upanga n°1

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Quand la PAF baigne dans l’illégalité Tickets-resto contre stock- options à la BFC p. 4 p. 4 Portrait au vitriol Douchina le président qui ne savait pas p. 2-3 Rivo / Nahouda les raisons du divorce p. 6 Le Mahorais disparaît avec pertes et fracas Retards sur salaires, suivis de licencie- ments, puis la liquidation, avant le tri- bunal pénal ? La disparition du jour- nal Le Mahorais ne s'est pas faite dans le calme. Au sein de l'entreprise, c'était même une véritable guerre ouverte entre le directeur et ses employés. E n mars, en raison de retards sur salaires, les employés des Editions d’Hippocampe ont lancé un bref mouvement de grève, qui n'aura pas été du goût de Samuel Boscher. "Il me restait plusieurs jours pour les leur verser avant la fin du délai légal" affir- mait le directeur le 24 avril à la sortie du tribunal, qui venait de placer son entre- prise en liquidation judiciaire. Les sala- riés font pourtant état de deux mois d'impayés… Peu importe, ils n'auraient jamais dû se mettre en grève, et au retour de ses employés, c’est le clash. À tel point qu'il annonce trois licencie- ments. "Il a d'abord désigné trois per- sonnes, et le lendemain, il avait changé d'avis". Ce n'était plus les trois mêmes qui devaient quitter l'entreprise. Ceux qui restent ne sont pas forcément les plus chanceux, car s'ils gardent un tra- vail plus longtemps, ce sera sans être payé. "Un jour, j'ai voulu parler de mes problèmes à Samuel [Boscher]. Je n'avais plus de sous (…). Il m'a répondu qu'il s'en foutait". Le ton est donné. Jusqu'à l'annonce de la liquidation judiciaire, les deux camps ne se parlent plus que par publication inter- posée. Les journalistes de l'entreprise ont en effet décidé de réaliser un journal - Les oreilles qui sifflent (Loqs) - diffusé sur internet, et dont les colonnes sont lar- gement consacrées aux problèmes inter- nes du Mahorais. (la suite page 4) Presse et pouvoir politique Enquête sur des relations incestueuses n°1 - 30 avril 2009 - Journal d’information bimensuel - 2 euros www.upanga.com p.5

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Page 1: UPANGA N°1

Quand la PAF baigne dans

l’illégalité

Tickets-resto contre stock-

options à la BFCp. 4 p. 4

Portrait au vitriol

Douchina

le président qui ne savait pas

p. 2-3

Rivo / Nahouda les raisons du divorce p. 6

Le Mahorais disparaît avec pertes et fracasRetards sur salaires, suivis de licencie-ments, puis la liquidation, avant le tri-bunal pénal ? La disparition du jour-nal Le Mahorais ne s'est pas faite dansle calme. Au sein de l'entreprise, c'étaitmême une véritable guerre ouverteentre le directeur et ses employés.

En mars, en raison de retards sursa la i res , les employés desEditions d’Hippocampe ont lancé

un bref mouvement de grève, qui n'aurapas été du goût de Samuel Boscher. "Ilme restait plusieurs jours pour les leurverser avant la fin du délai légal" affir-mait le directeur le 24 avril à la sortie dutribunal, qui venait de placer son entre-prise en liquidation judiciaire. Les sala-riés font pourtant état de deux moisd'impayés… Peu importe, ils n'auraientjamais dû se mettre en grève, et auretour de ses employés, c’est le clash. À

tel point qu'il annonce trois licencie-ments. "Il a d'abord désigné trois per-sonnes, et le lendemain, il avait changéd'avis". Ce n'était plus les trois mêmesqui devaient quitter l'entreprise. Ceuxqui restent ne sont pas forcément lesplus chanceux, car s'ils gardent un tra-vail plus longtemps, ce sera sans êtrepayé. "Un jour, j'ai voulu parler de mesproblèmes à Samuel [Boscher]. Jen'avais plus de sous (…). Il m'a réponduqu'il s'en foutait".Le ton est donné. Jusqu'à l'annonce de laliquidation judiciaire, les deux camps nese parlent plus que par publication inter-posée. Les journalistes de l'entreprise onten effet décidé de réaliser un journal -Les oreilles qui sifflent (Loqs) - diffusésur internet, et dont les colonnes sont lar-gement consacrées aux problèmes inter-nes du Mahorais.

(la suite page 4)

Presse et pouvoir politiqueEnquête sur des relations incestueuses

n°1 - 30 avril 2009 - Journal d’information bimensuel - 2 euros www.upanga.com

p.5

Page 2: UPANGA N°1

> Inflation très localisée.L’inflation est un casse-tête à Mayotte -

tout le monde le sait. Il semble cependantqu’elle soit particulièrement sensible dansle canton de Ouangani, qui est au demeu-rant celui du président de la Commissiondes finances, Hadadi Andjilani. La preuve? Les conseillers généraux, “les meilleursd’entre nous” à en croire M’hamadi Abdou(lire p.2), ont adopté le 20 avril un rapportoctroyant un avenant au ContratTerritorial liant la collectivité départemen-tale à la commune de Ouangani pour lapériode 2007-2009. Cet avenant n’est pasune simple retouche : alors que le contratsigné en 2007 était de 1,95 million, le sur-

plus accordé par le CG à la commune ducentre est de 400.000 euros, soit 1/5ème dumontant initial. “A ce tarif, ce n’est plus unavenant, c’est un nouveau contrat !” ironiseun élu de l’opposition. Mais le plus curieuxdans l’histoire, c’est la raison avancée pourmotiver cette somme : “Aujourd’hui,compte tenu de l’inflation des marchéspublics, certaines opérations (...) ont subiune augmentation de coûts (...)” (voir ci-dessus). Mais l’inflation ne touche-t-elle pasl’ensemble de l’île ? se demande l’opposi-tion. Apparemment non... Après tout, si“les meilleurs d’entre nous” le disent...

> Coup de pub.Ils sont pas idiots, “les meilleurs d’entre

nous”. Surtout ceux de la majorité - nor-mal : ce sont les meilleurs des “meilleurs”.Le 20 avril, ils ont décidé de transférer audernier moment un rapport de la commis-sion permanente (fermée aux médias) à laséance plénière (ouverte aux médias), his-toire de lui faire de la pub. Il se trouve quece rapport concernait la mise aux normesd’équipements sportifs, et que dans le lotfigurait celui de Vahibé, canton du chef defile de l’opposition, Jacques MartialHenry. Douchina a sauté sur l’occasionpour répondre aux accusations de la mêmeopposition, qui avait affirmé le 5 mars queles cantons des cinq renégats n’étaientjamais servis. “Tu vois Jacques, que nousn’oublions pas vos cantons”, a lancé, pas peufier de son coup, le président. Bien joué !D’autant qu’à la base, Vahibé n’était pasprévu et que les six autres cantons concer-nés sont tous, eux, à la majorité...

> Optimisme solitaire.Les états généraux de l'Outremer ont été

officiellement lancés mercredi 22 avril,dans un climat de méfiance générale.Seule Mayotte se distingue par la partici-pation de l'ensemble de ses confédéra-tions syndicales. Ailleurs, les principauxcollectifs ayant mené les mouvementssociaux à l'origine de cette "grand messe",ont préféré boycotter les réunions. Le LKPen Guadeloupe, le Collectif du 5 février enMartinique, et le Cospar à la Réunion,estiment que les dés sont pipés : "Tout adéjà été décidé par l'Etat" estime le leaderdu LKP en Guadeloupe, Elie Domota.Ce n'est qu'une péripétie de plus dans lesdébuts difficiles des états généraux.Annoncé par Nicolas Sarkozy en pleinecrise antillaise le 19 février, ils auraient dûcommencer dans la foulée pour que la syn-thèse soit faite en mai. Le lancement a finalement été repousséune première fois au 15 avril, avant d'êtrede nouveau décalé d'une semaine. La syn-thèse, elle, n'aura lieu qu'en septembre… On ne pourra pas accuser les syndicalistesmahorais d'être responsables de ce contretemps : ils étaient tous présents, et n'ontpas mené de combat social à l'instar desautres territoires ultra-marins. Voilà sansdoute pourquoi le préfet peut s'affirmer si"optimiste" sur le cas de Mayotte…

Servir de contre-pouvoir

AUTANT LE DIRE

tout de suite : nous nesommes pas financés par AhmedAttoumani Douchina, quoique ce pre-mier numéro puisse laisser penser à uneattirance certaine pour “notre” président.Nous ne sommes financés par aucunautre homme politique d’ailleurs. Nimême par aucun patron. Par personne,à vrai dire. Upanga débute avec le strictminimum - trois ordinateurs, trois associésmotivés, quelques journalistes énervés,une promesse de subvention dans lecadre du Défi jeune -, et c’est ce quinous rend optimistes. La presse a assezsubi les assauts des puissants de cemonde pour qu’on en rajoute une cou-che. A l’heure où elle n’a jamais paru simenacée, à Mayotte comme ailleurs,nous sommes de ceux qui pensent queseuls les journalistes pourront sauver leurprofession. Pas de “puissants” dans notrecapital donc. Ni dans notre budget, quenous prévoyons sans spéculer sur lapublicité - elle viendra si elle doit venir.

UPANGA

n’est pas là pour aboutir àun consensus, “participer au développe-ment de Mayotte” - une phrase que l’onentend bien souvent sans s’interroger surce qu’elle signifie - ou encore imprimerde jolies cartes postales. D’autres jour-naux, du moins ce qu’il en reste, le fonttrès bien. Upanga n’est pas là non pluspour taper sur tout ce qui bouge ou -nous l’avons encore entendu récem-ment - “faire un journal contre Mayotte”.Upanga n’est pas là pour défendre unhomme, un parti, un statut, une optionpolitique. Les fondateurs d’Upanga n’ontqu’une idée en tête : parler de ce queles autres n’évoquent pas ; écrire sur ceque les autres n’ont pas la volonté ou lecourage de publier. Un journal de réac-tion ? Oui ! disons-le franchement. Uneréaction au consensus mou et aux non-dits qui ont fait de Mayotte un havre pourles manipulations en tous genres.

NOUS DÉRANGERONS.

Serons pointésdu doigt. Attaqués. L’on nous prêtera desintentions idéologiques, des partis pris,des connivences. Des financements...C’est le jeu. Pour notre part, nous nerépondrons que dans ces huit pages quisortirons tous les quinze jours (chaque 1

er

et 15 du mois). En enquêtant, question-nant, et révélant les dessous de l’actua-lité locale mais aussi régionale et ultra-marine. En évoquant les faits, rien que lesfaits - et si possible ceux que l’on veutbien nous cacher. Qu’importe que l’onnous qualifie d’indépendantistes, d’anti-départementalistes, de départementa-listes, d’anti-indépendantistes... Nousferons notre métier de journaliste, ni plusni moins, en nous rappelant que la pro-fession est née pour dénoncer les injusti-ces (non pas pour faire justice) et servir,dans un système démocratique, decontre-pouvoir.

