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Tiré à part Volume spécial n°21 Nodus Sciendi Novembre 2017 Étude réunie par SÉKA Apo Philomène Maître-Assistant Université Félix Houphouët-Boigny ISSN 2308-7676

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Tiré à part

Volume spécial n°21 Nodus Sciendi

Novembre 2017

Étude réunie par

SÉKA Apo Philomène

Maître-Assistant

Université Félix Houphouët-Boigny

ISSN 2308-7676

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Numéro 21 ISSN 2308-7676

Comité scientifique de la Revue

BAJOMÉE, Danielle, Professeur émérite, Université de Liège

BÉNIT, André, Professeur, Université Autonome de Madrid

BOA, Thiémélé L. Ramsès, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny

KONÉ, Amadou, Professeur des Universités, Georgetown University, Washington DC

MADÉBÉ, Georice Berthin, Professeur des Universités, CENAREST-IRSH/UOB

RENOUPREZ, Martine, Professeur des Universités, Université de Cadix

SISSAO, Alain Joseph, Professeur des Universités, INSS/CNRST, Ouagadougou

TRAORÉ, François Bruno, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny

VION-DURY, Juliette, Professeur des Universités, Université Paris XIII

VOISIN, Patrick, Professeur de chaire supérieure en hypokhâgne et khâgne A/L ULM, Pau

WESTPHAL, Bertrand, Professeur des Universités, Université de Limoges

Organisation

Publication / DIANDUÉ Bi Kacou Parfait,

Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan

Rédaction / KONANDRI Affoué Virgine,

Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan

Production / SYLLA Abdoulaye,

Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan

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Numéro 21 ISSN 2308-7676

SOMMAIRE

1- Dr. KONAN K. Béhégbin D., U. FHB, « Le problème d’acquisition lexicale en langues étrangères : cas de l’Espagnol en milieu universitaire ivoirien »

2- Dr. BEOGO Joseph, U. Koudougou, « Décentralisation et qualité de l’éducation au Burkina Faso »

3- Dr. DOSSO Faloukou, U. A.O, « L’expérience de l’émergence en Afrique subsaharienne face aux principes de la justice de Rawls et Frazer »

4- Dr. DRAME Abibata, U. FHB, « m-learning et apprentissage des méthodes de planification et de stratégies de la communication pour le développement à l’université Félix Houphouët-Boigny »

5- Dr. ELOMON K. Bertin, U. Abomey-Calavi, « Les panégyriques claniques : aspects oblitérés d’une poétique »

6- Dr. NIAMKE F. Aboua, U. A.O, « Le messianisme subversif chez John Steinbeck : une métaphore obsédante de la déchéance »

7- Dr. KEI Joachim, U. A.O, « Le discours autre et les procédés de transformation linguistiques dans Les bouts de bois de dieu de Sembene Ousmane »

8- Dr. SEKA A. Philomène, U. FHB, «Le roman colonial africain, foyer de poétisation de la rupture sociale »

9- Dr. TAI Hirigo Ignace, U. FHB, « Représentation, expressivité et scientificité discursive dans Sueur de lune de Toh Bi Tié Emmanuel »

10- Dr. VAHI Yagué, U. FHB, « Le zouglou ou la parole poétique proférée : perception, signifiance et signifiose »

11- Dr. OUATTARA Vincent, U. Koudougou, « Oralité et mythe du développement durable »

12- Dr. SORÉ Zakaria, U. Ouaga 1, « L’inopérante quinzaine critique ou l’échec de construction d’une communauté éducative à l’école primaire au Burkina Faso »

13- Dr. YAPO ADON C. R. F. N., U. F H B, « Yūsuf Ibn Tāšufīn y la conquista de los reinos de Taifas (1086-1104) »

14- Dr. KANGA Akissi A. D. epse KOUAME, U. FHB. «Tiempo de silencio de Luis Martín Santos, esta luz en la posguerra civil española »

15- Dr. OUATTARA Fatié, U. Ouaga 1, « L’INSURRECTION DES VIES INTÈGRES. Rupture, changement et progrès »

16- Dr.KONE Bassémory. U, FHB, « Communication pour le changement de normes sociales et de comportement dans la lutte contre le paludisme en Côte d’ivoire »

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Numéro 21 ISSN 2308-7676

Les panégyriques claniques : aspects oblitérés d’une

poétique

Docteur Elomon K. Bertin

Département des Lettres modernes

Faculté des Lettres Arts et Sciences Humaines

Université d’Abomey-Calavi

[email protected]

+229 95957099 / 64423262/ 66455399

Resumé

Stricto sensu, le mot panégyrique se définit comme un discours

élogieux, écrit ou oral, qui glorifie quelqu'un ou quelque chose.

