© 1967, augé, gillon, hollier-larousse, 'moreau et c'e

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© 1967, Augé, Gillon, Hollier-Larousse, 'Moreau et C'e. — Librairie Larousse, Paris. Il est interdit d'exporter le présent ouvrage au Canada, sous peine des sanctions prévues par la loi et par nos contrats.

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Avant-propos Le DICTIONNAIRE DES MARINS CÉLÈBRES,

que la Librairie Larousse est heureuse de vous offrir,

est le premier volume d'une série d'ouvrages hors commerce édités spécialement

à l'intention de ses fidèles lecteurs et amis.

Ce premier volume sera, en effet, suivi de dictionnaires analogues

consacrés à des hommes ou à des femmes célèbres qui se sont illustrés en d'autres domaines :

artistes, savants, écrivains, etc.

Ainsi, vous pourrez vous constituer, année par année,

une collection originale d'ouvrages de bibliophilie

— de tirage limité et hors commerce — qui prendra place, dans votre bibliothèque,

à côté de vos compagnons de toujours : les dictionnaires et les encyclopédies Larousse.

« Homme libre, toujours tu chériras la mer... », amour dangereux, aux aventures souvent mortelles, mais aux fruits incomparables. C'est par le navire que l'Occidental a découvert le monde, c'est par lui souvent que les peuples les plus éloignés se sont connus, ont échangé pensées et marchandises. Instrument de paix, le navire fut aussi un moyen de guerre; on peut s'en affliger comme aussi relever dans ces combats d'admirables faits d'héroïsme...

Au fil des pages de ce dictionnaire, qui se lit comme un roman, vous découvrirez les « figures de proue » de toutes les époques et de tous les pays.

- vignettes de Moles _

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Un vaisseau de l'Inde islamique. Miniature tirettes Séances d'Hariri (école de Bagdad, XIIIe s.). Rien n'y manque : le « nid de pie » et son guetteur, les voiles et les filins, le pilote, l'ancre et le gouvernail, mais l'ensemble reste stylisé selon le gracieux irréalisme de l'art arabe. Bibliothèque

nationale. Phot. B. N.

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L'empereur Ouei Tsong, de la dynastie des Tsong, qui régnèrent en Chine de 960 à 1122, aimait passionnément les pierres percées à jour, telles qu'on les voit ici transportées sur des barques vers

le palais impérial. Bibliothèque nationale, Paris. Phot. Larousse.

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A

ALAMINOS (Antonio), navigateur espagnol, né à Palos. Il fut le compagnon de Colomb, participa à ses deuxième et quatrième voyages. Il fut envoyé par Cortès en Espagne (1511), pour annoncer que la conquête du Mexique était accomplie. Dans ce voyage, il tint avec son navire la route des Bahamas, profitant de courants alors peu connus, et qui n'étaient autres que ceux du Gulf Stream. AMUNDSEN (Roald), explorateur norvégien (Borge, Ostfold, 1872 - dans l'Arctique 1928). Fils d'un petit armateur, d'abord destiné à la médecine, il sent naître en lui la vocation polaire lorsque Nansen est accueilli dans le port d'Oslo par un concert d'ova- tions et de coups de sirène. Orphelin (1893), il aban- donne la médecine, s'embarque comme simple mate- lot à bord du phoquier Magdalena. En 1898, il est engagé par A. de Gerlache — ce spécialiste du magné- tisme terrestre — à bord du Belgica, comme officier en second. De 1898 à 1899, il fait son premier hivernage sur le Belgica, pris dans les glaces, en compagnie de simples marins, mais aussi de savants, comme A. de Gerlache et le Dr Cook, de New York. Pour sa distraction et l'alimentation de l'équipage, il exerce ses talents de chasseur de phoques, par 70° S. De retour à Oslo, il songe sérieusement à tenter lui aussi, après tant d'autres, le passage du Nord-Ouest, mais, pour se per- fectionner dans l'étude du magnétisme terrestre, il se rend à Hambourg et travaille six mois sous la direc- tion du professeur Neumeyer. En 1902, il achète, à Tromsoe, un vieux phoquier de 47 tonneaux, long de 20 m. Il lui adjoint un moteur auxiliaire de 13 ch, y accumule des vivres pour cinq ans, 10 t de pétrole, et le baptise G jfJa. Sur les quais d'Oslo, les badauds s'attroupent pour considérer cet homme entouré de chiens esquimaux qui aboient sur le pont. Dans la nuit du 16 au 17 juin, Amundsen appareille avec six hommes. Les quelques personnes qui lui font des signes d'adieu ne se doutent pas que le G Ma sera le premier navire à trouver et à franchir le fameux passage du Nord-Ouest. Voici quelques dates de ce voyage mémorable : 20 août 1903 : le GjfJa pénètre dans le détroit de Lancastre ; 22 août : il mouille à l'île Beechey, puis descend, au moteur, vers le sud, par les détroits de Peel et de Franklin; Du 9 septembre 1903 au 12 août 1905, le GMa mouille sur la côte sud de la terre du Roi-Guillaume. Pendant cette période, Amundsen fraie avec les Esquimaux, s'intéresse à leur technique, fait des raids en traîneau et atteint le pôle magnétique par 69° 34' N. et 94° 54' W. Parti le 12 août 1905 de « Port-Gj0a », le navire était le 17 août dans le détroit de Dease, ayant résolu le problème du passage, puisque, en 1851-1853, les eaux plus à l'ouest avaient été parcourues par Col- lington. Dans son ouvrage célèbre, le Passage du Nord-Ouest, Amundsen a retracé l'historique journée du 27 août : « Mon quart terminé, j'étais descendu me reposer. Depuis quelque temps je dormais profondément,

lorsque je fus réveillé par un bruit de pas précipités sur le pont. Des hommes courent à droite et à gauche. Evidemment, il se passe quelque chose d'anormal ; quelque ours ou quelque phoque est sans doute en vue, et je maugrée contre les perturbateurs de mon sommeil, quand le lieutenant Hansen arrive comme une bombe dans ma cabine en criant : « Capitaine, une voile en vue ! » Amundsen ne doute plus maintenant que le passage, recherché depuis des siècles au prix de tant de vies, il l'a trouvé... Assis sur son lit, il tourne les yeux vers le portrait de Nansen et a l'impression qu'il lui sourit... Amundsen monte sur le pont. L'air est presque tiède. Il fait beau. Une voile, en effet, s'approche, gonflée, poussée. par le souffle du Pacifique. C'est un Améri- cain, et qui n'est pas venu dans ces parages pour accomplir une prouesse, mais tout simplement à la recherche de baleines, dont la pêche avait été rendue très difficile par l'état des glaces. Douze de ses pareils étaient bloqués au cap Herschel, et le GjfJa dut hiver- ner une troisième fois. Amundsen n'avait pas vu trop grand en emportant pour cinq ans de vivres. Le 13 juillet 1906, le GjfJa, très éprouvé par la tem- pête et ayant perdu son hélice, doublait Point Barrow, Point Hope, puis le cap du Prince-de-Galles ; le 30 août, il faisait son entrée dans la rade de Nome, la ville la plus septentrionale de l'Alaska, au seuil du détroit de Béring. Amundsen, revenu en Norvège, songeait à la conquête du pôle Nord, jusqu'alors inviolé. Il la ferait à bord du Fram, que Nansen lui avait confié. Mais, en 1909, deux nouvelles parvinrent presque simultanément à Oslo : Shackleton avait échoué dans sa tentative d'atteindre le pôle Sud ; Peary, en revanche, avait planté sur le pôle Nord le drapeau américain. C'est donc vers l'Antarctique que l'esprit d'Amundsen se tourna, et c'est là qu'entre lui et l'An- glais Scott allait se livrer une compétition retentis- sante et tragique. (Voir Dictionnaire des explorations, par Jean Riverain, Larousse, éditeur.)

