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 Séance n°5 : SPA/SPIC  I ± LA DISTINCTION SPA/SPIC  INTRODUCTION A titre d¶introduction, commençons par faire un rappel historique de la naissance de la notion de SPIC. Historiquement, l ¶apparition des SPIC est l¶aboutiss ement d¶un long  processus de reconnaissance des cas de gestion privée dans l¶action administrative. Cette idée se retrouve i mplicitement dans les c onclusions du Commissaire du gouvernement David sur l¶arrêt T.C., Blanco de 1873, et est développée réellement dans les conclusions du commissaire du gouvernement Romieu sur l¶arrêt C.E., Terrier de 1903 . Le premier à avoir défendu cette idée de gestion privée par la personn e publique reste Maurice Hauriou, lequel énonçait dans son précis de droit administratif, citation reprise dans l¶article de Bertrand Seiller, que « Le développement de l¶activité administrative, pendant et depuis la guerre, a montré qu¶il pouvait êt re utile, pour le fonction nement des  services publics ou des entreprises d¶intérêt public, d¶user, d¶une façon plus large, parallèlement aux moyens et procédés de gestion publics, de moyens et de  procédés de gestion privés ». La distinction SPA/SPIC date de l¶arrêt du 22 janvier 1921, rendu par le Tribunal des conflits, l¶arrêt Société commerciale de l¶Ouest africain , plus connu sous le nom de Bac d¶Eloka. L¶express ion n¶appar aîtra en revanche textuellement dans la jurisprudence qu¶avec un arrêt du Conseil d¶Etat du 23 décembre 1921, Société générale d¶armement. Selon le commissaire du Gouv ernement Matter, doit être opérée une distinction au sein des activités des  personnes publiqu es, au regard de la loi des 16-24 août 1790, entre les activités de l¶Etat qui correspondent à ses « fonctions naturelles » et celles qu¶il n¶exerce que de façon « accidentelle ». Dans son esprit, les premi ères correspondent essentiellement aux fonctions régaliennes ou directement liées à la souveraineté et à la nature de l¶Etat : défense nationale, impôts, voies de communication, éducation« Matter les appelle les « services par essence d¶o rdre admin istratif ». A côté de ces activités naturelles il existe, selon Matter, des activités qui, par leur objet, ressemblent à des activités de nature privée, notamment à des

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Séance n°5 : SPA/SPIC

 I ± LA DISTINCTION SPA/SPIC 

 INTRODUCTION 

A titre d¶introduction, commençons par faire un rappel historique de la

naissance de la notion de SPIC.

Historiquement, l¶apparition des SPIC est l¶aboutissement d¶un long

 processus de reconnaissance des cas de gestion privée dans l¶action

administrative. Cette idée se retrouve implicitement dans les conclusions du

Commissaire du gouvernement David sur l¶arrêt T.C., Blanco de 1873, et estdéveloppée réellement dans les conclusions du commissaire du gouvernement

Romieu sur l¶arrêt C.E., Terrier de 1903. Le premier à avoir défendu cette idée

de gestion privée par la personne publique reste Maurice Hauriou, lequel

énonçait dans son précis de droit administratif, citation reprise dans l¶article de

Bertrand Seiller, que « Le développement de l¶activité administrative, pendant et 

depuis la guerre, a montré qu¶il pouvait être utile, pour le fonctionnement des

 services publics ou des entreprises d¶intérêt public, d¶user, d¶une façon plus

large, parallèlement aux moyens et procédés de gestion publics, de moyens et de

 procédés de gestion privés ».