Cette intellection héritée de la Grèce antique l’identifie dans le

monde occidental francophone comme une louange excessive ou sans

réserve généralement destinée à des saints. Dans la taxinomie des

types de paroles-patrimoines des civilisations de l’oralité, la

critique a consacré ce terme pour nommer un type d’ethnotexte

ressortant à de la poésie orale. Elle distingue alors les

panégyriques des divinités des panégyriques de groupes

socioculturels. Ainsi, dans les sociétés africaines

traditionnelles à structure ethno-clanique, on parle de panégyrique

clanique pour désigner les poèmes généalogiques servant

d’identifiants marqueurs socioculturels des individus, puis de

panégyriques de divinité lorsqu’il s’agit d’un discours épique

célébrant une divinité. Certes, ces textes célèbrent les mérites,

les qualités ataviques de ceux à qui ils sont adressés, mais ils ne

sont guère muets sur leurs défauts. Sans vouloir nier ni minimiser

l’intention de louanger qui caractérise ces textes, nous essayerons

d’examiner certaines séquences peu flatteuses de quelques-uns dont

la charge satirique est à la limite de la stigmatisation. En se

fondant sur un corpus en fongbe, la présente étude se propose

d’explorer ces aspects ainsi que l’origine des panégyriques

claniques, la modalité de leur création, leurs moyens expressifs

après avoir levé le voile sur les auteurs de ces textes singuliers.

Pour y parvenir, nous emprunterons divers outils d’analyse.

S’agissant de la modalité de leur création et des auteurs, nous nous

appuierons sur la méthode sociocritique et celle de la critique

génétique. L’examen des aspects satiriques se fera sous l’éclairage

de la critique textuelle dans sa dimension de surdétermination par

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association et métonymie puis celle de surdétermination du

signifié par le littéral.

Mots-clés : Panégyrique clanique, louanger, persifler, identifiant

marqueur socioculturel.

Introduction

Stricto sensu, le mot panégyrique se définit comme un

discours élogieux, écrit ou oral, qui glorifie quelqu'un ou

quelque chose. Cette intellection héritée de la Grèce antique

l’identifie dans le monde occidental francophone comme une louange

excessive ou sans réserve généralement destinée à des saints. Dans

la taxinomie des types de paroles-patrimoines des civilisations de

l’oralité, la critique a consacré ce terme pour nommer un type

d’ethnotexte ressortant à la poésie orale. Elle distingue alors

les panégyriques des divinités des panégyriques de groupes

socioculturels. Ainsi, dans les sociétés africaines

traditionnelles à structure ethno-clanique, on parle de

panégyriques claniques pour désigner les poèmes généalogiques

servant d’identifiants marqueurs socioculturels des individus,

puis de panégyriques de divinité lorsqu’il s’agit de discours

épiques célébrant une divinité. Si le mode de profération de ces

textes et leurs fonctions sociologiques ont fait l’objet de

quelques études, leur origine, la modalité de leur création et

leurs auteurs restent à découvrir. C’est aussi le cas de leurs

moyens expressifs et de leur charge satirique à la limite de la

stigmatisation. La présente étude se propose d’explorer ces

aspects en se fondant sur un corpus en fongbe, parler du Centre et

du Sud Bénin.

Répertoire des panégyriques claniques dans

l’espace culturel adja-fon

Les données statistiques du recensement général de la

population béninoise de 2002 ont estimé les peuples de culture

et de souche adja-fon à 54 % de population totale du pays,

dépassant de loin les peuples de culture et de souche yoruba qui

viennent en deuxième position avec un pourcentage de 12%. L’aire

culturelle qui est l’assiette de la présente étude couvre les huit

départements sur les douze que compte le pays. Malgré la très

grande diversité des langues et des parlers de ces peuples, les

mêmes panégyriques claniques se retrouvent quasiment tels quels

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dans toutes les localités de ce vaste espace géographique comme

pour rappeler l’unité culturelle qui le caractérise. En sillonnant

cet espace nous avons répertorié au total trente-deux panégyriques

claniques jouant le rôle de têtes de pont sous lesquelles on

peut retrouver quelques subdivisions factuelles. A quelques

variantes près, ces textes s’identifient et se désignent avec les

mêmes amorces servant de titres. Il s’agit de: adando,

ad¥luvi, ahwan¥, ad¥h¥, agenu, agli gbet¥, akpԑnu, anakpan, ananu,

ahantun, ajanu, ayin¥, aligbon¥, ayat¥, azinma, dev¥, dԑn¥ dԑhwԑn,

hana, hlanu, h¥nsi, javi, jԑt¥, jimԑnu, glonu, agbojԑvi, majanu,

hwԑgbonu, ogunm¥vi, wemԑnu, sadonu, zogbanu.