La rédaction

> ça n’s’invente pas> “Nous sommes étranglés !”a clamé Ibrahim Aboubacar le 20 avrilen séance plénière. C’est certainementpour ça que les charges de la collecti-vité liées aux fêtes et cérémonies sontpassées (dans le budget prévisionnel) de120.300 euros en 2008 à 220.200 eurosen 2009 ; ou que les frais de réceptionont plus que doublé, passant de 40.000à 103.000 euros... Etranglés ou étouffés(par les petits fours) ?

> “Je suis soulagé”a étonnamment réagi le désormais ex-directeur de publication du journal LeMahorais. Samuel Boscher venait d'ap-prendre que son entreprise était placéeen liquidation judiciaire, le 24 avril vers11 heures, avec effet exécutoire immé-diat. Le soulagement, ce n'était pas le

sentiment qui primait chez les salariés decette entreprise qui venaient de perdreleur emploi. "Nous allons devoir nousasseoir sur nos salaires, nous sommesdans une situation dramatique, et il s'enfout !" expliquait l'un d'eux. "Il n'a qu'àrevendre sa voiture [un 4x4 flambantneuf], il pourra nous verser une partie denos salaires".

> “Si on a été choisi, c'est que nousfaisons partie des meilleurs de noscantons”a cru bon de dire M'hamadi Abdou,conseiller général de Bandraboua, lorsde la dernère séance plénière en date.On avait eu droit au "c'est le meilleurd'entre nous" de Jacques Chirac à pro-pos d'Alain Juppé. M'hamadi Abdou n'at-tend pas un tel compliment… Il se le fait

tout seul, comme un grand, comme le"meilleur", tout simplement.

> “Nous sommes plongés dans lacivilisation occidentale depuis1841”a révélé Ibrahim Aboubacar lors de l’ou-verture des Etats généraux, le 22 avril.D’autres diraient “noyés” plutôt que“plongés”.

> “C’est difficile de passer après Fadhul !”s’est moqué Saïd Omar Oili lors de l’ou-verture des Etats généraux. FadhulAhmed Fadhul, conseiller général dePamandzi, avait bredouillé auparavantquelques phrases inintelligibles ; il avaitaussi avoué qu’il ignorait l’identité de cer-tains membres de son groupe.

> la chronique de l’absurde

Adrien Giraud est un spécialiste descontorsions sémantiques. En 1974, ildéclarait sans rire aux parlementai-

res français qui se faisaient un plaisir de lecroire, que les Mahorais seraient exposés àun génocide en cas d’indépendance del’ensemble de l’archipel. Plus récemment, ils’est affublé d’une charge non moinslourde : réécrire l’histoire.Quelques jours après la victoire du «oui» le29 mars, le sénateur affirmait dans MayotteHebdo que les Mahorais n’ont jamais étécolonisés. «On nous a donné à la France,et on a fait l’adhésion à la France. Nous nesommes pas une colonie française.» Et plusloin : «Ce n’est pas la France qui est venuenous coloniser.»

Facile à dire, pour un descendant decolon qui n’a jamais goutté aux souffrancesdu besoin et de la répression. L’engagisme,une forme d’esclavage qui ne dit pas son

nom ? Connaît pas. Le fitako, cette chaiseque portaient quatre pauvres bougres choi-sis au hasard dans les villages, sur laquelleétaient transportés les blancs ? Jamaisentendu parler.

La «tété», cet impôt injusteque fuyaient les «mtoro» loin dans la mon-tagne et qui aujourd’hui encore résonnecomme une terrible douleur ? Pfff… Dansles villages mahorais, c’est un autre son decloche que l’on entend - à condition deprêter l’oreille. Ecoutons Mcolo Madi, unvieil homme qui disait avoir 70 ans lorsqueje l’avais rencontré, en 2006, à Combani. Ila travaillé des années durant dans unesociété coloniale. “A l'époque, on commençait à travailler à6 heures du matin et on finissait avec latombée de la nuit, vers 18 heures. Leshommes travaillaient 6 jours sur 7 pour unsalaire de 2 à 4 francs par mois. Le samedisoir, à la fin de la semaine, ceux qui

avaient bien travaillé, on leur donnait unsac de 2 kilos de riz, mais ceux quin'avaient pas rempli leur quota, ilsn'avaient rien. (...) Pour être payé un jour, ilfallait venir deux jours. Si on venait un jourmais pas le lendemain, cela comptait pourzéro jour de travail. On savait que cen'était pas normal, mais que vouliez-vousfaire ? Il n'y avait que ça ! (…)”

Et l’homme de conclure : “On ne peutpas garder de bons souvenirs de cette

période. Avant, il fallait éviter les blancs.Les punitions étaient terribles. Pour un ouipour un non, on allait en prison. Quand onfaisait des bêtises, on était mis dans unecellule, on nous attachait les pieds et lesmains pendant trois jours, et on nous frap-pait. C'est pour cela qu'on n'osait pas dis-cuter de nos conditions de travail.”

RC

place publique

Extrait du rapport n°2009-38 adopté le 20 avril.

Douchina, le présidentLorsqu’il a déposé contre Oili en 2006, il ne savait pas. Quand il s’estfait investir comme un roi, il ne savait pas. Pour le Cnam et le rapportMensia, il ne savait pas. Le président Douchina est vraiment malinformé !

Nous sommes le 5 mars 2009. Les journa-listes sortent d’une interminable confé-rence de presse de plus de deux heures

tenue par l’opposition. Deux d’entre eux filenttout droit vers le bureau du président AhmedAttoumani Douchina, lourdement mis en causepar Oili et consorts. Coût de la cérémonie,constitution du cabinet, utilisation des voiturespar les vice-présidents, mauvaisegouvernance, tout y est passé.“Nous avons posé plusieurs ques-tions, mais le président n’a jamaispris la peine de nous répondre parécrit, alors que la loi le stipule.C’est un mépris de la minorité”, aaccusé Jacques Martial Henryquelques minutes plus tôt.Soucieux de ne pas se laisser traî-ner dans la boue, Douchinarépond point par point. Parfoisénergiquement, notamment quandil rappelle que “le niveau dedépenses est à une échelle de 1 à5 comparé aux dépenses” de sonprédécesseur. Parfois maladroite-ment, comme lorsqu’il reconnaîtêtre dans l’illégalité en permettantà ses vice-présidents d’avoir unevoiture de la collectivité.

“Si les services ne m’écoutent pas”

Mais c’est sa réponse sur la polé-mique concernant le CNAM(Centre national des arts etmétiers) qui interpelle les journa-listes. Ce centre de formation aattendu pendant des mois une sub-vention de la collectivité, qui n’estarrivée qu’en mars. Bien trop tardpour éviter au centre la liquidation judiciaire.Pour l’opposition, il s’agit d’une mesure derétorsion politicienne, Mustoihi Mari, membrede l’opposition, en étant le président. SiDouchina nie, sa réponse interpelle : “J’avaispersonnellement donné comme consigne à messervices de traiter ce dossier. Mais ils ne l’ontpas fait”, lâche-t-il avant d‘affirmer que “ledirecteur du CNAM est un vieil ami” avec qui ila fait ses études. Et de poursuivre : “Je ne peuxpas tout maîtriser dans cette maison. Si les ser-vices ne m’écoutent pas…”Le président du tout-puissant Conseil généralserait-il laissé dans l’ignorance par ses services,voire ses collaborateurs ? Ce ne serait pas lapremière fois. Retour en arrière… Le 4 avril2008, Douchina est intronisé comme un roiaprès son élection à la tête de la collectivité, le20 mars (lire page 3). Incapable de répondreaux questions de l’opposition quant au finance-ment de ses festivités, il avouera qu’il n’a pas

été tenu informé des préparatifs de cette céré-monie - “on m’a mis devant le fait accompli”.Ses explications quant au rapport Mensia sontdu même acabit. Commandé par Oili avant lesélections de mars 2008, la synthèse de ce rap-port est présentée par ce dernier comme lapreuve qu’il n’est pour rien dans les déboiresactuels de la collectivité. A contrario, les élus de

la majorité en ont fait leur argument pour jeterl’opprobre sur le président du Néma. “La situa-tion financière de la collectivité est alarmante”jure Hadadi Andjilani depuis des mois, “et c‘estla faute à l‘ancienne majorité”, relayeDouchina. Sans jamais montrer ce rapport...Ce même 5 mars, lorsque les deux journalistesdemandent à Douchina de le leur montrer, leprésident leur fait une nouvelle réponse ahuris-sante : “Je ne l’ai moi-même reçu que ces der-niers jours. Auparavant, je n’en avais vu quedes bribes”. Ce document, certains cadres affir-ment pourtant l’avoir entre les mains depuis lemois d’octobre…Que dit ce rapport indépendant que le président“n’a pas” mais que nous nous sommes procuré ?En gros, que la situation financière, fin 2007,n‘était pas si dramatique, même si des signesinquiétants étaient apparus depuis deux ans.“Selon le compte administratif prévisionnel2007, la CDM présente une situation financière

qui reste satisfaisante”, précise le rapport, quinote cependant une dégradation consécutive à la“très forte progression des dépenses de gestion”(+55,3 millions en 4 ans), bien supérieure à celledes recettes (+37,1 millions).Oili est en quelque sorte blanchi, lorsqueMensia affirme que “la hausse de la contribu-tion du FIP, qui représente une charge supplé-

mentaire de l’ordre de 13,8 mil-lions d’euros constitue un facteuraggravant”. Ainsi, à FIP constant,l’épargne brute s’élèverait à 28,4millions et non plus 16,4, soit “unniveau relativement satisfaisant”.Toutefois, ajoute le rapport, laponction du FIP “ne saurait à elleseule expliquer” la dégradation dela situation.S’il n’exonère pas la gestion del’équipe précédente, ce rapportn’apporte pas pour autant lapreuve de la responsabilité uniquede Oili dans les difficultés de laCDM. C’est peut-être pour celaque Douchina a tant de mal à letrouver lorsqu’il s’agit de le mon-trer aux journalistes.A vrai dire, Douchina sembleêtre un habitué du genre. En2006, il avait signé un courrierenvoyé au procureur de laRépublique dénonçant les agis-sements de la majorité dirigéealors par Oili. Ce courrier rédigépar d’autres conseillers générauxde son groupe, passait en revuetoutes les accusations relayéesdurant cette période par certainsmédias, qui ont abouti pour laplupart à des non-lieux - à l’ex-ception de l’affaire Mawana,

pour laquelle Oili a été mis en examen.

