thèse emmanuel perisse finale - paul sabatier...

208
T T H H È È S S E E En vue de l'obtention du DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE Délivré par l'Université Toulouse III - Paul Sabatier Discipline ou spécialité : Neurosciences JURY Pr. Jacques Haiech, Professeur des Universités (Rapporteur) Dr. Serge Birman, Directeur de Recherche (Rapporteur) Dr.Yves Le Conte, Directeur de Recherche (Examinateur) Pr. Martin Giurfa, Professeur des Universités (Président du jury) Dr. Valérie Raymond-Delpech, Maître de Conférence (Directrice de thèse) et Dr. Marc Moreau, Directeur de Recherche (Directeur de thèse) Ecole doctorale : CLESCO Unité de recherche : UMR5169 Directeur(s) de Thèse : Dr. Valérie Raymond-Delpech et Dr. Marc Moreau Présentée et soutenue par Emmanuel Perisse Le 20 novembre 2009 Titre : Le calcium, un déclencheur moléculaire de la formation de la mémoire olfactive à long terme chez l’abeille : approches comportementale et transcriptomique.

Upload: others

Post on 30-Jan-2021

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • TTHHÈÈSSEE

    En vue de l'obtention du

    DDOOCCTTOORRAATT DDEE LL’’UUNNIIVVEERRSSIITTÉÉ DDEE TTOOUULLOOUUSSEE

    Délivré par l'Université Toulouse III - Paul Sabatier Discipline ou spécialité : Neurosciences

    JURY

    Pr. Jacques Haiech, Professeur des Universités (Rapporteur) Dr. Serge Birman, Directeur de Recherche (Rapporteur)

    Dr.Yves Le Conte, Directeur de Recherche (Examinateur) Pr. Martin Giurfa, Professeur des Universités (Président du jury)

    Dr. Valérie Raymond-Delpech, Maître de Conférence (Directrice de thèse) et Dr. Marc Moreau, Directeur de Recherche (Directeur de thèse)

    Ecole doctorale : CLESCO

    Unité de recherche : UMR5169 Directeur(s) de Thèse : Dr. Valérie Raymond-Delpech et Dr. Marc Moreau

    Présentée et soutenue par Emmanuel Perisse Le 20 novembre 2009

    Titre : Le calcium, un déclencheur moléculaire de la formation de la mémoire olfactive à long terme chez l’abeille : approches comportementale et transcriptomique.

  • 2

  • 3

    Avant-propos

    « Le savant n’est pas l’homme qui fournit les vraies réponses, c’est celui qui pose les vraies

    questions »

    Claude Levi-Strauss (1908-2009)

    Je souhaite remercier Valérie Raymond-Delpech, Marc Moreau, Jean-Christophe

    Sandoz mais aussi Isabelle Néant et Catherine Leclerc pour m’avoir choisi et avoir cru en

    moi pour travailler sur ce projet ambitieux et très intéressant financé grâce à la bourse du

    président de l’université.

    Je tiens à remercier le Professeur Martin Giurfa de m’avoir accepté au sein de son

    laboratoire déjà en maîtrise, en Master 2 Recherche, puis enfin en thèse, et d’avoir

    accepté de présider ce jury. Mais surtout, merci Martin pour l’influence scientifique que

    vous avez eue sur moi : vos enseignements en Licence, en Maîtrise puis en Master 2

    Recherche m’ont donné le goût de la cognition. Merci aussi pour votre aide pour la suite

    de ma carrière scientifique.

    Je tiens à remercier Jacques Haiech et Serge Birman pour avoir accepté d’être

    rapporteurs de mon travail de thèse. Je remercie également Yves Le Conte pour avoir

    accepté d’examiner ce travail de thèse.

    Je remercie très tendrement Stéphanie pour tout ce qu’elle m’a apporté au quotidien

    depuis ces 3 dernières années. Merci pour ton soutien, ton aide, ta gentillesse, ta

    générosité et ton amour qui ont fait de moi aujourd’hui le docteur que je suis.

    Je remercie très chaleureusement Valérie pour sa gentillesse et sa disponibilité, qui

    m’ont permis d’avancer sur ce projet et d’évoluer dans mon travail scientifique. Je te

    remercie pour toutes ces discussions (au travers du plexiglas) autour d’interrogations sur

    les expériences qui ne marchent pas, ou sur les choix à entreprendre pour avancer sur ce

    travail. Merci également d’avoir passé du temps en dehors de tes heures de travail pour

    m’aider à travailler sur différents projets de thèse ou post-thèse.

    Je veux exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance à Jean-Christophe pour

    avoir dirigé mon stage de M2R et mon travail de recherche de thèse pendant ces 4

    dernières années. Je te suis très reconnaissant de m’avoir fait partager tes connaissances,

    ton savoir-faire et ton expérience. Tes qualités ont été selon moi déterminantes et à

    l’origine de l’avancement rapide de mes travaux de recherche. Je te remercie pour tes

    conseils, ta patience notamment pour t’avoir dérangé, de temps en temps le soir, 2

    minutes et finalement resté 45 minutes pour des discussions scientifiques mémorables.

  • 4

    Je souhaiterais mantenant passer du coté moléculaire de la science et remercier Marc

    pour tout ce qu’il m’apporté, sur ces connaissances (scientifiques et autres..) qui m’ont

    permis de grandir scientifiquement. Un grand merci à Isa pour m’avoir appris les secrets

    de la biomol et pour ta disponibilité. Merci aussi à Catherine pour avoir suppléer Isa dans

    cette lourde tâche. Merci aussi à tous les trois pour votre bonne humeur, votre

    disponibilité, votre aide et vos conseils.

    Je veux remercier tout particulièrement Jean-Marc avec qui tout à commener en

    maîtrise. Tu m’as permis de découvrir le monde de la recherche en France mais aussi au

    travers de voyage vers différents continents. Merci de m’avoir aidé et formé pour que je

    puisse aujourd’hui, obtenir le statut de docteur. Je remercie également Jean-Marc d’avoir

    partagé ma découverte de l’escalade, et oui, 7a en un an, c’est grâce à toi.

    Un énorme merci à Benoît pour son amitié, son soutien et son aide depuis ces 4

    dernières années. Merci pour ta bonne humeur au quotidien et pour ta générosité. Je ne

    l’oublierai pas. Merci aussi de m’avoir fait découvrir la capoeira.

    Un grand merci à Claire pour ses conseils précieux, pour m’avoir aidé pour ma thèse

    et surtout pour la suite de ma carrière. Je te suis très reconnaissant.

    Je ne peux pas oublier non plus les personnes qui m’ont aidé pour une partie des

    expériences menées dans cette thèse : Kevin, Yuki, Lisa, Pascal, Lidwine, Laure, Quentin

    et Fred.

    Je veux finir remercier toutes les personnes qui ont partagé mon quotidien et que

    j’apprécie vraiment beaucoup : Laure, Alex, Edith, Julien, Julie, Meike, Lionel, Théo,

    Ambre, Audrey, Medhi, Abel, Geoffrey (même si t’es parti, on a partagé beaucoup de

    choses depuis la première année de fac), Monique, Hélène, Isa, Gérard, Patrick,

    Stéphane, Cathy, Bernard, Michel et Sandrine.

    Je veux dédier cette thèse à ma famille qui m’a aidé, supporté et encouragé pendant

    ces longues années. Merci pour tout ce que vous m’avez apporté.

  • 5

    Publications et communications

    Travaux de thèse publiés (revues internationales à comité de lecture):

    Perisse E, Raymond-Delpech V, Neant I, Matsumoto Y, Leclerc C, Moreau M and Sandoz JC (2009)

    Early calcium increase triggers the formation of the olfactory long-term memory in honeybees. BMC

    Biol. 16;7(1):30.

    Travaux de thèse en cours de publication :

    Perisse E, Neant I, Sandoz JC, Moreau M, Leclerc C and Raymond-Delpech V. Calcium-regulated

    gene expression involved in the olfactory long-term memory formation in honeybees.

    Travaux de thèse présentés lors de congrès scientifiques nationaux ou internationaux:

    Perisse E, Sandoz JC, Neant I, Leclerc C, Moreau M and Raymond-Delpech V. (Juin 2009) What can

    we learn from honeybees? The role of calcium in long-term memory formation in honeybees: a new

    model to study neurodegenerative diseases. ECS workshop: Annexin target and calcium binding

    protein in pathology. Smolenice, Slovaquie.

    Perisse E. (Juillet 2009). Long-term memory and plasticity in honeybee: structural and molecular

    approaches. Invité par Scott Waddell, Departement de Neurobiologie, Université du Massachussets,

    Worcester, USA.

    Perisse E. (Mai 2008). Calcium and gene expression involved in the olfactory long-term memory in

    the honeybee Apis mellifera. 9ème rencontre du Club de Neurobiologie des Invertébrés, Toulouse,

    France.

    Perisse E. (Mars 2008). Role of calcium in the olfactory long-term memory in the honeybee Apis

    mellifera. Conférences Alpha-T, Toulouse, France.

    Perisse E. (Septembre 2007).Calcium and gene expression involved in the olfactory long-term

    memory in the honeybee Apis mellifera. Société Française des Insectes Sociaux, Toulouse, France.