La distinction SPA/SPIC date de l¶arrêt du 22 janvier 1921, rendu par le

Tribunal des conflits, l¶arrêt Société commerciale de l¶Ouest africain, plus

connu sous le nom de Bac d¶Eloka. L¶expression n¶apparaîtra en revanche

textuellement dans la jurisprudence qu¶avec un arrêt du Conseil d¶Etat du 23

décembre 1921, Société générale d¶armement. Selon le commissaire du

Gouvernement Matter, doit être opérée une distinction au sein des activités des

 personnes publiques, au regard de la loi des 16-24 août 1790, entre les activités

de l¶Etat qui correspondent à ses « fonctions naturelles » et celles qu¶il n¶exerceque de façon « accidentelle ». Dans son esprit, les premières correspondent

essentiellement aux fonctions régaliennes ou directement liées à la souveraineté

et à la nature de l¶Etat : défense nationale, impôts, voies de communication,

éducation« Matter les appelle les « services par essence d¶ordre administratif ».

A côté de ces activités naturelles il existe, selon Matter, des activités qui, par 

leur objet, ressemblent à des activités de nature privée, notamment à des

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activités de commerce et de l¶industrie. Elles concourent, certes, à l¶intérêt

général, mais ne sont prises en charge par des personnes publiques qu¶en raison

d¶une défaillance ou d¶une insuffisance de l¶initiative privée. De telles activités,

qui sont des activités « accidentelles » de l¶Etat, n¶entrent pas dans ses fonctions

naturelles et sont, en conséquence, soumises au droit privé et à la compétence judiciaire. Matter résume tout cela dans la formule suivante : « C ertains services

 sont de la nature, de l¶essence même de l¶Etat ou de l¶administration publique ;

il est nécessaire que le principe de séparation des pouvoirs en garantisse le

 plein exercice, et leur contentieux sera de la compétence administrative.

 D¶autres services, au contraire, sont de nature privée, et s¶ils sont entrepris par 

l¶Etat, ce n¶est qu¶occasionnellement, accidentellement, parce que nul 

 particulier ne s¶en est chargé, et qu¶il importe de les assurer dans un intérêt 

 général ; les contestations que soulève leur exploitation ressortissent 

naturellement de la juridiction de droit commun ». Ce n¶est qu¶en 1933 que leTribunal des conflits reprendra à son compte cette expression de SPIC, dans sa

 jurisprudence en date de 1933, l¶arrêt Dame Mélinette, à propos du service de

ramassage des ordures ménagères.

Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement Matter estime que

 pour ce qui est des activités exercées accidentellement par la puissance publique,

elles ne méritent pas le qualificatif de service public. Il y aurait donc une

opposition dans son esprit entre le service public, assimilé aux seules activités

régaliennes, naturelles de l¶Etat, soumises au droit administratif et les autres, quiseront soumises au droit commun, et n¶étant pas des services publics. Cela

traduit l¶idée que Matter est imprégné de l¶idéologie libérale. Pour lui,

l¶application du droit commun aux activités exercées par la puissance publique

est une sanction, on va la punir d¶être sortie de son champ balisé de compétence

en lui appliquant les règles du droit commun, en la soumettant à la juridiction du

 juge judiciaire. Or, cette conception est aujourd¶hui absolument dépassée, la

 puissance publique préfère bien souvent être soumise au droit commun car il est

 plus souple, le droit administratif plus lourd, plus rigide. Et c¶était sans compter 

de la part de Matter la prise en compte du caractère évolutif de la notion deService public. Le Tribunal des conflits va retenir une solution un peu différente,

il opère il est vrai une distinction entre ces activités naturelles et accidentelles si

l¶on veut, mais il la dépasse, toutes ces activités seront des activités de service

 public, pour autant qu¶elles répondent aux conditions de reconnaissance d¶une

telle activité. La distinction SPA/SPIC est donc posée. Cet arrêt est donc

révolutionnaire et à juste titre, car il introduit la pénétration du droit privé dans

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le droit des services publics. L¶application du droit administratif n¶est plus la

conséquence directe de la présence d¶une activité de service public, mais une

activité de service public peut, désormais, entraîner, du fait de son objet,

l¶application du droit privé et la compétence du juge judiciaire. Cette

 jurisprudence a été relativement mal appréciée par les tenants de l¶Ecole duService Public et notamment Léon Duguit, pour lequel SP = Droit administratif.