“Je n’ai pas vérifié dans le détail”

Les réponses que le cadre de l’UMP avait fourniau gendarme qui l’avait auditionné à la suite decette plainte, et que nous publions dans cetteédition, sont croustillantes (lire p.3). Un exem-ple : “Je ne peux donc vous en dire plus. Encoreune fois je m’en remets à vos conclusions”.Mais trêve de mauvais esprit ! Il faut tout demême reconnaître que le président, s’il est sou-vent dans l’ignorance ou s’il feint de l’être, atout de même un don surnaturel : lui connaît,comme il l’a affirmé en direct sur RFO au soirde la consultation du 29 mars, les noms de ceux“qui ont voté non dans les villages”. Commequoi, il en sait des choses importantes, notreovni-président...

Rémi Carayol

qui ne savait pas...LE 18 AOÛT 2006

à 14h30, Ahmed AttoumaniDouchina est interrogé par un officier de police judi-ciaire à la gendarmerie de Pamandzi. En introduc-tion du procès verbal (n°00928/2005) que nous noussommes procuré et dont nous publions ci-contre desextraits, Douchina, qui est alors membre de l’opposi-tion UMP au CG, reconnaît qu’il est bien “le rédac-teur de la lettre datée du 23 mai 2005” adressée auProcureur de la République, dans laquelle il accuseOili d’un certain nombre de malversations. “Je suisconseiller général du canton de Kani-Keli et à cetitre, j’ai été amené à constater certains dysfonction-nements au sein du conseil général de Mayotte quim’ont amené à rédiger cette correspondance”.

LE GENDARME

lui pose pendant plus d’une heuredes questions au sujet de ses accusations, auxquel-les le futur président ne pourra répondre que pardes généralités... voire pas du tout. “C’est effective-ment ce qui m’avait été rapporté”, répond-il à l’offi-cier. Ou : “Ces informations m’ont été communi-quées par des personnes qui habitent Labattoir,mais je ne les ai pas vérifiées”... “Je n’ai pas vérifiédans le détail ce qui m’a été rapporté par des col-lègues également conseillers généraux”... “Je nepeux rien vous dire sur ces points”...

A LA FIN,

il finit par avouer les raisons de son cour-rier : “En mars 2005, j’étais candidat à la présidencedu conseil d’administration du centre de gestion deMayotte. Mr CHIHABOUDDINE BEN YOUSSOUF étaitégalement intéressé (...) mais sentant qu’il lui seraitdifficile de gagner contre moi il ne s’est pas portécandidat. Par contre, dès mon élection, il a pousséMr SAID OMAR OILI à exercer un recours contre monélection ce qui a été fait. Le recours n’a pas aboutimais je me suis senti agressé. (...) Certains membresde l’opposition ont apporté des éléments sur ce quisemblait relever du domaine pénal et il en a été faitétat dans le courrier. Comme il fallait un signataire àce document et comme je venais d’être injustementattaqué par la voix du recours, j’ai décidé de signerle document”. Sans savoir ce qu’il signait, et sansprendre la peine de vérifier.

Royale, la cérémonie qui n’avait pas de prixIMPOSSIBLE

à oublier, cette céré-monie du 4 avril 2008. Quelquesjours après son élection, voilàqu’Ahmed Attoumani Douchinaapparaît dans ses habits de roi, rienque ça. Tout le monde est là cevendredi, sur le parking du Conseilgénéral : le préfet, le sénateur, legrand manitou Zoubert Adinani, legrand cadi… Et des notables, enveux-tu en voilà.Il était alors question de retour auxtraditions telles qu'elles étaient per-pétuées avant la colonisation,quand Mayotte comptait encoredes rois. A la baguette : Ali SaïdAttoumani, gardien du temple destraditions locales. Il expliquait alorsqu’“Ahmed Attoumani Douchinaest le premier homme politiquedepuis 150 ans à disposer despleins pouvoirs, à ne pas être sousla coupe du gouverneur ou dupréfet. L'idée était donc de mar-quer l'événement en nous inspirantdes cérémonies d'intronisation desrois de Mayotte”.

A l’époque, les rois ne devaient pass’embarrasser de considérations dutype : “Nous devons informer nosconcitoyens du coût de cette céré-monie”. Soucieux de ne pas froisserses aïeuls, Douchina a respecté latradition. Car plus d’un an après, iln’a toujours pas rendu publics lesdessous de cette fête. “Qui l'a finan-cée ?” demandait en juin l'opposi-tion du Conseil général, et “«com-bien ça a coûté ?” Deux interroga-tions posées par écrit en séanceplénière, puis remises sur le tapis lors

d’une conférence de presse enmars, restées lettre morte jusqu'àprésent. “Je leur ai répondu orale-ment”, assure Douchina. Plussympa, mais pas très réglemen-taire...

LA SEULE

explication officielle duprésident remonte à un entretienaccordé aux Nouvelles de Mayotteen juin 2008 (n°871). Il jurait alorsque «ce n'est pas la CDM» qui apris en charge ces frais. Il recon-naissait cependant avoir été «mis

devant le fait accompli» pour cettecérémonie.Peut-être est-ce pour cela qu’il setrompait... Le 6 avril 2008, deuxjours après la fête, la SARL LAURENE,basée à Longoni a adressé à laCollectivité départementale deMayotte une facture (n°001112)d'un montant de 8.000 euros,décrite ainsi : “Cocktails installationprésident” - et payée “assez rapi-dement” aux dires d’un de ses res-ponsables. Le bon de commande(n°QULT0001), signé par un certainAli Saïd Attoumani en sa qualité dechef de service des Affaires cultu-relles, datait du 3 avril...Pas de quoi guillotiner un roi pour-tant : 800 cocktails à 10 eurosl’unité, on a vu plus cher pour unecérémonie royale. Oili, qui ne s’estjamais fait passer pour un monar-que, avai t réuss i en 2004 àdébourser 15.000 euros pour uneréception restée gravée dans lesmémoires.

RC

Extrait de la facture adressée par la SARL Laurene au CG, le 6 avril 2008.

BP 193, 97610 PamandziTel. : 0639 69 10 42Mail : [email protected]

Bi-mensuel édité par la SARL K, au capital de 300euros, enregistrée à Mamoudzou.

Directeur de la publication :

Rémi CarayolComité de rédaction :

Bernard Alric, Nicolas Bérard,Gaël Briclot, Rémi Carayol, Lisa Giachino.Gestion et communication :

Virginie Giscloux.Dessinatrice :

Marie-Martine Foucault.

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Tickets-resto contre stock-options à la BFC

Après dix jours de grève, les agents de la BFC Mayotte ont obtenu gain de cause.Mais que ce fut dur, dans le groupe de Bouton et Kerviel...

En passant outre les manifestations, l'indigna-tion populaire et les élucubrations du prési-dent de la République, les patrons pensaient

sans doute pouvoir s'octroyer des parachutes doréset autres stock-options sans autres conséquences.Les salariés de la BFC ont peut-être été dans cesens des pionniers d'un nouveau combat social :“si notre grand PDG part avec des millions, nousn'accepterons pas une augmentation ridicule denos salaires”. C'est un peu le discours tenu par lesemployés de la Banque Française Commerciale,qui auront finalement obtenu, dans une certainemesure, gain de cause.Lorsqu'au début du mois d'avril se tiennent lesnégociations annuelles obligatoires (NAO), ladirection propose une augmentation globale dessalaires à hauteur de 1%. Par rapport aux excel-lents résultats obtenus par les agences de Mayotteet de La Réunion, cette augmentation est jugéeinsuffisante par les salariés des deux îles. Durantles négociations, les dirigeants leur font compren-dre qu'en période de crise, chaque entité du groupedirigé par la Société Générale doit faire un effortpour reconsolider le groupe. En janvier 2008, le

président de la Société Générale, Daniel Bouton,annonçait en effet une perte de 7,1 milliards d'eu-ros, dont plus de la moitié était imputée aux agis-sements du seul trader Jérôme Kerviel, le restevenant de la crise des subprimes. Dans son pland'aide aux banques, l'Etat lui accorde un prêt de1,7 milliards d'euros. Malgré les 2 milliards d'eu-ros de bénéfices annoncés par le groupe pour l'an-née 2008, la situation est donc présentée commepréoccupante. "Le but de la grève n'était surtoutpas de casser notre outil de travail" précise d'ail-leurs le représentant CFTC-BFC de La RéunionJosé Lucian, qui à l'image des salariés de la BFC-OI, se dit prêt à faire un effort pour la santé écono-mique de son entreprise. Dans une lettre adresséeaux syndicalistes, il leur est d'ailleurs expliqué quela BFC est redevable envers la SG et doit doncparticiper au renflouement. Mais à la fin du mois de mars, L'Express révèleque "le montant total des sommes provisionnéesou constatées par la Société générale au 31 décem-bre 2008 (…) aux fins de versement de pensions,retraites ou autres avantages à des mandatairessociaux de la Société générale s’élève à 32,93 mil-

lions d’euros". Daniel Bouton pourra ainsi bénéfi-cier d'une retraite d'environ 1 million d'euros paran ! Pour ne rien calmer, on apprend ensuite qu’ila vendu 81.000 stock-options, encaissant ainsi en2008 un bénéfice personnel de plus de trois mil-lions d’euros. Ces révélations font douloureuse-ment grincer des dents les employés de Mayotte etde La Réunion lorsqu'une augmentation de 1%leur est proposée. Surtout à Mayotte où, en l'ab-sence de système complémentaire, un salarié par-tant à la retraite ne gagnerait que 300 euros parmois… Ridicule, comparée à celle de DanielBouton, qui avoisinerait plutôt les 80.000 eurosmensuels…

Une augmentation de 240euros, soit 10 stock-options

"Quand on a vu ça, on a été choqué" rapporteIbrahim Bacar, le délégué syndical UTFO de laBFC Mayotte. Le comportement des dirigeantsdu groupe en métropole refusant de faire unecroix sur leurs privilèges n'a donc pas été sansconséquences sur les filiales de l'océan Indien.

"On ne peut pas demander aux salariés derevoir leurs prétentions à la baisse quand lesdirigeants ne montrent pas l'exemple" expliquePatrick Fallour, le délégué de la CGT-FO à laRéunion. La grève débute le 15 avril et se ter-mine rapidement à La Réunion. Le protocolesigné ne convient pourtant pas aux grévistesmahorais, qui poursuivent leur mouvement. Ilsdemandent à bénéficier de la même augmenta-tion, en brut, que les Réunionais, la mise enplace d’une retraite complémentaire et celle dela Convention collective des banques. Le tonmonte, le directeur Roger Munoz décide de fer-mer l’agence de Mamoudzou, puis menaceAbdou Mousali, le délégué CGT-Ma, de procé-der à 57 licenciements… Dans la nuit de jeudi 23 à vendredi 24, un accordétait finalement trouvé, les salariés obtenant 240euros supplémentaires sous forme de tickets-res-taurant… 240 euros, soit environ 10 stock-options, quand Bouton voulait s’en attribuer150.000 au début de l’année.

