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^sc5\ fcv .<>£* / I3rganisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture Conseil exécutif ex Cent vingt-septième session 127 EX/12 PARIS, le 20 août 1987 Original français Point 5.4.1 de l'ordre du jour provisoire JERUSALEM ET LA MISE EN OEUVRE DE LA RESOLUTION 23 C/11.3 Rapport du Directeur général RESUME Par la décision 5.4.1, adoptée à sa 125e session, le Conseil exécutif a invité le Directeur général, entre autres, "à lui présenter à sa 127e session un rapport de synthèse sur l'application des résolutions et des déci- sions de 1'Unesco concernant le patrimoine culturel de Jérusalem" et a décidé "d'inscrire cette question à l'ordre du jour de sa 127esession en vue de prendre les décisions que la situation exigerait à cette date". Par le présent document, le Directeur général soumet au Conseil exécutif les éléments d'information dont il dispose à la date du 10 juillet 1987 en ce qui concerne la préservation du patrimoine culturel de Jérusalem, et notamment, le rap- port de synthèse demandé par le Conseil exécutif.

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I3rganisation des Nations Uniespour l'éducation, la science et la culture Conseil exécutif ex

Cent vingt-septième session

127 EX/12PARIS, le 20 août 1987Original français

Point 5.4.1 de l'ordre du jour provisoire

JERUSALEM ET LA MISE EN OEUVRE DE LA RESOLUTION 23 C/11.3

Rapport du Directeur général

RESUMEPar la décision 5.4.1, adoptée à sa 125e session, leConseil exécutif a invité le Directeur général, entreautres, "à lui présenter à sa 127e session un rapport desynthèse sur l'application des résolutions et des déci-sions de 1'Unesco concernant le patrimoine culturel deJérusalem" et a décidé "d'inscrire cette question àl'ordre du jour de sa 127e session en vue de prendre lesdécisions que la situation exigerait à cette date". Par leprésent document, le Directeur général soumet au Conseilexécutif les éléments d'information dont il dispose à ladate du 10 juillet 1987 en ce qui concerne la préservationdu patrimoine culturel de Jérusalem, et notamment, le rap-port de synthèse demandé par le Conseil exécutif.

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I. INTRODUCTION

1. Lors de sa 125e session, le Conseil executif a examiné le rapport duDirecteur général sur "Jérusalem et la mise en oeuvre de la résolution23 C/11.3" (document 125 EX/15) et a adopté la décision 5.4.1 dont le texteest reproduit à l'Annexe I. Le dispositif de cette décision comporte les troisparagraphes suivants :

"Invite le Directeur général à lui présenter à sa 127e session un rapportde synthèse sur l'application des résolutions et des décisions de1'Unesco concernant le patrimoine culturel de Jérusalem ;Prie le Directeur général de lancer un appel solennel à la communautéinternationale en vue de contribuer au financement des travaux de sauve-garde du patrimoine culturel et religieux islamique, afin de soutenir lesefforts du waqf, propriétaire de ce patrimoine ;Décide d'inscrire cette question à l'ordre du jour de sa 127e session, envue de prendre les décisions que la situation exigerait à cette date."

2. Le Conseil exécutif se souviendra que la Conférence générale, après avoirexaminé à sa vingt-troisième session le rapport du Directeur général sur lesmesures qu'il avait prises pour la mise en oeuvre de la résolution 22 C/11.8(doc. 23 C/15), a adopté la résolution 11.3, dont le texte est reproduit àl'Annexe II. Par cette résolution, la Conférence générale :

"1. Rappelle que... la ville de Jérusalem a été reconnue d'importanceuniverselle par son inscription sur la Liste du patrimoine mondial ;

2* Rappelle que l'occupation militaire israélienne et le statut actuelde la ville comportent des menaces pour la sauvegarde de sa vocationessentielle ;

3. Rappelle et réaffirme les précédentes résolutions telles qu'ellesont été adoptées par la Conférence générale, qui visent S garantirla sauvegarde de toutes les valeurs spirituelles, culturelles, his-toriques et autres de la Ville sainte ;

4. Déplore que des agressions et des tentatives d'agression aient étéperpétrées contre des lieux saints de l'Islam, ce qui constitue uneatteinte grave à la vocation oecuménique de la ville ;

5. Déplore que des travaux exécutés dans la vieille cité sainte aientmis en péril des monuments historiques importants, porteurs del'identité culturelle de la population autochtone ;

6. Recommande à tous les Etats membres d'unir leurs efforts pour lasauvegarde totale et efficace de la Ville sainte occupée et pour lapréservation et la restauration des monuments historiques de la citéet de son patrimoine universel appartenant à toutes les religions ;

7. Attire plus particulièrement l'attention de la communauté interna-tionale sur l'état de dégradation d'une grande partie du patrimoineculturel et religieux islamique et incite les Etats membres à soute-nir les efforts du waqf propriétaire de ce patrimoine, en contri-buant volontairement au financement des travaux de sauvegarde ;

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8. Remercie le Directeur général de tout ce qu'il a fait dans ce do-maine et le prie d'aider par des moyens adéquats à la mise en oeuvrede cette résolution conformément aux conclusions du rapport du pro-fesseur Lemaire (23 C/15) ;

9. Décide d'inscrire cette question à l'ordre du jour de la vingt-quatrième session de la Conférence générale, en vue de prendre lesdécisions que la situation exigerait S cette date."

II. COMMUNICATIONS REÇUES PAR LE DIRECTEUR GENERAL AU SUJETDE JERUSALEM

3. Le Directeur général a reçu de l'Observateur permanent de l'Organisationde libération de la Palestine une communication datée du 23 septembre 1986 ausujet de la mosquée de Nabi-Daoud à Jérusalem. Le texte de cette communica-tion, que le Directeur général a transmis le 7 octobre 1986 au délégué perma-nent d'Israël auprès de 1'Unesco en sollicitant les observations de son Gou-vernement, est reproduit ci-après :

Paris, le 23 septembre 1986"Monsieur le Directeur général,

Les autorités de l'occupation israélienne viennent de confisquer etde profaner la mosquée de Nabi-Daoud à Jérusalem occupée, et de la trans-former en synagogue.

Ils ont enlevé les tapis, le Mihrab, les versets du Coran et lerideau vert qui couvre le tombeau du Nabi-Daoud, en les remplaçant par unrideau bleu-marine frappé d'étoiles de David.

Par ailleurs, les autorités de l'occupation ont confisqué les mai-sons autour de la mosquée, et ils ont empêché les musulmans d'enterrerleurs morts dans le cimetière proche qui a été transformé en dépôtd'ordures.

Cette nouvelle violation de la Convention de La Haye entre dans lecadre de la politique israélienne d'israëlisation de la ville sainte deJérusalem occupée.

Comptant sur votre intervention immédiate, je vous prie d'agréer,Monsieur le Directeur général, l'expression de mes sentiments de trèshaute considération."

Omar MA.SSALHAObservateur permanent

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4. En outre, le Directeur gênerai a reçu une communication datée du5 novembre 1986 de l'Observateur permanent de l'Organisation de libération dela Palestine concernant des travaux sur des cimetières musulmans à Jérusalem.Le texte de cette communication, qui a été transmis par le Secrétariat auDélégué permanent d'Israël auprès de 1*Unesco le 5 décembre 1986, est repro-duit ci-dessous :

Paris, le 5 novembre 1986"Monsieur le Directeur général,

Contrairement aux affirmations dans le rapport du professeur Lemairedu 28 juillet 1986, (125 EX/15 Add.l : "II faut remarquer par ailleursqu'un projet de faire passer par le cimetière une canalisation d'eauxusées a été abandonné par la municipalité à la demande du waqf. En ce quiconcerne l'avenir du cimetière, on m'a confirmé qu'il n'existe aucunprojet de désacralisation du lieu, mais qu'au contraire sa sauvegarde etcelle des tombes sont assurées. Le site doit être aménagé dans un avenirprochain. La municipalité désire assurer la conservation et la restaura-tion des tombes et du mausolée en plein accord avec les responsables duwaqf".), les autorités israéliennes ont repris la profanation du cime-tière de Mamellah, ainsi que celui de Al Aissawiya, qui se trouvent dansla Ville sainte occupée.

Depuis quelques jours, les bulldozers appartenant à la mairie deJérusalem ont commencé à forer systématiquement le cimetière de Mamelleh,et une délégation du waqf islamique a constaté cette grave profanation,des os et des squelettes jetés dans les ruelles autour des cimetièressans aucun respect pour les morts.

Tout en condamnant énergiquement ce crime atroce commis par lesautorités israéliennes, je vous prie, Monsieur le Directeur général,d'intervenir immédiatement pour mettre fin à ces profanations et viola-tions odieuses.

En vous remerciant d'avance, veuillez agréer, Monsieur le Directeurgénéral, l'assurance de ma très haute considération."

Omar MASSALHAObservateur permanent

5. A la date de la préparation du présent rapport, le Directeur généraln'avait reçu aucune observation des autorités israéliennes au sujet des deuxcommunications précitées.

III. RAPPORT DE SYNTHESE SUR L'APPLICATION DES RESOLUTIONSET DES DECISIONS DE L'UNESCO CONCERNANT LE PATRIMOINECULTUREL DE JERUSALEM

6. Pour donner suite à la décision 125 EX/5.4.1 du Conseil exécutif, leDirecteur général a chargé son représentant personnel, M. Raymond Lemaire,professeur honoraire à l'Université de Louvain, de se rendre à Jérusalem du 20au 24 avril 1987. Le rapport de synthèse qui suit a été préparé par le profes-seur Lemaire à la demande du Directeur général. Ce rapport tient compte desrésultats de sa mission.

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NOTE DE SYNTHESE SUR L'EVOLUTION DE LA SAUVEGARDEDU PATRIMOINE MONUMENTAL DE JERUSALEM

DE 1971 A 19871. Avis liminaireLa présente note fait suite à deux notes de synthèse établies respective-ment en date du 18.11.1980 et du 6.5.1983. Elle en reprend les faits etle texte pour autant que la situation en la matière est restée inchangée.Les éléments ou situations neufs sont traités explicitement.L'objectif de la note est d'établir un rapport général sur l'état dupatrimoine monumental de la ville de Jérusalem. Ont été examinés non seu-lement les monuments et les sites monumentaux ou les fouilles auxquelsdes travaux ont été exécutés ou sont en cours, mais aussi l'aspect géné-ral de la ville historique et son évolution.L'auteur a tenté d'établir une analyse réaliste et objective de la con-servation du patrimoine monumental de Jérusalem, plus particulièrement ence qui concerne les vestiges archéologiques, les bâtiments ou les partiesde la ville au sujet desquels se sont élevées des contestations ou quifurent l'objet de plaintes introduites auprès du Directeur général.Délibérément les problèmes ont été traités exclusivement sous l'angletechnique et professionnel. Cependant un cadre juridique général estesquissé afin de permettre de mieux situer les problèmes. Les apprécia-tions techniques et scientifiques se réfèrent aux connaissances ou auxnormes internationales généralement admises dans les domaines dont ellesressortent. Les appréciations qualitatives éventuelles se réfèrent auxmêmes normes.2. Statut de JérusalemAfin de mieux situer les problèmes de la sauvegarde du patrimoine monu-mental de Jérusalem il semble utile de rappeler quelques données fonda-mentales au sujet du statut de Jérusalem tel qu'il ressort des décisionsprises par les Nations Unies. Jusqu'en 1917 Jérusalem est une ville deprovince de l'Etat ottoman. Sa conquête par le général Allemby en fait lacapitale d'un territoire sous mandat britannique. En 1947, la Grande-Bretagne met son mandat à la disposition des Nations Unies qui élaborent,pour la Palestine, une partition en trois territoires distincts : l'unpour la constitution d'un Etat arabe, le second pour celle d'un Etat juifet le troisième Jérusalem, territoire sous juridiction internationale(Résolution 181, du 25.11.1947 de l'Assemblée générale). Ainsi naît, pourJérusalem, le concept du "Corpus Separatum" qui caractérise le statutjuridique que l'on attribue parfois encore à la Ville sainte et qui ins-pire l'attitude politique de nombreux pays à son égard.La guerre qui se déclenche dès avant le départ des forces britanniquescrée un état de fait, consacré par l'accord du cessez-le-feu du 21 juin1948. Celui-ci divise de fait le territoire de la Palestine et la villede Jérusalem entre les deux belligérants selon un axe nord-sud. La citéhistorique, qui avait fait l'objet d'une bataille sanglante, entre enpossession jordanienne tandis que la ville nouvelle, développée depuis leXIXe siècle sur son flanc ouest à l'initiative de la population juive enforte croissance, est rattachée au nouvel Etat israélien qui s'était crééle 25 mai 1948.