Chacun de ces amorces-titres a un nombre très variable de

ramifications. A titre d’exemple à Porto-Novo, agli gbet¥ n’a pas

de subdivision alors qu’à partir du plateau d’Abomey, il se

ramifie en d¥vinu, zungonu, y¥tanu et autres.

L’éloge dans les panégyriques claniques : l’arbre qui cache la forêt

Le type de parole littéraire que les Négro-africains

appellent panégyrique clanique ne correspond pas tout à fait à la

définition l’assimilant à un dithyrambe, même si l’intention

manifestement dominante dans ces textes est laudative. Appelés oriki

en yoruba et akomlamla en fongbe, les poèmes généalogiques que nous

nommons panégyriques claniques ne se réduisent pas à des éloges.

Loin s’en faut. En examinant nombre de ces paroles littéraires, on

se rend compte qu’il s’agit, au fond, de textes dynamiques faisant

sur des générations la peinture réaliste des traits de caractères

moraux innés des individus par lignée. Ces textes portent, pour

ainsi dire, le sceau de l’identité sociale d’une communauté humaine

faite d’individus descendant d’ancêtres communs. En tant qu’êtres

humains, ils ont tout à la fois des qualités et des défauts, aussi

bien par atavisme que par une structuration psychologique due au

cadre habituel de vie et aux contingences de l’histoire. De ce

postulat découle l’idée selon laquelle les membres d’un clan ont en

partage des traits spécifiques au plan biométrique, axiologique,

idéologique, et pulsionnel. Au demeurant, cette conviction ne

contredit nullement la conclusion à laquelle est parvenu le

psychiatre Ibrahim Sow qui, dans une étude portant sur les «

Schémas de la structure dynamique de la personne et élaboration

diagnostique des troubles de la personnalité » a pu démontrer que

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« l’individualité appartient, tout en s’éprouvant comme unique, à la

structure et à l’organisation lignagère »1.

Aussi, les poèmes généalogiques dont la vocation, entre autres,

est de jouer le rôle de réceptacle de certaines légendes ne se

privent-ils pas de véhiculer la peinture signalétique des

lignages. Cette dimension des panégyriques claniques est si ancrée

dans la conscience collective que, dans certaines localités du

Centre du Bénin, dès que quelqu’un présente un(e) fiancé(e) aux

siens, au lieu de chercher à connaître le nom de la personne

présentée, ils s’enquièrent surtout et d’abord de son panégyrique.

C’est dire que si ces textes célèbrent les mérites, les qualités

ataviques de ceux à qui ils sont adressés, ils ne restent pas

pourtant muets sur leurs défauts. Ils campent moralement les gens

par lignée. Sans vouloir nier ni oblitérer l’intention de louanger

qui caractérise aussi ces textes, nous essayerons d’examiner

certaines séquences peu flatteuses de quelques panégyriques

claniques.

Adando (P1)

ver

set

Transcription Traduction

1 Ajanu/ kweze/ hu/ t¥

Sub / np / v / agen

adjanou Kweze tuer agentif

Natif d’Adja, tueur de

Kweze !

2 E / hu / ajanu / bo/

gb¢ /si / na / ajaka

Pp / v / sub/ coj/ v/

sub/ v/ sub

Il tuer Adjanou et refuser

eau donner souris

Il a tué l’homme d’Adja et a

refusé de donner de l’eau à

une souris.

Agenu (P2)

3 Agenu / xwl¢ / Ða / ma /

xwl¢ / to

Sub / v / sub/

pdm nég / v / sub

Natif berge raser cheveu ne pas raser

oreille

Le natif des berges a rasé

ses cheveux et n’a guère

rasé ses oreilles.

4 To / ni / n¥ / ayi / ni / Que les oreilles

1 Sow Ibrahim, Psychiatre dynamique africaine, Paris, Payot, 1977, P.77.

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agenu / nado /se/ nu/ wii

Sub / conj su/ v/ sub/ conj su/ sub /

pdm f / v/ sub/ idéo

Oreille que rester terre que Aguenou

entendre chose

s’épanouissent pour servir

Aguenou.