Nicolas Bérard

Cela ne transparaît pas àla lecture du commu-niqué et la préfecture

se garde bien de le mettre enavant : lors des trois premiersmois de cette année, près de700 mineurs ont été recon-duits à la frontière - le termejuridique en vigueur.Selon les données de la pré-fecture rendues publiques le16 avril, entre le 1er janvier etle 31 mars 2009, 3.778 arrê-tés de reconduite à la fron-tière (APRF) ont été exécu-tés par la Police aux frontiè-res, mais ce sont bien 4.487personnes qui ont été refou-lées du territoire. Un adultefaisant obligatoirement l’ob-jet d’un APRF, la différenceest donc à trouver chez lesenfants, qui eux ne peuventfaire l’objet d’un APRF.Rien de très nouveau en soi : les auto-rités sont dans les clous des annéesprécédentes, puisqu’en 2008, près de3.000 mineurs ont été expulsés -autant en 2006 et en 2007. Rien detrès nouveau, non plus, dans les pra-tiques : sur le lot, certains sont desmineurs qui accompagnent leur(s)parent(s) ; mais d’autres sont desmineurs isolés qui jamais n’auraientdû se retrouver au Centre de rétentionadministrative (CRA) - encore moinsà Anjouan.Régulièrement, les bénévoles de laCimade, l’association habilitée àinformer les étrangers de leurs droitsau CRA, enregistrent des exemplesd’enfants placés sous la tutelle d’unadulte qu’ils n’ont jamais vu. Parfois,ils arrivent à le faire sortir, parfoisnon.

Le procédé est totalement illégal :quand un gamin arrive au CRA, onl’accole à un adulte, à qui les policiersfont signer un document intitulé :“Attestation de rattachement”. Quiprécise : “Je soussigné… atteste surl’honneur que le ou les mineursdénommé(s) ci après…” L’une descinq cases est alors à cocher : “Estmon fils ou ma fille ; Est mon neveuou ma nièce ; Autre lien de parenté ;Dont je suis le tuteur ; Dont je suis leresponsable, confié à mes soins le…par ses parents…” Le tout en languefrançaise, sans traduction, mais avecle tampon de la PAF.“Ils ne le remplissent même pas cedocument”, s’insurge un policier dela PAF. “C’est nous qui le remplis-sons, et ensuite on le leur fait signer,sans leur traduire. On leur explique

juste qu’ils devront remettreça aux autorités à leur arri-vée à Anjouan.” Le choix del’adulte “se fait au hasard”,ajoute-t-il.

“On se fout de son âge”

Dans un rapport remis àSuper Sarko, DominiqueVersini, qui s’était rendue àM a y o t t e e n o c t o b r e ,dénonce une autre pratique“consistant à inscrire lesmineurs comme étant nés le1er janvier de l’année per-mettant de fixer leur majo-r i t é (en 2008 , tous lesmineurs sont inscrits avec lad a t e d e n a i s s a n c e d u01/01/90)”.Cette pratique est aujourd’huitoujours en vigueur, commele révèlent la Cimade et notre

policier. “Cela arrive très régulière-ment. Quand on voit un jeune arriver,et qu’il a l’air assez grand, on se foutde savoir quel âge il a. On lui changesa date pour pouvoir le renvoyer”,dit ce dernier.Le 11 mars, la préfecture a étécondamnée par le Tribunal de pre-mière instance de Mamoudzou pourcette pratique, qualifiée de “voie defait”. Elle a été reconnue coupabled’avoir expulsé un mineur isolé etd’avoir falsifié son âge. Une premièredevant une juridiction civile - lescondamnations par le Tribunal admi-nistratif sont plus nombreuses.“Jusqu’à quand ?”, s’était interrogél’avocate du gamin, Fatima Ousseni,lors du procès.

RC

La PAFau mépris de la loi

Plus de 700 mineurs ont été reconduits à la frontière depuis le début de l’année, bien souventdans la plus totale illégalité.

L’attestation de rattachement signée par un adulte. Image capturéeau CRA en novembre 2008.

Le Mahoraisdisparaît avec pertes et fracas(suite de la page 1)

Dès le premier numéro, ils poin-tent la "gestion financière ethumaine catastrophique" de

leur ex-patron. Ce dernier a maintenantl’intention d'attaquer ses anciens sala-riés en diffamation. Mais aussi pourvol ! Ils auraient "volé" les adressesmail de l'entreprise pour diffuser Loqs,n'auraient pas rendu leurs voitures defonction, ni les téléphones portables, etdes appareils photo auraient disparu."Ma voiture, je la rendrai, mais direc-tement au liquidateur" affirme l'uned'elles. Les salariés envisagent pourleur part d'attaquer leur ancien patronau pénal pour tenter de récupérer une

partie de leur dû… Bref, employés etpatron pourraient se retrouver le tempsde quelques procès.

La couleur qui fait mal

De son côté, Samuel Boscher a rempliseul les pages du Mahorais n°245,l'avant dernier avant la fermeture. Il fautdire que cet hebdomadaire, dont la rai-son d'être semblait être la départemen-talisation, ne pouvait pas mourir justeavant le résultat de la consultation… Aucentre du journal, ce mardi 31 mars, 4pages tout en couleurs retracent sesUnes ayant rapport avec la départemen-talisation. "Quatre pages comme celles-

ci, ça coûte une fortune pourles imprimer. Et nous, onn'avait toujours pas de salaire"s'indigne Gaylor Madec, l'an-cien infographiste. Ce n'étaitpas la première maladresse deBoscher. Interviewé par RFOpeu avant la mise en liquida-tion, il se plaint des délais depaiement des collectivité. "Jeviens de toucher 4.000 eurosd'une mairie" lâche-t-il à l'an-tenne. "On aimerait biensavoir où ils sont passés. S'ilavait pu les partager entre lesdifférents salariés, ça auraitfait nous aurait fait du biendans une période pareille"explique Laurent Millet, unancien journaliste de la boite."Ce qui est sûr, c'est qu'il n'avraiment pas su gérer la crise"résume Nanou Chapuisat, ladéléguée du personnel. Uneuphémisme…

NB

Mayotte Hebdo et les faveursdu Conseil général

"Il n'y a plus de budget". Depuis l'installation de la majorité UMP/MDM, tous les médias dela place reçoivent cette même réponse des différents services du Conseil général au sujet desinsertions publicitaires. Tous, sauf les journaux réalisés par la Somapresse...

Le changement de majorité en mars 2008aura marqué un tournant radical dans lastratégie de communication du Conseil

général. Si par le passé, tous les supports de laplace pouvaient prétendre à un traitement équita-ble, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Seule laSomapresse bénéficie des faveurs de laCollectivité. Pour Le Mahorais, l'Annuaire pro-fessionnel, Haraka Info, Horizon Austral,comme pour les radios Kwézi, Ylang et Caribou,la réponse à leurs propositions d'insertions publi-citaires est immanquablement la même : "Il n'y aplus aucun budget". Pierre-Alexandre Hick, qui édite l'Annuaire pro-fessionnel de Mayotte, l'a appris à ses dépends enfin d'année dernière. La Collectivité achetait cha-que année plusieurs pages dans son support pourprésenter ses services. En 2008, rien. "Ils ontmême refusé de payer les 15 euros de participa-tion pour faire apparaître leurs coordonnées" sedésole-t-il. 15 euros, c’est 15 euros ! Mais cesouci d'économie n'est pas valable pour tous. Dans son édito, Hick rappelle que la semaine oùil essuya un refus catégorique, "paraissait dansun fascicule concurrent, une pleine page pour dela propagande personnelle du nouveau prési-dent". Ce fascicule en question, c'est Cartes etPlans de Mayotte, édité par la Somapresse, quipublie chaque semaine le journal MayotteHebdo. Cette "pleine page de propagande" portebien son nom (voir une reproduction ci-des-sous). On y voit un portrait du présidentDouchina, avec les mentions : "Un nouveau pré-

sident, un meilleur accueil du public, une nou-velle culture administrative". Qui se cache der-rière cette nouvelle culture administrative quiprône visiblement une collaboration étroite avecla Somapresse ? La réponse se trouve en haut dela publicité, avec le logo du Conseil général,accompagné d’un sigle jusque-là inconnu :"Cabinet, Direction de la communication". Parun heureux hasard, il se trouve que le responsa-ble de ce service n’est autre que Saïd Issouf, unancien employé de… la Somapresse.

Sauver le Tounda !

Le Service Culturel (aujourd’hui Service de l’in-génierie culturelle) avait pour sa part l'habitudede dispatcher son budget communication dansles différents supports de presse afin d'annoncerses manifestations. Mais là encore, la communi-cation a été totalement recentrée sur un support,un seul, le Tounda, un journal gratuit édité par…la Somapresse. Le directeur du service, AlainKamal Martial, assume ce choix. "J'ai rencontréLaurent Canavate [le directeur de publication dela Somapresse, ndlr] qui m'a dit qu'il allait arrê-ter le Tounda. Je ne voulais pas que ça arrive carc'est le seul journal qui ne parle que de culture,et pour nous, c'est important", explique-t-il.L'argument peu paraître raisonnable, quoique laqualité du dit journal soit contestable. Mais lereste l'est un peu moins : un contrat est immédia-tement conclu, dans lequel le Service Culturelréserve une pleine page chaque semaine, pen-

dant un an, dans le Tounda. "Je ne sais pas com-bien ça coûte, je ne m'occupe pas de ça" recon-naît Alain Kamal Martial. Au total, ce seraient plusieurs dizaines de mil-liers d’euros qui seraient transférés, à travers cetunique contrat, des caisses de la Collectivité àcelles de la Somapresse. Pour les autres, évidem-ment, il ne reste plus que des miettes. Etencore… Le directeur d’antenne de Kwézi FM,qui a transmis depuis plusieurs mois un devis au

Service Culturel, a - à force d’insister - obtenucette réponse concernant ses spots : “Il n’y a plusde budget”. Mais le Tounda est sauvé !Le journal Le Mahorais, en revanche, n'a paseu cette “chance”. Aucun effort n'a d'ailleursété fait dans ce sens, puisque malgré les diffi-cultés financières qui l'ont finalement conduitjusqu'à la liquidation judiciaire, aucun espacene lui a été acheté par la Collectivité en 2009.Pour être exact, Samuel Boscher, ex-directeurde publication, précise avoir "eu droit à unedemi page en janvier". Rien à voir avec les réservations régulièresdont bénéficie Mayotte Hebdo depuis le chan-gement de majorité. La dernière en date estimmanquable : alors que le “oui” vient del’emporter, dans son édition du 3 avril consa-crée au “101ème département”, MayotteHebdo publie une pleine page payée par leConseil général pour féliciter les Mahorais duscore obtenu. Pas étonnant alors que dans lacollection de réactions que le journal propose àses lecteurs, Douchina ouvre le bal en page 3.Honneur à celui qui finance ! Dans Le Mahorais ou Haraka par contre : rien."Toutes les annonces légales du Conseil généralsont en plus presque systématiquement envoyéesà Mayotte Hebdo. J'ai vu un numéro où il y enavait quatre pages, ce qui représente environ15.000 euros", note Boscher, un brin jaloux.

