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VIABILITE BUDGETAIRE ET FONDS DE REGULATION DES RECETTES EN ALGERIE
Madame BELKACEM Djamila et Madame MOUSSI OumElkheir1
[email protected] [email protected]
ABSTRACT
Like many dependent countries for growth on natural resources, Algeria is facing price volatility in
international markets and resource depletion.
In Algeria, the factors behind the growth of budget revenues are primarily related to the favorable
evolution of the export price and the volume of oil exported. Regarding prices, Algeria is a price-taker
and has therefore no influence on the international markets for oil and as a member of OPEC, as the
majority of the members; it does not meet the quotas imposed by the cartel. More, supply from the
OPEC tends increasingly to become marginal in relation to the global supply. Moreover, according to
the International Energy Agency (IEA), the peak oil was reached in 2007/2008, which puts Algeria in
a critical position on oil revenues and therefore on oil tax revenues.
In order to ensure fiscal sustainability, the Algerian government established in 2000 a Stabilization
Fund called Fund Revenue Regulation (Trust Account). This fund is financed by the capital gains tax
resulting from a price level per barrel higher than expected in the budget forecast. Initially, the fund
was created for precautionary savings to cope with the volatility of oil prices. However, since 2006 a
part of the fund could be used to finance the budget deficit. Since 2009 the budget deficit is chronic
and requires the use of the stabilization fund, which raises the problem of its sustainability. These
deficits are the result of the expansion and the inefficiency of operating and equipment expenses.
In this paper, we propose to study fiscal sustainability in Algeria through the use of the fund revenue
regulation. Our study will be done through an economic and statistical approach.
Key words: stabilization fund, budget deficit, budget viability, budget expenditures, Malthusian
approach
RESUME.
A l’instar de nombreux pays dépendant pour leur croissance de ressources naturelles, l’Algérie est
confrontée à la volatilité des prix sur les marchés internationaux et à l’épuisement des ressources. En
Algérie, les facteurs à l’origine de l’expansion des recettes budgétaires sont essentiellement liés à
l’évolution favorable des prix à l’exportation des hydrocarbures et au volume exporté. Concernant les
prix, l’Algérie est un price-taker et n’a de ce fait aucune influence sur les marchés internationaux des
hydrocarbures et en tant que membre de l’OPEP, comme la majorité des membres, elle ne respecte pas
les contingents imposés par ce cartel. De plus l’offre émanant de l’OPEP tend de plus en plus à
devenir marginale relativement à l’offre mondiale2. Par ailleurs, selon l’Agence Internationale de
l’Energie (AIE)3, le peak- oil a été atteint en 2007/2008, ce qui met l’Algérie dans une position
critique en matière de revenus pétroliers et par conséquent de recettes fiscales pétrolières.
1 Les auteurs sont Professeurs à l’Ecole Nationale Supérieure de Statistique et d’Economie Appliquée ENSSEA, Algérie . Emails : [email protected], et [email protected], 2 Rapport du FMI, n°05/52 , mai 2006, page 10 3 IEA WEO 2012
2
Dans le but de garantir la viabilité budgétaire à long terme, les pouvoirs publics algériens ont créé en
2000 un fond de stabilisation appelé Fonds de Régulation des Recettes (compte d’affectation
spéciale). Ce fonds est alimenté par les plus values fiscales résultant d’un niveau de prix de baril de
pétrole supérieur aux prévisions de la loi de finances. Initialement, ce fonds devait constituer une
épargne de précaution permettant de faire face à la volatilité des prix pétroliers. Cependant, à partir de
2006 une partie de ce fonds pouvait être prélevée pour financer le déficit budgétaire. En effet, depuis
2009 le déficit budgétaire est chronique et nécessite le recours à ce fonds de stabilisation, ce qui pose
le problème de sa pérennité. Ces déficits budgétaires sont le résultat de l’expansion et de l’inefficacité
des dépenses aussi bien de fonctionnement que d’équipement.