  • 6

    Table des matières

    I. Introduction Générale........................................... 15

    I.1. Partie I : la formation de la mémoire à long terme.......................... 15

    I .1.1. La mémoire : un processus psycho-biologique complexe. ..........................15

    a. Mémoire à court terme et mémoire à long terme : le mécanisme de consolidation mnésique.......................................................................................................................15 b. Le conditionnement classique comme modèle d’apprentissage pour l’étude des bases cellulaires et moléculaires de la formation de la mémoire à long terme ............17 c. Les modèles animaux utilisés pour l’étude des bases cellulaires et moléculaires de la formation de la mémoire à long terme......................................................................18

    I.1.2. Les bases cellulaires et moléculaires sous-tendant la formation de la mémoire à long terme.....................................................................................................19

    a. Les bases moléculaires de la formation de la mémoire à long terme...................20 b. Synthèse protéique et mémoire à long terme........................................................26 c. Mémoire à long terme et modifications de l’efficacité synaptique : le phénomène de potentialisation à long terme....................................................................................28 d. Mémoire à long terme et modifications de l’architecture synaptique ..................30

    I.2. Partie II. Le calcium, un acteur clé des fonctions nerveuses........... 32

    I .2.1. Le calcium et les fonctions neuronales..........................................................32

    I.2.2. Quelles sont les sources de calcium ? ............................................................33

    a. L’entrée de calcium extracellulaire ......................................................................33 • Les CCVD (canaux calciques voltage dépendants)..........................................33 • Les canaux calciques chimio-dépendant (CCCD) ou ROC (« receptor operated channel ») .................................................................................................................34 • Les canaux SOC, CRAC et SMOC ..................................................................35 • Les canaux TRP (« transient receptor potential ») ...........................................35

    b. La libération de calcium à partir des stocks intracellulaires.................................38 • Le réticulum endoplasmique ............................................................................38

    Les récepteurs à l’IP3 (IP3R).................................................................................39 Les récepteurs à la ryanodine (RyR) ....................................................................40

    • Le réticulum endoplasmique et la génération de signaux calciques complexes 40 • Les mitochondries ............................................................................................41 • L’enveloppe nucléaire ......................................................................................42

    I.2.3. Régulation de l’homéostasie calcique ...........................................................42

    a. Les calcium-ATPases ...........................................................................................42

  • 7

    b. Les échangeurs sodium/calcium (Na+/Ca2+).........................................................43 c. Le calcium, un acteur clé de la plasticité synaptique ...........................................43 d. Calcium et régulation de la transcription..............................................................44

    • Le calcium régule l’activation de facteurs de transcription..............................44 • Les cibles de l’activation de facteurs de transcription par le calcium..............48

    La transcription régulée par CREB ......................................................................48 La transcription régulée par NF-κB......................................................................49 La transcription régulée par NFAT ......................................................................49 La transcription régulée par DREAM ..................................................................50 La transcription régulée par SRF..........................................................................51

    I.2.4. Le dialogue synapto-nucléaire par le calcium..............................................52

    I.2.5. Calcium et formation de la mémoire à long terme......................................53

    I.3. Partie III. L’abeille Apis mellifera, modèle neurobiologique des bases comportementales, cellulaires et moléculaires de la formation de la mémoire. ......................................................................................................... 55

    I .3.1. Le conditionnement classique appétitif Pavlovien du réflexe d’extension du proboscis. ...................................................................................................................56

    I.3.2. Les différentes phases de mémoire chez l’abeille ........................................57

    I.3.3. Les bases neurales de la formation de la mémoire olfactive chez l’abeille.....60

    a. Architecture du cerveau de l’abeille.....................................................................60 b. Traitement de l’information olfactive...................................................................61 c. Traitement de l’information gustative : la voie du renforcement lors du conditionnement du PER..............................................................................................64

    I.3.4. Le cerveau de l’abeille, siège d’une plasticité associée à l’expérience ou à l’apprentissage ................................................................................................................65

    I.3.5. Les bases moléculaires de la formation de la mémoire chez l’abeille. .......68

    II. Objectifs des travaux de thèse.............................. 69

    III. Matériels et Méthodes ........................................... 71

    III.1. Partie 1 : Etudes comportementales............................................... 71

    I II.1.1. Animaux ..........................................................................................................71

    III.1.2. Conditionnement olfactif ...............................................................................72

    a. Dispositif ..............................................................................................................72 b. Procédure expérimentale ......................................................................................73

  • 8

    c. Test de rétention ...................................................................................................73 d. Odeurs utilisées pour le conditionnement ............................................................74

    III.1.3. Agents pharmacologiques utilisés pour le comportement ..........................74

    a. Modes d’injection des agents pharmacologiques .................................................74 b. Contrôle de l’inhibition de l’augmentation de la [Ca2+]i......................................75 c. Contrôle de l’augmentation de la [Ca2+]i .............................................................75 d. Inhibition de la synthèse protéique de novo.........................................................77 e. Préparation des solutions......................................................................................77 f. Composés possédants un groupement acétoxy-méthyl (AM) ..............................77

    III.1.4. Photolyse du produit encagé..........................................................................77

    a. Préparation des abeilles ........................................................................................77 b. Le dispositif ..........................................................................................................79 c. La photolyse .........................................................................................................79

    III.1.5. Imagerie Calcique...........................................................................................80

    a. Préparation des abeilles ........................................................................................80 b. Procédure d’enregistrement des signaux calciques ..............................................82 c. Analyse des données d’imagerie calcique............................................................84

    III.1.6. Analyse statistique des données.....................................................................84

    III.2. Partie 2 : Etude transcriptomique.................................................. 85

    I II.2.1. Animaux et procédure expérimentale...........................................................85

    III.2.2. Sélection des abeilles.......................................................................................87

    III.2.3. Expérience utilisant les puces à ADN ...........................................................88

    a. Extraction des ARN totaux...................................................................................89 b. Marquage des ARNm (ARN messagers)..............................................................90 c. Hybridation...........................................................................................................91 d. Scan des puces à ADN hybridées .........................................................................92 e. Analyse d’images des scans de puces à ADN ......................................................92 f. Analyse statistique des résultats de puces à ADN................................................93

    III.2.4. Transcription inverse et réaction de polymérisation en chaîne (RT-PCR) quantitative .....................................................................................................................93

    a. Sélection des gènes candidats...............................................................................93 b. Choix des gènes de références..............................................................................94 c. Choix des amorces................................................................................................94 d. Efficacité des couples d’amorces choisis .............................................................95 e. Quantification relative des gènes candidats..........................................................97 f. Analyses statistiques des résultats de RT-PCR quantitative ................................97

  • 9

    IV. Résultats............................................................... 99

    IV.1. Chapitre 1 : Rôle précoce du calcium dans la formation de la mémoire olfactive à long terme chez l’abeille. ............................................ 99

    IV.1.1. Introduction ..................................................................................................100

    IV.1.2. Résultats ........................................................................................................101

    a. L’augmentation du niveau de calcium intracellulaire pendant l’apprentissage est nécessaire pour la formation de la mémoire olfactive à long terme...........................101 b. L’augmentation du niveau de calcium intracellulaire pendant l’apprentissage est suffisante pour la formation d’une mémoire olfactive à long terme dépendante de la synthèse protéique. .....................................................................................................106

    IV.2. Chapitre 1 : points importants à retenir...................................... 117

    IV.3. Chapitre 2 : Criblage des gènes dont l’expression est dépendante du calcium et impliqués dans la formation de la mémoire olfactive à long terme chez l’abeille. ..................................................................................... 119

    IV.3.1. Introduction ..................................................................................................120

    IV.3.2. Résultats ........................................................................................................120

    a. Criblage transcriptomique ..................................................................................120 b. RT-PCR quantitative ..........................................................................................125

    IV.4. Chapitre 2 : points importants à retenir...................................... 131

    V. Discussion........................................................... 133

    V.1. Le rôle du calcium dans les étapes précoces de la consolidation ..133

    V.2. La spécificité de l’effet du calcium sur la mémoire à long terme..138

    V.3. La spécificité de la mémoire à long terme formée......................... 138

    V.4. Les sources de calcium impliquées dans la formation de la mémoire à long terme................................................................................................... 139

    V.5. Consolidation................................................................................... 142

  • 10

    V.6. Les gènes impliqués dans la formation de la mémoire à long terme ……………………………………………………………………….144

    V.7. L’expression de gènes dépendant du calcium et impliqués dans la formation de la mémoire à long terme....................................................... 146

    VI. Conclusions et perspectives ................................ 149

    VII. Références .......................................................... 155

    VIII. Liste des figures ................................................ 179

    IX. Annexes .............................................................. 183

  • 11

    Abbréviations

    AC : adénylate cyclase

    ADP-RT : ADP-ribosyl-tranferase

    AM : acétoxy-méthyl

    AMPA : α-amino-3-hydroxy-5-méthylisoazol-4-propionate

    AMPc : adénosine monophosphate cyclique

    ARCs : arachidonate-activated channels

    ARNm: ARN messagers

    Atf-1 : activating transcription factor-1

    ATP : adénosine tri-phosphate

    BAPTA-AM : 1,2 - bis - (o - Aminophenoxy) - ethane - N,N,N',N' - tetraacetic acid,

    tetraacetoxymethyl ester

    BDNF: brain-derived neurotrophic factor

    BLAST : basic local alignment sequence tool

    Ca2+: calcium

    [Ca2+]i : concentration intracellulaire de calcium

    Ca2+/CaM: Calcium/Calmoduline

    CaBPs : calcium-binding protein

    CaMKs : calmoduline-dependent protein kinases

    CaV: canal d’ion calcium physiologiquement régulé par le voltage

    CBP: CRE Binding Protein

    CCAT : calcium channel-associated transcription

    CCCD : canaux calciques chimio-dépendant

    CICR : calcium-induce calcium release

    CCVD : canaux calciques voltage dépendant

    CIRB : calmoduline/IP3 binding domain

    CRAC: calcium release-activated calcium

  • 12

    CREB : cAMP responses element binding

    Crem : cAMP response element modulator

    DAG : diacylglycérol

    DLT : dépression à long terme

    DMSO : diméthylsulfoxyde

    DREAM : downstream response element (DRE) antagonist modulator

    ERK : extracellular-signal regulated kinases

    GC : guanylate cyclase

    HATs : histones acétyl-transférases

    IEGs: immediatly early genes

    IκB : inhibitory κB

    IP3R : récepteur à l’inositol tri-phosphate

    JNK/SAPK : jun N-terminal kinase/stress-activated protein kinase

    KChIP3 : potassium-channel-interacting protein 3

    l-ACT : lateral antenno-cerebral tract

    m-ACT : medial antenno-cerebral tract

    MAPK : mitogenes-activated protein kinases

    mGluR : récepteurs métabotropiques au glutamate

    MCT : mémoire court terme

    MLT : mémoire à long terme

    MMT : mémoire à moyen terme

    NFAT : nuclear factor activated T-cells

    NF-κB: nuclear factor-kappa B

    NMDA : N-methyl-D-aspartate

    NO : monoxyde d’azote

    NOS: NO synthase

  • 13

    NP-EGTA-AM :O-Nitrophényle-éthylèneglycol-bis(β-aminoéthyle)-N,N,N’,N’-

    tétraacétoxyméthyle-ester

    NS: non significatif

    PBS : Phosphate Buffer Saline

    PCMA : plasmic membrane calcium ATPases

    PIP2 : phosphatidylinositol 4,5 biphosphate

    PKA : protéine kinase A

    PLC : phospholipase C

    PLT : potentialisation à long terme

    RC : Réponse Conditionnée

    RCPG : récepteurs couplés aux protéines G

    RE : réticulum endoplasmique

    ROC: receptor operated channel

    REB : cAMP responses element binding

    REP : réflexe d’extension du proboscis

    RNAsin : RiboLockTM RNase Inhibitor

    RS : réponse spécifique

    RyR : récepteurs à la ryanodine

    SC : stimulus conditionnel

    SERCA : sarco-endoplasmic reticulum calcium-ATPases

    SI : stimulus inconditionnel

    SMOCs: second messenger operated channels

    SOCs : store operated channels

    SRF : serum response factor

    TCF : ternary complex factor

    TRAP: Translating Ribosome Affinity Purification

    TRP: transient receptor potential

  • 14

    UV : rayonnement ultraviolet

    VOC: voltage operated channel

    VUM-mx1 : ventral unpaired median neuron of maxillary neuromere 1

  • 15

    I. Introduction Générale

    I.1. Partie I : la formation de la mémoire à long terme

    I.1.1. La mémoire : un processus psycho-biologique complexe.

