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VOLLEY-BALL ET SPORTS DE RENVOI COLLECTIF EN EPS PAR W. GASPARINI Quelle est la place de l 'activité volley-ball en milieu scolaire dans un contexte de globalisation des sports collectifs ? Si l'on tient compte du fait que tant pour les élèves que pour les techniciens du milieu fédéral, chaque sport col- lectif est unique et singulier, est-il légitime de continuer d'associer le volley-ball aux autres jeux col- lectifs de manipulation de balle ? Le volley-ball est largement plébiscité au sein du système scolaire français. Les motifs de ce succès semblent plus à rechercher dans les possibilités d'anima- tion de masse que dans des justifications d'ordre didactique ou sociologique (impact médiatique). En effet, on peut faire jouer plusieurs équipes à la fois dans les gymnases de type A et B ; rares sont les conflits directs dans le jeu ; la dépense bio énergétique est faible, le coût du matériel peu important, etc. Si ces arguments, dans des conditions d'en- seignement souvent difficiles, peuvent se révéler prépondérants, il nous a paru néanmoins nécessaire de rappeler les véritables enjeux du volley-ball scolaire et de situer sa place parmi les jeux col- lectifs de manipulation de balle. ENJEUX, OBJECTIFS ET SPECIFICITE DU VOLLEY-BALL À la croisée des objectifs des jeux duels de raquette et des sports collectifs à espaces interpénétrés, les enjeux (1) qui apparaissent spécifiques à l'activité vol- ley sont selon nous : - résoudre au travers de la frappe de balle de volée un problème moteur d'an- ticipation coïncidence (2) ; c'est-à-dire le déclenchement du mouvement avant l'arrivée du ballon et son réglage en même temps que l'arrivée du ballon, - différencier, échanger et coordonner rapidement les rôles d'intervenant et de non intervenant sur la balle. - occuper différents postes dans un même match. - élaborer et mettre en oeuvre des straté- gies prenant en compte simultanément des informations provenant de territoires spatiaux distincts (le camp adverse et son propre camp). Jeu de frappe de balle et d'adresse exi- geant une motricité fine, le volley-ball intéresse l'enseignant d'EPS avant tout parce qu'il développe un jeu de straté- gies et de tactiques où la construction de l'attaque n'est pas gênée par l'opposant. Cette spécificité permet l'élaboration, la planification et la mise en oeuvre de pro- jets d'action, individuels et/ou collectifs, sans une véritable pression physique des adversaires. Le traitement de cette acti- vité d'enseignement sera donc axé prio- ritairement sur la prise de décision et secondairement dans la recherche d'amélioration technique. En ce sens, le volley-ball est bien un jeu stratégique à espaces séparés et, de ce fait, appartient non pas à la famille des sports collectifs, mais au groupe des activités stratégiques (individuelles et collectives) de frappe de balle à espaces séparés. A titre d'exemple, nous pou- vons citer quelques activités intégrant ce groupe : - les activités d'opposition duelle indivi- duelles comme le tennis, le badminton, le tennis de table. - les activités d'opposition duelle en double comme le tennis, le badminton, le tennis de table, le tennis-volley (3), - les activités d'opposition collectives comme le volley-ball, le beach-volley, le tennis-ballon (en salle) ou le footy-vol- ley (sur sable). Volley-ball scolaire EPS N' 279 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1999 43 Revue EP.S n°279 Septembre-Octobre 1999 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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VOLLEY-BALL ET SPORTS DE RENVOI COLLECTIF

EN EPS PAR W. GASPARINI

Quelle est la place de l'activité volley-ball en milieu scolaire dans un contexte de globalisation des sports collectifs ? Si l'on tient compte du fait que tant pour les élèves que pour les techniciens du milieu fédéral, chaque sport col­lectif est unique et singulier, est-il légitime de continuer d'associer le volley-ball aux autres jeux col­lectifs de manipulation de balle ?

