th2011pest1118

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Comportement de poteaux en b´ eton arm´ e renforc´ es par mat´ eriaux composites et soumis ` a des sollicitations de type sismique et analyse d’´ el´ ements de dimensionnement Rapha¨ elle Sadone To cite this version: Rapha¨ elle Sadone. Comportement de poteaux en b´ eton arm´ e renforc´ es par mat´ eriaux compos- ites et soumis `a des sollicitations de type sismique et analyse d’´ el´ ements de dimensionnement. Other. Universit´ e Paris-Est, 2011. French. <NNT : 2011PEST1118>. <tel-00675015> HAL Id: tel-00675015 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00675015 Submitted on 28 Feb 2012 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es.

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  • Comportement de poteaux en beton arme renforces par

    materiaux composites et soumis a` des sollicitations de

    type sismique et analyse delements de dimensionnement

    Raphaelle Sadone

    To cite this version:

    Raphaelle Sadone. Comportement de poteaux en beton arme renforces par materiaux compos-ites et soumis a` des sollicitations de type sismique et analyse delements de dimensionnement.Other. Universite Paris-Est, 2011. French. .

    HAL Id: tel-00675015

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00675015

    Submitted on 28 Feb 2012

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a` la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements denseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.

  • MMOIRE DE THSE DE DOCTORAT Prsent pour obtenir le grade de

    Docteur de lUniversit Paris-Est

    Spcialit : Structures et Matriaux

    Par

    Raphalle SADONE

    Comportement de poteaux en bton arm renforcs par matriaux composites, soumis des sollicitations de

    type sismique, et analyse dlments de dimensionnement.

    Thse prpare lInstitut Franais des Sciences et Technologies des Transports, de lAmnagement et des Rseaux (IFSTTAR), soutenue le 12 dcembre 2011, devant le jury

    compos de :

    Pierre Labossire Universit de Sherbrooke, Canada Rapporteur Joaquim Barros Universit de Minho, Portugal Rapporteur

    Franois Buyle-Bodin Universit Lille 1 Examinateur Pierre Labb EDF Div. Ingnierie Nuclaire Examinateur

    Marc Quiertant IFSTTAR Conseiller dtudes Emmanuel Ferrier LGCIE, Universit Lyon 1 Directeur de thse Franois Toutlemonde IFSTTAR Directeur de thse

  • REMERCIEMENTS

    Cette thse a t ralise lIFSTTAR - Paris, au sein du Dpartement Structures et Ouvrages dArt doctobre 2008 dcembre 2011, et je tiens remercier Franois Toutlemonde, alors en charge de la Plate-Forme dEssais des Structures mon arrive, de mavoir accueillie au sein de lunit.

    Par ailleurs, les travaux effectus dans le cadre de la thse ont pu tre raliss grce de nombreuses personnes, que jaimerais citer et remercier ici.

    Dans un premier temps, je souhaite remercier trs sincrement Marc Quiertant, qui fut mon conseiller dtudes pendant ces trois ans, pour le temps quil a consacr au suivi efficace de mes travaux, pour la confiance quil a su maccorder vis--vis du programme exprimental, pour le suivi administratif du projet et pour les relectures minutieuses des divers rapports et articles, ainsi que du prsent manuscrit. Jadresse galement mes remerciements Emmanuel Ferrier et Franois Toutlemonde, mes deux directeurs de thse, pour mavoir suivie ces trois annes ; je les remercie pour leurs prcieux conseils, leur appui technique, et pour leurs relectures du manuscrit.

    Je tiens galement remercier Joaquim Antonio Oliveira de Barros, Franois Buyle-Bodin, Pierre Labb et Pierre Labossire davoir accept de faire partie du jury. Je suis honore quils aient accept de consacrer leur temps et leur expertise ces travaux.

    Mes remerciements vont aussi Pierre Marchand, en charge de la Plate-Forme dEssais des Structures, et Bruno Godart, chef du Dpartement Structures et Ouvrages dArt, pour leur soutien et les moyens mis ma disposition.

    Ces travaux de thse taient inscrits dans le projet ANR-INPERMISE ; jaimerais de ce fait remercier les personnes qui ont particip ce projet et qui ont permis des changes trs constructifs : Patrice Hamelin, Emmanuel Ferrier, Marc Quiertant, Jean-Vivien Heck, Julien Mercier, Christian Tourneur, Laurent Michel, Louis Demilecamps. Un grand merci en particulier Julien Mercier et Christian Tourneur, ainsi qu Philippe Thiebaut, Cdric Laurent et Simon Bareyt (de Freyssinet International), pour leur implication technique dans le projet, leur ractivit, leurs ides et leur disponibilit pour lapplication des matriaux composites.

    Cette tude comprenait un programme exprimental trs lourd, qui a pu tre ralis grce limplication technique de nombreuses personnes. Il convient de les remercier ici :

    - Sur la Plate-Forme dEssais des Structures : Jol Billo, Marc Estivin, Jean-Claude Renaud, Cline Bazin, Cyril Massotte, Romain Lapeyrere (ainsi que Ludovic Lauvin et Franois-Xavier Barin, qui ont pris part au dbut de ltude). Merci davoir dessin, ferraill, coffr, instrument, coul, rod, dcoffr, ponc, transport, ralis le montage dessai et finalement cass cette jolie panoplie de poteaux, jusquau dernier. Merci pour votre exprience, qui ma grandement aide solutionner les nombreux problmes exprimentaux rencontrs ! Merci galement Renaud-Pierre Martin et Florent Baby pour avoir trs souvent pris de leur temps pour secourir une thsarde en dtresse. Merci RP pour la gestion des plannings

    - Dans les autres units de lIFSTTAR, pour leur appui technique : Stphane Buttigieg (pour la conception de pices mcaniques), Sandrine Ramanich, Claude Boulay, Franois Martineau et Franck Guirado (pour leur aide la caractrisation des

  • matriaux), et Hugues Delahousse (pour les photos). - Au CETE de Lyon, Dpartement Laboratoire dAutun : Sylvain Chataigner, Christophe

    Aubagnac, Andr Flty et Olivier Pisseloup, pour leur aide la ralisation de la campagne exprimentale sur ancrages. Merci galement Sylvain pour ses nombreux conseils et son aide linterprtation des donnes.

    - Chez EDF : Jean-Marie Hnault et Gautier Moreau pour linstrumentation par fibres optiques et lanalyse des donnes.

    - Anciennement au SETRA : Aurlie Vivier pour ses nombreux conseils.

    Je souhaite galement remercier Fabien Rizard, stagiaire que jai eu plaisir encadrer et qui ma beaucoup apport pour la modlisation numrique dune partie de mes travaux.

    Mais toutes ces prouesses techniques ne seraient rien sans un superbe soutien administratif donc un grand merci Valrie Fournier et Minh Orcsi pour leur gentillesse, leur disponibilit et leur serviabilit, ainsi qu Henriette Blazejewski.

    Comme toute thse qui se respecte, ces trois annes nont pas t toujours faciles, mais je tiens remercier toute lquipe pour les trs bons moments que jai pu passer leurs cts. Donc Val, Doudou, Marco, Marc, Florent, JC, Othman, RP, Fe, Cline, Romain, Cyril M., Cyril D., Steph, Minh, Andr, Vronique, Bruno, Franziska, Lucas... merci ! Et jespre que Brenda, ses sadonettes et ses gteaux resteront dans vos mmoires !!!

    Enfin, il ny a pas que le labo dans la vie donc merci Mat, Sylvain, Emi, Gigi, la TPE-team, etc., pour ces dlicieuses soires et ces vires aux quatre coins de la France qui ont rendu plus lgres ces annes de dur labeur !

    Et pour finir, un immense merci mes parents, mon ptit frre et ma famille proche pour leur soutien et leur aide pendant toutes ces annes... pour mavoir appris quavec le fil rouge sur le bouton rouge et le fil vert sur le bouton vert, a va mieux... mme sil dit quil voit pas le rapport! Enfin, videmment, merci mon ptit suisse pour son infinie patience, ses conseils, son soutien moral et technique (pancakes et risotto au top!), et sa capacit supporter une thsarde au caractre pas toujours facile !

  • RSUM

    Les structures sont parfois soumises des sollicitations extrmes telles que des chocs et des sismes, dont les consquences peuvent tre dsastreuses. La rduction de la vulnrabilit au sisme du bti existant est un enjeu de socit de premire importance. Le renforcement dlments structuraux par matriaux composites colls offre une solution intressante, mais les rgles de dimensionnement concernant lapplication de tels matriaux pour le renforcement parasismique nont pas encore toutes t clairement tablies. Le prsent travail de thse se propose de contribuer ltablissement de ces rgles pour le renforcement de poteaux en bton arm, par matriaux composites. Une campagne exprimentale a donc t mene sur plusieurs poteaux en bton arm, dchelle reprsentative ; diverses configurations de renforcement ont t appliques sur ces corps dpreuve, qui ont ensuite t tests en flexion compose alterne. Ces diffrents essais nous ont permis danalyser le comportement des poteaux selon la prsence ou non de confinement (tissu de fibres de carbone), de renforcement la flexion (lamelles), et dancrage des lamelles de renfort en matriaux composites. Cette notion dancrage des composites a fait lobjet dune campagne exprimentale complmentaire, visant caractriser une technique dancrage innovante et en vrifier les performances.

    Grce ces diffrents essais, les gains en termes dnergie dissipe apports par les diffrentes configurations de renforcement, les gains en termes de ductilit globale de la structure ainsi quen termes daugmentation de la charge portante ont t vrifis. Outre ces aspects quantitatifs, ce travail a permis de proposer des pistes pour ltablissement de rgles de dimensionnement de ces renforts spcifiques la rhabilitation parasismique, en lien avec les normes actuelles, et notamment lEurocode 8.

    Mots cls : poteaux bton arm, renforcement parasismique, Polymres Renforcs de Fibres (PRF), ancrage

  • ABSTRACT

    Structures can be submitted to severe loadings, especially impacts and earthquakes, and reducing the seismic vulnerability of existing structures is thus an important issue. Retrofitting by Fibre-Reinforced Polymer (FRP) is an interesting technical solution but design rules have to be developed concerning their application for seismic strengthening. This thesis aims to contribute to the development of design rules concerning the strengthening of reinforced concrete columns by FRP. For this purpose, an experimental campaign carried out on full-scale reinforced concrete columns has been undertaken. Different strengthening configurations have been applied to columns, which were then tested under combined axial and lateral load. Those tests helped to analyze the behaviour of columns depending on the FRP confinement (carbon FRP jacket), on flexural reinforcement (carbon plates) and on anchorage of FRP. An additional experimental campaign has been undertaken in order to characterize an innovative anchoring system and assess its performance.