    La mémoire peut être définie comme un processus nous permettant d’acquérir et de

    conserver certaines informations sensorielles perçues, puis de les restituer ultérieurement.

    Elle permet à l’individu de survivre en adaptant son comportement aux modifications de

    l’environnement, et détient ainsi une valeur adaptative importante. L’une des plus

    extraordinaires propriétés du cerveau réside dans sa plasticité liée à l’expérience. Les

    études menées aussi bien sur les invertébrés que sur les vertébrés ont grandement

    contribué à l’amélioration de la compréhension des mécanismes qui sous-tendent cette

    plasticité cérébrale (Bailey et kandel, 1993 ; Kolb et Whishaw, 1998 ; Kandel, 2001 ;

    Dubnau et al., 2003a). Depuis plusieurs siècles et au travers de différentes disciplines (de

    la philosophie à la neurobiologie), la compréhension du fonctionnement de la mémoire

    n’a de cesse de fasciner les chercheurs. Les principales avancées sont essentiellement

    issues des travaux de neurobiologie combinant les approches comportementales venues

    de la psychologie expérimentale avec les approches d’anatomie, d’électrophysiologie, de

    pharmacologie, de biologie moléculaire, de biochimie et de génétique (Rudy, 2008).

    L’ensemble des travaux relatifs à l’étude des mécanismes de la mémoire a conduit à la

    mise en évidence de deux types de mémoires distinctes au niveau temporel, aussi bien

    chez l’Homme que chez l’animal, qui sont la mémoire à court terme et la mémoire à long

    terme.

    Les deux objectifs majeurs de ce manuscrit de thèse sont de déchiffrer et de

    comprendre, (1) quel pourrait être le déclencheur moléculaire de la formation de la

    mémoire à long terme, et (2) comment pourrait être régulée, via ce déclencheur

    moléculaire, l’expression de gènes requis pour la formation de cette mémoire.

    a. Mémoire à court terme et mémoire à long terme : le mécanisme de

    consolidation mnésique

    Au début du vingtième siècle, les travaux d’Hermann Ebbinghaus ont permis de

    mettre en évidence les deux principales caractéristiques du stockage mnésique. Il montra

    que les souvenirs ont des durées de vie différentes et que le processus de répétition rend

    les souvenirs plus durables (Ebbinghaus, 1913). En effet, certains souvenirs, de courtes

    durées, sont retenus pendant quelques heures ; d’autres, de longue durée, peuvent

    persister pendant des jours, des mois voire des années. Quelques années plus tard, les

  • 16

    psychologues allemands Georg Müller et Alfons Pilzeckzer suggéraient que cette

    mémoire, qui peut durer des jours voire des semaines, se consolide avec le temps, et ont

    donc évoqué pour la première fois le processus de consolidation mnésique, qui

    correspond à la période de stockage des informations à long terme (Müller et Pilzecker,

    1900 ; Lechner et al., 1999). Pendant cette période, la mémoire est sensible aux

    perturbations, mais une fois que le souvenir est consolidé, il apparaît alors robuste et

    insensible aux interférences. Grâce à ces travaux, le philosophe et physiologiste William

    James (1890) proposa une distinction qualitative pertinente entre la mémoire primaire

    (mémoire à court terme) et la mémoire secondaire (mémoire à long terme). Il montra que

    la mémoire à court terme dure quelques minutes et est essentiellement une extension du

    moment présent. A l’inverse, la mémoire à long terme intervient dans la recherche du

    passé. Cette distinction s’est avérée fondamentale pour la compréhension des processus

    mnésiques.

    Ainsi, on peut définir le processus de mémorisation en trois étapes clés (figure 1) : la

    première est la phase d’acquisition, qui permet la détection et l’encodage de stimuli

    informatifs pertinents. Elle relève de différentes modalités sensorielles, comme la vision,

    l’audition, l’olfaction, etc. Ces informations sont ensuite assemblées et transformées, via

    le processus d’encodage, en une représentation mentale interne cohérente. Ensuite vient

    la phase de stockage ou de consolidation, permettant la conservation de ces informations

    au sein du système nerveux central. La durée de cette phase est très variable, de l’ordre de

    la seconde à toute une vie, et dépend du type d’apprentissage (expérience unique ou

    répétée) et de l’impact émotionnel de l’information acquise. Enfin, la phase de rappel

    correspond à la restitution différée de ces informations, permettant ainsi l’expression d’un

    comportement modifié par une expérience antérieure.

    A l’heure actuelle, on ne peut affirmer que les différents processus permettant la

    formation d’une mémoire à long terme se déroulent de façon strictement séquentielle,

    comme cela a été décrit dans le modèle d’Atkinson et Shiffrin (1968). Il n’est pas exclu

    que ces processus se déroulent de façon parallèle ou une combinaison « séquentielle-

    parallèle » (figure 1). Même s’il existe des limites au modèle d’Atkinson et Shiffrin (Van

    der Linden, 1995), ce modèle demeure toujours d’actualité et permet aujourd’hui encore

    d’appréhender les différentes phases du processus de mémorisation, à savoir

    l’acquisition, le stockage et le rappel. Une question cruciale demeure cependant encore en

    suspens et concerne la nature et la séquence des mécanismes permettant la conservation

    des informations perçues.

  • 17

    Figure 1. Modèle des bases comportementales, cellulaires et moléculaires de la formation de la mémoire à

    long terme. On peut noter la possibilité d’un traitement séquentiel et/ou parallèle de la formation de la mémoire à long

    terme – par l’intermédiaire ou non de la formation de la mémoire à court terme. Les trois principales étapes de la

    formation de la mémoire à long terme sont : l’acquisition, le stockage et le rappel de l’information. Chacune de ces

    étapes est supportée par des événements cellulaires et moléculaires différents. La stabilisation à long terme d’une

    information au sein du cerveau requiert l’étape de consolidation. Ainsi, l’information stockée et stabilisée devient

    insensible à l’interférence.

    b. Le conditionnement classique comme modèle d’apprentissage pour l’étude

    des bases cellulaires et moléculaires de la formation de la mémoire à long

    terme

    La formation et le stockage à long terme d’une information nécessitent au

    préalable un apprentissage. Il existe différents types d’apprentissages plus ou moins

    complexes au cours desquels la quantité et la qualité des informations acquises sont

    différentes. Avec l’essor des recherches en neurobiologie, les travaux pionniers

    concernant l’étude des bases cellulaires et moléculaires de la formation de la mémoire ont

    été entrepris de manière réductionniste, basés sur des modèles d’apprentissage simple

    (apprentissage associatif, comme le conditionnement classique, et apprentissage non

    associatif, comme l’habituation et la sensibilisation), et sur des animaux dont le système

    nerveux était peu complexe comme celui de l’aplysie, une limace de mer (pour revue,

    Kandel, 2001).

    Le conditionnement associatif classique permet un apprentissage élémentaire simple,

    robuste et précis, que l’on peut étudier sur différents modèles animaux, vertébrés ou

    invertébrés. Au niveau comportemental, ce type de conditionnement a été mis en

    évidence pour la première fois par Ivan Pavlov (1927), qui étudiait les réflexes digestifs

    chez le chien. Ce conditionnement consiste en l’association de deux stimuli, un stimulus

  • 18

    neutre qui devient conditionnel (SC) et un stimulus inconditionnel (SI) (figure 2). Le

    stimulus neutre n’entraîne à lui seul aucune réponse comportementale de la part de

    l’animal. En revanche, s’il est associé selon un appariement antérograde (le SC précède le

    SI), le SC peut ensuite déclencher une réponse comportementale appelée réponse

    conditionnée (RC).

    Figure 2. Le conditionnement classique pavlovien. 1. Avant le conditionnement, la nourriture (le

    stimulus inconditionnel) entraîne une réponse réflexe (réponse inconditionnée) de salivation du chien. 2. En

    revanche, la présentation du son par le diapason (le stimulus neutre) ne déclenche aucune réponse de la part

    de l’animal. 3. Pendant le conditionnement, on présente tout d’abord le son (devenant stimulus

    conditionnel) qui va être rapidement associé à la présentation de la nourriture. Cette association entraîne

    alors une réponse de salivation du chien, le chien apprenant l’appariement temporel entre ces deux stimuli.