Dans cet article, nous nous proposons d’étudier la viabilité budgétaire en Algérie à travers
l’utilisation du fonds de régulation des recettes. Notre étude se fera à travers une approche
économique et statistique.
Mots clés : fonds de stabilisation, déficit budgétaire, viabilité budgétaire, dépenses budgétaires,
approche malthusienne.
Introduction
Les plus anciens fonds souverains ont été créés en Asie (Koweit, Singapour…) au cours des années
1950. Depuis, ils ont connu une multiplication et une diversification tant en ce qui concerne leurs
origines, leurs objectifs que leurs montants. Les fonds souverains sont présents dans de nombreux pays
du monde, mais ce sont les Emirats Arabes Unis et es autres pays du Golfe qui occupent la première
place en termes de montants. En effet, les pays pétroliers du Golfe de par leurs excédents financiers
issus des exportations des hydrocarbures, se sont constitués des fonds souverains encouragés par la
montée des prix de ces produits mais dans le but essentiel est aussi de s’assurer des revenus les
prémunissant contre la volatilité de ces prix.
L’Algérie, à l’instar de ces pays est exclusivement dépendante de ces produits pour ses recettes
d’exportation mais dont la volatilité des prix a profondément restructuré son économie,
particulièrement à partir des années 1990 avec la mise en œuvre, sous l’égide du FMI et de la Banque
Mondiale, d’un ensemble de programmes de stabilisation et d’ajustement structurel. Afin d’éviter
qu’une telle situation ne se renouvelle, les autorités ont mis en place à partir du début des années 2000,
un fonds souverain le Fonds de régulation des Recettes : le FRR.
I. Les Fonds souverains dans le monde
Les nombreuses dénominations donnés aux fonds souverains (Boudet, 2012) reflètent l’absence de
définition homogène et faisant le consensus des auteurs et des institutions qui les utilisent. Nous
nous rapportons donc à celle donnée par le FMI.
Selon la définition donnée par le FMI en 2008 les fonds souverains sont « Sovereign Wealth
Funds (SWFs) are government-owned investment funds, set up for a variety of macroeconomic
purposes. They are commonly funded by the transfer of foreign exchange assets that are invested
long term, overseas ».
Ils opèrent soit au niveau national (à l’origine) ou à l’international et pour des objectifs divers dont
la typologie qui se décline comme ci-dessous se rapporte essentiellement à leur origine (Belaicha,
Bouzidi et Labaronnes 2008) et (Raymond, 2010) :
- Les Fonds issus des matières premières (commodity sovereign wealth funds): Il
s’agit d’épargne de précaution constituée à partir des revenus fiscaux liés à ces
produits (pétrole, gaz, métaux précieux …) tels que : les fonds de régulation, les
fonds d’épargne intergénérationnelle, les fonds de réserves de changes, les fonds de
stabilisation etc.
3
- Les autres Fonds non liés aux matières premières : sont générés par des excédents
fiscaux, de la balance des paiements, fonds de retraite etc. mais sans lien avec la
rente.
Tableau n° I : répartition des fonds souverains par motif principal et financement
Diversification des
réserves de change
Diversification
économique
L’efficacité
économique
Equité
intergénérationnelle
Fonds matières
premières
Russie Emirats Arabes Unis Koweït
Norvège
Arabie Saoudite
Fonds issus des
excédents financiers
Chine Singapour Chine
Singapour
Source : H. Reisen, Deutsche bank Research , research notes 28, Working paper series, july 2008.
L’évolution des fonds souverains est étroitement liée à celle des prix des matières premières et aux
crises financières internationales (les fonds souverains issus des revenus des hydrocarbures
représentent à eux seuls plus de 60% en 2013 et ont pour origine l’Asie).