Nicolas Bérard

Issouf, le symboleS’IL EST UN SYMBOLE

des liens “privilégiés”qui existent entre le monde des médias etcelui des élus, c’est bien Saïd Issouf. Formé àl’école du Journal de Mayotte, organe depropagande du MPM, le journaliste a ensuitefondé L’Insulaire en 1997. Après s’être retirédu monde des médias, il a recommencé àcollaborer avec Mayotte Hebdo, en 2003,avant d’être nommé… directeur de cabinetde Saïd Omar Oili en avril 2004. Une expé-rience courte jugée “calamiteuse” par l’ex-président de la Collectivité, qui le remercierafin 2004. Difficile à encaisser… Saïd Issoufreprend alors du service à Mayotte Hebdo,où il s’acharne à publier des articles critiquesà l’égard de son ancien patron - ce jusqu’en2008. En mars 2008, il retrouve les joies de lapolitique et les bureaux du cabinet présiden-tiel, nommé cette fois par l’ancien opposantà Oili, Ahmed Attoumani Douchina, en tantque responsable de la communication ausein de son équipe.

DDoossssiieerr -- Presse et pouvoir politique : des rapports incestueux.

De l’usage des subventionspar les journalistes...

Parmi les raisons invoquées par le directeur de la publicationdu Mahorais, dont la justice a prononcé la liquidation judi-ciaire le 24 avril, pour expliquer la faillite du titre, l’absence

d’aide à la presse fut récurrente ces dernières semaines. SamuelBoscher avait d’ailleurs mis en place un intense (mais vain) lob-bying en faveur de la réactivation de cette aide, en 2008. L’histoiremontre cependant que ce type de subventions est loin d’assurer unavenir pour les journaux…La chronique de l’aide à la presse à Mayotte est le reflet des rela-tions ambiguës, voire incestueuses, qui lient les médias au mondepolitique. Officiellement, la première aide financière à un organede presse votée par la collectivité remonte au 30 mai 1996. Par unedélibération (n°101/96/CR) de la commission restreinte duConseil général, une subvention de 699.920 francs (106.695euros) est attribuée ce jour-là à l’ADCCM (Association pour ledéveloppement de la culture et de la communication à Mayotte).Cette association, qui n’existe plus aujourd’hui, est à l’époque l’undes bras associatifs du MPM - plusieurs de ses présidents furentd’éminents responsables politiques dans les années 80 et 90. Ellepublie alors deux journaux très orientés : le Journal de Mayotte(JDM), organe de propagande du Mouvement populaire mahoraiscréé au milieu des années 80 ; et Jana na leo, un mensuel d’his-toire et d’étude de la société contemporaine plutôt bien construit,qui ne cache pas son parti pris en faveur de la séparation deMayotte avec les autres îles.Il est intéressant de noter que malgré cette subvention rondelette,le JDM disparaîtra à la fin de cette même année 96 - de même quele Jana na leo - dans des conditions qui restent obscures…Entre temps, le “concurrent” du JDM, le Kwezi, a sauté sur l’oc-casion. Dans un édito du 4 juin 1996 (Kwezi n°15), ZaïdouBamana, un ancien du JDM, ironise : “Longue vie à notreconfrère. Et vive l’information dans Kwezi, qui ne reçoit que deslouanges et le soutien financier de ses annonceurs”. Ainsi naissaitla complainte des journalistes qui se croyaient dans leur bon droiten réclamant des subventions - complainte on ne peut plus d’ac-tualité aujourd’hui. Dans un courrier du 24 juin 1996, le directeurde la publication de cet hebdomadaire réagit : il sollicite à la

Collectivité une aide à hauteur de 480.000 francs (73.100 euros),“afin de faciliter le démarrage” du journal et d’“assurer l’équilibrefinancier” de la Société mahoraise de presse et d’édition (SMPE).Et l’obtient - cela n’a certainement aucun rapport, mais Bamanafils (Zaïdou) est alors le directeur de la publication ; Bamana père(Younoussa) est le président du Conseil général.

En 1996, le préfet veut “clarifier la situation”

Tout ceci est un peu trop opaque au goût de la préfecture. “La pré-sence sur le marché de deux organes de presse (…) nécessite quesoit clarifiée la question des concours susceptibles d’être apportéspar la Collectivité à toute initiative s’inscrivant dans une démarched’éducation et d’information de la population de l’île”, réagit lepréfet Boisadam le 26 juillet, qui propose “d’instituer une com-mission qui se verrait chargée de définir une stratégie d’ensem-ble”. Elle aboutira à la création en février 1998 du Fonds mahoraisd’aide à la presse, inspiré des aides telles que pratiquées en Francehexagonale. Immédiatement, deux sociétés de presse en bénéficient : la SMPEde Bamana fils, Canavate et Soldat (aujourd’hui tous deux à la têtede Mayotte Hebdo) ; et la Société Transocéane de Presse, dirigéepar Saïd Issouf, qui édite un nouveau journal, L’Insulaire del’océan Indien. Chacune touche “une subvention d’équilibreexceptionnelle” de 300.000 francs (45.700 euros), suite au vote dela délibération n°13/98/CGD du 17 février 1998. Oui mais voilà,quelques semaines après cette aide d’un bon calibre, L’Insulairedisparaît à son tour… Une constante ! En mars 2001, la Somapresse, créée par les anciens du Kwezi(Canavate, Soldat, Bamana) et qui édite Mayotte Hebdo, obtientune subvention de 55.854 francs (8.500 euros). En mai de lamême année, la société Katindi, qui publie Flash Infos (qui serarepris par la Somparesse plus tard), touche 45.024 francs (6.860euros). En mars 2002, L’Eco austral empoche 4.469 euros.Et le festin continue… En 2005, Za N’goma, magazine de sociétélancé par Moncef Mouhoudoir, touche 13.100 euros au titre de

l’aide à la presse, et 20.600 euros au titre d’une subvention excep-tionnelle. Le Mahorais n’est pas en restes : en décembre 2005, lejournal fondé par Samuel Boscher, un ancien du Kwezi, se fait sub-ventionner à hauteur de 51.606 euros.Depuis, la donne a changé. En 2006, les services de la collectivitéestiment que “les sociétés de presse sont éligibles à l’aide à l’in-vestissement” et “peuvent solliciter une subvention au titre des dif-ficultés de démarrage”. Le Fonds d’aide à la presse est donc arrêté.Les derniers titres à en avoir bénéficié sont Le Mawana et Meso.Le premier, un hebdomadaire, a été créé par Saïd Omar Oili (safemme était la première actionnaire), alors président de la collec-tivité - il est à ce titre mis en examen. Il a obtenu en décembre2005 68.860 euros, dont 28.344 dans le cadre de l‘aide à la presse.Il a tenu un an et demi avant de pérécliter… Le second a été fondépar Zaïdou Bamana, un habitué du genre. Lui a fait très fort : aprèsavoir touché la somme de 52.187 euros allouée par la Collectivité,dont 21.000 au titre de l‘aide à la presse, il a publié… deux numé-ros - soit 26.000 euros le numéro.

Rémi Carayol

Plusieurs centaines de milliers d’euros ont été déboursées par la collectivité pour “aider la presse”. Un gouffre.

La stratégie non commune des noms communs

SAMUEL BOSCHER

a-t-il tout fait poursauver son entreprise ? Certains salariéss'interrogent et le soupçonnent d'avoirlaissé couler cette affaire pour en remon-ter une autre. Qu'il veuille remonter unjournal, c'est en tout cas ce qu'il a affirméjuste après la mise en liquidation desEditions d'Hippocampe. "Je ne vais pasrester comme ça sans rien faire. Je vaisfaire un autre journal". Plus surprenant, lefutur journal pourrait s'appeler… LeMahorais. "C'est un nom commun, doncil n'est pas enregistré à l'INPI [Institutnational de la propriété industrielle, ndlr].Rien ne m'empêche de remonter un jour-nal portant le même nom". Cette straté-gie pourrait néanmoins se heurter à uneautre réalité. Car certains salariés restéssur le carreau étudient les possibilités dereprendre le journal, ou au moins le siteinternet (lemahorais.com). Là encore, ilspourraient se retrouver en conflit avecleur ancien patron.

4 - upanga n°1 - 30 avril 2009 30 avril 2009 - upanga n°1 - 5

Page 4: UPANGA N°1

Rivo/Nahouda : la guerre des chefs de file

C'est avant tout une guerre que se livraient deux hommes depuisplusieurs années, à l'ombre des combats syndicaux, qui a abouti àla scission entre la CGT-Ma et le SE, fin avril.

La sentence est tombée le 23 avril : leSyndicat des enseignants n’est plus affilié àla confédération CGT-Ma - ainsi en a décidé

le bureau présidé par Salim Nahouda. Un divorcequi pendait au nez des deux structures depuis bienlongtemps.En 2004, le SE (Syndicat d'enseignants) décide des'affilier à une confédération afin d'avoir unerep résen ta t ion à Par i s . R iva lomala laRakotondravelo dit Rivo, le secrétaire général,apprécie les valeurs prônées par la CGT et sedirige donc vers celle-ci. La CGT-Ma, dirigée parSalim Nahouda, accueille quant à elle un syndicatfort de plus de 200 adhérents. Le mariage sembleêtre une excellente opération pour les deux par-ties. L'ambiance va pourtant très vite se dégraderentre les deux leaders.Officiellement, Nahouda estime que le climat acommencé à se détériorer pour une histoire d'ar-gent. Il accuse Rivo d'avoir une dette envers laconfédération d'un montant de 4.800 euros et derefuser de la rembourser. Un refus assumé parl'intéressé, tout comme le fait que le SE ne reversepas ses cotisations à la maison mère… "Au lieu detrouver une solution pour régler ces problèmes, ila préféré aller à la confrontation" estimeNahouda, qui précise qu'"à cette époque, l'idéed'une séparation planait déjà". "Il manipulait sonsyndicat contre moi, s'opposait à toutes les déci-sions de la direction" rapporte-t-il. Selon certains"cégétistes", le conflit entre les deux hommes esten réalité né peu avant le premier congrès de laCGT-Ma, en mai 2006. Rivo avait alors l'inten-tion d'évincer Nahouda de la tête de la confédéra-tion, reprochant à son adversaire une ligne syndi-caliste trop molle et trop éloignée de ce que prônela CGT nationale. Le secrétaire général aurait euvent de l'intention de Rivo, et ne lui aurait jamaispardonné… Jusqu'à l'éviction toute récente duSE, cet épisode a instauré une attitude deméfiance et de défiance entre les deux hommes.Même lors des conflits syndicaux les plus durs, laguerre sous-jacente n'a jamais cessé. Tel fut le cas en 2007. L'année est marquée par lagrève des instituteurs qui dura plus de trois mois.Il s'agit d'un mouvement social fort, qui, au lieude réunir les deux syndicalistes autour d'unecause commune, aura définitivement marqué leurrupture. Le SE reproche à la direction de la CGTde "briller par son silence". Une absence queNahouda impute au leader du SE-CGT-Ma :"Lorsque nous avons voulu négocier pour trouverune sortie de crise, il nous a dit que ça ne nousregardait pas et que le problème devait être réglépar les enseignants". Selon Rivo, cette remarqueserait intervenue à la suite de la signature d'unaccord, le 5 avril, entre les autorités, les associa-tions de parents d'élèves et une intersyndicale. Ceprotocole, qui prévoyait des avancées très infé-rieures aux revendications des instituteurs, a étésigné par Nahouda. Le document stipule que l'in-tersyndicale et les associations présentes "deman-dent solennellement aux instituteurs de reprendreleur travail", mais tout s'est déroulé en l'absence