La logique binaire née en 1921 avec l¶arrêt Bac d¶Eloka a pour un temps

laissé place à une logique ternaire, l¶opposition classique entre SPA et SPIC,

ayant été complétée par l¶apparition fugace de la notion de SP social relevant de

la compétence du JJ avec l¶arrêt du Tribunal des conflits du 22 janvier 1955,

 Naliato. Le T.C. va revenir sur cette notion avec son arrêt de 1983, l¶arrêt

Gambini c/ Ville de Puteaux.

La distinction traditionnelle donc entre SPA et SPIC, pour exister, sedevait de reposer sur des critères de distinction réels et efficaces. De cette

distinction va découler des conséquences juridiques importantes notamment

dans les relations entre le Service et ses usagers, ses agents et les 1/3.

 Néanmoins, l¶existence de cette dichotomie classique entre SPA et SPIC est

aujourd¶hui décriée et elle peut sembler pour certains dépassée.

A ± La méthode de distinction

Avant que les critères de distinction soient donnés par la jurisprudence,

diverses tentatives doctrinales ont tenté de dégager un ou plusieurs critères

chargés de justifier la distinction SPA-SPIC. Matter, bien qu¶il ne reconnaissait

 pas l¶existence des SPIC faisait ainsi la part belle à une distinction entre d¶un

 part les activités régaliennes, naturelles de l¶Etat, et les activités accidentelles.

Par la suite, des juristes vont affiner leur approche. Pour Chavanon par exemple,

dans un ouvrage en date de 1939, le partage SPA/SPIC est évident, car seuls les

SPIC sont habilités à accomplir des actes de commerce. La jurisprudence n¶a

 pas retenu ce critère, pour la simple et bonne raison qu¶il est extrêmement

difficile de donner une définition arrêtée du concept d¶acte de commerce.

Bonnard en 1935, propose de se baser sur un double critère cette fois : la

satisfaction de l¶intérêt général d¶un côté, la possibilité de réaliser des bénéfices

de l¶autre Or, bien que l¶idée ait pu paraître intéressante, elle ne tiendra pas :

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en effet, Bonnard semblait avoir oublié que l¶exécution d¶un SPIC pouvait

conduire à des déficits colossaux quand l¶exécution d¶un SPA pouvait à

l¶inverse, mener parfois à générer des subsides importants. Les tentatives de

distinction par la doctrine ont donc échoué lamentablement.

La qualification de SPA ou de SPIC peut reposer sur un texte. En effet, le personne publique à l¶origine de la création du service public, peut prendre la

 peine de le qualifier. Deux hypothèses sont donc possibles :

- La qualification textuelle peut conduire à qualifier l¶activité en elle-

même de SPA ou de SPIC. Le législateur peut opérer ce travail de qualification

dans des cas d¶une extrême rareté : c¶est le cas notamment des services publics

d¶assainissement considérés avec l¶article L. 2224-11 du CGCT comme des

SPIC. Le juge sera alors tenu par la qualification issue de la loi sauf dans une

hypothèse, lorsque cette qualification législative est ambigüe : TC, 8 novembre1982, S.A. Maine-Viande. Lorsque la qualification est issue du pouvoir 

réglementaire, principalement par décret, cette qualification ne constitue qu¶un

indice pour le juge et il ne sera pas lié par cette qualification. Lorsqu¶il estimera

que la qualification donnée par le texte réglementaire ne cadre pas avec ses

 propres critères, il pourra requalifier l¶activité en cause. Pour un exemple : C.E.,

1986, Berger.