Toutefois, c’est à partir des années 2000 et plus particulièrement en 2007 et 2008 que les fonds
souverains ont enregistré une expansion sans pareille et jouent un rôle de plus en plus important en
s’impliquant dans la gestion de la crise financière de 2008 par le financement et le soutien apporté
aux banques en difficulté. Ainsi, entre 2007 et 2014 le montant géré par les fonds souverains a
triplé atteignant les 7000 milliards de dollars US en 2014 et ce malgré les pertes occasionnées par
les mauvais placements. Cette situation a poussé les investisseurs à changer de mode opératoire
en adoptant une stratégie de diversification sectorielle et géographique en passant du secteur de la
finance à d’autres secteurs comme l’industrie (prise de participation) et des pays développés aux
pays émergents (Jen, 2007).
Graphen°1 : Actifs gérés par les fonds souverains (en milliards de dollars)
Source : The 2015 Preqin Sovereign Wealth Fund Review .
Les fonds souverains, seuls ou en partenariat avec d’autres institutions financières privées (joint
venture) peuvent ainsi prendre la forme d’investissements directs étrangers à l’exemple du Fonds
souverain d’Abu- Dhabi (OCDE, 2008) qui mène une politique de diversification de
l’investissement dans diverses activités (infrastructures, énergie …en Afrique du nord et au
Moyen Orient) en s’alliant avec des institutions financières privés (HSBC holdings, UBS…). Le
passage de la spéculation pure, en agissant uniquement dans les marchés financiers, à la
diversification induite par la recherche de retour sur investissement de moins en moins risqué et de
Motif principal
Financement
4
plus en plus rentable à moyen et long terme, a favorisé la demande de financement à travers les
fonds souverains aussi bien dans les pays développés que moins développés. En effet, dans les
pays en développement et émergents où les marchés financiers sont moins développés et parfois
absents, ce sont plutôt les projets d’investissement qui sont demandeurs de capitaux étrangers.
Graphe n° 2 : Investissements des fonds souverains par activité
Toutefois, bien que fortement sollicités lors de la crise financière, cette nouvelle voie empruntée
par les fonds souverains inquiète et soulève des appréhensions dans les pays développés la
considérant comme une menace pour leur souveraineté nationale. De nombreux auteurs, tout en
admettant les effets stabilisateurs des fonds souverains, particulièrement lors de crises financière,
ont relevé certains effets déstabilisants induits notamment par l’élargissement du portefeuille des
fonds souverains.
Tableau n°2 : Effets potentiels de stabilisation et de destabilisation des fonds souverains.
Effets potentiels de stabilisation Effets potentiels de destabilisation
Gestion macro-économique de flux capitaux
Diversification de portefeuille et partage de risque
Traitement des questions structurelles à long terme
Apport de liquidité aux marchés financiers
Stratégie d’investissement de long terme
Résorption graduelle des déséquilibres mondiaux
Capacité de déclencher des comportements grégaires
Manque de transparence et recherche de gains rapides
provoquent une volatilité de court terme
Risque de protectionnisme financier en raison de
motivations sans but lucratif d'investissement
Contrôle des managers et problèmes d’agence
Ajustement brutal des déséquilibres mondiaux
Source : Gomes T. “ The Impact of Sovereign Wealth Funds on International Financial Stability »,
Discussion Paper /Document d’analyse 2008-14, Banque du Canada, 2008.
En effet, à l’exception de quelques fonds souverains tels que ceux de la Norvège et du Canada, la
majorité d’entre eux ne divulgue pas ou très peu d’informations sur les actifs et leur montants, la
gestion et les stratégies poursuivies. (FMI, 2008)
Graphe n°3 : niveau de transparence des fonds souverains
5
Source : rapport Demarolle (2008), P. 7
Aussi, et afin de clarifier davantage le rôle et l’intervention des fonds souverains sur les marchés
financiers, des institutions internationales à l’instar du FMI et de l’OCDE, ont élaboré un
ensemble de principes appelant à plus de transparence et de bonne gouvernance pour éviter la
génération d’effets néfastes de ce type de flux de capitaux et le recours au protectionnisme par
certains pays.
