce pratiquant. Les grands enseignants sont ceux qui sont capablesde vous tendre la main là où vous êtes parvenu. (Annexe 3)Elle contribuera à ce soit moins victime des discours

théoriques à la mode et ainsi ne se laisse pas envahir par unlangage conceptuel qui a souvent tendance à se détourner du réel pour

-­légitimer. Il de tenter toujours plus ce réel, nonpas de se faire plaisir (de façon illusoire...) en faisant -­ lesconcepts.Toutmanquement de sa part dans la recherche de cette luci-­dité

théorique laissera la porte grande ouverte aux experts de tout poil,à même alors dans ses affaires soit parce que, désemparé, ille demande soit parce que tout le monde faisant ainsi, il doit bien yavoir une raison légitime.Enfin, elle le rendra plus incisif dans la mise au point des questionsque le ne peut manquer de lui poser, mise au point qui estdirectement dépendante de la culture possédée. On ne pose en effet quepeu de questions et elles sont en général assez banales quand on estpeu cultivé. Cette culture doit de vagabondages dans

domaines que celui du sport propre-­ment dit, domaines quionten commun de la condition humaine.

doit savoir en effet que derrière saconception de la discipline se cache une conception de

humain

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Cette dimension est la grande absente des processus -­nement. Accaparés par des exercices, nous négli-­geonssouvent de nous demander au service de quelle conceptionde ilssont organisés car ils sont, le veuille ou non, tou-­joursdépendants conception.Lemoindre petit travail de passes en sport collectif peut servir une

idée de ou une autre. Nous sommes peu habitués à observerla présence de ces valeurs très générales car elles irradient notre activitéquotidienne en silence mais elles sont pas moins présentes. Ilreviendra à de les élucider car il peut arri-­ver quesouhaite développer du pratiquant et lui propose unexercice qui, à le conduire à -­jettir. Pour enrevenir au travail de passe que nous évoquions pré-­cédemment, unechose est de faire exécuter ce travail en visant les capacités imaginativesdu pratiquant et de donner ainsi du sens à la passe en la faisant vivrecomme un choix dans le cadre de la pour-­suite de large de

pratiquée, une autre de propo-­ser ce travail dans le cadre figésystème dans lequel le prati-­quant considéré que comme un

simple transmetteur de ballon, la passe étant réduite àsavoir-­faire technique.

Un des moyens (trop négligé) de proposer de pratiquer uneactivité est soi-­même cet art en tant . Nousavons déjà évoqué le rôle cardinal de bien illustré par cetteparole de Gandhi : du changement que voussouhaitez. Le père de Mozart, le frère aîné de Champollion, le père dePaco de Lucia... ont été à plus exemplaires que pédagogues.Il de pouvoir attester de la joie que procure la pratiquepersonnelle de tout en en proposant une approchedidactique.

La distinction entre ces deux termes est essentielle notammentaprès les analyses Arendt. Quand stipule que -­traîneur doit faire autorité et non exercer le pouvoir, on pense

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à la nécessité en situation de compétition, une vraieliberté du pratiquant sportif. Nous avons vu que cette liberté estexigée par la situation de compétition. de

au sens propre du mot. Elle augmente les capacités desgens auquel elle . Parce que la performance pasà son autorité est une force instituante beaucoup plus

force instituée qui a priori et définitive-­ment.Il subsiste bien sûr dans la relation une dissymétrie entre

et le pratiquant mais à relation de pouvoir,elle est reconnue par le pratiquant lui-­même comme res-­sourceculturelle susceptible de fait ses pre-­mièresarmesmais également tout au long de la carrière.