du représentant du SE qui n'aurait pas été prévenude l'organisation de cette table ronde. Cet accordn'a eu que très peu d'impact - les grèves se sontpoursuivies - mais a encore ajouté un peu de poi-son dans la relation déjà très conflictuelle liant lesdeux hommes. En octobre de la même année,dans un courrier adressé au président du Conseilgénéral, Nahouda lui demande de "bien vouloirmettre à exécution la décision du bureau de laCGT-Ma en réintégrant M. RakotondraveloRivalomalala dans son corps d'origine" et donc demettre fin à son détachement. Rivo adresse poursa part un courrier au secrétaire national de laCGT, Bernard Thibault, pour lui exprimer sonsouhait de travailler directement avec la confédé-

ration nationale, en ne passant plus par le contrôlede la direction locale…

Le “carriérisme”de Nahouda

Peu avant la consultation du 29 mars sur la dépar-tementalisation de Mayotte, Rivo intervientpubliquement en affirmant ne pas vouloir "pren-dre part à cette mascarade religieusement orga-nisée" et regrette que tous les syndicats aientappelé à voter pour le "oui". "Il n'est pas mandatépour s'exprimer sur un tel sujet !" affirme unNahouda irrité. "Justement, nous n'avons pas prisposition… Eux l'ont fait, et ce n'était pas leur rôlenon plus" rétorque Rivo. Le 8 avril, alors que lesprincipales confédérations syndicales de l'îlesignent un protocole d'accord sur l'intégration desagents dans la fonction publique, le SE-CGT-Maest le seul à s'exprimer contre. Là encore, pourNahouda, il n'avait pas à donner son avis. "Cetaccord ne concerne même pas les instituteurs !"dit-il - ce qui est faux, puisque la SAEM, ennemijuré du SE, l’a signé. Cette dernière interventiona été "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase",selon Nahouda. Deux semaines plus tard, il orga-nise une assemblée générale au cours de laquellela décision de l'exclusion est prononcée.Pour Rivo, c'est une preuve de plus du carriérismede son ex-secrétaire général. Alors que la confé-dération devait organiser, trois ans après le pre-mier, son second congrès en mai, aucune décisionne semblait prise à ce sujet. "Il a attendu que noussoyons évincés pour reparler de l'organisation dece congrès…" Rivo ne pourra ainsi pas briguer ladirection d'une confédération à laquelle il n'appar-tient plus. L'union a fait long feu. "Je vais rapide-ment demander au SE de retirer le sigle CGT deses banderoles" signale Nahouda. "Ça, ça me faitchier !" reconnaît Rivo en montrant un drapeaurouge pour rappeler son attachement aux valeursde la CGT… La vraie.

Nicolas Bérard

> Biko à la mairie de Mamoudzou.

Biko, le directeur de cabinet deDouchina depuis son élection en mars2008, devrait quitter la maison décen-tralisée début mai pour devenir le nou-veau Directeur général des servi-ces de la mairie de Mamoudzou,sous les ordres de Ladjo. Il devrait ainsisuccéder à Toihir, qui a fait le chemininverse : l’ancien DGS d’HassaneAbdallah est aujourd’hui en charge duservice Union européenne du Conseilgénéral. Les “transferts” entre les deuxcollectivités ont été nombreux ces der-niers mois, Ladjo s’étant débarrassé detous ceux qui étaient proches de sonprédécesseur. Le nom du successeur deBiko reste inconnu.

> Marché de Mamoudzou : le CG pour un syndicat mixte.

Les services du Conseil général sem-blent avoir enfin pris une décision quantà la gestion du marché territorial deMamoudzou, dont le bâtiment est prêt àêtre livré depuis des semaines, maisdont personne ne veut assurer la charge.Dans un document soumis aux élus, ladirection des Affaires juridiques de lacollectivité départementale propose de“recourir à une structure juridique” qu’ilconviendrait de créer. Deux optionssont envisageables : une société d’éco-nomie mixte locale, caractérisée par unactionnariat privé représentant aumoins 15% du capital ; ou un syndicatmixte “ouvert”, c’est à dire constituéentre personnes morales de droit public,comme, par exemple, la collectivitédépartementale et la commune deMamoudzou. Cette deuxième option estprivilégiée: “La souplesse du régimejuridique propre au syndicat mixte paraîtdonc de nature à constituer la solution laplus adaptée”, précise le rapport.

> Syndicat de col-lecte des ordures : la course aux indemnités

Apeine imaginé, le syndicat mixte decollecte et traitement des ordures ména-gères de Mayotte a déjà du plomb dansl’aile. Depuis le vote par les conseillersgénéraux en septembre dernier d’unedélibération relative à la création d’unetelle structure, le président Douchinarame pour convaincre les élus locaux desbienfaits d’un tel projet. Non pas qu’ilstrouvent l’idée saugrenue. Mais les mai-res et élus des quatre syndicats intercom-munaux en charge des ordures n’ontpas vraiment envie de perdre unpeu de leur pouvoir et de leursindemnités. L’un d’eux qui a participéà l’une des premières réunions d’infor-mation n’en revenait pas. “La seulepréoccupation des élus était de savoircomment conserver leurs prérogatives.A la limite, les aspects techniques, ilss’en foutaient”. Douchina, en fin politi-cien, l’a bien compris, lui qui a “dès ledébut évoqué ce problème”. “Si le pro-blème c’est les indemnités, je com-prends, mais on peut s’arranger”, auraitdit le président, “qui à aucun moment n’aévoqué le dossier dans son aspect tech-nique”. Les présidents des syndicatspourraient ainsi se voir nommés vice-présidents du futur syndicat unique.

“T ’es viré !” Le 21 avril, c’est sur ces mots qu’un grand nom-bre de salariés du Comité départemental du tourismeont été reçus dans le bâtiment du Comité aussi neuf que

les pratiques qu’il abrite semblent dépassées. C’était pour de rireévidemment, mais un de ces rires dont l’on se passerait bien,même si c’est entre collègues. “Après les propos de notre prési-dent la veille, nous étions tous abasourdis.On lisait le Flash infos,et on n’en croyait pas nos yeux. Comment a-t-il osé dire ça ?”indique l’un des nombreux employés à ne plus saisir ce qu’il setrame dans sa structure.Rappel des faits : la veille, le 20 avril, en pleine séance plénière,Ahamada Madi Chanfi, le président du CDTM mais aussi sondirecteur de facto depuis le départ de Georges Mecs, craque :“Si c’était moi, je les aurai tous virés”, dit-il en parlant de la tren-taine de salariés. Douchina a beau tenter de rattraper le coup -“il voulait dire remercier” -, Chanfi s’enfonce encore quand unOili interloqué lui demande de répéter : “Je n’ai pas dit que j’al-lais le faire. Je dis que si je pouvais, si j’étais seul, je l’aurais fait.”Des déclarations qui font suite aux révélations quelques jours plustôt dans Mayotte Eco, concernant sa gestion plus que contesta-ble de l’association - des accusations qu’il a nié plutôt timide-ment ce même 20 avril.Le lendemain, stupeur au Comité. “Même les gens qu’il a

embauchés, des proches, n’ont pas apprécié. Tout le mondese sent menacé”, ajoute notre employé. Un autre, dans le colli-mateur de la direction, affirme que cela ne date pas d’hier.“Cela fait quelques mois qu’il y a une ambiance pourrie.Certains sont laissés de côté, ils n’ont rien à faire. Pendant cetemps, on embauche des gens qui n’ont aucune expériencedans le tourisme”.

U ne plainte contre le CDTM a même été déposée fin avril, parune de ses employées. Depuis plus de six mois, la direction

refuse de lui payer deux mois de salaire, au prétexte qu’elle étaiten arrêt maladie. “Pendant trois mois, elle n’a pas eu de bureauet on ne lui a donné aucune tâche”, affirme une collègue. Et “sesarrêts maladie étaient légaux”, assure Madi M’colo Hamidou.“Ce qu’il se passe au Comité du tourisme, c’est très grave”,ajoute le secrétaire général de l’UTFO, syndicat qui compte 25adhérents - sur 28 salariés - au comité. “Tout le monde se sentmenacé, du cadre à la femme de ménage. Ils craignent lemême destin que le CNAM”, explique le syndicaliste. Outrecette plainte que le syndicat a pris en charge, Hamidoudénonce “des déplacements d’office” de certains agents et lesilence du président. “Nous lui avons laissé des messages. Sanssuite. Nous lui avons envoyé un courrier avec accusé de récep-

tion. Il n’a jamais été retiré !”La tâche est d’autant plus compliquée “que nous n’avons prati-quement plus de sous”, affirme un salarié. “Au début de l’an-née,on nous avait dit que nous pouvions compter sur un budgetde 2,5 millions. Nous avons donc engagé des dépenses. Mais enmars, on apprend que la subvention du CG tombe à 1,5 million.Aujourd’hui, on ne sait même pas si la structure pourra nouspayer jusqu’à la fin de l’année”.“C’est moi qui décide”, aurait affirmé Chanfi lors d’un Conseild’administration - sur le même ton que le désormais culte “je lesaurais tous virés”. Et pour cause : il n’y a toujours pas de directeuret un directeur adjoint vient tout juste d’être nommé.

