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VOICE 1º|2011 Exploitation duranium sur le territoire des autochtones Contaminés, expulsés, manipulés: le profit aux dépens des autochtones

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Exploitation d’uranium sur leterritoire des autochtonesContaminés, expulsés, manipulés: le profit aux dépens des autochtones

VOICE|1-2011 Société pour les peuples menacés Suisse

Editorial À en croire les producteurs d’électricité, l’énergie nu­cléaire est une énergie propre. La Suisse prévoit diffé­rentes votations cantonales sur le thème de l’énergie nucléaire et en 2013, le peuple suisse devra se pronon­cer sur la construction de nouvelles centrales nucléaires (p. 4). Bien souvent une question problématique échap­pe au débat: d’où vient l’uranium et quelles sont les conséquences de son exploitation sur les êtres humains et leur environnement? Fait marquant en l’espèce: la plupart des régions où l’uranium est exploité appar­tiennent aux autochtones. Au Niger notamment, l’uranium est exploité sur le territoire des Touaregs, privant ainsi le peuple autochtone de grandes surfaces de pâturage et contaminant sources et villages (Voice 3/2010). Aux Etats­Unis, un nombre inquiétant de Si­oux est atteint d’un cancer des poumons, l’uranium est exploité sur leurs terres depuis bientôt 70 ans (p. 5). En Australie, les gisements d’uranium se trouvent sur le territoire des Aborigènes (p. 6). En Inde, les Adivasi, peuple autochtone, souffrent particulièrement des con­séquences désastreuses de l’exploitation de l’uranium, comme nous le rapporte le militant Punit Minz (p. 8). Deux faits rapprochent tous ces peuples autochtones: ils ne sont ni informés sur l’ensemble des dangers de l’exploitation d’uranium ni consultés pour donner leur accord sur l’utilisation de leurs terres. Aussi longtemps que ce ne sera pas le cas et tant que l’exploitation de l’uranium impliquera de tels dommages sur l’être hu­main et sur l’environnement et que les entreprises n’empêcheront pas les conséquences néfastes, la SPM s’oppose à l’utilisation de l’énergie nucléaire.

Ce numéro est également pour moi l’occasion de vous faire part de quelques modifications internes. De­puis la fin décembre, notre bureau se trouve à Oster­mundigen. Comme vous pouvez le constater dans ce numéro, la SPM a adopté un nouveau logo. Notre as­semblée des membres se tiendra le 12 mai et c’est avec grand plaisir que je vous y convie (p. 10). Christoph Wiedmer, directeur

La Société pour les peuples menacés (SPM) est une organisation internationale des droits de l’Homme qui s’engage pour les minorités et les peuples autochtones. La SPM dénonce les violations des droits de l’Homme, informe et sensibilise l’opinion publique et représente les intérêts des personnes concernées devant les autorités décisionnaires. Elle encourage les efforts locaux effectués en faveur de la promotion des droits des minorités et peuples autochtones. En outre, elle travaille sur le plan national et international avec des organisations qui poursuivent les mêmes objectifs. La SPM bénéficie d’un statut de conseiller au Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) ainsi qu’au Conseil de l’Europe.

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Exploitation d’uranium aux conséquences désastreuses

Les réacteurs des centrales nucléaires suisses fonctionnent à l’aide du com bustible uranium provenant de l’étranger. Pour sa campagne en faveur de nouvelles centrales nucléaires, l’industrie nucléaire suisse passe tota­lement sous silence les dommages con­sidérables de l’exploitation d’uranium.

Survivantes du viol

Durant la guerre de Bosnie, plus de 20 000 femmes, pour la plu part bos­niaques, ont été violées et em prison­nées durant des mois dans les camps de concentration par les soldats de Karadzic, des voisins et des connais­sances serbes. Leur souffrance risque de tomber dans l’oubli.

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Table des matières

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IMO-COC-029349

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L’extraction d’uranium: conséquences désastreuses

Sans le consentementdes autochtones

Destruction de l’espacede vie des Aborigènes

Interviewavec Punit Minz

Nouvelles brèves

Projets et campagnes de la SPM

Les survivantesdu viol

ServiceFestivals de Films

Vivre à côté d’une poubelle nucléaire

Punit Minz, membre du peuple adiva­si, s’investit pour le renforcement des mesures de sécurité dans les mines d’uranium indiennes et réclame une indemnisation convenable pour ceux qui ont été chassés de leurs terres.

Editrice: Société pour les peuples menacés Suisse, Schermenweg 154, CH-3072 Ostermundigen, tél. 031 939 00 00, fax 031 939 00 19, e-mail: [email protected], Internet: www.gfbv.ch, Dons: BCBE: IBAN CH05 0079 0016 2531 7232 1 Rédaction: responsable: Franziska Stocker, collaboration: Rahel Zürrer Graphisme/Support: Clerici Partner AG, Zurich Mise en page: Franziska Stocker Traduction: weiss traductions, Zurich Photo couverture: Yvonne Margarula, propriétaire traditionnelle du peuple mirrar, lutte depuis des années contre les mines d’uranium en Australie (photo Dominic O’Brien) Photo au verso: Indien Asurini, concerné par la construction prévue du barrage Belo Monte en Amazonie brésilienne (photo : Rebecca Sommer) Parution: trimestrielle Tirage: 2100 exemplaires Abonnement: CHF 30.–/an, prix pour les annonces sur demande Prochain numéro: sept. 2011, délai pour les annonces et la rédaction: 1er août 2011 Co-pyright: © 2011 Société pour les peuples menacés Suisse. La reproduction d’articles est autorisée avec référence de la source et remise d’un exemplaire à l’éditrice. Impression: gdz AG, Zurich, imprimé sur papier FSC Certificat ZEWO: La SPM est une institution d’utilité publique reconnue par le ZEWO. Il garantit l’utilisation à des fins déterminées et transparente des dons.

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Les centrales nucléaires fonctionnent à l’uranium, un métal lourd chimiquement toxique et radioactif qui est principale­ment extrait dans des mines à ciel ou­vert. La concentration en U­235, l’iso­tope fissile de l’uranium, est extrêmement faible dans les couches rocheuses. Pour obtenir un kilo de matière utilisable dans les réacteurs nucléaires, il faut ex­

traire environ deux tonnes de minerai, générant 99% de déchets toxiques qui polluent l’environnement et risquent de mettre en péril le cadre de vie des popu­lations autochtones.