    4. Ainsi, après le conditionnement, et si le chien a bien appris l’association temporelle (le son précède

    l’arrivée de nourriture), la présentation du stimulus conditionnel (le son du diapason) entraîne cette fois-ci

    une réponse conditionnée du chien : il salive.

    c. Les modèles animaux utilisés pour l’étude des bases cellulaires et

    moléculaires de la formation de la mémoire à long terme

    Pendant les années 50 et 60, de nombreux biologistes et psychologues considéraient

    que l’apprentissage, et donc le comportement, était le seul domaine de la biologie pour

    lequel l’utilisation d’animaux, tels les modèles invertébrés, n’avait que peu de chance

    d’apporter des résultats concluants. Cependant, malgré le développement de nouvelles

    techniques (comme la biologie moléculaire, l’électrophysiologie et la génétique), l’étude

    des bases cellulaires et moléculaires de la formation de la mémoire au sein de système

    nerveux aussi complexe que celui du mammifère, s’est révélée particulièrement difficile.

  • 19

    Sachant que des formes élémentaires et non élémentaires d’apprentissage sont communes

    à tout animal possédant un système nerveux (pour revue, Kandel, 2001), il doit exister, au

    sein des mécanismes d’apprentissage, des caractéristiques cellulaire et moléculaire

    communes et conservées entre les vertébrés et les invertébrés. Ainsi, Eric Kandel s’est

    intéressé à l’aplysie Aplysia californica, pour entreprendre l’étude des bases cellulaires et

    moléculaires de la formation de la mémoire. La relative simplicité du système nerveux de

    ce modèle, par rapport à celui des mammifères, a permis à Kandel et ses collaborateurs

    de faire des découvertes majeures sur l’identification des réseaux neuronaux et le rôle de

    certaines molécules impliquées dans la formation de la mémoire (pour revue, Kandel,

    2001). Le modèle de la drosophile a quant à lui été utilisé pour démontrer génétiquement

    le rôle nécessaire et suffisant de certaines structures de son cerveau et de certaines

    molécules dans les processus mnésiques (Davis, 2005 ; McGuire et al., 2005 ; Keene et

    Waddell, 2007). Ce modèle présente cependant des inconvénients importants à

    considérer, tels que la petite taille de son cerveau qui le rend difficile d’accès, ainsi que

    les paradigmes comportementaux utilisés pour l’étude de la formation de la mémoire qui

    ne sont pas réalisés de façon individuelle. Dans ce contexte, depuis une vingtaine

    d’années, l’abeille domestique Apis mellifera s’est révélée être un modèle approprié pour

    l’étude des bases comportementales, cellulaires et moléculaires de l’apprentissage et de la

    mémoire (Menzel et Müller, 1996 ; Menzel, 2001 ; Giurfa, 2007). En effet, son cerveau

    est facilement accessible et bien décrit au niveau anatomique. De plus, le génome de

    l’abeille a été récemment séquencé (The Honeybee Genome Sequencing Consortium,

    2006) et les paradigmes comportementaux utilisés pour étudier la formation de la

    mémoire sont réalisés au niveau individuel (voir I.3 partieIII ).

    I.1.2. Les bases cellulaires et moléculaires sous-tendant la formation de la mémoire à long terme

    D’un point de vue neurobiologique, il est généralement admis que la formation et le

    stockage à long terme des souvenirs s’accompagnent de modifications durables de

    l’efficacité de la transmission synaptique et de l’architecture des réseaux neuronaux

    activés au cours de l’apprentissage (pour revues, Bailey et Kandel, 1993 ; McGaugh,

    2000 ; Kandel, 2001 ; Dudai, 2004 ; Lynch, 2004). Cette relation entre les processus

    mnésiques et la plasticité des structures cérébrales est connue depuis la fin du XIXème

    siècle grâce aux travaux de Ramon y Cajal (1894) et Camillo Golgi (1873). Ces auteurs

    ont émis l’hypothèse selon laquelle l’apprentissage conduirait à des modifications

    structurales des synapses permettant de stocker l’information. Ces travaux constituent les

    fondements des neurosciences modernes et ont permis à Donald Hebb de formuler les

    concepts élémentaires appelés aujourd’hui les « lois de Hebb » (Hebb, 1949). Selon lui,

    l’activité neuronale pourrait induire un renforcement des connexions synaptiques pré-

  • 20

    existantes ainsi qu’une synaptogenèse. Jerzy Konorski (1948) proposa une hypothèse

    complémentaire : la plasticité synaptique, induite par l’association de stimuli répétés,

    pourrait transformer les connexions synaptiques potentielles en connexions synaptiques

    fonctionnelles. Aujourd’hui, les théories de « Hebb-Konorski » constituent les

    fondements essentiels de la plupart des modèles neurobiologiques de la mémoire.

    Ces modifications synaptiques seraient donc le siège du stockage de l’information à

    long terme et mettraient donc un certain temps à se mettre en place (Bailey et Kandel,

    1993). En effet, les changements synaptiques à court terme mettent en jeu des

    modifications de protéines pré-existantes conduisant à des modifications de connexions

    synaptiques elles-aussi pré-existantes. La phase de mise en place de ces modifications est

    assez courte, mais au cours de celle-ci, les connexions sont sensibles à l’interférence : on

    parle alors de trace mnésique fragile. Cependant, afin qu’une information soit maintenue

    à long terme et pour éviter que le souvenir s’efface, des changements synaptiques à long

    terme semblent nécessaires. Ces changements impliquent l’expression de nouveaux

    gènes, une synthèse protéique de novo, et la formation de nouvelles connexions. Ces

    changements, qui nécessitent du temps, vont permettre de stabiliser les connexions d’un

    réseau précis de neurones au sein duquel l’information va être stockée à long terme. La

    trace mnésique sera donc stabilisée au sein de ce réseau de neurones (pour revue, Kandel,

    2001 ; Laroche, 2006).

    a. Les bases moléculaires de la formation de la mémoire à long terme

    Dans les années 70, Kandel et ses collaborateurs ont étudié la formation de la

    mémoire à court terme et à long terme au niveau comportemental, puis cellulaire et enfin

    moléculaire. Ces études ont été réalisées sur un modèle simple, l’aplysie, en utlisant des

    apprentissages simples tels que l’habituation, la sensibilisation ou le conditionnement

    classique. Par la suite, les études sur la plasticité synaptique chez l’aplysie et chez le

    mammifère, ainsi que des études génétiques chez la drosophile, ont permis de

    nombreuses avancées sur le rôle des molécules impliquées dans la formation de la

    mémoire. Nous essaierons dans cette partie d’en récapituler les caractéristiques

    essentielles et les travaux majeurs qui ont permis d’arriver aujourd’hui au concept

    suivant: la consolidation mnésique repose sur des modifications durables de la

    connectique et de l’efficacité des synapses (plasticité neuronale à long terme). Les

    modifications cellulaires sous-jacentes dépendent de régulations géniques, de

    modifications post-traductionnelles et d’une néo-synthèse de protéines. Tout ceci serait

    lié à l’activation de nombreuses molécules et de voies moléculaires, de façon conservée

    chez différents modèles allant des vertébrés aux invertébrés (pour revues, Bailey et al.,

    1996 ; Kandel, 2001 ; Wang et al., 2006 ; Hawkins et al., 2006 ; Izquierdo et al., 2006 ;

    Keene et Waddell, 2007) (figure 3).

  • 21

    L’adénylate cyclase (AC)

    Parmi ces molécules, la plus étudiée est l’adénylate cyclase (AC) associée à la voie

    adénosine monophosphate cyclique - protéine kinase A (AMPc-PKA). En effet, elle est

    l’une des premières voies de seconds messagers à avoir été étudiée par Kandel. Un grand

    nombre de travaux chez différents modèles animaux, a montré l’importance des

    molécules de cette voie dans la formation de la mémoire (Livigstone et al., 1984 ;

    Schacher et al., 1988 ; Skoulakis et al., 1993 ; Mons et al., 1999 ; Müller, 2000 ; Sutton

    et Carew, 2000 ; Schwärzel et Müller, 2006 ; Matsumoto et al., 2006 ; Michel et al.,

    2008).

    L’AC catalyse la conversion de l’adénosine tri-phosphate (ATP) en AMPc, un second

    messager qui présente divers rôles régulateurs au sein du système nerveux, et qui est

    nécessaire à l’activation de la PKA. L’activité de l’AC est dépendante du niveau de

    calcium intracellulaire (Ferguson et Storm, 2004). L’AC est aussi un détecteur de

    coïncidence capable d’intégrer des informations de deux sources indépendantes (figure

    3) comme lors d’un apprentissage Pavlovien associant deux stimuli (Davis et al., 1995).

    Chez les mammifères, il existe deux types d’adénylate cyclase fortement impliquées dans

    des processus neuronaux complexes comme la formation de la mémoire à long terme,

    l’AC1 et l’AC8 (pour revue, Ferguson et Storm, 2004). Cela est lié à son produit

    d’activation, l’AMPc, qui active différentes molécules comme la PKA. La PKA est

    composée de deux sous-unités, une régulatrice et une catalytique. L’AMPc produite par

    l’activation de l’AC se fixe sur la sous-unité régulatrice de la PKA. La sous-unité

    catalytique est alors libérée et transloquée dans le noyau afin de phosphoryler des

    facteurs de transcription (Poser et Storm, 2001) (figure 3). Chez la drosophile et chez

    l’aplysie, un rôle similaire a aussi été montré, indiquant une remarquable conservation de

    ces processus au cours de l’évolution (pour revue, Bailey et al., 1996). En effet, des

    mutants chez la drosophile comme rutabaga, dunce ou DCO, des souris Knock-out

    (génétiquement modifié pour inactiver un gène), ou des animaux injectés avec des

    inhibiteurs pharmacologiques, ont permis de montrer que des perturbations de l’AC ou de

    la voie AMPc-PKA entraînent des déficits mnésiques importants (Tully et Quinn, 1985 ;

    Zhao et al., 1995 ; Müller, 2000 ; Zars et al., 2000 ; Ferguson et Storm, 2004 ; Hawkins

    et al., 2006 ; Michel et al, 2008). Enfin, l’activation de la voie AC-AMPc-PKA peut être

    amplifiée par le complexe calcium/calmoduline qui va interagir avec l’AC (figure 3).

