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Capital confiance et performance durable À qui CONFIER les clés ? Sylvie Rolland Anne-Laure Mauduit Christophe Villalonga Le réseau Parcours Croisés

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ISBN : 978-2-12-465453-6www.afnor.org/editions www.afnor.org/formation

Capital confianceet performance durable

À qui CONFIER les clés ?

Capital confiance et performance durableÀ qui CONFIER les clés ?

Sylvie RollandAnne-Laure Mauduit

Christophe VillalongaLe réseau Parcours Croisés

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Une approche originale et « impertinente »

Après trois décennies de croissance et de développement de la fonction Qualité, soutenue par le succès planétaire des normes ISO 9000, il était nécessaire de prendre du recul et de s’interroger également sur certains signaux faibles qui peuvent relativiser l’influence prise par la fonction.

Confier à des chercheurs d’une des meilleures universités françaises, Paris-Dauphine, le soin de s’interroger sur la fonction Qualité des entreprises, puis livrer cette vision décapante à des directeurs Qualité en exercice… la promesse est intéressante et la méthode originale, à l’image de Parcours Croisés, premier réseau de décideurs QSE.

Cet ouvrage collectif propose de nombreuses pistes pour penser la fonction Qualité, son évolution, sa position nouvelle face aux enjeux des entreprises. Il offre aux décideurs Qualité garants d’une performance durable, les clés pour renouveler leur fonction, séduire les dirigeants, déployer des modes de fonctionnement ouverts et participatifs, accroître leur leadership et sortir des sentiers battus de la seule conformité…

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Contact : [email protected]

© AFNOR 2014Couverture : création AFNOR Éditions – Crédit photo © 2014 Fotolia

ISBN 978-2-12-465453-6

Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les analyses et courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (loi du 1er juillet 1992, art. L 122-4 et L 122-5, et Code pénal, art. 425).

AFNOR – 11, rue Francis de Pressensé, 93571 La Plaine Saint-Denis CedexTél. : + 33 (0) 1 41 62 80 00 – www.afnor.org/editions

Sommaire

Remerciements ....................................................... VII

Édito .......................................................................... IX

Introduction ............................................................ XIII

1 Quelle place pour la fonction QHSE face aux nouveaux enjeux des entreprises ? ...... 1

1.1 Les enjeux contemporains de la performance et leurs impacts sur la qualité ............................5

1.2 Quel devenir pour la fonction QHSE face à ces enjeux ? ......................................... 16

2 La fonction QHSE : perspectives d’évolution ...35

2.1 Les « territoires » du directeur qualité .............36

2.2 La fonction qualité et la performance ..............43

2.3 Redonner du sens à la qualité .........................49

VI Capitalconfianceetperformancedurable

2.4 La qualité au cœur des préoccupations des directions générales ? ..............................52

2.5 Quelles compétences pour le décideur QHSE de demain ? ..............57

2.6 Le point de vue de Jérick Develle ...................63

2.7 Conclusion ......................................................65

Biographie des auteurs et contributeurs ..............67

Bibliographie ............................................................79

Remerciements

Nous remercions :

Les auteurs :

– Sylvie Rolland, directrice de la chaire Performance des organisations de Paris-Dauphine.

– Anne-Laure Mauduit, responsable du pôle Études du Groupe AFNOR.

– Christophe Villalonga, animateur du club Parcours Croisés Confluence et auteur du livre Devenez Manager qualité 2.0 ! Penser autrement, se comporter différemment, agir durablement, AFNOR Éditions, 2013.

Les dirigeants et décideurs qui ont contribué à ce travail collectif et tout particulièrement :

– Jérick Develle, directeur général d’Adecco Medical, pour sa vision de la qualité Y.0.

VIII Capitalconfianceetperformancedurable

– Xavier Quérat-Hément, directeur qualité du Groupe La Poste, pour sa vision du management de l’expérience client.

La communauté Parcours Croisés :

Daniel Blaie et Jean-Michel Imbert pour leurs témoignages, l’ensemble des animateurs et tous les membres du réseau Parcours Croisés, auxquels cet ouvrage est particulièrement dédié. Leurs réflexions, expériences ou même anecdotes sur leur quotidien de décideurs QHSE ont été précieuses. Qu’ils se reconnaissent ou non dans la vision qui leur a été présentée, le partage de leur perception a permis de construire avec eux une vision globale de la fonction qualité de demain.

Les initiateurs et coordonnateurs de cet ouvrage :

Marie Berenger et Pascal Prévost.

Édito

La fonction qualité est le fruit d’une évolution silencieuse. En trente ans, cette fonction s’est installée dans le paysage des entreprises ; elle pèse aujourd’hui plus de 100 000 emplois en France et mobilise plus de 200 000 personnes impliquées directement.

Plus d’un million d’entreprises dans le monde se sont em-parées des fameuses normes ISO 9001 pour augmenter le niveau de confiance avec leurs marchés.

Dans une société soucieuse de réduire le risque, passant d’une logique de demande à une logique d’offre, la fonction s’est révélée précieuse pour les dirigeants d’entreprise.

Les approches qualité ont longtemps figuré dans le « Top Ten » des démarches managériales privilégiées au plan international par les comités de direction, au sein desquels sont entrés massivement les directeurs qualité.

X Capitalconfianceetperformancedurable

Les systèmes de management portés par les normes inter-nationales se sont ancrés dans les entreprises, bien au-delà d’un simple effet de mode, et ont indéniablement renforcé le pilotage et l’amélioration de la performance globale avec parfois, comme pour tout succès planétaire, des excès et des insuffisances.

Mais le succès de la fonction qualité conduit naturellement à s’interroger sur son devenir et son évolution. Des signaux faibles témoignent de la nécessité d’une réflexion prospective pour que les « tenants » de la fonction continuent à être « créateurs de valeurs » au sein de leur organisation.

C’est la raison d’être du lancement des clubs Parcours Croisés, premier réseau de décideurs qualité, lieu d’échanges, de relations professionnelles, de montée en compétences et de prospective.

C’est aussi la raison d’être du partenariat noué par le Groupe AFNOR avec Paris-Dauphine au sein de la chaire Performance des organisations.

Ce modeste ouvrage est ainsi le fruit de cette collaboration pragmatique, confrontant chercheurs scientifiques, précieux par leur rapport au temps et à l’action, et vision des acteurs engagés, confrontés aux réalités opérationnelles et aux défis des entreprises.

Cette construction collective, originale, est naturellement « équilibrée » et forcément « perfectible ». Elle n’a surtout pas vocation à proposer ou figer un « modèle » de la fonction mais à nous interroger et faire réfléchir sur les tendances clés de la qualité pour les années futures.

Place à la diversité, place à la juste articulation entre « valeurs froides » et « valeurs chaudes », place à la construction pour

Édito XI

chacun de sa « direction qualité », portée par sa vision, ses qualités techniques, de leadership et construite avec lucidité en intégrant les déterminants de sa fonction dictés par son marché, son organisation et la vision des dirigeants.

Parcours Croisés n’a d’autres ambitions que de vous offrir cet espace nécessaire à la construction renouvelée de votre fonction et à la montée en compétences et expertise qui doit l’accompagner.

Pascal Prévost, Directeur général

AFNOR Compétences

Introduction

La genèse de la qualité et des territoires associés

Le territoire de la fonction qualité n’est pas statique. Il a consi-dérablement fluctué dans le temps en fonction du contexte économique et des évolutions du marché : orientation produit, orientation collaborateur, orientation processus, orientation client, recherche de la performance…

Ce territoire est plus ou moins étendu en fonction de la période, de l’entreprise et de son marché, mais aussi en fonction de la place accordée à la qualité dans l’organisation. Pour schématiser cette évolution, nous allons présenter les quatre phases significatives qui ont impacté la fonction qualité et situer le « territoire » de la fonction qualité pour chaque période.

XIV Capitalconfianceetperformancedurable

Ces quatres périodes sont les suivantes :

– Les années 1960 : Durant les Trente Glorieuses, la demande est supérieure à l’offre et la qualité est essen-tiellement orientée sur la conformité du produit. Elle est ainsi associée à une approche « métier ». Les qualiticiens sont de « super-contrôleurs ». Le territoire de la qualité se concentre alors sur des composantes techniques de la chaîne de valeur : études, méthodes, fabrication, contrôle…Le territoire de la qualité est relativement facile à identifier puisque le champ d’action se limite, d’une manière générale, au produit.La qualité est le plus souvent rattachée à une fonction dite de « production ». À cette époque il n’existe pas de difficulté de positionnement de la fonction qualité qui est essentiellement présente dans les entreprises industrielles.

– Les années 1980 : La qualité possède à cette époque une identité totalement différente. Nous sommes passés dans l’ère du management participatif. Les cercles de qualité se propagent dans de nombreuses organisations. La qualité dépasse le stade du produit, elle devient un outil de management.Le territoire de la qualité devient plus transverse en s’intéressant notamment au management et aux fonctions supports. Les qualiticiens sont de véritables animateurs chargés d’orchestrer les démarches participatives dans les entreprises. La qualité est alors fréquemment rattachée à la direction générale et son « territoire » devient plus étendu en sortant progressivement du périmètre exclusif de la production. La fonction qualité passe d’un mode de spécialisation (produit) à une approche transverse.

Introduction XV

– Les années 1990 : La qualité prend une nouvelle orien-tation avec la parution de la série des normes ISO 9000 Systèmes de management de la qualité.Se propage alors une nouvelle approche : l’assurance qualité. Le changement est significatif pour les organi­sations. Le développement ne repose plus uniquement sur une démarche ascendante comme dans le management participatif (recueil des idées d’amélioration, cercles de qualité…) mais il est basé sur le respect de règles définies dans une norme et/ou un référentiel.Le territoire qualité se limite le plus souvent aux exigences de la norme ISO 9001/2/3 et concerne : la direction, la production, les ressources humaines (formation), les achats… Les qualiticiens sont le plus souvent des « sachants » devant mettre en place une organisation conforme à une norme ou un référentiel. De plus en plus d’entreprises de services s’intéressent à ce modèle pour s’organiser et obtenir une certification tierce partie. Le territoire de la qualité poursuit son évolution en s’orientant vers un univers beaucoup plus immatériel (le service) et possède toujours cette transversalité, le plus souvent limitée aux fonctions de l’organisation prises en compte dans la norme.

– Les années 2000 : La qualité sort progressivement de son ère « assurance qualité » pour passer au management de la qualité. Une évolution de terminologie qui témoigne d’un réel changement. Le territoire de la qualité s’étend avec « l’approche processus » et l’importance accordée au client. De nombreuses fonctions de l’organisation qui étaient auparavant en « zone franche » (hors périmètre ISO 9001/2/3) sont désormais intégrées comme par exemple la recherche et le développement, le marketing,

XVI Capitalconfianceetperformancedurable

le contrôle de gestion… Le rôle de la fonction qualité est lui aussi impacté, notamment par l’intermédiaire de la démarche processus.Des pilotes sont nommés et possèdent de ce fait une certaine autorité (plus ou moins forte selon les orga-nisations) sur le fonctionnement et l’efficacité de leur processus.La fonction qualité possède toujours son influence sur les fonctions proches de la production (au sens large du terme et intégrant désormais la réalisation d’une prestation de services) mais aussi sur des fonctions périphériques. Ainsi, le rôle d’orchestration et d’animation de la démarche qualité est davantage valorisé avec le management de la qualité.

Tableau I.1 Tableau de synthèse

Années 1960

Années 1980

Années 1990

Années 2000

Orientation générale

Contrôle qualité

Management participatif

Assurance qualité

Management qualité

Mots-clés - Produit

- Contrôle

- Implication

- Amélioration

- Formalisation

- Preuve

- Traçabilité

- Processus

- Client

- Mesure

Position de la fonction

qualité

Super-contrôleur

- Animateur

- Fédérateur

- Sachant

- Expert assurance qualité

- Gestionnaire

- Pilote

Introduction XVII

Années 1960

Années 1980

Années 1990

Années 2000

Périmètre d’intervention

Fonctions clés de la chaîne de valeur liée à la production

Tous services

Services pris en compte dans les normes : direction, production, achats, vente, ressources humaines…

Extension du périmètre avec intégration dans de nombreuses organisations des composantes sécurité et environnement

Aujourd’hui : quel territoire pour la fonction qualité ?

Les différentes études menées au niveau international montrent qu’il est extrêmement difficile de définir une approche universelle de la fonction qualité.

Son territoire est plus ou moins étendu dans l’entreprise en fonction de nombreux paramètres : secteur d’activité, taille de l’entreprise, position historique et culturelle de la qualité dans l’organisation, volonté de la direction, profil du directeur qualité (compétences et expériences)…

D’une manière générale, la cartographie des activités com-munes à la qualité peut se présenter par l’intermédiaire d’un cycle PDCA (Plan-Do-Check-Act).

XVIII Capitalconfianceetperformancedurable

(Plan) Au niveau du pilotage : La fonction qualité contribue à la définition d’une politique qualité dans l’organisation. Le déploiement est assuré et suivi par la définition d’objectifs en cohérence avec cette politique. Le directeur qualité assure également l’animation de la démarche processus en lien avec la stratégie et la politique.