    The purpose of the study was to evaluate the effectiveness of the different strengthening configurations in increasing the dissipated energy and the ductility. In addition to the quantitative aspects, it was made possible to propose design rules for the use of FRP in seismic rehabilitation, linked to current rules, especially Eurocode 8.

    Keywords : concrete columns, seismic strengthening, Fiber-Reinforced Polymer (FRP), anchorage, design, reassessment

  • TABLE DES MATIRES

    Introduction gnrale .................................................................................13

    Chapitre 1 tude bibliographique ............................................................17

    1.1 Sismes et pathologies associes ............................................................... 19 1.1.1 Gnralits ............................................................................................19 1.1.2 Mcanismes de ruine dlments structuraux particuliers : les poteaux en bton arm ............................................................................................................21 1.1.3 De la ncessit du renforcement parasismique ...........................................23

    1.2 Solutions de renforcement parasismique applicables aux poteaux ............. 31 1.2.1 Renforcement par chemisage en acier ou en bton arm .............................31 1.2.2 Renforcement par matriaux composites colls ..........................................36 1.2.3 Synthse et volution des solutions de renforcement par PRF ......................52

    1.3 tat des lieux des normes actuelles concernant le renforcement de poteaux en bton arm par matriaux composites ........................................................... 53

    1.3.1 Modles de confinement du bton par matriaux composites .......................56 1.3.2 Eurocode 8 ............................................................................................63 1.3.3 Rgles de lAssociation Franaise de Gnie Civil (AFGC)...............................66 1.3.4 Le code de calcul italien ..........................................................................70 1.3.5 Rglementation japonaise........................................................................75 1.3.6 Rgles dISIS Canada research Network ....................................................77 1.3.7 Rgles de lAmerican Concrete Institute (ACI) ............................................80 1.3.8 Synthse concernant les diffrents codes de calcul prsents.......................83

    1.4 Conclusions de ltude bibliographique....................................................... 85

    Chapitre 2 Ancrage des lamelles de renfort en matriaux composites ....87

    2.1 Introduction ............................................................................................... 89

    2.2 Revue bibliographique des systmes dancrage existants .......................... 90

    2.3 Description et caractrisation dancrages innovants de plats pultruds utiliss en renforcement ..................................................................................... 98

    2.4 Essais de caractrisation des ancrages....................................................... 99 2.4.1 Prparation des essais........................................................................... 100 2.4.2 Instrumentation ................................................................................... 103

    2.5 Synthse des rsultats exprimentaux obtenus sur les premiers prototypes dancrage .......................................................................................................... 103

    2.6 Rsultats de caractrisation du systme dancrage avec un angle de 15 108 2.6.1 Instrumentation des essais sur ancrages avec angle ................................. 109 2.6.2 Chargement et acquisition ..................................................................... 112 2.6.3 Rsultats des essais sur ancrages avec angle ........................................... 113

    2.7 Synthse des rsultats et tude comparative entre les lamelles simples et le systme dancrage innovant.............................................................................. 133

  • 2.8 Modlisation analytique et numrique des essais : tude de la rpartition de la contrainte de cisaillement dans les joints colls des ancrages tests ............ 136

    2.8.1 Courte introduction au modle du joint coll.............................................136 2.8.2 Cas de la lamelle simple ........................................................................139 2.8.3 Cas de la lamelle ancre ........................................................................145 2.8.4 Amlioration du modle : tissu de confinement.........................................149 2.8.5 Proposition dune loi de comportement effort-deplacement pour lensemble de lassemblage lamelle ancre ...........................................................................153

    2.9 Conclusions sur le systme dancrage....................................................... 156

    Chapitre 3 Comportement de poteaux en bton arm renforcs par PRF et sollicits en flexion compose...................................................................159

    Introduction et objectifs du programme exprimental ...................................... 161

    3.1 Synthse de quelques lments bibliographiques permettant de dfinir la campagne dessai .............................................................................................. 162

    3.2 Programme exprimental ......................................................................... 165 3.2.1 Corps dpreuve ...................................................................................165 3.2.2 Matriaux et configurations de renforcement............................................170 3.2.3 Sollicitations appliques et configuration de lessai ....................................178 3.2.4 Instrumentation....................................................................................182

    3.3 Prsentation et analyse des rsultats exprimentaux............................... 188 3.3.1 Vrification de lencastrement du poteau .................................................188 3.3.2 Principaux rsultats exprimentaux.........................................................189 3.3.3 Analyse des courbes de capacit.............................................................198 3.3.4 Conception et essai dune configuration de renfort rvise .........................205 3.3.5 Approche nergtique ...........................................................................212 3.3.6 valuation de la raideur.........................................................................216 3.3.7 Conclusions concernant les rsultats exprimentaux .................................218

    3.4 Modlisation du comportement des poteaux : analyse non linaire effectue sur le logiciel Beam Compo................................................................................ 220

    3.4.1 Prsentation du logiciel Beam Compo ......................................................220 3.4.2 volution du logiciel pour le traitement des essais raliss .........................222 3.4.3 Modlisation des essais sur poteaux ........................................................225

    3.5 Contribution ltude de rgles de calcul simplifies pour un renforcement par matriaux composites de poteaux sollicits en flexion compose ............... 234

    3.5.1 Vrification des sections en termes de moments .......................................234 3.5.2 Vrification de la rotation de corde ultime ................................................239 3.5.3 Conclusions sur les aspects de dimensionnement......................................245

    Conclusions et perspectives ......................................................................247

    Rfrences bibliographiques.....................................................................251

    Annexe 1 Ancrage des lamelles de renfort en matriaux composites : essais sur lamelles simples .......................................................................263

    Annexe 2 Ancrage des matriaux composites : Essais sur lamelles ancres. ...............................................................................................270

  • Annexe 3 Ancrage des matriaux composites : Essais sur lamelles ancres crantes ...............................................................................................283

    Annexe 4 Caractrisation du matriau bton lors des diffrents coulages.... ...............................................................................................297

    Annexe 5 Essais de traction sur aciers....................................................301

    Annexe 6 Modlisation des essais sur poteaux avec le logiciel Beam Compo ...............................................................................................303

  • 13 Introduction Gnrale

    INTRODUCTION GNRALE Les sismes constituent un risque naturel majeur ; ils ne sont pas toujours prvisibles et

    peuvent survenir en de nombreux endroits travers le monde. Au cours des trois dernires annes, plusieurs sismes dvastateurs, de magnitude (Mw) suprieure 7, ont eu lieu en Chine (Sichuan, mai 2008, Mw = 7,9), Hati (janvier 2010, Mw = 7), au Chili (fvrier 2010, Mw = 8,8), au Japon (nord-est de Honshu, mars 2011, Mw = 9), ou encore en Nouvelle-Zlande (Christchurch, fvrier 2011, Mw = 7,1). La Terre ne cesse de trembler, plus ou moins intensment, et les dgts sont parfois considrables, tant en nombre de victimes quen pertes matrielles. On estime par exemple que le sisme de Kobe de 1995 a cot plus de 80 milliards deuros.

    Limpact dune catastrophe naturelle est dune manire gnrale corrl son intensit et la densit de population prsente sur le lieu doccurrence de lvnement. Or, si au cours des sicles lintensit des sismes a t relativement stable lchelle plantaire, la densification et lurbanisation des populations au cours des dernires dcennies sont deux facteurs daggravation des consquences des sismes. Jean Jacques Rousseau ([Rousseau, 1756]) observait dj ce phnomne au vu des dgts occasionns par le sisme de Lisbonne en 1755 ; en effet, si lon navait point rassembl l vingt mille maisons de six sept tages et si les habitants de cette grande ville eussent t disperss plus galement, et plus lgrement logs, le dgt et t beaucoup moindre et peut-tre nul . Limpact des sismes est donc indniablement li nos besoins qui ne cessent daugmenter en termes de bti, et la problmatique de scurisation parasismique des constructions humaines est un enjeu majeur pour nos civilisations modernes.

    Certains pays dEurope et des pays tels que le Japon et les tats-Unis, ont ainsi dvelopp une culture sismique relativement importante et leurs rgles de construction sattachent garantir un bti fiable et scuritaire vis--vis des sismes. Une illustration parfaite de la pertinence de cette dmarche rside dans la rsistance dun grand nombre dinfrastructures suite au sisme survenu au Japon le 11 mars 2011 (mme si dautres dsordres ont t gnrs par le tsunami qui a suivi). En effet, les routes accidentes, les aroports et les ports ont pu rouvrir moins dune semaine aprs le sisme pour les vhicules durgence ([The Japan Times, 2011]), et environ deux semaines aprs le sisme pour le trafic gnral ([Daily Yomiuri online, 2011]).

    La garantie de disposer de constructions fiables apparat ainsi comme une ncessit dans lorganisation de la scurit publique et la prvention des risques majeurs ([J.O., loi n2004-811, 2004]) ; cependant, le renouvellement de toutes les infrastructures de gnie civil ou des btiments qui ne sont pas aux normes sismiques nest videmment pas envisageable instantanment. Ltude de la vulnrabilit des structures et des moyens de les rhabiliter reprsente donc une priorit dintrt gnral. En France, le nouveau zonage sismique national ([J.O. n0248, dcret n2010-1254, 2010] et [J.O. n0248, dcret n2010-1255, 2010]), li lEurocode 8 ([EN 1998]), implique le reclassement de certains ouvrages/btiments construits dans des zones dont le niveau de sismicit a t relev ; une rvaluation de ces structures est donc ncessaire. A ce titre, le Plan Sisme Antilles (prsent en conseil des ministres le 17 janvier 2007, [DGPR, 2009]) dploie dimportants programmes de rduction de la vulnrabilit du bti. Lobjectif est, quen moins de 20 ans, la majeure partie du bti public (enseignement, sant, gestion de crise, logement social) soit, si ncessaire, renforce ou reconstruite pour rsister un sisme majeur. Cette prescription est par ailleurs confirme par lOPECST (Office Parlementaire dvaluation des Choix Scientifiques et Technologiques) qui dclare ([OPECST, 2010]) que si un sisme tel que celui de Fort-de-France en 1839 se produisait aujourdhui, il provoquerait plus de 30 000 victimes.