- Plus souvent, il arrive que lorsqu¶un service public est géré par un

établissement public, le législateur ou le pouvoir réglementaire prennentl¶initiative de le qualifier soit d¶EPA, soit d¶EPIC. Ces qualifications vont

encore une fois lier le juge lorsqu¶elles vont émaner d¶une loi : T.C., 1978,

Société Boulangerie de Kourou. Encore une fois, à l¶opposé, le juge ne sera

 pas lié par une qualification réglementaire. Cela peut conduire à des hypothèses

compliquées. Il existe des EP dits « à visage inversé » qui seront qualifiés par le

 pouvoir réglementaire d¶EPIC par exemple et pour lequel le juge pourra se

 permettre de les requalifier en EPA (et inversement) s¶il lui apparaît que cette

qualification est contraire aux critères jurisprudentiels : T.C., 1968, Société

« Distilleries Bretonnes ». Il existe une autre hypothèse complexe,quoiqu¶assez marginale, c¶est celle des EP à double visage, ce sont en quelque

sorte les Janus des EP. Pour un exemple, les ports autonomes cf. C.E., 1959,

Abadie. Ces EP seront qualifiés par exemple d¶EPIC par le pouvoir 

réglementaire, cependant, cette qualification ne prendra pas en compte la totalité

des fonctions que ces services peuvent remplir. Ces EP à double visage, comme

leur nom l¶indique, cumulent des activités de SPA et de SPIC. La qualification

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n¶est pas fausse pour autant elle est insuffisante. Passons aux critères

 jurisprudentiels que le juge administratif va se charger d¶appliquer 

lorsqu¶aucune qualification textuelle n¶existe ou qu¶une qualification par le

 pouvoir réglementaire existe mais qu¶elle apparaît contraire aux critères donnés

 par le juge administratif.

LES CRITERES JURISPRUDENTIELS

Ces critères ont d¶abord été dégagés par le commissaire du gouvernement

Laurent sur l¶arrêt d¶Assemblée du Conseil d¶Etat du 16 novembre 1956, Union

syndicale des industries aéronautiques. Ils ont par la suite été développés par le

commissaire du gouvernement Bertrand sans ses conclusions sur l¶arrêt C.E.,

1968, Dame Maron. Le travail d¶identification du service public par le juge

s¶effectue en deux temps : d¶abord le juge présume que tout service public est

administratif, mais vous l¶aurez bien entendu compris, cette présomption n¶est pas irréfragable et elle peut être renversée dans un second temps, si les

conditions jurisprudentielles données dans l¶arrêt USIA sont remplies. Il s¶agit

de l¶objet du service, de son mode de financement et de ses modalités

d¶organisation et de fonctionnement.

1 ± L¶objet du service

Pour que la présomption d¶administrativité du service public puisse être

renversée par le juge, il faut que celui-ci ait un objet semblable ou analogue à

celui d¶une activité privée, c¶est-à-dire une activité tournée vers l¶achat, la vente,

la production de biens ou de services. On retrouve ici un parallèle entre les

activités relevant naturellement de l¶initiative privée selon Matter et le SPIC. Ce

critère laisse une place évidente à la subjectivité chez le juge administratif.

Selon ses convictions, il pourra estimer qu¶une activité ne relève pas de la

 puissance publique mais plutôt de la sphère privée. C¶est précisément le manque

d¶objectivité généré par ce critère qui fait qu¶il ne suffit pas à reconnaître qu¶un

SP est un SPIC : T.C., 1986, Ville de Paris c/ SA Roblot dans un arrêt qui

concernait le service extérieur des pompes funèbres. Plus qu¶imprégné de

subjectivité, le critère de l¶objet du service est également contingent et évolutif.

Une activité pourra être considérée comme du ressort naturel des personnes

 privées à un moment donné puis l¶évolution de la société aidant, envisagée

comme relevant presque exclusivement de la personne publique, bien qu¶il

semble à l¶heure actuelle que ce soit plutôt l¶inverse. Malgré tous les défauts que

 je viens de relever, ce critère n¶en reste pas moins une variable importante de

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l¶identification de la nature d¶un service public cf. C.E., Avis, 2000, Mme T  

sur l¶établissement français du sang, qui gère compte tenu des missions qui lui

sont conférées, un SPA.