Une revue de direction périodique permet de faire un état d’avancement (analyse du passé) et de se projeter dans l’avenir (nouveaux objectifs, orientations générales…).

(Do) Au niveau de la réalisation : La fonction qualité possède des activités opérationnelles en lien avec le produit (ou service) et le client.

(Check) Au niveau du contrôle et de la vérification : La fonction qualité possède directement ou indirectement des activités de contrôle liées à la réalisation de la prestation (au niveau du produit ou du service).

Cette activité permet de s’assurer de la conformité du produit et/ou du service et d’en donner la preuve (dans une logique assurance qualité). Cette activité existe également au niveau des processus (ou de l’organisation) avec la mise en place et le suivi d’indicateurs et de différents reportings permettant de s’assurer du fonctionnement et de l’efficacité des processus.

(Act) Au niveau de l’amélioration : La fonction qualité contribue à l’amélioration du produit/service et/ou de l’orga-nisation et ceci par différents moyens : suivi des plans d’action, traitement des non-conformités, actions correctives et préventives, audits…

Cette présentation macroscopique de la fonction qualité permet de définir les activités génériques du directeur qualité d’aujourd’hui.

Introduction XIX

Ensuite, il existe de nombreuses spécificités (activités complémentaires) en fonction des organisations comme par exemple :

– L’environnement : Réalisation de la veille environne-mentale, vérification de la conformité réglementaire, construction d’un système de management environ-nemental, relation avec les instances administratives…Cette composante peut­être directement prise en charge par la fonction qualité avec une extension des respon-sabilités ou au contraire confiée à d’autres acteurs faisant ou non partie du même service.

– La sécurité et la santé au travail : Analyse des risques, vérification de la conformité réglementaire, construction d’un système de management de la sécurité, participation au CHSCT…

– L’écoute client : Mise en place et suivi d’un dispositif de mesure de la satisfaction des clients, traitement des récla-mations des clients… La fonction qualité peut assurer des activités étendues dans ce domaine en complémentarité de la fonction marketing et/ou commerciale.

– Le management de projet : Pilotage de projets transverses au sein de l’organisation en lien avec la stratégie de l’entreprise. La fonction qualité, de par sa position trans-verse, possède cette légitimité de porter des projets stratégiques et ceci dans différents domaines : évolution du système d’information, développement de nouveaux produits, rapprochement de sociétés (fusion)…

1 Quelle place pour la fonction

QHSE face aux nouveaux enjeux des entreprises ?

L’étude a été menée par Sylvie Rolland, directrice de la chaire Performance des organisations de Paris-Dauphine, et Anne-Laure Mauduit, responsable du pôle Études du Groupe AFNOR, avec la participation des membres du réseau de dirigeants QHSE Parcours Croisés.

Objectifs de l’étude

– Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un tra vail académique inter national pour la chaire Performance des organisations de Paris-Dauphine et a été réalisée avec la participation du réseau de clubs de dirigeants QHSE Parcours Croisés.

2 Capitalconfianceetperformancedurable

Les objectifs de cette étude sont triples : – Identifier les principaux enjeux et défis que les entre-

prises auront à relever du point de vue des dirigeants. – Analyser la place de la fonction qualité (positionnement,

pertinence, adé quation) et la perception des dirigeants sur les capacités contributives de la fonction.

– Dessiner les nouveaux champs de la qualité faisant ressortir l’évolution nécessaire et/ou attendue du péri-mètre des démarches qualité et de la fonction.

Méthodologie de la première phase de l’étude

La première phase de l’étude a été réalisée par Sylvie Rolland, directrice de la chaire Performance des organisations de Paris-Dauphine.La deuxième phase, dont la méthodologie est exposée dans la partie 1.2 « Quel devenir pour la fonction QHSE face à ces enjeux ? » a été réalisée par Anne-Laure Mauduit, responsable du pôle Études du Groupe AFNOR.La première phase de l’étude s’est déroulée en deux temps :

1. Étude exploratoire : Une étude documentaire a d’abord été réalisée sur les bases de données universitaires mondiales (2005-2013). Sylvie Rolland a également échangé avec des chercheurs reconnus pour leurs travaux et/ou leur spécia lisation dans ce domaine.

2. Étude confirmatoire : Sylvie Rolland a ensuite conduit une dou zaine d’entretiens avec des dirigeants, (entrevues ou entretiens téléphoniques). Ces directeurs généraux (ou équivalents) ont été choisis pour la diversité des secteurs représentés (bâtiment, automobile, transport, etc.) et Sylvie Rolland a cherché à privilégier la liberté de ton et de discours de ses interlocuteurs.

QuelleplacepourlafonctionQHSEfaceauxnouveauxenjeuxdesentreprises? 3

Toutefois, seuls des directeurs d’ETI et de grandes entre-prises ont été interrogés.

3. Traitement des données : Les données ont été triangulées afin d’éliminer ou de réduire les biais et augmenter ainsi la fiabilité et la validité de l’étude. Cela a également permis d’enrichir la compréhension du phénomène étudié.

4. Limites : L’échantillon interrogé (douze directeurs généraux issus d’ETI et grandes entreprises) n’est pas représentatif du tissu économique français.

Figure 1.1 Triangulation des données

Figure 1.2 L’échantillon interrogé

4 Capitalconfianceetperformancedurable

L’analyse de la littérature internationale et des études récentes sur le sujet tendent à démontrer une diminution de l’influence de la fonction qualité au sein de l’entreprise.

L’observation de cette tendance se fonde notamment sur une étude conduite en Espagne et l’examen de la présence de la fonction dans les instances de décision majeures des entreprises.

Peut-on expliquer cette tendance ?

Figure 1.3 La position hiérarchique de la fonction qualité Graphique issu de l’étude de Camisón et de la Peñas (2010)

Cette tendance, qui doit être appréciée et relativisée au regard de plusieurs critères princi palement liés à la taille et aux secteurs d’activité, pourrait se fonder sur :

– l’intégration des démarches qualité dans les différentes directions et donc une certaine dilution ;

QuelleplacepourlafonctionQHSEfaceauxnouveauxenjeuxdesentreprises? 5

– le regroupement de directions transverses et fonctionnelles ; – un questionnement observé dans la phase qualitative sur

la visibilité de la fonction et de sa valeur ajoutée pour les parties prenantes de l’organisation.

Il convient donc de s’interroger sur le devenir de la fonction, son évolution, sa proximité des centres de décision avec deux hypothèses, par ailleurs soumises aux acteurs, que sont :

– la poursuite d’un mouvement d’intégration et d’absorption de la fonction par d’autres directions ;

– le « renouveau » et le renforcement de la fonction fondée sur une nouvelle phase d’évolution.

1.1 Les enjeux contemporains de la performance et leurs impacts sur la qualité

1.1.1 Les enjeux économiques : continuer à exister dans un contexte déstabilisé

« Les enjeux, c’est de durer1 ! »

Dans un contexte d’économie affaiblie et en phase de tran-sition, le « durable » prend de l’importance : de nouveaux modèles économiques émergent, porteurs de changements qui impactent directement les fonctions qualité.

1 Les verbatim sont issus de l’étude documentaire menée par Sylvie Rolland ou de ses entretiens avec des dirigeants.

6 Capitalconfianceetperformancedurable

Alors que l’avenir est incertain et que la préoccupation prin-cipale des dirigeants est la survie de leur entreprise, une lecture claire du futur est rendue plus ardue.

On constate néanmoins que la fonction qualité est souvent envisagée de façon innovante par les entreprises dynamiques.

« Le modèle économique de demain est autre : il est à réinventer… La fonction qualité elle aussi doit changer ! »

� Mondialisation et concurrence exacerbée : la qualité, un levier de différenciation

Dans un contexte de concurrence accrue, la fonction qualité a plus que jamais son rôle à jouer. En effet, de nombreux dirigeants voient dans la « qualité produit » l’avantage différentiel qui permettra à l’entreprise de se démarquer.

Il faut donc considérer la qualité produit comme un véritable atout concurrentiel, un impératif à ne surtout pas négliger et cela même dans un contexte de pression sur les prix.

« La qualité, on ne peut pas s’en passer. »

« Il n’y a pas de débat sur l’exigence qualité dans un groupe international… trop dangereux… »

Le fameux rapport « qualité-prix » se positionne ainsi au cœur du débat, où il faut maintenir la qualité du produit tout en restant compétitif.

« Le challenge ? Faire de la bonne qualité à [moindre frais]. »

« Il nous faut alors développer des produits sains, simples, sans sur-segmentation… Des produits moins chers mais sans compromis sur la qualité. »

QuelleplacepourlafonctionQHSEfaceauxnouveauxenjeuxdesentreprises? 7

La concurrence joue également sur les « outils » de la qualité, puisque les dirigeants évoquent désormais leur scepticisme vis­à­vis de l’outil certification.

Toujours indispensable, en tant que passeport officiel d’une économie mondialisée, elle n’est plus forcément signe de qualité, alors même qu’elle reste l’objectif numéro un de la plupart des décideurs qualité.

« Les certifications sont plus pour nous, une sorte de réponse officielle, un document qu’il faut avoir, plutôt qu’un dispositif de qualité ou de contrôle. »

Il convient alors de s’interroger sur le rôle que l’on souhaite donner aux certifications, entre gage de qualité et recon­naissance « officielle ».

� Accélération et complexité des échanges : place à l’hypermodernité

Le sociologue Gilles Lipovetsky propose une lecture de notre époque comme celle de « l’hypermodernité toute puissante » :

« Notre époque n’est pas celle de la fin de la modernité, mais celle qui enregistre l’avènement d’une nouvelle modernité : l’hypermodernité.

Un peu partout nos sociétés sont emportées par l’escalade du toujours plus, toujours plus vite, toujours plus extrême dans toutes les sphères de la vie sociale et individuelle : finance, consommation, communication, information, urba­nisme, sport, spectacles2… »

2 Cf. Institut Paul Bocuse, Cycles de conférences « Grands Témoins » sur le thème de « l’hypermodernité », extrait de la conférence de Gilles Lipovetsky, 4 octobre 2010.

8 Capitalconfianceetperformancedurable

La fonction qualité doit également faire face à l’accélération des prises de décisions, accrue par la pression temporelle des innovations technologiques : elle doit décider vite, bien, souvent relativement seule, et les sollicitations sont permanentes.

Les processus de décision programmés sont dépassés et les systèmes d’aide à la décision reposent désormais sur la mobilisation des connaissances précises d’un réseau.

« Dans cette rapidité, le réseau, la mobilisation d’un éco-système et les facilités qu’il permet deviennent un enjeu majeur. »

« L’accélération engendre une remise à plat constante des solutions, d’où la nécessité de collaborer. »

Les projets qualité sont aussi impactés, exigeant des réactions plus rapides, quasi immédiates. Les systèmes planifiés laissent la place à une répétition de chantiers courts, concrets et ajustés en permanence aux réalités de l’entreprise.

« Il s’agit de démontrer l’utilité d’actions qualité quand elles sont emboîtées aux réalités du terrain, faire la preuve de son efficacité et donner de la lisibilité à tous. Elle passe par le lancement de projets concrets sur le terrain qui donnent des résultats tangibles, rapides avec une mise en œuvre suivie et évaluée régulièrement. »

Dynamisme et facilité d’adaptation sont aujourd’hui les facultés attendues d’une fonction qualité efficace.

� Changement dans la relation client : de la satisfaction à la confiance

Enfin, le pouvoir de plus en plus important laissé au client grâce à l’économie numérique (choix, accès à l’information

QuelleplacepourlafonctionQHSEfaceauxnouveauxenjeuxdesentreprises? 9

produit, comparaison…), la nécessité d’une expérience client satisfaisante ou encore les nouvelles possibilités qui lui sont offertes pour s’exprimer sur la qualité du produit en font une partie prenante qui pèse de façon inédite dans la façon d’orienter la performance.

Autre conséquence, il apparaît que la satisfaction offerte par le produit ne suffit plus à fidéliser. Confiance perçue et respect de la relation client sont désormais tout aussi importants.

« Il y a un partage quasi universel et immédiat de l’information, cela donne aux clients un pouvoir énorme. »

« Il faut créer de l’espérance, de la confiance et stabiliser le client. »

« On ne parle plus de produit ou de service mais d’expérience. Les indicateurs de mesure de la satisfaction doivent évoluer car on sent bien que la satisfaction n’est plus synonyme de fidélité et la mesure doit se déplacer vers une mesure de la satisfaction de l’expérience, de la qualité de l’interaction. »

Le point de vue de…

Xavier Quérat-Hément, directeur qualité du Groupe La Poste.

Des processus aux parcours : les nouveaux défis de la qualité face à l’expérience client

« L’expérience client se définit par la façon dont le client perçoit l’ensemble de ses interactions avec l’entreprise ainsi que l’usage et les bénéfices de ses produits ou services.

Désormais, l’excellence d’exécution, si elle constitue toujours le socle de la qualité, ne suffit plus. Le “Lien” compte plus que le “Bien”. À l’ère du web 2.0, bientôt du web 3.0, le marché et l’entreprise sont devenus “conversation” et “relation”.

10 Capitalconfianceetperformancedurable

La démarche qualité est désormais structurée par “l’Esprit de Service”. Le management de la qualité de la relation de service doit être appréhendé dans toutes ses dimensions. Cette dimension holistique – on parle bien d’écosystème – de l’expérience client pose la question de la responsabilité de son pilotage.