  • Introduction Gnrale 14

    Dans le cadre de la gestion dun parc douvrages ou dun parc immobilier, il est donc ncessaire en premier lieu dvaluer la vulnrabilit des structures, et pour les ouvrages dficients dtre en mesure de proposer des solutions de rhabilitation adaptes. Diverses techniques existent actuellement pour assurer une mise en conformit des stuctures, notamment via les matriaux traditionnels tels que le bton et lacier. Le renforcement dlments structuraux par matriaux composites peut galement offrir une solution intressante et se rvle tre une technique de plus en plus rpandue. Cependant, afin de rpondre des proccupations immdiates des professionnels du btiment et des travaux publics, il est ncessaire de poursuivre le dveloppement de rgles de calcul, pour cette technique de renforcement par matriaux composites, en continuit avec les procdures existantes, dveloppes par exemple au sein des Eurocodes ([EN 1998]) ou de guides nationaux.

    Dans ce contexte, le projet ANR-INPERMISE (INgnierie PERformantielle pour la MIse en SEcurit des ouvrages par matriaux composites), impliquant des partenaires industriels (Freyssinet International et Vinci Construction France) ainsi que le LGCIE (Laboratoire de Gnie Civil et dIngnierie Environnementale, Villeurbanne), le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Btiment, Champs-sur-Marne) et lIFSTTAR (Institut Franais des Sciences et Technologies, des Transports, de lAmnagement et des Rseaux site de Paris), a t cr afin de dvelopper des essais de qualification et de proposer des mthodes de calcul et de dimensionnement compatibles avec la rglementation (les Eurocodes notamment) dans le cas du comportement en flexion compose ou en compression-cisaillement de poteaux ou de voiles en bton arm ou maonns. Il sagissait notamment de concevoir et valider des procds constructifs innovants mettant en uvre des matriaux composites et assurant la mise en scurit des ouvrages, en particulier dans le cas de sollicitations accidentelles ou extrmes (chocs, sismes).

    LIFSTTAR ainsi impliqu dans ce projet sest concentr sur le dveloppement dessais et de mthodes de calcul impliquant les poteaux en bton arm, ces lments tant certes critiques dans la tenue des btiments aux sismes, mais galement en ce qui concerne les ponts. Etre capable de proposer une technique de rhabilitation de ces lments majeurs, et de prvoir leur comportement ainsi renforcs reprsente une ncessit. De nombreuses tudes ont t menes concernant le comportement de poteaux en bton arm, renforcs selon certaines configurations dapplication de matriaux composites (principalement avec un chemisage de confinement) et sollicits en compression, en flexion, ou encore en flexion compose. Cependant, peu de donnes exprimentales sont actuellement disponibles en ce qui concerne le comportement de poteaux en bton arm sollicits en flexion compose et renforcs la fois par confinement de Polymres Renforcs de Fibres (PRF) et par renforts longitudinaux la flexion (lamelles pultrudes, technique notamment employe pour le renforcement en face infrieure de poutres). Il est donc essentiel dtre en mesure danalyser lefficacit dune telle solution de renforcement couple. Par ailleurs, lancrage des matriaux composites est souvent indispensable pour en assurer un fonctionnement optimis ; aussi ltude de procds constructifs spcifiques permettant damliorer les conditions dancrage et de transfert de charge entre le poteau et son lment dappui (poutre, semelle) est fondamentale dans lanalyse de lefficacit des techniques de renforcement tudies.

    Les travaux de thse prsents dans ce manuscrit sintressent donc au comportement de poteaux en bton arm renforcs par PRF et sollicits en flexion compose alterne, sollicitation reprsentative de laction sismique. Il sagit notamment didentifier les mcanismes dendommagement se dveloppant lchelle de llment structural et lchelle locale, lorigine de non linarits de comportement et de dformations ultimes importantes. Passe cette premire approche, il convient destimer et de vrifier exprimentalement les gains en termes dnergie dissipe apports par les diffrentes techniques de renforcement et les gains en termes de ductilit globale des structures renforces par PRF. Un verrou scientifique lever consiste en la

  • 15 Introduction Gnrale

    prise en compte simultane des diverses sollicitations (flexion, compression) et des divers renforts (tissu de confinement, renfort la flexion, influence dun ancrage). Nos travaux visent ainsi, par lanalyse de certains lments de dimensionnement, contribuer ltablissement de recommandations et de rgles de dimensionnement parasismique.

    Bien que la gamme des PRF utiliss en construction soit assez diversifie, comprenant notamment des PRF base de fibres de carbone, de verre ou daramide, nous avons fait le choix dans cette tude de nous intresser uniquement aux PRF base de fibres de carbone, ceux-ci tant mis en place dans la majorit des oprations de renforcement structural par matriaux composites colls dans le domaine des ouvrages dart.

    Lobjectif scientifique et technique de ce projet nest pas de proposer de nouveaux systmes de renforcement (hormis loptimisation des conditions dancrage) mais, dans le contexte gnral de lingnierie performantielle, douvrir les champs dapplication des procds existants vis--vis des poteaux en bton arm sollicits en flexion compose, pouvant tre transposs au cas du choc ou des actions sismiques.

    Afin de mener bien les objectifs dcrits prcdemment, les travaux ont t raliss en trois tapes majeures. Tout dabord, afin dtre en mesure de rhabiliter des structures, il est ncessaire de possder un certain nombre de connaissances sur leurs mcanismes de ruine et sur les techniques de rparation. Le chapitre 1 de ce mmoire dcrit donc les diffrents dommages pouvant tre causs par un sisme sur une structure, puis se concentre plus particulirement sur les poteaux lancs en bton arm. Les diffrentes techniques de renfort sont ensuite abordes : les techniques lies des matriaux traditionnels puis les techniques mettant en uvre de nouveaux matriaux tels que les PRF. Les principaux codes de calcul relatifs lutilisation des PRF sont passs en revue, afin dexaminer les diffrentes mthodes de dimensionnement et didentifier les ventuelles voies damlioration des modles proposs.

    Plusieurs tudes exprimentales saccordent sur le fait quun ancrage mcanique des matriaux composites colls peut se rvler ncessaire pour optimiser la tenue du renfort, notamment ses extrmits. Le chapitre 2 dcrit donc un ancrage innovant de plats pultruds spcifiquement dvelopp dans le cadre des travaux de cette thse. La vrification exprimentale des performances de cet ancrage ainsi quune analyse dtaille de son fonctionnement mcanique, grce des modles numriques et analytiques, compltent ce second chapitre.

    Le chapitre 3 prsente ensuite la campagne exprimentale mene sur des corps dpreuve dchelle reprsentative. Cette srie dessais vise caractriser le comportement de poteaux en bton arm renforcs par matriaux composites. Diffrentes configurations de renforts sont testes, mettant en uvre dans certains cas lancrage innovant dcrit dans le chapitre prcdent. Lensemble des rsultats exprimentaux obtenus constitue une base de donnes matrise permettant danalyser les gains de performance (rsistance, ductilit, nergie dissipe) relatifs aux diffrentes configurations de PRF et de proposer des pistes pour ltablissement futur de rgles de dimensionnement de ces renforts spcifiques la rhabilitation parasismique.

    La conclusion propose une synthse de ces travaux et sattache dresser des perspectives pour de futures recherches et amliorations des rgles de calcul proposes.

  • Chapitre 1 TUDE BIBLIOGRAPHIQUE

    SOMMAIRE

    1.1 Sismes et pathologies associes ............................................................... 19 1.1.1 Gnralits ............................................................................................19 1.1.2 Mcanismes de ruine dlments structuraux particuliers : les poteaux en bton arm ............................................................................................................21 1.1.3 De la ncessit du renforcement parasismique ...........................................23

    1.2 Solutions de renforcement parasismique applicables aux poteaux ............. 31 1.2.1 Renforcement par chemisage en acier ou en bton arm .............................31 1.2.2 Renforcement par matriaux composites colls ..........................................36 1.2.3 Synthse et volution des solutions de renforcement par PRF ......................52

    1.3 tat des lieux des normes actuelles concernant le renforcement de poteaux en bton arm par matriaux composites ........................................................... 53

    1.3.1 Modles de confinement du bton par matriaux composites .......................56 1.3.2 Eurocode 8 ............................................................................................63 1.3.3 Rgles de lAssociation Franaise de Gnie Civil (AFGC)...............................66 1.3.4 Le code de calcul italien ..........................................................................70 1.3.5 Rglementation japonaise........................................................................75 1.3.6 Rgles dISIS Canada research Network ....................................................77 1.3.7 Rgles de lAmerican Concrete Institute (ACI) ............................................80 1.3.8 Synthse concernant les diffrents codes de calcul prsents.......................83

    1.4 Conclusions de ltude bibliographique....................................................... 85

  • 19 Chapitre 1 : tude bibliographique

    1.1 SISMES ET PATHOLOGIES ASSOCIES

    1.1.1 GNRALITS

    Les sismes font partie des risques naturels les plus meurtriers et gnrent de coteux dgts. Le risque sismique est prsent partout, mme si toutes les rgions du monde ne sont pas exposes au mme degr dintensit ou de frquence des sismes. Ce risque naturel est de mieux en mieux connu et apprhend mais le fait est que chaque anne, des dizaines de milliers de sismes ont lieu, de plus ou moins grande intensit, et peuvent savrer dsastreux sils surviennent dans des rgions densment peuples. En effet, les victimes des sismes subissent soit directement leffondrement des btiments, ouvrages dart et autres constructions ainsi que les vnements immdiatement associs ces effondrements (inondations, incendies, mouvements de paniques, etc.), soit les consquences de telles destructions (perte de lhabitat, isolement des populations, famine, risques sanitaires, incidents cologiques lis lactivit industrielle et/ou nergtique, etc.).

    Les ondes sismiques se propagent dans le sol et mettent ainsi en mouvement les fondations des constructions : les lments de la structure se voient imposer des dformations importantes, pouvant amener ces lments la ruine. Il est ncessaire, pour limiter les effets des sismes, dagir en premier lieu sur le bti. Lors de sismes tels que ceux survenus San Fernando en 1971, Loma Prieta en 1989, Northridge en 1994, ou encore Kobe en 1995 ([AFPS, 1989], [AFPS, 1994] et [AFPS, 1995]), de nombreux btiments et ouvrages, construits notamment selon danciens codes, ont t endommags, entranant ainsi une prise de conscience de la ncessit de rhabiliter les btiments et ouvrages. Une tude mene par Caltrans ([Caltrans]) a ainsi montr quaprs le sisme de Loma Prieta, 1 039 ponts grs par ltat de Californie ont t classs comme ncessitant un renforcement parasismique ; aprs le sisme de Northridge, 1 155 ouvrages supplmentaires ont galement t classs dans cette catgorie. De la mme faon, les sismes survenus Agadir (Maroc, 1960), Assise (Italie, 1997), Izmit (Turquie, 1999), ou encore Bam (Iran, 2003) ont entrain un dveloppement de la rglementation parasismique en Europe.