Les principes de l’OCDE (rapport de 2008) s’inspirent du code sur la libération des capitaux de
1961 et la version révisée de 2000 de la déclaration sur l’investissement international et les firmes
multinationales. Ils se déclinent comme suit :
- La non-discrimination : liberté d’accès au marché aux FS au même titre que les autres
investissements que ceux-ci soit ou non issus des pays de l’OCDE.
- La transparence : les informations sur les restrictions à l’investissement étranger
doivent être accessibles à tous
- Libération progressive : les pays s’engagent à éliminer progressivement les
restrictions à la libre circulation des capitaux.
- Statu quo : les pays s’engagent à ne pas mettre en œuvre d’autres restrictions.
- Libération unilatérale : les pays s’engagent à faire profiter les autres membres des
mesures de libration.
Pour les pays membres du FMI, les principes retenus lors de la réunion de Santiago au Chili (PPGA :
principes et pratiques généralement acceptés), sont au nombre de vingt quatre (24) et sont guidés par
les objectif suivants :
- Contribuer à la stabilité financière internationale et à la libre circulation des capitaux
et des investissements.
- Se conformer à la réglementation et obligation de communiquer l’information dans le
pays d’accueil.
- Réaliser les investissements en prenant en considération les risques économiques,
financiers et les rendements.
- Assurer une gouvernance transparente et saine.
II. Les fonds souverains en Algérie
Le caractère mono exportateur de l’Algérie s’est exacerbé avec la libéralisation du
commerce extérieur imposée par les institutions financières internationales comme
mesure des programmes de stabilisation et d’ajustement structurel durant les années 1990.
Cette spécificité fragilise fortement l’économie nationale en la rendant de plus en plus
dépendante d’un marché pétrolier et gazier où les prix sont très volatiles.
6
En Algérie, On dénombre deux fonds souverains de type commodity funds . Le premier
est un fonds de réserves de changes, le deuxième un fonds de recettes fiscales ou fonds
de régulation des recettes : le FRR. Ces fonds de régulation et de stabilisation ont été
créés pour faire face à cette volatilité des prix des hydrocarbures qui affecte sensiblement
le niveau des recettes extérieures et fiscales de notre économie. En effet, la chute de ces
prix à la fin de la décennie 1980 avait profondément impacté la situation financière de
l’Algérie dont le redressement, n’avait, alors été rendu possible qu’en recourant à un
rééchelonnement accompagné d’un programmes d’ajustement structurel dont les
conséquences marquent encore notre économie.
C’est dans le but d’éviter qu’une telle situation ne se renouvelle4, que ces fonds ont été
crées à la faveur de l’augmentation des prix des hydrocarbures sur la marché
international.
1. Le fonds de réserves de changes
Concernant le premier fonds, il est géré par la Banque d’Algérie et constitué de
l’excédent de la balance commerciale rendu possible grâce à la remontée des cours des
hydrocarbures au cours de la décennie 2000, et pourrait être qualifié de fonds de
précaution selon le rapport du FMI (2012).
Graphe n°4 : Evolution des réserves de change et du prix du pétrole en milliards de $US
Source : Données de la Banque d’Algérie et INSEE
En effet, en prenant comme critère de classement le ratio : réserves de change/mois
d’importations de biens et services, on trouve qu’il est relativement élevé à ceux des pays
exportateurs de pétrole.
4 Ce type de situation, qui se caractérise par des transformations dans les secteurs de l’économie à travers des perturbations au niveau de la valeur ajoutée et de l’emploi induites par la forte dépendance de l’économie aux ressources naturelles ; est qualifiée de Deutsch desease ( Corden M. and Neary J. P, 1982) et (Belkacem D. 2008).
0
50
100
150
200
250
1998 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Reserves de change Prix du baril de pétrole
7
Source : FMI (2012).