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Le 13 décembre 1948 le Parlement jordanien vote l'annexion du territoirepalestinien contrôle par son armée, c'est-à-dire la GisJordanie et lapartie orientale de Jérusalem, tandis qu'un an plus tard, jour pour jour,le Parlement israélien, la Rnesset, prend une décision similaire pour lapartie occidentale de la ville. Cependant, trois jours auparavant, le10 décembre 1948, l'Assemblée générale des Nations Unies avait confirméla résolution 181 qui préconise pour la ville tout entière le statut deterritoire international.Divisée en deux pendant plus de vingt années par un véritable rideau defer, que ne perce que la célèbre "porte de Mandelbaum", la ville toutentière est conquise par l'armée israélienne en même temps que laCisjordanie durant la "guerre des six jours" en juin 1967. Le 22 juin laRnesset vote l'annexion au territoire israélien de la partie orientale deJérusalem et d'une large zone alentour et décide de faire de l'ensemblede la ville la capitale de l'Etat ; cette décision est confirmée par desvotes ultérieurs. Le 22 novembre le Conseil de sécurité adopte la résolu-tion 242 exigeant le retrait des troupes israéliennes de tous les terri-toires occupés, y compris Jérusalem. Cette résolution est la pierre angu-laire de toutes les résolutions et recommandations adoptées ultérieure-ment au sujet de la ville par les Nations Unies et par 1'Unesco.3. La ville de Jérusalem et son agglomérationLa préservation du site traditionnel de Jérusalem constitue l'une despréoccupations souvent exprimées au cours des vingt dernières années à laConférence générale et au Conseil exécutif.Comme de nombreuses villes depuis la fin du XIXe siècle, Jérusalem est enmutation constante. Cette mutation s'est accrue et fantastiquement accé-lérée depuis la fondation de l'Etat d'Israël et plus particulièrementdepuis 1967.De très nombreux édifices ont été construits dans la ville pour lesadministrations publiques de l'Etat israélien. Des dizaines de milliersde logements neufs ont vu le jour. Des usines ont été construites engrand nombre. Cette politique est inspirée par la décision unilatérale dela Knesset d'annexer tout le territoire de l'actuelle municipalité deJérusalem à l'Etat israélien. Une grande partie des constructions nou-velles sont situées à l'ouest de l'ancienne frontière, mais des équipe-ments importants tels que la nouvelle Université hébraïque sur le montScopus (où elle a été fondée en 1925), les milliers de logements deFrench Hill ou de Ramat-Eskhol, l'aéroport international de Jérusalem, etd'importantes zones industrielles, tous construits depuis 1967, setrouvent en zone occupée.Si depuis la crise économique l'essor des constructions nouvelles aralenti considérablement, des extensions non négligeables ont été réali-sées encore au cours des dernières années, tel l'achèvement de bâtimentsélevés, en cours d'édification dans le territoire israélien de Jérusalemoù leur silhouette se confond avec celle des immeubles-tours, tous cons-truits au cours des années antérieures. Elles contribuent cependant à ladensification regrettable de l'arrière-plan de la ville historique quiconstitue l'un des plus beaux paysages urbains du monde.

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Au niveau de l'agglomération elle-même, il convient de signaler la cons-truction toujours en cours de vastes quartiers d'habitat përiurbain ausud-ouest de Nabi-Samuel. La zone concernée était prévue pour être déve-loppée en "Residential Urban Zone" dans le plan directeur israélien de laville, établi en 1968. Elle est localisée à l'est de la frontière del'Etat d'Israël et appartient donc aux territoires occupés.Il en est de même pour la ville satellite de Maalé Adomin, située à unedizaine de kilomètres à l'est de Jérusalem et de la zone industrielleavoisinante. Cette fondation nouvelle, en plein désert, est proche de laroute qui relie Jérusalem à Jéricho. Selon les responsables de l'urba-nisme à la municipalité, plus d'un millier d'habitations y étaient ache-vées en 1983. Maalé Adomin est l'un des chaînons du vaste ensemble defondations nouvelles qui, au sein ou à l'entour du territoire municipalactuel de Jérusalem, étend la nappe urbaine, déjà vaste et relativementdense en territoire israélien, vers le nord, vers l'est et vers le sud dela vieille ville en zone occupée. Si les constructions innombrables éle-vées depuis la "guerre des six jours" ont très profondément modifiél'aspect de Jérusalem, le début de l'altération du site remonte à plusloin. L'évolution de la population de l'ensemble de la ville est signifi-cative à cet égard :

1922 : 68.000 habitants,1967 : 267.000 habitants,1980 : 380.000 habitants,environ 450.000 aujourd'hui.

Dès avant 1967 la croissance rapide de la population et le développementdu tourisme avaient requis de nombreuses constructions nouvelles, pastoujours bien intégrées, ni dans le site, ni dans la morphologie du tissuurbain. Telles, parmi d'autres, la construction d'un grand hôtel inter-national au sommet du mont des Oliviers, et d'un autre au milieu du vil-lage de Siloé. Ces cas démontrent que, dès avant 1967, la "Jérusalem del'Est" commençait à subir les effets malheureux d'un urbanisme incontrôlé.La situation s'est aggravée au cours des dix dernières années, surtoutpar l'édification d'une série d'immeubles-tours ou de quartiers auxallures de forteresses qui détruisent la silhouette et l'échelle du cadreimmédiat dans lequel s'inscrit l'admirable paysage de la vieille ville.A l'exception de l'un de ces quartiers, celui de French Hill, d'une tour,du vaste ensemble de l'Université hébraïque sur le mont Scopus et dunouvel hôtel Hyatt, la plupart de ces édifices se situent à l'ouest de lafrontière d'avant 1967, c'est-à-dire en territoire israélien.Il convient d'observer que l'opposition à l'altération, par la construc-tion de grands ensembles, du site historique de Jérusalem est forte ausein d'une partie non négligeable de la population juive. Des organismesde défense et d'avis, tels que "Beautiful Jérusalem" ont été constitués àcet effet. Une opposition s'est affirmée depuis des années contre levaste projet de reconstruction de Mamilla, situé en partie en territoireisraélien et en partie dans l'ancien "no-mans land", aux abords immédiatsde la porte de Jaffa.Il faut remarquer cependant que depuis la fin des années 70 aucune nou-velle construction haute n'a été entreprise. La municipalité semble avoirrenoncé à admettre la réalisation de constructions hors d'échelle quiendommagent définitivement la beauté d'un site incomparable.

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Devenue "capitale" d'un Etat, Jérusalem a perdu définitivement l'aspecttraditionnel "biblique", qui fut le sien pendant des siècles. Cette évo-lution a débuté timidement à la fin du régime ottoman, s'est poursuivie àl'époque mandataire, a commencé à prendre des formes étrangères à latradition à l'époque jordanienne et s'est véritablement accentuée depuis1967. La ville historique ne constitue plus qu'une partie minime (90 haou 0,08 %) d'un vaste territoire municipal à cheval sur la frontière del'Etat israélien et des territoires occupés dans lequel se sont cons-truits et se poursuivent les équipements et bâtiments d'une grande villemoderne. Grâce à la structure du site, à la position de la ville dansl'ensemble urbain et à la politique développée depuis près de centannées, la spécificité et l'intégrité de la ville historique et son dia-logue avec la vallée du Cedron ont été conservés, mais l'entourage, etles paysages qui se développent au-delà des murailles modérément au sud.et à l'est, mais fondamentalement au nord et à l'ouest, ont été totale-ment bouleversés. Les espaces désertiques y ont fait place à d'énormesquartiers construits, ponctués parfois par des immeubles-tours.4. Les aménagements dans la vieille villeLes aménagements dans la cité historique comprennent principalement : lerenouvellement des égouts, des adductions d'eau et d'électricité, lerenouvellement des pavements de rues et de places, de l'éclairage public,l'aménagement de la devanture des boutiques, l'aménagement du pourtourextérieur des remparts, l'enlèvement des stockages d'immondices à l'inté-rieur des remparts et l'enlèvement des antennes de télévision. La restau-ration et la reconstruction du quartier juif constituent, dans l'enceintede la ville historique, un ensemble à part ayant été, à l'encontre dureste de la cité, gravement touché par les faits de guerre en 1948.Tous ces travaux ont débuté en 1969. Ils se poursuivent depuis lors parphases successives en fonction des moyens financiers disponibles.4.1 Le renouvellement des infrastructures (ëgouts, adduction d'eau,

câbles de distribution d'électricité) est, selon les informationsdonnées par M. Yaacovi, président du East Jérusalem Development Ltd,organisme chargé de l'exécution des travaux, terminé pour plus destrois quarts. J'ai souligné auparavant la nécessité technique ethygiénique de leur exécution. L'ancien réseau d'égouttage devenaitnettement insuffisant pour absorber la consommation fort accrued'eau. Sa structure accidentelle faite de morceaux appartenant àdifférentes époques, parfois très anciennes, était à l'origine denombreux troubles et incidents qui vu la nature des eaux (eauxvannes) pouvaient soulever de graves problèmes d'hygiène. Si l'op-portunité des travaux ne semble pas faire de doute, également auxyeux de la population arabe de la ville, de sérieuses critiques sefont sur la manière dont certains travaux ont été exécutés. Parmices reproches celui de n'avoir pas assez tenu compte de l'état desbâtiments qui bordent les rues, de les avoir réalisés en partie enpériode de pluies hivernales multipliant de ce fait les inconvé-nients d'accès aux maisons et les risques d'affouillement du sol etd'inondation des caves. Certaines maisons ont été sérieusementlézardées, voire même détruites. Ces maisons ne sont pas trèsanciennes (XIXe ou même début XXe siècle) mais elles appartiennent àl'architecture vernaculaire de Jérusalem. Elles sont construites enpierres du pays et comportent des espaces voûtés en berceau ou encoupole.

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L'examen des façades dans les rues du quartier musulman qui ont été équi-pées d'une nouvelle infrastructure ne révèle en général pas de fissuresactives. Une telle analyse est cependant peu exhaustive car c'est à l'in-térieur des maisons que les dégâts sont en général les plus évidents.L'efficacité du nouveau réseau d'égouts est prouvée par le fait que cer-taines caves de bâtiments régulièrement inondées auparavant ne le sontplus aujourd'hui. C'est, e.a. le cas de la crypte de l'église patriarcalearménienne Notre-Dame-du-Spasme. Par contre, les architectes du waqfsignalent que dans les parties basses du quartier arabe les nouveauxégouts ont absorbé avec peine les pluies, à vrai dire exceptionnelles,des récents hivers rigoureux.Il est donc difficile, en dehors de plaintes concrètes, d'émettre unjugement équitable sur les critiques émises sur la méthode d'exécutiondes travaux. Les autorités responsables affirment que les ingénieurs ana-lysent les travaux avec beaucoup de soin et prennent les mesures néces-saires pour éviter ou, en tous les cas limiter, les conséquences desgrands travaux publics entrepris dans la vieille ville. Il est certainque ceux-ci se font dans des conditions techniques particulièrement dif-ficiles. Les rues sont en général très étroites (souvent moins de 2 à3 mètres) et il faut maintenir le trafic des piétons et des biens pendantles travaux. Le sous-sol est extrêmement variable et incertain car il estconstitué souvent de couches superposées de débris accumulés au cours deplus de deux millénaires, épaisses de plusieurs mètres et encombrées demurs, de canalisations anciennes, de citernes en services ou comblées,etc. Les fondations des maisons prennent appui sur ces débris et sontdans de nombreux cas peu profondes. Dans les quartiers bas de la ville,l'humidité et les sels rongent le mortier des murs. Tout cela expliquepourquoi les structures vernaculaires sont souvent fragiles. Des fouillesexécutées au pied de leurs murs peuvent les ébranler.Le fait que relativement peu de plaintes avaient été introduites, tout aumoins à ma connaissance et après information tant auprès des architectesdu waqf que des autorités municipales, est une indication que l'exécutiondes travaux a généralement tenu compte de la nature des constructionsavoisinantes. Il ne faut pas exclure cependant que des dégâts nouveauxapparaissent avec le temps. Le tassement du sol après fouilles peut êtrelent et risque de s'accentuer après une forte période de pluie. Parailleurs l'installation d'un nouveau système d'égouttage, situé plus pro-fondément que le précédent, crée un nouveau drainage du terrain qui peutaccentuer ces tassements.Les autorités et les notables arabes se plaignent des difficultés que lapopulation éprouve pour obtenir la réparation des dégâts causés aux mai-sons par ces travaux publics. La municipalité avertirait les proprié-taires concernés qu'ils doivent procéder eux-mêmes aux réparations néces-saires ou les laisser exécuter par les services municipaux, à leursfrais. Il ne serait pas question, dans ces mises en demeure, de compensa-tions financières. Cependant une maison gravement endommagée a, aux diresde M. Yaacovi, été reconstruite aux frais de la municipalité.Selon les mêmes sources arabes, lorsque l'état d'une construction est telqu'une réparation est insuffisante et qu'une reconstruction s'impose, ouque le propriétaire opte délibérément pour cette solution parce qu'elleconvient mieux à l'usage qu'il désire faire de son bien, le permis debâtir serait quasi impossible à obtenir. Le fait que certaines maisonsfurent démolies à la suite des travaux d'infrastructure, serait dû

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à cette situation. Un architecte israélien, interroge sur ce problème,explique la difficulté non par l'impossibilité d'obtenir l'autorisationen soi, mais par le fait que tout plan de construction en Israël requiertdes plans établis ou contre-signes par un architecte de nationalitéisraélienne. Cette mesure est d'application dans la vieille ville deJérusalem, car elle est considérée par les autorités isréaliennes commeterritoire israélien. Les propriétaires arabes et le waqf en particulierse refuseraient, pour des raisons politiques évidentes, de se plier àcette mesure.Malgré ces circonstances difficiles un grand nombre de maisons ont étérestaurées ou consolidées par les propriétaires ou par les locatairesavec ou sans aide de la municipalité. Il reste cependant un nombre nonnégligeable de cas irrésolus.Les édifices de stabilité douteuse ont été souvent renforcés par desarcs-boutants construits par-dessus la rue, comme il est de coutume de lefaire à Jérusalem depuis des siècles. A cet égard, il faut faire remar-quer que la trop grande multiplication de ces arcs risque de changeroutre mesure le paysage de certaines rues pittoresques de la ville etd'en altérer l'image traditionnelle et l'équilibre.Selon un rapport établi en 1985 par East Jérusalem Development Ltd,chargé de l'étude et de l'exécution des travaux, les travaux suivantsétaient exécutés en matière de renouvellement des infrastructures, despavements et des équipements à l'intérieur de l'enceinte de Soliman-le-Magnifique :

- renouvellement d'infrastructure 7.750 m- drainage 5.853 m- égouts renouvelés 10.416 m- nouvelle adduction d'eau 12.100 m- câble souterrain de téléphone 30.825 m- câble souterrain de télédistribution 20.585 m- appareils d'éclairage public 508 pièces- stations de transformation électrique 4 pièces- bâtiments consolidés 181- bâtiments démolis parce que de stabilitétrop déficiente 5

Ces travaux couvrent la quasi-totalité des quartiers arméniens, juifs etchrétiens ainsi qu'une partie importante du quartier arabe, à l'exceptiondu secteur de la ville situé au nord-est, délimité par l'enceinte,l'ancien Decumanus est (rue El Wad) et la via Dolorosa. Dans ce secteurseule la rue Bab Hutia et quelques ruelles attenantes ont été améliorées.4.2 Le renouvellement des revêtements des ruesLe pavement des rues de Jérusalem était, avant le début des travaux,constitué de matériaux multiples : restes de pavement de diverses époqueset, principalement, de produits bitumineux. Le revêtement des rues, dontl'état était, en général peu satisfaisant, est conservé dans les partiesde la ville non encore rééquipées. Il a été détruit par les grands tra-vaux ailleurs. Le nouveau revêtement est constitué de dalles de pierrenaturelle de Jérusalem. Le dessin du pavement est d'une bonne simplicité.Celui de la "Via Dolorosa" est quelque peu plus complexe que les autres :les lieux des "stations" du Chemin de la croix sont suggérés au sol pardes demi-cercles constitués de pierre de même nature et même module quele pavement général.