a une fonction .(86) En nous indiquant quenous-­mêmes, nous pouvons, elle contribue à la structuration dede soi et de la confiance en soi. En disant comment les chosesdoivent être, le pouvoir lui, ne laisse aucune place à la prise en comptede par les pratiquants en formation et contribue donc àgénérer leur impuissance se retrouvent inévitablementconfrontés à la contingence de la situation. invite àcommencer, le pouvoir soumet ou exclut. conseille, lepouvoir impose.Imaginons un entraîneur de tennis à de Bjorn Borg. Il

exerce le pouvoir considère que le tennis ultime et définitif estenfin pratiqué et en impose la forme à tous les joueurs dont il a lacharge. Il exerce une autorité si, prenant en compte la façon de jouerde ce champion, celle-­ci à déjà répertoriées pourouvrir encore plus son champ pédagogiques etaux lignes de style chaque fois différentes des pratiquants enformation. ainsi sera conseillé à certains joueurs

le revers à deux mains, alors que ce même revers seradéconseillé à . Combien de joueurs de tennis de table se sontperdus à vouloir jouer comme Jean PhilippeGatien ?

invite à et la permet, le pouvoir -­terdit. jamais, le pouvoir humilie souvent. Cedernier conduit notamment à méconnaître authen-­

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tique du pratiquant quand il se montre, bien malgré lui pourtant,maladroit au cours de ce qui a comme consé-­quences de détruire toute sa curiosité et son désir et quasiinéluctablement, à abandonner la pratique.

Fort de ce sait et de son envie très généreuse de transmet-­tre,oublie parfois agit avec une personne qui, pour

employer une formule célèbre, pas sac faut rem-­ .Toujours complexe et singulière, cette personne doit bien plu-­tôt êtreconsidérée comme une énigme(87) qui a une repré-­sentation dumonde originale et qui ne peut faire autrement que de et devivre en sur elle. Unpratiquant ne com-­mence jamais avec unentraîneur même quand il débute avec lui. Il est déjà une quia façonné ses peurs, ses joies, son désir, ses projets ses rêves... et uneidée a priori de la pratique dans laquelle il désire .

devra évidemment en proposant desinfléchissements, des élucidations, des sug-­gestions respectantintime(88) de celui auquel il et à évoluer.accompagne cet être intime car il sait que sans seraitdestructeur de la dynamique dans laquelle inscrit spontanémentle pratiquant. Il y a ainsi quel-­quefois des atteintes au qui sontsouvent invisibles mais qui rendent pourtant définitivement impossible

à . Il nous arrive de déplorer demotivation. Balayons devant notre porte et demandons-­nous si, en tantque formateur, nous ne serions pas les premiers responsables de cetétat de fait.

Confronté à la singularité du pratiquant et à une pratique qui necesse doit être lui aussi un inventeur. Il metau point des stratégies de préparation et des situations -­traînement qui, sans trahir ce que de la discipline et les87. Formule du philosophe Emmanuel Levinas.

1. Etre intime : notion proposée par Bakounine pour définir la réalité et la dimension subjec-­tive et singulière des êtres.

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sciences ont pu apporter en termes de connaissance de la conditionhumaine en situation, anticipent sur un devenir possible de cettediscipline qui autre que ce que le pratiquant va pouvoir en faire.En jouant sur lesmots, onpeut écrire lamatière, laqui fait la différence et regretter que lemonde du sportmette en avant larecherche de conformité avec les meilleurs, quand il faudrait, tout aucontraire, en distinguer.

Il met en situation

Attaché au résultat, -­à-­dire à du pratiquant à lapoursuite de large, beaucoup plus la conformité à dessavoir-­faire technique, propose des situa-­tions quidoivent conduire le pratiquant à se poser des questions et à lesrésoudre. Il faut être fidèle à Einstein qui disait que

connaissance véritable est une réponse à une ques-­ .Organisées autour de large, ces situations doivent toujoursavoir un caractère qui va pousser à la création.Le temps de travail en situation doit alors être considéré

comme une variable incompressible. Sans lui, sans noces longuescomme le diraitMichel Serres, pas pas de réelle décou-­verteet de construction véritable (apport de sens). Le cerveau pour se