Тhw¢n (P3)

5 Aza / do / xwe / ny¥nu / ma /

ml¥/ w¢n

Sub / v/ sub / sub / pdm.nég /

v/ adv

Aza être maison femme ne pas se

coucher sur le dos

Tant qu’Aza est dans une

maison aucune femme ne

peut s’étendre sur le

dos.

6 Aza/ ji / vi/ bo/ ze / de/

kp¥n/ zo / na

Sub / v/ sub / conj .co/ v

/ adj num / v /sub/ pdm

Aza procréer enfant et prendre un

regarder feu avec

Aza qui prend l’un de ses

enfants pour se

réchauffer !

Y¥linu (P4)

7 Ku / kp¥

Interjection/ sub

Salut panthère

Salut à toi panthère !

8 Avun / du / m¢ //do / nu

/// xoxo// nu

Sub/v/ sub/ prép /

sub / adj qua/ pdm

Chien mordre personne pour chose

ancienne

Chien qui mord les gens

pour de vielles offenses.

Zogbanou P(5)

9 Asa/ ma/ do/ kpokan/ bo/

ana/ houn

Sub/ pdm. Nég./ v/ sub /

conj.co/sub/ v

Jambe ne que seuil et vagin

ouvrir

Dès qu’on enjambe le seuil,

elle s’ouvre.

10 Zogbanu/ agla/ x¥t¥

Sub/ sub/ sub

Zogbanu bois acheteur

Zogbanu qui achète du bois

pourri pour les charpentes.

11 Zogbanu gogo wat¥n Zogbanu treize fesses.

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12 Zogbanu din zanza bo gogo

t¥n din gbadanu

Zogbanu passe le matin et ses

fesses passent le soir.

Devo P(6)

13 Devovi jojinu Descendant de Devo de

Djodji !

14 Houn yande kunto Transporteur des bagages

d’un quidam,

15 E kun hun bo agban don Transporteur qui fait noyer

les bagages,

16 Sokon ma don Ne peut dormir près d‘un

fusil.

17 Edon so kon so na donu gbo Quand il dort près d’un

fusil cela ne manquera guère

de tonner.

18 Vile fo gboun gboun Les mollets des enfants sont

replets.

19 Asile fo xuili xuili Les mollets des épouses

squelettiques.

20 Adan djro beze bo e non dome Le crapaud aime se mettre en

colère !

21 Bo no soh hli hli Et même, dans son terrier

trépigne.

C’est un truisme de dire que ces vingt et un versets

figurant dans certaines stances de six différents panégyriques

claniques ne sont point destinés à glorifier, à louanger. Lorsque

les versets 1 & 2 du texte P1 disent sans ménagement ni aucune

précaution langagière « Natif d’Adja, tueur de Kweze / Il a tué

l’homme d’Adja et a refusé de donner de l’eau à une souris », ils

font comprendre que les gens de ce clan sont non seulement

sanguinaires, mais aussi très avares. Ils sont si radins qu’ils ne

laissent traîner, ne serait-ce que quelques gouttes d’eau pouvant

permettre aux souris qui écument les habitations d’étancher leur

soif. Autrement dit, ils sont très avares envers leurs proches et

singulièrement envers leurs épouses. Des traits de caractères

similaires transparaissent dans le panégyrique P4. Dans ses versets

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7 & 8 l’on assimile le comportement des membres du clan des Y¥linu,

non seulement à la cruauté de la panthère qui tue par plaisir, mais

aussi, ils se retrouvent désignés par le mot chien qui est une

injure grave. La charge sémantique péjorative du mot dans la culture

locale est toutefois quelque peu édulcorée par son incrustation dans

une formule à l’allure proverbiale lui conférant une valeur

métaphorique. S’agissant des deux versets extraits du texte P3, ils

stigmatisent la lubricité, la frivolité et l’immoralité des

descendants de Тhw¢n dont le manque de maîtrise de soi fait de

véritables spécialistes de l’inceste. « Tant qu’Aza est dans une

maison aucune femme ne peut s’étendre sur le dos / Aza qui prend

l’un de ses enfants pour se réchauffer ». Accueillir un Тhw¢n

dans une maison en déclamant ce texte n’a rien de flatteur, même si

l’intéressé en accuse réception par un sourire. Dans l’esprit des

femmes et des jeunes filles présentes, ces paroles retentissent

comme un avertissement du genre : « prenez garde, un don juan qui

n’a aucun sens de discernement, un potentiel violeur qui ne

rechigne pas à commettre l’inceste vient d’arriver ». Même si les

membres de ce clan ne s’en offusquent jamais, on ne saurait

formellement affirmer qu’elles sont un tantinet plaisantes. Aux

traits de caractères moraux, très souvent, les panégyriques

claniques allient des traits de caractéristiques physiques. Le

texte P2 en disant dans ses versets 3&4 :

« Le natif des berges a rasé ses cheveux et n’a guère rasé ses

oreilles / Que les oreilles s’épanouissent pour servir Aguenou », se

moquent tout simplement des oreilles quelque peu démesurées qui est

l’un des traits physiques des Aguenou.