Pour ces réserves les autorités monétaires ont opté pour des rendements faibles mais à
moindre risque que sont les valeurs d’Etat, sans diversification : « A l’heure actuelle,
nous sommes dans une logique de fonds souverains, mais investir nos fonds en devises
sur des parts de sociétés n’est pas notre choix de gestion »5.
Ces placements majoritairement à revenus fixes (très peu de statistiques disponibles
concernant ce fonds) rapportent environ 2 à 3% générant 2,5 milliards de dollars chaque
année. Par ailleurs, les réserves de changes ont également servies au remboursement par
anticipation de la dette extérieure en 2004-06 et dont le montant est passé de trente
milliards (30) de dollars US en 2000 à 5,2 milliards en 2014.
2. Le Fonds de régulation des recettes : le FRR
Le classement mondial des fonds souverains pétroliers donne la 14eme place à l’Algérie en 2012 de
par son montant. Parmi les pays africains l’Algérie occupe la première place par son montant en 2012
suivi par la Lybie
Graphe n° 4 : classement des FS africains
Source : R. Yonga 2014 (African-Markets)
Le FRR est un compte d’affectation spécial créé en 2000 (loi n°2000-02 de juin 2000), son
fonctionnement a été décrit par le décret exécutif de février 2002 qui en a fixé les modalités. Il
retrace :
5 Discours du Ministre des finances algérien, Karim DJOUDI. Ministère des finances. 2012
8
- En recettes : les plus-values fiscales résultant d'un niveau des prix des hydrocarbures
supérieur aux prévisions de la loi de finances; Toutes autres recettes liées au
fonctionnement du Fonds.
Les prévisions de la loi de finances fixent un prix fiscal à 37 $ révisable toutes les dix
années et calculé comme une moyenne arithmétiques des prix des hydrocarbures des
dix (10) dernières années.
- En dépenses : la régulation de la dépense et de l'équilibre budgétaires fixés par la loi
de finances annuelle; La réduction de la dette publique.
C’est à partir de 2000, à la faveur de la remontée des prix des hydrocarbures, que la reconstitution des
avoirs extérieurs va permettre au FRR d’enregistrer une évolution expansive alors même que des
prélèvements vont être effectués sur ce compte.
Officiellement, le FRR a pour mission la couverture du déficit budgétaire induit par une baisse des
recettes d’hydrocarbures en dessous des recettes budgétisées et le paiement de la dette national.
L’évolution du FRR est donc largement influencée pour son alimentation par les recettes fiscales et
pour le rythme d’épuisement par les dépenses budgétaires.
L’objectif de ce fonds n’est donc pas de réaliser une épargne intergénérationnelle comme dans le cas
de certains pays détenteurs de fonds souverains à l’exemple de l’Arabie Saoudite mais de permettre de
réguler ou d’ajuster le budget de l’Etat et de le stabiliser.
Graphe n° 5 : Evolution des recettes, dépenses budgétaires, FRR
Sources : construit à partir des donnes du ministère des finances, dgpp (direction générale de la prévision et des politiques.
Nous remarquons que l’évolution de l’écart entre les recettes et les dépenses (le déficit) se creuse de
plus en plus particulièrement à partir de 2009. Cela est dû d’une part à une baisse des recettes
budgétaires et d’autre part à une augmentation des dépenses. Le FRR, lui, amorce une baisse
notamment à partir de 2012. La baisse des recettes est le résultat des fluctuations des prix des
hydrocarbures sur le marché international sur lequel l’Algérie n’est qu’un « price-taker ». L’expansion
des dépenses a été induite autant par l’augmentation des dépenses de fonctionnement : augmentation
de la masse salariale (multipliée par 6 entre 2000 et 2014) et des transferts sociaux que par celle des
dépenses d’équipement liées à la mise en œuvre depuis 2000 de vastes programmes de relance de la
croissance et de création d’emplois. Au fil du temps, ces dépenses sont devenues incompressibles, ce
qui pourrait s’expliquer en partie par l’augmentation de la population mais beaucoup plus par une
mauvaise allocation et gestion des ressources financières affectées à ces programmes. En effet, la
réalisation des objectifs contenus dans ces programmes a été marquée par des surcoûts générés par des
prolongations importantes des délais de réalisations (Rapport Banque Mondiale, 2007).