2 ± Le mode de financement du service

Ce critère est beaucoup moins aléatoire et infiniment plus objectif que le

 précédent. Il repose sur l¶idée d¶après laquelle la présomption d¶administrativité

ne peut être renversée quand le service est gratuit (auquel cas le SP sera toujours

considéré comme un SPA : T.C., 1973, Barbou) ou, ce qui est plus fréquent,

lorsque la redevance mise à la charge de l¶usager du service est sans rapport

avec le coût réel du service, car trop minime. Par conséquent, pour être

considéré comme un SPIC, le service doit d¶abord être financé, principalement,

 par l¶usager. Il doit en sus y avoir une adéquation minimale entre le prix

demandé à l¶usager et le coût du service (ex : les parcs de stationnementcommunaux qui, lorsqu¶ils sont gratuits, ou quasi-gratuits, sont considérés

comme des SPA : T.C., 1994, Syndicat mixte d¶équipement de Marseille). Un

service public financé pour sa part principalement par des subventions ou des

recettes fiscales ne pourra être qualifié de SPIC à moins qu¶il ne soit financé

 pour une part non négligeable par une redevance perçue sur les usagers en

fonction du degré d¶utilisation du service : C.E., 1988, SCI La Colline ».

Un exemple particulièrement intéressant là-dessus : celui du Service

d¶enlèvement des OM. Et bien sachez que pour ce service, selon la nature dufinancement, on sera soit en présence d¶un SPA, soit d¶un SPIC. Pour un

financement par une redevance = SPIC. Si taxe = SPA. Possibilité de voir un

financement de plus en plus régulier par des redevances avec une pesée des

ordures ménagères devant chaque résidence.

3 ± Les modalités d¶organisation et de fonctionnement du service

La qualification de SPIC suppose que les modalités de gestion du service

soient comparables à celles d¶une entreprise purement privée. Le juge va utiliser 

une méthode bien connue, celle du faisceau d¶indices en se servant d¶unemultitude d¶indications qui isolément, ne suffisent pas à répondre à ce critère. Le

 juge va notamment se référer à la nature publique ou privée de la comptabilité

du service, la nature des relations, commerciales ou plutôt administratives, du

service avec ses usagers ou clients, le régime juridique public ou privé du

 personnel du service, l¶environnement concurrentiel ou non du secteur dans

lequel intervient le service, le mode de gestion du service, la capacité ou la

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volonté du service de générer des bénéfices. Comme le premier critère, celui-ci

laisse au juge une large capacité d¶interprétation. Parmi tous les indices utilisés

ici par le juge, il semble qu¶il y en ait un qui prime, encore que ce soit sujet à

caution, c¶est celui de l¶équilibre financier : à lui seul il peut empêcher de

qualifier un SP de SPIC notamment si le service est gratuit.

B ± Les conséquences juridiques de la distinction

Outre des conséquences fiscales, la distinction SPA/SPIC a de multiples

incidences sur les relations entre le Service et les différents acteurs qui vont

entrer en contact avec lui. En effet, le fonctionnement de tout service public

conduit à le mettre en rapport avec trois catégories de personnes : les usagers duservice, les agents (=son personnel) et les tiers (= ceux qui entrent en contact

avec le service sans avoir la qualité des deux catégories précédentes = le reste)

1 ± Le Service public et l¶usager 

L¶usager du SP, c¶est celui qui entre en contact avec le service afin de

 bénéficier des prestations qu¶il est à même d¶offrir.

a) Les actes réglementaires (= actes à portée générale et

impersonnelle)

- si ces actes émanent de l¶organe exécutif d¶une personne publique :

administratifs par le seul jeu du critère organique

- si ces actes émanent de l¶organe exécutif d¶une personne privée gérant

un SPA ou un SPIC, ils sont en principe de droit privé. Exception : ils sont

administratifs s¶ils sont relatifs à l¶organisation ou au fonctionnement du service

et révèlent la mise en uvre de PPP : T.C., 1968, Cie Air France c/ Epoux

Barbier 

 b) Les relations individuelles

- L¶usager du SPA : lorsqu¶il est géré par une personne publique, par 

 principe, la situation individuelle de l¶usager du service est une situation légale

et réglementaire de droit public compétence du juge administratif en cas de

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litige. Si géré par une personne privée, en principe, l¶usager est lié au service par 