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Par-ci, par-là, des fragments du revêtement antique, retrouvés à unniveau inférieur, ont été intégrés dans le pavement neuf, plus particu-lièrement en face du couvent de Notre-Dame-de-Sion et sur la "ChristianQuarter Road" dans le voisinage du Saint-Sépulcre. Ces pierres, quipeuvent avoir été foulées par le cortège montant au Golgotha en 33 denotre ère, constituent pour les chrétiens des reliques émouvantes; Lestravaux paraissent techniquement bien exécutés ; au plan esthétique ilssont d'une sobriété de bon aloi.Selon les responsables du East Jérusalem Development Ltd environ33.400 m^ de pavement étaient renouvelés en 1983.Un aménagement plus important, en forme de petite place architecturée etgarnie de bancs, a été construit au départ de la Via Dolorosa sur l'em-placement d'une partie du "Birket Israël", un ancien grand réservoird'eau situé le long du mur nord du Haram-es-Sharif. Ce réservoir a étécomblé sous le mandat britannique pour des raisons de salubrité publique.Son emplacement est propriété du waqf. Il sert de parking et de lieu derassemblement d'ordures avant leur évacuation hors ville. Un projet deréaménagement avec implantation d'une roseraie avait été proposé par lamunicipalité après que les autorités du waqf avaient rejeté une premièresuggestion de recouvrir le réservoir et d'y enfermer un vaste parkingsouterrain permettant de répondre au besoin important de parcage de voi-tures près de l'une des entrées majeures de la vieille ville. Ce projetavait été rejeté parce qu'elles craignent que de nouveaux dégagements àla base de l'enceinte du Haram-es-Sharif ne constituent une source dedangers pour le Lieu saint tout entier. Reconnaissant l'importance de ceparking qui doit surtout desservir une partie du quartier arabe, ellesont décidé de réaménager le site selon un plan établi en accord avec lamunicipalité. Les travaux sont en cours.4.3 L'aménagement des rempartsDepuis 1969 les abords extérieurs des remparts construits par Soliman-le-Magnifique entre 1537 et 1541 étaient en cours d'aménagement. L'entre-prise est aujourd'hui achevée. Elle comprend :

- le dégagement du pied du rempart là où il était caché par desapports de terre ou de décombres ;

- le dégagement des vestiges des murs antérieurs, hasmonéens,romains ou croisés, là où ils étaient suffisamment conservés, plusparticulièrement le long des faces ouest et sud ;

- le dégagement des vestiges de la ville hérodienne et byzantine làoù le mur construit au XVIe siècle recoupe des zones urbainesantiques, la ville étant avant la destruction par Titus en 70 denotre ère beaucoup plus vaste qu'aujourd'hui ;

- l'aménagement paysager (plantations et chemins de promenades) dela zone comprise entre le rempart et les diverses routes de con-tournement de la ville historique ;

- l'aménagement en une place publique de la zone qui s'étend devantla porte de Damas, entrée principale de la vieille ville ;

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- une fouille à l'intérieur et à l'arriére de la porte de Damas,ainsi que la présentation de celle-ci à l'intérieur des sallesromaines et ottomanes réaménagées.

Presque toutes ces fouilles et ces aménagements ont été réalisés sur desterrains expropriés. Ces expropriations ont fait l'objet de nombreusesplaintes rappelées régulièrement au Directeur général par le Gouvernementjordanien.La dernière réalisation, exécutée au cours des deux dernières années, estle placement d'un garde-corps en fer tout au long du chemin de ronde, ausommet de la face intérieure du rempart. Ce chemin de ronde devient ainsiaccessible aux touristes entre la porte Saint-Etienne à l'est et DungGâte au sud. Seule la partie du rempart qui se confond avec le mur sud etest du Haram-es-Sharif n'est pas comprise dans cette longue promenade.L'aménagement des remparts fait partie d'un projet plus vaste visant à lacréation d'un parc national comprenant les vallées du Kidron, des flancsdu mont des Oliviers et la vallée de la Géhenne et la ceinture immédiatedu mur d'enceinte de la ville historique. Plus de 200 hectares ont étéexpropriés à cette fin, faisant l'objet de plusieurs plaintes du Gouver-nement jordanien auprès des Nations Unies et de 1'Unesco. La quasi-totalité des terrains jouxtant le rempart au sud, à l'ouest et au nordont été aménagés. Les décombres et détritus amoncelés au cours dessiècles au pied des murs ont été enlevés. Les fouilles ont mis à jour desrestes de murailles antérieures, et, au sud, des quartiers d'habitationsbyzantins et antérieurs. Des plantations ont été faites ainsi que descheminements pour piétons. Tous ces travaux sont terminés.4.4 L'enlèvement des antennes de télévisionToutes les rues qui ont été équipées d'un nouvel égout sont munies deconduits souterrains pour la télédistribution. Celle-ci fonctionne dansles quartiers chrétien, arménien et juif, aussi les antennes indivi-duelles y ont-elles été supprimées.Bien que l'équipement souterrain existe dans une partie importante duquartier musulman, la télédistribution n'y a pas encore été installée.Selon le maire de la ville, une partie de la population s'y serait oppo-sée. Les programmes diffusés dans la vieille ville sont les mêmes queceux des autres quartiers de l'aire municipale de Jérusalem équipés detélédistribution. Outre deux programmes israéliens, ils comprennent,selon la même source, deux programmes jordaniens et deux programmeségyptiens.5. Le tissu de l'habitat vernaculaireSi les monuments constituent la gloire d'une ville, c'est le tissu de sesrues et ruelles flanquées de maisons traditionnelles qui détermine sonatmosphère et son esprit. A Jérusalem l'architecture vernaculaire esttypée depuis de nombreux siècles tant par son matériau : un beau calcairedoré, que par ses couvertures en petites coupoles et ses fenêtres jume-lées en plein cintre. Cette architecture a bien résisté au temps, tant auplan physique qu'esthétique. L'administration, et une partie des habi-tants sont conscients de sa valeur et de son importance pour garder à lavieille ville de Jérusalem son visage très spécifique et son esprit. La

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réglementation en vigueur vise à sauvegarder cette architecture et à évi-ter que ne s'inscrivent, dans le tissu urbain, des bâtiments - dits"modernes" - qui altéreraient le caractère de la vieille ville. Aussifaut-il regretter que l'erreur la plus évidente commise contre cet excel-lent principe l'ait été dans la reconstruction de la partie du quartierjuif qui fait face au Haram-es-Sharif et au "Wailing Wall" où certainsbâtiments pèchent à la fois par leur volume et par leur expression archi-tecturale contre la modestie et l'esprit d'un lieu si éminent pour lescroyants de plusieurs religions.6. Le quartier juifLe "quartier juif" occupe une zone d'environ 9,5 hectares dans la partieouest de la vieille ville, au nord de l'ancien quartier maghrébin détruiten 1967 pour dégager le "Wailing Wall". Il a été très gravement endommagédurant la guerre de 1948. Des la conquête de la vieille ville en 1967, leGouvernement israélien a décidé d'en expulser la population arabe qui yétait établie, d'exproprier l'ensemble du quartier et de la restaurer.Celui-ci est réservé par priorité à l'établissement de synagogues etd'institutions religieuses et d'éducation juives. Alors qu'autrefoisl'habitat y était mixte les occupants actuels sont exclusivement juifs.Selon les ouvrages d'histoire de Jérusalem antérieurs à 1948, la popula-tion juive de la ville y habite préfërentiellement depuis le XVIe siècle.On y comptait au début de ce siècle un assez grand nombre de synagogueset de yeshivas. Les deux grandes synagogues askénase et sëpharade de laville, la "Nissam Bak" et la "Hurva" y sont établies de longue date.Reconstruites toutes deux au milieu du XIXe siècle, elles ont étédétruites en 1948.Des travaux de très grande envergure ont été exécutés dans cette partiede la ville au cours des vingt dernières années ; ceux-ci comprennentprincipalement :

- la restauration, la reconstruction ou l'aménagement des ruinesd'édifices importants soit pour leur valeur architecturale, histo-rique ou religieuse ;

- la restauration d'anciennes maisons épargnées par les destructionsde guerre ou par des démolitions ultérieures ;

- la construction d'un grand nombre de maisons nouvelles ;- la restauration et l'aménagement des espaces publics ;- la restauration, le réaménagement et la reconstruction partiellede la partie de l'ancien "Cardo", séparant traditionnellement le"quartier juif" du "quartier arménien" ;

- les fouilles importantes, conduites par le professeur Avigad.Tous ces travaux sont terminés ou touchent à leur fin.6.1 La conception urbanistiqueLa structure générale du quartier juif telle qu'elle se présente aujour-d'hui est sinon dans la précision de ses formes du moins en esprit assezfidèle à celle qui existait auparavant. Le tracé et la dimension des rues

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principales ont été respectés. Cependant certaines places ont été agran-dies, d'autres ont été créées. Un espace de grande dimension est encoredégagé au centre du quartier à l'endroit où les destructions étaient lesplus concentrées et où le mauvais état de conservation des maisons sub-sistantes à provoqué leur démolition plutôt que leur restauration. Ledébat reste ouvert sur l'opportunité de reconstruire partiellement cettezone ou de la conserver telle qu'elle est aujourd'hui.En ce qui concerne le tracé urbanistique, la nature et les proportionsdes espaces extérieurs et l'importance des volumes et des matériaux, lareconstruction du quartier juif s'insère normalement dans le tissu urbainde la vieille ville. Le traitement des espaces extérieurs, pavement derues, éclairage public, mobilier urbain, etc., est de même nature quecelui qui est adopte dans les autres quartiers de la ville. Dé-ci, dé-là,des vestiges archéologiques, mis au jour au cours des travaux de recons-truction et de restauration, ou des fouilles, ont été montrés et mis envaleur. Le densité de la construction y paraît plus grande qu'auparavantmais en l'absence de documents détaillés il est impossible de l'établiravec certitude.6.2 La restauration et la reconstruction des maisonsLa distinction entre maisons restaurées et maisons reconstruites est plu-tôt difficile à établir, de nombreuses "restaurations" se confondant, enfait, avec des reconstructions. Des 1971 l'attention a été attirée surcertaines déficiences scientifiques des travaux en cours. Il n'y futguère remédié par la suite. L'aspect du quartier est davantage celui d'unensemble vieux-neuf qu'ancien véritable. Toutefois l'unité qui régit lesmatériaux - la pierre de Jérusalem -, les proportions, les volumes et lesformes architecturales donne à l'ensemble une cohérence certaine. On peutcertes, regretter que des maisons qui auraient pu être conservées et res-taurées aient été détruites et remplacées par des constructions neuveset, entre autres, que certaines maisons déjà ruinées, il est vrai, maisrestaurables, aient été sacrifiées pour faciliter les fouilles. Il fautreconnaître cependant que l'aspect général du quartier, tel qu'il se pré-sente aujourd'hui, respecte les valeurs traditionnelles de la vieilleville.Des exceptions très regrettables à l'échelle traditionnelle respectéejudicieusement ailleurs dans la reconstruction du quartier juif sontconstituées par les bâtiments énormes élevés sur son front est, face auHaram et à la mosquée El Aksa. Ils sont séparés par la vallée duTyropeon, occupée en partie par l'esplanade créée en 1967 devant leWailing Wall. A l'emplacement des bâtiments actuels s'élevaient, avant1948, plusieurs yeshivas (la plus importante était Porat Youssef) dontles dimensions étaient déjà plus considérables que les bâtiments cou-rants. Les bâtiments neufs sont totalement hors échelle - à front deplace leur hauteur est de dix étages ! Ils sont d'une architectureagressive sans rapport avec les constantes historiques de l'architecturehiérosolymitaine. Leur construction me paraît être une erreur qui hypo-thèque pour longtemps le paysage global de la ville et celui de l'espaceurbain créé par le dégagement de la grande esplanade, hors d'échelle elleaussi, aménagée devant le Wailing Wall.