authentiquement doit tâtonner, tenter, se tromper, parier,rêver, échouer, recommencer... sans que ait besoin debeaucoup intervenir. Il doit insister surtout sur individuelle à larecherche du sens qui va se jouer en situation et sur le résultat. Il doitêtre prêt à accueillir des réponses différentes à la même mise ensituation pour deux pratiquants différents. Soulignons à nouveauque cette aventure est parfaite pour un indi-­vidu donné et, pour lui,toujours susceptible vers une perfection nouvelle.Le cerveau du pratiquant a moins besoin des paroles de -­

traîneur pour en situation que des boucles sensori-­motrices met en à cette occasion et qui impliquent latotalité de son être. Le pratiquant est invité en somme au travail sur soipar lui-­même. Les paroles prennent par contre beaucoup -­portancedans des hypothèses permettant de com-­

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prendre la performance réalisée et donc dans la relance du désir. En somme, accompagne et enrichit le res-­senti

de sans jamais prétendre le construire de toutes pièces.Dans cet esprit, les facteurs de la performance obtenus à postériori par

et la théorisation des performances pas-­sées (force,endurance de longue durée, souplesse... ) doivent être introduits dans

à condition soient ajustés pour respecter la ligne destyle et et non pour se substituer à elle.

garde présent à ne doit sous aucunprétexte dérober par anticipation ou par imposition, le sens que seulle pratiquant est à même de faire advenir et que son attitude à la foisrespectueuse et encourageante auprès de lui est sans doute desmeilleures garanties offerte à celui-­ci de cheminer de per-­fection enperfection, vers sa propre excellence. Il est toujours pos-­siblela liberté que certains athlètes ont conquise et de prendre exemple sureux pour parler au pratiquant mais juste pour comprenneque, pour lui, rien sans se lance à son tour dans sapropre aventure.Jean Rostand en quelques lignes a circonscrit magnifiquement ce

que pourrait être une éthique de . Il écrivait :des esprits sans les conformer, les enrichir sans les endoc-­triner, lesarmer sans les enrôler, leur communiquer une force, les séduire au vraipour les amener à leur propre vérité, leur donner le meilleur de soi sansattendre ce salaire la ressemblance.

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7. Conclusion

Nous sommes partis à la recherche de la nature du sens, celui quisemble partagé par les êtres humains dans la vie ordinaire ou biencelui produit par des sportifs qui en situation. Nous avonsrencontré des systèmes de normes qui jouent la plupart du temps lerôle demodèles définitifs et qui quand il surce que pourrait être . Ce sens déjà là, au pou-­voir incontestableet évident pour un esprit qui pas comprendre etla constitution, a égaré voire empêché la réflexion sur la conditionhumaine en la privant notamment de pouvoir par et dansla création de sens nouveau. A force de nous inviter à reproduire, nous

pas appris à inventer et encore moins à comprendre leschoses en trainde se faire.La réflexion sur la nature de la connaissance ainsi que les pro-­grès

dans les neuro-­sciences nous invitent à refonder cettecondition.Le fait naissant nous rencontrons du sens déjà là ne jus-­tifie

pas que ce sens soit définitivement considéré comme vrai et ne légitimedonc pas comme une référence immuable. Nous devonscomprendre a été créé par et la liberté des hommes qui,faisant face à des situations chaque fois nouvelles, ont accumulé de

.Il est essentiel en sport (comme dans la vie ordinaire) que nous

redécouvrions cette initiative et cette liberté. Le sens déjà là est pasobsolète pour autant. Nous avons vu comment il joue le rôleau processus lui-­même, appui constam-­ment enrichipar le génie des hommes. Il est essentiel de retenir que le sens pasune essence éternelle. Il est produit et non donné et nous avons entant que professionnels de le devoir moralcomprendre les principes de production : il en va du bonheur des gensqui se confient à nous.Les normes que, tout au long de notre vie, on nous a invités à

intégrer et à reproduire pour être conformes nous ont renduabsents à nous-­mêmes et inattentifs à singulier et inaliénable quechacun nous représente. Les prisons conceptuelles qui sontpartout autour de nous nous étouffent en même temps que de façonperverse elles nous rassurent. On comprend que beaucoup de