    Depuis une vingtaine dannes, de nombreux progrs ont t raliss de manire matriser le risque sismique tant en matire dobservation et analyse des sismes que de rgles de construction parasismique ([CNR, 2004], [EN 1998], [JBDPA, 1999], etc.). Nanmoins, un point important reste le renforcement des constructions existantes ; le rapport de mission post-sismique de lAFPS rdig la suite du sisme de Kobe ([AFPS, 1995]) montre sans quivoque que les constructions rcentes (dimensionnes avec les dernires versions des codes parasismiques) ont beaucoup mieux rsist que les btiments et ouvrages dart anciens.

    Les dsordres induits par les sismes concernent en premier lieu le sol avec les phnomnes de liqufaction (perte de portance du sol menant un basculement des constructions en appui sur ce support), de glissement de terrain ou encore lapparition de failles. Cependant tous ces phnomnes sont difficilement prvisibles et complexes prvenir ; cest pourquoi le renforcement parasismique concerne gnralement les structures elles-mmes.

    Les dsordres le plus souvent observs sur les structures peuvent tre assez varis, et diffrent selon leur type. Sur les ponts ([SETRA, 2011]), les dsordres gnrs par un sisme peuvent tre les suivants :

    - chappement du tablier de ses appuis (qui savre plus dommageable si le sisme sollicite louvrage dans sa direction longitudinale, ou si louvrage prsente un biais important voir Figure 1-1)

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 20

    - rupture fragile des piles lorsque des butes latrales rigidifient leur connexion au tablier - rupture fragile des piles en cas dinsuffisance des armatures transversales (le bton

    ntant pas suffisamment confin, il ne peut pas rsister aux sollicitations sismiques crant des rotules plastiques)

    - rupture fragile en cas de flambement des armatures longitudinales - endommagement des cules (Figure 1-2), des murs de soutnement ou encore des

    fondations, etc.

    Figure 1-1 : Echappement du tablier (Kobe, 1995) (daprs [NISEE]).

    Figure 1-2 : Rupture par affaissement et rotation de la cule (Rio Banano bridge, Costa Rica, 1990),

    daprs [Priestley et al., 1996].

    En ce qui concerne les btiments, on peut tre confront, suite un sisme, plusieurs dsordres. Parmi ceux-ci, il est ainsi possible de citer la dsolidarisation des faades, la destruction des tages suprieurs, intermdiaires ou infrieurs si un des niveaux est moins rigide que les autres par exemple (on est alors en prsence dune structure irrgulire - Figure 1-3), la destruction des extrmits des btiments de longueur importante (accumulation dnergie aux extrmits et effet coup de fouet ), la rupture des ttes de poteaux pouvant entraner la ruine totale si les poutres ont t dimensionnes plus largement que les poteaux (alors quen rgle gnrale on opte pour un schma type poteau fort - poutre faible), lentrechoquement des btiments si le joint parasismique est trop troit, ou encore la ruine par empilement des dalles en cas dabsence de contreventement vertical.

    Figure 1-3 : Effondrement de ltage infrieur du btiment (Kobe, 1995).

    Il faut garder lesprit que la rponse dune structure un sisme est un phnomne complexe qui rsulte de la rponse mcanique des diffrents sous-lments de la structure ainsi que de la rponse des jonctions entre ces lments. Lors du calcul de la rponse structurelle, il faut tenir compte des proprits mcaniques propres chaque lment (notamment concernant les raideurs) et de la dgradation progressive des jonctions.

  • 21 Chapitre 1 : tude bibliographique

    Comme expos prcdemment, le concepteur opte gnralement pour un systme porteur dont le schma est du type poteau fort poutre faible ; les poteaux (et les voiles) sont alors les lments de premire importance pour garantir le non effondrement dune construction. Cest pourquoi ces lments critiques ont retenu notre attention dans cette tude.

    1.1.2 MCANISMES DE RUINE DLMENTS STRUCTURAUX PARTICULIERS : LES POTEAUX EN BTON ARM

    Les poteaux en bton arm sont soumis la fois aux charges gravitaires dues au poids exerc par le tablier dans le cas dun pont ou encore par la descente de charges des tages suprieurs dans le cas dun btiment, et aux sollicitations latrales et verticales provoques par le sisme. Les poteaux sont ainsi sollicits selon une flexion compose alterne trs prouvante pour les diffrents matriaux, laquelle sajoutent des effets deffort tranchant. Sous ce chargement spcifique, la rupture des piles de pont ou des poteaux de btiment provient gnralement dune insuffisance darmatures transversales, du flambement des armatures longitudinales, dun ancrage insuffisant des armatures longitudinales dans la semelle de fondation ou encore dune longueur de recouvrement des aciers insuffisante.

    Avant 1970, les besoins en termes de ductilit au niveau des rotules plastiques potentielles ntaient pas clairement identifis (pour rappel, une rotule plastique se forme dans une section ds que le moment dans la section considre atteint la valeur du moment plastique ; llment peut alors subir une rotation sans augmentation de la charge). Or, pour des niveaux de dplacement levs (la notion de demande en dplacement est notamment un principe phare de lEurocode 8 [EN 1998] et sera dtaill dans la section 1.3.2), dus aux sollicitations sismiques, le bton est comprim dans les zones de rotules plastiques, induisant dans un premier temps un clatement du bton de surface. Si le bton nest pas assez confin, par manque daciers transversaux, cet clatement stend alors au cur de la section qui ne participe donc plus la reprise de leffort de compression. Cet effort est alors intgralement transmis aux aciers longitudinaux provoquant ainsi leur flambement et la perte rapide de capacit portante du poteau (Figure 1-4). A noter que le flambement des armatures est facilit lorsquil existe un recouvrement des aciers longitudinaux juste au-dessus de la semelle, entranant une rsistance en flexion du poteau non satisfaisante. Ce phnomne peut aussi rsulter de la soudure des aciers longitudinaux (bout bout) dans la zone de moment maximal, la rupture de la soudure pouvant ainsi mener une rupture prmature du poteau (Figure 1-5).

    Figure 1-4 : Rupture par manque de confinement (San Fernando, 1971).

    Figure 1-5 : Ruine de pile par rupture de soudure des aciers longitudinaux (Kobe, 1995), daprs [Priestley et al., 1996].

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 22

    Un autre type de dsordre a t constat au Japon, lors des sismes dUrahawa-ohi (1982) et de Kobe (1995) ([AFPS, 1995]), o de nombreuses piles de pont ont subi une rupture par flexion-cisaillement, consquence dun arrt prmatur des aciers longitudinaux dans leur partie courante. La Figure 1-6 montre ainsi la rupture dune pile par flexion-cisaillement, rupture ayant eu lieu au niveau de larrt des aciers longitudinaux. De la mme faon, 18 piles de la Hanshin expressway, Kobe, ont pri suivant ce mode de ruine (Figure 1-7), alors que 33% des aciers longitudinaux avaient t prmaturment arrts 20% de la hauteur des piles.

    Figure 1-6 : Rupture dune pile par flexion-cisaillement (Kobe, 1995), daprs [Priestley et al., 1996].

    Figure 1-7 : Rupture en flexion des piles de pont de la Hanshin expressway (Kobe, 1995).

    Enfin, un autre dsordre important est la rupture par cisaillement. Ce dsordre structurel fut frquent lors des sismes de San Fernando (1971), de Northridge (1994), sisme durant lequel 6 des 7 ponts atteints de dgradations majeures ont prsent une rupture par cisaillement des piles, comme lattestent les images de la Figure 1-8, et Kobe (1995).

    Les poteaux les plus susceptibles de subir ce mode de rupture sont les poteaux courts prsentant un faible rapport porte en cisaillement / hauteur de la section de bton . Or les ruptures fragiles par cisaillement dissipent peu dnergie et sont donc proscrire autant que possible. Le fait est quauparavant, les exigences de dimensionnement des poteaux vis--vis de la rupture en cisaillement taient en gnral moins svres que celles destines viter la rupture en flexion.

    Figure 1-8 : Rupture de piles de pont par cisaillement lors du sisme de Northridge, 1994 (daprs [NISEE]).

    Tous ces exemples de dsordres conscutifs aux sismes tendent donc bien dmontrer

  • 23 Chapitre 1 : tude bibliographique

    lexistence dinsuffisances en termes de dispositions constructives et de dimensionnement parasismique des structures existantes. Il y a notamment une insuffisance vis--vis des poteaux et il importe de savoir comment les rparer et les rendre conformes aux rglementations parasismiques.

    1.1.3 DE LA NCESSIT DU RENFORCEMENT PARASISMIQUE

    La rhabilitation structurale revt une importance et une urgence toute particulire lorsquelle sapplique la mise aux normes parasismiques, les sismes tant source de nombreux dsordres structurels.

    Le renforcement dun ouvrage entrane de coteux travaux qui peuvent tre envisags dans une dmarche volontaire. Cependant cest bien souvent la lgislation qui rend cette action obligatoire. Un btiment ancien conu sans considrations parasismiques, mais situ en zone sismique, est soumis une obligation rglementaire de renforcement sil existe un plan de prvention des risques naturels (PPR- institus en France en fvrier 1995) annex au plan local ou lors dune extension du btiment ou de la ralisation de travaux lourds.

    Des dispositions, obligatoires depuis le 1er mai 2011 ([J.O. n0248, dcret n2010-1254, 2010] et [J.O. n0248, dcret n2010-1255, 2010]), sont applicables pour diffrents types de btiments (selon leur catgorie dimportance, [J.O. n0248, arrt du 22 octobre 2010] pour la classe dite risque normale et [J.O. du 31 mars 2011, arrt du 24 janvier 2011] pour certaines installations classes) et le seront prochainement pour les ponts (arrt paratre). En revanche, concernant les installations nuclaires, lASN (Autorit de Sret Nuclaire) a propos un texte para-rglementaire ([ASN/Guide/2/01, 2006]) dfinissant des dispositions de conception parasismique spcifiques pour les ouvrages des installations nuclaires (racteurs, installations de recherche et autres). Ce guide dtaille des mthodes permettant de dterminer la rponse sismique des installations nuclaires, en considrant leur interaction avec les matriels quelles contiennent, et dvaluer les sollicitations retenir pour leur dimensionnement.

