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Le Diable et le bon Dieu Visions du Jugement Dernier dans la littérature et l’architecture du Moyen-âge Déroulement de la séquence Introduction : Il est important d’expliquer dès le départ aux élèves l’objectif final de la séquence : une visite à la cité de l’Architecture et du Patrimoine (ou autre ressource locale : musée, église…), au cours de laquelle ils devront répondre en équipe à un questionnaire assez pointu sur l’art chrétien médiéval, comme de véritables petits historiens de l’art. Pour cela, le professeur va étudier avec eux un certain nombre de textes et d’œuvres en rapport avec la religion chrétienne. Il ne s’agit évidemment pas de faire un cours de catéchisme, mais d’aborder l’art religieux du point de vue d’un historien. Plusieurs points de cette séquence peuvent être traités conjointement avec le professeur d’ Arts plastiques et le professeur d’Histoire. Séance 1 (lecture et histoire de l’art) : Images de la vie du Christ dans la peinture du Moyen Age et de la Renaissance. Objectifs - Connaître les principaux épisodes de la vie de Jésus dans l’Évangile (lecture) - Mettre en place les pré-requis nécessaires à l’étude de l’art religieux (histoire de l’art) Supports Fiche élève – Les épisodes marquants de la vie de Jésus (document Word) Diaporama – Images de la vie du Christ dans la peinture du Moyen Age et de la Renaissance (présentation Powerpoint in documents professeur)) Il est impossible d’étudier l’art européen – et à plus forte raison l’art médiéval – sans avoir quelques connaissances rudimentaires de l’Évangile et de la vie de Jésus. La plupart de nos élèves ne possèdent pas ces notions, ou de façon très confuse. Pour pallier ce manque, la première séance propose de revoir de la manière la plus ludique possible les épisodes marquants de la vie du Christ, à travers leur représentation dans l’art pictural chrétien. 1

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Le Diable et le bon DieuVisions du Jugement Dernier dans la littérature et l’architecture du Moyen-âge

Déroulement de la séquence

Introduction : Il est important d’expliquer dès le départ aux élèves l’objectif final de la séquence : une visite à la cité de l’Architecture et du Patrimoine (ou autre ressource locale : musée, église…), au cours de laquelle ils devront répondre en équipe à un questionnaire assez pointu sur l’art chrétien médiéval, comme de véritables petits historiens de l’art. Pour cela, le professeur va étudier avec eux un certain nombre de textes et d’œuvres en rapport avec la religion chrétienne. Il ne s’agit évidemment pas de faire un cours de catéchisme, mais d’aborder l’art religieux du point de vue d’un historien. Plusieurs points de cette séquence peuvent être traités conjointement avec le professeur d’Arts plastiques et le professeur d’Histoire.

Séance 1 (lecture et histoire de l’art) : Images de la vie du Christ dans la peinture du Moyen Age et de la Renaissance.

Objectifs- Connaître les principaux épisodes de la vie de Jésus dans l’Évangile (lecture)- Mettre en place les pré-requis nécessaires à l’étude de l’art religieux (histoire de l’art)

Supports• Fiche élève – Les épisodes marquants de la vie de Jésus (document Word)• Diaporama – Images de la vie du Christ dans la peinture du Moyen Age et de la Renaissance (présentation Powerpoint in documents professeur))

Il est impossible d’étudier l’art européen – et à plus forte raison l’art médiéval – sans avoir quelques connaissances rudimentaires de l’Évangile et de la vie de Jésus. La plupart de nos élèves ne possèdent pas ces notions, ou de façon très confuse. Pour pallier ce manque, la première séance propose de revoir de la manière la plus ludique possible les épisodes marquants de la vie du Christ, à travers leur représentation dans l’art pictural chrétien.

On peut commencer la séance par une petite mise en commun à l’oral des épisodes de la vie de Jésus que connaissent les élèves de la classe. On peut ensuite leur distribuer le premier document.Pour plus de facilité, l’histoire du Christ a été divisée en deux parties : sa vie et sa « passion1 ». Dans un premier temps, les élèves doivent lire le document puis redonner leur titre à chaque épisode.

Le professeur leur propose ensuite de regarder un diaporama (également divisé en deux parties), qui présente les épisodes de la vie du Christ dans le désordre. Les élèves devront reconnaître les différentes scènes présentées et les nommer (en reprenant les titres de leur fiche).

1. La passion (du mot latin passio, issu du verbe patior : « souffrir », « endurer », « éprouver ») désigne ici l’ensemble des souffrances endurées par le Christ avant sa mort et racontées dans le Nouveau Testament.

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On peut proposer cette activité sous forme de jeu : le premier élève qui identifie l’épisode et le nomme correctement gagne un point. Celui qui remporte le plus de points remporte la partie (et éventuellement une récompense laissée à l’appréciation du professeur)

Séance 2 (lecture et histoire de l’art) : Le diable polymorphe.

Objectifs- Lire ou relire des textes fondateurs (lecture – rappels de la classe de 6ème)- Découvrir un genre littéraire médiéval : le conte moral (lecture)- Familiariser les élèves avec les différentes représentations du diable dans la littérature et la peinture (histoire de l’art)- Faire le portrait d’un diable médiéval (expression écrite)

Support• Textes – Le diable dans la Bible et au Moyen Age (document Word) - Textes fondateurs : extraits de l’Ancien Testament (la Genèse, les livres d’Esaïe et d’Ezéchiel) et du Nouveau Testament (l’Apocalypse). - Textes médiévaux : extraits de la Légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe siècle)

N.B. L’objectif n’est pas ici de faire une lecture analytique des textes, mais d’en dégager les idées générales et de donner aux élèves des références culturelles.

PréparationOn demandera tout d’abord aux élèves de lire les textes A, B, C ; un questionnaire (fourni) peut guider le travail..

Leçon : Le diable polymorphe

IntroductionLe Diable, l’incarnation du Mal pour les chrétiens, est un être polymorphe (des racines grecques poly- = « plusieurs » et –morphe = « forme » → « qui peut prendre plusieurs formes ») qui se déguise pour mieux tromper les hommes. Il revêt donc différentes apparences en fonction des œuvres dans lesquelles on le trouve.