Le fonctionnement en silos, l’absence de connexion entre les canaux de relation client, le “Ça, ce n’est pas nous !” constituent alors autant de destructeurs de l’expérience client. Il s’agit bien de veiller à la qualité de celle-ci tout au long de la relation entretenue avec la marque, et non pas seulement au long du parcours client. L’importance de la confiance, de la réputation, de la communication de la marque ressort ici.

Le directeur qualité prend une nouvelle forme : le “directeur Expérience Client”.

“Designer” de la cartographie des parcours clients, animateur de la coconstruction et de la diffusion des attitudes de service, manager de la transversalité et de la coopération interservices au bénéfice du client, acteur clé des démarches d’engagement des collaborateurs et de leur valorisation, garant de la cohérence de l’expérience client à tous les niveaux de l’organisation, soucieux des émotions et de l’enchantement client, pilote des mesures et du partage de la connaissance client…, le directeur Expérience Client – coordinateur plus que responsable de service – veille à la traduction opérationnelle de l’esprit de service partout dans l’entreprise, condition sine qua non de la réussite de l’expérience client. Grâce à lui, l’expérience client est intégrée dans l’évaluation des projets et le pilotage de la performance globale de l’entreprise. »

QuelleplacepourlafonctionQHSEfaceauxnouveauxenjeuxdesentreprises? 11

Le concept de « capital confiance client » pèse désormais de façon importante dans l’appréciation de la performance globale de l’entreprise.

À ce titre, la fonction qualité a tout son rôle à jouer, en tant que vecteur d’information et de transparence pouvant servir la relation client : la fonction qualité se place au cœur de l’interaction avec le client.

« Pour moi, la fonction qualité évolue vers la relation client et notamment la gestion du client comme source d’information, d’amélioration, de création. »

« On se doit d’augmenter les interactions positives avec le consommateur afin d’augmenter la valeur de marque. »

Le client tend désormais à se penser en citoyen, ce qui impacte sa façon de consommer. L’entreprise doit donc s’adapter pour satisfaire à ces nouvelles exigences, qui ne concernent plus uniquement le produit : les attentes du client deviennent également sociétales.

Désormais, dans son acte d’achat, il prend en compte le comportement global de l’entreprise, sa gouvernance, la transparence de ses processus… (ces principes apparaissent dans la norme ISO 26000 – Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale, 2010).

Aujourd’hui, l’entreprise ne pense donc plus uniquement satisfaction client, mais elle se préoccupe aussi de la satisfaction citoyen et de la satisfaction parties prenantes : elle intègre les interactions avec l’ensemble de son écosystème.

« Les nouveaux indicateurs de performance… “les trois P” : Personne, Planète, Profit. »

« Pour nous, la performance, c’est être au rendez-vous des attentes de la société. »

12 Capitalconfianceetperformancedurable

1.1.2 Les enjeux environnementaux : la qualité au service de l’environnement ?

La société semble évoluer vers une philosophie de la décrois-sance et de la simplicité volontaire.

Face à une perte de repères, à un sentiment d’effondrement des valeurs, et aux inquiétudes exprimées concernant la disparition des liens sociaux traditionnels, des communi-cations à contre-pied de la part de certaines entreprises sont observées.

Par exemple, le fabricant de téléphones portables Motorola, à l’occasion de la sortie d’un nouveau modèle en 2011, a déployé une campagne promotionnelle mettant en avant la crainte de l’hyperconnectivité et de la surconsommation.

De son côté, la marque de vêtements de sport Patagonia a osé une publicité incitant à ne pas acheter ses produits, en raison de leur coût environnemental.

Ce changement de paradigme a des implications sur la gestion de la qualité :

– Qualité environnementale du produit :Les exigences écologiques comptent désormais comme une composante forte de la qualité du produit lui­même.« On vend d’abord un résultat et le premier critère est la performance du produit, sa qualité. C’est immuable et il n’y a pas d’évolution à ce niveau-là mais bien sûr on prend de plus en plus en compte les exigences écologiques. »

– Qualité environnementale des process :On prend éga lement en compte la durée de vie des produits ou la possibilité de leur retour une fois utilisés.

QuelleplacepourlafonctionQHSEfaceauxnouveauxenjeuxdesentreprises? 13

La qualité de service comprend ainsi le processus de recyclage.« La qualité ? [Maintenant] c’est aussi […] la qualité du recyclage, la qualité du processus de recyclage. »

– Qualité du système en tant qu’écosystème :La fonction qualité doit intégrer une composante de réduc-tion des déchets au sens large, tout au long du cycle de vie du produit (pollution, mauvaise utilisation des ressources, gaspillage, insatisfaction clients…), et participer ainsi à l’amélioration de la qualité de vie.Ce nouvel aspect de la fonction qualité répond aussi à l’évolution de pensée du client-citoyen.« La qualité de vie est le but ultime donc il faut repenser la qualité par rapport à ça. »

1.1.3 Les enjeux sociaux : l’humain, source de qualité

� Le capital humain, une ressource à « exploiter » ?

Devant la raréfaction des ressources et dans un contexte d’hypercompétitivité, l’avantage concurrentiel des entreprises réside désormais dans leurs ressources humaines. Celles-ci apparaissent comme une source unique de créativité.

De leurs compétences, qui ne peuvent pas être copiées, et de leur bien­être dépend le développement de marchés.

« Il y a une nouvelle conceptualisation de la relation entreprise-salariés. Tu dois aller plus loin avec tes salariés car cela devient une variable de survie importante. »

14 Capitalconfianceetperformancedurable

« Le capital humain est vraiment très important. Nous voyons chez nous que la variable d’ajustement à la satisfaction client, le facteur clé de succès, n’est pas le prix ou la qualité intrinsèque des produits mais bien le personnel capable de minimiser la casse, de fidéliser. »

L’émergence du crowdsourcing, c’est-à-dire de l’utilisation de la créativité et de l’intelligence d’un grand nombre de per-sonnes pour résoudre un problème – qu’elles appartiennent à un réseau spécialisé ou qu’elles émanent du grand public – démontre la position prise aujourd’hui par l’humain comme source irremplaçable de valeur ajoutée.

Surtout, différentes études démontrent empiriquement que les pratiques comportementales relatives à la qualité (notamment grâce à une culture d’entreprise bien ancrée) ont un impact plus important sur la performance (notamment en termes de production) que les pratiques techniques et procurent un avantage concurrentiel difficilement imitable.

� La fonction qualité : au cœur du processus de construction sociale dans l’entreprise

Les directeurs qualité doivent prendre en compte le pro-cessus de construction sociale afin d’être performants dans leur fonction.

En effet, la qualité, ses démarches et ses applications ne marchent que par rapport au sens que lui donnent les salariés.

En l’absence de l’adhésion des salariés, des phénomènes de résignation, voire de résistance peuvent entraver l’efficacité de la qualité.

QuelleplacepourlafonctionQHSEfaceauxnouveauxenjeuxdesentreprises? 15

Comme le montre Mispelblom (2009) :

« Il faut que les spécialistes qualité prennent acte des aspects politiques et idéologiques de leur activité et réussissent à les intégrer dans leur stratégie d’intervention.

C’est dans ce cas-là qu’ils se rapprocheront de tous les autres intervenants dans l’entreprise. S’ils risquent de perdre leur spécificité, ils peuvent aussi gagner en efficacité et en puissance.

Dans le cas inverse, ils se cramponnent à leurs spécificités techniques et risquent d’être dépassés par des spécialistes de la réorganisation du travail dont les interventions peuvent paraître aux yeux des dirigeants d’une plus grande efficacité. »

En fait, les nouveaux enjeux contemporains peuvent se synthétiser de la façon suivante, (cf. tableau 1.1) par les « trois R ».

Tableau 1.1 Les enjeux de la performance ou les « 3 R »

R comme…

Ratio qualité/prix Raréfaction Richesse

Rapidité Réduction Réseau participatif

Relationnel Recyclage Reconnaissance

Économie Environnement Social

À ce nouveau business model doivent correspondre de façon impérative les nouvelles fonctions qualité.

16 Capitalconfianceetperformancedurable

1.2 Quel devenir pour la fonction QHSE face à ces enjeux ?

1.2.1 La vision des dirigeants : d’une fonction de contrôle à une fonction ouverte

Les dirigeants ont une vision claire de l’objet qualité : pour eux, c’est la qualité du produit, et celle-ci ne peut en aucun cas être remise en cause.

À l’inverse, face aux conditions économiques difficiles aux­quelles ils sont confrontés, leur vision de la fonction qualité est beaucoup plus floue et reste orientée sur le court terme.

Pour eux, la fonction qualité doit être mue par une réponse aux exigences des clients, et plus largement des parties prenantes, aussi bien que par un accroissement des compétences.

Elle doit également aider à la résolution de problèmes et à transformer la stratégie en opérations sans défaut.

Missions dont on devine que le contour est assez vaste.

Ils regrettent parfois le manque d’initiative ou de cadres d’innovation de la fonction, et, bien sûr, ils ont en tête un objectif de réduction des coûts.

La réponse des dirigeants sur la place de la fonction qualité dans l’avenir n’est pas unique :

« Elle va changer mais l’organigramme en général… non je ne crois pas… je ne vois pas bien. »

« Le rôle du responsable qualité ? Avant tout répondre aux attentes des clients. »

QuelleplacepourlafonctionQHSEfaceauxnouveauxenjeuxdesentreprises? 17

« Le futur de la direction qualité ? Il s’agit de devenir des ambassadeurs auprès des parties prenantes. »

Globalement, deux scénarios peuvent être construits à partir des interviews réalisées auprès des dirigeants :

– Un scénario dans lequel la direction qualité réduit son périmètre aux missions de contrôle et de conformité et est diluée au niveau des fonctions opérationnelles.

– Un second scénario, où elle est repositionnée à un niveau stratégique, devient un facteur clé d’échanges avec les parties prenantes et s’empare du leadership pour rendre l’entreprise agile et apprenante face aux défis auxquels elle doit répondre.

Et les directeurs QHSE : comment se positionnent-ils par rapport à cette vision ? Quelles sont les convergences et les divergences entre les dirigeants et les directeurs QHSE concernant l’évolution probable et/ou souhaitée de la fonction ? Comment chaque partie envisage-t-elle le devenir de celle-ci ?

Méthodologie

Ce volet de l’étude qualitative a consisté en l’animation de huit clubs « Parcours Croisés ». Ces groupes de professionnels nous ont ainsi permis de recueillir les points de vue d’environ soixante-quinze directeurs qualité, environnement, hygiène, sécurité, ou directeur de la performance ou du développement durable issus de grandes entreprises ou ETI de secteurs variés (services, industries chimiques, grande distribution, métallurgie, construction…).

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La dynamique de groupe permet d’accéder à des niveaux de réflexion qui souvent permettent de mieux comprendre les attitudes, les comportements ou les opinions.

Les échanges dans ces groupes, intégralement enregistrés et retranscrits, ont fait l’objet d’une analyse de contenu sémantique.

L’objectif de cette phase était triple :

− Confronter la vision des dirigeants d’entreprises à celle des managers de la qualité, environnement et plus lar gement managers de la performance afin d’identifier les divergences ou convergences.

− Identifier, du point de vue des directeurs QHSE, le rôle et la place occupée par cette fonction, place d’aujourd’hui mais surtout celle qu’elle aura à prendre demain pour répondre aux enjeux des entreprises et des dirigeants.

− Déterminer les axes de développement de la fonction et les leviers sur lesquels elle sera amenée à pro-gresser pour mener à bien ces missions.

L’animation s’est déroulée en quatre temps :

− Une phase de présentation et validation des enjeux contemporains de la performance des entreprises issus de la première phase d’étude auprès des dirigeants.

− Une phase exploratoire permettant de recueillir en spontané la vision des directeurs QHSE sur le devenir de leur fonction.

Nous avons ici travaillé à l’aide de Post-it afin de privi légier un discours libre et ouvert et de faciliter le rebond des idées.

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− Puis une phase d’étude comparée durant laquelle les directeurs QHSE ont été confrontés à la vision des dirigeants : ils ont été invités à réagir aux verbatim et graphiques recueillis auprès des dirigeants.

− Et enfin, une phase de recueil spontané des leviers sur lesquels la fonction doit progresser et réfléchir pour pouvoir répondre aux attentes des dirigeants.

1.2.2 Perception des directeurs QHSE : des réactions passionnées et hétérogènes face à cette vision

Seul le second scénario a été présenté aux directeurs QSHE membres de Parcours Croisés.

Celui­ci peut être illustré à travers le verbatim suivant :

« [Le directeur qualité est] un manager qui permet de revitaliser l’excellence opérationnelle interne et externe, de promouvoir et de créer des initiatives qui stimulent l’excellence, l’innovation et la simplicité dans chacune des choses que l’on fait et qui soit capable de convaincre tout le monde des avantages et bénéfices retirés de ces initiatives et programmes et les impliquer dans le processus… Quelqu’un qui soit capable de produire des innovations et de constamment questionner le statu quo. »

Les réactions des directeurs qualité à cette vision des dirigeants sont variées et hétérogènes.

