Étrangers et marginaux dans le monde mexicaexcerpts.numilog.com/books/9786078187522.pdf ·...
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Introduction
Les Mexicas1 furent l’un des peuples les plus importants du Mexique ancien. Leur consolidation et leur expansion se situent au Postclassique tardif
(1200-1521 apr. J.-C.), période précédant la conquête de Tenochtitlan par les Espagnols. Ils arrivèrent dans le bassin de Mexico alors que d’autres tribus nahuas occupaient déjà les meilleures terres. Ils s’installèrent temporaire-ment dans plusieurs endroits avant de s’établir définitivement, libres de toute sujétion, sur un petit îlot désigné par Huitzilopochtli, leur dieu tutélaire.
Malgré des débuts précaires, ils acquirent une grande vigueur en peu de temps et devinrent l’une des plus grandes puissances guerrières et expan-sionnistes du Mexique précolombien. La configuration même de l’État mexica, mais aussi la pratique systématique du sacrifice des captifs étrangers, leur permirent d’être au contact d’un grand nombre de peuples aux langues et
Huitzilopochtli, dieu tutélaire des Mexicas, leur ordonnant
d’abandonner Aztlan. Tira de la Peregrinación.
Sommaire
GUATEMALA
BELIZE
HONDURAS
MEXIQUE METZTITLÁN
TLAXCALA
Golfe du Mexique
Océan Paci�queSOCONUSCO
MICHOACÁN
YOPITZINCOCOATLICÁMAC
TEOTITLÁNDEL CAMINO
SEIGNEURIES MIXTÈQUES
TUTUTEPEC
Tuxpan
TexcocoTlacopan
Oaxaca
Tenochtitlan
Tzintzuntzán
Tlaxcala
MEXIQUE
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coutumes différentes, auxquels ils imposèrent le paiement d’un tribut. La guerre et l’assujettissement tributaire étaient le moteur des relations entre les populations nahuas2 – celles du bassin de Mexico – et les peuples linguis-tiquement étrangers.
Expansion de l’Empire mexica (d’après López Austin et López Luján)
Introduction
Villes politiquement indépendantesTriple AllianceEmpire mexica Route de Soconusco
Mais les cultures dites « périphériques » affichaient de nombreuses coutumes qui ne s’accordaient pas avec les pratiques mexicas touchant à l’alimentation, aux soins corporels, à la façon de s’habiller, de se parer, aux particularités sacrificielles… Le fait que les étrangers parlaient une langue différente du nahuatl fut l’un des critères de définition de leur altérité. Un coup d’œil
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au Codex de Florence (Livre X, Chapitre XXIX) du franciscain Bernardino de Sahagún, rédigé dans la deuxième moitié du XVIe siècle avec l’aide d’infor-mateurs nahuas, suffit pour apprécier l’opinion qu’avaient les Mexicas et les Nahuas en général des peuples étrangers, proches ou lointains. C’est une vision nahuacentrique des différents groupes ethniques qui y est exposée, car dans le texte sahagunien, non seulement on s’attache à décrire leurs traits physiques et leurs mœurs, mais on les critique et on leur oppose les traits culturels et les mœurs nahuas, tenus pour idéaux. C’est particulière-ment flagrant lorsqu’il s’agit des Otomi et de ceux que les Mexicas appelaient les Cuextecas3. À l’énoncé de leurs fautes ou prétendues comme telles, plutôt que d’en faire une description objective, on exaltait le système moral mexica. Tout ce qui n’était pas en accord avec ce système était considéré comme une transgression. Ainsi l’étranger était-il jugé immoral, et défini par son peu d’intelligence et son manque d’habileté4. De même, la façon dont les Mexicas s’exprimaient sur les étrangers non nahuas reflète les conflits guerriers qu’ils entretenaient avec eux : tous étaient considérés comme des ennemis de l’Empire mexica qui s’opposaient continuellement aux expéditions militaires et se montraient récalcitrants à payer un tribut. Outre son rôle important dans le système moral et social, l’étranger avait aussi une fonction dans les cérémonies rituelles, dans les mythes et dans la guerre.
Sacrifice humain par arrachage du cœur.
Codex de Florence.
Introduction
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Mais au sein de leur propre communauté, les Mexicas distinguaient et reje-taient également ceux qui ne se pliaient pas entièrement aux normes sociales et morales, notamment les jeunes gens rebelles aux commandements de leurs parents, les êtres portés sur la boisson, les fous et les femmes légères.
Les étrangers comme les marginaux étaient frappés du sceau de l’immoralité. Et de ce fait, leurs identités pouvaient en venir à se confondre : l’homme cuexteca était assimilé à l’ivrogne et au fou, et l’homme et la femme otomi, au vagabond et à la prostituée. Ils constituaient les contre-exemples nécessaires à tout processus de définition de soi ; c’est-à-dire de ce que l’on n’est pas.
Prostituée dotée d’attributs aquatiques, tenant
des fleurs à la main. Codex de Florence.
Les Otomi étaient représentés les cheveux longs et vêtus d’une manta confectionnée
en peau de bêtes sauvages. Codex de Florence.
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