Le volley-ball est largement plébiscité au sein du système scolaire français. Les motifs de ce succès semblent plus à rechercher dans les possibilités d'anima­tion de masse que dans des justifications d'ordre didactique ou sociologique (impact médiatique). En effet, on peut faire jouer plusieurs équipes à la fois dans les gymnases de type A et B ; rares sont les conflits directs dans le jeu ; la dépense bio énergétique est faible, le coût du matériel peu important, etc. Si ces arguments, dans des conditions d'en­seignement souvent difficiles, peuvent se révéler prépondérants, il nous a paru néanmoins nécessaire de rappeler les véritables enjeux du volley-ball scolaire et de situer sa place parmi les jeux col­lectifs de manipulation de balle.

ENJEUX, OBJECTIFS ET SPECIFICITE DU VOLLEY-BALL

À la croisée des objectifs des jeux duels de raquette et des sports collectifs à espaces interpénétrés, les enjeux (1) qui apparaissent spécifiques à l'activité vol-ley sont selon nous : - résoudre au travers de la frappe de balle de volée un problème moteur d'an­ticipation coïncidence (2) ; c'est-à-dire le déclenchement du mouvement avant l'arrivée du ballon et son réglage en même temps que l'arrivée du ballon, - différencier, échanger et coordonner rapidement les rôles d'intervenant et de non intervenant sur la balle. - occuper différents postes dans un même match.

- élaborer et mettre en œuvre des straté­gies prenant en compte simultanément des informations provenant de territoires spatiaux distincts (le camp adverse et son propre camp). Jeu de frappe de balle et d'adresse exi­geant une motricité fine, le volley-ball intéresse l'enseignant d'EPS avant tout parce qu'il développe un jeu de straté­gies et de tactiques où la construction de l'attaque n'est pas gênée par l'opposant. Cette spécificité permet l'élaboration, la planification et la mise en œuvre de pro­jets d'action, individuels et/ou collectifs, sans une véritable pression physique des adversaires. Le traitement de cette acti­vité d'enseignement sera donc axé prio­ritairement sur la prise de décision et secondairement dans la recherche d'amélioration technique. En ce sens, le volley-ball est bien un jeu stratégique à espaces séparés et, de ce fait, appartient non pas à la famille des sports collectifs, mais au groupe des activités stratégiques (individuelles et collectives) de frappe de balle à espaces séparés. A titre d'exemple, nous pou­vons citer quelques activités intégrant ce groupe : - les activités d'opposition duelle indivi­duelles comme le tennis, le badminton, le tennis de table. - les activités d'opposition duelle en double comme le tennis, le badminton, le tennis de table, le tennis-volley (3), - les activités d'opposition collectives comme le volley-ball, le beach-volley, le tennis-ballon (en salle) ou le footy-vol-ley (sur sable). Volley-ball scolaire

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Tableau 1

Tableau 2 - Type de jeu - Logique : interne

Tableau 3 - Enjeu éducatifs

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Volley-ball 3 contre 3 sur sable

À la différence des deux premiers, le dernier groupe d'activités comprend uniquement des sports à échanges intra-équipes.

VERS UNE FAMILLE DE SPORTS DE RENVOI À ESPACES SÉPARÉS

Constatant que les sports collectifs tradi­tionnels à espaces interpénétrés (et de sens contraires) ne sont pas de même nature que les sports collectifs à espaces séparés, quels sont les règles et les codes historiques qui organisent les conditions de l'affrontement dans ces sports de ren­voi à espaces séparés ?