I. Dans la Bible

• Dans la Genèse - Texte A, le premier livre de la Bible, le diable est présenté sous la forme du serpent, le « séducteur », le « tentateur ». En faisant croire à Eve qu’elle deviendra « comme Dieu » (l.14), le diable la convainc de goûter du fruit de l’arbre de la connaissance et d’en faire manger à son mari Adam. Le diable est donc responsable du péché originel, qui vaudra à Adam et Eve d’être chassés du jardin d’Eden et de perdre la vie éternelle… C’est également lui qui conteste la toute puissance de Dieu, et son droit de décider des règles de l’univers…

• Dans l’Ancien Testament - Texte B, certains prophètes (Ésaïe et Ezéchiel)2 reviennent sur ce qu’était le diable avant de se rebeller contre Dieu : dans la Vulgate, Saint Jérôme le nomme

2. Si on replace ces deux passages bibliques dans leur contexte, on se rend compte qu’il s’agit en fait d’un avertissement de Dieu au roi de Babylone, condamné pour sa volonté de s'élever au-dessus de sa condition d'homme et de dépasser Dieu.

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Lucifer3 (du latin lux, lucis = « la lumière » + fere : « porter » → « le porteur de lumière »). C’était l’un des anges de Dieu, un chérubin magnifique, parfait, mais qui pécha par orgueil. Par conséquent, Dieu le chassa du paradis (symbolisé dans le texte par « Eden le jardin de Dieu » ou « la montagne sainte de Dieu » - l.9, 20) et le condamna à être « dévoré par le feu » (l.25, 26) et à devenir « un objet d’épouvante » (l.30). Cela annonce déjà ce que sera l’image du diable au Moyen-âge…

• Dans l’Apocalypse4 - Texte C (le dernier livre de la Bible, qui annonce ce que sera « la fin des temps »), le diable est présenté comme un dragon monstrueux, avec sept têtes et dix cornes ornées de diadèmes, au faîte de sa puissance. Sa queue précipite sur terre « des étoiles du ciel » (l.4), qui peuvent symboliser les anges déchus qu’il a acquis à sa cause. Saint Jean annonce qu’après un long combat, le diable sera vaincu par l’archange Michel et précipité sur terre, avant d’être jeté dans « l’étang de feu et de soufre » (l.19, 20 - périphrase qui désigne vraisemblablement l’Enfer) pour y souffrir des tourments éternels.

On demandera ensuite aux élèves de lire les derniers textes (D, E) chez eux et de répondre aux questions.

II. Au Moyen Age

On trouve assez peu de portraits du diable dans la littérature du Moyen Age, alors qu’il est très souvent représenté dans la peinture et la sculpture médiévales. Les démons sont pourtant fréquemment mentionnés dans les contes moraux et les récits hagiographiques (qui racontent la vie des saints chrétiens), comme ceux que l’on trouve dans la Légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe siècle).

• Dans le Texte D, l’auteur explique que les démons sont bloqués entre le Ciel (d’où ils ont été chassés selon le texte de l’Apocalypse) et la Terre, où ils descendent de temps en temps, avec la permission de Dieu, pour « éprouver les hommes. »5 Il les compare même à des « mouches » innombrables dans l’air que nous respirons (l.14). Cette comparaison est intéressante puisque la mouche (animal maléfique associé à la mort et à la putréfaction) est le symbole de Belzébuth (l’un des noms du diable, du phénicien Baal Zebub : « le seigneur des mouches »).

• Dans le Texte E, Satan écoute les rapports d’activités de ses démons envoyés sur Terre. Ces derniers sont présentés comme responsables des catastrophes qui frappent l’humanité : les guerres (l.6), les tempêtes (l.15), les meurtres (l.24). Malgré leurs exploits, Satan fait frapper ses serviteurs, estimant qu’ils ont mis trop de temps à commettre leurs méfaits ! En revanche, il récompense un diable qui a mis quarante ans avant de faire succomber un moine au « péché de chair ».6 La mission des démons est donc claire : détourner le plus d’hommes possibles de Dieu et les amener à pécher pour récupérer leurs âmes en Enfer !

On peut ensuite proposer aux élèves un diaporama sur les représentations du diable au Moyen Age.

3. Dans d’autres traductions plus récentes et plus exactes que celle de Saint Jérôme, la périphrase « l’étoile du matin » a été préférée au nom Lucifer.4. Apokalupsis en grec désigne le fait de « lever le voile », une « révélation ». 5. L’idée est très importante au Moyen Age : le Bien est supérieur au Mal. Les démons n’existent que parce que Dieu le veut bien. Leurs méfaits servent à affermir les chrétiens dans leur foi.6. La structure très simple de ce récit peut être rapprochée de celle d’un conte (récits successifs des 3 diables → punitions / récit du dernier diable → récompense).

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Support• Diaporama – Représentations du diable au Moyen Age (présentation Powerpoint)

Expression écriteEn vous inspirant des peintures médiévales que vous avez vues dans le diaporama, faites le portrait d’un démon particulièrement effrayant. Votre texte devra être rédigé à l’imparfait.

Séance 3 (lecture) : Le fabliau ou l’art d’être irrévérencieux… même envers le diable !

Objectifs- Familiariser les élèves avec la langue médiévale : leur faire remarquer les changements et les évolutions qui ont eu lieu entre l’ancien français et le français moderne (vocabulaire – introduction de la séance 4)- Découvrir un genre littéraire médiéval : le fabliau (lecture)- Revoir la visée du discours explicatif (rappels sur le conte étiologique – rappels de 6ème)

Support• Document élève – Le pet du Vilain de Rutebeuf (document Word)

Il est conseillé de lire le fabliau avec les élèves en classe avant de leur donner à faire les questions de préparation.

N.B. Cette découverte d’un texte dans sa version médiévale originale peut faire l’objet d’un petit point sur la prononciation de l’ancien français (« R » roulés, prononciation de toutes les lettres, etc.), suivi de lecture du texte par les élèves à haute voix.