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6.3 Les monumentsLes grandes synagogues Nissam Bak et Hurva n'ont pas été reconstruites.Leurs ruines ont été consolidées et elles sont conservées telles quelles.Par contre, d'autres synagogues plus modestes ont été restaurées(Istanbul, Benzakkai, etc.).Au cours des travaux de dégagement les vestiges d'une église chrétienne,bâtie par les croisés, ont été identifiés. Il s'agit de l'église Sainte-Marie-des-Allemands. Ses ruines ont été consolidées et mises en valeurdans un jardin bien entretenu.6.4 Un monument important, situé aux confins nord du quartier, est l'an-cien Cardo de la ville romaine du Ile siècle. Au cours des siècles, etcertainement déjà à l'époque des Croisés, il fut reconstruit et trans-formé en souk voûté dont les restes subsistaient dans l'enchevêtrement deconstructions partiellement ruinées par la guerre.Dès 1971, la municipalité a exprimé l'intention de reconstruire cessouks. Un concours a été organisé à cet effet. Le projet initial pré-voyait une construction totalement neuve ; il a été profondément modifiéafin de conserver et d'y intégrer les vestiges intéressants des construc-tions antérieures. C'est ainsi qu'une partie des souks médiévaux ont étéconservés, restaurés et mis en valeur. Plus important est le fait que lesfouilles ont mis au jour des restes importants, colonnes, murs et mêmeséchoppes, du Cardo romain (ou plutôt byzantin). Tous ces vestiges ont étéconservés et intégrés dans le nouvel aménagement. Quelques travées ontété remontées dans les dispositions primitives avec des colonnes origi-nales. Le tout est protégé sous une nouvelle couverture faite en voile debéton. Le souk a retrouvé ses fonctions commerciales initiales. Des habi-tations intégrées au quartier juif ont été construites par-dessus. Laplupart sont agrémentées de jardins suspendus et de terrasses ombragéespar des plantes grimpantes.6.5 Les fouilles qui furent très importantes dans le secteur sont arrê-tées depuis 1978. Aucun nouveau chantier n'a été ouvert depuis lors et leprofesseur Avigad, responsable de la recherche archéologique dans lequartier, n'a pas de nouveaux projets. On s'est attaché depuis à assurerla conservation et la mise en valeur de certaines découvertes archéolo-giques importantes. C'est ainsi que, sur une longueur d'une vingtaine demètres, les fondations de second mur d'enceinte de la ville, datant del'époque des rois, sont exposées dans une fosse à ciel ouvert creusée àl'emplacement d'une rue. D'autres vestiges ont été maintenus et sont misen valeur dans les substructions d'édifices reconstruits. Les restes dela "Néa", église célèbre construite au Vie siècle par l'empereurJustinien, et la "maison brûlée", témoin émouvant d'une habitation romainedétruite par l'incendie de là ville par l'empereur Titus en l'an 10, sontconservés et rendus accessibles selon cette méthode.C'est aussi le cas pour un groupe de plusieurs habitations patriciennesjuives, datant également d'avant l'an 70 dont non seulement les cavesmais aussi une partie des murs du rez-de-chaussée, avec leur décor peintou en stuc, ont été mis au jour. Ces vestiges sont conservés dans lessubstructions d'une nouvelle yeshiva et seront rendus accessibles souspeu au public.

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7. Les fouilles dans d'autres secteurs de la villeOn fouille à Jérusalem depuis plus d'un siècle, principalement lesBritanniques, les Français et les Américains. En 1967, au moment de la"guerre des six jours", une importante campagne est en cours sous ladirection de deux archéologues célèbres, Katleen Kenyon et le révérendpère R. de Vaux, O.P. Elle a débuté en 1964. Les sondages se situent dansla zone sud du Haram-es-Sharif et sur la colline de l'Ophel, localisa-tions initiales de la Ville sainte. Ces fouilles s'achèvent en octobre1967 avec l'accord des autorités israéliennes, occupant le territoire.A l'initiative de l'Université hébraïque et du Service des antiquités,débute à partir de 1968 un vaste programme de recherche dans le sous-soljerosolomitain, nouvellement conquis. Toutes ces fouilles ne sont ni demême nature, ni de même ampleur. Il est donc judicieux d'y distinguer descatégories.7.1 Fouilles faisant l'objet d'une planification scientifique

systématiqueCe paragraphe traite des fouilles dont la programmation n'est pas liée àun état d'urgence causé, par exemple, par un danger de destruction devestiges conservés dans le sous-sol à la suite de travaux d'équipement,de construction ou de toute autre nature, ce qui est le cas pour lesfouilles dans le "quartier juif".7.1.1 Les fouilles les plus importantes et spectaculaires à cet égardsont celles qui furent entreprises dès 1968 au sud et au sud-est duHaram-es-Sharif, sous la direction du professeur B. Mazar. K. Kenyon etle père R. de Vaux avaient procédé à quelques sondages dans ce site,toutefois sans grand résultat. Une exploration systématique d'une zonecouvrant plus de deux hectares à permis à B. Mazar de mettre au jour unensemble de vestiges très importants allant depuis l'époque des rois jus-qu'à celle des Omeyyades. Une grande partie de ces fouilles se sontfaites en terrain découvert mais elles se sont étendues aussi sur unepartie de la zone occupée auparavant par le quartier des Maghrébins,démoli en grande partie dès juin 1967, à l'initiative de D. Ben Gourion,dans l'opération de dégagement du "Wailing Wall". L'extension de cesfouilles a directement occasionné la démolition d'au moins deux édificeshistoriques de l'époque mamelouk, la Zawyiah-al-Kakhrya et la maison d'AbuSa'ud, proches de la porte reliant ce quartier à l'esplanade du Haram-es-Sharif, et d'une école construite par le Gouvernement jordanien, vers1960, et qui, au moment de se destruction en 1973, servait de Cour rabbi-nale. Ces fouilles ont été exécutées sur des terrains qui sont propriétéarabe, sans accord préalable des propriétaires, ou sur des terrainsexpropriés à cette fin. L'émotion soulevée par ces destructions et lesplaintes introduites à ce sujet par le Gouvernement jordanien sont àl'origine de l'initiative prise par le Directeur général de 1'Unesco,d'envoyer sur place en 1969 le professeur G. de Angelis d'Ossat et à par-tir de 1971 le professeur R. Lemaire.

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Les résolutions successives adoptées par la Conférence générale et par leConseil exécutif depuis 1969 visent principalement ces fouilles.Celles-ci sont arrêtées depuis le début de l'année 1977.Malgré des critiques émises par certains spécialistes, on doit recon-naître que ces fouilles sont exécutées selon une bonne méthodologiescientifique. Leurs résultats sont d'une importance exceptionnelle pourl'histoire de Jérusalem depuis les origines jusqu'à l'époque omeyyadeincluse.

En 1981 et 1982 des aménagements importants ont été exécutés dans unepartie de ce 'site archéologique. Ils comprennent des travaux de conserva-tion et de consolidation, dont la nécessité de principe est évidente. Ilssont, hélas, conçus selon une option dont le moins que l'on puisse direest qu'elle est très discutable. La direction des travaux était assuréepar le professeur Meir Ben-Dov de l'Université hébraïque. Au-delà de lasauvegarde, son intention était de rendre le site "lisible" aux visi-teurs. Constitué de nombreuses couches archéologiques qui couvrent plusd'un millénaire et demi d'histoire, celui-ci est, en effet, trèsembrouillé. Malheureusement la "clarification" des témoins archéologiquesest faite par des reconstructions archéologiques de grande dimension etdans plus d'un cas très hasardeuses. Des murs ont été remontés sur deshauteurs de plusieurs mètres, des voûtes et des plafonds ont été recons-truits. Les parties refaites ont un aspect brutal, qui permet, certes, ladistinction de ce qui est ancien de ce qui est neuf, mais trouble profon-dément l'harmonie du lieu. Les vestiges authentiques disparaissent sousl'accumulation des apports récents. L'authenticité de ce site archéolo-gique, qui sur quelques ares de surface raconte toute l'histoire de Jéru-salem, en est profondément affectée. J'avais signalé dès 1975 le dangerqu'il y avait, pour la crédibilité scientifique des fouilles, à recons-truire intégralement e.a. les marches de l'escalier qui mène à l'une desgrandes entrées de l'enceinte du Temple et à remonter des colonnes donton ignore l'emplacement initial. Ce qui fut fait est sans commune mesureavec ce qui fut réalisé alors et qui posait déjà des problèmes de choixscientifique et de méthode d'exécution.

Les travaux exécutés par le professeur Meir Ben-Dov suscitent beaucoup decritiques sur place et inquiètent aussi bien les autorités que ses col-lègues israéliens. Ils s'inspirent d'une intention valable et du souci demettre également en valeur les vestiges de toutes les époques, depuis lesrois jusqu'aux Omeyyades. La méthode et les options architecturales etesthétiques adoptées pour leur exécution sont cependant inacceptables.Devant le résultat néfaste de ces travaux et les nombreuses protestationsqu'ils suscitent sur place et à l'étranger, le maire de Jérusalem adécidé de faire démonter la plus grande partie des ajouts aux vestigesoriginaux. Par ailleurs, il faut remarquer qu'une autre partie du sitedes fouilles qui contient à la fois des restes importants - dont des tom-beaux - de l'époque des rois, les restes impressionnants de l'escaliermonumental qui à l'époque hérodienne reliait la vallée du Tyropeon àl'esplanade du Temple, ainsi que les vestiges impressionnants de troispalais omeyyades - est dans un état d'abandon.

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7.1.3 Les fouilles de la citadelleDes fouilles ont été faites dans la citadelle depuis l'époque du mandatbritannique ; les dernières en date ont été réalisées en 1968-1969 sousla direction de R. Amian et A. Eitan. Le chantier a été rouvert vers 1980dans le cadre d'un réaménagement complet de l'édifice qui sert de muséemunicipal pour la ville de Jérusalem. On a remis au jour des vestiges déjàconnus datant des époques hamonéenne et hérodienne. L'objectif était deles exposer en modifiant fortement l'ordonnancement de la cour intérieurede la citadelle médiévale. La présence pesante de ces vestiges de cons-tructions antiques trouble sérieusement l'architecture du monument médié-val. La volonté de "tout montrer" est mise en oeuvre au détriment à lafois de la lisibilité des témoins archéologiques mis au jour et de l'édi-fice postérieur qui les contient. L'intérieur de certaines salles de lacitadelle est actuellement en cours de transformation afin d'améliorer laprésentation des collections.7.1.4 Les fouilles dans la "Porte de Damas"La Porte de Damas, percée dans la face nord de l'enceinte, consitue l'en-trée principale de la vieille ville. Elle date du XVIe siècle et surmontedes vestiges.monumentaux d'une porte romaine du Ile siècle. La face avantde la porte romaine a été dégagée à l'époque mandataire. Des travaux ontété exécutés entre 1978 et 1985 avec l'objectif de libérer la facearrière et de vider les salles intérieures remplies de terre et de débrisau cours des siècles. Dans l'une des salles on a mis au jour une presse àhuile d'époque byzantine. Toute l'infrastructure romaine de la Porte deDamas est accessible au public.7.1.5 Les fouilles ont été effectuées en 1971-1972 avec l'accord desautorités religieuses arméniennes propriétaires du sol dans les jardinsdu quartier arménien et dans ceux du couvent du Sauveur, construit sur lesite opposé de la maison de Caïphe. Les fouilles ont été exécutées sousla responsabilité de B. Bahat et M. Broshi.7.1.6 Arrêt des fouilles planifiéesToutes les fouilles sont arrêtées dans le secteur arabe de Jérusalemdepuis 1978.7.2 Fouilles de sites menacés par des travaux d'équipement

ou de constructionTout lieu habité, quel que soit son statut juridique ou politique passa-ger, requiert des aménagements constants, surtout à une époque d'évolu-tion rapide des besoins telle que la nôtre. Au surplus, à Jérusalem, lesdégâts causés par la belligérance étaient considérables. Vu la richessearchéologique exceptionnelle de tout le sous-sol de la ville, l'exécutionde travaux importants d'aménagement ou de reconstruction sans fouillespréalables aurait abouti à la destruction définitive de la seule sourcenouvelle d'information disponible pour mieux connaître l'histoire decette cité dont la signification concerne des centaines de millionsd'hommes, chrétiens, musulmans et juifs.Une série de fouilles ont été exécutées à Jérusalem en application de cetétat de fait.

