un œdème papillaire bilatéral d’aggravation rapide, révélant une méningite carcinomateuse....
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Journal français d’ophtalmologie (2013) 36, e183—e185
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LETTRE À L’ÉDITEUR
Un œdème papillaire bilatérald’aggravation rapide, révélantune méningite carcinomateuse.À propos d’un cas et revue de lalittérature�
Rapidly worsening bilateral papilledema secondary tocarcinomatous meningitis. Case report and review ofthe literature
Cas clinique
Nous rapportons l’observation clinique d’une patiente de38 ans, qui a été suivie depuis 2006 pour carcinome canalaire
infiltrant (CCI) du sein droit (grade III de SBR, récepteurshormonaux négatifs), traité initialement selon un schémamultimodal (chirurgie conservatrice—chimiothérapie adju-vante et radiothérapie) et en 2011, suite à une extensionlocale (nodule du sein droit, BI-RADS V de l’ACR) et généralede la maladie (métastases hépatiques et pulmonaires),par une chimiothérapie à base de trois cycles de taxotèreet xéloda. L’évolution a été marquée par la stabilisationde la maladie pendant neuf mois, jusqu’à l’installationrapidement progressive (sur trois jours), d’une baissede l’acuité visuelle bilatérale non douloureuse et nonmajorée par la mobilisation du globe oculaire. La patientecomptait les doigts à l’œil droit, et à peine, percevait lesmouvements des doigts à l’œil gauche. L’examen du fondd’œil à objectivé un œdème papillaire bilatéral stade II.La rétinographie a montré des bords papillaires noyés dans
Figure 1. Rétinographie montrant des bords papillaires flous surélevés
(aspect peigné), une papille saillante congestive et grise, dilatation des ve
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et noyés dans l’œdème, des fibres optiques dissociées par l’œdèmeines et capillaires avec comblement de l’excavation physiologique.
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réservés.
e184 Lettre à l’éditeur
Figure 2. IRM cérébrale avec injection du produit de contraste montrant de multiples lésions nodulaires, intéressant l’étage sus et sous-t it eti rvele
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cdinjections intrathécales de méthotrexate (10 mg/j) et desolumédrol (20 à 40 mg/j) trois fois par semaine. Toutefois,l’évolution a été marquée par la disparition des céphalées
entoriel (frontal gauche, frontal para-sagittal gauche, pariétal drontéressant les méninges, prédominant au niveau de la tente du ce
’œdème avec dilatation des veines et capillaires (Fig. 1).e reste de l’examen ophtalmologique n’a pas montré’atteinte pupillaire ou oculomotrice. Dans les 48 heuresui suivent, se sont surajoutées, des céphalées brutales enasque, à type coup de poignard, rebelles aux antalgiqueson morphiniques avec une dégradation brutale de l’acuitéisuelle (la patiente à peine percevait la lumière au niveaues deux yeux), et le fond d’œil a révélé une atrophieptique bilatérale. L’IRM cérébrale avec injection duroduit de contraste a éliminé les étiologies compressivest a montré de multiples lésions nodulaires entourées’un discret œdème périlésionnel (métastases cérébrales),n isosignal T1 et diffusion, hypersignal T2 et Flair, seehaussant de facon nodulaire après injection de gadoli-ium, intéressant l’étage sus- et sous-tentoriel. On a notéussi, une prise de contraste multinodulaire intéressant leséninges, et prédominant au niveau de la tente du cervelet
Fig. 2), sans signes en faveur d’une infiltration des nerfsptiques ou d’hypertension intracrânienne. La ponctionombaire a objectivé une réaction méningée à 28 globules
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lancs/mm (71 % lymphocytes), une hyperprotéinorachie 1,40 g/L et une hypoglycorachie à 0,22 g/L. L’étudeytologique du liquide céphalorachidien (LCR) a montré larésence de cellules carcinomateuses ayant des atypiesFdr
cérébelleuse gauche), avec une prise de contraste multinodulairet, sans atteinte des espaces de Virchow-Robin.
ytonucléaires marquées (Fig. 3). La patiente a bénéficié’une chimiothérapie systémique adaptée, associée à des
igure 3. Cellule néoplasique au niveau du liquide céphalorachi-ien, de grande taille, de noyau hyperchromatique et de cytoplasmeéduit.