Leçon : Le fabliau ou l’art d’être irrévérencieux… même envers le diable !

I. L’évolution de la langue française

Ce fabliau a été écrit au XIIIe siècle, au Moyen Age, en ancien français. De nombreux mots sont encore reconnaissables, même si leur orthographe a changé aujourd’hui. D’autres mots en revanche ont complètement disparu : empereillier, laianz, cuide…7

Le sens des mots a également évolué au cours des siècles. Par exemple, le nom vilain, qui désignait simplement un paysan à l’origine (mot issu du bas latin villanus, c'est-à-dire l’habitant de la villa : « la ferme »), a pris peu à peu une forte connotation péjorative en raison du mépris que les paysans inspiraient aux seigneurs au Moyen Age. De nos jours, le mot renvoie ainsi à une personne laide et/ou méchante.

Enfin, certains mots issus du latin ont même donné plusieurs mots différents dans la langue française. Par exemple, le mot latin potionem (« potion ») a évolué petit à petit pour donner en ancien français le nom poizon (ou poison) qui a pris par la suite un sens négatif (« substance pouvant provoquer la mort. »). Au XVIe siècle, les savants ont repris le latin potionem pour

77. Il est possible que des élèves relèvent d’autres mots qu’ils ne reconnaissent pas, comme mauffeiz, traduit par « démon », mais qui correspond au français moderne « mauvais ». On peut les faire réfléchir sur la difficulté de faire une traduction littérale d’un texte en ancien français.

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créer le mot français potion, de sens positif (« médicament à boire »). C’est ce qu’on appelle un doublet.

En raison de toutes ces évolutions8, il est aujourd’hui nécessaire de traduire les textes du Moyen Age en français moderne, en les adaptant à la langue actuelle.

II. La forme du fabliau

L’auteur de ce texte, Rutebeuf (1230 ?-1285), était jongleur. Au Moyen Age, les jongleurs (également appelés ménestrels, trouvères ou troubadours) étaient des amuseurs publics qui voyageaient de château en château pour distraire les seigneurs en leur récitant des poèmes, des chansons de geste ou des fabliaux, en s’accompagnant parfois de musique.

Rutebeuf a donc écrit ce fabliau en octosyllabes (vers qui contiennent 8 syllabes) avec des rimes suivies (AA / BB), ce qui lui permettait de le mémoriser plus facilement pour le réciter ensuite en public.

Les jongleurs avaient souvent l’habitude d’interpeller directement les spectateurs pour raviver leur attention. On en trouve deux exemples dans ce fabliau : « Ici je vous dis bien la vérité. » et « Vous en avez entendu la raison. » (lignes 4 et 22 → utilisation du pronom personnel de 2ème personne du pluriel)

III. Un récit explicatif humoristique

Le thème de ce fabliau est très grossier ou scatologique (« qui se rapporte aux excréments ») : on y parle en effet du pet d’un vilain qui empuantit l’enfer, en utilisant plusieurs mots appartenant à un niveau de langue très familier : « cul » (ligne 7) et « chier » (ligne 17). Ce genre d’humour, plutôt étonnant – voire choquant – de nos jours, était très apprécié au Moyen Age !

Sous ses aspects provocants, ce fabliau permettait toutefois au public de rire des démons, qui sont pourtant extrêmement craints au Moyen Age. Le diable qui croit emporter l’âme du vilain est présenté comme un incapable qui se trompe de « sortie »… Il échoue lamentablement dans sa mission et ramène en Enfer un pet infect, dont la puanteur insupportable sème une belle pagaille parmi les autres démons ! Ce fabliau dédramatise complètement la conception médiévale de l’enfer et de la damnation.

L’histoire se donne enfin une fausse valeur étiologique9 religieuse, en prétendant expliquer pourquoi les vilains se voient même refuser l’entrée de l’enfer10. Cette idée ne fait évidemment pas partie de la doctrine de l’Eglise : il s’agit surtout pour Rutebeuf d’un nouveau prétexte pour caricaturer grossièrement les paysans et faire rire les seigneurs auxquels il récitait ses fabliaux…

Séance 4 (étude de la langue - vocabulaire) : Petite histoire de la langue française.

Objectifs : Étudier la formation et l’évolution des mots de la langue française.- le fonds primitif du français (latin, celtique, germanique)- l’évolution phonétique jusqu’à l’ancien français (la « formation populaire »)- l’absence d’orthographe au Moyen Age- l’évolution du sens des mots

8. Ces premières remarques sur l’évolution de la langue française ne constituent qu’une introduction à une leçon de vocabulaire plus développée sur l’histoire du français : fond primitif, évolution phonétique, fixation de l’orthographe, doublets, emprunts, etc.9. La fonction étiologique du récit a pu être abordée en classe de 6ème, lors de l’étude des contes : « qui explique la cause d’un fait. »10. Le fait que les vilains soient aussi refusés au Paradis pourra être abordé par l’étude du fabliau Le vilain qui conquit le Paradis en plaidant.

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- la création de nouveaux mots au XVIe siècle (la « formation savante ») ; les doublets- les emprunts aux langues étrangères

SupportLaissé à l’appréciation du professeur.

Cette séance de vocabulaire – comme les autres séances d’étude de la langue de cette séquence – n’a volontairement pas été développée. En effet, on trouve de nombreux supports intéressants (leçons et exercices) dans la plupart des manuels de 5ème.

Séance 5 (lecture) : Visions du Jugement Dernier.

Objectifs :- Donner du sens à un texte fondateur symbolique grâce à un commentaire exégétique médiéval (lecture)- Savoir ce qu’est le « Tétramorphe » et ce qu’il représente (histoire de l’art – introduction de la séance 6)- Distinguer la représentation canonique du Jugement Dernier dans l’Apocalypse de sa conception populaire au Moyen Age : « la pesée des âmes » (lecture / histoire de l’art)

Support• Textes – Visions du Jugement Dernier (document Word)- Texte fondateur : extrait de l’Apocalypse de Saint Jean (« Le Christ en majesté »)- Textes médiévaux : extraits de la Légende dorée de Jacques de Voragine

N.B. Là encore, les textes ne sont pas destinés à faire l’objet de lectures analytiques poussées.