Si l’industrie atomique devait couvrir les frais résultant des conséquences en­vironnementales de son activité, elle se­rait en faillite depuis belle lurette. Aux Etats­Unis, en particulier dans les ré­gions où vivent des peuples autochtones, plusieurs centaines de mines n’ont ja­

mais été assainies (p. 5). L’exemple de Wismut (ex­RDA, aujourd’hui sur le terri­toire de la Saxe) démontre ce que l’exploitation minière d’uranium en­traîne comme conséquences: jusqu'à fin 2007, les mesures d’assainissement ont coûté en tout 4,9 milliards d’euros au budget fédéral allemand, auxquels s’ajoutent, d’après une estimation du gouvernement, quelque 1,3 milliards d’euros supplémentaires pour les travaux encore en suspens et la surveillance du site à long terme. Depuis l’ouverture des mines d’uranium en Saxe et en Thuringe (exploitation de 1946 à 1999), environ 7700 cas de cancers des poumons, dont la cause professionnelle a été reconnue, ont été diagnostiqués (dus essentielle­ment à l’absorption de radon, un produit de désintégration de l’uranium).

Une fois l’uranium extrait de la mine, il est d’abord transformé en «yellow­cake» à l’aide de solutions acides, puis il est enrichi à travers des processus complexes pour en faire un combustible fissile utilisable dans les réacteurs nu­cléaires. Pour ses cinq réacteurs nu­cléaires, la Suisse a besoin d’une quanti­té de combustible qui correspond à environ 350 tonnes d’uranium utilisable dans des centrales. Dans les centrales de Gösgen et de Beznau, en dehors des barres de combustible contenant du plu­tonium, on utilise surtout des barres de production russe. Une partie de l’ancien uranium que contiennent ces dernières provient du tristement célèbre centre de retraitement de Mayak, dans le sud de l’Oural. En raison d’accidents graves et de la libération de radioactivité dans les eaux avoisinantes, plusieurs milliers de personnes ont dû être évacuées. Les ha­bitants qui sont restés sur place conti­nuent à souffrir de cancers et à être ex­posés à des risques élevés.

Les centrales de Leibstadt et de Müh­leberg utilisent quant à elles des com­bustibles avec de l’uranium naturel dont la provenance est floue. À ce jour, la cen­trale de Mühleberg a indiqué comme seul lieu d’approvisionnement sécurisé la mine de Ranger en Australie (p. 6). Celle de Leibstadt mise à l’avenir sur des four­nisseurs russes, ce qui n’offre également qu’une garantie limitée quant à la prove­nance du matériau. C’est pourquoi des or­ganisations telles que Greenpeace exi­gent une transparence absolue et une déclaration de provenance pour l’uranium utilisé, ainsi que la preuve que son ex­traction n'a pas causé de dégradation à l’environnement ni d’atteinte aux droits de l’Homme. En outre, un constat s’impose: les principales sources d’ura­nium avec des concentrations élevées sont quasiment épuisées. Plus les con­centrations sont faibles, plus le proces­sus d’extraction est cher et énergivore. Et les dégâts écologiques n’en sont que d’autant plus importants.

Des millions pour promouvoir des nouvelles centrales En dépit de la situation sinistre décrite ci­dessus, l’industrie atomique suisse injecte des millions dans la publicité pour la création de nouvelles centrales. Le canton de Berne a déjà été appelé aux urnes pour se prononcer sur la question nucléaire; le Jura et le canton de Vaud s’exprimeront en mai. Probable­ment en 2013, le peuple suisse aura le dernier mot sur la création de nouvelles centrales dans le pays. Espérons qu’il s’exprimera clairement contre, formulant ainsi la seule réponse possible pour un approvisionnement durable en énergie: l’avenir est renouvelable.

Stefan Füglister, expert en questions atomiques

chez Greenpeace

Les réacteurs des centrales nucléaires suisses fonctionnent à l’aide du combustible urani-um provenant de l’étranger. Pour sa campagne en faveur de nouvelles centrales nucléaires, l’industrie nucléaire suisse passe totalement sous silence les dommages considérables de l’exploitation d’uranium sur la santé des populations locales et sur l’environnement.

Exploitation d’uranium aux conséquences désastreuses

Centrale nucléaire de Gösgen

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La grande nation Sioux était établie au centre du continent nord­américain avant la naissance des Etats­Unis et du Canada. Son territoire d’origine s’éten­dait sur 14 Etats américains actuels et sur certaines parties de trois provinces canadiennes. La grande nation Sioux commença à conclure des traités avec la France dès le début des années 1600 et le dernier fut signé avec les Etats­Unis en 1868 à Fort Laramie (Wyoming). Ce traité délimitait une zone géographique spécifique dédiée à «l’usage et l’occupa­tion intégrale et non dérangée» de la grande nation Sioux.

L’exploitation de l’uranium commença dans les années 1940 sur le territoire concédé par le traité de Fort Laramie dans les Etats du Montana, du Wyoming, du Dakota du Nord et du Sud. Mais sans l’aval des Sioux. L’exploitation se pour­suivit jusque dans les années 1970 où elle se termina abruptement lors de la chute des prix de ce métal. 2 885 mines d’uranium et forages à ciel ouvert furent alors abandonnés. La poussière radioac­tive et les eaux de ruissellement ont ain­si affecté l’environnement pendant près de 70 ans.

Lieux sacrés détruitsA la fin des années 1970 et au début des années 1980, plus de 7 000 puits d’exploration ont été creusés au plus profond des Black Hills, une fois encore sans le consentement ni l’information des Sioux. Les Black Hills constituent un lieu sacré avec de nombreux sites de prière, des plantes médicinales autoch­tones, de la flore et de la faune que l’on ne trouve nulle part ailleurs sur la planète et elles abritent également les restes des ancêtres des Sioux. On ignore encore à l’heure actuelle le nombre ex­act de lieux de sépultures, de sites sa­crés et de zones aquifères endommagés

ou détruits par les quelque 7 000 puits creusés à l’époque. Ces puits ont été abandonnés en l’état, sans être signalés, ni recouverts. Certains d’entre eux sont suffisamment grands pour qu’un homme puisse y tomber et d’autres ont une pro­fondeur de 250 mètres.

Le génocide de la grande nation Sioux est imminent en raison des effets des radiations nucléaires et des maladies qui en résultent. Le taux de cancers du pou­mon est plus de deux fois supérieur chez les autochtones du nord des Grandes Plaines en comparaison avec les habi­tants de la côte Est ou de la côte Ouest, et de 30% plus élevé par rapport à la po­pulation des Etats­Unis. Le cancer du poumon est l’un des indicateurs princi­paux de la pollution radioactive.

