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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011 99 échec et mat Tumeurs germinales du testicule et métastases cérébrales : quand le cerveau prime sur le testicule… P. Beuzeboc*, B. Debré**, V. Laurence*, F. Selle***, J.P. Lotz*** * Département d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris. ** Service d’urologie, hôpital Cochin, Paris. *** Service d’oncologie, hôpital Tenon, Paris. E n cas de métastase(s) d’une tumeur du testicule, l’exemple et la médiatisation du parcours de Lance Armstrong (opéré et guéri après chimiothérapie et chirurgie de métastases cérébrales) entretiennent, dans l’inconscient collectif, l’espoir de la guérison. Pourtant, l’issue est loin d’être toujours aussi favorable… Observation Nous rapportons ici le cas d’un patient âgé de 27 ans, aux antécédents d’orchidopexie droite à l’âge de 3 ans, avec une tumeur du testicule gauche évoluant depuis 1 an, se présentant d’emblée lors de la première consultation en novembre 2002 avec des céphalées et des vomissements. Le scanner cérébral pratiqué en urgence montre une volumineuse lésion hémor- ragique frontale supérieure droite de 6 cm. Les scanners abdomino-pelvien et thoracique retrouvent une volu- mineuse masse rétropéritonéale de 10 cm × 5,5 cm et un lâcher de ballon pulmonaire. Sur le plan biologique, les marqueurs sont très élevés avec des alpha-protéines à 2 139 ng/ml et des hormones chorioniques gonado- trophiques (HCG) à 273 856 UI/ml. Il est décidé de déroger à l’indication d’orchidectomie première pour la différer au décours du premier cycle de chimiothérapie. L’histologie confirme le diagnostic de tumeur germinale non séminomateuse (TGNS) mixte avec des contingents de choriocarcinome. Le traite- ment d’induction fait appel à 4 cycles de VIP intensifié selon le schéma de Bokemeyer avec support hémato- poïétique de cellules souches périphériques (CSP). En raison de la persistance de β-HCG élevées (alors que les α-fœto-protéines [αFP] s’étaient normalisées), 2 cycles de BEP supplémentaires sont réalisés, permettant leur normalisation. En juillet 2003, il est décidé de réaliser l’exérèse des lésions résiduelles en commençant par les 2 lésions cérébrales retrouvées sur le scanner de contrôle. La plus volumineuse, frontale (2 cm), est stérilisée, mais il per- siste au niveau de la lésion occipitale des lésions florides indifférenciées avec un contingent choriocarcinomateux justifiant une reprise de la chimiothérapie par 3 cycles de TIP, suivie d’une chirurgie des masses rétropérito- néales montrant une stérilisation histologique com- plète. Une rechute survient dès février 2004 avec une élévation des β-HCG (182 UI/ml), une reprise cérébrale sous la forme d’un nodule temporal de 2 cm, alors que les lésions résiduelles pulmonaires sont stables. Malgré un traitement de rattrapage d’intensification thérapeutique par le protocole TAXIF et une radio- thérapie cérébrale, le patient décède en août 2005. Discussion Dans les tumeurs germinales, la survenue de métastases cérébrales à l’ère du cisplatine est rare, et la littérature concernant le sujet reste limitée (1). Dans la grande majorité des cas, elles concernent des tumeurs germinales non séminomateuses (TGNS) et surviennent généralement au cours de l’évolution des formes de mauvais pronostic dans la classification de l’IGCCCG. Une survie à long terme est possible. Les métastases cérébrales peuvent être synchrones ou métachrones. Elles sont cependant exceptionnelle- ment présentes au diagnostic. Dans la série rapportée par A. Fléchon et al. (2) ayant enregistré 96 récidives entre 1986 et 1998 (17,5 % des patients traités sur la même durée) dans 2 institutions françaises, 8 patients (8,3 %) ont présenté une rechute cérébrale, tous dans les 8 mois de suivi. Dans une cohorte allemande ancienne (3) comprenant 417 patients, une récidive cérébrale a été rapportée chez 6 sujets. Cinq patients ont été traités par chirurgie (la métastase étant unique) suivie d’une radiothérapie, et un patient par radiothérapie seule. Trois étaient toujours vivants à 19, 62 et 86 mois après le diagnostic de récidive cérébrale. Dans une série turque (4) de 167 patients avec une TGNS métastatique, 11 ont présenté des métastases cérébrales (8 avec des métastases solitaires, 3 avec des lésions mul- tiples). Enfin, dans une récente série japonaise (5), seuls 2 % (5 des 190 patients avec une TGNS testiculaire ou extratesticulaire) ont présenté des métastases cérébrales. 1. Forquer JA, Harkenrider M, Fakiris AJ et al. Brain metastasis from non-seminomatous germ cell tumor of the testis. Expert Rev Anticancer Ther 2007;7(11):1567-80. 2. Fléchon A, Culine S, Théodore C et al. Pattern of relapse after first line treatment of advanced stage germ-cell tumors. Eur Urol 2005;48(6):957-63. 3. Gerl A, Clemm C, Kohl P et al. Central nervous system as sanc- tuary site of relapse in patients treated with chemotherapy for metastatic testicular cancer. Clin Exp Metastasis 1994;12(3):226-30. 4. Mahalati K, Bilen CY, Ozen H et al. The management of brain metastasis in non seminomatous germ cell tumours. BJU Int 1999; 83(4):457-61. 5. Matsuda Y, Tanaka T, Sato S et al. Clinical features of patients with brain metastasis from testi- cular germ cell tumor. Hinyokika Kiyo 2010;56(2):99-102. Références >>>