Leçon : Visions du Jugement Dernier

I. Le Christ en majesté dans l’Apocalypse (Texte A)

Dans le dernier livre de la Bible, Saint Jean a une « révélation » sur ce que sera « la fin des temps ». Sa vision est surnaturelle : il se retrouve emmené « par le (Saint) Esprit » (l.1) devant un trône céleste fantastique, d’où sortent « des éclairs, des voix et des tonnerres. » (l.3, 4). Celui qui se tient sur le trône n’est pas un être humain mais divin (son aspect est comparé à celui de pierres précieuses) : il s’agit du Christ en majesté, auréolé de gloire11.Il est entouré de vingt-quatre anciens couronnés, tenant des harpes et des coupes en or, et de quatre créatures ailées : un homme, un lion, un aigle et un taureau. Cette description a bien sûr une valeur symbolique : d’après la Légende dorée (texte B), les 4 créatures (généralement désignées sous le terme « Tétramorphe » - du grec tétra- = « quatre » + -morphe = « forme ») représentent les quatre évangélistes qui racontèrent la vie de Jésus (Matthieu, Marc, Jean et Luc). D’après d’autres commentateurs médiévaux, les 24 anciens évoquent quant à eux les 24 livres de l’Ancien Testament.12

Le Christ revient pour juger l’humanité toute entière : les morts sont donc ressuscités (l.32, 33), pour vérifier que leur nom est inscrit « dans le livre de vie », en fonction de « leurs 11. C’est ce qu’on appelle la parousie (du grec parousia : « présence », « arrivée ») : le retour du Christ en gloire au moment du Jugement Dernier.12. L’Ancien Testament compte aujourd’hui 39 livres, mais au Moyen-âge, le compte des livres n’était pas le même, et on n’en comptait que 24. Par exemple, les 12 livres des « Petits Prophètes » étaient considérés comme un tout.

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œuvres » (c'est-à-dire ce qu’ils ont fait au cours de leur vie). Si leur nom n’est pas trouvé, ils sont projetés dans « l’étang de feu » (l’Enfer), où ils rejoignent le diable.

II. La pesée des âmes (Texte B)

La vision du Jugement dernier au Moyen Age est un peu différente, comme le montre ce conte moral tiré de la Légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe siècle) : Simon, un receveur d’impôt avare, se voit en rêve comparaître devant le « tribunal suprême » (l.22, 23) : ses péchés sont amoncelés sur l’un des plateaux d’une balance par des « diables tout noirs » (l.24), tandis que les anges ne trouvent à mettre sur leur plateau qu’un « pain de seigle » (de moindre qualité) que Simon avait jeté de colère à un mendiant pour le chasser. Transformé par cette vision, Simon décide à son réveil de vendre tous ses biens pour les distribuer aux pauvres : en effet, selon l’Évangile, faire un don aux plus démunis revient à faire un don au Christ lui-même13. Cette histoire met en garde contre l’avarice (l’un des 7 péchés capitaux), et recommande au contraire la largesse (« la générosité »), vertu essentielle au Moyen-âge.Le thème de la pesée des âmes (ou psychostasie) n’est pas vraiment biblique. On en trouve l’origine dans la mythologie égyptienne, où Anubis pèse le cœur des défunts pour décider s’ils rejoindront le séjour d’Osiris ou seront engloutis par Ammout, « la dévoreuse ». Malgré son origine païenne, cette représentation du Jugement dernier aura beaucoup de succès au Moyen-âge, et sera fréquemment représentée sur les tympans des églises romanes ou gothiques.

Séance 6 (histoire de l’art) : Le tympan de l’abbaye Saint-Pierre de Moissac.

Objectifs- Étudier la composition d’un tympan gothique roman (histoire de l’art)- Faire le lien entre un thème littéraire et sa représentation architecturale (lecture / histoire de l’art) : montrer que les églises et cathédrales du Moyen Age sont de véritables « Bibles de pierre ».

Supports• Fiche élève - Analyse du tympan de l’abbaye Saint-Pierre de Moissac (document Word)• Diaporama - Analyse du tympan de l’abbaye Saint-Pierre de Moissac (présentation Powerpoint)

Le document distribué aux élèves est une fiche lacunaire sur la composition du tympan, que les élèves pourront remplir pendant ou après le diaporama.

Séance 7 (lecture) : La mystérieuse résurrection de Lazare.

Objectifs- Découvrir un genre littéraire médiéval : le mystère (lecture)

13. Matthieu XXV, 40 : « Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites. »

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- Montrer aux élèves l’adaptation d’un thème religieux célèbre dans le théâtre médiéval (lecture)- Distinguer la ponctuation du dialogue dans un texte narratif et dans un texte théâtral (grammaire - introduction de la séance 10).

Support• Document élève – La Mystérieuse résurrection de Lazare (document Word)

N.B. Les deux textes ne font pas l’objet d’une lecture analytique. En revanche, on s’en servira pour observer des faits de langue (ponctuation du dialogue)

Cette séance est optionnelle dans la séquence. Si le professeur fait le choix de ne pas la traiter, il lui faudra enlever la question 9 du questionnaire final (Visite de la cité de l’Architecture et du Patrimoine)

Les textes pourront être donnés préalablement aux élèves pour qu’ils puissent les lire et répondre aux questions de préparation.

Leçon : La mystérieuse résurrection de Lazare

I. Les mystères médiévauxAu Moyen Age, la plupart des fidèles ne savaient pas lire. De plus, les messes étaient dites en latin, ce qui ne

facilitait pas la compréhension des foules ! Pour mieux faire comprendre aux fidèles les textes sacrés – indispensables à leur édification - certains prêtres se mirent peu à peu à mimer des scènes de la Nativité ou de la Passion du Christ lors des grandes fêtes religieuses de Noël et de Pâques. Ces premiers jeux dramatiques se développèrent jusqu’à donner naissance au XVe siècle aux premiers mystères médiévaux, joués sur les parvis des églises ou des cathédrales. Ces pièces de théâtre destinées à faire revivre l’histoire sainte étaient très longues : elles pouvaient compter jusqu’à 60 000 vers, avec 500 personnages, et leur représentation pouvait durer plusieurs jours !