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7.2.1 Les fouilles exécutées dans le quartier juif et dont il fut déjàquestion plus haut relèvent de cette catégorie.7.2.2 Des sondages archéologiques ont accompagné le renouvellement desconduites d'ëgouts et d'adduction d'eau dans plusieurs rues des quartierschrétiens et musulmans donnant lieu à des découvertes ponctuelles.7.2.3 Les fouilles sur l'Ophel. Des enlèvements de remblais, desfouilles et des consolidations de vestiges archéologiques ont été réali-sés dans ce secteur, localisé au sud des remparts, sur le site de la pre-mière ville de Jérusalem. La zone a été l'objet de fouilles nombreusesdepuis le début du siècle ; les dernières ont été exécutées en août 1967et 1968 par K. Kenyon, l'archéologue anglaise qui travaillait à Jérusalemdepuis longtemps en collaboration avec le R.P. de Vaux, directeur del'école biblique.Les terres de déblais de fouille amoncelées sur les flancs de la collineétaient devenues instables et ont causé, en 1976, quatre accidents mor-tels. La municipalité a alors décidé de faire évacuer les remblais. Unemise en valeur et la consolidation des murailles mises au jour auparavantet dont l'état de conservation était lamentable devait être faite à lamême occasion. Les terrains concernés appartiennent en grande partie à lamunicipalité juive de Jérusalem à qui ils furent donnés par la famille deRothschild qui les avait acquis des avant 1914 afin d'y faciliter desfouilles.Ce qui à l'origine était une opération requise pour des raisons évidentesde sécurité - des enfants avaient été tués par un éboulement - accompa-gnée, vu l'importance archéologique exceptionnelle du site, de sondageset de travaux d'entretien, de consolidation et de mise en valeur des ves-tiges découverts auparavant, est devenu une fouille classique. Elle futconduite avec science et avec méthode mais risque de créer de nouveauxproblèmes de sécurité. Un système de "monitoring" de la stabilité desremblais subsistants a été implanté et l'aménagement paysager de la zonea été achevé en 1986. Les travaux sont définitivement arrêtés dans cesecteur et aucune fouille nouvelle n'y est prévue.7.3 Le statut des fouillesII n'est pas aisé de juger du statut juridique de toutes ces fouilles parrapport aux accords internationaux. La seule référence juridique valableest la Convention pour la protection des biens culturels en cas dé con-flit armé de La Haye, 1954, qui prévoit au paragraphe 2 de l'article 5lorsque "... une intervention urgente est nécessaire pour la conservationdes biens culturels situés en territoire occupé et endommagés par desopérations militaires, et si les autorités nationales compétentes nepeuvent pas s'en charger, la puissance occupante prend, autant que pos-sible, les mesures conservatoires les plus nécessaires en étroite colla-boration avec ces autorités".Seules les fouilles exécutées dans le quartier juif pourraient, dans uneinterprétation large, répondre à ces exigences. Le quartier a été démolipar faits de guerre. A en juger d'après les photographies et des observa-tions faites sur place, l'état des ruines présentait un danger public et

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la restauration ou reconstruction, décidée par les autorités politiquesisraéliennes, constituait une mesure préservatoire nécessaire à la sauve-garde des édifices historiques ëtroitement imbriqués dans un tissu urbaintrès dense. Par ailleurs, la non-exécution de fouilles aurait entraîné ladestruction irrémédiable des vestiges d'importance exceptionnelle - commele démontrent les découvertes - contenus dans le sous-sol dont il a étéfait mention plus haut.D'autres fouilles peuvent trouver leur justification dans le droitcommun : celui du devoir du pouvoir occupant de veiller à la sécurité età 1'hygiène dans les zones qu'il occupe. Le renouvellement d'ëgouts dontl'insuffisance et l'usure sont telles qu'ils éclatent régulièrement,l'enlèvement de terres instables ayant causé la mort d'hommes et consti-tuant un danger public sont parmi ceux-ci. Que de tels travaux doivents'accompagner, dans un site dont le sous-sol est exceptionnellement richede vestiges archéologiques, de sondages strictement nécessaires à lasauvegarde des "archives du sol" peut être difficilement nié. Cependant,dans certains cas, l'ampleur de ces travaux peut prêter à confusion.Il ressort évidemment, au vu des observations qui précèdent, qu'aucunejustification juridique ne peut être invoquée pour l'exécution defouilles entreprises dans le seul objectif de recherche archéologique,telles que les fouilles entreprises par le professeur B. Mazar au sud età l'ouest du Haram-es-Sharif, ni pour celles qui ont accompagné la miseen valeur des remparts de la ville.La recommandation définissant les principes internationaux à appliquer enmatière de fouilles archéologiques, adoptée par la Conférence générale de1'Unesco, neuvième session, New Delhi 1956, statue en son article 32 que"tout Etat membre qui occuperait le territoire d'un autre Etat devraits'abstenir de procéder à des fouilles archéologiques dans le territoireoccupé". Bien que ce texte n'ait pas de valeur juridique, il lie morale-ment les pays qui l'ont vote, parmi lesquels Israël. Le même articleprévoit que "la puissance occupante devrait prendre toutes les mesurespossibles pour protéger [des] trouvailles" faites fortuitement pu àl'occasion de travaux militaires. Ce principe peut-il être appliqué parextension aux fouilles qui sont exécutées dans les zones dont le sous-solest menacé par des constructions nouvelles ou par des travaux d'infra-structure réalisés en territoire occupé ? Il est difficile d'établir siune telle hypothèse correspond à l'esprit de la recommandation car il estévident que ses auteurs n'ont pas prévu une occupation militaire delongue durée, comme celle qui existe depuis vingt années dans la région.8. Le tunnel de long du mur ouest du Haram-es-SharifLe tunnel a été creusé sous le quartier musulman à partir de 1968, àl'initiative du rabbinat et du Ministère des affaires religieuses, afinde dégager une frange du mur de l'enceinte du mont du Temple. Une pre-mière phase des travaux a duré jusqu'en 1975 environ. Le tunnel a laforme d'une galerie, large en moyenne de 1 à 2 m, et haute de 3 à 6 ou7 m selon la nature du sous-sol rencontrée.

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Cette opération a provoque de fortes réactions dans le monde arabe nonseulement à cause de la violation du droit de propriété que constitue lecreusement d'un tunnel sous la propriété d'autrui mais aussi à cause desdégâts causés par des mouvements de terrain aux monuments historiques,nombreux dans cette zone, et à l'habitat d'une exceptionnelle densité. Lacrainte existait aussi que par l'un ou l'autre percement découvert dansle mur on ne pénètre sous le Haram lui-même.Il y a quelques années l'arrêt complet du creusement et la consolidationde la galerie souterraine ainsi que la consolidation des bâtiments de laMadrasa Jawahryia et de Ribat Curt, deux monuments datant de l'époquemamelouk crevassés à la suite de tassements du sol sous leurs fondations,ont calmé le conflit.Les travaux ont repris en 1981. En effet, à cette époque, le tunnel a étéprolongé sur une centaine de mètres au moins. Il atteint aujourd'huij àpeu de chose près, l'angle nord-ouest du Haram, où s'élevait à l'époquehërodienne la célèbre forteresse Antonia et sa longueur totale est de305 m. Le prolongement du tunnel est creusé en grande partie dans desterres mêlées de décombres et passe à travers quelques anciennes citernesdifficiles à dater. Il aboutit à un cul-de-sac constitué par un retour durocher sur lequel reposent les murs de la forteresse dont les assises debase ont été dégagées. Il s'agit, comme pour le reste du mur hérodien duHaram d'une maçonnerie faite de pierres énormes soigneusement taillées.Certaines pierres pèsent plus de 200 tonnes. On peut considérer que, saufà tailler dans le roc, il est impossible de pousser le tunnel plus enavant. Sa longueur totale, salles sous la Madrasa Tankiziya comprises,est d'environ 340 nu Se profondeur moyenne sous le sol est de 8 à 9m.Sur toute sa longueur le tunnel a été consolidé par des structures enacier et en béton. Le creusement de ce tunnel ne répond à aucun programmede recherche archéologique, il n'a pas été réalisé selon les méthodesscientifiques de fouilles. Sa seule justification relève du domainereligieux.Depuis le début du creusement du tunnel des dégâts sont apparus danscertains immeubles construits par-dessus. Les plus importants causés parla première campagne affectèrent plus particulièrement la MadrasaJawhariyia et Ribat Curt ; la seconde campagne est à l'origine de la fis-suration des murs et de l'effondrement d'une partie de l'escalierd'honneur de la Madrasa Mandjakiyia construite également au XlVe siècle.La déstabilisation de certains bâtiments situés au-dessus du tunnel estcausée par le tassement du sol situé entre la "voûte" du tunnel et desfondations des bâtiments construits au-dessus. Cette couche de terre estgénéralement épaisse de plusieurs mètres. Elle est constituée de maté-riaux divers et hétérogènes accumulés au cours des siècles et leur stabi-lité peut être troublée par des creusements souterrains, particulièrementlorsque les pluies d'hiver sont drainées à travers. Ces tassementspeuvent survenir pendant la longue période nécessaire à une nouvelle sta-bilisation de toutes les couches du sous-sol. Une preuve récente en estfournie par de nouveaux affaissements de maçonnerie apparus dans le bâti-ment de Ribat Curt sous lequel le tunnel fut creusé vers 1969 ou 1970 etcela malgré la consolidation du tunnel et du bâtiment.

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Les dégâts les plus importants ont été observés dans Ribat Curt et,récemment, dans la Madrasa Mandjakiyia. Les murs et les voûtes du monu-ment sont crevassés, et une partie de l'escalier d'honneur s'est effon-drée. Les dégâts ont été réparés depuis, mais la stabilisation définitivedu bâtiment ne semble pas encore acquise. En effet, la MadrasaMandjakiyia se trouve au-dessus d'une partie élargie du tunnel quienglobe à cet endroit de hautes citernes dont les voûtes étaient fortaffaiblies et constitue de ce fait une infrastructure fragile pour lebâtiment qui le surmonte. Le creusement du tunnel à niveau de sol cons-tant a pour conséquence qu'en certains endroits on a creusé le sol nette-ment en dessous des murs des citernes qui reposent des lors sur des rem-blais, certes bien tassés, mais recoupés verticalement au droit des murs.Cette situation, fort dangereuse, en novembre 1983, a fait à" l'époquel'objet d'une mise en garde sérieuse. Tout a été consolidé depuis par desvoiles de béton armé. La structure du tunnel est désormais solide etaucun danger d'effondrement du bâtiment qui le surmonte n'est à craindre.Cependant il est très probable que des mouvements légers continueront àfissurer l'édifice pendant un temps plus ou moins long, probablementplusieurs années.Le creusement du tunnel a été dans le passé un sujet constant de désac-cord entre les autorités religieuses qui en ont pris l'initiative etd'autres administrations dont la mairie de Jérusalem et le Service natio-nal des antiquités. La presse israélienne a fait fréquemment état de cedésaccord. Sur l'intervention pressante du maire de la ville auprès dupremier ministre et du ministre des affaires religieuses, la confirmationde l'arrêt total des travaux promis par le ministre au représentant per-sonnel du Directeur général de 1'Unesco a été obtenue. Cette décision aété officiellement confirmée et l'arrêt total des travaux de creusement aété constaté. En effet, depuis avril 1984 aucun allongement ni élargisse-ment du tunnel n'a été exécuté. L'effondrement de l'escalier de laMadrasa Mandjakiyia est survenu durant l'exécution des travaux de conso-lidation et démontre, s'il était nécessaire, à la fois les difficultés etles dangers que comportent de tels travaux que ne justifient ni la sauve-garde, ni la recherche scientifique.Un élément neuf a surgi au mois de mars 1987. Au cours des derniers tra-vaux de consolidation, à son extrémité nord, une partie du plafond dutunnel s'est effondrée, ouvrant un passage sur un autre tunnel se diri-geant vers le nord, long d'une bonne centaine de mètres et aboutissantdans la partie méridionale d'une énorme citerne antique située à l'anglede la Via Dolorosa et de Al Wad Street, sous le couvent des soeurs deSion. Ce tunnel était connu, mais son existence avait été oubliée,semble-t-il, car aucun archéologue israélien n'en a fait mention en rap-port avec la problématique cependant brûlante du tunnel récent. En effet,Warren et Schick l'ont découvert et parcouru, le premier vers 1865, lesecond pendant le dernier quart du XIXe siècle. Ils l'ont relevé avecsoin et en font mention dans leurs études. Il semble que les autoritésislamiques de la ville en avaient une vague connaissance car en 1983elles signalaient au représentant du Directeur général qu'elles crai-gnaient l'existence "d'une possibilité d'accès au départ d'une vasteciterne située hors du Haram à l'angle nord-est de la muraille. Un tunnelancien longeant le mur est du sanctuaire aboutirait à cette salle souter-raine. Ce tunnel pourrait présenter des pénétrations sous le rocher. Parailleurs la crainte existe que les autorités religieuses qui commanditentle creusement du tunnel mentionné au paragraphe précédent ne fassentpercer le rocher qui le bloque pour relier les deux tunnels".

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Le tunnel redécouvert est constitué par une profonde entaille, de moinsd'un mètre de largeur jusqu'à huit mètres de profondeur, dans la masse durocher et est ouvert par de grandes dalles de pierre. A l'origine, ilsemble avoir été conçu pour amener l'eau de la piscine jusque sur le montdu Temple. Il a été coupe par la construction de l'enceinte hérodienne etest donc hors d'usage depuis près de 2.000 années au moins.A l'époque de Warren le tunnel servait de citerne pour eaux usées ; elleen porte encore les traces aujourd'hui.A partir de ce tunnel partent une série de canalisations plus petitesainsi qu'une suite de deux salles souterraines dont la dernière aboutit àune ouverture dans le mur du Haram-es-Sharif. Une dalle en béton en pro-tège l'accès.La visite des lieux, immédiatement après la découverte, démontre qu'aucuntravail récent n'a été exécuté dans le tunnel ou les salles retrouvées.Les autorités du waqf ont été immédiatement averties du fait et leursreprésentants ont visité les lieux, ainsi que l'ensemble du tunnel récem-ment creusé et les salles adjacentes mises au jour ou déblayées. Despourparlers sont en cours entre les parties afin d'étudier toute mesurenécessaire à assurer qu'aucun danger d'accès neuf au Haram ne puissesurgir de l'ensemble des tunnels.9. Tunnels pénétrant sous le Haram-es-SharifL'accès sous l'esplanade ou sous les bâtiments du Haram par des ouver-tures dans le mur d'enceinte ou par des tunnels anciens et peu connus oupassant par-dessous a constitué, au cours des quinze dernières années, unsujet de crainte constante pour les responsables musulmans du Lieu saint.L'état actuel des deux accès réels connus a été inspecté à plusieursreprises. Ils sont fermés par des maçonneries robustes. Le premier est"Warran Gâte", une ancienne porte d'accès hérodienne à l'esplanade duTemple épargnée dans la partie basse du mur ouest. Elle était accessiblepar une porte primitive donnant dans le tunnel creusé au cours des der-nières années le long de cette paroi. Au cours des siècles cette portefut murée et le tunnel qui la prolonge sous l'esplanade transformé enciterne. La fermeture ancienne de la porte avait été percée il y a sixannées par les fouilleurs du tunnel. Elle a été rebouchée par une paroide béton par les responsables du Haram, de leur côté ; du côté du tunnell'ouverture a été fermée par un mur constitué de blocs dé béton,construit solidement quoique négligemment.10. Destruction dans la ville historiqueLa seule destruction volontaire importante dans la ville historique estcelle du quartier maghrébin situé à l'ouest du Haram-es-Sharif. Elle adébuté immédiatement après la prise de la ville historique par les forcesisraéliennes en juin 1967. Il s'agissait à ce moment de dégager lecélèbre "Mur des lamentations", le vestige religieux le plus précieux dela religion juive à Jérusalem. Jusqu'alors ce mur était d'accès relative-ment difficile et enfermé dans une cour étroite. Le Gouvernement israé-lien a voulu le mettre en valeur et lui donner un cadre adapté à la véné-ration qu'il suscite chez les croyants juifs. Les photographies anciennesdémontrent que le quartier démoli avait une faible densité par rapport àses voisins.