Elles varient en fonction de la maturité de l’entreprise, de la position déjà acquise par les directeurs QHSE au sein de l’organigramme et de la légitimité ressentie.

20 Capitalconfianceetperformancedurable

Plus leurs missions actuelles sont clairement liées à la notion de performance, plus cette citation correspond à leur vision.

Trois positions sont identifiables parmi les directeurs QHSE ayant participé à l’étude :

– Certains, déjà en charge de l’excellence, de l’innovation, de la performance, se reconnaissent3 : - « Aujourd’hui, je gère le projet performance. » - « C’est déjà ce qu’on fait. » - « Notre rôle c’est faire de l’excellence, transformer l’entreprise. »

- « “Challenger” les directeurs opérationnels pour avoir quelque chose de dynamique. »

– D’autres, bien que ne se retrouvant pas dans cette vision, la jugent très positive pour eux : il s’agit d’une belle op-portunité de repositionner leur fonction à un niveau stratégique, au cœur du système organisationnel.Ils estiment que cette vision témoigne d’un changement de paradigme dans lequel les directions générales attendent (enfin) autre chose de la qualité que la seule conformité à des normes et des processus.Néanmoins, cette évolution peut leur sembler inquiétante : en effet, leurs missions étant aujourd’hui encore largement dédiées à cette conformité, si celle-ci n’est plus attendue, qu’advient-il de leur poste ?« Le mot qualité disparaît donc, ce n’est plus ce qu’ils attendent des directions qualité […] Ils ont peut-être l’intention de nous remplacer ? »

3 À partir de ce point, tous les verbatim ont été exprimés par des membres Parcours Croisés à l’occasion de la présentation de la première partie de l’étude qui leur a été faite lors des réunions des clubs d’octobre 2013.

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– Enfin, une troisième tendance émane des réflexions des directeurs QHSE : certains directeurs qualité considèrent cette vision comme étant une position incantatoire, voire illusoire au regard des moyens qui sont réellement donnés « dans la vraie vie » aux directions qualité. Ils ressentent une forte distorsion entre ce qu’ils vivent au quotidien, ce que leur DG attend vraiment d’eux, et ce que leur DG dit attendre d’eux.Les réactions sont sans appel : - « Il [le directeur] nous donne une baguette magique ? » - « Celui qui sait faire ça, il est numéro deux de la boîte. » - « Si c’est cela la fonction qualité de demain, cela signifie qu’il n’y a plus de fonction qualité. »

Deux points rassemblent néanmoins tous les directeurs QHSE interrogés :

– Les dirigeants n’évoquent pas la performance financière de la fonction qualité et sa rentabilité. Pourtant, cette approche économique l’impacte au quotidien. « Il n’y a pas d’approche financière dans ce discours, alors qu’ils traquent tous les euros. »

– Le rôle évoqué par les directions générales pourrait tout à fait être appliqué à n’importe quel manager de haut niveau : « C’est une feuille de route normale pour un directeur. »

Plus précisément, à partir de l’étude espagnole précitée identifiant les missions, selon les dirigeants, du directeur qualité de demain, nous avons demandé aux membres de Parcours Croisés de positionner ces mêmes missions, selon l’importance qu’ils leur accorderont dans l’avenir. Les graphiques ci-après représentent ces résultats.

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Figure 1.4 La vision des dirigeants Source : Étude Camisón et de la Peñas (2010) auprès de 58 directeurs généraux/58 responsables qualité de grands groupes internationaux (Manpower, Ericsson, Siemens, Thales, Solvay, Renault) appartenant

au club de l’excellence managériale espagnole

Figure 1.5 La vision des directeurs QHSE Source : Points de vue des dirigeants QHSE,

membres des clubs Parcours Croisés

Pour les dirigeants, la fonction QHSE est au cœur de l’orga-nisation avec le triptyque excellence opérationnelle, innovation et client.

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Pour les directeurs QHSE, on retrouve en tête de classement l’excellence client et opérationnelle. Si la simplicité revient souvent en nombre de citations, lorsqu’on leur demande de classer ces missions par ordre de priorité, elle recule au dernier rang. Le rôle de simplification les concerne donc tous, mais il n’est pas au cœur de leurs préoccupations.

À noter, la dimension innovation semble avoir une importance moindre pour les directeurs QHSE que pour les dirigeants. Ceci s’explique par le fait que les directeurs QHSE se sentent moteurs sur l’innovation organisationnelle mais moins sur l’innovation produit.

1.2.3 Au final, une fonction arrivée en rupture de cycle ?

Après avoir recueilli la vision spontanée des directeurs QHSE sur leur fonction et les avoir fait réagir sur les verbatim et vision des dirigeants, nous leur avons demandé quel était selon eux le devenir de la fonction QHSE ? Comment doit-elle évoluer ?

Ici encore, la réponse est multiple et les points de vue divers. La fonction qualité semble arrivée à une « rupture », son posi-tionnement futur est complexe et revêt de multiples facettes.

Dans certaines entreprises, les directeurs QHSE expriment une vision de la fonction en perte de vitesse, et non reconnue comme un soutien à la stratégie de l’entreprise :

– « Un fusible en cas de non-conformité. »

– « On n’est jamais intégrés en amont des projets, on pense à nous après coup, quand tout est déjà lancé. »

24 Capitalconfianceetperformancedurable

Pour beaucoup, même si les dirigeants expriment d’autres attentes vis-à-vis des directeurs qualité, dans les faits, leur demande porte toujours sur leurs missions traditionnelles, pour lesquelles leur expertise reste indiscutable et incontournable : ils sont, et resteront, les garants des aspects réglementaires, de la qualité des produits et services, du contrôle, de l’optimisation des process et des méthodes. À partir de ce socle, leur territoire pourrait s’étendre sur de nouveaux domaines : l’environnement, la sécurité, la gestion des risques…

1.2.4 Ou allons-nous vers une fonction 3e génération ?

Enfin, une troisième voie se dessine : une fonction qui ne sera plus un gestionnaire de la qualité, mais un véritable leader, un chef d’orchestre dynamique, au service de l’ensemble de l’organisation :

– « Un chef d’orchestre du changement qui devra fédérer. »

– « Une fonction pouvant nourrir la réflexion stratégique de l’entreprise. »

– « Les dirigeants attendent un accompagnement dans la performance de l’entreprise. »

Cette vision positive de l’évolution de la fonction QHSE par les directeurs qualité eux­mêmes se traduit par :

– Un rôle de leadership : « Convaincre, créer de l’excellence et de l’innovation, c’est le but. » Le directeur QHSE doit être un facilitateur, un animateur.

– Une fonction transverse : au cœur du système, une mission de lien entre les outils et les hommes, et entre les hommes eux­mêmes.

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– Un lien direct avec le client, la direction, les salariés, les parties prenantes d’une manière générale.

– Le garant de la relation client, de la confiance, de l’image.

Dans cette perspective, le directeur qualité se trouve au cœur de l’excellence relationnelle dans son entreprise, et dans les relations de son entreprise avec l’extérieur.

Alors que ce sont les pratiques comportementales bien vécues de la qualité qui sont source de performance plus que les pratiques techniques, le directeur QHSE devient le point-clé d’un réseau participatif de parties prenantes, et se positionne comme le leader capable d’engendrer une coconstruction sociale de la politique qualité.

« Un des enjeux importants qui attend les décideurs qualité, c’est la combinaison de la compréhension et de la gestion du système d’un point de vue technique mais aussi d’un point de vue social. Des bénéfices durables ne peuvent plus être acquis par des performances techniques uniquement. »

Le point de vue de…

Daniel Blaie a été pendant plusieurs années directeur qualité, environnement, sécurité, RSE et gestion de crise au sein de Danone Produits Frais. Il anime aujourd’hui le club Parcours Croisés « En Nord » à Lille. Il partage sa vision du directeur qualité d’aujourd’hui et de demain.

« Tous les jours et partout, notre ambition est de fournir aux consommateurs/clients des produits de qualité supérieure et constante afin de répondre à leurs attentes, en les plaçant au centre de nos attentions.

26 Capitalconfianceetperformancedurable

Cette vision holistique de la fonction qualité doit donc être en cohérence totale avec la vision stratégique de l’entreprise pour contribuer fortement à sa performance économique. Et les systèmes qualité ne doivent exister que pour garantir la robustesse de cette vision « société », sans entraver la transformation nécessaire et permanente des organisations.

Doux rêve ? Non. Déjà une réalité et cela doit être votre obsession : connecter et interpénétrer les fonctions qualité avec le business, avec une exigence de remise en cause permanente de vos paradigmes. Imaginez donc cette vision en la partageant le plus possible, créez des initiatives, osez le changement. Et votre entreprise sera plus performante ! »

1.2.5 Quels facteurs clés de succès pour une nouvelle fonction QHSE ?

Les membres Parcours Croisés ont été invités à s’exprimer sur ce qui devait évoluer dans leur fonction pour répondre à ces enjeux. Plusieurs axes principaux ressortent. Il semble notamment essentiel dans un premier temps de redonner du sens et des valeurs à la fonction qualité.

« Une vision de l’entreprise, une ambition de l’entreprise, des valeurs associées et des politiques qui les traduisent concrètement. »

Pour une meilleure identification de ces valeurs par les parties prenantes, la fonction qualité doit savoir faire évoluer : – Ses modes de communication : une réelle nécessité de

simplification, de fluidité, de clarté dans le rôle et la va­leur ajoutée de la fonction qualité semble indispensable. « Il faut Simplifier, Simplifier, Simplifier. » Les équipes

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opérationnelles voient souvent la qualité comme une fonction leur imposant plus de complexité, plus de process, plus de vérification… sur des tâches qu’ils estiment très bien faire avec leurs propres méthodes. - « Le directeur qualité est indispensable, mais il reste le mouton noir. Quand on le voit dans les couloirs, on ferme la porte. »

- « Ils nous perçoivent avant tout comme des techniciens plutôt que des hommes capables d’apporter solutions simples, ingénieuses, en collaboration, capable d’aller au-delà des compétences techniques. »

- « Les qualiticiens sont vus comme des gens qui apportent des problèmes plutôt que des solutions. »

- « Il faut arrêter les indicateurs à tout va. »

– Les territoires pris en charge par la fonction, pour intégrer les évolutions suivantes : - De la satisfaction client à l’écoute de toutes les parties prenantes et à l’expérience voire à l’enchantement client.

- De la qualité, du contrôle réglementaire vers la respon-sabilité de la gestion des risques, de l’environnement, parfois du développement durable ou de la santé au travail.

« Contribuer aux projets stratégiques de l’entreprise, en y intégrant les dimensions sociales, sociétales, environnementales… »

Il faut noter que cette extension du territoire de responsabilités de la qualité n’est pas du goût de tous. Pour certains directeurs qualité, celle-ci entraîne une dilution des compétences « on ne peut pas être expert de tout », fait perdre la valeur ajoutée de la qualité « pure » et joue donc en défaveur du positionnement stratégique de cette fonction.

28 Capitalconfianceetperformancedurable

Une des principales convergences entre les points de vue des directeurs généraux et des directeurs qualité concerne l’évolution des compétences, et plus particulièrement le savoir être. En effet, les compétences techniques et l’expertise de la fonction QHSE ne sont pas remises en cause : cette fonction connaît parfaitement son métier.

Par contre, le succès du déploiement d’une politique qualité efficace, d’un leadership pour la fonction qualité, d’une légitimité forte auprès de la direction générale ne peut passer que par un mode de fonctionnement différent : une capacité d’écoute renforcée, une agilité accrue, une ouverture vers les parties prenantes toujours présente…

Pour réussir demain, la qualité doit être orientée sur les relations humaines, savoir combiner, beaucoup plus que par le passé, impératifs économiques et enjeux sociaux (participatifs) à la maîtrise technique.

– « Développer le cerveau droit. »

– « Arrêter les qualiticiens froids. »

– « Aller au-delà de la rigidité. »

– « Créer des équipes multiprofils. »

– « Changer les profils des responsables qualité. »

Le point de vue de…

Jean-Michel Imbert a effectué une partie de sa carrière comme directeur qualité et développement des compétences dans différents groupes de sécurité, dont le leader mondial Securitas.

Animateur du club Pyramide depuis 2012, il crée en 2014 un nouveau club à Paris.

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« Compte tenu de l’environnement de crise et du contexte économique des entreprises, la priorité est de plus en plus donnée au résultat financier au détriment du management par la qualité. Au cours des dernières années, nous avons vu la position du directeur QHSE perdre de l’importance dans l’organigramme des entreprises et la certification ISO 9001 se banaliser, voire même parfois être abandonnée.

Les directions générales perçoivent encore mal le retour sur investissement d’un service qualité et ont tendance à confier les démarches d’excellence et d’amélioration des performances aux opérationnels plutôt qu’aux directeurs qualité.

Face à ce constat, il me semble que la fonction qualité doit nécessairement évoluer pour :

– Ne plus parler de “Qualité” mais de Performances et d’Excellence.

– Simplifier le SMQ/SMI afin de le rendre le plus opéra-tionnel et le plus accessible possible à l’ensemble de l’entreprise.

– Apparaître plus que jamais comme la voix du client et le garant de sa satisfaction.

– Trouver les bons indicateurs qui “parlent” à la direction générale et aux directions opérationnelles.