Les Etats du Dakota du Sud et du Wy­oming autorisent actuellement les com­pagnies minières à pénétrer dans la ré­gion et à rechercher de l’uranium sur le territoire concédé par le traité de Fort Laramie. Dans ce cas également, ces tra­vaux sont entrepris sans le consente­ment ou l’accord de la grand nation Sioux. Des mines d’uranium sont égale­ment exploitées au Wyoming et dans le Nebraska.

Les Sioux n’abdiquent pasLa seule et unique revendication des Si­oux est le respect de tous les articles du traité de Fort Laramie de 1868. Il n’est pas possible de continuer à autoriser les Etats­Unis à poursuivre leur politique génocidaire contre les Sioux. Toute la pollution radioactive, dans l’air, le sol et l’eau, doit être éliminée.

Les représentants du Conseil du traité de la nation Sioux ont épuisé toutes les possibilités au niveau local et ont pré­senté leurs revendications à l’ONU à maintes reprises depuis 1984, sans qu’aucune résolution n’ait été prise à ce jour. Ils continuent cependant à trans­mettre leur message au monde, dans l’espoir d’être entendus avant l’extinction de la grande nation Sioux.

C’est pourquoi l’organisation non gouvernementale Defenders of the Black Hills, qui travaille aussi bien avec les po­pulations autochtones que non autoch­tones, continue à porter le message de cette catastrophe écologique aux plans national et international. L’association a reçu le prix Nuclear­Free Future Award en 2007 dans la catégorie Résistance.

Chairmaine White Face, Coordinatrice

Defenders of the Blcck Hills

«Attention: campement interdit». On ne doit pas séjour-ner plus d’une journée par an sur ce terrain radioactif.

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Un nombre de Sioux supérieur à la moyenne souffrent de cancer des poumons. L’une des conséquences de presque 70 ans d’exploitation de l’uranium sur leur territoire. Chairmaine White Face, militante sioux, explique qu’on n’a jamais demandé l’accord de son peuple.

Sans le consentement des autochtones

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Destruction de l’espace de vie des AborigènesEnviron 30 à 40% des gisements d’uranium dans le monde se trouvent en Aus-tralie, essentiellement sur le Territoire du Nord, où près d’un habitant sur trois, sur les 200 000 que compte la région, appartient à une tribu aborigène.

La mine d’uranium de Ranger, située dans le Territoire du Nord en Australie, est la deuxième plus grosse mine d’uranium en activité du monde. Au cours des 20 dernières années, on a dé­ploré une série d’incidents dus à la con­tamination radioactive des eaux. La mine a été ouverte contre la volonté des Mirrars, une tribu aborigène qui vit sur ce territoire depuis des milliers d’années. Yvonne Margarula, propriétaire traditi­onnelle, se bat depuis des années contre l’exploitation de l’uranium sur le terri­toire du peuple mirrar: «Le gouverne­ment a ignoré nos souhaits et la mine de Ranger a été ouverte contre notre volon­té. L’exploitation de l’uranium nous a non seulement dépossédés de notre terre sacrée, mais elle l’a également détruite.»

Abandon du projet de mineIl y a 10 ans, les Mirrars ont remporté une victoire en empêchant la construc­tion de la mine de Jabiluka qui devait voir le jour sur leur territoire. La campa­gne de contestation des aborigènes, couronnée de succès, avait reçu le sou­tien d’organisations de protection de l’environnement et de milliers de mili­

tants. Quoi qu’il en soit, le combat des Mirrars n’est pas fini: la construction de nouvelles mines d’uranium sur leurs terres est d’ores et déjà au programme. En outre, le Territoire du Nord reste en­core et toujours le lieu de prédilection pour le stockage des déchets radioactifs. D’après Dave Sweeney, membre de l’organisation Australian Conservation Foundation, ce comportement est révé­lateur: «Evidemment, ce n’est que là où les gens ont un accès limité à Internet, aux moyens de communications et aux médias que l’on procède de la sorte».

En plus de la mine de Ranger, deux autres exploitations d’uranium sont en activité en Australie: Olympic Dam et Beverley. Toutes deux sont situées en Australie­Méridionale, également sur des terres appartenant aux aborigènes.

La mine d’Olympic Dam est à l’origine de nombreux problèmes: les bassins de décantation, où sont stockés entre 70 et 80 tonnes de déblais, sont vétustes. Rien n’est prévu quant au devenir de ces dé­chets radioactifs sur le long terme. En outre, la mine utilise quotidiennement 30 millions de litres d’eau, qui sont pui­sés dans le Grand bassin artésien, la plus

grande réserve d’eau souterraine du monde. Un écosystème unique qui est, par conséquent, menacé de disparition.

La mine de Beverley est entrée en ac­tivité en 2001 contre la volonté de la population autochtone, les Adnya­mathanhas. Jillian Marsh, la porte­paro­le de cette tribu, estime que la consul­tation publique a été déloyale. Selon elle, Heathgate Ressources, la société qui possède la mine, a tenté de diviser la communauté afin de l’affaiblir et ainsi de faire taire les critiques.

L’affirmation du gouvernement et de l’exploitant minier selon laquelle la ré­gion serait assainie à l’issue de l’activité minière n’a aucune valeur aux yeux des aborigènes: «Pour nous, les Adnya­mathanhas, il n'y a pas de guérison pos­sible, explique Jillian Marsch. Lorsque l’on porte atteinte à un élément ou quand on le détruit, sa forme primitive disparaît, comme la terre dont on a arra­ché l’uranium de manière si violente. L’entité spirituelle et physique dont l’harmonie est ruinée ne peut plus jamais se reconstituer complètement».

La population civile reste sceptiqueDepuis que le parti travailliste austra­lien s’est rallié en 2007 aux partisans de nouveaux projets de mines d’uranium, il est de plus en plus difficile d’agir contre ces nouveaux projets miniers. Toutefois, les aborigènes constatent qu’ils ne sont plus seuls à se préoccuper de leurs terres: des statistiques montrent que près de 70% des Australiens sont oppo­sés à l’implantation de nouvelles mines d’uranium. Contrairement à l’élite poli­tique, la population civile ne semble plus être prête à soutenir l’industrie de l’uranium au prix du sacrifice des popu­lations aborigènes et de l’environnement.

Rahel Zürrer, SPM SuisseMine Ranger: c’est ici que l’on extrait l’uranium pour la centrale nucléaire de Mühleberg en Suisse.