Ce sont des jeux de « volée » ou de frappe de balle. Les parties du corps uti­lisées pour le renvoi ne constituent pas un noyau stable puisqu'elles varient selon les époques et les sports. En effet, on remarquera que le règlement de vol­ley-ball a progressivement admis le jeu sous la ceinture jusqu'au genou, puis la possibilité de jouer avec toutes les par­ties du corps y compris le pied. Actuel­lement, seul le service ne peut s'effec­tuer au pied et à la tête. Les équipes sont composées d'un mini­mum de 2 joueurs. Le rebond n'est autorisé que dans les jeux hybrides tels que le tennis-ballon, mais a toujours été interdit en volley-ball

et dans ses diverses modalités de pra­tique (beach-vollev à 2. vollev de plage à 3, 4). Comme dans les jeux duels la rotation des joueurs est prévue par le règlement, sauf dans le cas des jeux de volley à 2. 3, et 4 de haut niveau où seul le change­ment au service est obligatoire. Ainsi, si nous prenons le cas du jeu de renvoi à espaces séparés le plus connu (le volley-ball), nous affirmons qu'il n'existe pas de nature fédérale du vol­ley-ball constituant le modèle de réfé­rence réglementaire. En effet, on ne compte que des modalités de pratique, plus ou moins dominantes selon les périodes historiques et les espaces sociaux, qui forment les pratiques sociales de référence : beach volley à 2 ou 4 indoor. sur plage ou sur herbe, vol­ley-ball mixte, volley 9 contre 9 (4), vol­ley à 6. Il n'y a donc pas lieu de se poser la question de la dénaturation du volley-ball en référence à un modèle qui appa­raît dominant depuis les années soixante (le modèle fédéral à 6). Il semble d'ailleurs que l'évolution actuelle aille dans le sens d'une délocalisation, d'un décloisonnement et d'une réduction des effectifs dans la pratique du volley-ball. En outre, la diversité des pratiques montre aussi que l'effectif des joueurs et la surface de jeu (en terme de dimen­sions et de matière) sont des critères per­tinents de différenciation des activités collectives de frappe de balle à espaces séparés. Nous avons rassemblé les activités les plus connues (5) du groupe des sports collectifs à espace séparés de même nature (tableaux 1. 2. 3). Ces activités sont celles qu'un enseignant peut propo­ser à ses élèves.

Tennis-ballon

Volley-ball 4 contre 4 en salle

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ACTIVITES DE RENVOI COLLECTIF À ESPACES SÉPARÉS EN EPS

Le volley-ball et ses dérivés se différen­cient dans leur ensemble même des autres jeux collectifs de manipulation de balle à espaces interpénétrés. Notre ana­lyse nous conduit jusqu'à préconiser de ne plus intégrer les diverses modalités de pratique de volley-ball dans la famille des sports collectifs. Hormis en EPS où il est de tradition de traiter toutes les activités collectives de balle selon la même logique, cette cohabitation n'a aucun sens dans les autres espaces de pratique sportive. On ne trouve aucun principe commun entre le rugby et le volley-ball, le basket-ball et le volley-ball ; cette dernière comparaison est pourtant fréquente en EPS alors que l'es­prit, les règlements, les circulations tac­tiques, les espaces de jeu sont totalement différents. Ce point de vue justifie le fait de pro­grammer des activités de renvoi collectif qui ne sauraient être remplacées par un autre sport collectif, à chaque niveau de classe (tableau 4). Il nous paraît intéres­sant, sur le plan des apprentissages moteurs, que les élèves de collège prati­quent au moins deux activités de renvoi collectif sur deux types de surface diffé­rents (salle, sable, herbe). En outre, conjuguer pratique d'intérieur et d'exté­rieur (en volley-ball par exemple) per­mettrait aux élèves d'être confrontés à deux environnements distincts pour des sports de même nature.

CONCLUSION

Ces propositions appellent évidemment de plus larges développements dans l'analyse technologique, didactique et

socioculturelle de chaque modalité de pratique du volley-ball et de ses dérivés. Notre propos à travers cet article tend à inviter les enseignants d'EPS à dépasser le sens commun de la famille sportive héritée de l'orthodoxie scolaire et de la pensée de théoriciens de l'EPS. En effet, la présence d'un ballon, d'adversaires et de partenaires ne représentent pas, à nos yeux des critères suffisamment perti­nents pour associer dans un même type le rugby, le basket-ball et le volley-ball. C'est oublier toute la singularité d'une pratique sportive dans ses aspects tech­nologiques, culturels, sociaux et éthiques, pratique qui a évolué de manière autonome (par rapport aux

autres sports collectifs) et qui a généré une multitude de modalités et d'activités dérivées ou hybrides. En outre, sachant que ces pratiques sociales permettent de finaliser les enseignements et qu'elles constituent le lieu primitif de la forma­tion des compétences, la question est alors posée : quelle pratique sociale peut-on retenir comme référence pour enseigner l'EPS : le volley-ball fédéral à 6 contre 6 (6) ? Le beach-volley ? Le volley-ball 4 contre 4 ?