– S’imposer auprès de la direction générale comme le moteur et le garant de la dynamique d’amélioration continue de l’entreprise.

– Mesurer et expliquer le coût de la non-qualité et ses conséquences.

– Intégrer davantage la stratégie de l’entreprise.

– Devenir l’expert légitime et le pilote naturel des projets transversaux.

30 Capitalconfianceetperformancedurable

– Obtenir que les indicateurs qualité soient pris en compte au même titre que les indicateurs financiers pour le pilotage de l’entreprise, à l’occasion notamment de la revue annuelle du comité de direction (intégrant la “revue de direction” au sens ISO 9001).

– Étendre ses domaines d’actions, notamment au dévelop-pement durable et à la RSE.

Mais comment réaliser ces évolutions alors qu’aujourd’hui le directeur QHSE n’est pas identifié par la direction générale comme un acteur à part entière de la stratégie de l’entreprise ?

À mon sens, les directeurs qualité doivent améliorer leur communication et s’appuyer sur des “alliés”, avec lesquels ils pourront lancer des opérations pilotes, dont les résultats apporteront la preuve de leur contribution économique à l’entreprise, point-clé pour capter l’attention de la direction générale.

Bref, le directeur qualité de demain devra être le “directeur de la performance” (et de la satisfaction client). »

Pour les directeurs qualité, il est essentiel que la fonction qualité évolue positivement dans l’organigramme et retrouve majoritairement le chemin des comités de direction.

– « Nul doute que la fonction qualité crée de la valeur, mais le souci, c’est qu’on n’est pas assez crédible car on n’est pas au bon niveau de la hiérarchie, de l’organigramme. »

– « On nous considère comme un support en nous mettant un objectif de leadership, ce n’est pas possible. On n’est pas dans l’environnement hiérarchique suffisant. »

Pour une fonction durablement positionnée au cœur des enjeux de l’entreprise de demain, et aux côtés des directions générales pour bâtir leur stratégie, les directeurs qualité

QuelleplacepourlafonctionQHSEfaceauxnouveauxenjeuxdesentreprises? 31

doivent trouver l’équilibre entre le rôle traditionnel de contrôle, d’expert garant de la conformité, qu’ils continuent de remplir, et une fonction interconnectée avec toutes les parties prenantes, au cœur du système organisationnel et de la performance.

Plusieurs fonctions qualité pourront exister au sein de la même entité, avec une division des missions de contrôle qualité et de performance.

Le directeur qualité doit aussi apprendre à communiquer avec sa direction générale, pour « parler le même langage » et réduire les distorsions entre sa vision et celle de sa direction sur son rôle, sa valeur ajoutée et sa contribution économique à l’entreprise. Mieux évaluer la cohérence des missions de la fonction qualité vis-à-vis des enjeux de l’entreprise permettra aux directeurs qualité de mieux négocier le positionnement de leur fonction dans l’organigramme.

Le directeur qualité n’est pas seul : pour que le reposition-nement de sa fonction devienne une réalité, il doit identifier les ressources, les équipes, les compétences sur lesquelles s’appuyer pour faire émerger et mener à bien ses projets.

Bien sûr, dans un contexte économique morose, il est es-sentiel d’évaluer le coût de ces ressources, de s’assurer qu’il est proportionné et que le retour sur investissement est bien présent.

En tout état de cause, la place de la fonction qualité restera propre à chaque organisation, en fonction de sa culture, de sa taille, de sa maturité, de son secteur d’activité, de sa présence ou non à l’international, de ses enjeux propres. Elle restera aussi très fortement liée à la vision personnelle du dirigeant, aux attributs propres à la fonction dans une entreprise donnée, et à la personne qui l’exerce (missions, territoires, comportement…).

32 Capitalconfianceetperformancedurable

Demain, il n’y aura pas une fonction qualité, mais des fonc-tions qualité, répondant à des enjeux spécifiques à chaque organisation. Ces différents positionnements sont illustrés par le schéma ci­après (figure 1.6).

Figure 1.6 Les fonctions qualité de demain

Tableau 1.2 Vers la qualité 3e génération ? Tableau traduit et adapté de Foster et Jonker (2007)

Caractéristiques Première génération

Deuxième génération

Troisième génération

Perspectives qualité

Process Système Relationnel

Focus Mesure Évaluation Compréhension

QuelleplacepourlafonctionQHSEfaceauxnouveauxenjeuxdesentreprises? 33

Caractéristiques Première génération

Deuxième génération

Troisième génération

Type d’action Réactive Proactive Engagée

Critères de succès

Fiabilité EfficacitéResponsabilisation et transparence

Hypothèse de base

Contrôle Management Interconnexion

Relation parties prenantes

Inexistante Périphérique Intégrée

Caractéristiques de l’engagement

Inexistant et/ou philantropique

Négociation et/ou implication dans la communauté

(locale)

Complémentaire et porteur de sens

NatureOutils

et techniquesTechniques et méthodes

Dispositif adaptable

à l’organisation et au contexte

1.2.6 Conclusion

La nouvelle fonction qualité s’inscrit dans un réseau inter et extraorganisa tionnelle dont elle doit prendre acte. Entre accélération du temps de prise de décision et nouveaux enjeux de la relation client, il apparaît que le renouveau de la fonction qualité passe dans une actualisation de ses compétences. Entre réactivité et dialogue, elle doit réaffirmer sa place d’atout stratégique de l’entreprise performante contemporaine.

34 Capitalconfianceetperformancedurable

Afin d’approfondir ces enjeux et de mieux leur faire face, les membres Parcours Croisés, réunis lors d’un interclubs, ont réfléchi sur cinq thèmes. Vous trouverez dans les pages suivantes la synthèse de ces travaux.

2 La fonction QHSE :

perspectives d’évolution

Nous présentons ici une synthèse des ateliers de la convention interclubs Parcours Croisés de novembre 2013.

Figure 2.1 Évolution de la fonction qualité : les points-clés

36 Capitalconfianceetperformancedurable

2.1 Les « territoires » du directeur qualité

2.1.1 Demain, quels nouveaux territoires ?

Bien entendu, il est difficile d’avoir une seule et unique vision sur l’évolution de la fonction qualité. Lors de la convention interclubs Parcours Croisés du 14 novembre 2013, une réflexion a été menée sur ce sujet et a permis d’identifier des évolutions possibles dans différents domaines : la res-ponsabilité sociétale des entreprises (RSE), le développement durable, la gestion de crise, l’excellence, le rapprochement avec le contrôle interne, la prise en compte plus significative de l’homme au cœur des entreprises, l’innovation… Le champ des territoires possibles pour la fonction qualité est relativement conséquent et sera certainement spécifique à chaque entreprise. Il n’existera certainement pas une seule et unique réponse mais de nombreuses opportunités comme le souligne également l’étude menée par la chaire Performance des organisations de Paris-Dauphine. Nous vous présentons ci­après des évolutions possibles identifiées lors de la convention interclubs Parcours Croisés.

� La Responsabilité sociétale des entreprises (RSE)

Cette approche est actuellement en pleine effervescence dans de nombreuses organisations avec la publication récente de la norme ISO 26000 – Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale, 2010. Cette norme intéresse de nombreux dirigeants car elle permet d’avoir une approche globale de l’organisation en évitant ainsi le cloisonnement qui caractérise de nombreux projets.

LafonctionQHSE:perspectivesd’évolution 37

Figure 2.2 Vue d’ensemble de la norme ISO 26000 Source : norme NF ISO 26000

38 Capitalconfianceetperformancedurable

Avec la norme ISO 26000, rien d’obligatoire seulement des recommandations qui permettent de s’améliorer pro-gressivement sur des thèmes pour lesquels l’entreprise est volontaire. Le pilotage de ce projet ou de cette fonction nécessite d’avoir une vision transversale et stratégique de l’organisation. La fonction qualité, de par ses attributs historiques, possède cette vision transverse. Une position dans l’organisation qui lui confère une certaine aptitude et légitimité à prendre en charge ce projet et/ou cette fonction qui peut se retrouver avec une approche RSE et/ou développement durable.

� L’amélioration du Pilotage et de la Performance globale

Figure 2.3 Modèle EFQM (2013)

L’évolution vers un management total de la qualité selon un modèle d’excellence (par exemple EFQM) est très peu

LafonctionQHSE:perspectivesd’évolution 39

répandue en France. Pourtant, ce modèle est un véritable moteur de progrès dans les organisations et permet de s’autoévaluer au regard de différents critères organisés dans une logique de facteurs et de résultats. Le déploiement d’un modèle d’excellence nécessite une véritable implication de la direction générale qui doit insuffler la démarche pour qu’il existe une véritable adhésion à ce projet.

� Le Lean Management

Cette approche a pour but d’optimiser tous les processus d’une entreprise, d’en éliminer les gaspillages et de mettre ainsi en œuvre une organisation légère, agile et efficace. Le Lean Management, qui est le système de production développé initialement par Toyota, a eu un succès important d’abord dans l’industrie. Aujourd’hui, il se développe dans tous les secteurs d’activité. Cette démarche est orientée « résultats » et permet des gains de productivité par l’optimisation des flux dans l’entreprise en instaurant une véritable chasse aux opérations sans valeur ajoutée. Le FD X 50-819 Lignes directrices pour mettre en synergie Lean Management et ISO 9001 montre la complémentarité entre une approche système de management (selon les exigences de la norme ISO 9001) et une approche de type Lean Management.

Si les aspects techniques sont bien sûr essentiels au succès de la démarche, la dimension culturelle d’une telle transformation doit impérativement être prise en compte, comme c’est le cas dans la démarche Lean Responsable®, proposée par le Groupe AFNOR. Un (nouveau) territoire pouvant faire l’objet d’une réelle investigation par la fonction qualité pour être en phase avec les objectifs d’amélioration de la performance de toute organisation.

40 Capitalconfianceetperformancedurable

� La gestion de crise, le contrôle interne et la maîtrise des risques

Cette évolution a d’ores et déjà été mise en route dans de nombreuses organisations. La gestion de crise est aujourd’hui un sujet souvent pris en charge par la fonction qualité avec notamment l’établissement des plans de continuité d’activité (PCA).

L’approche risque est (et sera) également une composante de plus en plus étendue à la fonction qualité avec l’évolution de la norme ISO 9001 – Systèmes de management de la qualité – Exigences, qui va intégrer le risque dans sa version 2015. La gestion du risque (a priori et a posteriori) va ainsi certainement devenir une composante essentielle de la fonction qualité. Il restera tout de même à définir pour chaque organisation le périmètre dédié : une approche globale des risques (selon les recommandations de la norme ISO 31000 – Management du risque – Principes et lignes directrices, 2010) ou au contraire une approche limitée aux produits et/ou clients et/ou environnement et/ou sécurité et santé au travail et/ou d’autres domaines.

La fonction qualité peut également être amenée à construire des « partenariats » internes avec d’autres fonctions de l’organisation pour créer une synergie et une cohérence de fonctionnement. En effet, certaines fonctions comme le contrôle interne peuvent avoir des finalités communes et, de ce fait, nécessiter un rapprochement sous des formes diverses et variées pouvant aller d’une simple mutualisation de moyens à une fusion complète des activités. Ce rapprochement sera sans doute nécessaire pour décloisonner des organisations et éviter une certaine « solitude » de la fonction qualité. À titre d’exemple, le fascicule de documentation FD X 50-198

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présente des lignes directrices pour le développement de synergies entre le système de management qualité et le contrôle interne.

� Le développement de l’Intelligence collective, de l’Innovation et du « travailler ensemble »

Cette évolution est un « renouveau » dans de nombreuses entreprises qui souhaitent revaloriser la place de l’Homme dans leur organisation. Une telle approche peut également impacter la fonction qualité qui pourra être un des piliers dans des nouvelles démarches basées sur l’innovation participative et le travail collaboratif. Ainsi, le progrès est partagé par tous avec des méthodes et des outils « sociaux ». Le dévelop-pement d’approches de type responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ou selon les modèles d’excellence prend en compte cette composante humaine où l’Homme est au cœur du dispositif.

2.1.2 Comment s’emparer de ces nouveaux territoires ?

Il n’existe pas de véritable recette miracle pour s’emparer de ces nouveaux territoires dans les organisations. La convention Parcours Croisés du 14 novembre 2013 a cependant permis d’identifier des principes généraux pouvant servir de base à cette évolution :

– Être en mesure de démontrer la valeur ajoutée : Tout projet doit avoir son propre retour sur investissement. La fonction qualité, comme toute autre fonction, doit être en mesure de démontrer la valeur ajoutée sous forme de « résultats » (valeur produite) du projet mené.

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– Trouver le « bon » sponsor : Pour s’emparer de nou-veaux territoires, il est important d’être « sponsorisé » au bon niveau de l’organisation. La compréhension du jeu d’acteurs est donc essentielle.

– Mettre à profit les remontées terrain et l’expertise opérationnelle : La fonction qualité étant proche du « terrain », elle possède cette compétence de proximité qui lui permet de bien connaître les réalités opérationnelles, ce qui peut être un véritable atout dans l’affectation d’une nouvelle activité.

– Être un facilitateur du changement : Cette extension du territoire oblige à bien repositionner le rôle de la fonction qualité dans l’organisation. La qualité ne doit pas chercher à être 100 % propriétaire de toutes les activités. Au contraire, elle doit trouver une place de facilitateur du changement en impliquant les collaborateurs plutôt que de chercher à imposer des solutions.