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La soif d’énergie de la Chine exploite des Touaregs

Interne: au revoir et bienvenue...

Kaspar Haller Regula Hafner Nadia Imgrüt Eva SchmassmannAngela Mattli

C’est avec grand regret que nous nous sommes séparés de trois collabora­teurs de longue date: Kaspar Haller, Regula Hafner et Nadia Imgrüt. Kas­par Haller occupait le poste de respon­sable du domaine politique et était membre de la direction depuis juillet 2005. Il a en particulier fait avancer les campagnes et projets SPM en fa­veur des minorités en Irak, en Iran et en Turquie. Ses connaissances appro­fondies du système politique suisse et ses nombreux contacts constitu­aient un avantage de taille au sein de l’association. Nous tenons aussi à souligner ses analyses perspicaces et son grand plaisir à débattre.Regula Hafner, responsable de projets et coordinatrice de campagne depuis août 2007, s’engagea particulièrement dans nos activités en Afghanistan et

au Congo (RDC). Avec beaucoup de ténacité, elle a soutenu en Afgha­nistan un réseau d’organisations hu­manitaires dans la construction d’une structure stable. Ses négociations au Congo avec les entreprises transna­tionales, ONG et représentants au­tochtones ont porté leurs fruits pour l’amélioration du droit de décision des autochtones dans l’exploitation des forêts. Nous regretterons tant ses ex­cellentes connaissances en gestion de projets que son humeur enjouée.Quant à Nadia Imgrüt, elle fit ses dé­buts en tant que stagiaire en octobre 2008, pour continuer ensuite en tant que collaboratrice scientifique à la SPM. Elle a soutenu notamment la campagne en faveur des Roms au Ko­sovo. Elle s’est fortement engagée pour que 200 familles roms, vivant

dans des camps de réfugiés contami­nés au plomb, soient enfin relogées. Nous souhaitons ici adresser tous nos remerciements à Kaspar, Regula et Na­dia pour leur travail remarquable et leur souhaitons beaucoup de succès.Nous nous réjouissons d’accueillir, en février 2011, Angela Mattli et Eva Schmassmann, deux nouvelles col­laboratrices extrêmement motivées. Angela Mattli, politologue, militante d’ONG et politique, est responsable du nouveau domaine campagnes et pro­jets. Eva Schmassmann, titulaire d’un diplôme en relations internationales et d’une expérience tant scientifique que dans des ONG, nous soutiendra en tant que coordinatrice de campagnes. Nous souhaitons beaucoup de réussite à Angela et Eva dans leurs nouvelles fonctions. Franziska Stocker, SPM Suisse

En 2007, le gouvernement nigérien a ac­cordé un permis d’exploitation d’uranium à la Société des Mines d’Azelik (SOMI­NA). L’Etat nigérien possède 33% du ca­pital de la SOMINA, tandis que Sino Ura­nium détient les 67% restants.

Parmi les mineurs nigériens − dont de nombreux Touaregs − on parle d’une co­lonisation chinoise, où les exploitants des mines se comporteraient en maîtres coloniaux. Les Touaregs vivent séparé­ment des travailleurs chinois. Les contai­ners provisoires qui leur tiennent lieu d’habitation sont installés bien trop près de la mine et les ouvriers souffrent de diarrhée chronique due à l’eau conta­ minée.

Alors que l’exécution des tâches les plus fatigantes et les plus dangereuses est exclusivement réservée aux Touaregs, on recrute soit des Chinois soit des mem­

bres de la communauté des Haoussas, originaires du sud du Niger, pour exercer les métiers administratifs ou techniques, ce qui creuse encore davantage la divi­sion au sein de ce pays en conflit.

«La SOMINA exploite abusivement la population locale des Touaregs, déplore Ali Idrissa, porte­parole du ROTAB, le Ré­seau des Organisations pour la Transpa­rence et l’Analyse Budgétaire, qui milite en faveur de la transparence en matière d’exploitation d’uranium. Les salaires que les mineurs perçoivent ne suffisent pas même à nourrir leurs familles.»

Rahel Zürrer, SPM Suisse

Le grand groupe français AREVA extrait de l’uranium au Niger depuis 40 ans. Depuis quelques années, la Chine, en quête de ressources, s’est introduite à son tour sur le marché de l’uranium nigérien.

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Vivre à côté d’une poubelle nucléaire

Monsieur Minz, vous vous engagez dans le Jharkhand, un des Etats fédérés de l’Inde, pour une amélioration de la si-tuation des Adivasis, qui sont victimes des conséquences de l’exploitation d’uranium qui y est menée. Comment dé-cririez-vous la situation? L’Etat fédéré du Jharkhand compte aujourd’hui sept mines d’uranium, auxquelles s’ajoutent cinq bassins de décantation (p. 10) où sont stockés les résidus toxiques des mines. En par­ticulier dans la région autour de la mine de Jadugoda, où l’exploitation a démarré il y a 40 ans, les personnes souffrant de maladies sont très nombreuses, sans compter les enfants qui sont venus au monde avec une malformation. Il faut savoir qu’il s’agit d’un processus lent. En règle générale, les effets des rayonnements radioactifs ne se manifestent pas après une ou deux années, ce qui explique pourquoi, comparé aux autres mines, qui existent depuis moins longtemps, le nombre de per­sonnes souffrant de maladies dues aux radiations est plus im­portant à Jadugoda. Des médecins et des scientifiques ont ef­

fectué des études sur le sujet, mais l’Uranium Corporation of India Limited (UCIL), qui est responsable des mines, nie caté­goriquement les résultats des enquêtes. La direction de l’UCIL affirme que les taux de radioactivité mesurés sont tellement faibles qu’ils n’ont pas d’influence sur la santé des habitants.

Punit Minz, membre de la tribu indigène des Adivasis, s’investit pour le ren-forcement des mesures de sécurité dans les mines d’uranium indiennes et récla-me une indemnisation convenable pour ceux qui ont été chassés de leurs terres.

Dans quelle mesure la communauté des Adivasis est-elle particulièrement touchée par l’exploitation d’uranium?Toutes les mines du Jharkhand se situent sur le territoire des Adivasis. À chaque fois, des lieux sacrés pour les Adivasis ont été détruits. D’après les chiffres parus dans un rapport du gou­vernement indien et selon l’UCIL, 95% de tous les ouvriers qui travaillent dans l’industrie de l’uranium sont des autochtones. Le plus souvent, ils ne disposent pas d’un emploi durable; leurs contrats sont de durée limitée, accroissant ainsi leur surexploitation.