un lien de droit privé, de nature réglementaire ou plus fréquemment de nature

contractuelle

- L¶usager du SPIC : Le lien unissant l¶usager au SPIC est considéré

comme étant toujours de droit privé : C.E., 1961, Etablissement Companon-Rey. Cette règle de compétence est très forte car elle vaut même en cas de

dommages de travaux publics : C.E., 1958, Dame veuve Barbaza. Elle l¶est a

fortiori puisque la compétence du juge judiciaire vaut lorsque l¶usager du SPIC

est lui-même une personne publique : C.E., 2005, Ville de Dijon.

2 ± L¶agent et le Service public

a) Les agents du SPA

- En principe, l¶agent d¶un SPA géré par une personne publique dispose

de la qualité de fonctionnaire, c¶est-à-dire qu¶il a été titularisé dans un grade de

la fonction publique. Mais les services peuvent recruter du personnel par la voie

de contrats. Ainsi, si l¶agent est lié au service par un contrat, ce contrat est

toujours, sauf loi contraire, de droit public cf. T.C., 1996, Berkani

- Lorsque le SPA est géré par une PPR, l¶agent se trouve dans une

situation individuelle de droit privé cf. C.E., 1962, Chevassier

 b) Les agents du SPIC

En principe, relation de droit privé C.E., 1967, Level. Deux exceptions :

C.E., De Robert Lafrégeyre, 1923 : directeur du service et C.E., 1957,

Jalenques de Labeau : comptable public

3 ± Les tiers au service public

a) lorsque le service est géré par une personne publique

- En principe, contrats de droit public sauf contrats conclus avec

EPIC auquel cas on applique les critères jurisprudentiels du contrat administratif 

- En cas de dommages subis par les tiers du fait du service,

compétence du juge administratif, en application de l¶arrêt Blanco. La loi peut

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néanmoins tenir en échec cette compétence administrative par exemple cas des

accidents de la circulation

 b) lorsque le service est géré par une personne privée

- En principe, les contrats conclus avec les tiers sont des contrats de

droit privé cf. T.C., 1972, Solon et Barrault sauf hypothèse de mandat

- Pour ce qui est de la responsabilité de la personne privée gérant un

SPIC, en principe compétence du juge judiciaire cf. C.E., 1969, Etablissement

Delannoy. Il existe des exceptions et notamment dans le cas où le dommage

trouve sa source dans un travail ou un ouvrage public cf. C.E., 1967, Demoiselle

Labat

C ± Une distinction obsolète ?

Débat d¶idée en doctrine. Article de M. Bertrand Seiller « L¶érosion

de la distinction SPA-SPIC »

- Qu¶est-ce que M. Seiller reproche à la distinction actuelle entre SPA et

SPIC ? : Il lui reproche sa difficulté de mise en uvre, notamment pour les

responsables des services. Ils ont d¶ailleurs eux-mêmes du mal à qualifier leur 

 propre service, tant qu¶aucun litige ne les a opposés à un usager par exemple p.

2. Il estime que la distinction SPA/SPIC repose sur une ambigüité théorique quiest discutable et qui a été discutée cf. l¶Ecole du Service public + Citation de

Pierre Sandevoir : « le SPIC est à lui seul une authentique contradiction. Par 

l¶utilisation de cette notion, il est demandé à un organisme quelconque « de

 protéger l¶intérêt général tout en agissant selon les méthodes du secteur privé. A

cet organisme, il faut donc réaliser uvre altruiste avec des moyens égoïstes, il

faut se révéler puissance publique sous une allure de simple citoyen » p. 3.

Critères de distinction arrêté en 1956 soit 35 ans après l¶arrêt Bac d¶Eloka, ce

qui montre encore l¶ambigüité conceptuelle de cette distinction. D¶autant que

ces critères sont discutables et laissent une large part à la subjectivité du juge.