    Grce une meilleure connaissance des sismes passs, de nouvelles acclrations sismiques de rfrence ont pu tre prises en compte, impliquant pour certaines zones, comme le Nord de la France et le Grand Ouest, lintgration de ce nouvel ala sismique aux rgles de construction.

    En fonction de ces donnes, de linteraction sol-structure, des effets de site, etc., il apparat donc ncessaire dtre en mesure dapporter un certain niveau de rhabilitation la structure, notamment pour garantir une augmentation de sa ductilit ainsi quune meilleure rsistance aux efforts latraux. De nombreux btiments/ouvrages construits selon danciennes rgles de calcul savrent inaptes supporter les niveaux de sismes notifis par le zonage rglementaire.

    Le terme de rhabilitation peut sappliquer des oprations de rparation ou de renforcement, la rparation visant retrouver les performances initiales dune structure endommage, alors que le renforcement consiste en une amlioration des performances dune structure, endommage ou non, pour rpondre de nouveaux besoins ou pour rpondre un besoin de remise en conformit. Bien entendu, lissue dune intervention de rparation, louvrage peut prsenter des performances suprieures celles quil prsentait initialement. Les objectifs du renforcement parasismique peuvent tre de diffrente nature : augmenter la rsistance aux efforts latraux, augmenter la ductilit, ou encore combiner ces deux aspects, afin de satisfaire aux nouvelles exigences de rsistance aux sismes.

    L'objectif dun renforcement parasismique est la sauvegarde d'un maximum de vies pour une secousse lie un certain ala sismique (et notamment une certaine priode de retour). La

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 24

    construction peut alors subir des dommages irrparables, mais ne doit pas s'effondrer sur ses occupants et doit permettre les oprations de secours. En cas de secousse plus modre, l'application des dispositions dfinies dans les rgles parasismiques doit aussi permettre de limiter les destructions et, ainsi, les pertes conomiques.

    Ces aspects de vulnrabilit aux sismes et de renforcement des structures sont notamment abords dans louvrage de Zacek ([Zacek, 2004]) o lauteur dresse un panorama des problmes lis la rhabilitation parasismique des btiments et prsente diffrentes approches permettant deffectuer un diagnostic de vulnrabilit aux sismes et dadopter une stratgie de rhabilitation pertinente.

    En ce qui concerne les ponts, une vaste campagne de rhabilitation systmatique des ouvrages existants nest pas envisageable immdiatement, en raison du nombre trop important douvrages et du cot que cela engendrerait. Il est donc indispensable dtablir un plan dintervention cohrent sur le patrimoine et didentifier les ouvrages, soit par leur importance stratgique, soit par leur grande vulnrabilit, qui doivent faire lobjet dun traitement parasismique prioritaire.

    1.1.3.1 Identification des ouvrages renforcer Le guide [SETRA, 2011] dresse un rapide tat de lart international des pratiques de

    hirarchisation des ouvrages traiter vis--vis du risque sismique. Ainsi, au Japon, la Japan Highway Public Corporation (JHPC) a dfini des ordres de

    priorit vis--vis dun renforcement parasismique pour les ponts en suivant les critres du Tableau 1-1 (suivant ces critres, les ponts sont classs de 1 20, 1 correspondant aux ponts traiter prioritairement vis--vis du sismique).

    Tableau 1-1 : Principe de hirarchisation adopt par la JHPC pour les ponts au Japon ([SETRA, 2011])

    En Californie, le Dpartement des Transports de ltat de Californie (Caltrans) a hirarchis les ouvrages renforcer partir dun indice de priorit calcul suivant :

    Indice de priorit = Activit sismique x Ala x (0,6 Importance + 0,4 Vulnrabilit)

  • 25 Chapitre 1 : tude bibliographique

    Des tableaux multicritres permettent daffecter des coefficients aux variables Activit sismique, Ala, Importance et Vulnrabilit.

    En Suisse, le guide dit par lOffice Fdral Suisse des Routes ([OFROU, 2005]) recommande de procder lvaluation sismique des ponts-routes existants en deux phases successives. Lors dune premire phase, un slection initiale est effectue sur la base de critres dimportance ou de vulnrabilit. Suite cette premire phase, seuls certains ouvrages sont retenus pour subir une deuxime phase dvaluation, qui consiste en un vritable diagnostic et en la dtermination dun niveau de performance (ou vulnrabilit), exprim par un facteur de conformit eff. En fonction de la valeur de ce facteur de conformit, louvrage est considr comme ncessitant un renforcement prioritaire et urgent (eff < 0,4), jug suffisamment rsistant (eff 0,9) ou renforcer dans la mesure o le cot des travaux est en adquation avec les moyens financiers disponibles (0,4 eff < 0,9). La dure restante dexploitation du pont est galement prise en compte dans cette analyse.

    En France, le guide du SETRA ([SETRA, 2011], guide issu dune action conjointe de diffrents services techniques du Ministre de lcologie, du Dveloppement Durable, des Transports et du Logement) propose une mthode didentification des ouvrages prioritaires, base sur trois critres :

    - le niveau dala (sismicit et effets induits) sur le site dimplantation de louvrage, - la vulnrabilit estime de louvrage vis--vis de ces alas, - limportance accorde louvrage et litinraire dans lequel il sintgre.

    La vulnrabilit sismique des ponts est value grce loutil SISMOA ([Marchand et al., 2006]), qui permet la dtermination dindices de vulnrabilit lmentaires (Vvib entre 0 et 1) relatifs aux phnomnes vibratoires (Vvib dpend de la mthode de calcul utilise au moment de la conception de louvrage, de son tat de sant et de la vulnrabilit de chacun de ses lments), et aux effets induits tels que les chutes de blocs (Vblocs), les glissements de terrain (Vgliss) et la liqufaction (Vliq).

    Loutil SISROUTE ([Duval et al., 2006]) permet ensuite dvaluer les risques, par croisement des indices de vulnrabilit imports de SISMOA avec les alas considrer au droit des ouvrages : ala vibratoire (avib), ala de liqufaction (aliq), glissements de terrain (agliss) et chutes de blocs (abloc). En combinant ces alas aux indices de vulnrabilit, il est possible de dterminer les indices de risque : Rvib, Rliq, Rgliss et Rbloc.

    Une fois ces indices dtermins, il sagit de croiser la notion de risque avec la notion dimportance, de manire tablir, lchelle dun itinraire ou dun parc douvrages, une hirarchisation des ponts par ordre de sensibilit, en vue dune analyse socio-conomique des risques confronts aux enjeux.

    La notion dimportance doit tre dfinie selon deux critres : limportance des ouvrages et limportance des itinraires ([SETRA, 2011]), avec, pour chacune des importances considres, des critres concernant la gestion de crise (donc importance court terme) et concernant le rtablissement de lactivit socio-conomique (importance moyen ou long terme). Lindice dimportance peut alors tre dfini de la faon suivante :

    I = (Iitin1 + IOA1) + (Iitin2+IOA2) Les indices itin et OA font rfrence litinraire et louvrage, alors que les indices 1 et

    2 font respectivement rfrence court terme ou moyen/long terme. Au final, cet indice dimportance I est compris entre 0 et 150, ce qui permet de classer les

    ouvrages en trois catgories (conformment lEurocode 8-2 pour les ouvrages neufs) :

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 26

    - Catgorie I : 0 I < 50 - Catgorie II : 50 I < 100 - Catgorie III : 100 I < 150

    LEurocode 8-2 ([EN 1998-2]) indique que les ponts routiers et ferroviaires sont considrs comme appartenant la catgorie dimportance II ; les ponts dont limportance est critique pour le maintien des communications sont de catgorie III et il est possible de classer en catgorie I les ponts jugs non essentiels la communication.

    Finalement, seuls les ouvrages dont le produit de lindice de risque par lindice dimportance est suprieur 50 (R x I 50) devront passer par une phase de diagnostic dtaill (2me phase danalyse), telle que dcrite sur le diagramme de la Figure 1-9.

    Dautre part, une fois la dcision de diagnostic prise, il est ncessaire de dfinir les niveaux de performance de louvrage afin de pouvoir mener le diagnostic sismique.

    Cette mthode didentification des ouvrages risques a t utilise sur plusieurs zones gographiques en France, et une tude a notamment t engage en septembre 2011 par la DREAL (Direction Rgionale de lEnvironnement, de lAmnagement et du Logement) Rhone-Alpes pour valuer la vulnrabilit au sisme de lagglomration grenobloise ([Davi et al., 2011]). Cette tude a port sur 10 ouvrages jugs stratgiques pour lacheminement des secours, et a t mene dans le cadre de lexercice Richter consistant en une simulation grandeur nature dun sisme sur le secteur. La mthode SISMOA reste une mthode essentiellement qualitative mais parmi les vulnrabilits releves sur ces ouvrages, la vulnrabilit des piles et des cules est un phnomne rcurrent et important, confirmant les observations du paragraphe 1.1.2. Outre la notion dala, la prise en compte du caractre critique et de la vulnrabilit des piles en bton arm est donc un lment essentiel lidentification des ouvrages renforcer, et le renforcement des poteaux est un vritable enjeu pour le parc douvrages franais.

  • Figure 1-9 : Mthodologie gnrale des tudes de diagnostic et renforcement sismique.

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 28

    1.1.3.2 Niveaux de performance de rfrence LEurocode 8-3 ([EN 1998-3]), relatif au renforcement et la rparation des btiments en

    zone sismique, dfinit trois niveaux dexigence fondamentaux : - ltat limite de Limitation des Dommages (EL-LD) - ltat limite de Dommages Significatifs (EL-DS) - ltat limite de Quasi-Effondrement (EL-QE)

    Ces niveaux sont directement extrapolables aux ouvrages dart et une description quantitative en est faite pour les ponts dans le guide du SETRA ([SETRA, 2011]).

    Dans le cadre de lEurocode 8 ([EN 1998]), il est prcis que les territoires nationaux doivent tre diviss par les autorits nationales en zones sismiques . Ceci fait lobjet en France dun dcret ([J.O. n0248, dcret n2010-1255, 2010]), auquel correspond la carte du zonage sismique prsente sur la Figure 1-10.

    Figure 1-10 : Nouveau zonage sismique de la France ([J.O. n0248, dcret n2010-1255, 2010]).

    Lala local dfini sur chaque zone du territoire est pris en compte par le paramtre AEk, appel acclration au rocher ou acclration maximale de rfrence au niveau dun sol de classe A (rocher ou autre formation gologique de ce type comportant une couche superficielle dau plus 5 m de matriau moins rsistant) ; les valeurs de lacclration maximale de rfrence au niveau dun sol de classe A sont indiques dans le Tableau 1-2.