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en vivant. Nous avons une longue tradition et de soumission à

la vérité sans imaginer est seulement le fruit du travail deshommes. Nous devons nous persuader nous faut redevenirhumains en assumant notre condition tragique, -­à-­dire sans fauxespoir ni peur excessive. Nous avons la capacité de vivre des possiblesen nombre infini comme démontré des anciens illus-­tres. Il fautpour cela comprendre ce que doit à notre cerveau immature libérédes contraintes génétiques, à la culture qui nous accueille et à notrefantastique pouvoir de créer des mondes à condition de pouvoirrentrer en résonance avec ce qui nous sur-­prend en situation.Comme le dit Cornelius Castoriadis, pas ce qui est

mais ce qui pourrait et devrait être qui a besoin de . Encore faut-­il nous appris... et que les formateurs aient reçu une formationleur permettant de le comprendre.Qui pourra alors les éduquer à ne plus envisager seulement la

connaissance comme quelque chose que accumulemais comme deséléments qui servent à vivre mieux, -­à-­dire à inventer au présent ?Nous avons dans notre tradition culturelle lourdement surévalué lesidées. notre principale erreur qui nous a interdit de découvrir unautre chemin dans notre rapport au réel, notam-­ment que ce réel étaitnotre principal complice dans la production du sens. La création estun acte et cet acte doit être rapporté à une dimensionfondamentale du vivant et notamment du vivant humain.Nous sommes en quelque sorte malades de nous-­mêmes. Nos

représentations, nos habitudes de pensée contribuent à nous rendretristes et à nous faire participer, en le désirant même quelquefois, auconformisme généralisé. Aucune réelle action évidemment pos-­sibledans ce contexte. Bien sûr, de-­ci de-­là certains athlètes conti-­nueront deproduire des performances, eux qui auront grandi en étant entourésdifféremment, mais quel gâchis pour tous les autres qui avaientpourtant la certitude de pouvoir le faire eux aussi...Aucun chiffre, aucune norme, aucune statistique ne peuvent

justifier individu soit dissuadé de dans la direction quelui indique son désir et de tenter de le mener à bien. Ces divers

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éléments quantitatif utilisés par des esprits non avertis de leurdanger, ont fait un mal considérable notamment dans le monde dusport. Que de ont été prévenus tôt que le basketpas pour eux alors avaient un énorme désir de pratiquer cetteactivité et que de ont été dirigés vers elle sans vraiment ?Ce pas, on compris, en traitant ainsi -­main que la vie

et que peut pointer le bout de son nez.Nous avons fait aveuglément confiance à la science sans nous

rendre compte nous parlait homme avait dûbeaucoup simplifier pour pouvoir . Cette science pasen cause car nous ne sommes pas, en formation, suffisamment prévenusde sa vérité relative et de son impuissance à rendre compte

des phénomènes complexes dont la perfor-­mance faitpartie. Notre rapport infantile aux données de tous ordres(scientifique, culturelle...), rapport qui pas propre ànotre milieu, nous a fait perdre notre objectif qui est avant tout decomprendre comment naît et se développe la saveur de vivre, ce quinous a précipités dans comme le crie Michel Serresdans Rameaux. De là à passer à coté de sa vie : il a pas loin...