Ainsi, les prélèvements effectués pour combler le déficit budgétaire sont devenus de plus en plus
importants notamment à partir de 2006 où ils servent exclusivement à cet objectif, alors qu’entre 2000
et 2009 (Ministère des finances), les prélèvements servaient aussi au paiement de la dette publique:
-
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
7 000
8 000
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
RB DB PLUS VALUE(FRR)
9
Graphe n° 6 : Evolution des prélèvements, du FRR et du déficit budgétaire
Source : données de la dgpp (ministère des finances).
Les auteurs ayant traité des fonds souverains ont insisté sur la bonne gouvernance de ces fonds afin
qu’ils servent réellement les intérêts des pays dont ils sont issus et des pays d’accueil en se conformant
aux principes de Santiago.
Graphe n°7 : indice de conformité aux principes de Santiago (2014)
Dans le cas de l’Algérie (Belaiche et al, 2012) appelle à la création d’un fonds d’investissement dans
la sphère productive et plus particulièrement pour le développement du secteur de l’industrie qui
connait un déclin et une désindustrialisation par le Deutsch desease depuis les années 1980. Hadj-
Nacer (2009) propose d’orienter les fonds souverains algériens vers le secteur industriel mais par le
biais des prises de participation dans les entreprises internationales et ce afin de bénéficier de
transferts de technologies, des savoirs et des cultures d’entreprise. Nous recommandons ainsi une
diversification entre une exploitation interne et externe tout en maintenant un niveau optimal de
réserves des ressources naturelles pour les générations présentes et futures.
III. APPLICATION EMPIRIQUE
Modélisation des variables recettes et dépenses :
-4000
-3000
-2000
-1000
0
1000
2000
3000
4000
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
déficit PLUS VALUE(FRR) Total prélèvement
10
L’objectif de cette partie est de construire un modèle rendant compte du comportement du rythme
de croissance des recettes, des dépenses budgétaires et du fonds de régulation des recettes en
Algérie. Pour cela on dispose de données annuelles sur la période 2000-2014.
L’analyse descriptive de ces variables montre qu’elles varient selon des taux de croissance
fluctuants (variables dans le temps).
Graphe n°8 : Evolution des taux de croissance des Dépenses, Recettes et du FRR
-1000%
0%
1000%
2000%
20
01
20
03
20
05
20
07
20
09
20
11
20
13
Taux de croissance du FRR
Taux decroissance du
FRR
Ceci nous amène à essayer de leur adapter le modèle exponentiel(ou malthusien) sous l’hypothèse que
les taux respectifs de chaque variable soient considérés comme aléatoires.
Ce modèle a été proposé par Thomas Malthus en 1798 dans le cadre de l’étude des populations. Il
suppose que la population possède un taux de reproduction r constant, simple différence du taux de
natalité et du taux de mortalité, car la population est supposée isolée c’est à dire qu’aucune migration
n’est envisagée.
Si désigne la taille de la population étudiée à l’instant t et sa taille après une génération, on
a donc pour l’accroissement de la population entre les instants t et t + 1 la
formule :
.
Ceci signifie que la population croit entre les instants t et t+1 avec une proportion r de égale à
. On peut réécrire cette formule en exprimant l’effectif à l’instant t+1 en fonction de l’effectif à
l’instant t sous la forme d’une relation de récurrence :
= + :
Si l’on connait la valeur de (appelée condition initiale), on peut donc calculer la valeur de à tout
instant t (la variable devient alors une fonction de t):
= .
Ceci signifie que la suite des valeurs de est une suite géométrique de raison ) et
Donc on déduit l’équation différentielle suivante :
11
Où est un facteur constant représentant le taux de croissance de la variable
Ce modèle correspond à une croissance exponentielle de la population lorsque r est positif d’où son
nom de modèle exponentiel ou modèle malthusien.