Dans ce contexte, la grève annoncée par les salariés duComité du tourisme pour le 29 avril n’est pas une surprise. Le

préavis lancé par l’UTFO dénonce les propos de Chanfi et reven-dique l’organisation des élections des délégués du personnelainsi que l’appllication de la réglementation en matière de droitdu travail. Il évoque également la “mauvaise gestion” de la pré-sidence, “le climat social très tendu” et des cas de “harcèle-ment”, “d’intimidations” et de “discriminations”.

Bernard Alric

Au Comité du tourisme, c’est pas le Club Med’...

les indiscrets

Les cordonniers les plus mal chaussés

Ala fin de l'année 2005, la CGT-Ma avaitdemandé au vice-rectorat, dans le cadred'une convention signée avec le conseil

général, la mise à disposition du syndicat dedeux enseignants, dont Rivo. Les arrêtés demise à disposition sont envoyés. La rémunéra-tion de ces deux enseignants détachés incom-bait alors au Conseil général. Pourtant, lessalaires ne leur étaient pas versés. Les deuxsyndicalistes, qui passent leur temps à défen-dre des salariés, se retrouvent eux-mêmes dansune situation litigieuse… Ils demandent donc à la confédération des

avances sur salaire, qui leurs seront donnéespendant trois mois. Rivo touche ainsi un totalde 3.600 euros. Le vice-recteur accepte ensuitede prendre en charge les salaires, tout en signa-lant dans une lettre adressée à Salim Nahoudadatée du 26 janvier que "les situations de cesdeux personnes n'ont jamais été régularisées.(…) C'est en considération de la situationmatérielle délicate dans laquelle ils se seraienttrouvés, faute de prise en charge financière parle Conseil général, qu'il a été accepté dereprendre leur rémunération à titre exception-nel".

Rivo touche de nouveau son salaire, sans tou-tefois que ne lui soit payés les trois mois man-quants. "Mon employeur, c'était la CGT. Ilrevenait donc au secrétaire général de faire lesdémarches nécessaires au versement de monsalaire" explique Rivo, qui signale qu'"uneavance sur salaire, ça ne se rembourse pas, çase complète !" Salim Nahouda exige pourtantce remboursement, ainsi que celui d'un billetd'avion payé par la confédération à l'occasiond'un déplacement du secrétaire général du SE àParis.

NB

Les relations entre la France et lesComores ces derniers temps,c’est un peu un condensé de ce

que signifie la notion de chaud et defroid. Tantôt tout va bien, tantôt c’estla “guerre”.À première vue, on pourrait croire quetout va mal entre Paris etMoroni. Les discussions dansle cadre du Groupe de travailde haut n iveau (GTHN)franco-comorien sont sus-pendues depuis la dernièrer encon t r e à Moron i , endécembre, “compte tenu ducontexte politique”, expliquel’ambassadeur français auxComores, Luc Hallade. Laconsultation des Mahorais aenvenimé un peu plus encoreles relations entre les deuxpays : Alain Joyandet, lesecrétaire d’Etat français à lacoopération et à la franco-phonie, s’est ainsi pris unevolée de bois vert lorsqu’ils’est rendu à Moroni, le 4avril. Ahmed Jaffar, le minis-tre comorien des Relationsextérieures, lui a lancé enpleine poire lors d’une réu-nion de la COI que la consul-tation des Mahorais était “unacte inamical” envers les Comores ;un “fait accompli” que Moroni “nereconnaîtrait jamais”. Le vice-prési-dent de l’Union, Idi Nadhoim, y seraitlui aussi allé de son couplet, affirme unparticipant.Des attaques qui ont fait se tortiller sursa chaise Joyandet, rapporte la Lettrede l’océan Indien. Le secrétaire d’Etatse serait même demandé s’il n’était pasde son devoir de quitter la salle. Il nel’a finalement pas fait. Jaffar en aensuite remis une couche quelques

minutes plus tard. Après l’annonced’un tel affront fait à la France, cer-tains se sont réjoui. Le Comité Maorés’est félicité dans un communiqué le 9avril que pour la première fois, le tapisrouge ne fut pas déroulé sous les piedsdes représentants de la France ; il a

également appelé les autorités du paysà saisir la Cour Pénale Internationalecontre la France “pour déplacementforcé de population” et à refuser “d’ac-cueillir les déplacés de Mayotte”.Certains, parmi les hauts fonctionnai-res des ministères concernés, sontmême allés jusqu’à prôner la rupturedes relations bilatérales - ce qui seraitune première.Il n’en est rien, en fait. En bon diplo-mate, Jaffar a assuré ses arrières. “Dèsla fin de la conférence de la COI, il

m’a confirmé que les Comores restentattachées à de bonnes relations avec laFrance”, a déclaré Hallade le 23 avril,lors d’un séjour à Mayotte. Selon lui,“il n’a jamais été question d’une quel-conque rupture”. Au contraire, “lesdiscussions dans le cadre du GTHN

devraient reprendre dans lessemaines à venir, m’a-t-onindiqué au ministère desRelations extérieures” - cer-tainement après le référen-dum organisé le 17 mai dansles trois îles de l’Union.

Des réunions informelles

à Paris

Une information confirmée àParis. Selon un haut fonc-tionnaire du ministère desAffaires étrangères qui atenu à conserver l’anonymat,“les travaux devraient bien-tôt reprendre de manière for-melle” - l’objectif étant tou-jours “d’aboutir à un accordavant la fin de cette année”.A vrai dire, les négociationssemblent ne jamais avoir étésuspendues. “Le gel desnégociations en janvier ne

nous a pas empêché de nous rencon-trer [diplomates comoriens et français,ndlr] dans des réunions informellesrégulières à Paris”, assure ce hautfonctionnaire. A ce jeu-là, on comprend que le tapisrouge ne soit plus de mise entrel’Union des Comores et la France : pastrès complémentaire avec les portesdérobées. C’est le Comité Maoré quiva être ravi…

Rémi Carayol

GTHN : les discussions se poursuivent en catimini à Paris

C’est le chaud et le froid entre Paris et Moroni. Mais en douce et malgré des déclarations hautes en couleurs, les deux parties conti-nuent de discuter.

A La Poste,les étrangersexpérimentent lafuture privatisation

Les employés de La Poste nous avaient habitués àharceler leurs clients pour leur vendre toujoursplus de "produits" - parfois bien malgré eux,

poussés qu’ils sont par une direction de plus en plusconvertie au libéralisme effréné. C’est que la privati-sation, ça se prépare dès aujourd’hui. Ainsi ceux dela zone urbaine de Mamoudzou - mais pas en broussesemble-t-il - viennent d’inventer une nouvelle techni-que de vente : le racket des étrangers.Bénévole à la Coordination pour la concorde, laconvivialité et la paix (CCCP), Maouia cumuledepuis plusieurs semaines les dossiers en attented’envoi à la préfecture. "À La Poste", indique-t-il,"on refuse de les envoyer avec un simple recom-mandé avec accusé de réception, comme je l’ai tou-jours fait. On me dit que pour envoyer un dossier àla préfecture maintenant, c’est obligatoirement parChronopost". Trop cher pour la petite association, oupour les portefeuilles des étrangers. Donc évidem-ment rentable pour La Poste : un recommandé avecaccusé de réception coûte 5 euros, un envoi parChronopost… entre 16 et 17 euros.Selon Maouia, cette pratique a débuté en février. "Auguichet, on nous répond que c’est la préfecture quiexige ça." Etonnant, cette pratique étant illégale.

DEUX AVOCATS du barreau de Mamoudzouconfirment. L‘un dit avoir reçu plusieurs clients luiayant indiqué "que La Poste les obligeait à poster leurdemande de titre de séjour en Chronopost au lieu d’unrecommandé normal". Averti de cette pratiquelorsqu’une cliente est venue le trouver, il lui a rempli lerecommandé en précisant bien qu’elle devait payer 5euros maximum. Quelques jours plus tard, "elle estrevenue me voir en me montrant le documentChronopost à 16 euros. La Poste a refusé de prendre lerecommandé que j’avais rempli en lui disant que lapréfecture n’acceptait que les Chronopost !"Contacté par cet avocat, un membre de la directionde ce qui est encore un service public a reconnu qu’ils’agissait d’un service proposé, mais pas imposé. Il acependant indiqué qu’il ferait remonter l’info, "carce n’est pas normal", aurait-il dit à l’avocat.Quelques jours plus tard, de nouveaux clients flouésvenaient se plaindre à son cabinet… Un autre avocat du barreau a eu personnellement àfaire à un refus d’envoi avec accusé de réception. UnChronopost, sinon rien ! lui a-t-on répondu.Y’a pas à dire, à La Poste, on est fin prêt pour la pri-vatisation - le service public n’est d’ores et déjà plusqu’un vilain souvenir.

BA

Les instits devront choisirET MAINTENANT,

que feront les quelque 300adhérents dy syndicat ? SE ou CGT ? SalimNahouda se montre relativement confiant,estimant que beaucoup d'entre eux avaientadhéré au SE en raison de son affiliation."C'est du mépris pour tout le travail que nousavons accompli" s'insurge Rivo. Sûr de sonanalyse, ce dernier affirme qu'il remettra pro-chainement son poste en jeu à l'occasiond'une nouvelle élection. Et que celle-cidémontrera une nouvelle fois la confiancequ'il a su gagner auprès des enseignants dupremier degré. "J'ai fait des erreurs, à plu-sieurs reprises, mais malgré cela, ils me don-nent leur confiance, parce qu'on ne pourrajamais m'accuser de corruption et que ça, ilsle savent". Nahouda, de son côté, envisagede contacter tous les élus des comités admi-nistratif et technique paritaires pour faire lepoint, en rappelant que "la CGT fait partie dela Commission supérieure de la fonctionpublique". "La CGT-Ma aura la légitimité detravail sur le dossier des instituteurs. (…) Entreun syndicat sans affiliation et une confédéra-tion, il faudra choisir". Le SE sans affiliation ?Peut-être plus pour très longtemps…

Dans le genre mauvais payeurs, les administrations et les syndicats nesont pas irréprochables. Rivo en sait quelque chose.

L’ambassadeur français à la coopération dans l’océan Indien, Philippe Leysenne.

Où trouver Upanga ?

En Petite Terre : Boutik’air, ShopiPamandzi, boulangerie Au blé d’or,boulangerie Le péché gourmand, ScoreLabattoir.

Dans le grand Mamoudzou : Caribou,Maison des livres, Habari Presse, Shopirue du Commerce, Sodifram, HD, ScoreMajicavo, Shopi Passamaïnty, M Services Passamaïnty.

En brousse : boulangerie Sophiata(Tsimkoura), boulangerie Au petit bon-heur (Chirongui), M ServicesCombani.

Rens. : O6 39 69 10 42

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Page 5: UPANGA N°1

L’affaire Simbikangwa, ou le syndrome de la myopie policière

Impliqué depuis 2006 dans une affaire de trafic de faux papiers, le Rwandais recherché par Interpol pour avoir participé au génocide de 1994 n’avait pas été démasqué lors de sa première mise en examen.