– Faire preuve de pragmatisme : La fonction qualité doit également être « agile » pour s’emparer de ces nouveaux territoires. Elle doit avoir la capacité de transformer le complexe en choses simples et opérationnelles. Elle doit être dans une logique de « réducteur de complexité » pour fédérer les acteurs autour d’un projet.

2.1.3 Pourquoi s’emparer de nouveaux territoires ?

L’évolution de la fonction qualité vers de nouveaux territoires va permettre de : – Donner plus de valeur ajoutée à la fonction qualité :

L’acquisition de nouveaux territoires permet de sortir du « cadre de référence » clairement défini par la

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norme ISO 9001 et permet ainsi de donner une valeur ajoutée complémentaire en phase avec les objectifs de « performance » des organisations. La fonction qualité a traditionnellement été dans une logique de « maîtrise et d’efficacité », elle doit poursuivre son évolution dans une logique d’efficience pour contribuer à la performance générale de l’organisation.

– Représenter l’intérêt général en apportant une vision globale et transverse : Les nouveaux territoires évoqués concernent l’intérêt général de l’entreprise. Ils ne sont pas des outils propres à la fonction qualité. Ils symbolisent tous une approche globale qui permet de donner une vision cohérente de l’organisation.

– Contribuer à donner une vision à moyen et long terme : Les nouveaux territoires évoqués représentent des actions qui perdurent dans le temps. Par exemple, s’engager dans une démarche RSE est un engagement à moyen/long terme qui donne du sens à l’organisation.

– Favoriser l’anticipation : Ces démarches contribuent à favoriser le mode préventif pour mettre en place des structures et des ressources qui permettent d’anticiper les problèmes.

2.2 La fonction qualité et la performance

L’efficacité c’est bien, la performance c’est mieux. Toute organisation est aujourd’hui branchée sur la performance et l’efficience. La logique du « toujours faire mieux » avec des ressources de plus en plus limitées se généralise dans toutes les organisations et ceci quel que soit le secteur d’activité. Et la qualité ne peut y déroger.

44 Capitalconfianceetperformancedurable

Il faut que la fonction qualité contribue à la performance de l’organisation pour contribuer à sa pérennité. Aujourd’hui, dans le cadre de référence d’une direction, la notion de performance est une question primordiale dans le pilotage de l’organisation. Une telle approche a, sans aucun doute, un autre avantage : elle permet de donner une autre image de la qualité qui sort d’une logique purement qualitative (conformité, efficacité…) pour rentrer dans une véritable logique de performance en phase avec les attentes d’une direction.

Une telle approche est un véritable « changement culturel » bien que la notion de performance fasse tout de même partie de l’héritage de la qualité – lorsque celle-ci était dans une logique de mesure du coût d’obtention de la qualité (le COQ) dans les années 1980. À cette époque, il était commun d’évoquer que la somme des coûts de non-qualité représentait environ 10 % du chiffre d’affaires d’une entreprise. Autant dire que ce message a contribué à un développement rapide de la qualité avec une véritable motivation des directions générales.

Aujourd’hui, d’autres méthodes ou outils se sont développés notamment par l’intermédiaire des démarches de type « Lean Management ». Cette approche permet d’analyser des processus ou services pour optimiser le mode de fonctionnement et gagner ainsi en productivité en faisant une véritable « chasse » au gaspillage.

2.2.1 Comment la fonction qualité contribue-t-elle à l’objectif de performance ?

Une réflexion collégiale, lors de la convention Parcours Croisés du 14 novembre 2013, a permis d’identifier les différentes contributions de la fonction qualité.

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Ces contributions sont les suivantes :

– La garantie de la performance du produit : La fonction qualité possède intrinsèquement cette mission de « contrôle » de la performance du produit pour garantir sa conformité. Cette approche est la base même de la fonction qualité. Elle constitue un « basique » mais qui impacte de manière significative la performance de l’organisation.En effet, fabriquer un « produit conforme du premier coup » reste une attribution basique mais fondamentale de la fonction qualité.En contribuant à la réussite de cet objectif, la qualité diminue les coûts de non-qualité (réparation, rebut, retouche…) en phase avec les objectifs de performance. Bien entendu, cette approche centrée sur le produit est également vraie dans le domaine des services.

– L’approche par les processus : Les démarches pro-cessus initiées dans les organisations permettent de fluidifier les interfaces entre les processus et d’optimiser leur mode de fonctionnement.La fonction qualité peut ainsi contribuer à la simplification des processus pour gagner en productivité, performance et service client.

– La mesure de la performance : En complément des indicateurs financiers, la fonction qualité peut également proposer et suivre des indicateurs « extrafinanciers » qui permettent de se prononcer sur la perfor mance d’une organisation en dehors de ses résultats économiques.Le reporting extrafinancier consiste à rendre compte de la performance sociale, sociétale et environnementale de l’entreprise.

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– La chasse au gaspillage (réduction des coûts et de la surqualité) : Aujourd’hui, cette approche est souvent déclinée par la mise en œuvre d’une démarche de Lean Management dans l’organisation.

– La capitalisation et le partage des bonnes pratiques : De par son rôle transversal, la fonction qualité peut étendre (ou faciliter) l’extension de bonnes pratiques mises en œuvre dans un service et/ou processus. Cette approche peut également être étendue à l’extérieur de l’entreprise en assurant des opérations de veille pouvant prendre la forme d’un benchmarking. Cette approche est propice à l’innovation interne car elle permet d’étudier un autre cadre de référence en allant chercher les meilleures pratiques et ceci, quel que soit le secteur d’activité de l’entreprise servant de référence.

– L’écoute des clients et la garantie du capital confiance : En fonction des organisations, la fonction qualité peut contribuer à une écoute active des clients afin d’identifier leurs attentes, de manière explicite ou implicite. Cette écoute permet d’identifier des besoins latents et d’être force de proposition pour contribuer au développement des produits ou services de demain.

2.2.2 Comment démontrer la valeur ajoutée de la fonction ?

– Un pilotage des plans de progrès : La fonction qualité assure le pilotage de différents tableaux de bord de la performance permettant de suivre l’avancement des actions dans l’organisation. Il peut s’agir, par exemple, du suivi du nombre de suggestions d’amélioration, du taux de participation aux actions, du taux de clôture des actions, des gains obtenus par les groupes de travail…

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Cette mesure permet de démontrer de manière factuelle l’avancement des actions initiées au sein même de l’organisation.

– La mesure de la satisfaction des parties prenantes : Cette contribution à la performance de l’organisation peut faire l’objet de différents baromètres pour mesurer la « satisfaction » des parties prenantes. La mesure liée à la satisfaction des clients est d’ores et déjà souvent déployée dans les organisations. A contrario, la mesure de la « satisfaction » des collaborateurs peut être une source riche d’enseignements.Cette mesure fait d’ailleurs partie intégrante des modèles d’excellence que nous avons évoqués dans le précédent chapitre.

– Une communication active : Cette communication vise à valoriser les résultats obtenus et peut prendre différentes formes : intranet, rapport annuel, flashs infos, réseaux sociaux…

– La mesure des coûts de non-qualité : Cette approche vise à mesurer le coût global de la qualité calculé à partir des coûts de non-qualité internes et externes (rebuts, retouches, réclamations, consommations excessives…), des coûts de détection (opération de contrôle/vérification) et des coûts de prévention (par exemple, l’étalonnage, la maintenance, la formation…).

2.2.3 Contribuer à une organisation pérenneCette notion de performance doit également être associée à une réelle volonté d’être parmi les meilleurs « élèves » de la classe. Il ne suffit plus aujourd’hui d’être performant pour assurer le développement et la pérennité de l’organisation, il faut être excellent.

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Jim Collins dans son ouvrage De la performance à l’excellence4 démontre de manière remarquable les différences entre ces deux approches : « Passer de la performance à l’excellence requiert de transcender la malédiction de la compétence. Le simple fait d’être spécialisé dans quelque chose, de le faire depuis des années ne signifie pas nécessairement que l’on est le meilleur dans ce domaine. Et si l’on ne peut pas devenir le meilleur dans son propre domaine alors celui-ci ne peut être le fondement de l’excellence ». La fonction qualité peut également contribuer à ce position nement de « leader » en cherchant en permanence les meilleures pratiques au niveau international pour organiser un véritable « benchmark » propice au progrès. Agir efficacement dans un environnement fait de contraintes et d’exigences est aussi un défi à relever pour la fonction qualité. Il faut être efficace, voire même efficient, pour que l’optimisation soit une recherche permanente et ceci à tous les niveaux. Tout doit être pensé et construit dans une logique de performance globale.

Le système de management de la qualité doit être le symbole de cette optimisation. Agir efficacement nécessite ainsi une réelle capacité à distinguer l’essentiel du superficiel pour avoir une approche orientée uniquement sur la valeur ajoutée. Dans le contexte actuel, les entreprises ou autres formes d’organisation n’ont plus les moyens de réaliser des activités inutiles. Le gaspillage n’est plus d’actualité. Le système de management de la qualité doit, comme tout autre élément de l’organisation, répondre à cette exigence de performance. Alors agir efficacement nécessite une recherche permanente de la performance en partant du principe que l’entreprise est un système vivant et qu’il faut en permanence adapter

4 Jim Collins, De la performance à l’excellence – Devenir une entreprise leader, Éditions Pearson, 2009.

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l’organisation aux évolutions de l’environnement. Ce qui était pertinent et performant hier peut être aujourd’hui inapproprié et obsolète. Le rythme du changement s’accélère et la désuétude devient de plus en plus rapide, et de ce fait fréquente.

Le système de management de la qualité doit être ainsi géné­tiquement conçu pour faire face à ce rythme incessant du changement imposé par l’environnement. L’agilité devient la nouvelle force des organisations performantes. Ainsi, dans ce contexte, le directeur qualité doit être le symbole de cette performance en lien avec la stratégie de l’organisation.

2.3 Redonner du sens à la qualité

Tout travail d’évolution de la fonction qualité passe par une réflexion approfondie sur le sens donné à la mission. Sa raison d’être ? À quoi sert la qualité dans l’organisation ? Quelle est la valeur ajoutée ? Pourquoi l’entreprise a-t-elle besoin d’un directeur qualité ? Il est important de s’interroger sur le « pourquoi » avant de s’intéresser au « comment ». Cette question est aujourd’hui primordiale car les éléments de réponse sont variés. Le directeur qualité doit ainsi s’interroger sur le sens donné à la qualité dans son organisation. Il peut s’agir par exemple d’obtenir et de maintenir une certification (ISO 9001 ; ISO 14001:2004 – Systèmes de management envi ron nemental – Exigences et lignes directrices pour son utilisation ; OHSAS 18001: 2007 – Systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail – Exigences…), de s’assurer de la conformité légale et réglementaire, d’améliorer la satisfaction des clients, de contribuer à la performance de l’organisation, de déployer la stratégie de l’organisation… Cette approche est importante car elle permet de situer une démarche qualité avec plus ou moins de valeur ajoutée.

50 Capitalconfianceetperformancedurable

La qualité d’hier était ainsi essentiellement orientée sur la satisfaction des clients. La qualité de demain devra, dans un contexte concurrentiel de plus en plus fort, prouver sa légitimité au niveau de la performance et de la compétitivité des organisations. Elle devra élargir son spectre en s’inté-ressant à l’ensemble des parties prenantes.

Le directeur qualité doit donc donner du sens à la qualité pour que les acteurs adhèrent à la démarche. « Pas de sens, pas d’adhésion » c’est une certitude qui sera de plus en plus marquée dans les organisations notamment avec l’arrivée des nouvelles générations dans le monde du travail (comme par exemple la génération « Y ») qui ne s’investissent dans des projets qu’à partir du moment où ces derniers ont du sens. Il faut comprendre le « pourquoi » pour adhérer au « comment ».

2.3.1 La cartographie pour donner du sens à la qualité

Figure 2.4 Synthèse de la réflexion menée par les membres Parcours Croisés (convention interclubs de novembre 2013)

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2.3.2 Comment mobiliser les acteurs clés et coconstruire une politique qualité ouverte sur les parties prenantes ?

� Pour donner du sens, il faut simplifier

Il faut désormais assumer la simplicité même si cette démarche va à l’encontre de certains modèles. Le directeur qualité doit rendre simple et compréhensible un message complexe et ésotérique. Il doit être « réducteur de complexité ».

� Pour donner du sens, il faut construire et partager sa vision

Pour mobiliser les collaborateurs dans une organisation, il convient de définir et de partager une vision qui a du sens pour tous. Partir de ce que l’on est pour définir clairement ce que l’on veut devenir. Cette vision doit être partagée par tous pour être acceptée. Le décideur qualité doit développer des qualités de leadership pour inspirer confiance, veiller aux intérêts des membres de son groupe, renouveler les méthodes de travail, poser les bonnes questions et prendre des initiatives constructives.