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II était constitué d'un tissu architectural vernaculaire similaire àcelui des rues contiguës encore existantes, quoique plus pauvre. Sonartère principale donnait accès à la Porte des Maghrébins du Haram. Surson parcours s'élevaient les deux beaux édifices mamelouks détruits en1969. C'est à cette date, en effet, que la démolition du quartier s'estpoursuivie pour dégager les terrains de fouille. La surface totale duquartier démoli est d'environ 1 ha 15 a.Entre 1971 et 1978 quelques maisons voisines de l'esplanade du Mur deslamentations ont été démolies, soit pour améliorer certains accès, soitpour permettre le passage du nouveau collecteur principal d'égouts dontla construction était devenue indispensable à cause des accidents provo-qués par la vétusté et par l'insuffisance du réseau précédent.La démolition du quartier des Maghrébins a laissé dans le tissu urbain unvide béant. Aussi plusieurs projets ont-ils été conçus afin de donner ausite une échelle plus adaptée, un aspect moins chaotique et une atmos-phère qui souligne la haute signification religieuse juive du lieu. Aucunde ces projets n'a reçu un début d'exécution. Ceux-ci expliquent cepen-dant la politique de la municipalité d'acquérir, par achat ou par expro-priation, les propriétés arabes qui entourent l'esplanade, principalementdans la frange étroite qui sépare le quartier juif de celle-ci. Cettepolitique donne lieu à des tensions, illustrées par exemple de la ZawiaAbu Mëdienne, propriété du waqf marocain que la ville s'est efforcéed'acquérir. Les pressions subies par les propriétaires ont fait l'objetd'une plainte du Gouvernement jordanien auprès du Directeur général. Lesautorités israéliennes ont renoncé à cet achat.11. Les craintes des milieux musulmans concernant le Haram-es-SharifPlusieurs événements récents sont à l'origine d'une inquiétude accrue desresponsables islamiques du Haram quant à la sauvegarde de leurs droits etdu patrimoine religieux et monumental musulman exceptionnel concentréssur le Haram-es-Sharif.On se rappelle que le Haram-es-Sharif a une histoire religieuse d'unesignification unique pour deux milliards de croyants musulmans, chrétienset juifs. Le mont Moriah qu'il coiffe est l'endroit où le roi Salomon aconstruit le premier Temple en l'honneur de Jehovah il y a près de3.000 ans. Hérode-le-Grand reconstruisit ce Temple peu avant notre ère etdonna au site sa forme actuelle constituée par une vaste terrasse (12 ha)entourée de murs énormes, telle une forteresse percée de portes dont cer-taines accessibles par des ponts monumentaux franchissant la vallée duTyropëon. Après la destruction du Temple et de la ville de Jérusalem en70 après J.-C., le site resta en ruine jusqu'à la reconstruction de laville par l'empereur Hadrien, en 135, sous le nom de Aelia Capitolina ;des temples en l'honneur de Jupiter, Minerve et Junon s'élevèrent àl'emplacement de celui de Salomon. Certains de ces temples disparurent àl'époque constantinienne et furent remplacés par des oratoires chrétiens.Après la conquête de Jérusalem par le khalife Omar en 638, le site illus-tré par le souvenir du prophète Mahomet, fut affecté au culte islamique.Il l'est resté depuis lors, avec une interruption de près de deux sièclesaprès la conquête de la ville par les Croisés en 1099. Dès le Moyen Age,les juifs de Jérusalem auxquels leur propre religion interdit l'accès aumont du Temple, s'assemblent pour prier le long d'un court secteur du murd'enceinte occidental du Haram, le célèbre "Wailing Wall". Jusqu'en 1967

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celui-ci était enfermé dans une cour relativement étroite. Au lendemainde la conquête de Jérusalem en 1967, le mur fut dégagé par la destructiondu quartier maghrébin qui en bouchait la vue. Son dégagement fut élargien 1970 par la démolition des madrasas d'époque mamelouk qui encadraientla rue d'accès à Bal-el-Magrabeh, la porte la plus méridionale de la faceouest du Haram.Le rappel de ces faits historiques est important pour comprendre l'ori-gine de la vive tension qui existe entre Juifs et Arabes en ce qui con-cerne le Lieu saint commun aux deux religions. Cette tension était faibleet peu apparente avant 1967, la gestion de la ville étant en pouvoirmusulman. La 'conquête de la ville par Israël a inversé la situation :aujourd'hui le pouvoir juif domine la cité. Depuis lors certaines sectesjuives réaffirment leurs "droits historiques et religieux" sur l'emplace-ment du seul Temple de la religion hébraïque. Elles inspirent des actesagressifs contre le Haram dont la propriété musulmane et l'usage exclusifau culte islamique sont cependant garantis par la loi israélienne. Uneunité spéciale de la police israélienne contrôle de jour et de nuit, encollaboration avec la garde musulmane, l'accès au Haram.Plusieurs faits récents illustrent et/ou expliquent la tension actuelle.Un premier est la tentative d'occupation armée du Haram faite le 13 avril1982 par Allah Goldman. Tentative d'un seul homme, selon l'enquête judi-ciaire, mais qui a causé plusieurs morts par fusillade parmi la popula-tion arabe et endommagé le "Dôme of thé Rock". Le 7 avril 1983, Goldman,reconnu coupable et responsable de ses actes, a été condamné à mort parla justice israélienne. Cet attentat contre le Lieu saint a profondémenttroublé la population arabe de Jérusalem et inquiète vivement les respon-sables religieux musulmans qui expriment des doutes sur la volonté israé-lienne d'appliquer, en fait, la rigueur de la'loi, c'est-à-dire l'empri-sonnement réel à vie du coupable, l'exécution de la peine de mortn'existant pas en Israël.Un deuxième événement, survenant un an plus tard, est une tentative d'ungroupe d'une quarantaine de jeunes extrémistes religieux juifs d'organi-ser la prière sur le Haram, un vendredi, jour de la prière collectivemusulmane dans la mosquée El Aksa. Cette tentative a avorté avant lapénétration du groupe dans le site du Haram, la police israélienne ayanteu connaissance du projet. Néanmoins, la justice israélienne a pris l'af-faire très au sérieux. Des 40 personnes concernées par cette tentative,29 sont passées en justice sous l'accusation de complot contre la paixpublique.

D'autres événements survenus en 1985 ont accru la tension. En date du8 janvier 1985 le Président et les membres de la Commission de l'inté-rieur au Parlement israélien (Knesset) ont visité le Haram-es-Sharif. Lademande en avait été faite préalablement aux autorités du waqf, quiavaient donné leur accord et réglé avec les autorités israéliennes lesnormes et les formes de cette visite. Des incidents ont éclaté au coursde la visite. Leur origine et leur cause sont rapportées très différem-ment selon les parties. La police israélienne est intervenue sur le sitedu Haram suite à ces incidents dont la nature et l'ampleur sont diffi-ciles à évaluer après coup.

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Un autre incident concerne une tentative, le dimanche 19 janvier 1985, depénétration dans le Haram d'un groupe appartenant au mouvement "Kach"dirige par le rabbin Meir Kahane. En fait, ce groupe de religieux s'op-pose à la validité de la décision gouvernementale en ce qui concernel'interdiction faite aux juifs de prier sur le mont du Temple. Au coursdes dernières années ils ont procédé à d'autres tentatives similairesqui, comme celle-ci, ont échoué devant les portes de l'enceinte. Cesmanifestations sont clairement condamnées par les autorités israélienneset les gardes israéliens placés aux portes du Haram ont comme instructiond'interdire leur pénétration dans le site et si nécessaire, de s'yopposer.Un troisième incident a été signalé peu âpres : une tentative de pénétra-tion par creusement d'une brèche dans le mur d'enceinte à partir deRibat-el-Kurd. Selon les témoignages concordants arabes et israéliens, ungroupe fanatique a pénètre dans un réduit situé au fond de la cour inté-rieure de Ribat-el-Kurd et se préparait à une tentative de creusementd'une ouverture dans le mur. En cet endroit le mur est constitué depierres hërodiennes de très grand format et le mur a plusieurs mètresd'épaisseur. Ils ont été surpris par la police israélienne dès le débutde l'opération, qui les a arrêtés et a fermé la porte par un gros cadenasdont la clé est en sa possession. En outre, la porte en fer a été soudéeà son chambranle afin d'interdire tout accès au réduit.L'ambiance tendue est entretenue également par l'installation récentedans des maisons acquises dans le quartier arabe voisin du Haram, depetites communautés religieuses juives. Jusqu'à il y a peu de temps les"Yeshiva" s'étaient localisées uniquement dans le "quartier juif" oùelles étaient installées de longue date î cette tradition en fut inter-rompue entre 1947 et 1976, à l'époque de la scission de la ville en deuxentités politiques et administratives. Elle fut reprise après la guerredes six jours. La politique d'installation de Yeshiva au milieu de lapopulation musulmane est un fait neuf. Ces petites communautés sont fortremuantes et parfois même agressives. Leur implantation même en plein"quartier arabe" est perçue comme une agression, aussi crée-t-elle defortes tensions. D'après le maire de la ville, ces communautés sont con-trôlées de près par les autorités israéliennes.Par ailleurs, les deux grands rabbins Sépharabe et Asquënase leurauraient fait savoir qu'elles seraient expulsées de la vieille ville sileur attitude continuait à être la cause de difficultés avec leur voisi-nage musulman. Ces groupes appartiennent à des tendances religieusesplutôt extrémistes. Le fait même qu'ils ont décidé délibérément de s'ins-taller dans un quartier exclusivement arabe, dans l'habitat disponible leplus proche du "Wailing Wall" constitue une cause d'inquiétude pour leshautes autorités musulmanes qui, à tort ou à raison, y perçoivent nonseulement un attentat contre l'intégrité de la population du lieu maisaussi le premier chaînon d'une stratégie d'occupation plus globale quiviserait, à terme, le Haram-es-Sharif lui-même.L'existence d'une telle stratégie est formellement niée, tant au niveaudu ministre de l'intérieur et des affaires religieuses que du maire de laville. La loi, déjà citée, qui interdit, pour cause de paix publique, laprière des juifs sur le Haram-es-Sharif, l'extrême fermeté de la police à

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l'égard des juifs qui malgré l'interdiction tentent de s'introduire dansle Haram en vue d'y faire des prières, la très grande sévérité de la jus-tice envers les coupables d'agression à l'égard du Lieu saint, lesmenaces d'expulsion proférées par les grands rabbins à l'égard des habi-tants des Yeshiva prouvent, à leurs yeux, la réalité d'une politique ins-pirée par le respect absolu des sanctuaires musulmans et du Haram-es-Sharif en particulier. Que des groupes religieux, appelés "extrémistes"par la presse israélienne elle-même, expriment régulièrement leur volontéde rëoccuper le "Temple Mount", d'y prier, ou même d'y reconstruire leTemple détruit par Titus relevé, pour les autorités israéliennes, d'ini-tiatives privées, condamnables seulement, au nom de la loi, s'il y a ten-tative d'exécution ou mise en place de mesures qui rendent cette tenta-tive possible.Il est évident, par ailleurs, que les tentatives d'occupation du Haram,comme celle qui eut lieu en mars 1983, l'attaque du Dôme of thé Rock parAllan Goldman au printemps 1982, l'incendie de la mosquée El Aksa en1968, dont le souvenir reste toujours très vif, le creusement du "tunnel"le long du mur ouest, l'installation des "Yeshiva" dans le quartiermusulman, l'affirmation régulière par certaines autorités religieuses dudroit des juifs sur le lieu du Temple de Salomon, l'intention expriméepar certains groupes religieux de le reconstruire, ce qui implique ladémolition du Dôme of thé Rock, sont des événements qui tous visent legrand sanctuaire musulman. Ils sont à l'origine d'une inquiétude trèsréelle chez les hautes autorités et la population musulmanes de Jérusalemconcernant l'avenir des Lieux saints. Les structures de protection légaleet policiëre mises en place par le Gouvernement israélien ne constituentpas toujours à leurs yeux une garantie suffisante et durable. Selonelles, un glissement de la majorité politique israélienne vers un inté-grisme religieux plus radical pourrait conduire à une révision inquié-tante de la politique actuelle. Pour toutes ces raisons, elles estimentque le Haram est un monument en état de péril.12. La conservation des monuments musulmans12.1 La mosquée El AksaLa restauration du monument, suite à l'incendie de 1968, est entrée danssa dernière phase. Une très grande partie des travaux exécutés constitue,en fait une reconstruction et non une restauration dans le sens courantdu terme. On reproche, non sans raison, le manque d'intérêt marqué, aumoment où les travaux ont été conçus, à la sauvegarde des éléments lesplus anciens de la mosquée dont certains furent touchés par le feu. Tropde parties anciennes ont, en effet, été sacrifiées, e.a., le croisillonest, qui datait des Croisés, était de bonne architecture médiévale et aété remplacé par une construction nouvelle de style nëofatimide.La conception des travaux a cependant changé fondamentalement depuis quela direction des travaux a été confiée, il y a huit ans, à un ingénieurarchitecte spécialisé en conservation des monuments historiques.Une conception plus rigoureuse préside aux travaux en cours bien que lesconséquences négatives des décisions antérieures continuent à peser surl'opération. On pourrait souhaiter, e.a., qu'une plus grande attentionsoit donnée à la conservation de ce qui reste de l'apport croisé à l'his-toire du monument, transformé en église pendant près d'un siècle. Ilimporte, en effet, selon les conceptions modernes de la sauvegarde expri-mées e.a. dans la Charte de Venise, 1964, de conserver l'apport valablede tous les siècles à l'histoire d'un monument.