Ces dernières années, vous et votre organisation avez été particulièrement actifs dans la région des mines de Turam-dih. Depuis quand y extrait-on de l’uranium?Les négociations conduites par l’UCIL avec la population loca­le quant à l’utilisation du territoire ont été entamées en 1983/1984. Mais la mine n’est exploitée à plein régime que depuis l’an 2000. Le 20 octobre 2010, l’UCIL et le Département pour la protection de l’environnement ont organisé une con­sultation publique, car l’usine de traitement de Turamdih de­vait être agrandie. Toutefois, les Adivasis se sont opposés avec une telle force que la consultation a été annulée. La rai­son principale de cette protestation véhémente résidait dans un accord conclu entre la population locale et l’UCIL en 1983, selon lequel les Adivasis avaient obtenu la promesse que pour chaque maison rasée à cause de la mine de Turamdhi, deux à trois de ses anciens occupants obtiendraient un emploi, en guise de compensation, pour ainsi dire. Pourtant au final, l’UCIL n’a pas tenu parole. Sur l’ensemble des Adivasis, nom­breux sont ceux qui n’ont jamais perçu d’indemnisation, et personne ne s’est soucié de les reloger à une distance suffi­sante de la mine pour assurer leur sécurité.

Peut-on attribuer des développements positifs à la créa-tion de la mine d’uranium?Tout dépend de la définition que l’on donne au mot développe­ment: pour le gouvernement indien, le développement cor­respond à la capacité des Indiens à acheter une télévision ou une mobylette. Avant, les gens n’avaient pas de mobylette. Aujourd’hui, ça a changé. Voilà donc ce à quoi le gouverne­ment mesure le progrès. Nous n’avons pas la même vision des choses. Pour nous, le développement, c'est quand davantage d'Adivasis accèdent à une formation ou à un emploi durable, et ce type de développement est inexistant.

Ouvriers qui travaillent dans la mine de Turamdih. Ils vivent à proximité immédiate des mines d’uranium et des décharges de déchets nucléaires.

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Suite en page 10

Punit Minz, coordinateur de campagne de l’organisation Bindrai Institute for Research Study and Action (BIRSA).

Quels sont les principaux problèmes des Adivasis en rap-port avec l’extraction d’uranium?On parle souvent d’un manque d’information, notamment con­cernant les risques pour la santé que présentent les rayonne­ments radioactifs. Pourtant, ce n’est pas comme si les Adivasis ne savaient pas que ces radiations sont nuisibles pour la santé ou dangereuses. Quand l’exploitation de la mine de Jadugoda a démarré il y a 40 ans, les personnes n'étaient pas encore au courant des risques entraînés par l’uranium. Mais aujourd’hui, chacun sait ce qu’est un bassin de décantation. La population sait que l’eau dans ces bassins est radioactive. Aujourd’hui, les

habitants sont donc informés des risques liés à l’uranium, mais ils n’ont pas le choix: s’ils ne travaillent pas dans les mines, ils n’ont rien à manger.

À ceci s’ajoute que ces fameux bassins de décantation se situent trop près des villages. Les habitants sont obligés de vivre dans ces villages, car ils n’ont pas reçu d’indemnisation et n’ont pas été relogés convenablement. Le Jharkhand est su­jet à de fortes pluies pendant la saison de la mousson. Cela entraîne des débordements de ces bassins de décantation, et l’eau contaminée pollue les champs et la nappe phréatique où les villageois puisent l’eau dont ils ont besoin au quotidien.

Les Adivasis obtiennent-ils une indemnisation quand ils doivent abandonner leur maison en raison d’un projet de construction de mine d’uranium?Quand les travaux de la mine de Turahmdi ont débuté en 1983, quelques habitants ont reçu une indemnisation. Mais après quelques années, alors que des personnes ont à nouveau dû être déplacées, plus aucune indemnisation n’a été accordée. Lorsque l’on parle de compensation financière, il est égale­ment important de se poser la question de la fixation des mon­tants. Les montants des indemnisations ont été fixés en 1983. Aujourd’hui, nous vivons dans un autre temps. De nos jours, si

«Les gens n’ont aucune alternative au travail dans les mines d’uranium.»

Qui sont les Adivasis?Les Adivasis, premiers occupants de l’Inde, représentent avec 95 millions d’individus la communauté autochtone la plus importante de la planète. La majorité d’entre eux vi­vent en­dessous du seuil de pauvreté et sont confrontés au quotidien à une discrimination et une marginalisation systé­matique en dépit de lois prohibant de tels comportements. Des projets d’envergure tels que la construction de barrages, de mines ou d’aciéries ont conduit à l’expulsion de plusieurs centaines de milliers d’Adivasis. Les autorités et les grandes entreprises ignorent et portent atteinte de manière systéma­tique à leur droit territorial coutumier.La superficie de l’Etat fédéré du Jharkhand est supérieure à deux fois celle de la Suisse. Les 30 groupes d’Adivasis repré­sentent 27% des 30 millions d’habitants de cet Etat. Avant l’indépendance de l’Inde, plus de la moitié des habitants du Jharkhand étaient Adivasis, constituant ainsi le groupe de population le plus important de l’ancienne province. Ils vi­vent dans cette région depuis plus de 2500 ans.

des personnes devaient être déplacées, elles devraient perce­voir une indemnisation raisonnable calculée en fonction des coûts actuels de la vie. En outre, les montants des compensa­tions versées par l’UCIL varient en fonction de l’utilisation du sol: si la terre est déclarée en tant que surface agricole, les montants des indemnisations sont relativement élevés. Lors­que ce n’est pas le cas, les montants sont faibles. Mais com­ment l’UCIL détermine­t­elle si la terre était utilisée à des fins d’exploitation agricole ou non? La terre a toujours constitué la base de la vie des Adivasis. Ils en sont dépendants.

Quelles sont les revendications de votre organisation?Pour nous, une chose est claire: les normes et les standards internationaux en matière d'évacuation des déchets radioac­tifs doivent être respectés et doivent être contrôlés par des experts indépendants. Nous avons adressé cette revendication à la direction de l’UCIL à plusieurs reprises. Cela signifie que les personnes vivant à proximité de décharges de déchets nu­cléaires ou de bassins de décantation doivent être déplacées à une distance suffisante pour assurer leur sécurité et elles doi­

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Nouvelles brèves

Invitation à l’assemblée générale Nous avons le plaisir de convier les membres de la SPM à l’assemblée géné­rale 2011 puis à un apéritif dans nos nouveaux locaux à Ostermundigen.