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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011 99

é c h e c e t m a t

Tumeurs germinales du testicule et métastases cérébrales : quand le cerveau prime sur le testicule…P. Beuzeboc*, B. Debré**, V. Laurence*, F. Selle***, J.P. Lotz***

* Département d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris.** Service d’urologie, hôpital Cochin, Paris.*** Service d’oncologie, hôpital Tenon, Paris.

E n cas de métastase(s) d’une tumeur du testicule, l’exemple et la médiatisation du parcours de Lance Armstrong (opéré et guéri après chimiothérapie et

chirurgie de métastases cérébrales) entretiennent, dans l’inconscient collectif, l’espoir de la guérison. Pourtant, l’issue est loin d’être toujours aussi favorable…

Observation

Nous rapportons ici le cas d’un patient âgé de 27 ans, aux antécédents d’orchidopexie droite à l’âge de 3 ans, avec une tumeur du testicule gauche évoluant depuis 1 an, se présentant d’emblée lors de la première consultation en novembre 2002 avec des céphalées et des vomissements. Le scanner cérébral pratiqué en urgence montre une volumineuse lésion hémor-ragique frontale supérieure droite de 6 cm. Les scanners abdomino- pelvien et thoracique retrouvent une volu-mineuse masse rétropéritonéale de 10 cm × 5,5 cm et un lâcher de ballon pulmonaire. Sur le plan biologique, les marqueurs sont très élevés avec des alpha-protéines à 2 139 ng/ ml et des hormones chorioniques gonado-trophiques (HCG) à 273 856 UI/ ml.Il est décidé de déroger à l’indication d’orchidectomie première pour la différer au décours du premier cycle de chimiothérapie. L’histologie confirme le diagnostic de tumeur germinale non séminomateuse (TGNS) mixte avec des contingents de choriocarcinome. Le traite-ment d’induction fait appel à 4 cycles de VIP intensifié selon le schéma de Bokemeyer avec support hémato-poïétique de cellules souches périphériques (CSP). En raison de la persistance de β-HCG élevées (alors que les α-fœto- protéines [αFP] s’étaient normalisées), 2 cycles de BEP supplémentaires sont réalisés, permettant leur normalisation.En juillet 2003, il est décidé de réaliser l’exérèse des lésions résiduelles en commençant par les 2 lésions cérébrales retrouvées sur le scanner de contrôle. La plus volumineuse, frontale (2 cm), est stérilisée, mais il per-siste au niveau de la lésion occipitale des lésions florides indifférenciées avec un contingent choriocarcinomateux

justifiant une reprise de la chimiothérapie par 3 cycles de TIP, suivie d’une chirurgie des masses rétropérito-néales montrant une stérilisation histologique com-plète. Une rechute survient dès février 2004 avec une élévation des β-HCG (182 UI/ ml), une reprise cérébrale sous la forme d’un nodule temporal de 2 cm, alors que les lésions résiduelles pulmonaires sont stables.Malgré un traitement de rattrapage d’intensification thérapeutique par le protocole TAXIF et une radio-thérapie cérébrale, le patient décède en août 2005.