Un besoin de philosophie

Notre problème est le même que celui de Platon,Nietzsche... et de milliers qui se posent la question desavoir : un homme est-­il ce estSi, peut-­être pour certains eux, cette réflexion fut dés-­

intéressée, elle est pour nous professionnellement indispensable carnous nous occupons, pendant un certain temps au moins, de la viedes gens et donc de leur bonheur. Nous avons en quelque sorte

de penser la condition humaine. Il pas questionque nous aurions trouvé. reste énigmatique

mais se profilent des données théoriques qui nous permettent demieux préciser les questions que nous nous posons. En nous aidant àprendre conscience, des présupposés qui travail-­lent en noussilencieusement, et des choix inaperçus qui détermi-­nent leurspécificité sans que nous les ayons réfléchis tout en pré-­

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jeu

Encore faut-­il que nous nous lancions en philosophie. La conception que nous pouvions avoir de cette discipline a

évolué, ce qui malheureusement ne se ressent pas toujours en classe dephilosophie. Elle est moins la recherche de -­tiondéfinitive du grand système du monde moment de pen-­serdurant lequel, en appui sur les hypothèses de tous ordres déjà émises,chacun nous tente de préciser ce qui pourrait être défini, pourlui comme pour les autres, comme un art de vivre ame-­nant chacun àêtre soi-­même.

Penser ne se fait jamais en aval des normes mais concerne cesnormes mêmes quand des observés dans la réalité,restent inexpliqués et exigent de proposer une nouvelle hypothèse. Faut-­il encore que ces qui tiennent à notre singularité soientrespectés et non pas réduits à des qui confirment lace qui est à la fois un moyen élégant de les faire disparaî-­tre et delaisser place libre aux habitudes intellectuelles en cours dans

.

comporter vis-­à-­Pourquoi a-­t-­on pu oublier à ce point que, si est créé par

la culture, il est aussi créateur de culture et que la puis-­sance deson imagination qui est alors requise ?

Et comprendre enfin que :

(89)

(89) Encrevé Pierre. Soulages ;; les peintures. Ed du Seuil.

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Annexe 1

Le Moigne Jean Louis. La modélisation des systèmes complexes. Ed Dunot Paris 90.

Il est minuit passé et est très sombre, jalonnéeseulement par les quelques taches claires que projettent de raresréverbères. Au pied de deux, un ivrogne hoquetant accroupi,cherche en tâtonnant la clef de sa maison, distante de quelque quinzemètres. Un passant com-­patissant propose de et :

souvenez-­vousoù vous avez perdu cette clef .répond levant la porte de ma maison alors que je

cherchaisà .

alors, pourquoi ne cherchez-­vous pas devant cette portele passant.

Jean Louis Le Moigne de conclure : en est-­il de bien desmodèles enseignés : ils ne résolvent peut-­être pas le problème dumoment,mais ils sont connus.

La bonne découpe du saucisson et du poulet La bonneméthode pour représenter de façon instrumentale (et donc

comestible) un saucisson est universellement connue : le découper entranchesparallèles, fines de préférence, à lamebien affûtée.

Lorsque, à notre insu, dans lemême type de boyau, on a introduit unpoulet correctement rôti et nous invite à représenter cet objetayant les apparences saucisson, de façon instrumentale, nous nouspropo-­sons aussitôt de nous ramener à la méthode de modélisationprécédente, par la bonne découpe du poulet commesaucisson. Le résultat, on le sait, ne sera pas satisfaisant : la représentationdu poulet sera pauvre, presque inintelligible, et il ne sera guèrecomestible.

JeanLouis LeMoigne : souvent lorsquene connais-­sant que comme méthode de théorisation, nous découpons lesphénomènesmal connus en tranches parallèles : le résultat pas satis-­faisant,mais nousne savonspas faire autrement ! Est-­ce sûr

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Annexe 2

Varela Francisco. Sciences cognitives et psychanlyse : questions ouvertes in Somatisation, psychanalyse et science du vivant. Ed ESHELParis 94.

problème de base de la cognition est de rendre compte de lafaçon dont un système qui est déjà et toujours actif peut arriver à donner unsens à quelque chose qui ne le contient pas demanière intrinsèque.