Roald Amundsen, par Mme Astri Welhaven, en 1929. Phot. Van Rhijn- Roger-Viollet.

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Lorsqu'il partit d'Akershus à bord du Fram, Amundsen n'avait parlé à personne de son projet, pas même au capitaine du navire, pas même à Nan- sen, son propriétaire. Il craignait, en effet, que celui-ci ne ressentît des scrupules à imiter Scott dans son entreprise. Le 6 septembre, le Fram — aussi mau- vais marcheur dans l'Atlantique qu'il s'était montré intrépide dans les glaces — jetait l'ancre à Madère, en rade de Funchal, et aussitôt la presse locale annonça qu'Amundsen allait marcher à la conquête du pôle Sud. Il n'était pas besoin d'être devin pour l'annoncer. Un regard jeté vers le Fram à l'ancre suffisait pour comprendre que le bateau de Nansen n'allait pas s'amuser le long des côtes équatoriales. Il y avait à son bord une véritable maison en pièces détachées, mais surtout une centaine de chiens à longs poils et à courtes oreilles, dont les aboiements s'en- tendaient à travers la coque, et, outre un équipage d'hommes blonds et dont la peau blanche craignait le soleil, des spécialistes de l'expédition polaire, comme Presterud, Stubberud et Johansen. Le 9 septembre, toujours en rade de Funchal, Amundsen rassembla tout son monde, déploya une carte de l'hémisphère Sud et révéla son projet. De même que les journalistes de Madère, l'équipage entier du Fram et Nilsen, le commandant, avaient déjà sondé les intentions de leur chef, et lorsque Amundsen dit que tous ceux qui désiraient retourner en Norvège le pouvaient, s'ils le voulaient, qu'il en était encore temps, il n'y eut, bien entendu, aucune défection. Le même jour, Amundsen envoyait à Mel- bourne, où Scott, en route vers l'Antarctique, devait faire relâche, le télégramme ainsi conçu : « l'm going South. » (Je vais au sud.)

Le 13 janvier, le Fram pénètre dans la baie des Baleines et cherche le meilleur point de débarque- ment. Le 16 janvier, il le trouve, et le nomme « Framheim ». Nous ne suivrons pas Amundsen dans sa conquête du pôle Sud, ni dans ses expéditions vers le pôle Nord, qu'il fera en avion et en dirigeable. Ce sont ses exploits de marin que nous avons voulu retracer, et de marin plus ami des glaces que de la mer libre. A relire le Passage du Nord-Ouest, nous sommes frappés par le goût que l'auteur paraît éprouver pour le froid et la rigueur des paysages polaires, la lutte contre le pack. C'est ainsi que, le 25 juin 1903, ayant débouché dans l'Atlantique et s'avançant à pleines voiles, entre le ciel et l'eau, il écrit : « Cette mer est un morne désert. Pas un navire, pas un oiseau, pas même un pois- son!... » Mais voici que «deux petites traînées blanches sont en vue, puis, quelques heures plus tard, une épaisse et vaste banquise », estompée par la brume, la « compagne habituelle des glaces ». Finie la monotonie des navigations sans histoire... Il va falloir de nouveau compter avec l'obstacle, louvoyer, biaiser, jouer avec lui, exercices dans lesquels le Fram, si mauvais marcheur en pleine mer, excelle. ANGO (Jean), armateur dieppois (Dieppe 1480 - id. 1551). Il appartenait à une famille d'armateurs qui, dès l'époque des grandes découvertes, envoya ses vaisseaux sur toutes les mers. C'est vers la fin du règne de Louis XII, son père étant mort, qu'il s'associa à d'autres armateurs de Dieppe, de Honfleur, de Rouen, et réalisa ainsi l'une des plus puissantes entreprises de commerce maritime sur les côtes d'Afrique et jusqu'en Extrême-Orient. Louis XII, puis François Ier soutinrent ses efforts, où

Le Fram a conduit Amundsen, ses compagnons, ses chiens, jusqu'au continent antarctique, et c'est la longue marche, bientôt victorieuse, vers le pôle Sud. Phot. Coll. Paul-Emile Victor.

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ils voyaient à juste titre une réplique aux prétentions portugaises sur les mers du globe. Ango possédait à Dieppe une maison merveilleuse, tout en bois sculpté, et à laquelle il avait donné le nom d'un de ses navires : la Pensée. Des balcons aux piliers et balustrades à l'italienne on découvrait la rade de Dieppe, tout encombrée de navires et, sur l'autre façade, la vallée de l'Arques. A cette maison de la ville répondait, tout aussi somptueuse, mais de pierre celle-là, la maison des champs, à une lieue de Dieppe, au village de Varen- geville. On la visite encore aujourd'hui, car elle est demeurée intacte et l'on y peut imaginer sans peine Jean Ango, penché sur des planisphères, en compa- gnie de nobles personnages de la province, de cosmo- graphes, de navigateurs, d'astronomes, d'écrivains : véritable petite cour comme celle qu'Henri le Navi- gateur avait réunie à Sagres, ce point vital des explo- rations portugaises. Grâce à Pierre Crignon, marin et homme de fine culture, qui emporta quelques prix de poésie, nous connaissons par le détail au moins l'un des voyages entrepris par Jean Ango, celui de la Pensée. Cédant aux instances de Crignon, l'armateur se décida à envoyer l'un de ses plus beaux navires jusqu'à Suma- tra, en plein fief portugais. « Quoique les Portugais, écrivait-il, entre autres arguments, soient le peuple le plus petit de tout le globe, celui-ci ne leur semble pas assez grand pour satisfaire leur cupidité. Certai- nement, s'il était en leur pouvoir de fermer les mers depuis le cap Finisterre jusqu'en Irlande, il y a long- temps qu'ils l'auraient fait. Cependant, les Portugais n'ont pas plus le droit d'empêcher les commerçants français d'aborder aux terres que les premiers se sont arrogées, dans lesquelles ils n'ont fait aucun bien et où ils ne sont ni aimés ni obéis, que nous n'aurions le droit de les empêcher de passer en Ecosse, dans le Danemark et en Norvège, en admettant que nous y eussions abordé les premiers... » Ango était d'ailleurs facile à convaincre lorsqu'il s'agissait d'agir contre les Portugais. Il est possible — on n'en est pas certain — que des lettres de marque données par François 1er l'aient autorisé à entrer avec ses navires en guerre dans le port de Lisbonne, où il aurait exercé des représailles, à coups de canon, contre ceux qui avaient si maltraité les Français sur les côtes d'Amérique. Pierre Crignon, « astronome » de l'expédition, a rap- porté les aventures de la Pensée jusqu'à Sumatra, sous le titre de Discours de la navigation de Jean et Raoul Parmentier. Les deux frères étaient, en effet, les pilotes et responsables de la Pensée et du Sacre, sa conserve. On trouvera à l'article Parmentier un portrait des deux personnages et spécialement de Jean, qui fut à la fois marin et poète, cartographe et hellé- nisant, l'un et l'autre morts tristement loin de leur patrie. On a conservé la teneur du contrat établissant « accord parfait avec noble homme Jean Ango, gren- tier et vicomste de Dieppe, et ses parsonniers (son « personnel », dirait-on aujourd'hui) de mener et conduire à l'aide de Dieu, par la cognoissance des latitudes et l'élévation du soleil et autres corps