Les mystères étaient joués sur de gigantesques scènes construites pour l’occasion, constituées de différentes « mansions » représentant par exemple le Paradis ou la gueule de l’Enfer…

Mystère de la Passion (Valenciennes, 1547). D’après la miniature d’H. Cailleaux,

Document à distribuer aux élèves ↑II. Une version à la fois fidèle et personnelle de l’Évangile

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Arnoul Gréban, lorsqu’il a écrit le Mystère de la Passion (1452) raconte l’ensemble de la vie de Jésus d’après les Evangile. Lorsqu’on compare la résurrection de Lazare racontée par Saint Jean (Texte A) et sa version (Texte B – Scène 1), on se rend compte qu’il est resté très proche du texte sacré, en l’adaptant en version théâtrale. L’auteur médiéval s’est toutefois permis quelques libertés : il rajoute par exemple une petite conversation entre les gens du peuple qui accompagnent Jésus et se disputent en ôtant la pierre qui ferme le tombeau de Lazare (l.19-34) Ces intermèdes permettaient de donner une petite touche humoristique et un peu de légèreté aux scènes évangéliques, souvent très longues et très morales…De manière générale, le public médiéval est assez anxieux de ce qui se passe après la mort. Arnoul Gréban s’intéresse donc aussi à ce qui n’est pas raconté dans l’Evangile : ce qu’a vu Lazare « de l’autre côté », en enfer (l.51). Cela lui permet d’introduire une scène infernale (Scène 2), introduite par un bruit de tonnerre (l.1) : Lucifer, le roi de l’enfer, y apparaît entouré de plusieurs démons majeurs : Belzébuth14, Astaroth15, et Cerbère16. Le Diable est furieux de voir lui échapper l’âme de Lazare et ordonne au gardien des enfers de mieux en garder la porte !Ces scènes infernales avaient beaucoup de succès : les personnages des démons, grossiers, râleurs et imbéciles, avec leurs réflexions familières (« C’est Jésus qui nous a mijoté ce bouillon. » - l.16, 17), faisaient davantage rire le public que les personnages saints, un peu trop ennuyeux et « bienpensants ». Au fur et à mesure, les intermèdes diaboliques grossiront et deviendront de plus en plus burlesques. Suite à certains débordements obscènes, les représentations de mystères finiront d’ailleurs par être totalement interdites au milieu du XVIe siècle. On retrouve toutefois l’esprit comique apparu avec les diables farceurs des mystères dans les farces médiévales (courtes pièces de théâtre à sujet profane – c'est-à-dire « non religieux »).

Prolongement possibles• Découvrir d’autres versions littéraires de la résurrection de Lazare :- Première rencontre du Christ avec le tombeau, Victor Hugo (La légende des siècles – 1859)- La Résurrection de Lazare, Dario Fo (Mystère Bouffe – 1969)• Analyse du tableau La résurrection de Lazare de Jean de Flandres (1500-1510 ?), Musée du Prado, Madrid.

Séance 8 (lecture) : Mieux vaut s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints…

Objectifs- Analyser les procédés comiques utilisés dans un fabliau (lecture)- Repérer la visée argumentative d’un texte (grammaire – introduction de la séance 12)

Support• Document élève : Le vilain qui gagna le Paradis en plaidant (document Word)

On demandera aux élèves de faire des recherches préparatoires sur le sens du verbe plaider, mais aussi sur trois grands saints chrétiens : Saint Pierre, Saint Thomas et Saint Paul (voir

14. Belzébuth : du phénicien Baal Zebub, « le seigneur des mouches ». C’est le démon de la gourmandise.15. Astaroth : déformation probable du nom de la déesse assyro-babylonienne Astarté. C’est le démon « trésorier » de l’enfer.16. Cerbère est chien tricéphale monstrueux qui garde les enfers dans la mythologie grecque. Son nom a été tout naturellement associé au démon qui garde la porte de l’Enfer.

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le document élève) avant de lire le texte avec eux en classe et de leur demander de répondre aux questions.

Correction des recherches préparatoires

1. a. Plaider : défendre une cause devant des juges. b. Un nom féminin de la même famille : une plaidoirie. Antonymes : une accusation, un réquisitoire. c. Les professionnels qui font le métier de plaider sont les avocats. Ils plaident généralement dans un tribunal.

2. a. Saint Pierre est l’un des douze apôtres de Jésus. Son nom latin Pétrus signifie « pierre », « rocher ». Ce saint est traditionnellement représenté avec des clés car c’est le gardien du paradis. Il est considéré comme le fondateur de l’Eglise catholique chrétienne, puisque Jésus lui a déclaré « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église. » (Matthieu XVI, 18). Au moment de la Cène (le dernier repas du Christ), Jésus annonce à Pierre qu’il l’aura renié trois fois « avant que le coq chante » (Matthieu XXVI, 34). Après l’arrestation de Jésus dans la nuit, Pierre est reconnu trois fois comme un de ses disciples. Effrayé, il répondra trois fois « Je ne connais pas cet homme. » (Matthieu XXVI, 69-75) b. Saint Thomas est aussi l’un des douze apôtres. Comme il n’était pas là le jour de la résurrection de Jésus, il refusa d’y croire : « Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. » (Matthieu XX, 25). Jésus dut lui apparaître ressuscité et lui faire toucher ses plaies pour le convaincre. c. Saint Paul (ou Paul de Tarse) n’est pas l’un des douze apôtres, il s’est converti au christianisme bien après la mort de Jésus. Avant cela, il persécutait les chrétiens et les faisait tuer : il a ainsi participé au meurtre de Saint Etienne, qui fut lapidé (tué à coup de pierres) hors de Jérusalem. Mais le Christ apparut un jour à Paul sur la route de Damas, lui disant : « Pourquoi me persécutes-tu ? ». Paul resta trois jours aveugle avant d’être guéri par un certain Ananias, disciple de Jésus : « Au même instant, il tomba de ses yeux comme des écailles, et il recouvra la vue. Il se leva, et fut baptisé. » (Actes des Apôtres IX, 18)