Résultats empiriques
En notant la variable recette, son taux de croissance et en adaptant le modèle de Malthus à
notre contexte on obtient :
Le graphe de l’évolution du taux de croissance des recettes nous suggère d’approximer ce dernier par
une fonction polynomiale. D’où l’équation différentielle suivante obtenue pour l’évolution des
recettes :
En procédant de manière identique et en notant (respectivement F(t)) la variable dépenses
(respectivement la variable FRR) et son taux de croissance (respectivement s(t)) on obtient :
Graphe n°8 : Résultats de la résolution des équations différentielles
0 1 2 3 4 5 6-0.5
0
0.5
1
1.5
2
2.5
3x 10
4
temps
Recett
es ,
Dépenses ,
FR
R
Recettes
Dépenses
FRR
12
Le graphe ci-dessus représente simultanément les évolutions des recettes, des dépenses budgétaires et
du fonds de régulation des Recettes. On a pris comme valeurs initiales les recettes et les dépenses
correspondant à l’année 2014 et on a effectué la résolution sur une période de six ans à compter de
l’année 2014.
On constate que l’écart entre les Dépenses et les Recettes est de plus en plus important au fur et à
mesure qu’on avance dans le temps.
Donc à long terme les recettes sont loin de couvrir les dépenses puisque celles- ci évoluent beaucoup
plus rapidement que les recettes, rendant l’écart entre les deux variables de plus en plus accentué.
Le FRR dont l’objectif est de couvrir l’écart entre les recettes et les dépenses est tout comme les
recettes, sujet à volatilité. On constate qu’il est en deçà de l’écart entre les recettes e les dépenses alors
qu’il est sensé le combler.
Le prix fiscal calculé sur la base de la moyenne arithmétique des dix dernières années comme donné
précédemment, biaise les prévisions du fait de sa trop longue périodicité (10 ans) relativement aux
fluctuations des prix des hydrocarbures. En conséquence, les recettes d’hydrocarbures seront sous
estimées et l’alimentation du fonds souverain compromise.
Il serait donc nécessaire de revoir la détermination du prix fiscal en tenant compte des fluctuations du
prix du baril de pétrole. Une estimation basée sur des moyennes mobiles à périodicité variable serait à
étudier.
CONCLUSION
Les fonds souverains issus des excédents pétroliers sont souvent porteurs de la maladie hollandaise,
hypothéquant ainsi les ressources des générations futures. Certains pays, dotés de ressources
naturelles, tels que ceux de la Norvège et du Canada, ont su mettre à profit les fonds souverains issus
de ces ressources pour une amélioration de la situation économique et du bien-être social qui passent
par une transparence et une définition des objectifs sains et clairs pour ces fonds.
En Algérie, se doter d’un fonds souverain de stabilisation et d’un autre à rendements faible, n’est pas
suffisant pour compenser la surexploitation des ressources non renouvelables. IL serait plus opportun
de créer un fonds national d’investissement et un fonds international à portefeuille diversifié, entourés
d’une bonne gouvernance, seule garante du non dévoiement de l’utilisation des ressources de ces
fonds. Pour cela, un débat serein entre les différentes parties (gouvernement, ministères, associations,
experts …) devrait être engagé afin de garantir un management fondé sur la transparence, l’équité et
l’efficacité dans l’utilisation de ces fonds.
Statistiquement, la détermination du prix fiscal telle que pratiquée actuellement ne prend pas en
considération les réalités du marché. En effet, en dix ans, les fluctuations des prix sont trop
importantes se caractérisant par des périodes de stabilité et d’instabilité, influençant largement le
calcul de la moyenne. Nous conseillons alors, de recourir à de meilleurs outils de prévisions pour une
meilleure appréhension de ces prix ainsi que des dépenses budgétaires.
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