Les textes consacrés aux zogbanu et aux jojinu n’ont rien

d’élogieux. Ils sont caustiques. En s’adressant à quelqu’un en ces

termes :

« Transporteur qui fait

noyer les bagages

Ne peut dormir près ‘un

fusil

Quand il dort près d’un

Ou bien en ces termes –ci :

« Dès qu’on enjambe le seuil, elle s’ouvre /Zogbanu qui achète du bois

pourri pour les charpentes

Zogbanu treize fesses. /Zogbanu passe le matin et ses fesses passent

le soir »

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fusil cela ne manquera guère

de tonner

Les mollets des enfants sont

replets

Les mollets des épouses

squelettiques

Le crapaud aime se mettre en

colère »

Incontestablement, l’objectif poursuivi dans les versets ci-dessus

est de vilipender leurs destinataires.

Stratégie discursive et moyens expressifs

Moulé dans un discours emphatique et poétique, le panégyrique

clanique prend source depuis les racines de l’arbre généalogique de

son destinataire (Descendant de Devo de Djodji (Devo P6) puis, tout

en oscillant entre invocation et évocation, il retrace de façon

suggestive les différentes ramifications dessinant sa lignée. A

l’occasion, tares et avatars, prouesses et avanies d’un clan ou

d’une lignée sont sans ambages dépeints pour en faire des légendes

épiques. Pour ce faire, hyperbolisation, idéalisation, sublimation

sont convoquées dans une alliance qui le dispute tantôt au sublime

héroïque et au merveilleux, tantôt à la caricature et à la

stigmatisation (Zogbanu, treize fesses/ Zogbanu passe le matin et

ses fesses passent le soir. / Dès qu’on enjambe le seuil, elle

s’ouvre / Zogbanu qui achète du bois pourri pour les charpentes

(ZogbanuP5).

L’hyperbolisation génère ici une véritable caricature qui n’a

rien d’avenant. Décrites comme remarquablement callipyges (Zogbanu,

treize fesses), les filles de ce clan sont par ailleurs présentées

comme des femmes à risque puisqu’elles sont supposées drainer de

nombreux soupirants sur leur passage. Quand elles passent par un

chemin dans la matinée, dit le texte, il faut s’attendre à un défilé

de soupirants dans la soirée (Zogbanu passe le matin et ses fesses

passent le soir). Présumées volages, elles se livreraient sans

discernement à tout venant (Dès qu’on enjambe le seuil, elle

s’ouvre). Dans le texte original le verbe s’ouvrir (houn) est

homophone de stupidité. Cela crée un enjambement sémantique avec le

verset suivant (Zogbanu qui achète du bois pourri pour les

charpentes). L’exagération ne crée donc pas toujours une légende

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flatteuse, épique ; la légende peut être aussi de l’extrême

dénigrement.

Parfois, les insultes sont déguisées par des antiphrases

tournant ce qui devrait normalement être considéré comme une offense

en une plaisanterie cordiale. Diverses figures de rhétorique sont

mises à contribution dans la réalisation de telles prouesses

langagières. C’est justement ce qui transparaît dans le texte dédié

au clan des ԃ¥vinu: « le généreux qui se sert de corbeilles

géantes pour faire des dons se disant que si la corbeille n’est pas

grande le présent ne le serait pas non plus». En clair, c’est le

contenant qui préfigure la quantité du contenu : l’apparence sauve

en dissimulant la nature réelle des choses et des personnes. De tels

propos dénoncent ironiquement l’avarice et la malice qui

caractérisent les gens de ce clan.

Tout bien considéré, l’allure solennelle que prend la

déclamation du texte crédibilise les différentes facettes de

l’image sociale atavique qui s’en dégage même si la

vraisemblabilisation n’est pas toujours au rendez-vous. La

solennité transparaît même dans la manière d’apostropher par

l’appellatif de clan au lieu d’appeler nommément celui à qui on

adresse le panégyrique. Son identité est littéralement déclinée à

volonté à travers son appellatif de clan, un identifiant par la

prouesse d’un aïeul ou par l’expression développée d’un nom

totémique, ou encore par l’origine lointaine de son ascendant

mythifié.