Le manoir d'Ango, à Varengeville. A quelques lieues de Dieppe, en pleine Normandie, c'est comme une évocation de Florence. Le temps a respecté les bâtiments aux mosaïques de grès et de silex, et cet extraordinaire pigeonnier, d'un style sans pareil en France. Archives phot.

célestes, deux navires, dont le plus grand est nommé la Pensée, du port de deux cents tonneaux, et le moindre, le Sacre, du port de six vingts, bien équipés et garnis de toutes choses requises nécessaires pour faire ledit voyage... ». Les deux navires appareillèrent le 28 avril 1529, jour de Pâques. La navigation fut sans histoire jusqu'à la hauteur du cap de Bonne-Espérance, où les assaillit une tempête. Cela ne surprit ni Crignon ni les frères Parmentier. Dans la bibliothèque du bord, bien four- nie, figurait la Cosmographie d'André Thevet, qui met en garde les marins, généralement venus sans encombre d'Europe, contre les coups de vent de ces parages, et les autres obstacles qu'on trouvera sur sa route jusqu'aux Moluques, « pour ce que la mer y est toute couverte d'une infinité de petites isles, rochers et batues... ». Mais le principal ennemi des navires, pour Thevet, dès qu'on a doublé le Cap, est dans le climat, changeant et rude, avec des alter- nances redoutables de froid et de chaud, sans compter la menace du scorbut. La Pensée et le Sacre firent escale à Madagascar, sur la côte occidentale, en une baie qui paraissait accueil- lante. Là, les malades — ils étaient nombreux, presque tous atteints de maux de gorge et des bronches — furent soignés, à l'ombre des tentes qu'on avait tendues sur le pont. Mais quelques membres de l'équipage, qui étaient descendus à terre et s'étaient enfoncés, par curiosité, dans l'intérieur de l'île, furent pris à partie par des naturels, et quelques-uns massacrés. On quitta ces rivages inhospitaliers. Dans son Dis- cours, Crignon rapporte les noms dont Jean Par- mentier baptisait certains îlots sans nom : îles de la Crainte, de l'Enchaînée, de l'Utile, de l'Andouille...

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A l'île Phowa-Moloku — que le Discours rattache indûment aux Moluques — un brahmane montra aux navigateurs en quelles aires de vent gisaient la Perse, Ormuz, Calicut, Ceylan, Malacca. Ce « Grand archi- prestre avait ung temple ou mosquée, de façon assez antique et magistralement composé de pierre, en espé- cial une closture de hucherie, de moulures d'antiques, les meilleures que je vis jamais, avec balustres migno- nement tournés, sy que le menuisier de notre nef s'ébahissait de voir si bel ouvrage... ». Le 31 octobre 1529, les deux vaisseaux arrivèrent à Sumatra, au terme de leur voyage. Le lieutenant du port de Ticou, qui se trouvait assis sous une sorte de guérite, les jambes croisées, « comme un couturier », leur demanda s'ils étaient gens de guerre. (L'inter- prète était Jean Masson, qui savait le malais.) « Non, répondit Jean Parmentier, nous venons échanger contre votre poivre les bonnes marchandises de notre pays... » Et Crignon marque sa surprise de ne trouver, en ces îles où l'or abonde — un or qui obsède, depuis Magellan, l'âpre Europe —, qu'une population sque- lettique, presque nue. « On ne vit point de vie plus austère que celle des Ticouniens. » Ils couchent à la belle étoile et se contentent pour tout repas d'« un petit peu de riz à demi cuit, et, aucune fois, d'un petit poisson menu comme le doigt ». Et, avec cela, « fins et astucieux, grands flatteurs, grands menteurs, en marchandise plus barguigneux qu'Ecossais ». Le trafic fut, en effet, difficile avec ces hommes de mauvaise foi, qui se saisissaient avidement des bonnes marchandises d'Europe, mais tardaient à livrer leur poivre et leur poudre d'or. Ces hommes, qui avaient fort souvent souffert eux-mêmes des Portugais, aux- quels leur roi vouait une solide haine, se vengeaient sur ces autres chrétiens.

Jean Parmentier et son frère Raoul moururent l'un après l'autre, ce qui persuada Crignon et ses compa- gnons de retourner à Dieppe. L'expédition avait été coûteuse et sans profit. Mais surtout l'on s'en revenait sans les frères Parmentier, qui, si Dieu l'avait permis, eussent écrit la relation du voyage, d'une plume élé- gante et fine. Crignon s'en chargea à leur place. Son manuscrit, conservé à Dieppe, fut recopié et un peu « amendé » par Guillaume Lefèvre, un Dieppois, quarante-cinq ans après l'expédition, en 1575, et cela à l'intention du grand amiral de France, Philippe de Chabot. Il dit, dans sa préface, qu'il compara la relation de Crignon aux souvenirs d'un vieux marin, âgé de quatre-vingts ans, et qui avait été du voyage. Ce vétéran, nommé Jean Plastrier, affirma que tout, dans le Discours, était vrai. ANSON (George), amiral anglais (Shugborough, Staffordshire, 1697 - Moor Park, Hertfordshire, 1762). Il reçut, en 1740, le commandement d'une flotte de guerre avec mission de frapper l'Espagne dans ses colonies d'Amérique. Le Centurion doubla le cap Horn en tête d'une esca- drille fortement armée. C'était la première fois que des bateaux de ligne adoptaient cet itinéraire de préfé- rence au détroit de Magellan, et Anson dissuade les navigateurs de l'imiter, du moins au mois de mars, où les coups de vent atteignent leur paroxysme de violence. Sa peinture du sinistre « passage de Lemaire » s'ajoute à ses conseils comme un argu- ment : « On ne peut rien imaginer de plus sauvage. On n'y voyait que des rochers bouleversés comme par un cataclysme, dressant en l'air des pointes aiguës, sans la moindre trace de végétation. » Une tempête, qui éclata le 23 mars 1741, dura trois mois, pendant lesquels le Centurion, qui avait perdu de vue les autres

Le cap Horn, par beau temps. « On ne peut rien imaginer de plus sauvage. On n 'y voyait que des rochers bouleversés comme par un cataclysme, dressant en l'air des pointes aiguës, sans la moindre trace de végétation » (George Anson). Cette photographie a été prise par Aubert de La Rüe, visiteur assidu des mers de l'Antarctique, auteur de remarquables ouvrages sur les îles Kerguelen.