Ordre du jour:1. Allocution de bienvenue par Ruth­

Gaby Vermot­Mangold, présidente de la SPM

2. Approbation du procès­verbal de l’assemblée générale 2010

3. Prise de connaissance du rapport annuel 2010

4. Rétrospective et aperçu par Chri­stoph Wiedmer, directeur

5. Approbation des comptes 2010 6. Présentation du rapport de révision

2010, décharge au comité et nomi­nation de l’organe de révision 2011

7. Election du comité/de la présidence

Nous prions les membres de bien vouloir s’inscrire pour l’assemblée générale avant le 5 mai 2011.Nous vous enverrons tous les documents nécessaires par courrier ou par e­mail.Vous trouverez par la suite des informa­tions complémentaires sur le programme cadre sur notre site Internet.Date: 12 mai 2011, Heure: 19:00, Lieu: secrétariat

de la Société pour les peuples menacés (SPM),

Schermenweg 154, 3072 Ostermundigen.

Inscription: [email protected], tél. 031 939 00 00

Chine: des Ouïghours risquent la tortureAblikim Abdiriyim, fils de la militante des droits de l’Homme ouïghoure Rebiya

Minorités et peuples autochtones de par le monde

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Tamilische intern Vertriebene im Lager «Menik Farm», Distrikt Vavuniya, Sri Lanka, April 2009.

Bassins de décantation toxiques

Les résidus d’uranium stockés dans les bassins de décanta­tion − des étangs artificiels − contiennent encore 80% de la radioactivité «primaire» du minerai. S’y ajoutent les résidus des solutions acides utilisées pour le lavage de l’uranium. La plupart du temps, les bassins ne sont ni entourés de gril­lages ni recouverts. Par conséquent, l’eau s’évapore pendant la saison sèche, permettant au vent de répandre les pous­sières toxiques aux alentours. Durant la saison de la mousson, les bassins débordent fréquemment, si bien que leur conte­nu se déverse dans les cours d’eau les plus proches. Le fond des bassins de décantation n’étant pas étanche, les matières toxiques peuvent en outre s’infiltrer directement dans la ter­re. Selon les termes de la loi indienne sur le nucléaire, toute forme d’habitat est interdite dans un rayon de cinq kilomètres autour des décharges de déchets nucléaires et des bassins de décantation contenant des résidus atomiques. Pourtant, ces prescriptions ne sont très souvent pas respectées.

Bassin de décantation de Talsa, près des mines de Turamdih.

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vent obtenir une indemnisation appropriée. Enfin, et il s’agit peut­être de notre revendication la plus importante, les lieux de culte et les lieux sacrés des Adivasis doivent être conservés, y compris en cas de projet de construction de mine.

Interview: Rahel Zürrer, SPM Suisse

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Nouvelles brèves

Minorités et peuples autochtones de par le monde

1. Touareg, Mali (photo: Emilia Tjernström)

2. Kurde, Turquie (photo: Antonio Perez Rio

3. Quechua, Pérou (photo: Nathan Gibbs)

4. Tibétaine, Chine (photo: Mike Chan)

Kadeer, aurait été torturé dans une pri­son de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, selon sa famille. Selon ses dé­clarations, il est détenu à l’isolement depuis le 3 novembre 2010, après avoir été témoin d’un incident que les autori­tés voulaient tenir secret. Depuis, son état de santé se détériore de plus en plus. Ablikim Abdiriym a été condamné en avril 2007 à neuf ans de prison pour «incitation et participation à des activi­tés séparatistes», sur la base de publi­cation d’articles sur Internet. Selon les médias officiels, ses droits ont été respectés durant la procédure et il a re­connu les faits qui lui étaient reprochés. Sa famille conteste cependant ces décla­rations et affirme que tout «aveu» a probablement été obtenu sous la torture.Source: Amnesty International

Etats-Unis: protestations contre de nouveaux projets de mines d’uranium au Grand CanyonLa société minière canadienne Denison Mines Corporation prévoit trois nou­velles mines d’uranium près du Grand Canyon. En dépit des protestations de la population autochtone de la région, la mine Arizona est exploitée depuis 2009 déjà. Le Grand Canyon fait partie du ter­ritoire originel des Havasupai et des Hualapai. Bien que les deux nations in­diennes aient interdit l’exploitation de l’uranium dans leurs réserves, les autori­tés américaines peuvent octroyer des licences dans les zones voisines. Les In­diens Navajos du Nouveau­Mexique ont souffert jusqu’à aujourd’hui des consé­

quences de l’extraction de l’uranium qui a commencé dès les années 40 sur leurs territoires. Près de 30% de tous les Na­vajos ne disposent d’aucun accès à l’eau potable. Les autochtones concernés lut­tent maintenant contre les nouveaux projets de mines et attendent des auto­rités américaines qu’elles prennent en considération l’être humain et son envi­ronnement avant les intérêts écono­miques et qu’elles n’autorisent aucun nouveau projet à proximité du Grand Canyon.Source: Indigenous Action Media

Suisse: la nouvelle législation per-met de lutter contre l’impunitéDepuis le 1er janvier 2011, la Suisse dis­pose d’une nouvelle législation qui lui permet de sanctionner efficacement le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. La législation introduit les crimes contre l’humanité dans le Code pénal suisse, précise la dé­finition des crimes de guerre et charge le Ministère public de la Confédération de la poursuite de ces crimes. La nou­velle loi donne à la Suisse une plus large compétence pour réprimer ces actes ex­trêmement graves, même s’ils ont été commis à l’étranger.Source: SPM Suisse