Les noms employés pour saluer, invoquer ou évoquer

diffèrent généralement puisque dans toutes les cultures, il existe

des termes péjoratifs désignant la même réalité que d’autres termes

s’avérant plutôt laudatifs. Toutefois, il convient de reconnaître

que dans les cultures négro-africaines, nommer les individus surtout

à des occasions solennelles ou dans des œuvres d’art requiert un

certain savoir-faire qui s’inscrit dans les préceptes de l’ordre de

la poétisation.

Parlant du statut et de la place du nom dans la culture

Sérer dont est issu Léopold Sédar Senghor, Edgar Faure a déclaré

dans sa réponse au discours de réception du poète à l’académie

française : « je dirai ton nom, Senghor. Nomina,

numina. Chez vous, le nom se décline et se déclame, on le

psalmodie et on le chante. Il doit sonner comme le sarong, rutiler

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comme le sabre au soleil ».2 Cette remarquable mise en relief du

potentiel poétique de l’onomastique en milieu Sérer est tout à

fait applicable à la modalité de désignation des gens dans les

panégyriques claniques dans l’aire culturelle adja-fon du Centre

et du Sud du Bénin.

Apostropher, nommer, interpeller, appeler, invoquer les

humains, les entités supérieures, les végétaux ou les animaux dans

les textes poétiques respectent une codification, des formulations

spécifiques. Ici, particulièrement, le lexique utilisé est

soigneusement choisi en tenant compte aussi bien de la consonance

que de la connotation. Pour des besoins de clarté, nous

distinguerons cinq types d’évocation dans les panégyriques

claniques. On peut, selon le but poursuivi, faire une évocation

phatique juste pour attirer l’attention du destinataire.

L’évocation peut être ordalique si l’on profère le nom totémique

qui nuit ou dérange. Elle peut aussi être satirique si

l’intention manifestée est de persifler. Elle devient optative

quand elle vise l’obtention de faveur comme c’est souvent le cas

entre conjoints. Lorsque satisfait l’on choisit de louanger en

signe implicite de gratitude, l’évocation est alors laudative.

Ainsi nous distinguons : l’évocation phatique, l’évocation

ordalique, l’évocation satirique, l’évocation optative et

l’évocation laudative.

Désigner les gens ou les interpeller est un art voisin de

celui de l’historien communautaire puisqu’il prend l’allure d’un

descriptif de généalogie.

Retraçant pompeusement le curriculum des ancêtres, ce

discours tutoie par endroits l’univers symbolique des totems

claniques. La pensée symbolique y prend solidement place. Le

langage en devient plus imagé que d’ordinaire. Généralement, le

texte de panégyrique se déploie comme une succession d’images

analogiques prenant la forme d’icônes-métaphores.

Sans rentrer dans les détails du discours des

sémioticiens, nous retiendrons comme définition du concept qu’une

icône-métaphore « est un signe qui représente son objet parce

2 Réponse de M. Edgar Faure au discours de M. Léopold Sédar Senghor discours prononcé au cours de la séance publique le

jeudi 29 mars 1984 à Paris au palais de l’institut.

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qu’il possède des qualités que possède aussi cet objet ».3 Peirce

décrit les icônes-métaphores comme « celles qui représentent le

caractère représentatif d’un signe en représentant un

parallélisme dans quelque chose d’autre ».4

L’icône-métaphore est alors la représentation mentale ou

matérielle d’un objet auquel on transfert des traits de caractère

appartenant à ce qui est représenté dans une comparaison

implicite. Cette pratique est fréquente dans les sociétés de

l’oralité qui empruntent ce raccourci pour archiver dans la

mémoire collective des traits de caractère emblématiques. A voir

de près, les icônes-métaphores utilisées dans la littérature

orale et particulièrement dans les poèmes généalogiques sont des

concentrés d’idées reçues bâties sur des images analogiques

signifiantes. Tout y passe. Le crapaud est représentatif de

l’irascibilité (Le crapaud aime se mettre en colère / et même

dans son terrier trépigne Devo P(6)), le chien de fourberie

revancharde (Chien qui mord les gens pour de vielles offenses

(Y¥linu P4)), la panthère de la sournoiserie (Salut à toi

panthère (Y¥linu P4).