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navires, fut déporté loin vers le sud, frôla des ban- quises et ne parvint à l'île Juan-Fernandez, ce havre de repos, que démâté, avec la moitié seulement de son équipage et présentant des flancs percés de trous. La corvette le Tryal, puis le vaisseau Gloucester et l'une des flûtes d'approvisionnement arrivèrent au rendez-vous. Tandis qu'on réparait les avaries, une autre voile parut, qui était la bienvenue, celle d'un navire espagnol chargé de ce qui manquait le plus : du gros drap bleu et du sucre. On se vêtit et l'on sucra son thé. L'équipage put se préparer dans l'eu- phorie aux opérations de piraterie que l'amiral Anson avait conçues, penché sur les cartes qui encombraient sa cabine. Car c'était bien en pirates que les Anglais s attaquaient maintenant aux Espagnols d'Amérique. Et rien de plus efficace que cette sorte de guerre lors- qu'elle est menée par des têtes froides d'Anglais et par la première marine du monde. A cet égard, le sac de Paita, sur la côte du Pérou, déjà souvent visitée par les flibustiers, est un sac exemplaire : navires méthodiquement incendiés dans la rade, le gouver- neur surpris dans son lit et « neutralisé », la caisse du gouvernement saisie et acheminée sur le Centurion, tandis qu une centaine d'hommes armés se postent aux coins des rues, tirant sur toute personne qui ose- rait sortir de chez elle, demande d'une rançon, occu- pation de la citadelle, visite systématique des maisons de belle apparence. Avant que l'escadre de l'almirante Pizarre, lancée dans le sillage des Anglais, fût arrivée, Anson levait l ancre avec un butin valant environ 50 000 dollars. Autre bonne prise, et tout à fait dans la tradition de la flibuste, celle du galion d'Acapulco, qui amenait à Séville un peu de l'or du Mexique. Ainsi, en plein siècle des lumières, le convoi chargé d'or, mais aussi d'esclaves et d'animaux exotiques, fut incendié par les flèches enflammées des Anglais de Anson, puis envahi, pillé et enfin abandonné à sa misère et à sa honte. Deux millions de dollars ! On comprend que le retour de Anson à Londres ait été un triomphe à la manière antique : l'amiral chevauchant, au son des fifres et des tambours, à la tête de trente-deux voi- tures chargées des dépouilles des Espagnols '

B

BAFFIN (William), navigateur et explorateur anglais (Londres 1584-Ormuz 1622). En 1612, il fit partie de l expédition arctique dans laquelle James Hall fut tué par des Esquimaux et, à son retour, il écrivit la relation de ce voyage. On trouve dans ce mémoire la première méthode vraiment scientifique pour déterminer la longitude en mer au moyen des astres. En 1615, il fut adjoint à Robert Bylot pour recher- cher le passage du Nord-Ouest. Cette recherche fut d abord menée au nord de l'île Southampton, mais sans succès. Au cours d'un autre voyage avec Bylot, Baffin découvrit plusieurs détroits, encombrés par les glaces, et qui permettront précisément aux explo- rateurs du XIX. siècle d'entrer dans l'océan Arctique et de constater sa communication avec le Pacifique. Baffin a publié une relation de ce voyage. On a égale- ment de lui une lettre où il soutient qu'au nord du détroit de Davis on trouverait le passage du Nord- Ouest. Il devait plus tard revenir sur cette assertion, cependant exacte. On a donné le nom de Baffin à cette mer secondaire, dépendant de l océan Atlantique, comprise entre le Groenland et l'archipel polaire, donnant accès aux détroits de Smith et de Kennedy, qui conduisent au bassin polaire arctique. Elle est d'une navigation diffi- cile, couverte de brumes pendant une grande partie de l'année, et charrie d'énormes glaces flottantes. Elle n'est guère visitée que par les baleiniers. baleinier, bâtiment employé pour la chasse de la baleine. Dans l'ancienne marine, le baleinier était un bâtiment de commerce de fortes dimensions - généralement un trois-mâts —, portant à son bord quatre ou six embarcations, appelées pirogues ou baleinières, mues à la rame, parfois munies de voiles, et qui servaient à rejoindre la baleine, à la harpon- ner, à la tuer, à l'amener jusqu'au baleinier. Les Basques furent les premiers Européens à s'être servi du harpon — cette arme se retrouve dans de nombreuses armoiries des villes basques, françaises et espagnoles et à avoir fait de la chasse des cétacés une véritable industrie. Bientôt, les baleines, qui abondaient encore au XIV. siècle aux abords des côtes de l 'Atlantique, se réfugièrent vers d'autres latitudes, et c'est ainsi que les Basques, imi- tés par les Bretons, les Normands, les Flamands, les Anglais, se rencontraient dans les parages de Terre- Neuve. Un document, daté de 1578, précise que 300 baleiniers se retrouvaient chaque année dans les diverses anses de l'archipel. Il fallut aller plus loin encore, plus au nord, et tandis que Terre- Neuve allait se spécialiser dans la pêche de la morue, la chasse de la baleine trouvait son terrain d'élection au Spitzberg, après sa découverte par Barents, et tout le long des côtes de la Nouvelle- Zemble, cette presqu'île qui, barrant la route aux

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En février 1598, un cachalot échoué sur une plage de Hollande. Phot. Larousse.

baleines venues de la mer de Norvège, les faisait se multiplier sur ses bords, « telles carpes dans un vivier ». Comme Terre-Neuve, le Spitzberg eut ses colonies de nationalités diverses, qui se livraient une guerre continuelle. Avant que les Danois éta- blissent leur suprématie sur l'archipel, les Hollan- dais, jusqu'à la moitié du XVIIIe siècle, y seront les plus nombreux et les plus envahissants, avec leurs 400 navires annuels et leurs 20 000 hommes d'équi- page. Les grand conflits du xixe siècle (guerre de l'Indé- pendance américaine, puis guerres du Consulat, de l'Empire) portèrent aux baleiniers européens un coup mortel. Mais les colons britanniques de la Nouvelle-Angleterre, bientôt citoyens de la libre Amérique, prirent la relève et, par eux, la chasse des cétacés connut ses plus belles années. Dès 1690, un habitant de Nantucket — port du Massachusetts —, voyant défiler à l'horizon toute une procession de baleines empanachées d'écume, aurait ameuté les autres colons de la ville et les aurait persuadés d'abandonner leurs travaux de laboureurs et d'artisans pour la seule industrie qui en valût la peine ; il aurait conclu par ces mots, inspirés de l'Ancien Testament : « Nos gras pâtu- rages (et il désignait les baleines innombrables), les voilà! » Aussitôt, les colons de Nantucket, bientôt imités par ceux d'autres ports de la côte, se seraient mis à armer des baleiniers solides, et, sous la conduite de certains « nez bleus » (habitants de la Nouvelle-Ecosse, au Canada), déjà familiarisés avec cette chasse redoutable, auraient commencé à pour- chasser baleines et cachalots. Il s'agissait de « ba- leines franches », les plus belles de l'espèce, attei- gnant 20 m de long et donnant chacune une tonne et demie de fanons ! Quant au cachalot, c'était le gibier des mers le plus tentant, par l'ambre gris recelé dans ses intestins et qu'on vendait très cher aux négociants européens, mais la chasse en était dangereuse! Plusieurs baleiniers, disait-on, n'avaient