    Les calmodulines Kinases (CaMK)

    Une autre voie très étudiée est la voie des calmodulines kinases (calmoduline-

    dependent protein kinases, CaMKs) avec notamment le rôle de la CaMKII (Mayford et

    al., 1996 ; Micheau et Riedel, 1999 ; Irvine et al., 2006 ; Cammarota et al., 2008 ;

    Tinsley et al., 2009). La CaMKII est une sérine/thréonine kinase très abondante au niveau

  • 22

    post-synaptique (Kennedy et al., 1983). Cette enzyme, qui s’autophosphoryle grâce au

    complexe calcium/Calmoduline (Ca2+/CaM) suite à une élévation de la concentration

    intracellulaire de calcium [Ca2+]i, est capable, au moins in vitro, de décoder les

    oscillations calciques intracellulaires par modifications de l’affinité de ses sites de

    phosphorylations. Ces caractéristiques suggèrent que cette enzyme serait responsable de

    l'amplification des signaux d’activation cellulaire (Dupont et Goldbeter, 1998 ; Dupont et

    al., 2003 ; Cammarota et al., 2008). La CaMKII, activée suite à une augmentation de la

    [Ca2+]i et une activation du complexe Ca2+/CaM, va pouvoir interagir avec certains

    récepteurs glutamatergiques chez le rongeur (comme les récepteurs NMDA (N-methyl-D-

    aspartate) et AMPA (α-amino-3-hydroxy-5-méthylisoazol-4-propionate)). Cette

    interaction va permettre d’augmenter le flux ionique à travers ces canaux et ainsi

    d’amplifier le signal calcique (Soderling, 1993 ; Derkach et al., 1999). La CaMKII peut

    aussi être transloquée dans le noyau, après son activation, pour ensuite activer des

    facteurs de transcription et permettre la synthèse de nouvelles protéines nécessaires à la

    formation de la mémoire (figure 3) (Matthews et al., 1994 ; Greer et Greenberg, 2008).

  • 23

    Figure 3. Représentation schématique des principales voies de signalisation impliquées dans la

    formation de la mémoire. L’arrivée d’un potentiel d’action au niveau de la terminaison pré-synaptique (1)

    entraîne l’entrée de calcium (Ca2+) qui permet l’exocytose de neurotransmetteurs qui vont activer des

    récepteurs spécifiques au niveau de l’élément post-synaptique (3). Les récepteurs activés vont permettre

    l’entrée de calcium et d’autres ions qui entraîneront la dépolarisation de la membrane post-synaptique et

    l’ouverture de canaux dépendant du voltage menant à une plus grande entrée de calcium. Ce calcium va

    activer différentes voies de signalisation moléculaire comme la voie des MAPK (Raf1-MEK, ERK), la voie

    des CamKs (Calcium/Calmoduline (Ca2+/CaM), CaMKII), la voie adénosine monophosphate-protéine

    kinase A (AMPc-PKA) par l’intermédiaire de l’activation de l’adénylate cyclase (AC), et la voie du

    monoxyde d’azote (NO). Le NO formé sous l’action de la NO synthase (NOS) activée par la Ca2+/CaM,

    diffuse dans l’élément pré-synaptique (1) active la guanylate cyclase (GC) et l’ADP-ribosyl-tranférase

    (ADP-RT) entraînant une augmentation de l’exocytose des vésicules de neurotransmetteurs dans la fente

    synaptique. Un neurone modulateur (2) va quant à lui activer, par libération de neurotransmetteurs, des

    récepteurs couplés aux protéines G pour activer à son tour l’AC. Ces différentes voies de signalisation vont

    activer des facteurs de transcription comme CREB (cAMP responses element binding) permettant

    l’expression de gènes cibles. Le calcium peut aussi activer la transcription plus directement en agissant sur

    l’activation de co-facteur transcriptionnel comme CBP (CRE binding protein). Cette activation est due à

    une augmentation de la [Ca2+] nucléaire par l’intermédiaire d’une libération du calcium des stocks du

    réticulum endoplasmique (RE) et/ou par un autre mécanisme encore mal connu. L’activation de CREB va

    permettre la transcription de gènes cibles et la synthèse de nouvelles protéines requises pour la formation

    de la mémoire à long terme.

  • 24

    Les MAPK

    La voie des MAPK (mitogenes-activated protein kinases) pourrait être impliquée dans

    la formation de la mémoire chez les vertébrés (Atkins et al., 1998 ; Micheau et Riedel,

    1999 ; Schafe et al., 1999 ; Sweatt, 2004 ; Cammarota et al., 2008) et les invertébrés

    (Sharma et Carew, 2004 ; Feld et al., 2005 ; Moressis et al., 2009 ; Shobe et al., 2009).

    La voie des MAPK est généralement activée par la liaison de ligands au niveau de divers

    récepteurs (figure 3). L’activation de ces récepteurs conduit à l’activation de la protéine

    ERK (extracellular-signal regulated kinases) qui va être transloquée dans le noyau pour

    réguler l’expression de gènes cibles. Lors d’un apprentissage, ces gènes pourraient être

    nécessaires aux modifications synaptiques permettant le stockage à long terme des

    souvenirs, comme la stabilisation des épines dendritiques, la modulation de récepteurs

    ioniques ou l’insertion de récepteurs à la membrane (pour revue, Sweatt, 2004).

    Le monoxyde d’azote (NO)

    Le monoxyde d’azote (nitric oxide, NO) est un gaz dont le rôle dans la formation de la

    mémoire et de la plasticité synaptique a été montré chez de nombreux modèles animaux

    (Garthwaite et Boulton 1995 ; Müller, 1996 ; Kendrick et al., 1997 ; Antonov et al.,

    2007). Une entrée de calcium massive au niveau post-synaptique va permettre

    l’activation de l’enzyme de synthèse du NO (la NO synthase, NOS) et par conséquent la

    production du NO. Le NO est un gaz de très courte durée de vie (quelques secondes) qui

    va pouvoir traverser la membrane plasmique et passer de l’élément post-synaptique à

    l’élément pré-synaptique. A ce niveau, il va interagir avec la guanylate cyclase et l’ADP-

    ribosyl-tranferase entraînant une augmentation de l’exocytose des vésicules de

    neurotransmetteurs dans la fente synaptique (figure 3). Le signal sera donc potentialisé et

    amplifié par le NO permettant une importante activation de l’élément post-synaptique, et

    donc des voies de signalisations qui vont mener à la régulation de l’expression de gènes

    et de la synthèse protéique (pour revue, Prast et Philippu, 2001).

    Les cascades d’activation de protéines en chaînes citées précédemment peuvent durer

    plusieurs dizaines de minutes ; elles constituent une première phase temporelle dans les

    processus de conversion de la mémoire à court terme en mémoire à long terme. Le

    stockage à long terme va nécessiter la régulation d’une nouvelle transcription et d’une

    synthèse protéique par l’activation de facteurs de transcription. Cette deuxième phase

    nécessitera quant à elle plusieurs heures au cours desquelles l’information se stabilisera

    par diverses modifications synaptiques au sein d’un réseau de neurones.

    CREB («cAMP responses element binding »)

    Le facteur de transcription CREB possède un rôle charnière dans le passage d’une

    mémoire à court terme vers une mémoire à long terme (pour revues, Bailey et al., 1996 ;

  • 25

    Silva et al., 1998 ; Perazzona et al., 2004 ; Alberini, 2009). La molécule CREB est

    présente de façon constitutive dans tous les types cellulaires du cerveau (Carlezon et al.,

    2005). Elle est activée par différents types de signaux extracellulaires, et est impliquée

    dans un nombre important et varié de fonctions cellulaires (Carlezon et al., 2005).

    Néanmoins, CREB est requis pour la transcription nécessaire à la formation de la

    mémoire à long terme. Il peut être activé par les différentes molécules des différentes

    voies citées précédemment (figure 3) (à l’exception du NO). Par exemple, la CaMKII et

    la CaMKIV (non citée précédemment) activées par le calcium nucléaire et cytoplasmique

    vont phosphoryler CREB et permettre la transcription de gènes cibles (Silva et al., 1998 ;

    Alberini, 2009). CREB a donc un rôle central d’intégration des différents signaux

    d’activation. Il peut donc y répondre en régulant la transcription de gènes cibles et, par

    exemple, dans le cas de la formation de la mémoire à long terme, permettre la synthèse de

    nouvelles protéines nécessaires à des modifications synaptiques fonctionnelles et

    structurales. Suite à des mutations chez la drosophile comme dCREB2, de knock-out chez

    le rongeur, ou suite à l’utilisation de divers inhibiteurs de CREB chez l’aplysie, la

    mémoire à long terme est sévèrement perturbée (pour revues, Bailey et al., 1996 ; Silva et

    al., 1998 ; Bozon et al., 2003 ; Perazzona et al., 2004 ; Alberini, 2009). De plus,

    l’activation de la transcription dépendante de CREB mettrait en jeu l’activation d’un

    CREB activateur et d’un CREB répresseur chez l’aplysie (Bailey et al., 1996 ; Alberini,

    2009). Ce phénomène est encore soumis à discussion chez la drosophile (Perazzona et al.,

    2004).

    Les autres voies moléculaires

    Il existe d’autres molécules, moins étudiées, mais pourtant impliquées dans la

    formation de la mémoire à long terme : la calcineurine, une phosphatase calcium-

    dépendante permet de réguler l’activation de certaines kinases (Mansuy et al., 1998 ;

    Mansuy et Shenolikar, 2006), certaines molécules d’adhésion cellulaire nécessaires pour

    le remodelage de l’architecture synaptique (Cheng et al., 2001 ; Bisaz et al., 2009), ou

    encore divers types de récepteurs et canaux comme les récepteurs NMDA, les récepteurs

    nicotiniques, les canaux calciques ou les récepteurs aux amines biogènes (Castellano et

    al., 1997 ; Rampon et al., 2000 ; Shimizu et al., 2000 ; Woodside et al., 2004 ; Bitner et

    al., 2007 ; Dacher et Gauthier, 2008 ; González-Burgos et Feria-Velasco, 2008 ; Seoane

    et al., 2009).

    Ces « molécules de la mémoire », dont l’activation est liée directement ou

    indirectement au calcium, permettent l’expression de gènes cibles et donc la synthèse de

    nouvelles protéines, une étape majeure et primordiale dans la formation de la mémoire à

    long terme.