Plus les icônes-métaphores sont abondantes dans une stance de

ces poèmes généalogiques, plus son contenu devient mystérieux et

fortement imagé. Dans ces cas-là, l’entièreté des propos n’est

guère accessible à tous. En donnant une épaisseur mythique aux

faits, aux gestes, aux paroles et aux noms des ancêtres évoqués,

le discours de la poésie généalogique jette un pont subtile

mais tenace entre l’histoire évènementielle vécue et le mythe

personnel . Ainsi, dans ce type de parole-patrimoine, la

frontière entre les genres est ténue voire franchement

indéfinissable. Le discours est nimbé en arrière-plan de

l’idée d’incarnation plurielle voire de métempsychose larvée

s’exprimant implicitement par un atavisme caractériel de tous les

membres d’un clan.

3 Deleuze, G. & Guattari, F., Postulats de la linguistique, Paris, Éd. de Minuit, 1980, pp. 95-98.

4 Peirce, C.S., Écrits sur le signe, Paris, Seuil, 1978, p.148.

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Les auteurs des panégyriques

Deux remarques majeures se dégagent de l’examen de ces textes :

leurs auteurs ont une connaissance approfondie sur plusieurs

générations des gens des lignées qu’ils décrivent poétiquement avec

un réalisme avéré même si l’hyperbolisation y est très prisée. La

seconde constatation est que, visiblement, les auteurs des poèmes

du genre ne sont pas membres des clans qu’ils peignent sans

complaisance. Ces textes fonctionnent comme des descriptions faites

par des allogènes impressionnés par la personnalité morale et

physique d’un groupe d’individus. C’est pour cette raison que les

tiges, les surnoms et autres devises des ancêtres y sont amplement

déclinés, développés. En outre, on peut y repérer des propos

sapientiaux relevant des tics langagiers d’un ancêtre tout comme on

peut y déceler des anecdotes illustrant des traits de caractère, les

prouesses légendaires tout comme les vices d’un ascendant.

Il est clair que les personnes susceptibles de peindre de

manière caricaturale toute une lignée en mettant en relief les

défauts physiques et moraux doivent jouir d’un statut

d’inviolabilité voire d’une immunité. Certains paramètres sociaux

confèrent ce statut aux épouses d’un âge suffisamment avancé.

Habituellement, le statut d’épouse dans une famille traditionnelle

impose à la limite de l’obséquiosité aux membres adultes du clan du

mari. Mais puisque le temps a raison de tout, plus longtemps une

femme vit dans le clan de son époux, plus sérieusement le temps

érode l’obligation de respecter les beaux-parents. Lorsqu’une

épouse, après un long séjour, devient non seulement mère mais

également grand-mère de certains enfants du clan, il lui est

loisible d’envoyer des piques à son époux via ses propres petits

fils.

C’est de cette manière que certains travers peuvent être dits à

haute voix sans effaroucher ni le destinataire attitré, ni son

référent. Il arrive aussi que, de manière anecdotique, l’on

rappelle des exploits ou des déboires d’un mari ou d’un beau-frère

lorsqu’on retrouve dans le comportement des petits fils de ce

dernier des traits de ressemblance innés reçus par le legs du sang.

Des aspects singuliers de ces anecdotes prennent alors place dans le

schème du panégyrique du clan.

En somme, les auteurs des poèmes généalogiques sont des épouses

d’âge avancé qui ont eu le temps d’observer assez longuement les

traits caractéristiques des membres du clan de leur époux dont elles

connaissent également l’histoire.

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Les fonctions psychoaffectives des panégyriques claniques.

Ces textes ont une modalité de profération caractéristique. Ils

se déclament à haute voix suivant un rythme généralement binaire

mi-chanté, mi-parlé. Ainsi, ils ont comme un pouvoir magique pour

apaiser la colère de leurs destinataires ou de susciter leur

générosité. Quelle que soit la stance proférée, le destinataire

cible est généralement d’humeur conciliante. C’est pour cette raison

que lorsqu’une épouse ou un époux sollicite les faveurs de sa

conjointe ou de son conjoint, le recours à ces textes est

généralement nécessaire. Ce sont donc des moyens de pacification, de

médiation, d’attendrissement. Proférés dans certaines conditions,

ils servent à doper, à ragaillardir, à inciter à la vaillance, à la

bravoure et parfois même à la témérité. C’est à ces extrêmes que

poussent les stances relatives aux exploits des aïeux.