� Pour donner du sens, il faut changer sa façon de penser

Dans un monde de plus en plus complexe, il devient indispensable de modifier certains paradigmes pour s’adapter à ce nouvel environnement. Le changement est nécessaire, notamment concernant sa façon de penser dans de nombreux domaines. Il faut, par exemple, passer d’une

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logique de construction à une approche de coconstruction en impliquant dès le départ les collaborateurs, voire même les parties prenantes (clients, partenaires, fournisseurs…). Il faut considérer tout problème comme une source potentielle d’amélioration et non pas comme une contrainte. Il faut déployer la « positive attitude » pour ne pas rester dans une posture de « critique » qui symbolise l’immobilisme. Ces exemples témoignent de la nécessité de penser autrement pour donner du sens à la qualité.

� Pour donner du sens, il faut mobiliser les acteurs

Cette mobilisation passe par une autre approche de la place de l’homme dans les organisations. Il faut (re)faire confiance à l’individu en le responsabilisant et en lui accordant toujours plus d’autonomie pour libérer son « talent ». Il faut passer progressivement d’un management hiérarchique qui détermine le pouvoir dans un territoire donné vers un management transversal qui libère les initiatives.

2.4 La qualité au cœur des préoccupations des directions générales ?

Nous voilà arrivés au cœur des problèmes pour bon nombre de dirigeants qualité. La direction n’est pas (plus) impliquée dans la démarche qualité. Elle est devenue spectatrice alors qu’il y a peu de temps encore elle était bien là, au cœur de la mêlée. Elle consacre aujourd’hui le strict minimum de son temps et des ressources qu’elle alloue pour la qualité. Aujourd’hui, la qualité est en effet de plus en plus rarement rattachée directement à la direction générale et les

LafonctionQHSE:perspectivesd’évolution 53

organisations sont nombreuses : rattachement à la direction des opérations, à la direction de l’exploitation, à la direction logistique, à la direction des ressources humaines, à la direction des systèmes d’information… Les décideurs QHSE perçoivent bien au quotidien les « évolutions » présentées dans la première partie de l’ouvrage.

2.4.1 Quelles distorsions dans la vision des acteurs ?

Tableau 2.1 Tableau de synthèse réalisé lors de la convention Parcours Croisés (novembre 2013)

Vision de la direction générale (selon

les directeurs QHSE)

Vision des acteurs de la qualité

Finalité de la fonction

- Prévenir les risques majeurs par rapport à la qualité produit

- « Assurance tous risques »

- Déployer la voix du client au sein de l’organisation

- « Amélioration permanente »

CompétencesMaîtrise des normes et des référentiels

Chef d’orchestre, accompagnement au changement transversal

TerritoireLimité à la politique qualité (ou QHSE)

Stratégie d’entreprise

Le temps Résultats à court termeDémarche progressive aux effets constants à moyen et long terme

ApprocheVision top-down (organisation hiérarchique)

Vision transversale (organisation par processus)

54 Capitalconfianceetperformancedurable

Vision de la direction générale (selon

les directeurs QHSE)

Vision des acteurs de la qualité

Perception de la fonction qualité

Rigide Souple

Urgentiste Planificateur

Spécialiste Multispécialiste

Dérangeant Lanceur d’alerte

Sélectionneur (court terme)

Préventeur (moyen et long terme)

Ce tableau met en exergue l’importante distorsion qui peut exister dans de nombreuses organisations entre la perception de la fonction qualité vue par la direction générale et celle vue par les directeurs qualité. Cette distorsion est également confirmée par l’étude menée par la chaire Performance des organisations de Paris-Dauphine en 2013.

2.4.2 Comment positionner la qualité comme un levier nécessaire au bon pilotage stratégique de l’entreprise ?

� Une approche transverse versus une approche en « silo »

De par son histoire, la fonction qualité a toujours eu un rôle transverse dans les organisations avec plus ou moins d’importance en fonction des différentes époques évoquées précédemment. Cette approche a donné à la fonction qualité

LafonctionQHSE:perspectivesd’évolution 55

une réelle capacité à déployer dans sa propre gouvernance un management fonctionnel qui se distingue par une absence de pouvoir hiérarchique. Cette position nécessite une réelle capacité à communiquer, à convaincre sans utiliser un pouvoir lié à une position dans l’organigramme. Cette expérience est un véritable atout pour contribuer au déploiement de la stratégie de l’entreprise.

� Un rôle global et local (interne et externe)

La fonction qualité possède également cette capacité à avoir une approche globale de l’organisation en évoluant aussi bien au niveau du siège social (direction, fonctions supports…) qu’au niveau des opérations proches du terrain. Cette relation en interne est également relayée vers d’autres parties pre-nantes, les clients et les fournisseurs, par exemple. Cette approche globale est un formidable atout pour contribuer à une vision holistique de l’organisation et relayer ainsi la stratégie auprès de l’ensemble des acteurs.

� Faire savoir son savoir-faire (posture de coach versus posture de sachant)

Pour positionner la fonction qualité comme un véritable levier au pilotage de la stratégie, il est également important de donner une autre image de la fonction en insistant davantage sur le rôle d’animateur du changement. En effet, si la fonction est cantonnée dans un rôle technique dit de sachant, il est fort probable qu’elle ne soit pas naturellement identifiée par la direction générale comme un véritable relais. Ainsi, la posture de « coach » est à privilégier au détriment d’une posture d’expert d’un domaine défini par une norme ou tout autre référentiel.

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2.4.3 Comment bien communiquer auprès de la direction générale ?

� Faire preuve d’empathie (la forme)

Pour bien communiquer auprès de la direction générale, la fonction qualité doit faire preuve d’une certaine empathie.

En effet, il est important d’essayer de se projeter « à la place de l’autre » pour instaurer une véritable communication. Il faut faire preuve d’écoute afin de trouver les « bons arguments ».

Il faut également resituer l’importance de ses propos dans l’environnement global d’une direction générale : ce qui peut me sembler important et prioritaire peut être un détail au niveau d’une direction générale. Se projeter, se mettre à la place de l’autre… sont autant d’éléments nécessaires pour instaurer une véritable communication.

� (Ré)apprendre à intéresser (le fond)

La direction générale sera d’autant plus facilement à l’écoute que les sujets évoqués lui sont prioritaires. Sinon, au mieux (par politesse) elle prendra le temps de vous écouter, au pire elle créera un échelon intermédiaire pour éviter ces échanges directs. Le fond compte autant que la forme.

Pour bien communiquer avec une direction générale, il est nécessaire de traiter de sujets stratégiques à forte valeur ajoutée.

Cela peut concerner, par exemple, des sujets liés à la perfor-mance, à la gestion des risques, à l’écoute des clients, à la mobilisation des collaborateurs…

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2.5 Quelles compétences pour le décideur QHSE de demain ?

Comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, il n’existe pas de portrait-robot type du « parfait directeur qualité ». On peut cependant dire que cette évolution des compétences concerne davantage des thématiques liées à la posture et aux comportements que des outils et des méthodes. Le développement personnel prime sur les compétences techniques mêmes si celles­ci demeurent une nécessité.

L’atelier mis en place lors de la convention interclubs Parcours Croisés du mois de novembre 2013 a permis d’iden tifier certaines compétences à acquérir pour le manager qualité de demain.

2.5.1 Quelles compétences relationnelles développer ? Comment ?

� Un leader

Le décideur qualité de demain doit ainsi développer un véritable « leadership » dans l’organisation. Il amène des collaborateurs à accomplir des tâches en se servant de son influence personnelle et de son pouvoir de persuasion. Il parvient à ses fins en se procurant le concours des autres. Il doit être force de proposition pour accompagner le changement en interne. Il doit faire preuve de créativité en innovant dans ses approches. Il doit être en capacité de maintenir à niveau une organisation (règles, procédures, formalisation…), d’améliorer une organisation (méthodes, mesures, outils…) et de créer de la rupture (innovation, créativité…).

58 Capitalconfianceetperformancedurable

� Un communicant

Le dirigeant qualité sera en contact avec de plus en plus de parties intéressées… Le manager qualité de demain devra ainsi avoir de réelles compétences en termes de communication et s’adapter en fonction de ses interlocuteurs. Il devra être en mesure de dialoguer avec la direction générale mais aussi avec toutes les autres strates de l’entreprise. En effet, on ne communique pas de la même façon avec un directeur général, avec des opérateurs de terrain, avec des élus d’un territoire, avec des représentants de l’État, avec des fournisseurs ou des clients…

Il devra également être capable de communiquer devant un public pour assurer des formations, des sensibilisations… tout en faisant preuve de conviction pour provoquer une adhésion en interne. Le manager qualité de demain devra enfin maîtriser la communication écrite sous toutes ses formes, de la plus traditionnelle (lettre, procédure…) à la plus « moderne » (chat, réseaux sociaux, représentation sous forme de flux, diagramme, mind mapping…).

� Un pédagogue

Il ne suffit plus de dire les choses pour qu’elles s’accomplissent naturellement. Il faut prendre du temps pour expliquer le pourquoi du comment, être pédagogue, donner du sens à l’action. Autant d’éléments indispensables pour que les collaborateurs adhèrent au projet quel qu’il soit. Ainsi, tout manager qualité de demain doit faire preuve de pédagogie dans ses activités en évitant de s’enfermer dans des justifications techniques inaccessibles. Comme nous l’avons dit, pour donner du sens, il est souvent nécessaire de sortir

LafonctionQHSE:perspectivesd’évolution 59

de son domaine d’expertise pour expliquer des choses parfois compliquées avec des termes simples. Cette pédagogie est la base même des systèmes qualité durables qui reposent sur une véritable culture qualité acquise par l’apprentissage.

� Un pragmatique

Le manager qualité de demain doit conserver, voire même développer son sens du pragmatisme. En effet, la connaissance du « terrain » lui confère une réelle légitimité dans ses activités. Le pragmatisme est la capacité à proposer des solutions simples et opérationnelles pour des situations de plus en plus complexes. Ce pragmatisme est en phase avec une réelle capacité à simplifier. Le décideur qualité de demain doit incarner cette approche en veillant à être cohérent entre le « discours » et la réalité opérationnelle. Il doit arriver à propager la « simplicité » dans toute l’organisation pour que le « compliqué » devienne l’exception.

� Un « ambassadeur légitime »

Le directeur qualité de demain doit également incarner les valeurs qu’il communique. Il doit exister un total alignement entre les « paroles » (les intentions) et les « actes ». Cette cohérence est importante pour que le manager qualité de demain soit accepté en interne par tous. Cette implication est la base même de la performance. Il existe ainsi un véritable défi en termes de posture pour atteindre cette légitimité aux yeux de tous. Une telle position nécessite une certaine « neutralité » en interne en évitant de prendre position au niveau des services. Le décideur qualité de demain doit ainsi faire preuve d’une réelle empathie.

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� Un « caméléon » capable de s’adapter à toutes les situations

Cette métaphore illustre également la nécessité d’avoir l’intelligence de la situation, c’est-à-dire d’avoir une vraie capacité à s’adapter en fonction de chaque cas concret.

En effet, le manager qualité de demain va faire face à des situations de plus en plus nombreuses et complexes qui vont nécessiter une réelle compréhension des enjeux pour donner des réponses appropriées. Il n’existera pas forcément une réponse unique.

La diversité entraîne la pluralité dans les réponses.

Figure 2.5 Le manager qualité de demain

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2.5.2 Quelle nouvelle posture adopter face aux nouveaux modes de management et à la génération Y ?

D’après les études menées, la génération Y va représenter environ 40 % de la population active française en 2015. Le manager qualité de demain, comme tout autre manager de l’entreprise, va devoir proposer des outils et des méthodes en phase avec cette population. Il va devoir s’intéresser aux nouvelles technologies pour être en harmonie avec ce mode de fonctionnement et de communication. C’est la génération de type « Facebook » qui a appris à communiquer de façon « ouverte », à exprimer directement son sentiment (j’aime/je n’aime pas), à utiliser toutes formes de média (vidéo, visio…), à réagir vite, à multiplier les canaux de communication…

Le manager qualité de demain doit ainsi trouver les leviers de la motivation. Il sera sans doute amené à adapter son système qualité dans une logique plus collaborative et plus agile. L’information sera de plus en plus partagée. On devra pouvoir corédiger un document en utilisant la même source, sous forme de wiki par exemple, ce qui permet de rendre visible la contribution de chacun. On devra partager à la source la même information et chacun pourra enrichir et compléter cette information. La rédaction de la documentation qualité pourra, par exemple, suivre cette nouvelle forme de conception qui ne nécessite pas d’être présent dans un même lieu et au même moment. Chacun pourra participer sans contrainte temporelle et géographique. Les flux d’informations seront également certainement impactés. D’une approche descendante, l’entreprise sera amenée à fonctionner de plus en plus en mode « horizontal et transverse ». Les étapes « je rédige, je vérifie, je valide, j’approuve… » seront

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certainement réduites à leur plus simple expression pour accélérer le cycle de validation. Quant à la diffusion, les méthodes risquent également d’évoluer en simplifiant le classement et l’organisation des documents. Les moteurs de recherche permettront de trouver de plus en plus rapidement une information sans passer forcément par des logiques de hiérarchisation ou d’arborescence. Les réseaux sociaux d’entreprise (RSE) vont évoluer, se développer, et devenir des outils indispensables d’échanges et de collaboration dans l’entreprise. La documentation qualité, si elle est absente de ces outils, risque d’être en décalage avec le vecteur commun d’information de toute l’entreprise.