  • 26

    b. Synthèse protéique et mémoire à long terme

    L’une des plus importantes découvertes réalisée au cours du siècle dernier, sur les

    bases cellulaires et moléculaires de la formation de la mémoire à long terme, concerne la

    nécessité d’une synthèse de nouvelles protéines (pour revue, Davis et Squire, 1984). En

    effet, contrairement à la mémoire à court terme, la formation de la mémoire à long terme

    peut être altérée par des inhibiteurs de synthèse protéique, aussi bien chez les vertébrés

    que les invertébrés (Stäubli et al., 1985 ; Tully et al., 1994 ; Freeman et al., 1995 ; Martin

    et al., 1997 ; Meiri et Rosenblum, 1998 ; Menzel et al., 2001). Ce phénomène est donc

    conservé au fil de l’évolution et pourrait être sous-tendu par des processus cellulaires et

    moléculaires communs.

    La synthèse protéique requise pour la formation de la mémoire à long terme

    correspond non seulement à la traduction d’ARN messagers (ARNm) déjà présents au

    sein du réseau de neurones qui stocke l’information, mais aussi à la transcription de

    nouveaux gènes menant à la synthèse de nouvelles protéines.

    La synthèse protéique correspondant à la traduction d’ARNm déjà présents dans le

    réseau de neurones, se situe préférentiellement au sein des dendrites et des épines

    dendritiques (supports anatomiques des connexions synaptiques). La majeure partie de

    cette synthèse protéique a lieu localement au niveau des dendrites, où se trouvent les

    composants majeurs de la machinerie traductionnelle, à savoir les ribosomes, les facteurs

    de traduction et bien sûr les ARNm (Steward et Schuman, 2001 ; Bramham et Wells,

    2007). De plus, des travaux récents ont montré que cette synthèse protéique locale est

    nécessaire pour différentes formes de plasticité synaptique (Vickers et al., 2005), et pour

    la stabilisation de nouvelles synapses créées à la suite d’un apprentissage (Miniaci et al.,

    2008). Ainsi, cette synthèse protéique locale participerait aux modifications synaptiques

    nécessaires au stockage à court et à long terme d’une information.

    La synthèse protéique impliquant la transcription de nouveaux gènes, est composée de

    deux vagues post-apprentissage, nécessaires pour la formation de la mémoire à long

    terme (Freeman et al., 1995 ; Artinian et al., 2007 ; Izquierdo et al., 2006 ; Laroche,

    2006). Des expériences principalement réalisées chez les vertébrés suggèrent qu’une

    première vague se produit rapidement après l’apprentissage (jusqu’à 1 heure) et la

    seconde entre 3 et 6 heures après l’apprentissage (Grecksch et Matthies, 1980 ; Freeman

    et al., 1995; Bourtchuladze et al., 1998; Quevedo et al., 1999; Igaz et al., 2002 ; Igaz et

    al., 2004 a, b ; Artinian et al., 2007). Ces vagues de synthèse protéique correspondent à la

    transcription de gènes précoces ou « immediatly early genes » (IEGs) par l’activation de

    facteurs de transcription comme CREB, suivie de la transcription de gènes tardifs (figure

    4) (Izquierdo et al., 2006 ; Laroche, 2006). De plus, ces deux vagues de transcription

  • 27

    suivent les variations de la protéine CREB phosphorylée suite à un apprentissage (pour

    revues, Izquierdo et al., 2006 ; Alberini, 2009).

    Cette représentation du décours temporel de la synthèse protéique qui suit

    l’apprentissage peut néanmoins varier en fonction des conditions d’apprentissage. En

    effet, chez le rongeur, un apprentissage « faible », lors d’un seul essai de

    conditionnement de peur, nécessiterait deux vagues de synthèse protéique alors qu’un

    apprentissage « fort », lors de trois essais de conditionnement de peur, ne nécessiterait

    que la première vague (Bourtchouladze et al., 1998).

    Figure 4. Représentation schématique du décours temporel de l’expression des gènes après un

    apprentissage. La première phase de transcription correspond à celle des gènes précoces (ou IEGs) avec un

    pic d’expression environ 30 minutes après l’apprentissage. Cette transcription est suivie de celle des gènes

    tardifs pendant une période beaucoup plus longue avec un pic d’expression entre 3 et 6 heures après

    l’apprentissage.

    La première étape de transcription qui suit l’apprentissage est celle des IEGs

    (Morgan et Curran, 1989 a, b ; Clayton, 2000 ; Guzowski, 2002 ; Miyashita, 2008 ;

    Alberini, 2009). Les IEGs codent pour des variétés différentes de protéines classées en

    deux catégories principales:

    Il existe des IEGs effecteurs qui participent à une grande variété de fonctions

    cellulaires, telles que la croissance cellulaire (BDNF, Narp), la signalisation

    intracellulaire (RheB, RGS-2, Homer 1a), des modifications synaptiques au niveau

    structural (Arc, Homer 1a, Narp, TPA, BDNF), l’homéostasie synaptique (régulation du

  • 28

    nombre de synapses) (Arc, Homer 1a) et le métabolisme (COX-2) (Guzowski, 2002 ;

    Lanahan et Worley, 1998 ; Shepherd et al., 2006 ; Miyashita, 2007). Ces fonctions sont

    compatibles avec des modifications synaptiques sous-jacentes à une plasticité synaptique

    et à la formation de la mémoire (Dragunow, 1996). Par exemple, des inhibitions

    pharmacologiques des protéines ou des inhibitions de l’expression de gènes, comme Arc,

    BDNF ou homer1a entraînent des déficits mnésiques (Bekinschtein et al., 2007 ;

    Miyashita, 2007 ; Lu et al., 2008 ; Inoue et al., 2009).

    La deuxième catégorie d’IEGs est celle des gènes régulateurs de transcription comme

    c-fos, c-jun (aussi nommé, AP-1), zif268 (aussi nommé, Egr-1, Krox24) et C/EBP

    (Greenberg et al., 1986 ; Morgan et Curran, 1989 a, b ; Clayton, 2000 ; Guzowski, 2002 ;

    Miyashita, 2007 ; Alberini, 2009). Ces gènes, comme leur nom l’indique, vont réguler la

    transcription de gènes cibles dit tardifs, par un recrutement de la machinerie

    transcriptionnelle, et sont clairement requis pour la formation de la mémoire à long terme

    (pour revues, Guzowski, 2002 ; Miyashita, 2007 ; Alberini, 2009).

    La seconde étape de transcription qui a lieu 3 à 6 heures après un apprentissage,

    correspond à celle des gènes cibles tardifs. Ces gènes sont impliqués dans divers

    mécanismes cellulaires permettant notamment les modifications synaptiques à long terme

    et donc la stabilisation de la trace mnésique (pour revues, Clayton, 2000 ; Miyashita,

    2007 ; Laroche, 2006). Par exemple, durant cette période, des kinases, des récepteurs ou

    des enzymes sont exprimés dans l’hippocampe de rongeur après un conditionnement de

    peur (pour revue, Izquierdo et al., 2006). Depuis quelques années, des chercheurs tentent

    d’identifier et de comprendre le rôle des gènes impliqués dans la formation de la mémoire

    à long terme (Dubnau et al., 2003b ; Igaz et al., 2004 b ; Izquierdo et al., 2006). Ces

    études réalisées sur différents modèles animaux se révèlent très complexes et les résultats

    ne permettent pas d’établir de conclusions claires.

    La synthèse de protéines détiendrait ainsi un rôle clé dans le renforcement des

    connexions synaptiques pré-existantes, ainsi que dans l’établissement de nouvelles

    connexions fonctionnelles afin de stocker l’information à long terme au sein d’un réseau

    spécifique de neurones. Ces deux principaux types de modifications synaptiques sont

    présentés en détail dans les paragraphes suivants.

    c. Mémoire à long terme et modifications de l’efficacité synaptique : le

    phénomène de potentialisation à long terme

    La formation de la mémoire repose sur des modifications de l’efficacité de la

    transmission synaptique (ou force synaptique) permettant la stabilisation de la trace

    mnésique à long terme. Le modèle cellulaire et moléculaire sur lequel reposeraient ces

    modifications synaptiques fonctionnelles, est la potentialisation à long terme (PLT) (pour

  • 29

    revue, Lynch 2004). C’est en 1973 que Bliss et Lømo ont démontré pour la première fois

    que la répétition de stimulations à haute fréquence sur des tranches d’hippocampe de

    lapin, entraînait une PLT dans les cellules granulaires du gyrus denté de l’hippocampe

    (Bliss et Lømo, 1973). Les caractéristiques principales de la PLT majoritairement

    étudiées in vitro (Bliss and Collingridge, 1993 ; Abraham et al., 1995), suggèrent que la

    PLT serait impliquée dans la formation de certaines formes de mémoire (pour revues,

    Martin et al., 2000 ; Kandel, 2001 ; Lynch, 2004 ; Hawkins et al., 2006 ; Reymann et

    Frey, 2007 ; Neves et al., 2008).

    La PLT et la formation de la mémoire présentent les trois caractéristiques communes

    suivantes :

    ● La PLT a lieu dans certaines structures nécessaires à la formation de la mémoire

    comme l’hippocampe chez le mammifère (pour revue, Lynch, 2004).

    ● La PLT et la mémoire présentent des décours temporels similaires. De la même

    façon qu’il existe une mémoire à court terme, il existe une PLT précoce qui dure 2 à 3

    heures. Ces deux processus sont indépendants de la synthèse protéique. Il existe

    également une PLT tardive qui perdure des heures in vitro et des semaines in vivo

    (Lynch, 2004). Cette PLT tardive, comme la mémoire à long terme, requièrent la

    transcription de nouveaux gènes et la synthèse de nouvelles protéines pour être

    maintenues (Krug et al., 1984 ; Nguyen et al., 1994 ; Mochida et al., 2001 ; Kandel,

    2001 ; Lynch, 2004 ; Costa-Mattioli et al., 2009)

    ● La formation de la PLT tardive induite par l’activation des récepteurs NMDA,

    comme la formation de la mémoire à long terme, nécessite l’activation de voies de

    signalisation intracellulaire. Parmi ces voies de signalisation, on retrouve les voies

    impliquant la PKA, la CaMKII, les MAPKs et le facteur de transcription CREB (Morris,

    1989 ; Lynch, 2004 ; Reymann et Frey, 2007).

