texte cartel lestarquit images

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Or, texte du cartel de l’œuvre de Sabrina LESTARQUIT pour lexposition Jeune Création 2012 au Centquatre, Paris- http://www.sabrinalestarquit.com/ La série Or que propose Sabrina Lestarquit est un étrange mélange entre les deux champs a priori bien distincts de l’art et de la communication. Utilisant les « images esthétiquement dégueulasses » qui peuplent certains de nos journaux quotidiens, l’artiste explore de nouvelles voies pour sortir de la lecture qui nous en est imposée. Sa solution : dessiner sur le modèle. Après avoir fait subir à l’image prélevée un processus de désencrage, Sabrina Lestarquit la couvre de feuilles d’or, ne laissant apparaître qu’un seul élément sous son aspect originel. L’artiste s’immisce ainsi dans les rouages même de l’image pour la détourner : le respect du cadre initial joue ainsi un rôle dans la définition de la nouvelle image. Ce cadre, tout en appartenant à un ancien régime (communicationnel), concourt à guider le spectateur dans un nouveau champ (artistique cette fois). Mais, la mise en cadre - équivalent artistique de la mise en page communicationnelle- relève, quant à elle, du détournement. L’artiste, en surélevant le support par rapport au fond, tend à faire aller l’image vers le spectateur ; là où, au contraire, l’illustration journalistique attire à elle l’œil de ce dernier. Les caractéristiques fondamentales de l’image ne sont pas non plus épargnées : alors que la pauvreté matérielle des journaux était compensée par la densité des sujets, Sabrina Lestarquit impose la richesse matérielle de l’œuvre en contrepoids de l’épure du motif. Les hommes en chute, acteurs principaux de la photographie de journal, deviennent ainsi les éléments d’un grand tout, sorte de ballet abstrait se développant dans un éther doré. La technique de l’aplat utilisée par l’artiste agit alors comme un nouveau milieu pour l’image, et rend pensable une nouvelle lecture. La préciosité du matériaux et l’aspect figé de la technique font entrer l’image contemporaine du quotidien dans une nouvelle temporalité, difficilement définissable et flottante. Or s’oppose ainsi à l’idée d’images que l’on consomme et que l’on jette. Il s’agit alors pour Sabrina Lestarquit de questionner le statut de l’image : avec la superposition du régime de l’art à celui de la communication, le spectateur, également lecteur potentiel, pourrait être tenté de chercher la logique de l’œuvre dans le précédent régime. Mais l’esthétisation d’une image avant tout documentaire transforme cette dernière en un motif quasi décoratif ; et si le doré évoque avec acuité les enluminures moyennâgeuses, il ne faut pas espérer y trouver quelques visées didactiques, mais plutôt se laisser bercer par la nouvelle poésie qui s’en dégage. Delphine LOPEZ Or, Sabrina LESTARQUIT, 2012- Série de 12 dessins, feuilles de métal, encre de chine sur journal désencré, papier vergé, dimensions variables, (cadres d'environ 35x40cm)

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Page 1: Texte Cartel Lestarquit images

Or, texte du cartel de l’œuvre de Sabrina LESTARQUIT pour l’exposition Jeune Création 2012 au

Centquatre, Paris- http://www.sabrinalestarquit.com/

La série Or que propose Sabrina Lestarquit est un étrange mélange entre les deux champs a priori bien distincts de l’art et de la communication. Utilisant les « images esthétiquement dégueulasses » qui peuplent certains de nos journaux quotidiens, l’artiste explore de nouvelles voies pour sortir de la lecture qui nous en est imposée. Sa solution : dessiner sur le modèle. Après avoir fait subir à l’image prélevée un processus de désencrage, Sabrina Lestarquit la couvre de feuilles d’or, ne laissant apparaître qu’un seul élément sous son aspect originel. L’artiste s’immisce ainsi dans les rouages même de l’image pour la détourner : le respect du cadre initial joue ainsi un rôle dans la définition de la nouvelle image. Ce cadre, tout en appartenant à un ancien régime (communicationnel), concourt à guider le spectateur dans un nouveau champ (artistique cette fois). Mais, la mise en cadre - équivalent artistique de la mise en page communicationnelle- relève, quant à elle, du détournement. L’artiste, en surélevant le support par rapport au fond, tend à faire aller l’image vers le spectateur ; là où, au contraire, l’illustration journalistique attire à elle l’œil de ce dernier. Les caractéristiques fondamentales de l’image ne sont pas non plus épargnées : alors que la pauvreté matérielle des journaux était compensée par la densité des sujets, Sabrina Lestarquit impose la richesse matérielle de l’œuvre en contrepoids de l’épure du motif. Les hommes en chute, acteurs principaux de la photographie de journal, deviennent ainsi les éléments d’un grand tout, sorte de ballet abstrait se développant dans un éther doré. La technique de l’aplat utilisée par l’artiste agit alors comme un nouveau milieu pour l’image, et rend pensable une nouvelle lecture. La préciosité du matériaux et l’aspect figé de la technique font entrer l’image contemporaine du quotidien dans une nouvelle temporalité, difficilement définissable et flottante. Or s’oppose ainsi à l’idée d’images que l’on consomme et que l’on jette. Il s’agit alors pour Sabrina Lestarquit de questionner le statut de l’image : avec la superposition du régime de l’art à celui de la communication, le spectateur, également lecteur potentiel, pourrait être tenté de chercher la logique de l’œuvre dans le précédent régime. Mais l’esthétisation d’une image avant tout documentaire transforme cette dernière en un motif quasi décoratif ; et si le doré évoque avec acuité les enluminures moyennâgeuses, il ne faut pas espérer y trouver quelques visées didactiques, mais plutôt se laisser bercer par la nouvelle poésie qui s’en dégage.

Delphine LOPEZ

Or, Sabrina LESTARQUIT, 2012- Série de 12

dessins, feuilles de métal, encre de chine sur

journal désencré, papier vergé, dimensions

variables, (cadres d'environ 35x40cm)

Page 2: Texte Cartel Lestarquit images

Or, Sabrina LESTARQUIT, 2012- Série de 12 dessins, feuilles de métal, encre de chine sur journal désencré, papier vergé,

dimensions variables, (cadres d'environ 35x40cm)