Les panégyriques claniques : un matériau transdisciplinaire

Un aspect particulier de ces poèmes généalogiques est la

mention de l’origine du clan. En milieu aja-f¥n par exemple, il est

facile de remonter la trajectoire migratoire de chaque clan à partir

de ces textes. Au Centre du Bénin précisément, l’on retrouve le long

du fleuve Ouémé les sites dont les noms figurent dans les

panégyriques des peuples du Sud et du Centre. A l’analyse, on se

rend compte du schéma de la subdivision des groupes lignagers

originels qui ont donné lieu plus tard aux différents clans actuels.

En outre, ce genre de la poésie orale a la particularité de calmer

la colère tant d’un nouveau-né qu’un d’un vieillard malgré ses

stances satiriques.

Les sociologues, les anthropologues, les ethnologues, les

psychologues, les linguistes et les historiens peuvent trouver dans

ces documents oraux, de précieuses informations pour des recherches

dans leurs domaines respectifs.

En guise de conclusion

Le survol de ces textes qu’il serait plus judicieux de nommer

simplement poèmes généalogiques permet d’analyser certaines de leurs

dimensions qui ne sont pas toujours perceptibles au prime abord. Les

dénommer panégyriques claniques est non seulement abusif, dans le

double sens de méprise et d’exagération, mais aussi révélateur d’un

subtile conditionnement psychologique induit par la démarche

d’analogie déductive imposée dans une certaine mesure par la

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théorie de la table rase selon laquelle l’Afrique serait un

continent sans écriture, sans littérature et donc sans civilisation.

Alors, pour prouver la bévue sous-tendant cette théorie, il fallait

coûte que coûte retrouver les genres littéraires répertoriés en

Occident dans les productions langagières des Africains. Ce faisant,

ceux qui s’évertuaient à établir un catalogue analogique des genres

littéraires oraux dans l’espace négro-africain avaient simplement

perdu de vue que la littérature orale est par nature une littérature

ethnique ayant une typologie générique plutôt spécifique à chaque

culture. Dans ces conditions, les approximations dans

l’identification et la dénomination des différents types de paroles

littéraires sont fatalement inévitables. C’est justement ces

dénominations approximatives qui ont amené Abiola Félix Iroko à

écrire :

«…. les panégyriques claniques du souvenir, communément

appelés litanies de famille et dont les noms africains sont beaucoup

plus précis et plus explicites que les différentes périphrases qui

s’efforcent de traduire en langues européennes un concept

étranger»5.

Du panégyrique, tel que ce genre poétique se définit en France,

ces textes n’ont qu’un aspect qui n’est ni l’essentiel (saints et

divinités) ni le dominant (louange). Ils se nourrissent de

l’histoire, de psychologie collective, d’anecdotes, de biométrie, de

légendes, de mythes personnels tout en enfilant dans un même schème

dérisions, louanges, injures plus ou moins graves, vérités

historiques et fiction débridée.

En les regardant de près, on constate que ce sont des creusets

d’informations complexes que la recherche scientifique doit investir

pour mieux appréhender l’être humain. Cette étude vient, par

ailleurs, de lever le voile sur l’identité des auteurs de ce type

de poème. Ce sont des allogènes devenus par alliance membres d’un

clan donné qui s’octroient le droit de célébrer ou de caricaturer

impunément toute une lignée. La dimension dithyrambique sur laquelle

la critique a jusque-là focalisé son attention est en fait un

trompe-œil dissimulant la nature profonde de ces textes. Il n’est

donc guère excessif de dire que la dimension laudative de ces poèmes

généalogiques n’est qu’un leurre permettant de dire autant de mal

5 Abiola Félix Iroko, Une littérature orale : le panégyrique clanique du souvenir, in Littérature béninoise, Notre

Librairie, N°124, p.46.

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qu’on a l’air de dire du bien. Un véritable couteau à double

tranchant, le poème généalogique est pour ainsi dire un chef d’œuvre

accompli dans le maniement de la parole sublimée.

Sources orales et bibliographie

I-Sources orales

NOMS et Prénoms Lieu et date de

collecte

Age approximatif Profession

Ayégnon Gantounou Mondji commune de

Savalou 15 août 2016

86ans Ménagère

Elomon Tossa Savalou, juin /

octobre2016

57ans Enseignant

Tossou Dossa

Chaldrac

Cococodji Octobre et

novembre 2016

56ans Pétrolier,

derrickman

Dah Hêdji Assanté commune de

Glazoué février 2015

55ans Boconon prêtre de

Fa

II- Bibliographie.

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décembre 1985, p.18 et suivantes.

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