Leçon : Mieux vaut s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints…

I. Un détournement humoristique du Jugement Dernier

L’âme dont parle le fabliau échappe à la règle commune : elle n’est pas recueillie à la mort du vilain par un ange ou par un démon. Par conséquent, elle doit trouver son chemin toute seule ! Voyant passer l’ange Michel, l’âme du vilain décide de le suivre et pénètre à sa suite dans le Paradis.Saint Pierre, l’apercevant s’offusque de voir entrer un vilain dans le sanctuaire céleste : « Nous n’avons que faire d’un vilain ; un vilain n’a rien à faire ici ! » (l.9, 10) Apparemment, les vilains n’étaient pas mieux accueillis au ciel qu’en enfer ! (voir le fabliau Le Pet du Vilain de Rutebeuf)L’âme n’a cependant pas l’intention de se laisser faire : elle retourne contre lui l’insulte de Saint Pierre (qui le traitait de vilain, de « paysan ») en jouant sur la polysémie du mot (qui peut aussi déjà avoir un sens moral au Moyen-âge : « mauvais », « vil », « méchant ») : « Plus vilain que vous n’y peut être ! »L’auteur joue ici sur l’inversion des rôles : ce sont normalement les âmes (souvent terrifiées) qui sont jugées par Saint Pierre, et pas l’inverse ! Le culot de l’âme du vilain provoque un décalage comique.

II. Un discours argumentatif insolent

Trois saints illustres (St Pierre, St Thomas et St Paul) vont essayer de chasser l’âme du vilain du paradis, mais celle-ci va systématiquement leur tenir tête en les couvrant de honte. En effet, le vilain va s’employer à démontrer que leurs âmes sont pires que la sienne, et qu’il mérite donc davantage le Paradis qu’eux !

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Pour cela, il va utiliser des arguments tirés des Saintes écritures, en rappelant les épisodes les moins glorieux de la vie des saints :1. Saint Pierre a trahi Jésus en le reniant trois fois (l.13, 14) → il ne mérite pas de garder les clés du paradis. (l.15) argument conclusion / accusation2. Saint Thomas a refusé de croire en la résurrection (l.24, 25) → c’est un mécréant, un «   mauvais croyant   » (l.26) argument conclusion / accusation3. Saint Paul a persécuté et tué les chrétiens (l.33, 55) → c’est un tyran, il n’y aura jamais pire que lui au paradis (l.32) argument conclusion / accusationLes trois premiers discours du vilain sont des réquisitoires : il accuse les saints comme pourrait le faire un avocat lors d’un procès.

De plus, le vilain s’adresse aux saints avec une familiarité insolente : 1. Saint Pierre : Jeu de mot sur son nom (« Vous fûtes plus dur que la pierre. »  - l.12) et passage au tutoiement : « Tu n'as ni sens ni loyauté. » (l.15, 16)2. Saint Thomas : « Vous êtes vain de répondre comme un légiste. » (l.22, 23) → Vous ne devriez pas trop accuser les autres.3. Saint Paul : « dom Paul le chauve » (l.31, 32) et l’expression « Du marché conclu dans la paume, vous devez encore le vin » (l. 36) qui signifie que Paul est encore redevable à Dieu de tous les crimes qu’il a commis.

Le dernier discours du vilain (l.46-57) n’est pas un réquisitoire mais une plaidoirie adressée directement à Dieu lui-même : le vilain ne cherche plus à accuser mais à défendre son âme pour lui gagner le paradis. - Argument 1 : Contrairement aux saints précédents, il n’a jamais renié le Christ ni tué de chrétiens. (l.47, 48)- Argument 2 : Le vilain a mené une bonne vie, il a fait preuve de générosité en aidant les pauvres. (l.49-53)- Argument 3 : Il s’est confessé avant de mourir et a reçu l’absolution, ses péchés sont donc pardonnés (l.54, 55)- Argument 4 : Dieu a déclaré que personne ne sortirait du paradis une fois entré ; comme le vilain y est déjà, il ne veut pas le « faire mentir ».On notera le caractère irrévérencieux du dernier argument, le vilain retournant ce qu’a dit Dieu à son avantage. Il sous-entend en effet que Dieu sera un menteur s’il le chasse : si le vilain veut rester, c’est presque pour lui rendre service et ne pas le mettre en porte-à-faux !

Conclusion : Dieu finit par accorder le paradis au vilain, concluant à juste titre que ce dernier a « l’art d’user de sa langue » (l.58). On pourrait imaginer que le vilain est un héros positif dans ce fabliau. Ce n’est pourtant pas ce que laisse entendre la conclusion de l’auteur médiéval : la ruse du vilain, loin d’être louée, est associée à une « rouerie » (l.60) et à un « tort » (l.61), deux mots à forte connotation péjorative. Malgré son exploit, le vilain reste un être malhonnête dans l’esprit du Moyen-âge… mais c’est en même temps pour cela qu’il est aussi drôle !

En conclusion, on peut également demander aux élèves de rechercher le sens du proverbe français utilisé comme titre de la séance, et d’expliquer pourquoi il est approprié à ce fabliau.

Séance 9 (histoire de l’art) : Le tympan de l’église Sainte-Foy de Conques.

Objectifs- Approfondir l’analyse d’un tympan médiéval roman représentant le « Jugement dernier » : composition, registres (supérieur, médian et inférieur), fonction des phylactères, etc. (histoire de l’art)- Faire le lien avec les textes littéraires : distinguer l’inspiration des textes canoniques des représentations religieuses populaires – comme la pesée des âmes (lecture / histoire de l’art)

Supports

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• Fiche élève - Analyse du tympan de l’abbaye Sainte-Foy de Conques (document Word)• Diaporama - Analyse du tympan de l’abbaye Sainte-Foy de Conques (présentation Powerpoint)

Le document distribué aux élèves est une fiche lacunaire sur la composition du tympan, que les élèves pourront remplir pendant ou après le diaporama.