pas résisté aux véritables coups de bélier portés par ce monstre. Il se passa sur les côtes d'Amérique ce qu'on avait vu en Europe. Les baleines allèrent se réfugier loin de leurs persécuteurs, vers d'autres latitudes. Les colons durent les relancer dans la baie du Saint- Laurent, puis à Terre-Neuve ou au Groenland, dans les parages des Açores, sur les côtes du Brésil et de la Patagonie, mais surtout dans les régions australes du Pacifique, du Pérou à la Nouvelle-Calédonie. C'est dans ces dernières régions que l'on trouve, au XIX. siècle, le plus grand nombre de baleiniers, la plupart américains. Notre grand initiateur à cette chasse dangereuse, virile et poétique entre toutes, c'est Melville, l'au- teur de Moby Dick. Ce roman est l'Odyssée des baleiniers. Comme dans l'Odyssée, le mythe y fait bon ménage avec la réalité, parfois la plus pro- saïque. Moby Dick, cette baleine blanche hérissée des lances qui ne l'ont pas tuée, terreur des marins, c'est le dernier monstre né de la grande légende des mers, et qui prend la suite du Rakkh des Mille et Une Nuits. Henri Melville, à l'âge de vingt et un ans, a passé dix-huit mois à bord d'un baleinier, l'Acushnet, du port de New Bedford. Comme simple matelot, il a accompli une campagne dans le Pacifique Sud, aux environs des îles Marquises. Dans Moby Dick, il dit suffisamment pour que nous puissions nous faire une idée exacte de la technique de la chasse de la baleine telle qu'on la pratiqua jusqu'à la fin du XIX. siècle, quand le canon-harpon succéda au harpon à bras, quand le vieux baleinier fit place à l'usine que l'on voit aujourd'hui errer sur les mers de moins en moins giboyeuses. De son nid-de-pie, le guetteur balayait constam- ment de son œil la surface de la mer — aujour- d'hui, c'est l'affaire du radar —, et quand lui appa- raissait une grosse masse noirâtre, généralement dominée par un geyser caractéristique, il criait le

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signal « There she blows! » (elle souffle!). Alors, on mettait le cap sur la bête, qui, le plus souvent, se laissait flotter sur place comme une bouée; à un mille environ de distance, on mettait en panne, on lâchait les baleinières. Cinq rameurs souquaient sur chacune d'elles. A l'avant, le harponneur; à l'arrière, le patron, qui tenait le gouvernail et diri- geait la « nage ». Et c'était lui, le patron, qui jetait l'ordre « Gives it to him ! » (« Règle-lui son compte ! »), quand on s'était approché assez près de la bête pour que le harpon puisse, lancé d'un grand geste du bras, pénétrer assez profondément dans sa graisse molle. Il arrivait que la baleine, sous le coup de la surprise, ne bougeât pas, ce qui permettait de lui lancer un second harpon. Alors, elle réagissait, avec plus ou moins de violence, s'éloignant, s'enfon- çant — d'ailleurs à de faibles profondeurs, puisqu'il lui faut remonter souvent à la surface pour respi- rer —, dévidant le filin attaché à la baleinière; et commençait la navigation parfois vertigineuse de la baleinière, attachée à sa victime, jusqu'au moment où la baleine remontait, exténuée, folle de souffrance et de peur. On tirait alors sur le filin, on accostait cette île de graisse noire et luisante, presque immobile, on cherchait les points sensibles. « Gives it to him ! » criait une seconde fois le patron. Alors, de toutes les baleinières qui entouraient la baleine à la tou-

Scène du film de John Huston Moby Dick, d'après le roman de Melville. Le capitaine Achab sur le dos de la baleine blanche Moby Dick, son ennemie mortelle, hérissée d'anciens harpons. Et ce sera non elle, mais Achab qui succombera, l'incarnation du Bien en lutte contre les puis-

sances maudites. Phot. U. S. 1. S.

cher, on jetait les lances, ou on en portait un grand coup, on les enfonçait à coups de poing à travers la peau dure. L'une de ces pointes aiguës pénétrait dans les poumons, une autre dans le cœur. La bête râlait. Un grand jet d'eau montait de sa bouche immergée, puis c'était un flot de sang, qui rougissait la mer, aspergeait les chasseurs. La baleine « fleurissait », selon le langage du métier. Vite, on lui attachait la queue, pour la haler ensuite jusqu'à bord du baleinier. On la dépeçait aussitôt, et toute la nuit on pouvait voir briller sur la mer les feux de ces gros fourneaux où la chair plantureuse rend sa graisse et son huile. Aujourd'hui, la chasse de la baleine se fait au moyen d'une « unité de pêche », qui comprend un navire- usine, une dizaine de chasseurs et un pétrolier. Le radar a supplanté le guetteur, le canon-harpon le harpon qu'on lançait à bras d'homme; avant de remorquer la baleine jusqu'à bord, on la gonfle d'air, afin d'être plus sûr qu'elle ne coulera pas, ce qui arrivait parfois, naguère, à la grande déception des pêcheurs. Ouverte du 15 décembre au 1er avril, la chasse peut se pratiquer seulement — selon les conventions internationales du 2 décembre 1946 — dans les mers australes, au sud du 40e degré de lati- tude, entre la Patagonie et la Nouvelle-Zélande, ainsi qu'au nord du Pacifique, entre le Japon et la Cali- fornie, jusqu'au détroit de Béring. BARBEROUSSE (les frères), nom donné par les historiens d'Occident aux deux frères pirates turcs fondateurs de l'Etat d'Alger, au xvie siècle, habiles et redoutables hommes de mer. L'un se nommait 'Arudj et l'autre Khayr al-Din. Ils naquirent probablement en Grèce, fils d'un potier que les musulmans regardent comme un des leurs et les chrétiens de même. 'Arudj, vers sa vingtième année — imité par son frère —, préféra le métier de pirate à celui de potier et s'embarqua sur une galère de Barbaresques. Bientôt, il se distingua de ses compa- gnons par sa hardiesse comme par sa cruauté et devint le commandant de deux galiotes, portant chacune quarante rameurs. Ces navires effilés, mus à la fois par les voiles et les bras des rameurs, dépassaient en vitesse tout vaisseau chrétien, et ne redoutaient que les galères vénitiennes. Devenu l'ami du pacha de Tunis (1505), 'Arudj fut autorisé à déposer ses butins dans l'île de Djerba, puis à La Goulette. C'est de La Goulette qu'il alla ravager les côtes de la Calabre et de la Sicile. Très vite, son nom se répandit à travers toute la Méditerranée, dont il devint pour les uns la terreur, et pour d'autres (ceux qui, par exemple, gémissaient sous le joug espa- gnol) une espérance de libération. Placé à la tête de plusieurs centaines de pirates, parmi lesquels on comptait un grand nombre de chrétiens renégats, 'Arudj conçut le projet de se créer un véri- table royaume. Ce fut dans ce dessein qu'il offrit son alliance à plusieurs petits princes algériens en butte aux excès des Espagnols, qui occupaient alors Bougie et plusieurs îlots proches du littoral. Ayant, par deux fois, vainement tenté de s'emparer de Bougie, défendue par l'amiral génois Doria, qui

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Khayr al-Din, dit Barberousse. Son nom devient, pour tous les peuples de la Méditerranée, syno- nyme de « calamité ». Gravure du XVIe siècle.

Phot. Larousse.