Il existe une expérience remarquable, faite déjà voici un bon bout detemps, qui reste une illustration absolument fabuleuse de ce principe. Lespetits chatons naissent avec les yeux fermés. Onpeut donc lesmaintenir dans

laplupartdu tempsdans la journée et les sortir pour faireunepetitepromenade dans un environnement très contrôlé, un environ-­nement delignes lumineuses verticales, par exemple. consiste àprendre un chaton qui va être actif et bouger normalement, et un autre,maintenu dans un panier, qui va rester passif. On fait cela pen-­dant quelquesheures par jour pendant un mois et au bout du mois, on laisse les deuxchatons sortir et observe ce qui se passe. Par définition, les deux chatonsont reçu les mêmes visuels. Dans les deux cas, leur système optiqueest absolument intact. Mais on que le cha-­ton passif se comportecomme était absolument aveugle : pour lui, il a pas dans lemonde. -­ce qui fait la différence ? le fait que autonome, en

sensori-­motrice, de ce système cogni-­tif est inséparable de laconstitutionde cequi est apparemment lemondedesobjets, et donc lemondedes significations. Pour dire vite, que venue dumonde estretenuepar rétinienne, qui est traitée, et dont onextrait des invariants,cette idée est démontrée fausse. Les objets émergent de constantedes cycles sensori-­moteurs. Et il ne pas seulement de la motricitésensorielle, mais aussi de tous les états de motivation, de mémoire,

etc., qui .(...) Il ne plus de qui est donnée mais de -­

mation comme quelque chose qui est littéralement in-­formé (formé deet cette création de sens comme activité autonome qui est

capable de rendre compte de ce y a de plus intéressant dans laconnaissance. Il y a là place pour la nouveauté radicale et pour la créati-­vité,bien au-­delà de que nous nous faisions des systèmes cognitifsprésent.

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La première figure repré-­sente la situation expéri-­mentale dans laquelle sontplacés les deux chatons. Unchaton est actif, estpassif. Ils reçoivent appa-­remment tous deux lamême quantité -­tionvisuelle. La seconde figuredécrit un des tests leurfait passer une fois terminée laphase -­périmentation. Lechat pos-­sède naturellementun réflexe despattes àobstacle. Si utilise unetable avec un bord crénelé et

présente les deuxanimaux pourposent, le chaton actifdirige toujours ses pattes surune des parties dures de latable. Le chaton passif dirigelui 50% des fois ses pattes versunepartie vide.

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Annexe 3

-­ un seul ! -­ pour nous sauver de nous-­mêmes et nous faire oublier tous les autres.

II était notre professeur de mathématiques en première (...). Unprofesseur on ne peut moins cinématographique : ovale, je dirais, unevoix aiguë et rien de particulier qui retienne le regard. Il nous attendaitassis à son bureau, nous saluait aimablement, et dès ses premiers motsnous entrions en mathématique. De quoi était faite cette heure qui nousretenait tant ? Essentiellement de lamatière queMonsieur Bal y enseignaitet dont il semblait habité, ce qui faisait de lui un être curieusementvivant, calme et bon. Étrange bonté, née de la connaissance même,désir naturel de partager avec nous la qui ravissait sonesprit et dont il ne pouvait pas concevoir nous fût répulsive, ouseulement étrangère. Bal était pétri de samatière et de ses élèves. Il avaitquelque chose du ravi de la crèchemathématique, une effarante innocence.

pût être chahuté jamais dû et de nousmoquer de lui ne nous serait jamais venue, tant son bonheurétait convaincant.

Nous pourtant pas un public docile. À peu près tous sor-­tisde la poubelle de Djibouti, guère attachants. quelques souvenirs debagarres nocturnes, en ville, et de règlements de comptes internes qui nedevaient rien à la tendresse. Mais, dès que nous franchissions la porte demonsieur Bal, nous étions comme sanctifiés par notre immer-­sion dans lesmathématiques et, passée, chacun de nous refai-­sait surfacemathematikos.