Discussion

Dans les tumeurs germinales, la survenue de métastases cérébrales à l’ère du cisplatine est rare, et la littérature concernant le sujet reste limitée (1).Dans la grande majorité des cas, elles concernent des tumeurs germinales non séminomateuses (TGNS) et surviennent généralement au cours de l’évolution des formes de mauvais pronostic dans la classification de l’IGCCCG. Une survie à long terme est possible. Les métastases cérébrales peuvent être synchrones ou métachrones. Elles sont cependant exceptionnelle-ment présentes au diagnostic.Dans la série rapportée par A. Fléchon et al. (2) ayant enregistré 96 récidives entre 1986 et 1998 (17,5 % des patients traités sur la même durée) dans 2 institutions françaises, 8 patients (8,3 %) ont présenté une rechute cérébrale, tous dans les 8 mois de suivi. Dans une cohorte allemande ancienne (3) comprenant 417 patients, une récidive cérébrale a été rapportée chez 6 sujets. Cinq patients ont été traités par chirurgie (la métastase étant unique) suivie d’une radiothérapie, et un patient par radiothérapie seule. Trois étaient toujours vivants à 19, 62 et 86 mois après le diagnostic de récidive cérébrale. Dans une série turque (4) de 167 patients avec une TGNS métastatique, 11 ont présenté des métastases cérébrales (8 avec des métastases solitaires, 3 avec des lésions mul-tiples). Enfin, dans une récente série japonaise (5), seuls 2 % (5 des 190 patients avec une TGNS testiculaire ou extratesticulaire) ont présenté des métastases cérébrales.

1. �Forquer JA, Harkenrider M, Fakiris AJ et al. Brain metastasis from non-seminomatous germ cell tumor of the testis. Expert Rev Anticancer Ther 2007;7(11):1567-80.

2. �Fléchon A, Culine S, Théodore C et al. Pattern of relapse after first line treatment of advanced stage germ-cell tumors. Eur Urol 2005;48(6):957-63.

3. �Gerl A, Clemm C, Kohl P et al. Central nervous system as sanc-tuary site of relapse in patients treated with chemotherapy for metastatic testicular cancer. Clin Exp Metastasis 1994;12(3):226-30.

4. �Mahalati K, Bilen CY, Ozen H et al. The management of brain metastasis in non seminomatous germ cell tumours. BJU Int 1999; 83(4):457-61.

5. �Matsuda Y, Tanaka T, Sato S et al. Clinical features of patients with brain metastasis from testi-cular germ cell tumor. Hinyokika Kiyo 2010;56(2):99-102.

R é f ér en c es

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Un guide conçu pour vos patients

Pour la première fois, un ouvrage de référence, complet, à destination du grand public, fait le point sur la maladie cancéreuse et nous aide à mieux comprendre : •quellessontlescausesducancer?•commentreconnaît-onuncancer?•quelssontlesprincipesdestraitementsdisponibles?Basésurlesdernièresdécouvertesscientifiquesetdenombreuxtémoignagesdepatients,celivre,écritparuneéquipedegrandsspécialistesdirigéeparlePrJean-FrançoisMorère,répondàtouteslesquestionsquelespatientsetleursprochesseposentsurcettemaladie.

La collection santé des Editions First « Pour Les Nuls » est dirigée par Claudie Damour-Terrasson

Bientôt disponibleen librairie

Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011100

é c h e c e t m a t

La barrière cérébro-méningée est-elle une réalité dans les tumeurs germinales ?La stérilisation de la lésion cérébrale frontale de notre patient montre que la chimiothérapie peut être très efficace.

Malgré la chimio-sensibilité de ces tumeurs germi-nales, le cerveau peut-il être un “sanctuaire” comme pour d’autres tumeurs très chimio-sensibles, tels les carcinomes à petites cellules, après lesquels une rechute cérébrale peut survenir alors qu’il existe par ailleurs une rémission complète des autres lésions tumorales ?Cette question a été posée par l ’équipe de L.H. Einhorn (6) qui, dans son imposante série, a identifié 5 cas présentant une rechute isolée cérébrale.

En ce qui concerne le traitement, il doit s’efforcer d’être chirurgical quand cela est possible. M. Salvati et al. (7) ont rapporté les cas de 15 patients traités chirurgicalement entre 1984 et 1998. Tous ont reçu une irradiation cérébrale complémentaire. La survie moyenne a été de 37,7 mois et 8 patients étaient toujours vivants à plus de 5 ans. Dans cer-tains cas, peut se discuter une radiochirurgie. L’expérience du traitement par cyberknife reste très limitée (8). Un volume tumoral supérieur à 20 cm3, une chirurgie trop risquée ou refusée pourrait en être de bonnes indications… Le pronostic est plus péjoratif en cas de métastases multiples mais, en revanche, il est plus favorable pour les patients chez qui les métastases cérébrales sont présentes d’emblée par rapport à ceux chez qui elles surviennent au cours de l’évolution. La présence d’un contingent trophoblastique pourrait influencer la survie. ■

6. � A zar JM, S chneider BP, Einhorn LH. Is the blood-brain barr ier re le vant in metas-tat ic germ cel l tumor? Int J Radiat Oncol Biol Phys 2007; 69(1):163-6.