    Aujourd’hui, le lien entre la consolidation mnésique et l’induction de la PLT n’a pas

    encore été clairement démontré. Cependant, Whitlock et ses collaborateurs (2006) ont été

    les premiers à montrer très récemment que l’apprentissage induit une PLT in vivo dans

    l’hippocampe de rat.

    Par ailleurs, il est important de noter que la PLT n’est pas le seul phénomène de

    plasticité synaptique probablement lié à la formation de la mémoire. En effet, la

    dépression à long terme (DLT), qui correspond à une diminution de l’efficacité de la

    transmission synaptique, peut avoir un rôle important dans la formation de la mémoire à

    long terme (Massey et Bashir, 2007). Cependant, peu de données sont disponibles sur ce

    phénomène.

  • 30

    Des modifications de l’efficacité synaptique qui se produisent très rapidement après

    l’apprentissage (comme le phénomène de PLT) ne suffiraient pas à maintenir et à

    stabiliser le réseau de neurones impliqués dans le stockage de l’information. Ainsi, des

    modifications au niveau de la structure même des synapses vont aussi avoir lieu afin de

    permettre, conjointement aux modifications synaptiques fonctionnelles, le stockage à

    long terme de l’information.

    d. Mémoire à long terme et modifications de l’architecture synaptique

    Le stockage à long terme des souvenirs s’accompagne également de modifications de

    l’architecture synaptique du réseau de neurones impliqués. Ces changements synaptiques

    structuraux peuvent être regroupés en deux principales catégories : des modifications de

    la structure de synapses pré-existantes et des variations du nombre de synapses. Ces

    modifications de l’architecture des synapses des réseaux neuronaux, support du stockage

    de l’information, sont dépendantes de la synthèse de nouvelles protéines (pour revues,

    Bailey et Kandel, 1993 ; Bailey, 1999).

    Des modifications synaptiques au niveau structural ont été observées suite à différents

    types d’apprentissage, pour différents modèles vertébrés ou invertébrés. En effet, suite à

    un apprentissage chez l’aplysie mais aussi chez le rongeur, des variations du nombre, de

    la taille et/ou du type de synapse ont été observées (Black et al., 1990 ; Bailey et Chen,

    1991 ; Geinisman et al., 2000 a, b ; Kleim et al., 2002 ; Bailey et al., 2004) ainsi que des

    variations de la densité d’épines dendritiques, supports anatomiques des connexions

    synaptiques (Moser et al., 1994 ; Knafo et al., 2001). De la même façon, il a été relevé

    des variations de volume des structures nerveuses corrélées avec l’expérience, telles que

    l’hippocampe des conducteurs de taxis londoniens (Maguire et al., 2000), ou encore le

    lobe antennaire de l’abeille, premier centre de traitement de l’information olfactive, après

    la mémorisation spécifique à long terme d’une odeur (Hourcade et al., 2009). Les

    modifications structurales du réseau de neurones impliqués dans le stockage à long terme

    de l’information, peuvent être parfois dues à l’intégration de nouveaux neurones, comme

    c’est le cas dans l’hippocampe de souris adultes (Trouche et al., 2009).

    En conclusion, ces travaux posent la question de l’existence d’un déclencheur de ces

    voies de signalisations, qui serait à l’origine de la formation de la mémoire à long terme.

    De nombreux efforts ont été investis pour identifier l’événement initial de la formation de

    la mémoire à long terme, mais aujourd’hui, ces recherches restent sans réponses claires.

    Ainsi, identifier ce déclencheur nous permettrait alors d’évaluer s’il joue un rôle

    important dans la régulation de l’expression de gènes requis pour de possibles

  • 31

    modifications structurales et fonctionnelles à long terme afin de stocker une information

    au sein d’un réseau de neurones.

    Dans cette thèse, nous avons émis l’hypothèse que le calcium pourrait jouer un tel

    rôle. En effet, la majorité des « molécules de la mémoire » sont activées directement ou

    indirectement par le calcium. Ainsi, le chapitre qui suit fait état des travaux relatant de la

    nature de la régulation calcique intracellulaire ainsi que son rôle dans de nombreuses et

    diverses fonctions neuronales qui nous ont amenés à émettre notre hypothèse.

  • 32

    I.2. Partie II. Le calcium, un acteur clé des fonctions nerveuses

    I.2.1. Le calcium et les fonctions neuronales

    Le calcium, qui peut sembler être un messager ubiquitaire, régule les processus vitaux

    de la cellule tout au long de la vie. La régulation des variations de la concentration

    intracellulaire de calcium ([Ca2+]i) est réalisée de façon spatio-temporelle. Ce signal

    calcique est médié par différents récepteurs impliquant diverses sources de calcium,

    extracellulaire mais également intracellulaire, au sein des organites contenant les stocks

    calciques. Pour assurer son homéostasie, le calcium interagit avec de nombreux éléments

    de la cellule (« calcium toolkit ») (Berridge, 1998, 2003).

    Le signal calcique joue un rôle important dans la régulation de nombreux processus

    neuronaux. En effet, il est impliqué dans l’induction neurale (Moreau et Leclerc, 2004 ;

    Moreau et al. 2008) dans le développement neuronal , comme la migration cellulaire au

    niveau du système nerveux central (Komuro et Kumada, 2005), la croissance axonale

    (Gomez et Spitzer, 1999), le développement des dendrites (Zou et Cline, 1999 ; Redmond

    et Ghosh, 2005), la synaptogenèse (Lohmann et al., 2005), mais aussi l’apoptose (Szalai

    et al., 1999) et la survie neuronale (Collins et al., 1991). Le calcium régule aussi la

    libération de neurotransmetteurs et l’excitabilité de la membrane (Hille, 1978, 1992 ;

    Sudhof, 2004 ; Neher et Sakaba, 2008). Il est aussi fortement impliqué dans la régulation

    de l’expression de gènes (Greenberg et al., 1986 ; Alkon et al., 1998 ; Bito, 1998 ;

    Carrasco et al., 2004 ; Batut et al., 2005) et dans la plasticité synaptique telle que la PLT

    ou la DLT, modèles moléculaires sous-jacents à la formation de la mémoire (Bliss et

    Collingridge, 1993 ; O’Mara et al., 1995 ; Lisman, 2001 ; Lynch, 2004 ; Raymond et

    Redman, 2002, 2006). Enfin, un nombre important d’expériences comportementales a

    révélé, par des études indirectes, l’implication du calcium dans la formation de la

    mémoire (Ohnuki et Nomura, 1996 ; Quevedo et al., 1998 ; Balschun et al., 1999 ;

    Blackwell et Alkon, 1999 ; Futatsugi et al., 1999 ; Kouzu et al., 2000 ; Rodrigues et al.,

    2001 ; Salinska et al., 2001 ; Bauer et al., 2002 ; Woodside et al., 2004 ; Edwards et

    Rickard, 2006 ; Baker et al., 2008, 2009 ; Seoane et al., 2009).

    Afin d’étudier et de mieux appréhender le rôle du calcium dans les fonctions

    nerveuses, et notamment dans la formation de la mémoire, il est indispensable de

    comprendre au niveau cellulaire, sa distribution spatiale, son homéostasie, et à un niveau

    plus intégré, son implication dans les processus de plasticité synaptique et dans les

    processus mnésiques. En effet, ces informations permettent de comprendre l’effet

  • 33

    d’agents pharmacologiques qui ciblent spécifiquement le calcium intracellulaire et qui

    donc interagissent avec les différentes sources de calcium.

    I.2.2. Quelles sont les sources de calcium ?

    Le calcium (Ca2+) est présent dans les milieux intracellulaire et extracellulaire. Au

    niveau intracellulaire, il est stocké dans différents organites comme le réticulum

    endoplasmique, les mitochondries, l’enveloppe nucléaire, les lysosomes ou l’appareil de

    Golgi. La concentration cytosolique de calcium libre au repos dans la plupart des

    neurones est d’environ 100 nM. La concentration calcique au niveau du réticulum

    endoplasmique est d’environ 2 mM (Clapham, 1995) et la concentration extracellulaire

    est d’environ 1 mM (Simons, 1988).

    Ainsi, le gradient électrochimique est donc en faveur d’une entrée de calcium

    extracellulaire dans la cellule ou d’une libération des stocks calciques. La modulation de

    la [Ca2+]i à partir de ces deux sources de calcium via divers canaux calciques est détaillée

    dans les paragraphes suivants et résumée en figure 5.

    a. L’entrée de calcium extracellulaire

    Les neurones possèdent, au niveau de leur membrane plasmique, une grande diversité

    de canaux qui permettent une entrée de calcium dans la cellule. En effet, lorsqu’un

    neurone est activé, les canaux alors ouverts vont permettre l’entrée des ions calcium dans

    la cellule selon leur gradient électrochimique. Ainsi, la quantité de calcium intracellulaire

    va être modulée, la cellule va intégrer ce signal et y répondre par différents moyens,

    comme la transcription de gènes cibles. Dans la plupart des neurones du système nerveux

    central, il existe deux types principaux de canaux calciques : les canaux calciques

    voltage-dépendants (CCVD) et les canaux calciques chimio-dépendants (CCCD). De

    plus, il existe des canaux sensibles à la libération du calcium des stocks calciques internes

    et à d’autres types de stimulations, développés dans les paragraphes suivants.

    • Les CCVD (canaux calciques voltage dépendants)

    Les CCVD, aussi appelés CaV ou VOC (voltage operated channels) sont régulés par

    le potentiel de membrane (figure 5). Dans la plupart des neurones, les courants calciques

    peuvent être attribués à différents types de CCVD appelés canaux de types L, N, P/Q, R

    et T (Tsien et al., 1988 ; Hess, 1990 ; Tsien et al., 1991 ; McCleskey, 1994 ; Herlitze et

    al., 2003 ; Catterall et al., 2005). En fonction de leurs caractéristiques

    électrophysiologiques, pharmacologiques et moléculaires, il existe différents sous-types

    de canaux (annexe 1) (Tsien et al., 1988 ; Hess, 1990 ; Tsien et al., 1991 ; McCleskey,

    1994 ; Catterall et al., 2005 ; Lory et al., 2006).