« Médiocre fiabilité de ces critères cumulatifs » p. 4 Aujourd¶hui, il semble que

les services ne soient plus soumis à un régime aussi tranché qu¶en 1921, régime

mixte, la distinction est souvent instrumentalisée au profit de l¶utilisation par la

 personne publique du droit commun volontairement pour sa souplesse.

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Impossibilité pour le juge de requalifier des services qualifiés par le législateur 

p. 5 Effacement progressive de la frontière entre droit public et droit privé p. 6

- Qu¶est-ce qu¶il propose ? Rapprochement avec la conception communautaire

et volonté de privilégier la notion d¶entreprise p. 7 Repartir des éléments

fondateurs. « Aujourd¶hui le SPIC doit plutôt être présenté comme uneentreprise présentant les caractères d¶un service public que l¶inverse » p. 8. Pour 

autant, selon M. Seiller, il ne s¶agit pas de revenir sur une dichotomie

traditionnelle entre d¶une part application du droit privé et de l¶autre application

du droit administratif, il convient de repartir des critères de base pour redessiner 

la présentation générale et faciliter le travail de qualification.

 II ± SPIC et concurrence

Cette partie traite en somme de l¶intervention économique de la puissance

 publique. Les activités commerciales sont en principe réservées à l¶initiative

 privée. Le JA a à l¶origine adopté une attitude restrictive et a vu d¶un mauvais

il cet interventionnisme économique de la puissance publique. Il a tout d¶abord

réservé à des hypothèses exceptionnelles les interventions des collectivités

territoriales en ce domaine, en se fondant sur les principes du libéralisme

économique (loi d¶Allarde) cf. C.E., 1901, Casanova. Il a par la suite

 progressivement assoupli sa jurisprudence, en admettant que cette intervention

était possible en cas de circonstances « particulières » de temps et de lieu, si unintérêt public justifie l¶intervention. Les circonstances exigées par le juge

naissaient de la carence ou de la défaillance de l¶initiative privée, qu¶elle soit

quantitative ou qualitative. Pour un arrêt fondateur en la matière : C.E., 1930,

Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers. Le C.E. a encore

assoupli sa jurisprudence par la suite, en admettant diverses interventions

économiques publiques, notamment dans le domaine des services : légalité de la

création d¶un cabinet dentaire : C.E., 1964, Ville de Nanterre. L¶action

économique des personnes publiques est aujourd¶hui admise par la juridiction

administrative dans son principe même, mais dans les conditions suivantes : les

 personnes publiques sont chargées d¶assurer les activités nécessaires à la

réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient

à cette fin de PPP ; en outre, si elles entendent, indépendamment de ces

missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent

légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de

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l¶industrie que du droit de la concurrence (pour un arrêt fondateur en ce qui

concerne l¶application du droit de la concurrence aux personnes publiques :

C.E., 1997, Million-et-Marais) ; à cet égard, pour intervenir sur un marché par 

essence concurrentiel, elles doivent non seulement agir dans la limite de leurs

compétences, mais également justifier d¶un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l¶initiative privée ; une fois admise dans son

 principe, une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles

qu¶en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne

 publique par rapport aux autres opérateurs agissant sur le même marché, elle

fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci cf. C.E. ass., 2006, Ordre

des avocats au barreau de Paris. Un arrêt a tout récemment admis que la place

de la carence ou de l¶insuffisance de l¶initiative du secteur privé ne saurait plus

être regardée aujourd¶hui comme une condition nécessaire de l¶intervention sur 

un marché cf. C.E., 5 juillet 2010, Syndicat national des Agences de Voyage.En tout état de cause, les interventions des collectivités territoriales doivent,

sous peine d¶illégalité, se rapporter à des affaires de leur compétence : C.E.,

1997, Département de l¶Oise. Il existe des cas pour lesquels la personne

 publique sera libre d¶intervenir économiquement :

- lorsque l¶activité constitue « le complément normal et nécessaire de

l¶activité principale » : C.E., 1959, Delansorme

- lorsque la personne publique va satisfaire par ses propres moyens, au

 besoin de ses services : C.E., 1970, Unipain