Ainsi, le décideur qualité de demain devra adapter son sys tème de management et sa posture pour pouvoir communiquer avec la génération Y. Cette évolution est un véritable challenge où chaque partie va apprendre de l’autre. La culture 2.0 ne peut se résumer à une simple maîtrise des outils technologiques. Il ne suffit pas d’utiliser des plateformes collaboratives pour être 2.0, il faut aussi changer son état d’esprit et sa vision des choses.

Le manager qualité de demain doit évoluer de façon agile dans un environnement de plus en plus complexe. Il doit être organisé pour avoir toute l’information nécessaire au bon moment et avec le minimum d’effort. Il doit maîtriser sa « cartographie de l’information » en utilisant des outils et des méthodes collaboratives.

Le manager qualité de demain est conscient que le savoir est désormais d’une extrême fragilité et qu’il est confronté à une obsolescence de plus en plus rapide. Il faut apprendre en permanence pour ne pas être victime de l’effet « has been ». Cette acquisition du savoir évolue vers des modèles de plus

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en plus interactifs. Cet apprentissage permanent est la clé de voûte du décideur qualité de demain. Un tel objectif nécessite cependant une approche sélective dans l’acquisition des connaissances en modulant le niveau d’expertise souhaité.

2.6 Le point de vue de Jérick Develle(http://twitter.com/jerickdevelle)

Jérick Develle est aujourd’hui directeur général d’Adecco Medical (25 000 soignants en France) et président de PmS, le leader de l’assistance médicale intégrée en France.

Il a été, au début de sa carrière, pionnier de la certification ISO dans les services en France avec l’obtention en 1994 du premier certificat ISO 9002 d’une entreprise de travail temporaire. Jérick Develle a travaillé en France, en Europe et en Afrique avec là aussi une première, la certification RSE d’une entreprise de travail temporaire au Maghreb.

Passionné par l’impact des nouvelles technologies sur le management, Jérick Develle anime aussi régulièrement des conférences sur le thème du management de la génération Y.

� Qualité Y.0

Les aléas économiques et le raccourcissement des cycles de croissance ne représentent pas la vraie menace qui assombrit l’avenir de nos entreprises. Cette menace est en fait un paradoxe, le paradoxe du marché de l’emploi français qui, malgré un taux de chômage insupportable, fait qu’il demeure très difficile de recruter un profil à valeur ajoutée individuelle élevée et cela quel que soit le secteur d’activité concerné.

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En effet, au-delà des compétences, c’est dorénavant le comportement qui fait la différence pour la génération des 20-30 ans dite « génération Y ». Et c’est cette génération qui rejoint en ce moment nos entreprises et qui en représente l’avenir. Son recrutement se fait sur des valeurs et des comportements, ce qui le rend sensible et difficile. La notion de fidélité par le bien­être au travail devient alors une condition élémentaire et précieuse pour que ces efforts de recrutement ne soient pas anéantis par une faible capacité à conserver les talents.

Or cette génération, qui dispose d’atouts extraordinaires pour réussir, perd en général énormément de temps et d’énergie lors de sa phase d’intégration.

Ses difficultés à gérer les conflits, à rester centrée sur un même sujet très longtemps ou à disposer d’une vision moyen terme, nécessiteraient que les systèmes de management de la qualité lui soient des guides ludiques, modernes et adaptés à ses attentes.

Cette « génération Y » a en effet hérité de sa jeunesse connectée deux besoins essentiels : trouver immédiatement l’information sans en avoir anticipé le besoin et pouvoir collaborer à une communauté de « sachants » sans pour autant aimer travailler en groupe.

Pourtant, nombre d’entreprises continuent à vouloir trans-mettre le « savoir qualité » au travers de logigrammes obscurs, de classeurs à leviers défraîchis ou de pyramides du savoir poussiéreuses.

C’est ignorer que nos jeunes collaborateurs sont devenus des consommateurs de management et des consommateurs de savoir. Nos entreprises doivent y répondre en utilisant le langage et les outils de cette « génération Y » : le réseau

LafonctionQHSE:perspectivesd’évolution 65

social interne doit ainsi remplacer l’intranet, le clip vidéo doit remplacer la procédure, le smartphone doit permettre d’accéder instantanément aux bibliothèques de références et aux questionnaires d’évaluation et l’e-learning doit devenir ludique.

Enfin, et cela va devenir essentiel, le crowdsourcing interne doit devenir l’élément clé de la stratégie d’appropriation et d’amélioration continue.

Puis, au-delà de ces nouvelles pratiques, le management de la qualité doit au plus vite intégrer que cet esprit de « consommateurs internes » va créer une nouvelle catégorie de clients. Et ce sont ces clients internes, dont le niveau de satisfaction sera de plus en plus mesuré (ISO 26000, indices Great Place To Work, évaluation Vigeo), qui feront demain la vraie valeur des entreprises les plus performantes.

Jamais les managers de systèmes qualité n’ont disposé d’autant d’outils permettant, à un coût de plus en plus faible, d’impliquer chacun de ceux qui rejoignent les entreprises. Reste à ce que ces managers ne restent pas figés dans leurs réflexes de managers 1.0 au risque de laisser naître une « contreculture qualité » faites de réseaux parallèles extrêmement efficaces et créatifs mais… non maîtrisés.

2.7 Conclusion

La qualité évolue dans un écosystème vivant comportant ses propres organes de régulation. Face aux nouveaux enjeux socioéconomiques, le territoire de la qualité va encore évoluer pour aborder de nouvelles thématiques qui vont dépasser la notion de produit, de contrôle, d’assurance qualité voire même de management qualité.

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La qualité sera certainement de plus en plus ouverte et collaborative. Elle devra contribuer à la performance de l’organisation tout en donnant du sens (à long terme) pour qu’il existe une véritable adhésion en interne. L’entreprise « responsable » va devenir la référence et le décideur qualité de demain doit dès aujourd’hui se préparer aux évolutions de sa fonction.

Les réflexions engagées lors de la convention interclubs Parcours Croisés du mois de novembre 2013 et les études menées par la chaire Performance des organisations de Paris­Dauphine abondent dans le même sens : l’évolution sera aussi et surtout au niveau de la posture, du comportement… L’excellence relationnelle devra devenir la nouvelle compé-tence clé de tout manager qualité.

Biographie des auteurs et contributeurs

Sylvie Rolland, directrice de la chaire Performance des organisations de Paris-Dauphine

Titulaire d’un doctorat en gestion, spé-cialité marketing, acquis à l’université de Paris-Dauphine et au sein du programme de l’ESSEC, Sylvie Rolland a exercé

dans diverses entreprises notamment en cabinet d’audit où elle a eu l’opportunité d’évaluer l’organisation de nombreuses entreprises, en France et à l’international.

Elle est aujourd’hui maître de conférences à l’université Paris-Dauphine au sein du groupe Marketing et Stratégie où elle assure la codirection du master marketing. Elle est membre du laboratoire de recherche DRM (Dauphine Recherche en Management – UMR CNRS 7088). Ses recherches, publiées dans des revues françaises et internationales, concernent, entre autres, l’impact des nouvelles technologies sur les organisations et leur marketing.

Elle est à l’origine de la création de la chaire Performance des organisations et en assure aujourd’hui la direction scientifique.

Anne-Laure Mauduit, responsable du pôle Études, Groupe AFNOR

Titulaire d’un master en marketing et stra -tégie (IAE Poitiers), Anne-Laure Mauduit a commencé son parcours professionnel en tant que chargée d’études qualitatives en institut d’études où elle a travaillé dans

le secteur agroalimentaire avant d’intégrer, il y a dix ans, le Groupe AFNOR comme chargée d’études.

Au sein du département marketing et innovation, elle manage aujourd’hui le pôle études marketing et a depuis trois ans la responsabilité de projets de recherche et d’innovation et la coordination des projets de développement. À ce titre, elle anime de nombreux groupes de créativité afin d’accompagner le Groupe AFNOR dans ces réflexions de développement et pilote au titre du Groupe AFNOR la chaire Performance des organisations de l’université Paris-Dauphine.

Elle se passionne pour les nouvelles techniques de créativité et les problématiques de processus d’innovation dans les organisations.

Christophe Villalonga, directeur associé de Qualinove, auteur de Devenez manager qualité 2.0 et animateur du club Parcours Croisés « Confluence » (Lyon)

Christophe intervient comme consul-tant opérationnel depuis 1994 dans

la mise en place et l’optimisation de démarches qualité à valeur ajoutée. Il est auditeur ICA et auteur de deux ouvrages sur le thème de l’audit. Christophe Villalonga a développé de nombreux outils (site web, vidéo, serious game…) pour faciliter le déploiement de la qualité dans les organisations.

Depuis 2012, il anime la communauté de directeurs qualité de Parcours Croisés Lyon pour fédérer des échanges de pratiques et faire de la prospective sur l’évolution de la fonction.

Christophe Villalonga anime également un réseau de consul-tants en système de management pour déployer au niveau national et international des valeurs et des méthodes au service de la compétitivité des organisations.

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Du même auteur chez AFNOR Éditions, Un nouveau souffle pour la qualité, (2e édition) et Devenez Manager qualité 2.0, 2013.

Les membres des clubs Parcours CroisésLes clubs Parcours Croisés sont des lieux conviviaux d’échanges et de montée en compétences, proposés à des décideurs inter-venant sur des thématiques qualité

et développement durable, souhaitant partager avec leurs pairs et développer leur réseau.

Ce concept de formation interactive permet à chacun de progresser dans son expertise professionnelle sur des sujets qui correspondent à ses attentes. Chaque club, accompagné par un animateur dédié, construit son propre programme et choisit les experts qu’il souhaite auditionner.

Fin 2013, lors de la réalisation de l’étude, le réseau comptait neuf clubs : sept réunissant des directeurs QHSE, un dédié aux problématiques du secteur public et parapublic, et un autre spécialisé RSE.

Contact : Marie Berenger Tél. : 01 41 62 84 92 – [email protected]

AFNOR Compétences

Leader français des formations sur les systèmes de management, les méthodes associées et l’audit.

Depuis plus de trente­cinq ans, la filiale formation­conseil du Groupe AFNOR s’affirme comme le partenaire incontournable des entreprises qui font le choix de la performance, de la maîtrise des différents référentiels et d’une pratique intel-ligente de la certification et de l’évaluation.

Les femmes et les hommes chargés de la formation chez AFNOR Compétences sont des professionnels reconnus. Ils pratiquent ce qu’ils enseignent. Ils ont la capacité à inculquer des réflexes et des méthodes immédiatement opérationnels à l’issue de la formation. Ils sont les garants de votre montée en compétences.

Cas concrets, mises en situation, jeux de rôle, serious game…, AFNOR Compétences réussit le pari d’offrir des formations parfaitement ajustées à vos attentes et aux défis de demain. Plus de 10 % de son chiffre d’affaires sont chaque année investis dans la recherche, le développement et la conception de nouvelles solutions pédagogiques.

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AFNOR Compétences vous fait bénéficier d’un savoir-faire toujours enrichi grâce aux activités nationales et internationales du Groupe AFNOR dans le domaine de la normalisation, de l’information professionnelle et de la certification.

Contact : 01 41 62 76 22 [email protected] – www.afnor.org/formation

Bibliographie

� Études

Camisón Zornoza (César), Penas (de las, Javier Pérez), « The future of the quality/excellence function : a vision from the Spanish firm », Quality control and applied statistics, vol. 56, n° 3, 2011, p. 197-200

Total Quality Management & Business Excellence, vol. 21, n° 5, mai-juin 2010, p. 649-671

Mispelblom Beyer (Frédérik), Au-delà de la qualité – Démarches qualité, conditions de travail et politiques du bonheur, coll. Alternatives économiques, 2e édition, Éditions Syros, 1999

� Ouvrages

Collins (Jim), De la Performance à l’Excellence – Devenir une entreprise leader, Éditions Pearson, 2009

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Villalonga (Christophe), Devenez Manager qualité 2.0 ! Penser autrement, se comporter différemment, agir durablement, et Un nouveau souffle pour la qualité – Optimisez votre système de management qualité, AFNOR Éditions, 2013

ISBN : 978-2-12-465453-6www.afnor.org/editions www.afnor.org/formation

Capital confianceet performance durable

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Une approche originale et « impertinente »

Après trois décennies de croissance et de développement de la fonction Qualité, soutenue par le succès planétaire des normes ISO 9000, il était nécessaire de prendre du recul et de s’interroger également sur certains signaux faibles qui peuvent relativiser l’influence prise par la fonction.

Confier à des chercheurs d’une des meilleures universités françaises, Paris-Dauphine, le soin de s’interroger sur la fonction Qualité des entreprises, puis livrer cette vision décapante à des directeurs Qualité en exercice… la promesse est intéressante et la méthode originale, à l’image de Parcours Croisés, premier réseau de décideurs QSE.

Cet ouvrage collectif propose de nombreuses pistes pour penser la fonction Qualité, son évolution, sa position nouvelle face aux enjeux des entreprises. Il offre aux décideurs Qualité les clés pour renouveler leur fonction, séduire les dirigeants, déployer des modes de fonctionnements ouverts et participatifs, accroître leur leadership comme garants d’une performance durable et sortir des sentiers battus de la seule conformité…

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Contact : [email protected]