  • 34

    Les différents types de CCVD possèdent des fonctions distinctes au sein des neurones,

    notamment du fait de leur localisation. Les canaux de type L (les CaV1), les canaux de

    type N, P/Q et R (les CaV2) et les canaux de type T (les CaV3) sont localisés au niveau

    dendritique et au niveau du corps cellulaire. De plus, les CaV2 sont localisés au niveau

    pré-synaptique alors que les CaV1 sont localisés au niveau pré et post-synaptique. Les

    canaux de type N et P/Q sont impliqués dans le contrôle de la libération des

    neurotransmetteurs (Uchitel et al., 1992 ; Turner et al., 1992 ; Takahashi et Momiyama,

    1993), alors que les CaV1 sont impliqués dans la modulation de la libération des

    neurotransmetteurs et dans la signalisation calcique post-synaptique menant à la

    transcription de gènes (West et al., 2001 ; Gomez-Ospina et al., 2006 ; Calin-Jageman et

    Lee, 2008). En outre, il est intéressant de noter que les CaV1 et les CaV2 sont impliqués

    dans les processus mnésiques et dans la plasticité synaptique (Dietrich et al., 2003 ;

    Moosmang et al., 2005 ; McKinney et al., 2008 ; Takahashi et Niimi, 2009). Les CaV3

    sont quant à eux impliqués dans le sommeil et l’épilepsie (Nelson et al., 2006 ; Lee et

    Shin, 2007). Les CaV2 et les CaV3 sont également impliqués dans la douleur (Nelson et

    al., 2006 ; Swayne et Bourinet, 2008).

    Au niveau post-synaptique, l’activation des CaV est due à une dépolarisation

    membranaire résultant de l’entrée de calcium au travers de récepteurs activés par la

    fixation d’un ligand. Ces récepteurs sont des canaux chimio-dépendants.

    • Les canaux calciques chimio-dépendant (CCCD) ou ROC (« receptor

    operated channel »)

    Au niveau des synapses, l’arrivée d’un potentiel d’action entraîne la libération, par

    l’élément pré-synaptique, de neurotransmetteurs dans la fente synaptique. Ces

    neurotransmetteurs se fixeront ensuite sur des récepteurs spécifiques au niveau post-

    synaptique. Certains neurotransmetteurs sont capables d’entraîner une entrée de calcium

    dans le neurone en activant le plus souvent des récepteurs appelés ROC, jouant le rôle de

    canaux dont la perméabilité n’est pas sélective au calcium (figure 5). Par exemple, le

    glutamate, principal neurotransmetteur excitateur chez les mammifères, peut activer les

    récepteurs NMDA ou encore les récepteurs AMPA/kaïnate. Le récepteur NMDA est un

    récepteur chimio-dépendant mais aussi voltage-dépendant. En effet, même s’il s’active

    suite à la fixation du glutamate, il nécessite toutefois une dépolarisation membranaire

    conjointe afin de lever le blocage d’un « bouchon » de magnésium et permettre l’entrée

    de calcium et de sodium. Les récepteurs nicotiniques ou certains récepteurs purinergiques

    peuvent aussi laisser entrer du calcium (Fischer et Krugel, 2007 ; Shen et Yakel, 2009).

    Par ailleurs, les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) présents au niveau de la

    membrane plasmique (figure 5) tels que les récepteurs métabotropiques, permettent

  • 35

    indirectement l’augmentation du niveau de calcium intracellulaire (voir partie sur les

    récepteurs à l’IP3).

    • Les canaux SOC, CRAC et SMOC

    Ces différents types de canaux ubiquitaires (figure 5), présents au niveau de cellules

    excitables et non excitables (Parekh et Putney, 2005), permettent l’entrée capacitive de

    calcium dans la cellule. Cette entrée de calcium correspond à un courant calcique

    provenant du milieu extracellulaire après déplétion du pool de calcium du réticulum

    endoplasmique. Leur activité est déclenchée par la « vidange » des stocks intracellulaires

    de calcium, d’où le nom de SOCs (store operated channels). L’entrée de calcium via les

    SOCs semble être impliquée dans la régulation de différents processus cellulaires, tels

    que l’exocytose des vésicules, la régulation de l’activité enzymatique, les oscillations

    calciques, l’apoptose, la transcription de gènes et le remplissage des stocks calciques

    (pour revue, Parekh et Putney, 2005). Cependant, certaines de ces fonctions demeurent

    encore spéculatives.

    Un des SOCs les plus étudiés est le canal CRAC (calcium release-activated calcium)

    qui est bien caractérisé au niveau électrophysiologique (pour revues, Parekh, 2007 ; Vig

    et Kinet, 2007). Depuis la première description des SOCs (Putney, 1986), l’idée

    prépondérante de leur fonctionnement est en faveur d’un couplage entre la membrane

    plasmique et le réticulum endoplasmique par des interactions protéiques (Berridge, 1995 ;

    Patterson et al., 1999). La fonction des protéines STIM et Orai, récemment découvertes,

    conforte cette prédiction (Deng et al., 2009). STIM est une protéine présente au niveau de

    la lumière du réticulum endoplasmique (Liou et al., 2005 ; Roos et al., 2005 ; Cahalan,

    2009) et Orai, un canal calcique présent au niveau de la membrane plasmique (Prakriya et

    al., 2006 ; Vig et al., 2006 ; Yeromin et al., 2006). Après une déplétion des stocks du

    réticulum, STIM est transloqué à la membrane du réticulum endoplasmique au niveau de

    jonctions proches de la membrane plasmique. A ce niveau, il va pouvoir activer Orai,

    permettant ainsi l’entrée de calcium dans le cytoplasme (Cahalan, 2009 ; Deng et al.,

    2009).

    D’autres canaux membranaires proches de CRAC, les ARCs (arachidonate-activated

    channels) ont été décrits comme permettant une entrée de calcium non capacitive

    (Shuttleworth et al. 1996, 2004). Les ARCs font partie d’une autre classe de canaux

    appelés SMOCs (second messenger operated channels).

    • Les canaux TRP (« transient receptor potential »)

    Il existe une grande variété de canaux TRP (figure 5, annexe 2) présents au sein de

    divers types cellulaires, dont la plupart sont perméables au calcium et au sodium de façon

  • 36

    non sélective mais avec des perméabilités différentes. Ils peuvent être activés par

    différents stimuli intra ou extracellulaires. Par exemple, ils peuvent être activés par le

    diacylglycérol (DAG), par le facteur de croissance BDNF, par la déplétion des stocks

    calciques et par translocation du canal à la membrane plasmique, résultant de l’activation

    d’un récepteur par un facteur de croissance de l’épiderme (Li et al., 1999 ; Putney, 2005 ;

    Venkatachalam et Montell, 2007 ; Salido et al., 2008). Certains TRP pourraient

    également être activés par la stimulation mécanique (Kiselyov et Patterson, 2009).

    Depuis quelques années, un rapprochement a été fait entre des TRP et les canaux de

    types SOCs et CRAC (Ambudkar et al., 2006, 2007 ; Parekh et Putney, 2005), ou bien

    SMOC (Bolotina et Csutora, 2005). Il est désormais évident que la « vidange » des stocks

    calciques intracellulaires est à l’origine de la modulation de nombreux TRP (Putney,

    2005). Certains possèdent un motif CIRB (calmoduline/IP3 binding domain) (Tang et al.,

    2001), des domaines de liaison aux protéines homer, qui interagissent notamment avec

    les récepteurs IP3 et RyR présents au niveau du réticulum endoplasmique (Salanova et

    al., 2002 ; Ward et al., 2004). Enfin, certains canaux TRP, les TRPC, pourraient être

    activés par STIM suite à la déplétion des stocks du réticulum comme c’est le cas pour le

    canal Orai (Cahalan, 2009).

    Chez les mammifères, la localisation de l’expression des canaux TRPC1 et TRPC5

    suggère un rôle de ces canaux dans la plasticité neuronale, l’apprentissage et la mémoire

    (von Bohlen und Halbach et al., 2005).

  • 37

    Figure 5. Schéma représentant la modulation de la [Ca2+]i par l’activation de différents types de

    récepteurs présents au niveau de la membrane plasmique, de la membrane du réticulum

    endoplasmique (RE) et au niveau de la mitochondrie. Les canaux calciques présents au niveau de la

    membrane plasmique sont les canaux calciques voltage-dépendants (ou Voltage Operated Channel, VOC),

    les SMOC (second messenger operated channel), les SOCs (store operated channel), Orai activé par

    interaction avec STIM présent au niveau du RE, les canaux TRP (transient receptor potentiel) et les

    ROC (receptor operated channel). Les canaux calciques présents au niveau du réticulum endoplasmique

    sont les récepteurs à la ryanodine (RyR) et les récepteurs à l’inositol tri-phosphate (IP3R). Suite à

    l’activation d’un récepteur couplé aux protéines G, la phospholipase C (PLC) va être activée à son tour par

    une des protéines G. La PLC activée va transformer le phosphatidylinositol 4,5 biphosphate (PIP2) en IP3

    et diacylglycérol (DAG). L’IP3 va se fixer sur les IP3R et ainsi permettre la sortie de calcium du réticulum.

    De plus, ce calcium va à son tour activer les RyR et permettre une sortie plus importante de calcium,

    phénomène appelé « calcium-induced calcium release » (CICR). L’augmentation de la [Ca2+]i par ces

    différentes sources peut entraîner l’entrée de calcium dans le noyau et ainsi activer la transcription de

    gènes. La régulation de l’homéostasie calcique peut se faire grâce aux calcium-ATPases présentes au

    niveau de la membrane plasmique, les PCMA (plasmic membrane calcium ATPases), aux échangeurs

    Na+/Ca2+ (Na+/Ca2+ exchanger, NCX) présents au niveau de la membrane plasmique, aux pompes SERCA

    (sarco-endoplasmic reticulum calcium-ATPases) présentes au niveau de la membrane du réticulum

    endoplasmique et aux uniports mitochondriaux, ainsi qu’aux échangeurs antiports mitochondriaux.

  • 38

    b. La libération de calcium à partir des stocks intracellulaires

    La membrane plasmique interagit donc avec le milieu extracellulaire par