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Un oedème papillaire bilatéral révélant une méningite carci
avec persistance de la cécité totale bilatérale. La patienteest décédée cinq mois après sa sortie de l’hôpital.
Commentaires
La méningite néoplasique émaille l’évolution de plus de5 % des cancers du sein. C’est une présentation tardivefatale malgré de nombreux traitements palliatifs (décèsdans les six mois). Elle résulte de l’extension des cellulesmalignes, par voie sanguine ou neuronale, aux leptomé-ninges et espaces sous-arachnoïdiens [1—3]. Le nerf optiqueest atteint dans presque 30—40 % des méningites carci-nomateuses et représente le symptôme inaugural chez3 % des patients. La baisse de l’acuité visuelle, est sou-vent d’installation rapide, non douloureuse, unilatérale etprogresse rapidement vers l’œil controlatéral. L’atteinteoptique peut être responsable d’une cécité irréversible parplusieurs mécanismes :• compression du nerf optique par les cellules tumo-
rales localisées au niveau des espaces sous-arachnoïdienspériotiques ;
• infiltration du parenchyme du nerf optique par les cellulesnéoplasiques ;
• hypertension intracrânienne avec œdème papillaire pro-longé ;
• invasion de l’arachnoïde entourant la portion intracrâ-niale des nerfs optiques et le chiasma optique avecinterruption de la microvascularisation neuronale [4].
Le fond d’œil est habituellement normal au début, maisun œdème papillaire ou une atrophie optique peuvent sevoir dans les semaines qui suivent [5]. L’IRM avec injectiondu produit de contraste avec une sensibilité de 60 à 90 % apour intérêt d’éliminer une compression des voies visuellesantérieures et montrer une prise de contraste des lepto-méninges ou une hydrocéphalie. Le rehaussement avecépaississement, nodulaire ou en navette des nerfs optiques,est rarement noté [4]. Toutefois, il faut savoir qu’une IRM
normale ne permet pas d’éliminer une infiltration méningéemicroscopique des nerfs optiques. D’où l’intérêt de l’étudecytologique du LCR à la recherche de cellules néoplasiques(spécificité > 95 %, sensibilité de 70—89 %) [4—6]. Notreateuse e185
bservation se singularise cliniquement par la dégradationapide de l’acuité visuelle (dans 48 heures), chose qui’a pas été décrite préalablement dans la littérature, etui nous amène à considérer une invasion microscopiqueapide et importante des nerfs optiques par les cellulesarcinomateuses.
éclaration d’intérêts
es auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt enelation avec cet article.
éférences
1] Ing Edsel B, Augsburger James J, Eagle Ralph C. Lung cancerwith visual loss. Surv Ophthalmol 1996;40:505—10.
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3] Pengel J, Crevits L, Wynants P, De Poorter MC, Mastenbroek GG,De Reuck J. Optic nerve metastasis simulating optic neuritis.Clin Neurol Neurosurg 1997;99:46—9.
4] Gleissner B, Chamberlain MC. Neoplastic meningitis. LancetNeurol 2006;5:443—52.
5] Walz J. Ocular manifestations of meningeal carcinomatosis:a case report and literature review. Optometry 2011;82:408—12.
6] Gilbert M, Cantore WA, Chavis PS, Mistr SK. Optic neuritis inevolution. Surv Ophthalmol 2007;52:529—34.
J. Oumerzouka,∗, J. Ahmimecheb, Y. Hanafib,I. El Khiyatc, A. Nasri c, A. Bourazzaa
a Service de neurologie, hôpital militaired’instruction Mohamed V, Rabat, Maroc
b Service d’ophtalmologie, hôpital militaired’instruction Mohamed V, Rabat, Maroc
c Service d’anatomopathologie, hôpital militaired’instruction Mohamed V, Rabat, Maroc
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected](J. Oumerzouk)
Disponible sur Internet le 9 aout 2013