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Le décor en stuc de la coupole de la mosquée est restauré. Une partie enavait été endommagée par l'incendie, elle a été reconstituée avecrigueur. Le dégagement de la peinture primitive s'est fait avec grandsoin selon les méthodes les plus actuelles et en assurant la sauvegardede toutes les parties originales. La couverture extérieure, mal refaiteen aluminium il y a une trentaine d'années, a retrouvé son habillage enplaques de plomb selon un dessin et une technique conformes à la situa-tion initiale. Les mosaïques et le décor de marbre incrusté sont en coursde restauration. La qualité des travaux exécutés a été internationalementreconnue par l'attribution de l'"Aga Khan Award" 1986.12.2 Le "Dôme of thé Rock"L'édifice a été touché par un certain nombre de balles, lors de l'atten-tat perpétré par Allen Goldman en 1982. On en voit les traces sur descolonnes de marbre, sur les placages en marbre et en céramique des murs,dans des vitrages. Ces dégâts ne sont pas importants, mais certains sontirréparables.Le grand problème posé par le monument est l'absence d'étanchéité destoitures du collatéral. Tout comme pour la coupole, ces toitures ont étérefaites dans les années 50 en plaques d'aluminium doré en remplacementd'un couvrement en plomb très ancien. Ces plaques travaillent sous lesfortes différences de température. L'ensemble a perdu son étanchëité etl'eau de pluie pénètre. Les dommages dus à l'humidité deviennent impor-tants sur certains plafonds peints et des mesures d'urgence s'imposent sion veut éviter des dégâts considérables.On envisage de renouveler la totalité de la couverture, tant de lacoupole que du pourtour. L'utilisation de plaques de cuivre doré, placéesselon le tracé existant avant le placement de grandes plaques d'aluminiuma été retenue. Un appel public international en vue de l'exécution destravaux a été lancé récemment.12.3 Le "Dôme of thé Chain"Ce petit monument voisin du "Dôme of thé Rock" attend toujours une res-tauration urgente. Celle-ci sera entreprise dès 1987.12.4 Les services du waqf ont procédé à la restauration d'une série debelles façades mamelouks qui enferment le Haram au nord. Elles ont éténettoyées avec soin et rejointoyëes au mortier de chaux identique àl'original. Une façade a été restaurée près de Bab-el-Sisileh. Il s'agitde la Turbat Jaliqiyia. Le travail est moins réussi que le précédent : lataille des pierres nouvelles est dure et le rejointoyage fait au ciment.La qualité des travaux est assez inégale, mais il faut constater uneffort considérable par rapport à la situation existant il y a quelquesannées. Le fait d'avoir, sur place, deux architectes spécialisés en con-servation et un service des monuments islamiques compétent y a largementcontribué.12.5 Sur le Haram-es-Sharif, la même équipe a procédé à la restaurationde l'édicule mamelouk de Qait Bey (XVe). Les pierres de cet élégant édi-fice étaient cramponnées les unes aux autres par des attaches en fer.Leur rouille faisait éclater de nombreuses pierres. Un démontage partielet le recollage des pierres abîmées s'imposait. Celui-ci a été réaliséparfaitement.

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12.6 II a été procédé également au nettoyage des célèbres "Etables deSalomon" vaste salle souterraine composée par 17 nefs parallèles et delongueur différente, voûtées en berceau et portées sur d'imposantes ran-gées de piliers. Deux des trois portes de l'ancien Temple s'ouvraient surcette énorme substruction ("Triple Gâte" et "Single Gâte") dont la cons-truction date probablement de l'époque des Templiers ; leur couvents'élevait au-dessus. Ces salles étaient infestées par des pigeons etd'énormes quantités de fiente s'accumulaient sur leur pavement. Les"Etables" seront désormais accessibles aux visiteurs du Haram.12.7 Le Service des antiquités islamiques du waqf a entrepris dans laville de Jérusalem des travaux de restauration dans des conditions trèsdifficiles, vu l'impossibilité de déloger les trop nombreux habitants deces monuments et en l'absence d'un diagnostic scientifique des causesd'altérations chimiques et physiques des matériaux. Ces travaux, qui con-cernent principalement les façades, sont exécutés par une petite équiped'artisans, formés sur le tas, qui ont acquis progressivement une bonnetechnique de consolidation structurelle des édifices et du renouvellementdes matériaux trop altérés pour être maintenus. Les monuments suivantsont été restaurés jusqu'à présent : Madrasa Kilaniyia, Madrasa Muzariyia,Madrasa Louziriyia, Tombe de Turkan Katoum, Ribat-el-Kurd, Ribat BeranJamish, Madrasa Turkmaniyia, Madrasa Sarriyia, Marché de Khan-el-Sultan.Des travaux sont prévus en 1987-88 aux monuments suivants : MadrasaTaziyia, Madrasa Jalikiyia y compris le mausolée Mootoconzawiyia,Saraiya-Sit-Tunshuq et la deuxième phase de restauration du souk deKhan-el-Sultan.

Les travaux exécutés au cours des cinq dernières années le furent avecgrand soin, après relevé détaillé des monuments et étude archéologiqueapprofondie. Il s'agit de restaurations difficiles requérant une grandehabileté de la part des exécutants. Leur exécution est généralementsatisfaisante, bien qu'on puisse parfois s'interroger sur le renouvelle-ment trop important de pierres anciennes, la conservation du maximum depierres originales étant l'un des objectifs de toute bonne restauration.Il est évidemment difficile d'en juger correctement après coup. Paradoxa-lement on peut se demander si certaines pierres, maintenues en place,résisteront à la concentration des contraintes physiques et chimiques quine manqueront pas de les attaquer étant placées au sein de maçonneries,par ailleurs, fort renouvelées.La tâche qui reste à accomplir est énorme. En effet, il ne faut pascacher qu'à part les monuments qui s'élèvent sur le Haram, dont certainsattendent aussi une restauration, l'état du patrimoine islamique deJérusalem frise la catastrophe. Les édifices monumentaux appartiennentpratiquement tous aux waqf religieux ou familiaux et, selon les respon-sables, ces organisations manquent d'argent pour les entretenir et afortiori pour les restaurer.L'un d'entre eux fait le diagnostic suivant sur les causes de la situa-tion : "Personnellement, j'attribue la détérioration des mausolées auxraisons suivantes : premièrement, l'action de divers facteurs naturels,tels que la pluie, les séismes, la température, l'humidité et la mousse ;deuxièmement, les interventions de l'homme, qui a détruit certainesparties de ces bâtiments et leur en a ajouté de nouvelles, sans tenircompte de leur importance historique et archéologique."

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L'état d'un grand nombre de chefs-d'oeuvre de l'architecture mamelouk àJérusalem, tels que la Madrasa Taschtamuriyia, la Madrasa et le TurbetKilaniyia, le magnifique Khan-el-Sultan, actuellement en cours de restau-ration, et des dizaines d'autres, confirme, hélas, cette analyse lucide.Sans un plan systématique de sauvegarde basé à la fois sur un inventairecomplet du patrimoine islamique de première importance, sur un diagnosticscientifique de leur état physique et architectural, et sur l'urgenced'une intervention de sauvegarde, la perte de substance de la richessemonumentale de Jérusalem risque, dans peu d'années, d'être importante.Rien ne serait pire cependant que des restaurations mal faites qui, commece fut déjà le cas pour certaines, détruiraient à jamais la valeurarchéologique et architecturale ainsi que la fragile et sensible beautédes monuments. Or, beaucoup de ces restaurations comportent de grandesdifficultés techniques de conservation et de restauration. La complexitéde l'architecture mamalouk, la coupe extrêmement savante des pierres, ladétérioration souvent grave des matériaux rongés par les sels et parl'humidité posent des problèmes très difficiles à résoudre.Par ailleurs, la simple restauration des façades ne suffit pas à sauverce patrimoine. Certes, les façades retrouvent leur ordonnance et leurdignité, mais l'intérieur des édifices ne peut être traité selon lesrègles de l'art ni acquérir les qualités d'habitat minimales pour unebonne hygiène, si l'ensemble du bâtiment n'est pas soumis à un assainis-sement et à une restauration systématiques. Il ne faut pas perdre de vueque la plupart des anciens bâtiments, de la ville basse principalement,sont très humides et qu'un certain nombre d'entre eux - les plus intéres-sants en général au plan de l'architecture, notamment les madrasas et lesmausolées - ne sont ni destinés, ni adaptés à l'habitat familial densequi les occupe à ce jour. Ils ne présentent ni l'éclairage, ni l'aéra-tion, ni les équipements nécessaires à un logement décent. Lorsque leséquipements, sanitaires notamment, y ont été ajoutés, ils le furent audétriment des espaces architecturaux essentiels et les endommagent gran-dement. Pendant des siècles l'évacuation des eaux vannes a été mal assu-rée ; aussi, tant les murs que les sols sont-ils saturés de sels destruc-teurs. Ces inconvénients s'additionnent à l'extrême humidité des lieux età l'entassement de décombres et de débris dans les locaux inoccupés etdes cours. Il ressort de cette analyse, qui vaut pour un grand nombre demonuments islamiques très importants de Jérusalem, que de simples opéra-tions de restauration superficielles, telles que celles des façades seu-lement, sont totalement insuffisantes pour assurer leur avenir.Les travaux de sauvegarde et restauration des monuments islamiques cons-tituent une oeuvre de longue haleine, requérant des moyens financiersconsidérables qui dépassent largement les possibilités de leurs proprié-taires ou gestionnaires : le waqf de Jérusalem. Aussi la décision prisepar le Conseil exécutif de 1'Unesco en octobre 1986 de demander au Direc-teur général de lancer un appel afin que cette institution soit aidéefinancièrement dans cette vaste entreprise vient-elle en temps opportun.

127 EX/12 - page 30

13. Le Saint-SëpulcreLe Saint-Sëpulcre est en cours de restauration depuis une vingtained'années (1961). Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, des inquié-tudes fondées sur l'état lamentable du monument ont permis de promouvoirune collaboration entre les trois confessions chrétiennes propriétairesde l'édifice. Les travaux s'achèvent par la restauration de la rotonde etde la coupole du XIXe siècle qui la surmonte. A part des vestiges de lareconstruction de l'église par Constantin Monomaque en 1018, qui ne sontpas encore restaurés, c'était la partie la plus gravement touchée par lesincendies subis par l'édifice au cours de son existence. La restaurationétait certainement une entreprise très difficile. Malheureusement, on nepeut prétendre qu'elle soit une réussite. A l'intérieur un nombre trèsconsidérable de-pierres ont été renouvelées ou retaillées. Les reconsti-tutions archéologiques relèvent davantage des doctrines du XIXe siècleque des principes de la Charte de Venise. Aucune importance n'a étédonnée aux témoins authentiques ni aucune technique moderne n'a été uti-lisée pour conserver ceux qui auraient pu témoigner de l'exactitudearchéologique des parties refaites. On n'a pas respecté le mobilierancien accumulé au cours du temps, e.a. l'iconostase du XVIIe siècle. Lemassacre de la dimension historique du monument risque de se poursuivresi l'on exécute le projet de dégager derrière la chapelle du Calvaire lefragment du rocher du Golgotha qui a échappé à la destruction du sanc-tuaire par le kalife Hakim en 1009. Ce dégagement entraînerait la des-truction d'une partie de l'édifice des Croisés et des peintures duXVIIe siècle qui ornent actuellement les voûtes de la chapelle. La dimen-sion historique, d'une valeur incommensurable dans un monument d'unetelle importance, semble n'avoir jamais été prise en compte dans les tra-vaux qui ont été exécutés. Il serait très regrettable que ce qui reste àfaire soit exécuté selon le même esprit et les mêmes méthodes. Certes, cesanctuaire ne doit pas être figé dans son passé. Il conviendrait cepen-dant que les besoins neufs trouvent leur réponse dans des solutions quin'appauvrissent pas définitivement un témoignage historique qui remonteaux origines mêmes du christianisme.14. Le musée d'El Aksa est en voie de réorganisation. Une partie descollections est déjà accessible au public. On y montre quelques-uns desadmirables manuscrits du Coran, sauvés grâce à l'assistance de 1'Unesco.Le conservateur est cependant inquiet de la bonne préservation d'une par-tie des collections. Il espère cependant pouvoir faire former un spécia-liste arabe grâce à l'aide de 1'Unesco. Il s'agit certainement d'une opé-ration d'urgence car ce spécialiste est indispensable e.a. pour le sauve-tage de riches archives conservées dans la bibliothèque d'El Aksa quisont en voie de destruction à cause de l'humidité du local dans lequelelles se trouvent et des insectes innombrables qui les rongent. Le Direc-teur de la bibliothèque, malgré ses efforts, n'a pas les moyens de lessauver seul. Leur destruction appauvrirait irrémédiablement l'histoire dela ville.15. Un effort considérable a été fait au cours des dernières années parle Directeur de la bibliothèque d'El Aksa. Un grand nombre de manuscritsa été microfilmé et deux catalogues publiés. Il est certain cependant quela situation reste dramatique quant à l'état de conservation d'un grandnombre de manuscrits qui sont attaqués par la moisissure et les insectes.