Le jour de notre rencontre, lorsque les plus nuls nousvantés de leurs zéros pointés, il avait répondu en souriant

ne croyait pas aux ensembles vides. Sur quoi, il avait posé quelquesquestions fort simples et considéré nos réponses élémen-­taires comme

pépites, ce qui nous avait beaucoup amu-­sés. Puis, il avaitinscrit le chiffre 12 au tableau en nous demandant ce écrivait là. Lesplus délurés avaient tenté une sortie :

-­ Les douze doigts de la main !

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-­ Les douze commandements ! -­

Il ajouta : -­Et encore :

De fait, il ne nous parla plus une seule fois du bac. Mètre aprèsmètre, il occupa cette année à nous remonter du gouffre de notre igno-­rance, en à le faire passer pour le puits même de la science ;; il

toujours de ce que nous savionsmalgré tout.-­ Vous croyez que vous ne savez rien, mais vous vous trompez, vous

vous trompez, vous en savez énormément ! Regarde, Pennacchioni, savais-­tu que tu savais ça ? Bien entendu, cette maïeutique ne suffit pas à faire de nous des

génies de la mathématique, mais si profond été notre puits,Monsieur Bal nous ramena tous au niveau de la margelle : la moyenne aubaccalauréat. Et sans la moindre allusion, jamais, à calami-­teuxqui, tant professeurset depuis si longtemps, nousattendait.

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Annexe 4

pièges, empêchent toute issue. -­delà du cercle, nous ne le connaissons

Car dès la plus tendre enfance, nous orientons le petit

Si

Libre, sans la mort.

La bête libre a toujours sa perte derrière elle : Devant elle, Dieu.

Comme vont les sources.

Le pur et simple espace

Où la pureté, sans regard sur elle-­même, se respire et se Connaît,

Rainer Maria Rilke Extrait de la huitième élégie de Duino

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Annexe 5

Texte Schéma 1

de vie conduit à se trouver en de. Il produit une performance, -­à-­dire il apporte du sens

susceptible large dont la réalisation le rend heureux. Ilfait une performance.

Texte Schéma 2

Une fois un certain nombre de performances produites, un travail detype scientifique (modélisation par induction) réalisé donc à posté-­riori et

sur elles, permet de dégager une forme (substancia-­lisation), unprofil type qui va servir à atteindre pour la pré-­paration descompétitions à venir.

En général, ce profil est découpé en facteurs qui sont travaillésindividuellement pendant et sont censés, une foisregroupés, permettre de la performance en compétition. Cesopérations (élaboration du profil type à postériori, découpage en facteurs,retournement pour situer ce profil a priori... ) sont logiques mais sontcontestées dans leur capacité à rendre compte du devenirdes phénomènes vivants et la capacité ces orga-­nismes à produiredu sens en situation.

Les système vivants (notamment humains) pas enrecevant de mais en la créant par leur activité au seinenvironnement (individuation). imitent ou répètent, ils ne peuventque réinventer à chaque fois leur modèle de façon nouvelle. Chaquesituationde compétition offre de commencerpour la première fois.

Texte Schéma 3

La vie individu se présente comme un ligne évolutive faite demoments de phases et de déphasages. Les phases correspondent à

dans une habitude de vie, les déphasages à des rencontresfaisant problème et exigeant de la part du sujet une transformation. Si

est insurmontable, la vie même du sujet peut être mise en

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danger et de toutes façons interdire une quelconque évolution (désta-­bilisation du système).

Cette ligne de vie présente à la fois une continuité, le sujetconserve une identité, tout en changeant au prorata des expériencesrencontrées qui correspondent à chaque fois à un véritable commence-­ment.

commencer de continuer et en même temps conti-­nuer de(cité par Myriam Revault . Ainsi, sans origine

réellement identifiable et sans finalité définitive, chacun -­tre nouspeut être modélisé comme un processus qui au fil du tempspar et avec les expériences vécues.