Les galères de Barberousse. Miniature de Mohammed Racim. Phot. Giraudon.

s'était mis au service de Charles Quint, et après avoir vu sa flotte brûler dans le port de La Goulette, il jeta son dévolu sur Djidjelli, l'ancienne Igilgilis des Romains, ville maritime de la Kabylie. Secondé par son frère, il fait de Djidjelli son point de départ pour ses expéditions de piraterie, mais aussi pour des incur- sions dans l'intérieur du pays. Il ne se montre cruel qu'envers les chrétiens, mais apparaît à l'égard des populations musulmanes généreux, magnanime, défen- dant les petits contre le despotisme des propriétaires, libérant les esclaves. Sélim ben Toumi, pacha d'Alger, désespérant de pou- voir, par ses seules forces, chasser les Espagnols du Penon, îlot situé devant Alger, et qu'ils avaient trans- formé en forteresse, s'adresse aux frères Barberousse. 'Arudj, sans se faire prier, prend le chemin d'Alger avec une armée de Kabyles, et se porte même au-delà de la ville, jusqu'à Cherchell, où il abat un autre cor- saire devenu son rival : Kara Hassen. Entré à Alger, il trouve déjà la rade remplie de ses navires, amenés par son frère Khayr al-Din, et s'étonne qu'une cen- taine de coups de canon ne suffisent à chasser les Espagnols du Penon. Maître d'Alger, Barberousse fait assassiner le pacha alors qu'il prenait un bain, et se fait proclamer son successeur. Nous passons ici sur les épisodes qui précèdent la mort violente de l'usurpateur. C'est maintenant Khayr al-Din, jusqu'alors dans la pénombre, qui entre en scène. Présent à Alger alors que son frère trouvait la mort au rio Salado (Maroc), il lui succède. Crai- gnant une attaque en force des chrétiens, il s'adresse au sultan de Constantinople, lui demandant sa pro- tection, en échange d'un tribut. Sélim Ier lui envoie 2 000 hommes. Assuré de pouvoir résister à une attaque espagnole, Khayr peut écumer les mers tout à son aise. Plus encore que son frère il est homme de mer. Il s'était constitué une flotte extrêmement puis- sante, d'environ 100 galères, portant 4 000 hommes, qui, de rameurs et gabiers qu'ils étaient, se changent, incontinent, en soldats, pillards et incendiaires. Tout comme le premier, ce second Barberousse, à la barbe courte et aux yeux toujours furibonds, devint syno- nyme de calamité. On citait de lui toutes sortes de for- faits atroces. Il semble cependant qu'il ait respecté les femmes et les enfants, les femmes surtout, pour lesquelles il avait un grand faible. Son harem d'Alger était l'un des mieux fournis de tout l'Islam. On y trouvait un bouquet de tous les peuples riverains de la Méditerranée, musulmans ou non. On raconte qu'en 1537 Barberousse se porta sur l'île de Corfou. Averti de son approche, le gouverneur de l'île fit brûler tous les villages après avoir réuni les enfants et les femmes, afin que l'envahisseur, ayant débarqué, ne trouve plus que ruine et désert. Il pleu- vait. Cette malheureuse population cheminait à l'inté- rieur de l'île, cherchant à se dissimuler et à s'abriter dans quelques grottes, lorsqu'elle se trouva soudain face à face avec Barberousse et un millier de Maures. On s'attendait à un massacre, mais Barberousse dit, en turc, ces paroles, qui, traduites, rassurèrent les malheureux : « Le Prophète nous ordonne d'avoir pitié des affligés. Voilà une bonne occasion d'observer ce précepte... » S'avançant vers un groupe de femmes,

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il ajouta : « Femmes infortunées, calmez vos craintes. Vous trouverez en nous autant d'humanité que vous avez trouvé de cruauté en vos compatriotes... » Et il les fit mettre à l'abri, leur distribua des litières et des vivres. Ayant été demander à Soliman, sultan de Constanti- nople, un renfort d'hommes et de navires, il est fait grand amiral et le cours de sa carrière change aussi- tôt. Il n'est plus aventurier, mais marin au service de l'empire turc et des nations amies de la Turquie, dont la seule en Europe était la France. François Ier n'avait pas reculé, en effet, devant cette alliance scan- daleuse aux yeux de la chrétienté. « Le roi, lit-on dans Michelet, avait fait la démarche cruelle et désespérée d'appeler en Corse, en Sicile, en Italie (autant de pays soumis à l'empire de Charles Quint) non pas Soliman, mais le pirate Barberousse, bey d'Alger [...]. Tout l'aspect des côtes changea [...]. Jusque dans l'intérieur des terres, l'homme en s'éveillant le matin voyait le turban, les armes, les visages d'Afrique. En un moment, s'il n'était pas perdu, il avait perdu sa famille ; sa femme, sa fille, ses enfants étaient enlevés dans les barques en poussant d'horribles cris [...]. La fille d'un gouverneur espagnol fut ravie ainsi. La Giulia, sœur de la divine Jeanne d'Aragon, qui est au Louvre, beauté célèbre jusque dans l'Orient, faillit être enlevée ; elle ne se sauva qu'en chemise : elle sauta sur un cheval qu'un cavalier lui céda. On pré- tend qu'en reconnaissance elle le fit assassiner pour qu'il ne pût se vanter du bonheur de l'avoir vue. » Barberousse est alors au pinacle de sa fortune. Il a battu les Vénitiens devant Castia, dans la province d'Otrante, et, l'année suivante, près de Préveza, il fait s'enfuir la flotte de Doria, au service de Charles Quint (1539). Ce qu'il gagne sur mer, Barberousse cependant le perd sur terre. En 1535, l'armée impé- riale, composée d'Espagnols, d'Allemands, d'Italiens, défait l'armée africaine que Soliman avait laissée à ses propres forces, prend La Goulette et Tunis. « Vingt mille chrétiens délivrés portèrent leur recon- naissance dans toute l'Europe et la gloire de Charles Quint. » Spectacle étonnant que la côte de Provence hantée de galères barbaresques ; Toulon et Villefranche se peuplent de turbans. Le gros de la population s'est retiré, terrorisé en dépit des assurances officielles. Certains, qui sont demeurés — mais nulle femme, sauf les vieilles —, fraternisent avec ces hommes farouches, mais de mœurs souvent raffinées et exem- plaires dans leurs pratiques religieuses. Ce fut à Tou- lon que Barberousse demeura jusqu'à la conclusion de la paix entre François Ier et Charles Quint (1544). Lorsque François Ier se fut rapproché de Charles Quint (conférences d'Aigues-Mortes), il s'en revint à Constantinople, non sans terrifier et piller l'île d'Elbe, les Etats de Sienne, les îles d'Ischia, de Procida, de Lipari. Sur les bords du Bosphore, Khayr al-Din goûta une retraite honorée. Il mourut à l'âge de soixante-six ans.