  • 29 Chapitre 1 : tude bibliographique

    Tableau 1-2 : Valeurs de lacclration maximale de rfrence pour un sol de classe A, agR, selon [J.O. n0248, arrt du 22 octobre 2010]

    Zone sismique Acclration maximale de rfrence pour un sol de classe A, AEk (m/s)

    Sismicit trs faible (1) 0,4 Sismicit faible (2) 0,7

    Sismicit modre (3) 1,1 Sismicit moyenne (4) 1,6

    Sismicit forte (5) 3,0

    Le guide du SETRA ([SETRA, 2011]) recommande, pour les ouvrages en service de diagnostiquer les ouvrages de la catgorie II vis--vis de lEL-DS, ainsi que ceux de la catgorie III vis--vis de lEL-DS et de lEL-LD. Les niveaux dacclration de rfrence considrer pour le diagnostic sismique sont donc les suivants :

    - pour les ouvrages de catgorie II : aref-DS = I(cat II) x AEk - pour les ouvrages de catgorie III : aref-DS = I(cat III) x AEk et aref-LD = 0,4 x I(cat III) x AEk

    Les valeurs des coefficients dimportance I seront prochainement dfinies dans un arrt relatif la classification et aux rgles de construction parasismique applicables aux ponts (parution de larrt prvue pour fin 2011).

    Le guide propose alors de dfinir des indices de conformit , obtenus par le rapport entre :

    - lacclration maximale admissible amax_adm-EL, correspondant latteinte dun niveau dendommagement de louvrage associ un tat-limite de rfrence

    - et lacclration de rfrence aref-EL, ou niveau de sisme rglementaire pour lequel un ouvrage neuf de mme catgorie dimportance et implant au mme endroit, devrait tre dimensionn vis--vis de cet tat-limite.

    Ainsi : ELref

    ELadmELconf

    a

    a

    =max_

    (indice de conformit exprim en %)

    Finalement, partir de cet indice de conformit, et partir du diagramme de la Figure 1-11, on peut dterminer dans quelle zone de performance louvrage se trouve, dcider de le renforcer et, le cas chant, dcider du niveau de performance atteindre. Le diagramme tient compte de la dure dexploitation restante thorique de louvrage, via un coefficient ge. En effet, selon lapproche probabiliste, la probabilit pour un ouvrage dtre soumis un niveau de tremblement de terre donn diminue en mme temps que sa dure dexploitation restante. Les valeurs des coefficients ge sont donnes dans le Tableau 1-3. En pratique, lvaluation de la dure dexploitation restante nest pas aise dterminer et dpend de nombreux paramtres.

    La zone 1 de la Figure 1-11 est dfinie ([SETRA, 2011]) comme zone de risque acceptable pour louvrage en ltat et aucun renforcement nest prconis ; la zone 2 est dfinie comme zone de risque rduire de manire optimale dans la limite du raisonnable faisable et il convient de rduire significativement le niveau de risque sismique pour un cot raisonnable ; et la zone 3 est dfinie comme zone de risque intolrable et un renforcement est impratif afin de replacer louvrage au minimum en zone 2.

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 30

    Figure 1-11 : Indices de conformit cibles prconiss dans le guide [SETRA, 2011].

    Tableau 1-3 : Valeurs du coefficient ge en fonction de la dure dexploitation restante thorique de louvrage ([SETRA, 2011]).

    Dure dexploitation thorique restante

    (annes)

  • 31 Chapitre 1 : tude bibliographique

    - de modifier la rigidit - daugmenter lamortissement

    1.1.3.4 Les techniques de renforcement Il existe diffrentes techniques de renforcement :

    - dispositifs de bute et mcanismes damortissement, - le renforcement par addition de nouveaux lments de construction verticaux et/ou horizontaux: voiles, chanages, micropieux, etc. Il est cependant impratif de suffisamment liaisonner ces nouveaux lments avec les anciens, - lamlioration de la rsistance de la section transversale des lments structuraux (ajout de section transversale pour amliorer la rsistante en traction) - le renforcement par confinement des lments comprims, - le renforcement par prcontrainte, - la ralisation dancrages efficaces (des planchers, des charpentes, etc.), - la rparation (injection des fissures, remplacement du bton ou des armatures dtriores, etc.), - le renforcement du sol.

    Plus un lment est ductile, plus il va tre mme de dissiper lnergie induite lors dun sisme ; un renforcement visant augmenter la ductilit est donc privilgier.

    Cependant, avant toute validation du procd de renforcement retenu pour augmenter la ductilit de louvrage, il faut raliser une analyse de la structure renforce, de manire vrifier que le renforcement amliore le comportement de la structure dans son ensemble. En effet, il faut prendre garde ne pas trop dissocier les diffrents modes de rupture : renforcer un lment vis--vis dun dsordre peut conduire simplement dplacer le problme. Par exemple, renforcer un poteau vis--vis du cisaillement peut entraner le dveloppement dune rotule plastique, quil faudra alors confiner. Il faut donc envisager une stratgie globale de rhabilitation.

    Parmi toutes les techniques de renforcement existantes, ltude prsente dans ce mmoire se concentre sur les techniques applicables aux poteaux et vise quantifier les apports du renforcement tant en rsistance quen ductilit. Comme vu prcdemment, le renforcement des poteaux est un vritable enjeu par rapport la vulnrabilit du parc douvrages et de btiments ; aussi diverses solutions de renforcement des poteaux en bton arm existent, certaines tant plus anciennes et plus maitrises que dautres. Nanmoins des techniques innovantes telles que lutilisation des matriaux composites, sont apparues et permettent de renforcer de manire efficace les poteaux en bton arm, toujours dans le souci de rduire la vulnrabilit des structures. Ces techniques, traditionnelles dans un premier temps, puis celles faisant intervenir les matriaux composites dans un deuxime temps, sont dtailles dans la section suivante.

    1.2 SOLUTIONS DE RENFORCEMENT PARASISMIQUE APPLICABLES AUX POTEAUX

    1.2.1 RENFORCEMENT PAR CHEMISAGE EN ACIER OU EN BTON ARM

    Comme voqu auparavant, pour certains ouvrages en bton arm, le confinement du bton par les cadres darmature internes peut avoir t sous-dimensionn. Cette dficience peut tre compense par lajout dun confinement extrieur, ralis par exemple avec un chemisage en acier. La technique du chemisage en acier consiste, pour les poteaux de section circulaire,

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 32

    positionner deux demi-coques en acier (dun rayon suprieur de 12 25 mm au rayon de la section initiale de la colonne) autour du poteau, puis de les souder sur place de manire former un tube continu. Le faible espace annulaire form entre le tube dacier et le poteau est alors combl avec un coulis de ciment. Pour les poteaux de section rectangulaire, la technique de mise en place est identique mais il est recommand dutiliser des chemisages elliptiques, comme illustr sur la Figure 1-12b. Ceux-ci prsentent linconvnient dtre assez encombrants et peuvent par exemple gner le trafic en rduisant la largeur des voies de circulation; des chemisages rectangulaires ont donc galement t dvelopps. Cependant, mme si les chemisages rectangulaires savrent efficaces pour un renforcement au cisaillement, les performances en termes de confinement et damlioration de la ductilit en flexion sont beaucoup moins bonnes que celles obtenues par des chemisages elliptiques ([Sun et al., 1993]).

    Figure 1-12 : Chemisage acier des poteaux section circulaire et rectangulaire ([Priestley et al., 1996]).

    Des recherches exprimentales ([Chai et al., 1991]) menes sur des colonnes circulaires lUniversit de Californie, San Diego, ont montr que la technique du chemisage en acier permettait de confrer un comportement ductile en flexion aux colonnes confines, en permettant une dissipation satisfaisante de lnergie. La Figure 1-13 prsente les courbes dvolution du dplacement lors de cycles dapplication dun effort de flexion, mesures sur des poteaux non confins par chemisage (Figure 1-13a) puis confins par chemisage (Figure 1-13b). Durant ces essais, leffort tait appliqu latralement au sommet de chaque poteau et suivait une volution cyclique alterne. Sur la Figure 1-13b, il est possible de constater que le chemisage acier offre une trs grande capacit de dissipation dnergie. En revanche, si lon teste un poteau endommag puis rpar par un chemisage acier, les performances alors obtenues sur celui-ci ne sont pas aussi importantes que pour le poteau renforc initialement, mme si lamlioration reste considrable par rapport au poteau de rfrence non confin. Par ailleurs, le chemisage acier a permis daugmenter la raideur de 10 15%.

    Figure 1-13 : Courbes force-dplacement dun poteau non renforc (a) et dun poteau renforc par chemisage en acier (b) [Chai et al., 1991].

  • 33 Chapitre 1 : tude bibliographique

    Durant le sisme de Northridge en 1994, une cinquantaine de ponts qui avaient t renforcs avec un chemisage en acier ont t soumis des acclrations dau moins 0,3g ; aucun de ces ponts renforcs na subi de dommages importants ([Priestley et al., 1996]).

    Cependant, le chemisage en acier prsente linconvnient dtre sujet la corrosion ; cest pourquoi il est utiliser avec discernement, en tant conscient des sujtions dentretien, pour le renforcement de poteaux douvrages situs dans des environnements favorisant la corrosion (zone de marnage ou zone expose la houle ou aux embruns par exemple). Des chemisages en bton arm peuvent alors tre utiliss ; ce procd a dailleurs longtemps t lune des techniques de rhabilitation les plus courantes. Il consiste augmenter les dimensions de la section du poteau en ajoutant une couche de bton ainsi que des aciers longitudinaux et transversaux (Figure 1-14). De la mme faon que pour les chemisages en acier, laction de confinement est plus efficace dans le cas de poteaux section circulaire qu section rectangulaire. Gnralement, au-del dun ratio longueur/largeur de la section de 2, lefficacit du confinement est largement diminue (les tensions radiales se concentrent de manire excessive sur les coins).

    Figure 1-14 : Chemisage bton de poteaux de section circulaire et rectangulaire ([Priestley et al., 1996]).

    Aguilar et al. ([Aguilar et al., 1989]) ont men une tude en slectionnant 114 btiments parmi les 1 200 ayant t rpars et renforcs suite au sisme de 1985 Mexico. Ils ont analys les btiments, dcrit les dsordres causs par le sisme ainsi que les diffrentes techniques de rhabilitation qui ont t mises en uvre de manire pouvoir tablir des statistiques. Il savre que le principal mode de rupture constat pour ces btiments est la rupture des lments verticaux (poteaux, murs) et que les techniques de rhabilitation les plus utilises suite ce sisme ont t le chemisage en bton des poteaux et des poutres et lajout de murs de cisaillement. Le chemisage en acier de poteaux, lajout de murs de remplissage et de croisillons en acier furent galement souvent utiliss.