7. �Salvati M, Piccirilli M, Raco A et al. Brain metastasis from non-seminomatous germ cell tumors of the testis: indica-tions for aggressive treatment. Neurosurg Rev 2006;29(2):130-7.

8. �Nicolato A, Ria A, Foroni R et al. Gamma knife radiosur-gery in brain metastases from testicular tumors. Med Oncol 2005;22(1):45-56.

R é f ér en c es ( s u i t e )

N o u v e l l e s d e l ’ i n d u s t r i e p h a r m a c e u t i q u e

Co m m u n i q u é s d e s co n f é re n ce s d e p re s s e, s y m p o s i u m s, m a n i f e s t at i o n s, o rg a n i s é s p a r l ’i n d u s t r i e p h a r m a ce u t i q u e

Tabac et cancer de la vessie : des liens insuffisamment connus ?

Le 31 mai dernier, a eu lieu pour la 24e année consécutive, la Journée mondiale sans tabac autour d’un axe majeur : l’application de la Convention-Cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac. Celle-ci implique les pouvoirs publics par leur action sur l’augmentation des taxes, le soutien aux organismes de prévention, l’information sur les conséquences du tabac, l’aide à la recherche, etc. Les chercheurs et professionnels de santé − dont la formation professionnelle sur les protocoles d’aide à l’arrêt du tabac est primordiale − ont éga-lement un rôle majeur. Enfin, les fumeurs et toutes les personnes concernées par la santé sont invités à promouvoir un mode de vie sans tabac. Cet événement est aussi l’occasion de se questionner sur des consé-quences liées au tabagisme encore mal connues du grand public, dont fait partie le cancer de la vessie. Premier responsable de ce cancer, le tabagisme provoque un risque de cancer de la vessie 2 fois plus élevé chez les fumeurs, en raison du stockage dans la vessie de substances carcinogènes à l’origine du développement des tumeurs. Directement lié à l’ancienneté du tabagisme et au nombre de cigarettes fumées par jour,

la réduction immédiate du risque de ce cancer est observée chez les personnes qui arrêtent de fumer, d’où l’importance de la lutte antitabac. Neuvième cancer par ordre de fréquence dans le monde et responsable en France (en 2008) de plus de 10 500 nouveaux cas et un peu moins de 5 000 décès, il touche principalement les hommes âgés de plus de 65 ans et originaires des pays les plus déve-loppés. Un diagnostic précoce, par détection des premiers symptômes comme l’hématurie macroscopique, améliore le pronostic de la maladie. En termes de traitement, si dans les tumeurs localisées, la cystectomie avec dérivation externe ou interne est recomman-dée, le recours à la chimiothérapie s’impose au stade métastatique de cette maladie à évolution rapide.Les laboratoires Pierre Fabre, qui s’engagent en santé publique pour lutter contre la dépendance tabagique et ses conséquences, bénéficient d’une expertise reconnue en oncologie à travers leurs recherches sur l’acti-vité anticancéreuse de la pervenche tropicale. Dotés de plusieurs sites de recherche et d’un outil industriel performant, ils ont récem-ment lancé Javlor® (vinflunine), le premier et le seul traitement pour les patients adultes atteints d’un carcinome urothélial à cellules transitionnelles avancé ou métastatique,

après échec d’un traitement à base de pla-tine. Ce nouvel inhibiteur des microtubules est obtenu par hémisynthèse en utilisant la chimie en milieu superacide, permettant l’introduction sélective de 2 atomes de fluor dans une partie clé de la molécule jusqu’ici inaccessible par la chimie classique. Ce chan-gement confère à Javlor® un mécanisme d’action original. Non seulement il bloque la division cellulaire et provoque l’apoptose des cellules tumorales, mais il a également démontré, en préclinique, une importante activité antitumorale, avec un index théra-peutique large assorti d’une chimiorésis-tance induite plus tardivement que les autres produits de la même classe. Au cours d’une étude randomisée de phase III (370 patients) comparant vinflunine + traitement de sup-port versus traitement de support seul, les résultats ont montré une amélioration signi-ficative de la survie globale (prolongement de plus de 2 mois), avec une survie sans pro-gression doublée chez des patients traités par Javlor® (de 1,5 à 3 mois). La principale toxicité dose-limitante demeure la neutropénie. Avec une administration intraveineuse toutes les 3 semaines, son utilisation est gérable en ambulatoire et globalement bien acceptée par les patients.

K. Goutorbe

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