BARENTS (Guillaume), navigateur et explora- teur hollandais (v. le milieu du xvie s., dans l'île Ter- schelling - Nouvelle-Zemble 1597). Guillaume Ba- rents est demeuré célèbre par ses recherches répétées du passage du Nord-Est et par sa mort en Nouvelle- Zemble, après des mois de souffrances et d'efforts héroïques. Il est, par le sacrifice de sa vie, le plus ancien martyr de l'exploration polaire. Le premier voyage de Barents se rattache à l'expé- dition de Van Linschoten, ordonnée par les états généraux de Hollande. Il s'agissait de « naviguer dans les mers du Nord, de découvrir les royaumes de Chine et de Cathay au nord de la Norvège et de la Moscovie, du côté de la Tartarie ». Le vague de telles missions exprime l'ignorance géographique où l'on était alors de ces régions septentrionales. Lors de cette expédition, Barents put apercevoir l'île qui serait un jour son tombeau, sinistre langue de terre qu'un mince détroit sépare du continent, principal obstacle opposé aux navires voguant au large des côtes russes. Autre obstacle : les Russes eux-mêmes, qui n'aimaient pas voir passer dans ces parages des vaisseaux étrangers, car cette route du Nord-Est, ils l'avaient déjà suivie, comme l'assuraient à Van Linschoten quelques Samoyèdes : « Les glaces vont fondre — on était le 10 août —, vous avez sept semaines devant vous pour vous rendre jusqu'à l'océan... » Le lendemain, les Hollandais débouchaient dans la mer de Kara, de l'autre côté de la Nouvelle-Zemble, mais au bout de dix jours, devant les glaces de plus en plus mena- çantes, ils virèrent de bord et prirent le chemin du retour. La seconde expédition, tentée en 1595, s'ouvrait sous des auspices favorables. Une forte prime promise par les états de Hollande à qui découvrirait le pas- sage du Nord-Est était, pour les équipages, un stimulant; et l'on emmenait à bord un fameux géo- graphe, Plancius, spécialiste des régions polaires, qui avait posé, en principe, qu'il existait dans les mers arctiques une fissure analogue au détroit de Magellan : luisant cinq mois de l'année au pôle, les rayons solaires, à l'entendre, devaient y donner une température assez élevée, « de même qu'un feu continuellement entretenu donne plus de chaleur qu'un grand feu de paille ». Bientôt, sept navires partirent, avec Barents pour pilote. A bord, on avait embarqué des marchandises pour troquer contre des épices, tant on était sûr, cette fois, d'atteindre les mers orientales. Ce fut un nouvel échec. A peine parvint-on à doubler la Nouvelle-Zemble et à tâter la mer de Kara, toujours aussi rébarbative et infran- chissable (1595). L'année suivante, ce fut une troisième tentative, patronnée par les échevins d'Amsterdam, avec deux navires, dont Barents était le chef pilote. Celui-ci mena sa route plus au nord que les dernières fois; bien lui en prit, puisqu'il fit deux découvertes : celle de l'île aux Ours et, plus loin, du Spitzberg, qu'il prit d'ailleurs pour le Groenland. Après avoir croisé au large du Spitzberg, Barents regagna l'île aux Ours. Là, les deux navires se séparèrent, l'un pour- suivant sa route vers le nord et l'autre (où se trouvait Barents) mettant le cap au sud-est en

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direction de la Nouvelle-Zemble, qu'il atteignit le 17 juillet 1596. Il fallut un mois pour longer la côte occidentale de l'île, soit 700 km, et Barents baptisa de noms hollandais les baies et les caps : Swart Klip, Admi- raliteyt's Eyland, cap de Nassau, cap de Heems- kerck, etc. Tout était blanc et nu, avec parfois un passage d'oiseaux migrateurs, l'apparition d'un ours, qu'on distinguait mal de la glace. Le 15 août, on doubla l'extrémité nord de l'île et l'on commença à redescendre le long de la côte orientale, mais l'encombrement des glaces était tel qu'on remonta au nord, jusqu'en un lieu qu'on nomma le Havre-de-Grâce où, dit De Veer, l'histo- riographe de l'expédition, « nous fûmes forcés de passer tout l'hiver dans le grand froid, la pauvreté, la misère et la souffrance, par vent d'est-nord-est ». Comme l'a écrit Jules Verne dans ses Premiers Explorateurs, « jamais Européen n'avait encore hiverné dans ces régions, au milieu de cette mer paresseuse et immobile qui, selon les expressions si fausses de Tacite, forme la ceinture du monde et où l'on entend la rumeur du soleil qui se lève. Aussi les dix-sept Hollandais ne pouvaient-ils s'ima- giner les souffrances dont ils étaient menacés... ». Le bateau résisterait-il à la pression terrible des glaces? S'il se brisait, que deviendrait-on? Par bonheur, le 11 septembre, on fit l'heureuse trou- vaille de bois de flottage et d'épaves amenés par le courant. « Réconfort inattendu pour notre détresse, dit De Veer, que ce bois venu de Moscovie, de Tartarie ou d'ailleurs, puisque, sur l'île, il n'y en a pas. Il nous servit non seulement à construire notre maison, mais encore à nous chauffer tout l'hiver; sans lui nous serions tous morts de froid et de misère... » La relation de De Veer est l'une des plus impres- sionnantes de l'histoire des explorations. C'est un rapport, que l'on sent parfaitement véridique et modeste, de la monotonie des jours, parfois coupée d'un drame... En ces latitudes et en cette saison, il n'y a même pas l'alternance distrayante des jours et des nuits, mais une lumière inerte, qui n'est ni le jour ni la nuit. Point d'autre activité que celle de la chasse à l'ours ou au renard. Les seuls bons moments sont dans la maison construite au Havre- de-Grâce : spacieuse et presque confortable, si l'on en juge par la gravure de J. Th. de Bry. Un feu brille en son milieu. Une barrique sert pour les bains chauds. Les lits s'alignent le long de la paroi. De temps en temps on va voir le navire, soulevé par les glaces, et dont les craquements font le bruit de coups d'arquebuse. En date du 17 avril, on lit dans le journal de De Veer : « Nous allâmes à sept vers le navire, et vîmes l'eau ouverte en mer, en sorte que nous sommes allés par des montagnes de glace, du mieux que nous pûmes, jusqu'à l'eau, où nous n'avions pas été de six ou sept mois. Or, venant à l'eau, nous y vîmes plonger un petit oiseau, mais quand il nous vit, il se cacha sous l'eau. Nous prîmes cela pour un présage nous annon- çant que dans la mer il y avait une plus grande ouver-

ture d'eau qu'auparavant, et que le temps approchait où l'eau serait ouverte. » Cependant, le mauvais temps revint, les glaces s'accumulèrent de plus belle, si bien que les hommes, n'y pouvant plus tenir, persuadèrent leur capitaine que le temps était venu de s'en aller. A défaut de navire, on se contenterait d'une chaloupe. Barents, vite convaincu, n'eut pas de peine à convaincre à son tour le capitaine et commis responsable de l'expédition, Jacob Heemskerck. Celui-ci dit cepen- dant qu'il convenait de différer le départ jusqu'à la fin du mois et qu'alors « s'il n'y avait pas moyen de délivrer et dégager le navire, il faudrait apprêter toutes choses pour partir avec la chaloupe et le canot ». « Le 17, nous commençâmes à compter les jours pour nous apprêter au départ. » Avant de s'embarquer dans la chaloupe, mise à flot après des journées de travaux et de durs halages, Barents écrivit un billet « expliquant comment nous étions partis de Hollande pour aller vers le royaume de Chine, et tout ce qui était advenu, afin que si, par aventure, quelqu'un venait après nous, il pût savoir ce qui nous était arrivé et comment nous avions été contraints d'y bâtir une maison et d'y demeurer dix mois de temps. Il a mis ce billet dans le fourreau d'un mousquet suspendu à la cheminée ». Pour que tout se passe dans les bonnes règles, ùne lettre fut écrite par Barents, dont les deux groupes d'hommes — l'un dans la chaloupe et l'autre dans le canot — seraient munis. Elle se terminait ainsi : « C'est pourquoi nous ne trouvons pas bon de demeurer ici plus longtemps, vu que nous sommes obligés de chercher notre propre salut. Cette réso- lution fut ainsi prise par nous tous, et signée le premier jour de juin 1597. Etant donc prêts ce même jour et ayant obtenu un vent d'ouest assez fort, et assez d'ouverture en la mer, nous nous sommes, au nom de Dieu, préparés et commis à ce voyage, vu que le navire est arrêté dans les glaces comme auparavant, bien que pendant nos prépara- tifs nous ayons eu beaucoup de vents rudes et tempé- tueux, et nous l'avons finalement abandonné. » Le 14, on quitta la Nouvelle-Zemble, la maison et le navire, sans regret, mais dans l'inquiétude d'une expédition si aventureuse et dans celle que causait la santé de Barents, qui semblait à peine se soutenir. On ne pensait pas cependant qu'il mourrait si tôt. Au moment où l'on s'était éloigné du cap de Glace, pointe extrême de l'île, il avait dit à l'un de ses compagnons : « Gérard, sommes-nous devant le cap de Glace? Levez-moi, il faut que je le voie encore une fois... » Mais voici le journal du 20 juin 1597, jour où Barents rendit l'âme : « Le 20, Nicolas Andrieu devint très faible, et nous vîmes qu'il expirerait bientôt. Le lieutenant du gouverneur vint en notre chaloupe et nous dit que Nicolas Andrieu était fort mal disposé, et qu'il était bien apparent qu'avant peu il finirait ses jours. Sur quoi Guillaume Barents dit : « Il me semble aussi que ma vie ne durera « guère ». Nous ne pensions pas que Guillaume Barents fût si malade, car nous causions ensemble