Kosovo: communes et villes dépas-sées par le retour des RomsLe retour «volontaire» ou forcé de mil­liers de Roms depuis les pays d’Europe occidentale (France et Allemagne princi­

palement) pose des problèmes majeurs au Kosovo. Une étude de la mission de l’OSCE démontre que les autorités loca­les (les municipalités) kosovares ne sont que très insuffisamment préparées pour la réintégration et le retour. La volonté politique de réintégrer les membres des minorités est insuffisante, la planifica­tion et les moyens financiers font défaut, tout comme la coordination et la coopé­ration entre les différentes instances. Cela dans un contexte difficile: les Roms retournant au Kosovo n’ont qu’un accès très limité à la propriété, étant donné que leurs maisons ont souvent été dé­truites au cours de la guerre, leurs pos­

sibilités de trouver un travail sont pra­tiquement inexistantes et ils sont discriminés dans l’accès aux services de santé, sociaux et scolaires. A cela s’ajoutent encore des craintes en matiè­re de sécurité et une liberté de déplace­ment restreinte. Source: OSCE Mission in Kosovo, Municipal re-

sponses to displacement and returns in Kosovo,

Pristhina, Novembre 2010

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Kosovo: Les jeunes Roms sont particulièrement concernés par la pauvreté et le manque de perspectives d’avenir dans le Kosovo de l’après­guerre, mais leurs besoins et demandes spécifiques ne sont pas pris en considération. En novembre 2010, la SPM a organisé un atelier avec neuf jeunes Roms des cinq principales régions du Kosovo qui s’engagent de­puis longtemps pour leurs communautés en tant qu’enseig­nant, éducateur et travailleur social. L’objectif était de les réunir en réseau et de les soutenir par le biais de nouvelles connaissances. En tant que jeunes leaders, ils pourraient jouer un rôle important pour le développement des commu­nautés roms. Lors de cet atelier, l’idée a surgi de créer une organisation de jeunesse nationale qui pourrait défendre les intérêts des jeunes Roms au Kosovo.

Brésil: Des recherches conduites par la SPM et l’organi sation pour la protection de l’environnement brésilienne Kanindé ont révélé l’automne dernier que la construction du méga­barrage de Belo Monte va entraîner une industrialisation à grande échelle au cœur de l’Amazone, ce qui constitue une menace aussi bien pour les autochtones vivant dans les réserves que pour ceux avec lesquels aucun contact n’a encore été établi. C’est pourquoi SPM et Kanindé, soutenues par douze organisations non gouvernementales, ont adressé en décembre 2010 un recours au Ministère public fédéral brésilien. Elles exigent notamment le report de la construction du barrage de Belo Monte.

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Iran: En 2005, de nombreuses minorités iraniennes ont lancé une initiative commune visant à une meilleure in­tégration de minorités pour l’Iran du futur. Dans le cadre de cette initiative, la SPM a organisé en décembre 2010 un séminaire à l’Institut du fédéralisme de Fri­bourg. Douze représentantes et représentants de diffé­rentes minorités iraniennes (parmi lesquelles les Kurdes, les Baloutches et les Arabes) ont pu se familiariser avec le modèle fédéraliste suisse. L’objectif du séminaire était de discuter de différents modèles fédéralistes pos­sibles pour l’Iran du futur.

Chine: Depuis début 2011, la Suisse négocie un accord de libre­échange avec la Chine. En novembre 2010, la SPM, en collaboration avec d’autres organisations et la célèbre mili­tante ouïghoure Rebiya Kadeer, a exigé de la part du Con­seiller fédéral compétent, Johann Schneider­Ammann, que cet accord respecte et promeuve les droits humains. Les en­treprises suisses ne doivent pas profiter des mauvaises con­ditions des droits de l’Homme en Chine. L’accord de libre­échange doit non seulement être un succès pour l’économie suisse mais doit aussi contribuer à l’amélioration de la situ­ation des droits de l’Homme en Chine.

Sri Lanka: En décembre 2010, la SPM a adressé une requête à la Commission d’experts de l’ONU pour le Sri Lanka pour demander une enquête indépendante au sujet des crimes de guerre commis aussi bien par l’armée sri­lankaise que par les Tigres tamouls. La commission d’experts doit conseiller le secrétaire gé­néral de l’ONU Ban Ki Moon pour la procédure con­cernant les violations massives des droits humains dans les derniers mois de la guerre civile sri­lan­kaise. La SPM est convaincue qu’il existe suffisam­ment de preuves pour lancer une enquête.

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D’innombrables femmes ont été tuées ou ont souffert de graves blessures dans les camps de concentration de Foca, Soko­lac, Visegrad, Brcko, Vlasenica, Vogosca et Prijedor. D’autres ont subi des viols répétés et sont tombées enceintes. A leur libération, leur grossesse était sou­vent déjà trop avancée pour avoir re­cours à l’avortement. Bon nombre de ces enfants ont été placés en orphelinat.

Victimes oubliéesLa plupart des victimes de viols qui ont survécu sont tombées dans l’oubli après la guerre. C’est seulement en 1999, lors de la création de la section féminine de l’association des survivants et survi­vantes des camps de concentration du canton de Sarajevo que le silence entou­rant les victimes des viols systématiques a été levé.

La Société pour les peuples menacés (SPM) nous a particulièrement soutenues dans ce travail si important. Elle s’est engagée, avec d’autres organisations de Bosnie­Herzégovine, pour une recon­naissance juridique des victimes de viols. En tant que victimes civiles de guerre, leur souffrance n’a longtemps été recon­nue par aucune loi. Elles ne recevaient ni soutien ni subventions de l’Etat. Grâce

à cet engagement, les victimes de viols ont obtenu le statut juridique de victime civile de guerre depuis 2006, du moins dans une partie du pays, la Fédération de Bosnie et Herzégovine. Depuis ce jour, une partie des femmes reçoit également une rente mensuelle pour incapacité de travail.

Les coupables restent souvent impunisLe combat pour cette reconnaissance se poursuit pourtant au niveau national. La situation est particulièrement difficile pour les victimes de viols qui sont re­tournées dans la République Serbe de Bosnie, la partie de Bosnie contrôlée par la Serbie: elles ne bénéficient toujours d’aucune aide. Seules les victimes de guerre serbes reçoivent un soutien fi­nancier dans la Republika Srpska. C’est une des raisons pour lesquelles un re­tour dans leurs lieux d’origine n’est pas envisageable pour les femmes non serbes. Qui plus est, les tortionnaires de ces femmes vivent encore là­bas. Ils sont libres et certains d’entre eux ont des postes influents dans l’administration communale, les services de police ou dans la justice. La grande majorité des violeurs et tortionnaires serbes n’ont ja­

mais été condamnés pour leurs crimes et pour que cela reste ainsi, les torti­onnaires menacent lourdement leurs vic­times si elles se risquent à retourner dans leur patrie. C’est pourquoi la plu­part des victimes de viol sont expatriées à Sarajevo et dans d’autres villes du cen­tre de la Bosnie, bien souvent dans des logements provisoires.

Environ 80% des femmes concernées ont perdu leurs maris ou d’autres parents masculins durant la guerre. 90% d’entre elles sont sans travail et n’ont pas de revenu régulier. Malgré le grand trauma­tisme dont souffrent presque toutes ces femmes, elles ne bénéficient d’aucun suivi psychothérapeutique adapté et ne sont pas en mesure d’assumer les frais des traitements médicaux nécessaires.