Prolongement interdisciplinaire proposé (avec le professeur d’arts plastiques) : Dessiner un tympan d’église.

Séance 10 (lecture) : Du fabliau à la farce…

Objectifs - Réviser le schéma narratif (lecture) qui peut s’avérer utile pour l’écriture de récits ultérieurs.- Montrer la filiation du fabliau avec un autre genre littéraire médiéval : la farce (lecture)- Repérer des verbes introducteurs de parole (grammaire - introduction de la séance 10).- Transformer un récit en dialogue théâtral (lecture / écriture)- Jouer en classe une adaptation théâtrale de fabliau (expression orale – récitation)

Support• Document élève : Saint Pierre et le jongleur (document Word)

Leçon : Du fabliau à la farce…

I. Structure du fabliau

• Le fabliau était destiné à être récité par des jongleurs devant un public. Le jongleur intervient donc parfois dans son texte pour faire des commentaires (« je ne sais pourquoi » - l.2) ou s’adresser directement aux spectateurs pour raviver leur attention (« Allez vérifier vous-mêmes si vous ne me croyez pas. » - l.146, 147).• Trois lieux sont évoqués dans ce fabliau : l’un réel (la ville de Sens en Bourgogne) et les deux autres imaginaires (l’enfer et le paradis). Ce n’est cependant pas la réalité qui intéresse l’auteur. Si l’action se déroule essentiellement en enfer (où le jongleur a échoué après sa vie de péché), l’intrigue du fabliau repose surtout sur la tension qui existe entre le monde des démons et la cité céleste de Dieu. Si on transposait ce fabliau au théâtre, on pourrait le jouer sur une scène de mystère médiéval, avec les mansions représentant l’enfer et le paradis placées aux deux extrémités (voir la leçon sur La résurrection de Lazare).• La structure du fabliau correspond à un schéma narratif très simple :- Situation initiale : le jongleur vit dans le péché et la pauvreté, car il s’adonne à son vice : le jeu.- Élément perturbateur : il meurt et son âme est envoyée en enfer.- Péripétie 1 : Lucifer lui confie les âmes des damnés le temps de son absence.- Péripétie 2 : Saint Pierre déguisé en mendiant joue aux dés avec le jongleur et gagne toutes les âmes toutes les âmes de l’enfer.- Élément de résolution : Lucifer furieux chasse de l’enfer le jongleur, qui est accueilli au paradis par Saint Pierre.- Situation finale : Le jongleur est heureux au paradis et grâce à lui, plus aucun de ses collègues ne peut aller en enfer !

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Page 13: Séquence 3 - Académie de Créteillettres.ac-creteil.fr/IMG/file/Diable_bon_Dieu/2_Sequence_detaillee.…  · Web viewLe thème de la pesée des âmes (ou psychostasie) n’est

II. Des personnages truculents

• Dans le premier paragraphe, le jongleur est présenté comme un « pauvre diable », tellement malheureux au jeu qu’il n’a jamais rien à se mettre sur le dos. Certes, c’est un pécheur, mais il attire la sympathie du public. Finalement, son arrivée en enfer se passe moins mal que prévu : il n’est pas jeté dans la chaudière comme les autres damnés, mais chargé d’en entretenir le feu… Au moins, il peut se chauffer à son aise ! Néanmoins, son vice ne l’a pas quitté : il est incapable de résister au jeu et n’oppose que très peu de résistance à Saint Pierre qui lui propose de jouer…• Les démons sont encore une fois présentés comme des êtres grotesques et ridicules. Le diable qui a ramené le jongleur est un « imbécile » incapable de « gagner des âmes » (l.31). Lucifer fonctionne d’après un système de valeurs complètement perverti : il propose de récompenser le jongleur en lui faisant rôtir « un damné à la sauce au vin » (l.60) - plat qui ne peut ravir qu’un démon ! Lorsqu’il constate la disparition de ses âmes, au lieu de s’en prendre au véritable fautif, il fait punir le diable qui a ramené l’âme du jongleur en le faisant « rouer de coups » (l.130). Mieux, il récompense indirectement le responsable en le chassant de l’enfer ! (l.133)• Saint Pierre est sans doute le personnage le plus étonnant de ce fabliau : il se présente à la porte de l’enfer « déguisé en mendiant, la barbe toute sale, vêtu de guenilles affreuses » (l.65, 66), rappelant un peu les dieux de la mythologie grecque (comme Zeus et Hermès dans « Philémon et Baucis » des Métamorphoses d’Ovide) ou Ulysse revenant à Ithaque (dans l’Odyssée d’Homère). Il profite sans scrupule de la faiblesse du jongleur en profitant de sa faiblesse pour le tenter… un peu comme le diable ! (l.68-72) Enfin, il n’hésite pas à forcer la chance en trichant (l.95). Certes, il agit ainsi pour la bonne cause, mais c’est plutôt surprenant de la part d’un saint !L’auteur joue encore une fois de plus sur le décalage comique entre la représentation traditionnelle des grandes figures religieuses que sont St Pierre et le diable, et les personnages qu’il dépeint dans son fabliau, à la fois plus absurdes et plus « humains ».

III. L’artiste salvateur

Comme dans le Pet du vilain de Rutebeuf, l’auteur donne à son fabliau une fausse fonction étiologique religieuse, en expliquant pourquoi désormais les jongleurs ne peuvent plus aller en enfer. Contrairement au vilain dans le Vilain qui gagna le paradis en plaidant, le jongleur de ce fabliau est un héros positif. Paradoxalement, c’est grâce à son péché (son incurable goût pour le jeu) que toutes les âmes de l’enfer sont sauvées ! On n’est finalement pas si loin de la figure christique… On peut supposer que l’auteur du fabliau – probablement jongleur lui-même – a voulu revaloriser l’image des artistes, souvent méprisés au Moyen-âge (et en particulier par l’Eglise) et transmettre un message de joie et de liberté à tous ses pairs : qu’ils chantent désormais à leur gré « il n’y a plus d’enfer pour eux » ! (l.144, 145)______________________L’exercice de récriture du passage a pour double objectif :

- de faire un rappel sur la ponctuation du dialogue et les verbes introducteurs de paroles (introduction de la séance 11)

- de montrer aux élèves que les fabliaux – genre littéraire très « oral » – sont très facilement adaptables au théâtre. Voilà sans doute pourquoi les farces de la fin du Moyen-âge (courtes pièces de théâtre à caractère comique) réemploieront souvent les schémas narratifs simples des fabliaux (l’intrigue du Pet du Vilain par exemple reparaît dans la farce du Meunier dont le diable emporte l’âme en enfer).