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de divers propos, et Barents regardait la petite carte que j'avais faite de notre voyage. A la fin, il déposa la carte et me dit : « Gérard, donne-moi à boire. » Après qu'il eut bu, il lui survint une telle faiblesse qu'il tournait les yeux dans sa tête et qu'il mourut si subitement que nous n'eûmes pas le temps d'appe- ler le capitaine, qui était sur l'autre barque... » Les survivants continuèrent leur route vers le sud, à tout moment menacés par les glaces flottantes. Le 17 juillet — un an après leur arrivée à la Nouvelle- Zemble —, ils abordèrent une île où cinq hommes montèrent « au plus haut des terres pour voir s'il

Le peintre Théodore de Bry a représenté ici, dans ses Icones Indiae Orien- talis, la maison, fort bien agencée, qui abrita, en Nouvelle-Zemble, Barents

et ses compagnons. Phot. Larousse.

n'y avait pas quelque apparence d'ouverture de mer », car, jusqu'à présent, leurs canots avaient plus cheminé par d'épuisants halages que flotté. « Ils virent plusieurs ouvertures d'eau, mais si loin que le cœur leur faillit presque, doutant qu'il leur fût possible de traîner si loin les barques et les meubles, parce que nos forces défaillaient de plus en plus. » Il fallut que le courage et la ténacité fussent plus forts que la fatigue; et, enfin, on parvint, après de grands efforts, au bord d'une vaste étendue d'eau calme, reluisant au soleil comme celle d'un lac, et il̂ apparut que les plus grandes peines étaient pas- sées et que, dans peu de semaines, on reverrait Amsterdam. Le 28, pour la première fois depuis tant de mois, on aperçut des hommes; ils se trouvaient à terre auprès

de leur barque amarrée. Ils étaient une trentaine, qui faisaient des signes, et ne semblaient pas armés. Les Hollandais s'approchèrent prudemment et, ayant entendu leurs appels de bienvenue, comprirent que c'étaient là des Russes. On se serra la main poli- ment, auprès d'un feu, « en retirant son bonnet ». Les Russes donnèrent tout ce qu'ils purent à ces frères si visiblement éprouvés. « Ensuite, notre capitaine s'est approché davantage et leur a montré le dedans de sa bouche pour leur faire entendre que nous avions la maladie dite « scorbut » et leur demander s'ils connaissaient quelque remède. Mais

ils comprirent que nous avions faim, et l'un d'eux courut à leur barque et rapporta aussi un pain rond de seigle, pesant huit livres, et quelques oiseaux fumés...» Ce fut à trois jours de là, dans le Waigatz, que les Hollandais trouvèrent l'herbe nommée britannica, alors connue comme l'antiscorbutique le plus puis- sant. « Nous mangeâmes l'herbe à pleines mains parce qu'en notre pays nous avions ouï priser ses vertus ; mais nous trouvâmes ses vertus plus efficaces encore que nous n'avions pensé... » Le 26 octobre au soir, le capitaine Jacob Heems- kerck, suivi de ses douze compagnons, entra, par eau, dans Amsterdam. La foule s'assemblait pour voir ces hommes vêtus de fourrure d'ours, coiffés de renard blanc, et les suivit jusqu'à l'hôtel de Pierre Hasselaer,

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l'un des curateurs de la ville, qui avait armé les deux navires. C'est alors que la Hollande apprit la mort de Guillaume Barents, l'un des plus savants et hardis pilotes qu'elle eût possédés. En 1871, des pêcheurs norvégiens, qui venaient de débarquer au nord de la Nouvelle-Zemble, décou- vrirent, à demi ensevelie sous la neige, une maison de bois. Ils y pénétrèrent par le toit et, à leur grande surprise, y trouvèrent toutes sortes d'objets d'aspect étrange et fort anciens : un pichet d'étain, des ustensiles de cuisine très grands et très lourds, des pics à feu, une hallebarde, un mousquet, et aussi divers livres de piété. La trouvaille fit grand bruit. Depuis trois siècles, l'abri de Barents et de ses compagnons était demeuré intact, inviolé, comme attendant les honneurs du musée. BART (J e a n ) , corsaire français (Dunkerque 1650 - id. 1702). Il appartenait à une famille de marins. Son grand-père Michel et son père Cornil montraient avec orgueil les blessures reçues dans les combats contre l'Anglais. Dès l'âge de douze ans, Jean Bart est embarqué sur un bateau marchand. Adolescent, il entre au service

des Hollandais, alors les meilleurs maîtres en navi- gation, sous le commandement de Ruyter. Il a vingt et un ans lorsque, en avril 1671, Louis XIV déclare la guerre à la Hollande. Les Hollandais offrent à Jean Bart de rester avec eux, mais il refuse, « ne voulant pas se couvrir de la honte attachée à tous ceux qui portent leurs armes contre leur roi et leur patrie ». Il revient à Dunkerque, et c'est alors que commence sa carrière de corsaire. Après la Hougue, et devant la supériorité numérique des flottes ennemies, une nouvelle tactique navale s'impose. Il s'agit d'éviter désormais les combats d'escadre et de lancer contre les vaisseaux ennemis des corsaires qui agiront par ruse et qui auront droit à d'importantes parts sur les prises. Le grand orga- nisateur de cette « guerre subtile et dérobée », c'est Vauban. Trois escadres de soutien sont formées à Dunkerque, Brest et Toulon. Armer un corsaire, lui donner un nom devient à la cour une mode, et tout exploit de corsaire y est goûté comme le serait de nos jours une victoire sportive. Des marins comme Jean Bart ont porté aux navires anglais, de guerre et de commerce, les plus rudes

Les actions audacieuses de Jean Bart frappèrent vivement l'imagination populaire et devinrent le thème de merveilleux récits, tandis que lui-même se transformait en un type de fantaisie, personni- fication du « loup de mer », comme La Ramée était celle du soldat. De là à le représenter fumant au nez de Louis XIV, il n'y avait qu'un pas, qui fut franchi... Gravure de Bonnart. Phot. Larousse.

Pavillon de pirate surmontant un coffre de cor- saire, conservé au musée des Salorges, à Nantes. Pièce unique que ce pavillon, qui n'est pas noir comme le voudrait une tradition littéraire, mais blanc, et où se détache un squelette inspiré du style des Danses macabres; squelette « philo- sophique », portant d'une main la flèche, sym- bole du coup dont la mort, un jour, vous atteindra; de l'autre, l'horloge — jadis c'était le sablier — où votre dernière heure est marquée. Pendant trois siècles — les XVIe, XVIIe et XVIIIe — de telles images ont jeté l'épouvante

à travers les mers. Phot. Perez.

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