127 EX/12 - page 31

Dans d'autres dépôts de la ville la situation est, selon le Directeur,tout aussi angoissante. Il n'existe sur place ni équipement, ni personnelspécialisé pour traiter les ouvrages. Une intervention urgente est néces-saire si on veut sauver des témoignages essentiels de l'histoire deJérusalem. A cet égard, il serait peut-être souhaitable d'étudier leregroupement central de tous les manuscrits arabes de Jérusalem dans l'undes bâtiments du Haram qui devrait être équipé pour le traitement deslivres et pour leur conservation. Vu l'humidité des lieux, dans tous lesbâtiments anciens du site, l'équipement nécessaire comprendrait certaine-ment un conditionnement d'air adéquat. L'achat de l'équipement pour letraitement des livres et la formation du personnel spécialisé sont d'unetrès grande urgence.16. Un Musée des arts et traditions populaires de Palestine a été crééen 1979 dans les locaux du Centre culturel islamique de Jérusalem. Il estdirigé avec grand dévouement par son conservateur. De nombreux vêtementstraditionnels ainsi que des objets d'usage courant ou appartenant à desmétiers disparus ou en voie de disparition y ont été réunis. Le Muséemanque de tout équipement de base, ainsi que de personnel spécialisé plusparticulièrement pour la conservation et la restauration des tissus.L'absence de moyens financiers propres rend la tâche du conservateur trèsardue. Il est certain cependant que la création de ce musée vient à sonheure car les modifications très profondes en cours dans la société arabede Jérusalem laissent prévoir, à très brève échéance, la disparition denombreuses coutumes, particulièrement dans le domaine du vêtement tradi-tionnel et de l'équipement domestique. La sauvegarde de ces témoignagesest importante pour l'histoire de la culture arabe de Jérusalem.

"Professeur Dr R.M. Lemaire"

IV. APPEL A LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE EN VUE DE CONTRIBUERAU FINANCEMENT DES TRAVAUX DE SAUVEGARDE DU PATRIMOINECULTUREL ET RELIGIEUX ISLAMIQUE

Afin d'assurer le plus d'efficacité possible à son appel, le Directeurgénéral a entrepris des consultations au sujet de la structure qui pourraitrecueillir les fonds destinés au financement des travaux de sauvegarde dupatrimoine culturel et religieux islamique. Il lancera son appel dès que cesconsultations seront achevées.

* **

Par ce qui précède le Directeur général porte à la connaissance du Con-seil exécutif tous les éléments d'information qui sont à sa disposition à ladate du 10 juillet 1987 en ce qui concerne l'application des résolutions de laConférence générale et des décisions du Conseil exécutif relatives à la pré-servation du patrimoine culturel de Jérusalem. Le Directeur général continuerade veiller avec la plus grande attention et dans toute la mesure de ses moyensà ce que ces résolutions et décisions soient mises en oeuvre et n'épargneraaucun effort en vue de la préservation de la ville de Jérusalem, qui faitpartie du patrimoine culturel de toute l'humanité.

127 EX/12Annexe I

ANNEXE I

5.4 Culture et communication5.4.1 Jérusalem et la mise en oeuvre de la résolution 23 C/11.3

(125 EX/15 et Add.l et 125 EX/42)Le Conseil executif,1. Rappelant les dispositions de l'Acte constitutif de 1'Unesco relatives à

la conservation, à la protection et au respect du patrimoine naturel etdes biens culturels, en particulier des biens présentant une valeur uni-verselle exceptionnelle,

2. Rappelant la Convention et le Protocole de La Haye de 1954 concernant laprotection des biens culturels en cas de conflit arme,

3. Rappelant que les conventions, recommandations et résolutions qui ont étéadoptées par la communauté internationale en faveur du patrimoine naturelet des biens culturels démontrent l'importance que revêt pour l'humanitéla sauvegarde de ces biens,

4. Considérant qu'il est important pour la communauté internationale toutentière que le patrimoine naturel et culturel soit protégé,

5. Considérant le rôle unique dans l'histoire de l'humanité de la ville deJérusalem, cité sainte pour les trois religions monothéistes qui seréfèrent aux mêmes valeurs philosophiques, éthiques et religieuses,valeurs fondamentales pour plus de deux milliards d'hommes appartenant àtous les continents,

6. Considérant que la ville historique de Jérusalem constitue un bien cultu-rel homogène, équilibré et unique présentant une valeur universelleexceptionnelle et qu'en conséquence, la communauté internationale aestimé que c'était un des biens inestimables et irremplaçables de toutel'humanité, digne de figurer sur la Liste du patrimoine mondial,

7. Considérant que la vocation éternelle de Jérusalem est de promouvoir lapaix et l'entente entre les hommes, conformément au message qui y a étédélivré,

8. Ayant examiné le rapport du Directeur général, relatif à cette question(125 EX/15 et Add.l),

9. Prend note du rapport du professeur Lemaine (125 EX/15 Add.l) et notam-ment de l'arrêt des fouilles archéologiques dans la ville sainte deJérusalem ;

10. Demande en conséquence que, conformément aux dispositions de la Conven-tion de La Haye de 1954 et de la résolution de la Conférence générale àsa neuvième session (New Delhi, 1956), aucune fouille ne soit reprise ;

127 EX/12ànnex I - page 2

11. Rappelle que l'occupation israélienne de la ville comporte des risquespour la sauvegarde de sa vocation essentielle ;

12. Rappelle et réaffirme les précédentes décisions adoptées par le Conseilexécutif qui visent à garantir la sauvegarde de toutes les valeurs spiri-tuelles, culturelles, historiques et autres de la Ville sainte ;

13. Déplore que des agressions et des tentatives d'agression aient été perpé-trées contre les lieux saints de l'Islam, ce qui constitue une atteintegrave à la vocation oecuménique de la ville, et demande en conséquenceque les autorités d'occupation renforcent les mesures de protection, afinde parer à toute nouvelle atteinte ;

14. Insiste pour que les autorités israéliennes d'occupation donnent instam-ment suite à la recommandation formulée par le Conseil exécutif à sa120e session au sujet des incidences des travaux de percement d'un tunnelparallèlement au mur du Haram-El-Sharif (Rapports du professeur Lemainedu 19 mars 1985 et du 28 juillet 1986) ;

1.5. Remercie le Directeur général de tout ce qu'il a fait pour assurerl'application des résolutions et décisions de 1'Unesco relatives à laville de Jérusalem occupée ;

16. Invite le Directeur général à lui présenter à sa 127e session un rapportde synthèse sur l'application des résolutions et des décisions de1'Unesco concernant le patrimoine culturel de Jérusalem ;

17. Prie le Directeur général, de lancer un appel solennel à la communautéinternationale en vue de contribuer au financement des travaux de sauve-garde du patrimoine culturel et religieux islamique, afin de soutenir lesefforts du waqf, propriétaire de ce patrimoine ;

18. Décide d'inscrire cette question à l'ordre du jour de sa 127e session, envue de prendre les décisions que la situation exigerait à cette date.

127 EX/12Annexe II

ANNEXE IIRésolution 23 G/11.3

11.3 Jérusalem et la mise en oeuvre de la résolution 22 C/11.8

La Conférence générale,Rappelant les dispositions de l'Acte constitutif de 1'Unesco relativesà la conservation, à la protection et au respect du patrimoine naturelet des biens culturels, en particulier des biens présentant une valeuruniverselle exceptionnelle,Rappelant la Convention et le Protocole de La Haye de 1954 concernantla protection des biens culturels en cas de conflit armé,Rappelant que les conventions, recommandations et résolutions qui ontété adoptées, par la communauté internationale en faveur du patrimoinenaturel et des biens culturels démontrent l'importance que revêt pourl'humanité la sauvegarde de ces biens,Considérant qu'il est important pour la communauté internationale toutentière que le patrimoine naturel et culturel soit protégé,Considérant le rôle unique dans l'histoire de l'humanité de la villede Jérusalem, cité sainte pour les trois religions monothéistes qui seréfèrent aux mêmes valeurs philosophiques, éthiques et religieuses,valeurs fondamentales pour plus de deux milliards d'hommes appartenantà tous les continents,Considérant que la ville tout entière ainsi que son patrimoine monu-mental constituent le témoignage toujours vivant de cette missionexceptionnelle,Considérant que la vocation éternelle de Jérusalem est de promouvoirla paix et l'entente entre les hommes, conformément au message qui y aété délivré,1. Rappelle que c'est pour cette raison que la ville de Jérusalem a

été reconnue d'importance universelle par son inscription sur laListe du patrimoine mondial ;

2. Rappelle que l'occupation militaire israélienne et le statutactuel de la ville comportent des menaces pour la sauvegarde desa vocation essentielle ;

3. Rappelle et réaffirme les précédentes résolutions telles qu'ellesont été adoptées par la Conférence générale qui visent à garantirla sauvegarde de toutes les valeurs spirituelles, culturelles,historiques et autres de la Ville sainte ;

4. Déplore que des agressions et des tentatives d'agression aientété perpétrées contre les lieux saints de l'Islam, ce qui consti-tue une atteinte grave à la vocation oecuménique de la ville ;

127 EX/12Annexe II - page 2

5. Déplore que des travaux exécutes dans la vieille cité sainteaient mis en péril des monuments historiques importants, porteursde l'identité culturelle de la population autochtone ;

6. Recommande à tous les Etats membres d'unir leurs efforts pour lasauvegarde totale et efficace de la Ville sainte occupée et pourla préservation et la restauration des monuments historiques dela cité et de son patrimoine universel appartenant à toutes lesreligions ;

7. Attiré plus particulërement l'attention de la communauté inter-nationale sur l'état de dégradation d'une grande partie du patri-moine culturel et religieux islamique et incite les Etats membresà soutenir les efforts du waqf, propriétaire de ce patrimoine, encontribuant volontairement au financement des travaux desauvegarde ;

8. Remercie le Directeur général de tout ce qu'il a fait dans cedomaine et le prie d'aider par des moyens adéquats à la mise enoeuvre de cette résolution conformément aux conclusions du rap-port du professeur Lemaire (23 C/15) ;

9. Décide d'inscrire cette question à l'ordre du jour de la vingt-quatrième session de la Conférence générale, en vue de prendreles décisions que la situation exigerait à cette date.

|Ht>T.rfr

)r^ïiisation des Nations Uniespour l'éducation, la science et la culture Conseil exécutif ex

Cent vingt-septième session

127 EX/12 Corr.PARIS, le 15 octobre 1987Original français

Point 5.4.1 de l'ordre du .jour

JERUSALEM ET LA MISE EN OEUVRE DE LA RESOLUTION 23 C/11.3

CORRIGENDUM

Le texte ci-après remplace les quatre paragraphes de la section 2 du rapportde synthèse sur l'application des résolutions et des décisions de 1"Unesco concer-nant le patrimoine culturel de Jérusalem qui a été préparé par le professeurRaymond Lemaire :

"2. Statut de JérusalemAfin de mieux situer les problèmes de la sauvegarde du patrimoine monumentalde Jérusalem, il semble utile de rappeler quelques données fondamentales ausujet du statut de Jérusalem tel qu'il ressort des décisions prises par lesNations Unies. Jusqu'en 1917, Jérusalem est une ville de province de l'Etatottoman. Sa conquête par le général Allenby en fit la capitale de la Pales-tine, territoire sous mandat britannique, ce mandat ayant été octroyé par laSociété des Nations le 24 juillet 1922. En 1947, la Grande-Bretagne met sonmandat à la disposition des Nations Unies qui élaborent, pour la Palestine,une partition en trois territoires distincts : l'un pour la constitution d'unEtat arabe, le second pour celle d'un Etat juif et le troisième Jérusalem,territoire sous juridiction internationale (résolution 181, du 29 no-vembre 1947 de l'Assemblée générale). Ainsi naît, pour Jérusalem, le conceptdu "Corpus Separatum" qui caractérise le statut juridique de la Ville sainteet qui inspire l'attitude politique de nombreux pays à son égard.La guerre qui se déclenche dès avant le départ des forces britanniques créeun état de fait, consacré par la trêve qui est entrée en vigueur le 11 juin1948. Celle-ci divise de fait le territoire de la Palestine et la ville deJérusalem entre les deux belligérants selon un axe Nord-Sud. La cité histo-rique, qui avait fait l'objet d'une bataille sanglante, entre en possessionjordanienne tandis que la ville nouvelle, développée depuis le XIXe sièclesur son flanc ouest, est rattachée au nouvel Etat israélien qui s'était crééle 14 mai 1948.

127 EX/12 Corr. - page 2

Le Parlement israélien, la Knesset, vote dès le 13 décembre 1949 son trans-fert et celui du gouvernement à Jérusalem, et proclame, le 23 janvier 1950,la ville capitale de l'Etat. Par ailleurs, le gouvernement jordanien, quiavait pris des mesures préparatoires dès avril 1949, décide, le 24 avril1950, l'unification de la Palestine, y compris Jérusalem, et de la Jordanie.Cependant, le 9 décembre 1949, par sa résolution 303, l'Assemblée généraledes Nations Unies avait confirmé la résolutipn 181 qui préconise pour laville tout entière le statut de territoire international.Divisée en deux pendant plus de vingt années par un véritable rideau de fer,que ne perce que la célèbre "porte de Mandelbaum", la ville tout entière estconquise par l'armée israélienne en même temps que la Gis Jordanie durant la"guerre des six jours" en juin 1967. Le 27 juin, la Knesset vote une loi dontla mise en oeuvre à comme résultat effectif l'annexion de la partie orientalede Jérusalem et d'une large zone alentour ; elle décide ultérieurement defaire de l'ensemble de la ville la capitale de l'Etat. Le 22 novembre, leConseil de sécurité adopte la résolution 242 exigeant le retrait des troupesisraéliennes de tout les territoires occupés, y compris Jérusalem. Cetterésolution est la pierre angulaire de toutes les résolutions et recommanda-tions adoptées ultérieurement au sujet de la ville par les Nations Unies etpar 1'Unesco." • " :