Avril 2008Au détour d’un article de la revue fran-çaise XXI, je tombe sur quelques lignesconsacrées à Mayotte : “Cette petite îlede l'océan Indien serait devenue l'un dessanctuaires des extrémistes hutus.”C’est la première fois que le problèmeest posé dans les médias. À Mayotte, lesdemandeurs d’asile rwandais se fondentdans la masse des Africains des GrandsLacs. Débarqués sur l’île à partir de2001, ils comptent dans leurs rangs desvictimes de l’actuel régime rwandais,mais aussi des jeunes gens venus tenterleur chance en s'inventant un doulou-reux passé, et enfin un certain nombred'acteurs et de sympathisants du géno-cide perpétré en 1994 contre les Tutsi…“Ceux qui n'ont pas la conscience tran-quille cherchent à se cacher quand tules salues en kinyarwanda”, confie uneRwandaise expatriée qui a perdu desproches en 1994. “Mayotte, c’est unevraie plaque tournante.”

Juillet 2008Un demandeur d’asile rwandais aaccepté de parler, en échange de l’ano-nymat le plus total. A l’entendre, sescompatriotes vivent à Mayotte dans lacrainte des espions envoyés par le partidu président Paul Kagame, le FPR, réputé pour saparfaite organisation et son goût du secret. Entredeux histoires de “jolies femmes du FPR infiltréesen France et en Belgique”, il lâche une série denoms: des gens qui, selon lui, sont recherchés parla justice rwandaise pour leur implication présu-mée dans le génocide. Je lance une recherche surInternet. L’un des noms de la liste est cité dans desdizaines de documents : Pascal Simbikangwa.Mis en ligne par Interpol suite au mandat d’arrêtinternational émis par le Rwanda, un avis derecherche le montre assis dans son fauteuil roulant– cet officier de renseignement est privé de l’usagede ses jambes. De nombreux documents le situentparmi les membres du noyau dur du "RéseauZéro", un groupe informel de dirigeants politiqueset militaires qui durant plusieurs années, a préparéles esprits au génocide. Le personnage qui se des-sine au fil des lectures n’est pas un tendre. Son sur-nom ? "Le tortionnaire"… Déjà en 1993, une “commission internationaled'enquête” se penchait sur “les violations des droitsde l'homme au Rwanda”. “Tous les témoignagesconfirment qu'il existe dans l'entourage du chef del'Etat un certain nombre de personnes qui organi-sent les massacres, les assassinats, (…) les affron-tements (…), de diverses manières : réflexionsidéologiques, définition des moyens, choix desrégions ciblées”, écrivaient les enquêteurs. Parmieux, “le capitaine Simbikangwa Pascal (égalementréputé pour avoir torturé de nombreuses personnesde ses mains dans les locaux de la présidence)”.“Le tortionnaire” aimait aussi tremper sa plumedans le vitriol de la haine ethnique. L'ouvrage“Rwanda, Les médias du génocide” 1 révèle quel’officier était au centre de plusieurs brûlots qui,précédant la célèbre Radio Télévision des MilleCollines, prônaient la méfiance envers “l’ennemitutsi” et se réjouissaient des massacres de “cancre-lats”. “Ces journaux extrémistes servaient de trem-plin politique pour des barons du régime qui vou-laient se mettre en valeur et préparer les esprits augénocide”, explique dans un courriel le journalisteJean-François Dupaquier, co-auteur de l'ouvrage.

C’était certainement le cas de Simbikangwa, quijouera également un rôle au moment même dugénocide. Certes, il n’est pas poursuivi par leTribunal pénal international pour le Rwanda. Maisau cours d’une audience tenue en 2006, un témoina affirmé qu’il avait demandé à des miliciens de letuer parce qu’il était tutsi, et qu’il stockait à sondomicile des armes destinées aux massacres.

Août 2008Kaweni. À quelques pas de la mosquée deVendredi, des habitants m’indiquent le cheminpour trouver “l’Africain en chaise roulante”. Surles pas de porte, des gamins sucent des glaces àl’eau, des plumes de volaille plantées dans lescheveux. Le capitaine en fuite a posé son fauteuilau pied des pentes grignotées par l’habitat pré-caire, au carrefour de milliers de vies menéessans histoire dans ce fatras de maisons en dur, entôle et en planches. L'endroit idéal pour qui veutse fondre dans le paysage : ici, les règles villa-geoises sont élastiques et le seul “étranger” sur-veillé de près, c'est la police venue cueillir son lotde “clandestins”, dont l'arrivée est annoncée deruelle en ruelle au cri de “sirkali !”Une porte grande ouverte me laisse apercevoir unefillette qui écoute sagement son professeur. Je voisqu’il est en chaise roulante… c’est l’homme que jecherche. “Je la fais travailler car ici les enfantsapportent leur cartable à l'école et reviennent sansavoir rien appris.” “David” – c’est ainsi qu’il seprésente - tique un peu lorsque je prononce le nomde Simbikangwa. Puis il se ressaisit. Les différen-tes sources qui le mettent en cause ? “Des bêtises”,assure-t-il avant de pointer le doigt dans ma direc-tion. “Moi, moi, moi... Moi, je n'ai pas levé le brassur qui que ce soit. J'y mettrais le feu aux cendresde ma mère.”Sans manifester la moindre appréhension, il ditattendre une réponse de l’Office français de protec-tion des réfugiés et apatrides (Ofpra). “Le statut deréfugié ? Je l'aurai, et sinon je partirai ailleurs !Kigali ne peut rien faire contre moi : ils ont le brastrop court...”La fillette est l'une des quatre élèves auxquels il

dispense des cours de soutien - qui lui permettenttout juste de vivre, assure-t-il. Sur des étagères, descoupons de tissus africains, vestiges d’un atelier decouture monté par un membre de sa famille qui arejoint l’Hexagone. “Contrôler un commerce, jene saurais pas faire”, explique le Rwandais qui secontente de brader le stock.

Septembre 2008En fait de commerce, l’ancien officier rwandais ena monté un beaucoup plus lucratif : j’apprends parhasard qu’il est poursuivi pour une affaire de fauxpapiers, qui remonte à 2006. La justice le connaitsous le nom de Safari Senyamuhara, et ignore toutde son passé. Je suis ébahie. Passe encore qu’unhomme recherché par Interpol coule des jours pai-sibles à Mayotte depuis trois ans. Qu’il fasse l’ob-jet d’une enquête sans avoir été démasqué meparaît en revanche très étrange…

Octobre 2008À force de jouer avec le feu, “le tortionnaire” a finipar se trahir. Le 28 octobre, des perquisitionsmenées au terme d’une longue enquête permettentà la Police aux frontières (PAF) de l’identifiercomme le cerveau d’un réseau de trafic de fauxpapiers. “Il avait au moins trois lieutenants et desrabatteurs”, indique un proche du dossier. “Il pro-duisait des fausses cartes d’identité françaises del’ancien type, en papier.” Au cours de sa garde àvue, “ses déclarations brumeuses nous ont incitésà faire quelques recherches complémentaires”explique Yvon Carratero, le directeur de la PAF.

“Le statut de réfugié lui avait été refusépour des raisons obscures. On s’esttrès rapidement rendu compte que lenom qu’il nous donnait était faux.” Lapopulation de l’île découvre son visageà la télévision. À travers tout l’archipelcomorien, des “bonnes âmes” tombentdes nues : avant d’embarquer dans unkwassa, Simbikangwa a été logé gra-tuitement par la Mission catholique deMoroni, et soutenu par celle deMutsamudu, où il a passé quelquesmois à enseigner.

Mars 2009La question me taraude toujours.Pourquoi l’homme n’a-t-il pas étéidentifié lors de sa première arresta-tion ? Le directeur de la PAF, dont lesservices avaient assuré l’enquête en2006, affirme qu’il l’ignore. Un juristeproche du dossier explique que “dansla première affaire, le suspect avait étéplus organisé dans l’effacement desdonnées” enregistrées sur son ordina-teur. Les preuves étant limitées, “l’en-quête a été plus superficielle”. Unautre me répond en riant qu’il ne fautpas “surestimer la police française”.Un troisième confie que lors de larécidive de Simbikangwa, c’est un

enquêteur “plus perspicace et plus habitué à l’in-ternational que les autres” qui a pris l’initiatived’effectuer des vérifications. Dernière hypothèse, assez cocasse, livrée par unresponsable de la Police nationale pour expliquerle ratage de ses confrères : “Le système françaisse met en place peu à peu à Mayotte. Quand je suisarrivé, il y a six mois, je me suis rendu compte quenous n’étions pas reliés aux fichiers nationaux etinternationaux. Mais la plupart des collègues ne lesavaient pas. Ils entraient une recherche et, si lapersonne n’était pas répertoriée sur l’île, ils netrouvaient rien.” Et de conclure lorsque jedemande si à présent, il existe des vérificationsparticulières pour pallier à ce type de négligence :“Vous savez les étrangers, nous on est là avant toutpour les mettre dans la barge et les expulser !”

Avril 2009Le 14 novembre, le tribunal de Mamoudzou s’étaitopposé à la demande d’ex t rad i t ion deSimbikangwa adressée par le Rwanda à la France,arguant que l’accusé risquait de ne pas bénéficierd’un procès équitable dans son pays. Mais le capi-taine n’est pas tiré d’affaire pour autant. En paral-lèle à la plainte déposée en février par le Collectifdes parties civiles pour le Rwanda, le Parquet aouvert une enquête préliminaire contre lui. Le 20avril, le procureur général Marc Brisset-Foucault aannoncé qu’à la suite de ces deux procédures, leRwandais a été mis en examen pour génocide. Uneseconde plainte est d’ailleurs venue enrichir le dos-sier : elle émane d’une Rwandaise réfugiée enBelgique dont la famille a été massacrée durant legénocide, indique le procureur. L’intérêt manifeste du Parquet pour cette affaire nefait cependant pas oublier l’effarante myopie desforces de police, et le manque évident de volontépolitique pour débusquer les acteurs du génocideréfugiés en France.

Lisa Giachino

1 Sous la direction de Jean-Pierre Chrétien, Rwanda, Les médias du génocide, Karthala, 1995.

Le Rwanda savaitTANDIS

que la police ignorait à qui elleava i t a f fa ire , l ’Ofpra avai t ident i f i éSimbikangwa lors de sa demande d’asile. Demême, les autorités rwandaises avaient étéinformées de sa présence à Mayotte. C’est cequ’a révélé l’examen de la demande d’extra-dition adressée par le Rwanda à la France.

Un dessinpublié dans

la presserwandaise

avant 1994,montrant

“le tortion-naire” en

action.(DR)

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