Texte Schéma 4

Les travaux scientifiques des soixante dernières années ont mis enévidence que le sens dont un individu est capable pour faire face auxproblèmes qui se posent à lui ne vient autre endroit que de lui-­même. Seule la rencontre de logiques hétérogènes au sein de la situa-­tionde compétition (individu, règlement, obstacle de tous ordres...) provoque

de sens.

Texte Schéma 5

Au cours de sa vie, un individu qui ne peut réinventer tout ceque les générations précédentes ont accumulé avant lui. doitrencontrer une culture qui le précède pour commencer son propre processus

. Il la recrée pour lui et, alors sur le fruit de sespropres expériences, va, en route vers adulte, deve-­nir de plus enplus capable de créer des originales, ses perfor-­mances quiviendront enrichir la culture dont géné-­rations après lui seserviront.

Texte Schéma 6

qui aborde une situation de compétition est face àquelque chose qui était imprévisible et qui fois. Il ne peutcomprendre cette situation que du seul point de vue des expé-­riencesa déjà vécues (milieu associé). La contingence de la situa-­tion va exiger unacte de création impliquant ces expériencesmais les

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dépassant. Cette création est du pratiquant. Elle est unique etsingulière. sa performance. Elle devient un fait culturel utile pourpréparer (et non prévoir) les expériences à venir.

Chaque expérience nouvelle transforme et enrichit le pratiquant etson milieu associé, ce qui lui permet alors de façondes contingences nouvelles.

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MENU DU DVD

Intervention de Mr. Tauhiti NENA, Ministre de la Jeunesse et des Sports

CONFERENCE 1 -­

CHAPITRES

1 . . . . . Ouverture du ministre de la Jeunesse et des Sports : Tauhiti NENA 2 . . . . . Ouverture du chef de la MAAT : Gérard DUBOIS

3 . . . . . La performance 4 . . . . . Le talent

5 . . . . . Les représentations 6 . . . . . La situation de compétition 7 . . . . . Le sens à postériori (schéma)

8 . . . . .9 . . . . . La singularité

QUESTIONS

1 . . . . . qui partage la réflexion théorique que vous proposez, quelle logique suivre pour la mettre en pratique ?

2 . . . . . Faut-­et en psychologie du sport, pour accompagner dans un mieux être, chaque athlète vers la performance ?

3 . . . . . -­il de la Fédération Française de Handball ?

4 . . . . . Dans les sports hyper normés (danse, gym etc.), peut-­on tenir le même propos aux entraîneurs, sur la contingence ?

5 . . . . .la performance ?

Pour conclure : Revenons au petit surfeur

Conclusion : MJS

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CONFERENCE 2 -­

CHAPITRES

1 . . . . . Ouverture : MJS - MAAT

2 . . . . .3 . . . . . Anecdote sur le cerveau

4 . . . . .5 . . . . . Le pratiquant sportif est un inventeur ! 6 . . . . . La confiance en soi

7 . . . . . La notion de perfection 8 . . . . .

QUESTIONS

1 . . . . . Que manque t-­il dans nos cursus de formations pour enrichir cette vision de la performance ?

2 . . . . .

3 . . . . .préparer

4 . . . . .-­

5 . . . . .

Pour conclure : Claude Fauquet / Kenji Calmes (MJS) / Gérard Dubois (MAAT)

Après avoir lancé conférence 1 ou conférence 2, vous devez activer la touche

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Contribution à la publication de cet ouvrage :

Mr. Gérard DUBOIS Inspecteur Jeunesse et Sports, [email protected]

Mr. Jean-­Paul BADOSA (coordonnateur) Professeur de sport, Mission [email protected]

Mr. Olivier MAZAT (PAO) [email protected]

-­sD..v -­ (Film et montage DVD) [email protected]

Crédits photos : Revue

Relais n°121 Ministère de la Santé et des Sports / C-­chez-­marc

Imprimé en Janvier 2010