William Gasparini Professeur agrégé d'EPS,

Docteur en sociologie UFR STAPS. Strasbourg

Notes bibliographiques (1 ) A propos des enjeux voir l'article de J. Metzler « L'EP au collège, le volley-ball en 4' - 3e ». Revue Spirilles - 3. Volume I. Lyon. 1990. (2) Voir à ce propos l'article de H. Ripoll : « Straté­gies oculo-motrices impliquées dans l'exécution des habiletés motrices de précision ». Neumsciences du sport. Éd. INSEP. Paris, 1987. (3) Pour plus de précisions sur cette activité de l'île Maurice voir l'article de J.-M. Tombarello : « Tennis-volley. une activité neuve ». Revue EPS nc 251. 1995. (4) Les pays asiatiques, notamment les Japonais, jouaient au volley-ball à 9 jusque dans les années soixante. (5) En effet, d'autres activités plus ou moins offi­cielles pourraient bien intégrer ce tableau, comme par exemple l'indiaca (échange d'un gros votant à la main avec le règlement du volley-ball) et le tri-hall (jeu d'échanges de balle entre 3 équipes sur un ter­rain composé de 3 moitiés de tilet assemblés en un point unique) ou le sepaktakraw (jeu asiatique qui ressemble au tennis-ballon mais plus acrobatique, la balle est en rotin). (6) Actuellement le volley-ball professionnel à 6 (masculin et féminin) applique le nouveau décompte des points : les matches se jouent en sets de 25 points en « tie-break » (chaque échange marque 1 point, y compris l'équipe en réception), seul le 5 set se joue en 15 points. Pour ce qui concerne les championnats fédéraux nationaux et régionaux, ces nouvelles règles sont appliquées depuis le 1" juillet 1999.

Bibliographie complémentaire Berjaud (P). « Le beach voliev. nouvelle discipline olympique ? ». Revue EPS n' 242. 1993. Gasparini (W). L'EPS aujourd'hui, nouveau lan­gage, nouvelles pédagogie ? ». Chapitre « Évalua­tion des principes opérationnels en volley-ball sco­laire ». Groupe recherche - formation « éducation physique ». 1UFM d'Alsace. 1994. Gasparini (W). « Évaluation des compétences motrices en EPS ». Chapitre « Une problématique d'évaluation des compétences en sports collectifs : le cas du volley-ball ». Revue UFR STAPS. Stras­bourg. 1995. Hippolyte (R). « Le volley-ball en 2 contre 2 ». Revue EP.S n° 224. 1990. Extrait du journal Libération. « Beach volley : beach boys peut-être, mais pas plagistes ». Lundi 22 août 1994 et « Le tennis-ballon, sport de contraste ». Mardi 21 novembre 1995. Loret (A). « Génération glisse ». Revue Autrement. Série Mutation n° 155-156. 1995. Metzler (J). « Volley-ball. Histoire des techniques ». Revue EP.S n° 234 1992. Metzler (J). « Cent ans d'histoire des pratiques du volley-ball. Réflexions à l'intention des enseignants d'EPS ». In Goirand (P). Meztler (J) (directeur). Techniques sportives et culture scolaire. Éd. Revue EP.S. Paris. 1996. Pociello (C). Anthropologie des techniques du corps ». Chapitre « Contribution à l'analyse anthro­pologique des styles sportifs et corporels ». Actes de colloque. Revue STAPS. 1984.

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