    De mme, une tude mene par linstitut japonais du bton a consist collecter les donnes concernant la rparation/le renforcement de 157 btiments en bton arm construits entre 1933 et 1975 au Japon ([Rodriguez et Park, 1991]). En gnral, plusieurs mthodes de renforcement taient utilises pour un mme btiment, mais la mthode la plus courante consistait construire des murs de cisaillement (85 % des cas) dans les charpentes en bton arm existantes. Le chemisage en bton arm des poteaux a t utilis dans 35 % des cas. Cette technique a principalement t employe pour les poteaux de btiments, mais certains ponts japonais ont bnfici de ce procd de rhabilitation.

    Beaucoup de rhabilitations de structures par chemisage ont dans un premier temps t

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 34

    dimensionnes par lunique savoir-faire des ingnieurs qui ne disposaient lpoque daucune doctrine technique. Des tudes exprimentales ont ensuite t ralises de manire tablir et justifier des rgles de dimensionnement spcifiques cette technique. Cest dans cette optique que, par exemple, Rodriguez et Park ([Rodriguez et Park, 1994]) ont men une campagne exprimentale destine recueillir des donnes prcises sur la rsistance, la raideur ou encore la ductilit obtenues en renforant des poteaux, endommags ou non, par un chemisage en bton arm. Dans cette tude, les poteaux chemiss et tests ont ainsi montr une nette amlioration de la rsistance et de la raideur par rapport au poteau de rfrence non renforc. Lors de lapplication de cycles quasistatiques de chargement latral, avec des ductilits imposes allant jusqu 6, il a t possible dobserver une trs bonne dissipation dnergie et seulement une trs lgre diminution de la rsistance. Par ailleurs, trs peu de diffrences de comportement ont pu tre constates entre les poteaux tests, rpars puis tests nouveau et les poteaux renforcs avant toute sollicitation puis tests.

    Plus rcemment, Vandoros et Dritsos ([Vandoros et Dritsos, 2006]) ont men une campagne exprimentale permettant de tester et comparer 3 techniques de chemisage en bton arm. Cette campagne exprimentale a montr lefficacit dun tel chemisage. En effet, le corps dpreuve qui na reu ni prparation de surface, ni connecteurs aciers, ni goujons, et dont le chemisage est constitu dun bton de qualit mdiocre (17,8 MPa), prsente tout de mme un effort la rupture suprieur celui dun poteau non renforc. De plus, les dplacements ultimes enregistrs pour les poteaux dont le chemisage est fix par des connecteurs en acier ou des goujons en forme de L sont plus importants que les dplacements obtenus sur poteaux non renforcs. Enfin, pour tous les poteaux renforcs, la raideur est au moins multiplie par 3 par rapport aux poteaux non renforcs.

    Durant les dernires dcennies, le bton et lacier ont donc jou un rle primordial pour le renforcement, tant de btiments que douvrages dart. Cependant, ces matriaux sont soumis dimportantes sollicitations dans les infrastructures, la pollution, la corrosion, et dautres actions extrieures qui tendent les dtriorer. De plus, les techniques de renforcement par chemisage en acier ou bton arm prsentent souvent des mises en uvre difficiles, impliquant des dures de travaux pouvant tre assez longues. Il tait donc ncessaire dutiliser des matriaux plus durables et de les associer de nouvelles mthodes de rhabilitation permettant de ralentir ces dgradations et de prolonger la dure de service des infrastructures existantes. De telles techniques rencontrent un grand intrt lors doprations de remise en conformit parasismique.

    Parmi les nouvelles solutions de protection et rhabilitation des structures pour la mise aux normes parasismiques qui se sont dveloppes, on peut par exemple citer lutilisation de Btons Trs Haute Performance (BTHP) fibrs qui a fait lobjet de quelques exprimentations. Une tude a ainsi t rcemment ralise ([Massicotte et Boucher-Proulx, 2010]), portant sur la rhabilitation de piles de ponts rectangulaires laide dun chemisage BTHP fibr. Cette tude concerne plus particulirement les poteaux de section rapport largeur/hauteur suprieur 4 (en effet les techniques de confinement habituelles se rvlent peu efficaces pour ce type de section) et possdant une zone de recouvrement des armatures longitudinales en pied. La campagne exprimentale a donc port sur un corps dpreuve de rfrence renforc par un chemisage de bton fibr courant puis sur un poteau renforc par un BTHP fibr prsentant une rsistance en compression de 130 MPa et contenant 3 % de fibres longues de 10 mm. Une paisseur de 25 mm du bton original a t retire derrire les aciers longitudinaux se recouvrant, de manire ce que le bton fibr et le BTHP fibr puissent enrober compltement les deux barres (Figure 1-15). Dans les deux cas, les chemisages ont t couls sans augmentation de la section initiale du poteau. Ces deux poteaux ont t soumis un effort latral appliqu en tte de manire cyclique et incrmentale (aucun effort axial ntait exerc).

    Lobjet de ces renforts tait damliorer les performances de lancrage des aciers et

  • 35 Chapitre 1 : tude bibliographique

    dliminer toute rupture par glissement des aciers, leur permettant ainsi de plastifier en dehors de la zone de recouvrement et donc dapporter de la ductilit la structure.

    Figure 1-15 : Dtails du chemisage en BTHP fibr ([Massicotte et Boucher-Proulx, 2010]). Lessai ralis sur le poteau de rfrence a montr une dgradation importante du bton

    denrobage lors des cycles, une diminution trs nette et trs rapide de la capacit du poteau reprendre leffort latral (diminution par rapport leffort latral maximal repris par le poteau durant lessai), un comportement peu ductile et une faible dissipation dnergie (Figure 1-16a). En revanche le poteau renforc par BTHP fibr na montr aucune fissure sur le BTHP de recouvrement, un comportement crouissant et une trs bonne dissipation dnergie (Figure 1-16b).

    (a) (b) Figure 1-16 : Graphiques Force-Dplacement du poteau renforc par bton fibr (a), et du poteau renforc par

    BTHP fibr (b) ([Massicotte et Boucher-Proulx, 2010]).

    Le chemisage par BTHP fibr a donc permis damliorer le comportement sous charge sismique (ou rpute reprsentative dune charge sismique) de poteaux subissant habituellement une rupture fragile par perte dancrage des armatures longitudinales, qui ne permettent pas une dissipation satisfaisante dnergie. Cette technique de renforcement est cependant encore relativement rcente et dautres recherches sont en cours, notamment lcole Polytechnique de Montral ([Massicotte et Boucher-Proulx, 2010]) afin de dvelopper des mthodes de dimensionnement pour le renforcement parasismique par chemisage en BTHP fibr.

    Nanmoins, tout comme le chemisage bton arm simple, cette technique de chemisage par BTHP prsente linconvnient dinduire une augmentation importante de la masse de llment, ce qui peut tre problmatique pour un renforcement parasismique, laction sismique tant directement proportionnelle lacclration du sisme ainsi qu la masse de la structure.

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 36

    Le Tableau 1-4 prsente une tude comparative rapide des diffrentes techniques de renforcement prsentes dans cette section.

    Tableau 1-4 : Comparatif des mthodes de renforcement Chemisage acier Chemisage bton

    arm Chemisage BTHP fibr

    Avantages

    - faible augmentation des sections - assez rapide mettre en uvre

    - peu coteux - ne ncessite pas de main duvre hautement qualifie

    - bonnes performances en termes de dissipation dnergie - trs bonne durabilit

    Inconvnients

    - cot lev - ncessit dune main duvre qualifie - sensibilit la corrosion ; entretien rgulier ncessaire

    - augmentation de la section (et de lencombrement) et du poids de la structure - corrosion et autres pathologies du bton arm - ncessit de coffrages ; travaux assez longs

    - augmentation du poids de la structure - ncessite une main duvre qualifie - cot lev

    Outre ces techniques, dautres techniques innovantes impliquant les matriaux composites sont en pleine expansion, pour la rhabilitation sismique notamment. La section suivante dtaille les caractristiques de ces matriaux composites ainsi que leurs domaines dapplication.

    1.2.2 RENFORCEMENT PAR MATRIAUX COMPOSITES COLLS

    1.2.2.1 Gnralits sur les matriaux composites utiliss en renfort de structure Les matriaux composites appartenant la famille des Polymres Renforcs de Fibres

    (PRF) conviennent pour une gamme trs tendue dutilisations dans le domaine de la construction. Ceci sexplique notamment par la diversit des formes dans lesquelles ils peuvent se prsenter : feuilles, tissus ou enveloppes prformes, lamelles pultrudes, colls sur les parois extrieures de la structure (moulage au contact), sous forme dengravure, de profils structuraux ([Keller et al., 2005]) ou encore sous forme de barres pour le renforcement interne du bton ([ACI Committee 440, 2010c]).

    Dans le secteur du gnie civil, deux types de produits de construction en matriaux composites sont principalement utiliss : les tissus (secs ou pr-imprgns sous forme de feuilles), et les plats (ou lamelles). Les tissus sont colls sur site et polymrisent lors de la mise en uvre (moulage au contact), alors que les plats sont prfabriqus (pultrusion). Cependant, ces diffrents types de matriaux composites ont des proprits mcaniques proches, qui sont notamment gouvernes par le comportement (rsistance et rigidit) des fibres. En effet, les PRF associent des fibres de rsistance leve une matrice polymre qui les lie et dans laquelle elles sont noyes. Ce sont les proprits propres ces deux composants qui confrent au matriau ses proprits globales. Ces proprits dpendent de la fraction volumique de fibres, de leur orientation, du type de matrice utilis, ou encore de la mthode de fabrication. Par exemple, la pultrusion permet dintroduire un pourcentage plus important de fibres, et donc daugmenter la rigidit et la rsistance du PRF.

  • 37 Chapitre 1 : tude bibliographique

    Les fibres fournissent la rsistance et la rigidit au matriau composite. Cependant la fonction mcanique du renfort doit tre pralablement dfinie, car le positionnement de la fibre dfinit une direction privilgie des caractristiques mcaniques ; ainsi les matriaux composites sont beaucoup plus efficaces dans la direction des fibres. Il existe actuellement diffrents types de fibres, mais les fibres les plus utilises dans le domaine de la construction sont les fibres de carbone, les fibres de verre, et les fibres daramide (dont la plus connue est le Kevlar). Chaque fibre possde des proprits bien spcifiques qui dtermineront leur emploi. Les fibres de carbone prsentent un cot lev (environ 10 fois celui des fibres de verre) mais sont nanmoins de plus en plus employes en raison de leur haut module lastique, de leur trs haute rsistance, de leur faible masse volumique et de leur rsistance la fatigue et aux divers effets environnementaux. Nous nous intresserons donc plus particulirement ce type de fibres.