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Prolongement proposé Apprendre, mettre en scène et jouer en classe une version théâtrale de Saint Pierre et le jongleur (deux versions proposées : l’une en vers, l’une en prose – voir prolongements)

Séance 11 (étude de la langue - grammaire) : Le discours direct.

ObjectifsConnaître les caractéristiques des paroles rapportées directement :- la ponctuation du dialogue.- les verbes introducteurs de parole.- les propositions incises.

SupportLaissé à l’appréciation du professeur.

Là encore, cette séance de grammaire n’a volontairement pas été développée. Nous renvoyons le professeur aux instructions officielles et aux activités proposées dans la plupart des manuels de 5ème.

Séance 12 (expression écrite) : Écrire un fabliau sur le diable et le bon Dieu.

ObjectifsRéinvestir les connaissances acquises au cours de la séquence :- Écrire une histoire se déroulant dans un contexte médiéval.- Savoir intégrer dans un récit un dialogue au discours direct (séance 11)- Produire un court texte à visée argumentative (séance 8)

Avant de leur donner le sujet de la rédaction, on pourra demander aux élèves de faire des recherches sur les prénoms médiévaux masculins (on en trouve facilement des listes sur Internet) afin de choisir le nom de leur personnage principal.

Sujet de rédactionUn vilain est tenté de faire une grosse bêtise… Alors qu’il s’apprête à la commettre, un ange et un démon lui apparaissent ! Le premier tente de convaincre le vilain de résister à la tentation, tandis que le second cherche au contraire à le pousser à la faute.Racontez cette histoire en y intégrant un dialogue au discours direct, qui exposera les arguments de l’ange et du démon. Vous n’oublierez pas de préciser à la fin de votre récit la décision prise par le vilain, et la réaction de l’ange et du démon…

Consignes- Donnez un nom à votre vilain et imaginez la « grosse bêtise » qu’il pourrait avoir envie de commettre. Pensez que l’action se déroule au Moyen Age !- Racontez l’apparition de l’ange et du démon, en les décrivant rapidement.- L’ange et le démon devront donner au moins deux arguments chacun pour tenter de convaincre le vilain.

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- Lorsque vous faites parler les personnages, respectez la ponctuation du dialogue et utilisez des verbes introducteurs de paroles variés.

Séance 13 (histoire de l’art) : Visite du musée de l’Architecture et du patrimoine.

ObjectifÉvaluation finale : Remplit un questionnaire en équipe sur les différentes œuvres présentées dans la galerie des moulages.

Support• Questionnaire : Visite de la cité de l’Architecture et du Patrimoine (document Word)

Renseignements pratiquesCité de l’Architecture et du Patrimoine

Accès entrée principale1, place du Trocadéro et du 11 novembre 75116 ParisStandard téléphonique : +33(0)1 58 51 52 00Contact email : http://www.citechaillot.fr/contact.php

La visite libre de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine peut s’effectuer gratuitement avec la classe (gratuité pour les moins de 18 ans et pour les enseignants sur présentation du Pass Éducation).

La réservation est obligatoire pour les groupes, au moins un mois avant le jour de la visite.Formulaire de réservation à imprimer : http://www.citechaillot.fr/data/informationspratiques/informationspratiques_categorie/16/fichier/bulletinprereservationscolaires_70d14.pdfFormulaire de réservation à remplir en ligne :http://www.citechaillot.fr/formulaires/pre-reservation_scolaires.php

Les demandes sont à adresser :- par mail à [email protected] - ou par fax au +33(0)1 58 51 52 20.

Renseignements pour les groupes :+33(0)1 58 51 50 19 (de 11h à 13h et de 15h à 17h du lundi au vendredi)

La cité de l’Architecture et du Patrimoine propose également des visites animées ou des visites ateliers pour les groupes scolaires : dans ce cas, les visites sont bien sûr payantes.

Le questionnaire – même s’il s’agit d’une évaluation finale – n’a pas été conçu pour être noté (même s’il peut être adapté par le professeur dans cet optique). Chaque bonne réponse rapporte un ou deux points à l’équipe, et celle qui amasse le plus de points remporte la partie. La récompense accordée à l’équipe victorieuse est laissée à l’appréciation du professeur.

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S’il reste un peu de temps, le professeur peut emmener les élèves dans la Galerie des peintures murales (niveaux 2 de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine) pour leur faire découvrir d’autres œuvres intéressantes :

- Coupole de la Cathédrale Saint-Etienne – CAHORS (1316-1324) : la lapidation de St Etienne (au centre de la coupole)

- Église Saint-Martin - NOHANT-VIC (début XIIe) : le Christ en majesté, la crucifixion de Saint Pierre, le baiser de Judas, le vol des reliques de St Martin par des moines.

- Chapelle Notre-Dame-des-Fontaines – LA BRIGUE (fin du XVe siècle) : Scènes de la passion du Christ (trahison de Judas, reniement de St Pierre, présentation devant Pilate, crucifixion du Christ, pendaison de Judas).

- Église Saint-Victor et Sainte Couronne – ENNEZAT (vers 1450) : Jugement Dernier (Jérusalem céleste, archange St Michel, Léviathan)

- Église Saint-Autremoine –ISSOIRE (fin XVe siècle) : Jugement Dernier (résurrection des morts, enfer)

- Cathédrale Sainte-Cécile – ALBI (1496-1500) : magnifique fresque représentant le Jugement Dernier et le sort des damnés (les envieux, les avaricieux, les gloutons).

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