Soutien et solidaritéLa section féminine de l’association des survivants et survivantes des camps de concentration réunit près de 1000 femmes, toutes victimes de viols, tor­tures et mauvais traitements. Ces femmes meurtries y trouvent un grand réconfort, elles peuvent se rencontrer régulière­ment dans nos locaux et parler de la souffrance vécue durant la guerre ainsi que des problèmes d’aujourd’hui. Dans ce contexte, il nous est possible de parler sans tabou du vécu de chacune, de se laisser aller aux larmes et d’échanger des expériences. Entre autres, nous leur pro­posons un cours de couture et de confec­tion pour conserver une activité et leur offrir des perspectives à long terme. Nos activités communes sont devenues une véritable thérapie, car ces moments rap­pellent aux victimes le temps où elles vi­vaient encore heureuses et insouciantes avec les êtres aimés.

Enisa Sacinovic, présidente de la section fémi-

nine de l’association des survivants des camps de

concentration et membre du Comité SPM en Bosnie

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Survivantes du violDurant la guerre de Bosnie-Herzégovine, plus de 20 000 femmes, pour la plupart bosniaques, ont été violées et emprisonnées durant des mois dans les camps de concentration par les soldats de Ka-radzic, des voisins et des connaissances serbes. Leur souffrance risque de tomber dans l’oubli.

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Thérapie par la couture: des cours de couture permettent aux femmes de parler de leur vécu et les aident à surmonter leurs traumatismes.

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l’AUC: l’objectif principal était de com­battre les guerillas, mais les paramili­taires ont en même temps dépossédé les petits paysans de leurs terres sur ordre de grandes entreprises. Il s’avère que le gouvernement a également agi de ma­nière douteuse.«Impunity», Juan José Lozano et Hollman Morris,

Colombie, 2010.

Europe: «Ascenseur pour les Fachos»En Europe, l’extrême­droite semble avoir sa place dans le débat politique. Glo­balement, elle est à son plus haut ni­veau historique dans 18 pays. Dans cinq Etats − l’Italie, le Danemark, la Suisse, la Slovaquie et la Lettonie −, elle fait par­tie des majorités au pouvoir. Les «fa­chos» se sont alliés à la droite classique dans de nombreux pays. En Italie, Ales­sandra Mussolini, la petite­fille du Duce, soutient Berlusconi. La municipalité de Rome s’est choisi un maire issu de l’extrême­droite. En ex­Allemagne de l’Est, le NPD, parti néonazi, réalise de bons scores électoraux, avec un discours clairement raciste. «Europe: Ascenseur pour les Fachos», Barbara Con-

forti et Stéphane Lepetit, France, 2009.

Festival du film et forum sur les droits humains

(FIFDH) à Genève, du 4 au 12 mars 2011

Programme et informations: www.fifdh.org

Festival international de films de Fribourg

Pérou: «Paraíso»Cinq adolescents, trois garçons et deux filles, vivent dans un quartier de réfu­giés, situé au sud de Lima, qui se nomme, comme par antiphrase, Los Jar­dines del Paraíso, les jardins du paradis. Ils partagent avec leurs parents le sou­venir de la guerre entre l’armée et le Sentier lumineux et de ses massacres. Ils ont pourtant un fort désir de s’en sortir. Mais dans leur monde clos, vide

d’opportunités, ils ont peu d’espoir. Le réaliateurs Hector Galvez a travaillé pour une ONG qui opère dans le quartier, en fait un bidonville, du sud de Lima, qui sert de décor à son film. Même si c’est un film «scénarisé», dialogué, mis

en scène, Paraíso possède certains ca­ractères d’un documentaire. Les acteurs sont non professionnels, ils parlent un mélange d’espagnol et de quetchua, ty­pique de la zone et possèdent l’esprit de la communauté. «Paraíso», Hector Galvez, Pérou, 2009.

Kosovo: «Gomarët e Kufirit»A la fin des années 1970, le Kosovo sert de frontière à la Yougoslavie titiste (dic­tature moyennement molle) face au ré­gime albanais (totalitaire hyperdur) d’Enver Hodja. Un jour, l’âne du commis­saire du peuple albanais passe chez les «révisionnistes». Emoi des deux côtés. Le quadrupède est­il un espion ? se de­mandent les Yougoslaves. A­t­il été en­levé ? s’interrogent les soldats du Stali­ne des Balkans. Dans les populations, l’émoi n’est pas moins grand. Le réalisa­teur Jeton Ahmetaj a mis en scène une comédie burlesque qui se moque des deux anciens régimes, communistes tous les deux mais ennemis, l’albanais et le yougoslave. «Gomaret e Kufirit», Jeton Ahmetaj, Kosovo, 2009.

Festival international de films de Fribourg (FIFF),

du 19 mars 2011 au 26 mars 2011.

Programme: www.fiff.ch

Deux festivals de films se dérou­lent presque simultanément ce

printemps: il s’agit d’une part du Festi­val du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) à Genève et, d’autre part, du Festival international de films de Fribourg (FFIF). Nous vous re­commandons ci­après quelques films consacrés aux droits humains.

Festival du film et forum internatio-nal sur les droits humains Genève

«Then and now, beyond Borders and Differences»«Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion»: ainsi commence l’article 18 de la Décla­ration universelle des droits de l’Homme de l’ONU. Basé sur cet article, le film ras­semble 11 différents courts­métrages de réalisateurs des cinq continents. Les ci­néastes démontrent les différences, mais aussi et surtout les convergences entre les différentes cultures, religions et tra­ditions. Les courts­métrages sont réali­sés par des cinéastes de renom tels que Robert Wilson, Jafar Panahi, Idrissa Ouédraogo ou encore Huseyin Karabey.«Then and now, beyond Borders and Differences»,

production de l’ONG Art of the World.

Colombie: «Impunity»Depuis les années 1960, une guerre ci­vile meurtrière fait rage en Colombie en­tre l’armée et les guerilleros des FARC. Les groupes paramilitaires tels que l’Autodefensas Unidas de Colombia (AUC) en particulier ont commis d’innombrables actes de violence contre la population civile. En 2000, le gouvernement colom­bien a commencé à recueillir des preuves contre les paramilitaires. La Commission pour la paix et la justice créée à cet ef­fet a appelé les paramilitaires à déposer les armes et à se rendre volontairement, en échange de peines réduites. Des poli­tologues analysent le double jeu de

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Service

Une voix pour les persécutéswww.gfbv.ch

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