    A titre dexemple, le Tableau 1-5 liste les principales caractristiques des fibres et de lacier.

    Tableau 1-5 : Caractristiques mcaniques de quelques fibres, de matrices polymres et de lacier

    Module dYoung

    (GPa) Rsistance la traction (MPa)

    Allongement la rupture (%) Densit (g/cm

    3)

    Fibre verre E (les plus courantes des fibres de verre ;

    cot modr) 70 80 2000 3500 3,5 4,5 2,5 2,6

    Fibre verre C (plus coteuses que E, mais meilleures

    caractristiques mcaniques) 85 90 3500 4800 4,5 5,5 2,46 2,49

    Fibre carbone HM (fibres haut module ) 390 760 2400 3400 0,5 0,8 1,85 1,89

    Fibre carbone HR (fibres haute rsistance ) 240 280 4100 5100 1,6 1,73 1,75

    Fibre aramide (cot relativement important ; trs

    bonnes caractristiques dynamiques) 62 180 3600 3800 1,9 5,5 1,44 1,47

    Matrice polymre 2,7 3,6 40 82 1,4 5,2 1,1 1,25 Fe E215 330 22 Fe E235 410 25 Fe E400 480 14

    Acier

    Fe E500

    200 (valeur moyenne)

    550 12

    7,32 7,8

    Mme si ce sont les fibres qui confrent au PRF sa rsistance et sa rigidit, la matrice joue nanmoins plusieurs rles essentiels au bon fonctionnement du PRF : elle lie les fibres ensemble tout en les rpartissant sur lensemble du volume du composite, elle les protge dun environnement parfois agressif, et permet de transfrer les efforts entre les diffrentes fibres. Un des principaux avantages des PRF rsidant dans leur trs faible poids, la masse volumique de la matrice doit tre minimise et tre infrieure celle des fibres.

    Les polymres les plus utiliss sont les polyesters, en raison de leur faible cot et de leur facilit de fabrication. Les vinylesters, dun cot plus lev que les polyesters, sont trs rsistants aux acides et aux alcalins et sont donc particulirement adapts pour protger les fibres de verre du milieu cimentaire en vitant les ractions acide-base (de type raction alcali-silice) qui les dtrioreraient. Les vinylesters sont donc employs pour la fabrication des barres darmatures composites internes de certaines structures en bton. Enfin les matrices poxydes prsentent de trs bonnes qualits dadhrence et sont donc largement employes lors de limprgnation sur place des feuilles de PRF (technique dite du moulage au contact). Elles ont cependant un cot encore suprieur au cot des vinylesters.

    Finalement, les Polymres Renforcs de Fibres de Carbone (PRFC) tant les plus

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 38

    couramment utiliss en renfort structurel, nous pouvons, titre dexemple, fournir les caractristiques mcaniques principales dun plat pultrud carbone (produit LFC de Freyssinet International) :

    - Module dYoung longitudinal en traction = 160 GPa - Rsistance en traction (sens des fibres) = 3000 MPa - Dformation la rupture = 0,7%

    (Ces donnes matriaux sont bien videmment des lments dterminants pour valuer lefficacit dun renfort, cependant il faut galement prendre en compte les conditions dadhrence sur le support ainsi que les caractristiques du support en lui-mme.)

    Il existe diffrentes techniques de mise en uvre des renforts en matriaux composites sur un substrat bton ([Hamelin, 2002]) : mise en uvre par moulage au sac :

    Ce procd permet dobtenir des caractristiques mcaniques leves court terme. Aprs avoir ragr la surface de bton (sablage, application dun mortier polymre), les couches de tissus pr-imprgnes sont dcoupes et appliques sur la zone renforcer. Une couverture chauffante est ensuite applique sur la surface des tissus et une enveloppe tanche, raccorde une pompe vide, permet dappliquer une pression externe pendant toute la dure de polymrisation ou de polycondensation.

    mise en uvre par stratification directe (ou moulage au contact): Cette fois la polymrisation se fait temprature ambiante (le renfort atteint sa rsistance totale au bout dune semaine) selon les tapes suivantes :

    - prparation de surface du bton - (ventuellement) application dune couche primaire dimprgnation - dpose des tissus (aux dimensions voulues) - imprgnation et marouflage des renforts - (ventuellement) application dune couche de protection

    collage de plaques composites (technique dite du double encollage): Cette mthode consiste coller des plats composites sur la surface renforcer laide dune colle poxyde. Les plats sont gnralement en carbone ou en verre poxy et fabriqus par pultrusion. Les tapes respecter sont les suivantes :

    - traitement de surface du substrat bton par sablage, par eau ou sous pression et meulage

    - nettoyage de la surface traite par un dpoussirage - application dune couche du polymre poxyde (colle) sur la surface nettoye - nettoyage lactone de la surface du plat encoller - application dune couche du polymre poxyde (colle) sur le plat composite - mise en pression du plat sur le support bton (recouvert de la premire couche du

    polymre poxyde) et retrait de lexcdent de colle - mise en pression du joint coll par marouflage du plat, permettant denlever les

    ventuelles bulles dair et assurer ainsi une bonne adhrence.

    Les matriaux composites offrent de multiples possibilits dans le domaine de la construction o ils se sont dvelopps progressivement partir des annes 90. On peut ainsi noter les progrs de leur utilisation en Europe, au Japon et en Amrique du Nord ([Luyckx, 1999]).

    En effet, dans les annes 1990 au Japon, de nombreux ponts en bton ont d tre renforcs extrieurement en raison de la corrosion des aciers. Les renforts ont t appliqus sur les

  • 39 Chapitre 1 : tude bibliographique

    piles ou sur les surfaces infrieures des tabliers en utilisant des tissus pr-imprgns base de fibres de carbone mis en uvre suivant la mthode de stratification directe dcrite ci-dessus.

    Suite divers sismes, la Japan Highway Public Corporation (JHPC), socit dpendant du gouvernement japonais et responsable de 6 500 km dautoroutes pages, a t confronte la destruction de nombreux ponts et il a t dcid de renforcer, terme, la totalit des ponts grs par cette socit, ce qui a amplifi le dveloppement et lutilisation des matriaux composites comme mthode de renforcement. On peut ainsi citer titre dexemple, le renforcement par matriaux composites des ouvrages suivants : Fujimi Bridge (Tokyo, en 1993), Johetsu Shinkansen Bridge (Nigata, en 1994), ou encore le Sakawa River Bridge (Tomei Highway, en 1994) ([Luyckx, 1999]). Pour ce dernier ouvrage les piles de plus de 7m de diamtre (dont certaines dpassaient 60m de hauteur) ont t renforces. Le chantier se termina en 1998, aprs un an de travail durant lequel 2 tonnes de fibres de carbone furent poses.

    Aux tats-Unis, les recherches concernant le renforcement des structures du gnie civil par matriaux composites ont t inities suite au sisme de Loma Prieta (Californie) survenu en octobre 1989 ([Luyckx, 1999]). A partir de 1994, des tests sismiques en laboratoire, sur des maquettes dchelles de plus en plus importantes, ont dmontr lintrt de lutilisation des PRF. La validation de la technique de renfort par composites colls t suivie par le renforcement douvrages rels tels que le Highway Bridge Butler (Ohio, en 1996), le Great Western Bank Building Sherman Oaks (Californie, en 1997) ou encore le Foulk Road Bridge Delaware (Californie, en 1997).

    En Europe, les principales applications en rhabilitation de structures sont apparues en Suisse fin 1991, puis en France partir de 1996. En 1996, Freyssinet a renforc le premier pont autoroutier franais en remplaant les plats colls mtalliques classiques par des tissus secs et imprgns sur place par un adhsif spcifique base de rsine poxyde, mis au point par Atofindley, compatible avec le bton et capable dimprgner les fibres de carbone ([Ghenassia et Lacroix, 1997]). Bien quinitialement utiliss pour des applications en aronautique, les PRF ont progressivement gagn le domaine du gnie civil, et mme si la France est loin dgaler lutilisation intensive des PRF au Japon (value actuellement environ 1 million de m par an), on estime quenviron 40 000 m de renforts en fibres de carbone ont t utiliss, sur le territoire national, pour le renforcement de structures en bton arm en 2007 ([Quiertant, 2010]). Le march des PRF sur le territoire franais a donc encore un potentiel de progression, quil peut tre intressant doptimiser, notamment en raison du parc de btiments et douvrages dart renforcer.

    Au vu des diffrentes campagnes exprimentales qui ont t menes, la technique de rhabilitation par matriaux composites est donc dsormais largement accepte. Cependant, la durabilit in-situ de ces rhabilitations fait encore lobjet dinterrogations et de recherches ([Neale et Labossire, 1998], [Ferrier et Hamelin, 2002]). Neale et al. ([Neale et al., 2001]) dressent ainsi un tat de lart des diffrentes recherches qui ont pu tre menes concernant la durabilit des PRF, notamment sous des conditions climatiques svres, telles quelles peuvent ltre au Canada (les quipes de recherche canadiennes ont ainsi t parmi les premires traiter les problmatiques de gel-dgel des matriaux composites ([Green et al., 2000])). Il faut en effet tre capables davoir un certain recul quand aux proprits long terme des matriaux composites eux-mmes, ainsi que de leur application sur site. Dans cette optique la durabilit des interfaces de collage bton/composite soumises un vieillissement acclr a galement t tudie ([Chataigner et al., 2010a]), cette interface de collage tant le point critique de la technique de rhabilitation, notamment lorsquelle est soumise des conditions telles que des cycles de gel-dgel, un environnement humide, des tempratures leves, etc. Les campagnes dessais menes indiquent ainsi une volution du mode

  • Chapitre 1 : tude bibliographique 40

    de rupture lorsque les joints composite/bton sont soumis des conditions de vieillissement acclr ([Benzarti et al., 2010]). La durabilit des systmes de renfort a galement t tudie lors des essais mens sur des poutres en bton arm renforces par PRF et soumises diffrentes conditions environnementales telles quune atmosphre ambiante 100% dhumidit relative, une immersion en eau sale ou en solution alcaline, des cycles de gel-dgel, une atmosphre chaude et sche ou encore un gradient thermique, cha